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T-1679-83
Operation Dismantle Inc., Syndicat canadien de la Fonction publique, Syndicat des postiers du Canada, Syndicat national de la Fonction publique provinciale, Fédération du travail de l'Ontario, Arts for Peace, Association canadienne d'éduca- tion et de recherche pour la paix, Mouvement canadien pour une fédération mondiale, Alberni Valley Coalition for Nuclear Disarmament, Comox Valley Nuclear Responsibility Society, Cranbrook Citizens for Nuclear Disarmament, Peace Education Network, Windsor Coalition for Disarmament, Union of Spiritual Communities of Christ Committee for World Disarmament and Peace, Against Cruise Testing Coalition, La Voix des femmes (C.-B.), Comité national d'action sur le statut de la femme, Carman Nuclear Disarma ment Committee, Project Survival, Denman Island Peace Group, Thunder Bay Coalition for Peace and Nuclear Disarmament, Muskoka Peace Group, Global Citizens' Association, Association des médecins pour la responsabilité sociale (sec- tion de Montréal) (demandeurs)
c.
La Reine, le très honorable Premier ministre, le procureur général du Canada, le secrétaire d'État aux Affaires extérieures, le ministre de la Défense (défendeurs)
Division de première instance, juge Cattanach— Ottawa, 15 et 27 septembre 1983.
Droit constitutionnel Charte des droits Requête en radiation de la déclaration au motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action Les demandeurs sollicitent un jugement déclarant que la décision des défendeurs d'autoriser l'essai des missiles de croisière au Canada est inconstitution- nelle parce que violant les droits garantis par la Charte Les défendeurs soutiennent que cette décision a été prise par le gouvernement en vertu de son pouvoir exécutif et qu'elle n'est donc pas soumise au contrôle du judiciaire Requête rejetée En vertu de l'art. 32(1)a) de la Charte et de l'art. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, les décisions administratives du gouvernement sont soumises à la Charte L'art. 52(1) reconnaît la primauté de la Constitution du Canada et l'art. 32(1)a) prévoit l'application de la Charte au Parlement et au gouvernement du Canada Le principe de la souveraineté du Parlement et celui de la séparation des pouvoirs sont atténués dans la mesure le Parlement et le gouvernement du Canada ne peuvent violer les droits garantis par la Charte Les termes de l'art. 32(1)a) sont clairs et une décision de cette Cour selon laquelle la Charte ne devrait pas s'appliquer aux ques tions tranchées sur la base de raisons de principe équivaudrait à faire fonction de législateur Un particulier peut contester
la validité constitutionnelle d'une loi du Parlement: Thorson c. Le Procureur Général du Canada et autres, [19751 1 R.C.S. 138 L'art. 24(1) de la Charte donne à cette Cour compé- tence à l'égard de la décision contestée L'art. 1 de la Charte assujettit les droits garantis par l'art. 7 de ladite Charte à des limites raisonnables La question de savoir si une telle limitation s'applique en l'espèce en est une qu'il convient de soulever dans une défense Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 52(1) Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 7, 24(1), 32(1)a) Act of Settlement 1701, 12 & 13 Will. 3, chap. 2 Bill of Rights 1688, 1 Will. & Mar. Sess. 2,
chap. 2 Règles 302, 408, 419(1)a),c),f) de la Cour fédérale.
Les défendeurs demandent, par voie de requête, la radiation de la déclaration des demandeurs et le rejet de l'action en vertu de la Règle 4190), pour le motif que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action. Les demandeurs sollicitent, par déclaration, un jugement déclarant que la décision des défendeurs d'autoriser une puissance étrangère de procéder à l'essai des missiles de croisière au Canada est inconstitution- nelle parce que violant les droits garantis par la Charte cana- dienne des droits et libertés. Les demandeurs sollicitent égale- ment des redressements incidents sous la forme d'une injonction et de dommages-intérêts. Les défendeurs allèguent que la déci- sion d'autoriser l'essai des missiles de croisière a été prise par le gouvernement du Canada en vertu de son pouvoir exécutif, que cette décision est fondée sur des raisons de principe et d'oppor- tunité, et qu'à ce titre, elle n'est pas soumise au contrôle du judiciaire.
Jugement: la requête est rejetée. Les décisions administrati- ves du gouvernement du Canada sont soumises à la Charte en vertu du paragraphe 520) de la Loi constitutionnelle de 1982 et de l'alinéa 32(1)a) de la Charte canadienne des droits et libertés. Le paragraphe 52(1) stipule que la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada et l'alinéa 32(1)a), que la Charte s'applique au Parlement et au gouvernement du Canada. Ainsi, le principe fondamental de la Constitution non écrite du Canada qui existait jusqu'à présent et qui reconnais- sait la souveraineté du Parlement principe de droit anglais consacré lors de la destitution de Jacques II, qui a été importé au Canada et qui fait partie de la Constitution non écrite du Canada à titre de coutume—est atténué dans la mesure le Parlement et le gouvernement du Canada ne peuvent violer les droits garantis par la Charte. La décision eût-elle été prise avant la promulgation de la Charte, le tribunal aurait pu faire droit à la prétention des défendeurs. Toutefois, l'alinéa 32(1)a) de la Charte permet au Parlement de dire qu'il n'est pas souverain dans certains cas, et de déclarer que le gouvernement du Canada est également soumis à la Charte. Interpréter les termes clairs et non équivoques de l'article 32 de manière à conclure que la Charte ne devrait pas s'appliquer aux questions tranchées sur la base de raisons de principe, équivaudrait à renoncer au rôle de juge et à faire fonction de législateur. Les mots .gouvernement du Canada» à l'alinéa 32(1)a) peuvent être interprétés comme désignant le Cabinet et il appartient à ce dernier de mettre à exécution les politiques et les décisions adoptées par le gouvernement au pouvoir. Ainsi donc, l'alinéa 32(1)a) rompt la séparation absolue des pouvoirs, telle qu'elle a été reconnue par l'Act of Settlement 1701, en ce que les
décisions administratives du gouvernement du Canada sont susceptibles de contrôle judiciaire dans la mesure elles violent les droits garantis par la Charte. L'abus du pouvoir législatif est une question dont les tribunaux peuvent être saisis et un particulier peut contester la validité constitutionnelle d'une loi du Parlement: Thorson c. Le Procureur Général et autres, [1975] 1 R.C.S. 138. Le paragraphe 24(1) de la Charte confère à cette Cour compétence à l'égard de la décision attaquée et les droits qui y sont énoncés sont ceux garantis à l'article 7 de la Charte, sous réserve de < span> qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique» tel que le prévoit l'article 1 de la Charte. La question de savoir si une telle limitation s'applique en est une qu'il convient de soulever dans une défense.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Thorson c. Le Procureur Général du Canada et autres, [19751 1 R.C.S. 138.
DÉCISION APPLIQUÉE:
Rylands v. Fletcher (1866), Law Rep. 1 Ex. 265; (1868), Law Rep. 3 H.L. 330.
AVOCATS:
L. Greenspon et I. Cotler pour les deman-
deurs.
G. Garton pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Karam, Tannis, Greenspon, Vanier, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par déclaration en date du 19 juillet 1983 et déposée le 20 juillet 1983, les demandeurs à l'instance sollicitent un jugement déclarant que la décision des défendeurs, prise collectivement ou individuellement, par laquelle un accord a été conclu et une autorisation a été accordée à une puissance étrangère souveraine et alliée de procéder à l'essai des missiles de croisière dans les limites territoriales du Canada est incons- titutionnelle parce que violant les droits garantis dans l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (1R. -U.), intitulée la Loi constitu- tionnelle de 1982, et particulièrement la Charte canadienne des droits et libertés qui en constitue la Partie I.
En plus du jugement déclaratoire ainsi demandé, les demandeurs sollicitent d'autres redressements incidents qui prendraient la forme d'une injonction et de dommages-intérêts, mais la Cour n'a pas à décider à ce stade s'ils peuvent se prévaloir de ces recours.
Par avis de requête en date du 11 août 1983, les défendeurs demandent à la Cour, en vertu de la Règle 419(1), de radier la déclaration des deman- deurs et de rejeter l'action parce qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action au sens de l'ali- néa (1)a) de la Règle, qu'elle est futile et vexatoire au sens de l'alinéa (1)c) et qu'elle constitue un emploi abusif des procédures de la Cour au sens de l'alinéa (1)f).
L'argumentation des défendeurs se limitait au moyen que la déclaration ne révélait aucune cause raisonnable d'action, et cette requête en rejet de l'action vise la radiation de la totalité de la décla- ration, sans possibilité de modification.
Les deux moyens additionnels étaient accessoi- res et subordonnés au premier, et, en fait, celui-ci est le seul moyen sur lequel les défendeurs se sont appuyés. Aucun élément de preuve par voie d'affi- davit n'a été produit pour étayer ces deux moyens additionnels.
Lorsqu'on invoque l'alinéa (1)a) de la Règle 419 pour demander la radiation d'une déclaration parce qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action, aucune preuve n'est recevable à l'appui de la demande. La raison en est évidente. Les allégations de fait y contenues déterminent si la déclaration est valable ou non.
En vertu de la Règle 408, une déclaration doit contenir un exposé précis des faits essentiels sur lesquels se fonde le demandeur. La déclaration est limitée à l'articulation des faits essentiels. Elle ne doit ni avancer des conclusions de fait ou de droit, ni invoquer des éléments de preuve, ni faire des conjectures.
La règle fondamentale bien établie est qu'une déclaration ne doit pas être radiée si les allégations de fait qu'elle contient sont le moindrement sus- ceptibles de constituer un fondement de cause d'action.
Les Britanniques ne sont pas aussi dépourvus de constitution écrite qu'ils le disent, et ils ont bien une constitution, même si elle n'est pas consignée par écrit.
Un principe fondamental de la Constitution bri- tannique est la souveraineté du Parlement. Ce principe de droit anglais a été importé au Canada et fait partie de la Constitution non écrite du Canada à titre de coutume.
A l'avènement de la Confédération, le Parle- ment du Canada et les assemblées législatives des provinces sont demeurés souverains dans leur com- pétence respective.
La souveraineté du Parlement a indubitable- ment été consacrée lors de la destitution de Jac- ques II et de l'accession au trône de sa fille Mary et de Guillaume d'Orange, son époux.
Le Bill of Rights 1688, 1 Will. & Mar. Sess. 2, chap. 2, a donc tranché la question de la souverai- neté du Parlement, et on considère l'Act of Settle ment 1701, 12 & 13 Will. 3, chap. 2, aussi comme le fondement de la séparation des pouvoirs des trois branches du gouvernement.
Ces trois branches sont les suivantes:
(1) le législatif, dont la fonction primordiale consiste à adopter ou à modifier les lois; c'est le souverain qui agit en Parlement;
(2) l'exécutif, dont la fonction première est d'assurer la bonne marche du gouvernement; et
(3) le judiciaire, qui interprète la loi, dans le cadre de l'examen de litiges entre plaideurs en constatant des faits et en appliquant la loi et les règles juridiques aux faits ainsi constatés.
L'argument fondamental invoqué par les défen- deurs pour obtenir la radiation de la déclaration des demandeurs est que la décision d'autoriser l'essai du missile de croisière au Canada, fondée sur des raisons de principe et d'opportunité, a été prise par le gouvernement du Canada en vertu de son pouvoir exécutif, et qu'à ce titre, elle n'est pas soumise au contrôle du judiciaire ni sujette à son intervention.
Si la décision en question avait été prise avant la promulgation de la Charte canadienne des droits
et libertés, je n'aurais pu que reconnaître d'emblée la validité de cette prétention.
Au cas, fort peu probable, un procureur aurait intenté une telle action, cette action aurait été rejetée sommairement, comme les défendeurs le demandent à l'égard de la présente déclaration.
Mais la décision que la présente déclaration cherche à contester a été prise après l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, et il est allégué que cette décision viole ces droits.
Le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 est ainsi rédigé:
52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.
L'alinéa 32(1)a), classé sous la rubrique Appli cation de la charte à laquelle on peut se référer pour interpréter les articles qui suivent, et figurant dans la Partie I sous le titre Charte canadienne des droits et libertés, est ainsi conçu:
32. (1) La présente charte s'applique:
a) au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement, y compris ceux qui concernent le territoire du Yukon et les territoires du Nord-Ouest;
Ainsi, la règle fondamentale de la Constitution non écrite du Canada qui existait jusqu'à présent et qui reconnaissait la souveraineté du Parlement est atténuée dans la mesure le Parlement et le gouvernement du Canada ne peuvent violer les droits et libertés garantis par la Charte.
Le Parlement est souverain et il lui est loisible de dire qu'il n'est pas souverain dans certains cas, comme il l'a fait à l'alinéa 32(1)a) de la Charte, et de déclarer que le gouvernement du Canada est également soumis à la Charte canadienne des droits et libertés.
Compte tenu du sens évident du texte de l'article 32, formulé en des termes clairs et non équivoques, ne pas tenir compte de ce sens et attribuer à ces termes un sens différent, savoir que la Charte ne devrait pas s'appliquer aux questions tranchées sur la base de raisons de principe, équivaudrait à renoncer au rôle de juge et à faire fonction de législateur. Aucune exception de ce genre n'est
prévue. Toutefois, l'article 33 de la Charte prévoit un moyen de dérogation qui s'applique aux lois et qui s'appliquerait aux mesures administratives prises en application de telles lois. Or, on n'a pas eu recours à ce moyen.
L'article 1 de la Charte impose des restrictions sur lesquelles je ferai des observations plus loin.
L'expression «gouvernement du Canada» peut être interprétée comme désignant le Cabinet, qui, par convention, est un comité du Parlement.
Le Cabinet, qui est chargé de mettre à exécution les politiques et les décisions adoptées par le gou- vernement au pouvoir, joue un rôle exécutif.
Ainsi donc, l'alinéa 32(1)a) rompt la séparation absolue des pouvoirs en ce que les décisions admi- nistratives du gouvernement du Canada sont sou- mises à la Charte canadienne des droits et libertés, et si ces décisions violent les droits et libertés qui y sont garantis, elles sont susceptibles de contrôle judiciaire.
Dans l'affaire Thorson c. Le Procureur Général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138, il a été jugé qu'un particulier a la qualité voulue pour contester la validité constitutionnelle d'une loi du Parlement et qu'il a le droit de le faire. L'abus du pouvoir législatif est une question dont les tribu- naux peuvent être saisis.
Il est donc naturel et logique de conclure qu'é- tant donné le texte clair et non équivoque de l'alinéa 32(1)a) de la Charte, celle-ci s'applique au gouvernement du Canada dans les cas il prend une décision qui violerait les droits et libertés garantis par cette Charte.
Cette Cour ne s'est pas arrogé la compétence à l'égard de la décision prise par le gouvernement du Canada en l'espèce.
C'est plutôt le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés qui investit cette Cour de cette compétence:
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits et libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la répara- tion que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
Il se pose alors la question de savoir quels droits et libertés ont été violés, question qui, une fois posée, renvoie à ceux qui sont garantis à l'article 7 que voici:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor- mité avec les principes de justice fondamentale.
Il ne m'appartient pas de présenter une interpré- tation de l'expression «en conformité avec les prin- cipes de justice fondamentale», sauf à hasarder l'idée que l'expression «justice fondamentale» peut être synonyme d'expressions telles que «justice naturelle».
S'il s'agissait en l'espèce d'un cas la sécurité nationale est en cause et l'État en danger, alors la liberté de l'individu qui nous est chère et le devoir de lui rendre justice doivent en dernier ressort céder le pas devant la sécurité du pays lui-même.
Si le présent cas est de cette nature, il convient de le démontrer en défense.
L'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés est ainsi rédigé:
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être res- treints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
La question de savoir si la limite imposée à la garantie existe est, à mon avis, une question qu'il convient de soulever dans une défense.
Ayant admis que la requête vise à faire radier la totalité de la déclaration et à faire rejeter l'action, je me suis surtout efforcé de déterminer si la déclaration contenait au moins le germe d'une cause d'action.
En le faisant, je n'ai pas oublié que dans beau- coup de cas, il existe, dans les actes de procédure, des défauts techniques auxquels on peut remédier par des modifications appropriées et des réponses à des demandes de détails plus complets.
Je nourris également des doutes quant au droit de se prévaloir, à l'encontre de l'un des défendeurs, de certains des redressements sollicités, à l'excep- tion de la déclaration.
La Règle 302 prévoit qu'aucune procédure devant la Cour ne sera annulée pour simple objec-
tion de forme; or, il n'y en a pas eu en l'espèce. L'inobservation des règles de la Cour ou d'une règle de pratique en vigueur n'entraînera pas la nullité des procédures entachées d'une irrégularité à laquelle on peut remédier par une modification.
On a également fait valoir que les allégations de fait au paragraphe 7 de la déclaration sont peut- être des conjectures, portent sur des faits trop éloignés et constituent une causa sine qua non plutôt que la causa causans d'une violation de la Charte canadienne des droits et libertés.
Je conclus toutefois que la déclaration contient des allégations suffisantes pour soulever une ques tion dont les tribunaux peuvent être saisis. En le faisant, j'avais à l'esprit l'analogie avec la nature de la responsabilité découlant d'activités très dan- gereuses et avec la fuite de choses nocives selon le principe posé dans l'affaire Rylands v. Fletcher (1866), Law Rep. 1 Ex. 265; (1868), Law Rep. 3 H.L. 330, et selon lequel une activité dangereuse peut être condamnée avec force en raison de son potentiel nuisible prévisible, mais en tenant compte du fait que le caractère bénéfique de cette activité exige de la tolérance dans l'intérêt général de la collectivité; or, ce cas est également visé par la dérogation prévue à l'article 1 de la Charte et devrait, selon ma conclusion, faire l'objet d'une défense.
C'est pour ces raisons qu'à la fin de l'audition, la demande en radiation de la déclaration et en rejet de l'action a été rejetée.
J'ai, en même temps, accordé aux défendeurs une prorogation de délai pour déposer une défense.
Je ne l'ai pas fait de ma propre initiative. Il s'agissait d'une demande subsidiaire incluse dans l'avis de requête des défendeurs.
Toutefois, avec le consentement des avocats, j'ai porté de 10 jours à 30 jours, à partir de la date de l'ordonnance, le délai demandé par les défendeurs pour déposer leur réponse; ce délai de 30 jours étant en fait le délai normal, à compter de la signification de la déclaration, dans lequel il faut déposer une défense.
J'ai accordé un délai plus long que celui demandé pour permettre des demandes de détails et autres questions semblables qui se poseront vraisemblablement.
C'est pour les motifs qui précèdent que l'ordon- nance a été rendue à la fin de l'audition. Les avocats des parties étaient bien conscients des motifs. Ceux-ci avaient été débattus à fond à l'audition qui avait duré toute une journée. Il a toutefois été jugé opportun de consigner ces motifs par écrit pour les inclure dans le dossier d'appel, l'ordonnance ayant fait l'objet d'un appel et la décision ayant suscité une vive controverse au sein de la population.
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