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A-1202-82
Coca Cola Ltd. (appelante) c.
Sous-ministre du Revenu national pour les doua- nes et l'accise (intimé)
et
Viceroy Manufacturing Company Limited, Scep ter Manufacturing Co. Ltd. (intervenantes) (appe- lantes)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Ryan et Le Dain—Ottawa, 7 et 22 décembre 1983.
Douanes et accise Les caisses et les paniers dans lesquels sont placées les bouteilles de boissons gazeuses sont-ils assu- jettis â la taxe de vente imposée â l'art. 27 de la Loi sur la taxe d'accise? Le critère pour déterminer si les «machines ou appareils» sont utilisés dans «la fabrication ou la produc tion» ne doit pas être restreint au processus antérieur â la finition des marchandises La Commission a négligé de tenir compte de la preuve concernant leur emploi pendant le proces- sus de production Comme les caisses ne sont pas «exclusi- vement» employées comme contenants de marchandises, elles ne sont pas exclues de l'exemption prévue à l'art. 1 de la Partie I de l'annexe III de la Loi Appel accueilli Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 2(1) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 1(3),(3.1)), 27 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 62, art. 1; S.C. 1974-75-76, chap. 24, art. 13; S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 10), 29(1) (abrogé et remplacé par S.C. 1980-81-82-83, chap. 104, art. 9), 59, 60 (mod. par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 64(2)), art. 1, Partie I, annexe III (abrogé et remplacé par S.C. 1980-81- 82-83, chap. 68, art. 28), art. 1a)(i), Partie XIII, annexe III (abrogé et remplacé par S.C. 1973-74, chap. 12, art. 2(5)) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 52c) (i).
Compétence Cour d'appel fédérale Un appel formé contre une décision de la Commission du tarif en vertu de l'art. 60 de la Loi sur la taxe d'accise n'est pas limité de façon stricte par le libellé de la question énoncée dans l'ordonnance accordant l'autorisation d'appel La question doit s'inter- préter en tenant compte des points de droit soulevés dans l'appel Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 60(1),(4) (mod. par S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 64(2)).
L'appelante emploie des paniers et des caisses pour manipu- ler les bouteilles de boissons gazeuses au cours des différentes étapes de fabrication, de l'usine au consommateur. Appel est formé en vertu de l'article 60 de la Loi sur la taxe d'accise contre une décision de la Commission du tarif qui a déclaré que ces contenants sont assujettis à la taxe de vente imposée à l'article 27 de la Loi.
Il faut déterminer en premier lieu si la portée de l'appel est limitée par le libellé de la question de droit énoncée par le juge de la Cour d'appel fédérale dans l'ordonnance accordant l'auto- risation d'appel; en deuxième lieu, il faut déterminer si les
caisses et les paniers sont exempts de la taxe, en vertu du paragraphe 29(1) de la Loi et du sous-alinéa la)(i) de la Partie XIII de l'annexe III de la Loi, à titre d'appareils employés directement dans la fabrication ou la production de marchandi- ses. En dernier lieu, il faut déterminer si les derniers mots de l'article 1 de la Partie I de l'annexe III empêchent leur exemption.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli. Compte tenu de la for mulation ambiguë de la question, la Cour ne doit pas lui donner une interprétation restrictive qui priverait l'appelante de la plupart des moyens qu'elle a invoqués et dont l'intimé n'a pas contesté la pertinence.
Le deuxième point porte tout d'abord sur la définition des expressions pertinentes en l'espèce. Ni la définition légale de «fabricant ou producteur» à l'alinéa 2(1)J) de la Loi, ni l'inter- prétation jurisprudentielle de «produites ou fabriquées» au para- graphe 27(1), ne donne d'indications certaines sur ce que signifie «la fabrication ou la production» au sous-alinéa la)(i) de la Partie XIII de l'annexe III; il faut donc interpréter ces mots suivant leur sens ordinaire selon le contexte. Pour déter- miner si les marchandises visées par la définition de «machines ou appareils» sont utilisées dans «la fabrication ou la produc tion» de marchandises, la Commission a appliqué un critère qui restreint indûment la définition de machines et d'appareils à ce qui est utilisé jusqu'à la création d'un article utilisable et vendable, mais pas après cela, sans tenir compte de ce qui se passe immédiatement après pour enlever l'article de la chaîne de fabrication. La Commission a également omis à tort de tenir compte de la preuve de l'emploi des caisses et des paniers au commencement de la production du produit. Par conséquent, les caisses et les paniers sont des appareils utilisés dans la fabrication ou la production de marchandises au sens du sous- alinéa la)(i) de la Partie XIII de l'annexe III de la Loi.
Pour ce qui est du troisième point, puisque les caisses et les paniers ne sont pas «exclusivement» employés comme conte- nants de marchandises, ils ne sont pas visés par l'article 1 de la Partie I de l'annexe III de la Loi et ne sont donc pas compris dans l'exclusion des contenants conçus pour un usage répété.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise v. Parke, Davis & Company Limited, [1954] R.C.É. 1; The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited, [1968] R.C.S. 140; Irving Oil Limited, et autres c. Le secrétaire provincial de la province du Nouveau- Brunswick, [1980] 1 R.C.S. 787; 109 D.L.R. (3d) 513.
AVOCATS:
Lyndon A. J. Barnes et Carol Tennenhouse Diamond pour l'appelante et les intervenantes (appelantes).
Judith McCann pour l'intimé.
PROCUREURS:
Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto, pour l'appelante et les intervenantes (appelantes). Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Il s'agit d'un appel en vertu de l'article 60 de la Loi sur la taxe d'accise [S.R.C. 1970, chap." E-13 (mod. par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 64(2))] contre une décision de la Commission du tarif qui a déclaré, par suite d'une demande en vertu de l'article 59 de la Loi, que les caisses en plastique ou en bois et les paniers de plastique dans lesquels sont placées les bouteilles de boissons gazeuses sont assujettis à la taxe de vente imposée à l'article 27 [mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 62, art. 1; S.C. 1974-75-76, chap. 24, art. 13; S.C. 1980-81- 82-83, chap. 68, art. 10] de la Loi et n'en sont pas exempts. L'appel soulève trois points: en premier lieu, il faut déterminer la portée de l'appel compte tenu du libellé de l'ordonnance donnant l'autorisa- tion d'appel; en deuxième lieu, statuer si les caisses et les paniers sont exempts de la taxe, en vertu du paragraphe 29(1) [abrogé et remplacé par S.C. 1980-81-82-83, chap. 104, art. 9] et du sous-alinéa la)(i) de la Partie XIII de l'annexe III [abrogé et remplacé par S.C. 1973-74, chap. 12, art. 2(5)]; et en dernier lieu, déterminer si ces marchandises sont visées par la Partie I de l'annexe III et si les derniers mots de l'article 1 [abrogé et remplacé par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 28] de cette Partie empêchent leur exemption.
La question de la portée de l'appel résulte du paragraphe 60(1) de la Loi et du libellé de l'ordon- nance de la Cour qui octroie la permission d'inter- jeter appel.
Le paragraphe prévoit:
60. (1) Toute partie aux procédures prévues par l'article 59, savoir:
a) la personne qui a demandé une déclaration à la Commis sion du tarif,
b) le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, ou
c) toute personne qui a produit une comparution au bureau du secrétaire de la Commission du tarif en conformité du paragraphe 59(2),
peut, avec la permission de la Cour fédérale du Canada, ou d'un de ses juges, obtenue sur une demande formulée dans les trente jours de l'établissement de la déclaration dont on veut appeler, ou dans tel délai supplémentaire accordé par la Cour
ou le juge, interjeter appel à la Cour fédérale sur toute question qui, de l'avis de la Cour ou du juge, est une question de droit.
Les juges saisis d'une demande en vertu de cette disposition ou d'une ancienne disposition de la Loi sur les douanes [S.R.C. 1970, chap. C-40] en vigueur pendant quelques années après 1951 et dont la formulation était presque identique, ont presque toujours énoncé dans l'ordonnance accor- dant l'autorisation d'appel la question qu'ils consi- déraient être une question de droit. Voici ce que le président Thorson disait au sujet de cette pratique, dans l'affaire The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise v. Parke, Davis & Company Limited':
[TRADUCTION] À mon avis, le paragraphe 49(3) exige de la Cour ou du juge accordant l'autorisation d'appel qu'il précise la question qui, à son avis, constitue une question de droit pour laquelle l'appel est autorisé. Par conséquent, le 29 décembre 1949. j'ai autorisé l'appelant à interjeter appel à notre Cour d'une décision de la Commission du tarif sur ce qui était à mon avis, une question de droit, que j'ai énoncée de la manière suivante:
La Commission du tarif a-t-elle commis une erreur de droit en déclarant que la Pénicilline S-R, importée sous les numéros Windsor 16407-A, le 23 juin 1949 et 17043-A, le 28 juin 1949, est exonérée de droits en vertu du numéro 206a du Tarif des douanes?
Plus loin il a dit:
[TRADUCTION] Notre Cour entend ici le premier appel con- cernant la Loi sur les douanes, ce qui mérite quelques remar- ques d'ordre général. Le droit d'appel conféré par la Loi est un droit restreint. En premier lieu, la Cour doit accorder une autorisation d'appel. De plus, l'appel est possible uniquement s'il s'agit d'une «question qui, de l'avis de la Cour ou du juge, est une question de droit». Cette rédaction peut engendrer des résultats singuliers étant donné que la compétence de la Cour pour entendre l'appel dépend non pas de la question de savoir s'il s'agit réellement d'une question de droit mais de la question de savoir si, de l'avis de la Cour ou du juge, c'est une question de droit. Cela étant, il est possible que, suite à une décision erronée de la Cour ou du juge qui détermine s'il s'agit d'une question de droit, la Cour se voit conférer la compétence d'entendre un appel sur ce qui est en réalité une question de fait. A l'inverse, si la Cour ou un juge a conclu par erreur qu'il s'agissait d'une question de fait, la Cour n'aura pas compétence pour entendre l'appel bien qu'il s'agisse réellement d'une ques tion de droit. On peut se demander si le législateur a envisagé ces hypothèses lorsqu'il a adopté la loi, mais il ne fait aucun doute qu'elles peuvent être le résultat de la rédaction de cette disposition.
On trouve dans les Recueils de la Cour de l'Échiquier, à partir de 1953, d'autres causes dans lesquelles le juge a précisé la question de droit
' [1954] R.C.É. 1, aux pages 4 et 5.
dans son ordonnance. Dans ces arrêts, on a consi- déré qu'il fallait énoncer la question parce que la loi exigeait que la Cour ou le juge, avant d'autori- ser l'appel, ait conclu qu'il s'agissait d'une question de droit. On peut s'interroger sur cette interpréta- tion du paragraphe 60(1), mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire de l'analyser dans la présente affaire.
Voici ce que dit l'ordonnance en l'espèce:
[TRADUCTION] L'appel est autorisé sur la question de savoir si la Commission du tarif a commis une erreur en décidant que les marchandises en cause sont assujetties à la taxe de vente ou de consommation imposée par l'article 27 de la Loi sur la taxe d'accise et n'en sont pas exemptes compte tenu des dispositions de l'alinéa 2(1)f) de la Loi.
La formulation de la question, notons-le, est sensiblement la même que celle employée dans de nombreux cas sauf pour l'expression «compte tenu des dispositions de l'alinéa 2(1)f) de la Loi». Faut- il en déduire que la question de droit, sur laquelle l'appel est fondé, se limite aux effets que peut avoir l'addition au paragraphe 2(1) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 1(3),(3.1)] de l'ali- néa f) [ajouté par idem] qui donne la définition de «fabricant ou producteur»:
2. (1) ...
j) toute personne, ou une autre personne agissant pour le compte de celle-ci, qui prépare des marchandises pour la vente, notamment en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs;
Comme une telle limitation du sens de la ques tion priverait l'appelante de la plupart des moyens qu'elle a invoqués et comme l'intimé n'a pas con testé leur pertinence dans son mémoire, la Cour, à mon avis, devrait hésiter à restreindre ainsi la portée de l'appel en se référant uniquement à cette expression qui dans le contexte de la question est difficile à interpréter. Dans les circonstances, j'es- time que cette formulation indique seulement que la Cour pensait qu'en plus des points de droit soulevés dans le reste de la question il y avait lieu de débattre la question de droit concernant les effets de l'addition de l'alinéa f) à la définition. Par conséquent, je conclurais que la question en litige et l'appel ne se limitent pas aux questions soulevées par l'adoption de l'alinéa 2(1)f).
Il faut déterminer en deuxième lieu si les caisses et les paniers à bouteilles en cause sont exempts de la taxe de vente en vertu du sous-alinéa 1 a) (i) de la Partie XIII de l'annexe III et du paragraphe 29(1) de la Loi. À la Partie V de la Loi, la disposition générale en matière de taxation est le paragraphe 27 (1) qui impose une taxe sur le prix de vente de toutes marchandises «produites ou fabriquées au Canada» ou «importées au Canada». Voici les dispositions invoquées pour demander l'exemption:
29. (1) La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'an- nexe III .. .
ANNEXE III
PARTIE XIII
MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES DE CONDITIONNEMENT ET PLANS
1. Tous les articles suivants:
a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou produc- teurs ou importés par eux pour être utilisés par eux directement dans
(i) la fabrication ou la production de marchandises,
L'appelante produit et vend des boissons gazeu- ses en bouteilles. Les bouteilles sont vendues par l'appelante dans les caisses ou dans les paniers qui font l'objet de l'appel. L'appelante vend son pro- duit par caisses de bouteilles plutôt qu'à l'unité. Les paniers sont en matière plastique, alors que les caisses peuvent être en plastique ou en bois. Paniers et caisses ont été conçus pour contenir un nombre précis de bouteilles d'un format particulier et pour éviter qu'elles se brisent.
La mise en bouteilles se fait sur une chaîne de fabrication pouvant remplir 300 bouteilles à la minute. Certains éléments de la chaîne servent à mélanger les concentrés auxquels est ajoutée de l'eau selon les proportions désirées; d'autres à laver les bouteilles, d'autres à les remplir et à mettre les capsules, et d'autres enfin à transporter les bouteil- les d'une étape à l'autre.
Dans ce processus, les bouteilles vides arrivent dans les paniers et caisses et sont déposées sur les rouleaux du convoyeur qui les acheminent jusqu'à l'endroit le mécanisme retire les bouteilles des caisses. Les bouteilles vont ensuite d'un côté pour être lavées, remplies et capsulées tandis que les caisses et les paniers vont d'un autre côté pour être lavés, s'ils sont en plastique, puis réunis, qu'ils soient en bois ou en plastique, à un endroit de la chaîne pour y être remplis mécaniquement de bou- teilles de boissons gazeuses, et ensuite chargés sur des palettes et acheminés vers l'entrepôt.
En décrivant l'opération, la Commission a dit:
... M. Warren a décrit le processus de production à l'usine d'embouteillage. Les concentrés sont livrés à l'usine dans des contenants en acier inoxydable et sont mêlés dans un réservoir de mélange dans lequel on ajoute de l'eau et du sucre. On obtient ainsi un sirop qui est envoyé dans les conduites en acier inoxydable jusqu'à la zone de production le sirop et l'eau sont proportionnés selon les exigences et de l'eau supplémen- taire est ajoutée pour réduire le mélange afin d'obtenir le produit fini. Le produit est ensuite acheminé dans une souti- reuse ou une cuve à produit en passant par les conduites en acier inoxydable jusqu'à la partie supérieure du bassin de remplissage. Lorsque le bassin tourne, les bouteilles passent pour être remplies. Au moment les bouteilles quittent la remplisseuse, les capsules sont mises en place et les bouteilles sont envoyées à l'emballeur pour être placées dans les paniers à bouteilles en plastique qui, à leur tour, sont placés dans les caisses en plastique ou en bois. Dans certains cas, les bouteilles sont placées directement dans les caisses sans être mises dans un panier à bouteilles en plastique. Une fois remplies, les caisses sont acheminées au moyen d'une courroie transporteuse jusqu'à l'endroit d'empilement elles sont manuellement chargées sur des palettes puis amenées à l'entrepôt pour être chargées dans des camions qui en feront la livraison à des magasins de vente au détail. Les paniers à bouteilles et les caisses demeurent chez le détaillant environ d'une à trois. semaines jusqu'à ce qu'ils soient recueillis pour être placés sur les palettes et mis dans l'entrepôt de l'appelante. Ces caisses et ces paniers sont consignés et peuvent habituellement être utili- sés pendant sept ans.
L'intimé n'a présenté aucun témoin mais, lors du contre- interrogatoire du témoin de l'appelante, l'avocat a soumis une preuve selon laquelle les bouteilles d'eaux gazeuses sont placées dans les paniers à bouteilles et les caisses après que le mélange d'eaux gazeuses a été préparé et injecté dans les bouteilles et après que les capsules ont été codées selon la date et placées sur les bouteilles. Le témoin a admis que l'étiquetage est la seule opération effectuée après que les bouteilles ont été placées dans les paniers à bouteilles et les caisses et il a reconnu que la qualité de l'eau gazeuse ne s'en trouve nullement modifiée. Le témoin a admis également que les marchandises en cause sont utilisées exclusivement pour contenir les bouteilles d'eaux gazeuses et qu'elles sont conçues pour un usage répété. Lors du
nouvel interrogatoire, le témoin a affirmé que l'appelante ne vend pas seulement des bouteilles d'eaux gazeuses mais vend les caisses comme unités complètes.
Il ressort aussi de la preuve, qui n'est pas contes- tée, que lorsque l'appelante vend son produit, les caisses et les paniers à bouteilles sont consignés chez le détaillant et que, dans la pratique normale du commerce, ils sont retournés à l'appelante quel- ques semaines plus tard remplis de bouteilles vides. Par la suite, les caisses et les paniers sont utilisés de nouveau pour transporter les bouteilles vides vers le convoyeur jusqu'à ce que le mécanisme retire les bouteilles des caisses et des paniers.
Les motifs pour lesquels la Commission a refusé l'exemption en vertu du sous-alinéa 1a)(i) de la Partie XIII de l'annexe III ressortent de l'extrait suivant:
La Commission est d'avis que les eaux gazeuses embouteil- lées sont complètement fabriquées au moment elles sont placées dans les paniers à bouteilles et les caisses. Elles ne reçoivent pas, ni à ce moment ni après, des formes, des qualités, des propriétés ou des combinaisons nouvelles. La fabrication ou la production de l'eau gazeuse doit donc être considérée comme terminée avant que les marchandises en cause soient utilisées. Ces dernières ne sont donc pas visées par l'exemption prévue à l'alinéa la) de la Partie XIII de la Loi.
L'appelante soutient premièrement que l'addi- tion de l'alinéa f) à la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) de la Loi a élargi le sens de l'expression «fabrication ou production» qui figure dans d'autres dispositions de la Loi en y incluant les opérations générales d'emballage men- tionnées à l'alinéa f).
En toute déférence, je ne suis pas convaincu du bien-fondé de cet argument. Les expressions «fabricant ou producteur», «fabriquées ou produi- tes» et «fabrication ou production» qu'on trouve ailleurs dans la Loi et dans différents contextes, sont employées à des fins diverses et c'est une erreur d'essayer d'en interpréter une en fonction de ce que les autres signifient ou du sens attribué aux autres dans un contexte général ou particulier. À mon sens, la définition de «fabricant ou produc- teur» au paragraphe 2(1) vise à identifier la per- sonne qui devra payer l'impôt, qu'elle fabrique ou produise quelque chose ou non, ou qu'elle soit ou non un fabricant ou un producteur. Les alinéas a)
à e) 2 du paragraphe et les catégories de personnes qui y sont décrites, sont à mon avis très clairs. Même si l'alinéa f) qui a été ajouté, à la différence des paragraphes précédents, élargit la définition en incluant certaines fonctions de manutention, il ne nous permet pas, à mon avis, de déduire que lesdites fonctions constituent nécessairement «une fabrication ou une production» ou l'action de «fabriquer ou produire» au sens des dispositions de la Loi.
Même si l'expression «produites ou fabriquées» du paragraphe 27(1) a été analysée dans de nom- breux arrêts, elle ne donne pas d'indication cer- taine sur ce que signifie «fabrication ou produc tion» dans d'autres dispositions, y compris le sous-alinéa 1 a) (i) de la Partie XIII de l'annexe III. L'expression «produites ou fabriquées» est employée adjectivement au paragraphe 27(1) pour décrire ou définir la catégorie des marchandises sur lesquelles une taxe est imposée au moment de
2 2. (1) Dans la présente loi
«fabricant ou producteur» comprend
a) le cessionnaire, le syndic de faillite, le liquidateur, l'exécuteur testamentaire ou le curateur de tout fabricant ou producteur et, d'une manière générale, quiconque conti nue les affaires d'un fabricant ou producteur ou dispose de ses valeurs actives en qualité fiduciaire, y compris une banque exerçant des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les banques ainsi qu'un fiduciaire pour des por- teurs d'obligations,
b) toute personne, firme ou corporation qui possède, détient, réclame ou emploie un brevet, un droit de pro- priété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication, soit par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres, que cette personne, firme ou corporation vende, distribue, consigne ou autre- ment aliène les marchandises ou non,
c) tout département du gouvernement du Canada ou de l'une de ses provinces, tout conseil, commission, chemin de fer, service d'utilité publique, manufacture, compagnie ou organisme possédé, contrôlé ou exploité par le gouverne- ment du Canada ou de l'une de ses provinces, ou sous l'autorité de la législature ou du lieutenant-gouverneur en conseil d'une province du Canada, qui fabrique ou produit des marchandises imposables,
d) toute personne qui vend, autrement que dans un maga- sin de détail exclusivement et directement aux consomma- teurs des cosmétiques qui n'ont pas été fabriqués par elle au Canada, à l'exclusion d'une personne qui vend ces cosmétiques exclusivement et directement aux coiffeurs, esthéticiens et autres usagers semblables pour utilisation lors de l'administration de soins personnels et non pour la revente;
e) toute personne qui vend de l'essence, du combustible diesel ou du carburant aviation, sauf une personne qui vend ces produits exclusivement et directement aux con- sommateurs; et
la vente. La disposition parle de marchandises qui ont été «fabriquées ou produites» et non pas de celles qui seront fabriquées ou produites. Pour déterminer si les marchandises ont été «fabriquées ou produites» au Canada, il faut analyser ce qu'il leur est advenu au Canada. Toutefois, l'expression ne parle nullement des moyens de fabrication ou de production des marchandises. De plus, les juge- ments visant à déterminer si une marchandise a été «fabriquée ou produite» au cours de certaines opé- rations la concernant ou si ladite marchandise est visée par le sens de cette expression dans la Loi sont peu utiles en l'espèce puisqu'il n'est pas con testé que l'appelante est «un fabricant ou un pro- ducteur» de boissons gazeuses en bouteilles, au sens de la Loi, ni que le produit de l'opération constitue une marchandise «produite ou fabriquée» au Canada au sens du paragraphe 27(1). Le litige en l'espèce porte sur une toute autre question: il faut déterminer si les caisses et les paniers à bouteilles sont vendus à l'appelante ou importés par celle-ci pour qu'elle les emploie «directement dans ... la fabrication ou la production de mar- chandises» savoir, les boissons gazeuses en bouteil- les. Il faut, à mon avis, interpréter ces mots dans leur sens ordinaire, selon le contexte particulier du sous-alinéa l a) (i) de la Partie XIII de l'annexe III.
Par conséquent, je ne retiendrais pas l'argument de l'appelante fondé sur l'alinéa f) de la définition de «fabricant ou producteur» du paragraphe 2(1).
La deuxième partie de l'argumentation de l'ap- pelante comporte deux volets: elle prétend premiè- rement que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a appliqué le critère retenu dans The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limi ted 3 et deuxièmement que la Commission a négligé de tenir compte de la preuve démontrant que les caisses et les paniers en cause sont employés au début du processus de production pour mettre les bouteilles vides sur le convoyeur et les acheminer jusqu'à l'endroit elles sont retirées des caisses et des paniers pour être lavées.
Je souscris aux deux volets de son argumenta tion. Selon moi, la Commission a commis une erreur lorsque, pour déterminer si les marchandi- ses visées par la définition de «machines ou appa- reils» sont utilisées dans «la fabrication ou la pro
' [1968] R.C.S. 140.
duction» de marchandises, elle a appliqué un critère qui restreint indûment la définition de machines et d'appareils à ce qui est utilisé jusqu'à la création d'un article utilisable et vendable, mais pas après cela, sans tenir compte de ce qui se passe immédiatement après pour enlever l'article de la chaîne de production. Parallèlement, on pourrait dire que les rouleaux du convoyeur qui entrent en action après le capsulage des bouteilles pleines ne sont pas des machines ou appareils utilisés dans la production des produits embouteillés parce que la fabrication et la production de ce produit sont terminées avant que ces rouleaux entrent en jeu. Ce critère, à mon avis, n'est pas réaliste. Dans une telle opération, les moyens d'enlever le produit de la chaîne de production sont aussi essentiels que les autres parties des machines ou appareils employés directement dans la fabrication ou la production du produit et sont, comme les autres parties, employés directement dans ce processus. En l'es- pèce, les caisses et les paniers en cause entrent dans la définition d'«appareils» et sont utilisés dans le processus de production à un moment les opérations de distribution et d'entreposage n'ont pas encore débuté. Le fait que les caisses et les paniers soient employés par la suite durant les étapes d'entreposage et de distribution n'est pas pertinent en l'espèce°.
De plus, les caisses et les paniers servent aussi, dans le processus de «fabrication et de production», à mettre les bouteilles sur le convoyeur, à les tenir durant leur cheminement jusqu'à l'endroit elles sont retirées du convoyeur et à les maintenir en place lorsque l'appareil les enlève. Ici encore, les caisses et les paniers jouent un rôle essentiel dans la fabrication et la production du produit et sont directement employés au cours de ce processus. Le procédé exige le transport de bouteilles vides jus- qu'aux appareils de lavage et, dans la description
^ Comparer avec Irving Oil Limited, et autres c. Le secré- taire provincial de la province du Nouveau-Brunswick, [1980] 1 R.C.S. 787, à la page 796; 109 D.L.R. (3d) 513, à la page 518:
Quant aux réservoirs de gaz propane, il est évident qu'ils sont utilisés directement dans la production pour la vente puisque c'est que l'odeur est ajoutée, sans quoi le produit ne pourrait pas être vendu. Comme on l'a fait remarquer dans l'arrêt Michelin, l'exigence de la loi que la marchandise serve directement à la production est respectée, quelle que soit l'importance que l'on puisse attribuer à son utilisation dans la fabrication par opposition à d'autres processus tels l'emmagasinage et la distribution.
qui en est donnée, la méthode ne pourrait pas être utilisée si les bouteilles étaient placées une à une ou en vrac sur les rouleaux du convoyeur.
Comme la Commission n'a pas indiqué dans ses motifs cet autre emploi des caisses et des paniers, elle a, à mon avis, omis à tort de tenir compte de l'effet de cette preuve; sa conclusion n'est pas étayée et ne devrait pas être retenue. À mon sens, la conclusion est erronée en droit et devrait être remplacée par la conclusion selon laquelle les cais- ses et les paniers sont des appareils utilisés dans la fabrication ou la production de marchandises au sens du sous-alinéa la)(i) de la Partie XIII de l'annexe III de la Loi.
Il reste à déterminer si l'exemption est exclue par l'article 1 de la Partie I de l'annexe III. Voici ce que dit cette disposition:
ANNEXE III
PARTIE I
ENVELOPPES OU CONTENANTS
1. Enveloppes ordinaires ou contenants ordinaires achetés ou importés par un fabricant ou un producteur devant lui servir exclusivement à envelopper ou à contenir des marchandises qu'il a fabriquées ou produites et qui ne sont pas assujetties à la taxe de consommation ou de vente, mais à l'exclusion des enveloppes ou contenants conçus pour la distribution de mar- chandises lors de la vente ou conçus pour un usage répété.
Sur cette question, la Commission a conclu en ces termes:
La Commission est d'avis que le produit vendu par l'appe- lante est une eau gazeuse embouteillée et non pas, comme le soutient son avocat dans son plaidoyer, une eau gazeuse embou- teillée placée dans des paniers à bouteilles et dans des caisses. Les paniers à bouteilles et les caisses sont utilisés par l'appe- lante pour envelopper ou contenir des marchandises de sa propre fabrication ou production et ils seraient exempts en vertu de l'article 1 de la Partie I de l'Annexe s'il n'y avait pas une exception à cette exemption, laquelle est précisée par les termes «mais à l'exclusion des enveloppes ou contenants ... conçus pour un usage répété«. Les marchandises en cause sont consignées donc conçues de façon claire et reconnue pour un usage répété et par conséquent exclues de l'exemption.
Les caisses et les paniers en cause sont indubita- blement destinés à un usage répété. En fait, on les utilise à maintes reprises et ils peuvent durer jus- qu'à sept ans. Le fait de servir de contenants pour les bouteilles de boissons gazeuses pendant l'entre-
posage et la distribution aux détaillants n'est qu'un des emplois auxquels ils sont destinés. Ils sont utilisés aussi pour contenir et retourner les bouteil- les vides à l'appelante, sans compter les autres emplois dont on a déjà parlé, dans la fabrication et la production des bouteilles de boissons gazeuses. Les caisses et les paniers ne sont donc pas «exclusi- vement» employés comme contenants de marchan- dises que l'appelante a fabriquées ou produites. Ils ne sont pas visés par l'article 1 de la Partie I de l'annexe III et ne sont donc pas compris dans l'exclusion des contenants conçus pour un usage répété.
De plus, même si l'on pouvait dire que les caisses et les paniers sont visés par l'article 1 de la Partie I de l'annexe III et ne sont pas exemptés en raison de l'exclusion, il en résulterait simplement que les caisses et les paniers ne sont pas exemptés par cette disposition. Cela ne veut pas dire qu'une autre exonération prévue par la Loi, dont ils rem- pliraient les conditions, ne leur serait pas applicable 5 .
En conséquence, j'accueillerais l'appel, j'annule- rais la déclaration de la Commission du tarif et, en vertu des pouvoirs conférés à la Cour par le para- graphe 60(4) de la Loi sur la taxe d'accise 6 et du sous-alinéa 52c)(1) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10]', je déclarerais que les caisses en plastique ou en bois et les paniers en plastique conçus pour les bouteilles de boissons gazeuses sont des appareils vendus à l'appelante ou importés par elle pour être utilisés dans la fabrica-
5 Comparer avec Irving Oil Limited, et autres c. Le secré- taire provincial de la province du Nouveau-Brunswick, précité, note 4, R.C.S. à la page 796, D.L.R. à la page 518:
Pour ce qui est des transformateurs, le fondement du refus de l'exonération par le Ministre est tout simplement insoute- nable en droit. Bien qu'il soit permis d'examiner les autres pour déterminer la portée de chacune des exonérations, elles sont néanmoins indépendantes les unes des autres.
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(4) La Cour fédérale peut disposer d'un appel aux termes du présent article en le rejetant, en rendant telle ordonnance qu'elle juge à propos ou en renvoyant l'affaire à la Commission du tarif pour nouvelle audition.
' 52. La Cour d'appel peut
c) dans le cas d'un appel qui n'est pas un appel d'une décision de la Division de première instance,
(i) rejeter l'appel ou rendre la décision qui aurait être rendue, ou
tion ou la production de marchandises au sens du sous-alinéa 1a)(i) de la Partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise et sont exonérés de la taxe de consommation et de vente prévue à l'article 27 de la Loi.
LE JUGE RYAN: Je souscris aux présents motifs.
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord avec les présents motifs.
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