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T-1161-84
Wah Shing Television Ltd. et Associés (requé- rants)
c.
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica- tions canadiennes (intimé)
Division de première instance, juge Strayer— Ottawa, 19 et 21 juin 1984.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Mandamus
Radiodiffusion Licences Refus du CRTC de divul- guer quels avaient été les membres du comité de direction qui avaient participé à la décision et quels étaient ceux qui y avaient souscrit ou qui avaient été dissidents Justice natu- relle L'obligation d'audience impartiale implique que les parties doivent pouvoir déterminer quels membres du tribunal ont participé à la décision Pas d'obligation de divulgation de l'opinion individuelle des membres du Conseil Les tribunaux administratifs pas plus que les juridictions judiciai- res ne sont obligés de délibérer en public Délivrance du mandamus; le droit d'appel conféré par la loi et celui de demander un contrôle judiciaire en vertu de l'art. 28 ne sont pas des voies de recours également satisfaisantes Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2a Supp.), chap. 10, art. 28 Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 1301, 1402.
Radiodiffusion Licences Refus du CRTC de divulguer quels membres du comité de direction ont participé à la décision et quels membres y ont souscrit ou ont été dissidents
La loi n'interdit pas la divulgation du nom des participants
Obligation du Conseil de divulguer quels membres du tribunal ont participé à la décision relative aux licences Selon la loi, pas d'obligation de divulgation de la position des membres individuellement Délivrance du mandamus, voie de recours allpropriée, malgré la possibilité de former appel aux termes de la Loi sur la radiodiffusion Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, chap. B-11, art. 26 Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications cana- diennes, S.C. 1974-75-76, chap. 49.
AVOCATS:
Ian Blue pour les requérants. Kenneth Katz pour l'intimé.
PROCUREURS:
Cassels, Brock & Blackwell, Toronto, pour les requérants.
A. Cohen, avocat général, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Hull (Québec), pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER: Il est constant que les ins tances devant le CRTC, qui ont abouti aux déci- sions CRTC 84-445 et 84-446 en matière de licen ces, devaient comporter une audience impartiale; les requérants ne prétendent pas non plus que les décisions elles-mêmes aient constitué un déni de justice naturelle. Les requérants en l'espèce sou- tiennent plutôt que le refus du Conseil de divul- guer ultérieurement quels étaient les membres du comité de direction qui avaient participé à l'une et à l'autre des décisions et si, dans l'un comme dans l'autre cas, ils y avaient souscrit, ou s'ils avaient été dissidents, équivalait également à un déni de justice naturelle auquel la Cour, par ordonnance de mandamus, pouvait remédier.
Je conviens que lorsqu'il y a obligation légale d'accorder une audience impartiale, il en découle que les parties intéressées doivent pouvoir détermi- ner quels membres du tribunal ont participé à la décision qui les touche. S'ils ne le peuvent, le droit, qu'ils pourraient autrement avoir, de contester la décision, notamment pour partialité, réelle ou appréhendée—un moyen licite à leur disposition de faire respecter la justice naturelle même après le prononcé de la décision—leur serait alors dénié par le fait même. Certes, un texte législatif pour- rait interdire une telle divulgation; on ne m'en a cependant cité aucun qui s'applique en l'espèce. Le Conseil avait donc l'obligation légale de divulguer quels étaient les commissaires qui avaient participé à la décision finale au sujet des licences. Il a refusé de le faire dans le cas des décisions CRTC 84-445 et 84-446.
Je ne vois par contre aucune obligation de divul- gation pour ce qui est de la position adoptée par chaque commissaire individuellement à l'égard d'une décision du Conseil. Un tribunal administra- tif, pas plus d'ailleurs qu'une juridiction judiciaire, n'a l'obligation de délibérer en public en vue d'une décision définitive. Généralement, les juridictions d'appel divulguent la position adoptée par chaque juge individuellement par rapport à l'arrêt de la Cour; mais cela n'est nullement inhérent à la notion d'audition impartiale, ni ne justifie le con- trôle judiciaire des décisions non juridictionnelles (d'ailleurs, on se souviendra que le Comité judi- ciaire du Conseil privé, pendant plus d'un siècle,
n'a jamais prononcé qu'un seul avis, par affaire, sans que l'on sache s'il y avait dissidence ni quels pouvaient en être les auteurs). La Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, chap. B-11, et la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécom- munications canadiennes, S.C. 1974-75-76, chap. 49, sont silencieuses à cet égard et ne créent aucune obligation légale de divulgation de posi tion individuelle des membres du comité de direction.
La Cour a donc le loisir de lancer un bref de mandamus exigeant la divulgation des noms des membres du Conseil qui ont participé aux déci- sions sur les licences. J'hésiterais à délivrer un bref de mandamus si d'autres recours existaient; on n'a pas réussi à me convaincre qu'une partie se trou- vant dans la même situation que les requérants en l'espèce dispose d'autres recours tout aussi satisfai- sants. Il se peut qu'elle puisse former un appel en Cour d'appel fédérale en vertu de l'article 26 [mod. par S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 65] de la Loi sur la radiodiffusion, ou qu'elle puisse conclure à un contrôle judiciaire par cette juridiction en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10; il n'est pas certain cependant qu'en vertu des obliga tions de communication de pièces imposées au tribunal par ces voies de recours (soit respective- ment les Règles 1301 et 1402 [des Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663]), le Conseil soit tenu de donner cette information. En outre, les requérants ont besoin de ces renseignements avant de prendre en toute connaissance de cause la déci- sion d'agir ou non en justice; aussi doivent-ils disposer de ces renseignements maintenant.
Je n'ordonnerai cette divulgation qu'à l'égard de la décision CRTC 84-446 car ce n'est que dans le cas de cette décision que les requérants ont requis cette information avant leur requête. Je note aussi que les pièces jointes à la requête ne mentionnent, par erreur, que la décision CRTC 84-445; comme le litige est le même dans les deux cas, et qu'à mon avis les requérants sont parties intéressées dans l'un comme dans l'autre, je ne pense pas que l'intimé ait subi quelque préjudice que ce soit du fait de cette erreur. Je ne rends l'ordonnance qu'à l'égard de la décision CRTC 84-446, mais je pré- sume que ce jugement aidera les parties à s'enten- dre au sujet de la décision CRTC 84-445.
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