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T-7785-82
Brian Reuben Starr (requérant) c.
Commission nationale des libérations condition- nelles (intimée)
Division de première instance, juge suppléant Nitikman—Winnipeg, 4 novembre et 2 décembre 1982.
Libération conditionnelle Mise en liberté du requérant sur autorisation d'absence temporaire vu la prise d'effet de la libération sous surveillance obligatoire un dimanche Perpé- tration d'infractions criminelles avant que la libération sous surveillance obligatoire ne prenne effet Révocation par la Commission nationale des libérations conditionnelles de la libération sous surveillance obligatoire Incompétence de la Commission Annulation de la décision par certiorari Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-6, art. 6 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 23), 10(1)e), 15(2), 16(1) (mod. idem, art. 29).
Le requérant a été mis en liberté le 5 mars 1982 sur autorisation d'absence temporaire pour des raisons administra- tives, deux jours avant la date de sa libération sous surveillance obligatoire, qui tombait un dimanche. Il fut subséquemment reconnu coupable d'avoir commis certaines infractions les 5 et 6 mars et condamné à une peine supplémentaire d'un an. La Commission nationale des libérations conditionnelles a révoqué la libération sous surveillance obligatoire du requérant sans réattribution des remises de peine. Le requérant demande un certiorari vu que la libération sous surveillance obligatoire ne pouvait être révoquée alors qu'il n'avait pas été libéré sous surveillance obligatoire ou que la Commission a tenu compte de considérations non pertinentes: le comportement du requérant au cours d'une absence temporaire.
Jugement: Le certiorari est accordé et la décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles, annulée. Le requérant ne violait pas sa libération sous surveillance obligatoire lorsque les infractions ont été perpétrées. Il n'a jamais non plus été libéré sous surveillance obligatoire puisqu'il a été en détention depuis le moment de son arrestation, soit un jour avant que ladite libération ne prenne effet. Il n'est pas non plus devenu un «détenu libéré sous condition» le 7 mars 1982 et sa libération conditionnelle ne pouvait donc être révoquée aux termes de l'article 6 et de l'alinéa 10(1)e) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus.
AVOCATS:
Judy Elliot pour le requérant. T. K. Tax pour l'intimée.
PROCUREURS:
Legal Aid Manitoba, Ellen Street Commu nity Legal Services, Winnipeg, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT NITIKMAN: Le 4 mars 1982, le requérant obtenait un permis d'absence temporaire sans escorte du pénitencier de la Sas- katchewan à Prince Albert, (Saskatchewan) pre- nant effet le 5 mars 1982. La date de libération sous surveillance obligatoire du requérant tombait un dimanche, le 7 mars 1982, selon l'affidavit de Robert Gillies, fonctionnaire en la ville de Saska- toon (Saskatchewan) et commissaire principal de la Commission intimée pour la région des Prairies. Voici ce qu'il dit dans sa déposition:
[TRADUCTION] 3. Normalement, lorsque la date de la libéra- tion sous surveillance obligatoire d'un détenu tombe pendant une fin de semaine ou un jour férié, une autorisation d'absence temporaire sans escorte est délivrée pour faciliter sa mise en liberté un jour ou deux plus tôt, pour des raisons administrati- ves. Dans le cas qui nous occupe, la date de la libération sous surveillance obligatoire du requérant tombait le dimanche 7 mars 1982 et c'est pour cette seule et unique raison qu'une autorisation d'absence temporaire sans escorte, prenant effet le vendredi 5 mars 1982, lui a été délivrée.
De plus, le 5 mars 1982, le requérant obtint un certificat de libération sous surveillance obligatoire prenant effet le 7 mars 1982. En voici un extrait:
[TRADUCTION] La présente atteste que Brian Starr, qui a purgé une peine d'emprisonnement au pénitencier de la Saskat- chewan, a été libéré sous surveillance obligatoire le 7 mars 1982.
Comme le lui enjoignait le certificat de libéra- tion sous surveillance obligatoire, le requérant s'est rendu à Regina (Saskatchewan) et, le 5 mars, s'est présenté devant le surveillant des libérés condition- nels. Dans les heures qui suivirent son arrivée à Regina, le requérant fut impliqué dans de nouvel- les infractions criminelles et fut, le même jour, arrêté et accusé d'intrusion illicite. Il fut mis sous arrêt, sa demande de cautionnement ayant été refusée. Il plaida coupable et, le 19 mars 1982, fut condamné à 15 jours de prison. La veille de sa libération, il fut inculpé de deux entrées par effrac- tion, le 6 mars, dans des maisons d'habitation de Regina et, le 25 mars 1982, il fut condamné à une peine d'un an, à purger au pénitencier fédéral de la Saskatchewan, à Prince Albert (Saskatchewan) consécutivement à la peine qu'il purgeait déjà.
L'affidavit de Gillies décrit la procédure qui a suivi cette condamnation du 25 mars:
[TRADUCTION] 7. Étant donné que le requérant était arrêté, à la fois en vertu des nouvelles accusations retenues contre lui et des mandats de dépôt mentionnés à l'alinéa 6 des présentes [Mandats de dépôt découlant des condamnations précitées], aucun mandat d'arrestation et de suspension de libération conditionnelle, aux termes du paragraphe 16(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, n'a été lancé. Toutefois les agents de libération conditionnelle de Regina (Saskatchewan) ont déféré le cas de l'appelant à la Commission nationale des libérations conditionnelles en raison de la récidive du requérant. L'affaire a été déférée à la Commission pour qu'elle décide s'il y avait lieu de révoquer la libération sous surveillance obliga- toire du requérant et, dans l'affirmative, de réattribuer les remises de peine perdues.
8. Le 5 avril 1982, la Commission nationale des libérations conditionnelles, saisie du cas du requérant, demandait que les agents de libération conditionnelle de Regina (Saskatchewan) consultent le requérant pour savoir s'il désirait ou non une audience avant que la Commission ne prenne la décision men- tionnée à l'alinéa 7 ci-dessus.
9. Le 6 avril 1982, le requérant demandait une audience avant qu'une décision ne soit prise au sujet de la révocation éventuelle de sa libération sous surveillance obligatoire et renonçait à son droit au préavis de quatorze (14) jours. L'affaire devait être instruite, en même temps que d'autres, par la Commission nationale des libérations conditionnelles, en mai 1982, !'éta- blissement de Stony Mountain. Est annexée à mon affidavit sous la cote «E», la copie de la demande d'audience du requé- rant, en date du 6 avril 1982.
10. Le 12 mai 1982, le requérant comparaissait devant la Commission nationale des libérations conditionnelles à l'établis- sement de Stony Mountain. Les commissaires présents étaient Dorothy Betz et Robert Gillies. Le requérant renonça à son droit à un défenseur de son choix et les commissaires lui firent alors part de l'ensemble du dossier le concernant. Décision fut prise d'ajourner ou de prendre l'affaire en délibéré en attendant un avis juridique à ce sujet. Le requérant déclara qu'il deman- dait à être entendu de nouveau lorsque les membres de la Commission auraient obtenu les renseignements qu'ils deman- daient.
11. Le 8 juillet 1982, la Commission nationale des libérations conditionnelles reprit l'audience relative au requérant à l'éta- blissement de Stony Mountain. Les commissaires alors présents étaient Ken Howland et Mike Maccagno. Après avoir entendu le requérant et pris connaissance de tous les faits et circons- tances de l'affaire, les commissaires décidèrent de révoquer la libération sous surveillance obligatoire du requérant, sans réat- tribution des remises de peine ....
Le requérant demande:
[TRADUCTION] ... que soit évoquée devant la Cour la décision du 8 juillet 1982 de l'intimée, la Commission nationale des libérations conditionnelles, par laquelle ladite intimée prétend révoquer la libération sous surveillance obligatoire du requé- rant, ainsi que de tout le dossier constitué à cet égard, dont toutes les pièces littérales, afin d'annuler ladite décision sur le fondement des motifs suivants:
1. l'incompétence quant à la révocation d'une libération sous surveillance obligatoire et les erreurs de droit manifestes sur examen du dossier;
2. l'erreur de droit et l'excès de pouvoir de l'intimée, la Com mission nationale des libérations conditionnelles, qui prétend révoquer la libération sous surveillance obligatoire du requé- rant, alors que celui-ci n'a jamais été libéré sous surveillance obligatoire;
3. subsidiairement au deuxième moyen, l'excès de pouvoir de l'intimée, la Commission nationale des libérations conditionnel- les, pour avoir tenu compte de considérations non pertinentes, en l'occurrence le comportement du requérant au cours d'une absence temporaire, alors qu'elle devait se prononcer sur la révocation de sa libération sous surveillance obligatoire;
Tout autre moyen que le dossier révélerait, que les avocats feraient valoir et auquel la Cour ferait droit.
Comme l'énoncent les pièces déjà mentionnées, les 5 et 6 mars 1982, avant d'être arrêté, le requé- rant jouissait d'une autorisation d'absence tempo- raire sans escorte. Son autorisation de libération sous surveillance obligatoire ne devait prendre effet que le 7 mars.
Les infractions dont le requérant a été reconnu coupable ont été perpétrées le 6 mars, alors qu'il était assujetti audit permis d'absence temporaire. Il a été arrêté le même jour et, s'étant vu refuser tout cautionnement, a été détenu jusqu'à son retour au pénitencier de la Saskatchewan, à Prince Albert, en exécution des mandats de dépôt lancés dès sa condamnation pour le délit d'effraction commis le 6 mars, tel que mentionné.
Deux conséquences en résultent: le requérant a commis les infractions en cause alors qu'il jouissait d'un permis d'absence temporaire sans escorte. Il n'a pas violé sa libération sous surve-i lance obliga- toire puisqu'il n'était pas libéré sous surveillance obligatoire lorsque les infractions ont été perpé- trées. Il n'était pas non plus en libération conditionnelle.
L'avocat du requérant a qualifié l'absence tem- poraire sans escorte de privilège par opposition à la libération sous surveillance obligatoire qui est un droit. Je serais enclin à partager cette distinction. En outre, le requérant n'a jamais été libéré sous surveillance obligatoire puisque, comme je l'ai déjà dit, il a été en détention depuis le moment de son arrestation, le 6 mars, jusqu'à son retour au péni- tencier de la Saskatchewan, à Prince Albert, con- formément aux mandats de dépôt. Je conclus qu'il
n'y avait pas de libération sous surveillance obliga- toire à révoquer puisque le requérant n'avait jamais été libéré sous ce régime.
L'avocat de l'intimée a cité les article et alinéa 6
et 10(1)e) de la Loi sur la libération condition- nelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, que voici:
6. Sous réserve de la présente loi, de la Loi sur les péniten- ciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, la Commission est exclusivement compétente et a entière discré- tion pour accorder ou refuser d'accorder une libération condi- tionnelle ou une absence temporaire sans escorte en vertu de la Loi sur les pénitenciers et pour révoquer une libération condi- tionnelle ou mettre fin à une libération conditionnelle de jour.
10. (1) La Commission peut
e) à sa discrétion, révoquer la libération conditionnelle de tout détenu à liberté conditionnelle autre qu'un détenu à liberté conditionnelle qui a été relevé des obligations de la libération conditionnelle, ou révoquer la libération condition- nelle de toute personne qui est sous garde en conformité d'un mandat délivré en vertu de l'article 16 nonobstant l'expira- tion de sa condamnation.
Et dans son exposé écrit, résumant sa plaidoirie, procédure que j'ai exigée des avocats des deux parties, il dit notamment:
[TRADUCTION] 9. Selon l'intimée, la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, notamment ses article et alinéa 6 et 10(1)e), est parfaitement claire en ce qui concerne la révoca- tion de la libération conditionnelle d'un détenu. Il est évident que la Commission détient le pouvoir et la compétence de révoquer la libération conditionnelle de tout détenu assujetti aux conditions d'une libération conditionnelle ou sous surveil lance obligatoire. Dès le 7 mars 1982, le requérant devenait un «détenu libéré sous condition" et n'aurait pas été incarcéré en raison de sa condamnation mais en raison des actes commis par lui, en l'occurrence des infractions criminelles, dans les heures qui ont suivi son élargissement du pénitencier de la Saskatchewan.
Je ne saurais convenir que le 7 mars 1982 le requérant est devenu un «détenu libéré sous condi tion» même si je tiens compte des dispositions suivantes du paragraphe 15(2) de la Loi:
15. ...
(2) L'alinéa 10(1)e), l'article 11, l'article 13 et les articles 16 à 21 s'appliquent à un détenu qui est assujetti à la surveillance obligatoire comme s'il était un détenu à liberté conditionnelle en libération conditionnelle et comme si les modalités de sa surveillance obligatoire étaient des modalités de sa libération conditionnelle.
En conséquence, je conclus que la Commission n'avait pas compétence pour révoquer la libération
sous surveillance obligatoire du requérant, sans réattribution des remises de peine, et que son ordonnance ne saurait demeurer. Je statue en ce sens même au vu du paragraphe 16(1) [mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 29], que voici:
16. (1) Un membre de la Commission ou la personne que le président désigne à cette fin, en cas de violation des modalités d'une libération conditionnelle ou lorsqu'il est convaincu qu'il est souhaitable sinon nécessaire d'agir ainsi pour empêcher une telle violation ou pour protéger la société, peut, par mandat écrit signé de sa main,
a) suspendre toute libération conditionnelle aux obligations de laquelle le détenu est encore assujetti;
b) autoriser l'arrestation d'un détenu en liberté condition- nelle; et
c) renvoyer un détenu en détention jusqu'à ce que la suspen sion soit annulée ou sa liberté conditionnelle révoquée.
Cet article porte sur la suspension d'une libération conditionnelle et l'arrestation d'un libéré condi- tionnel et, à mon avis, n'est aucunement applicable en l'espèce.
J'ordonne donc le lancement d'un certiorari évo- quant devant la Cour la révocation, par la Com mission nationale des libérations conditionnelles, de la libération sous surveillance obligatoire du requérant, sans réattribution des remises de peine. J'ordonne en outre l'annulation de ladite révoca- tion et de toute . ordonnance ou mandat en résultant.
L'avocat de l'intimée, au début de sa plaidoirie, a dit que les faits de l'espèce étaient très inhabi- tuels, voire uniques. J'en conviens et c'est pour cela que je n'allouerai pas les dépens.
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