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T-1944-81
Corning Glass Works (demanderesse) c.
Canada Wire & Cable Company Limited, Sumi- tomo Electric Industries Ltd., et Canada Wire & Cable Limited connue sous le nom de Canstar Communications (défenderesses)
Division de première instance, juge Walsh— Ottawa, 6 et 12 décembre 1983.
Pratique Communication de documents et interrogatoire préalable Interrogatoire préalable Requête visant à obtenir la permission de signifier la convocation pour l'interro- gatoire à Toronto de M, non-résident, à titre de coïnventeur des brevets et d'employé de la demanderesse L'autre coin- venteur et employé a déjà été interrogé La demanderesse cherche à obtenir l'annulation du subpoena américain des défenderesses prévoyant l'interrogatoire de M aux États-Unis Le subpoena de la Cour fédérale ne serait pas exécutoire contre un non-résident Malgré le droit à un interrogatoire entier et complet, le subpoena n'est pas exécutoire Les défenderesses soutiennent que la jurisprudence ne s'applique pas parce que M est contrôlé par la demanderesse qui relève de la compétence de la Cour Il est inapproprié de rejeter l'action si M ne se présente pas Le fait d'aider à empêcher la requête pour annuler le subpoena aux États-Unis ne consti- tue pas une raison suffisante pour rendre l'ordonnance La question de savoir s'il faut annuler relève de la compétence exclusive des tribunaux des États-Unis Les défenderesses peuvent établir aux États-Unis que le subpoena serait disponi- ble en vertu du droit canadien si M était un résident L'instruction ne doit pas être retardée L'interrogatoire doit être tenu devant les tribunaux américains Seul un coinven- teur peut être interrogé à titre de cédant aux termes de la Règle 465(5) Normalement une seule personne peut être interrogée pour une société En vertu de la Règle 465(19), il peut y avoir un autre interrogatoire dans des cas exceptionnels qui ne se produisent pas fréquemment Requête rejetée Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 465 ( 5),(12),(19),(20).
Selon l'affidavit des défenderesses, la demanderesse a fait comparaître M. Schultz lors de l'interrogatoire préalable à titre de dirigeant de la demanderesse et de coïnventeur de l'objet de certains brevets. Il est ressorti de l'interrogatoire que M. Schultz n'était pas présent au moment des premières étapes du programme de guide d'ondes optiques de la demanderesse et qu'il était incapable de donner des détails sur les travaux préparatoires de la demanderesse. On a allégué que la seule personne en mesure de donner une description complète des travaux préparatoires était M. Maurer, également coïnventeur, employé et responsable du programme de la demanderesse. M. Maurer résidait aux États-Unis; par conséquent, pour l'interro- ger dans ce pays, les défenderesses ont obtenu un subpoena d'un tribunal américain.
Selon l'affidavit déposé pour le compte de la demanderesse, celle-ci s'est engagée, au cours de l'interrogatoire de M. Schultz, à se renseigner sur M. Maurer et, en fait, a obtenu
beaucoup de renseignements en réponse aux questions posées par la défense. Le subpoena américain a été obtenu au moyen d'une procédure ex parte et l'avocat souligne qu'il a été obtenu avant la fin de l'interrogatoire de M. Schultz et, en fait, avant qu'on lui ait posé des questions sur ce que savait M. Maurer. Pourtant, le subpoena n'a pas été signifié pendant plus de six mois, période durant laquelle la Cour fédérale a délivré une ordonnance tranchant toutes les questions encore en suspens avant l'instruction et, par une ordonnance subséquente (en vertu d'une demande de la demanderesse), a fixé la date de l'instruction. L'avocat de la demanderesse soutient que lorsque la date de l'instruction a été fixée, les défenderesses n'ont nullement exprimé leur intention d'interroger M. Maurer.
Il a été convenu d'une date pour l'interrogatoire de M. Maurer à Rochester, New York. L'avocat de la défense s'est rendu à Rochester mais, le jour fixé, il a été avisé que l'avocat américain de la demanderesse agissant au nom de M. Maurer, avait présenté une requête en vue d'obtenir l'annulation du subpoena.
En l'espèce, les défenderesses cherchent à obtenir la permis sion de signifier la convocation pour l'interrogatoire à Toronto de M. Maurer, en sa qualité de coïnventeur et d'employé de la demanderesse. Lorsque l'affaire est venue à audience, la requête en annulation n'avait pas encore été entendue aux États-Unis.
Jugement: La requête est rejetée.
La Règle 465(5) permet au cédant d'un brevet d'être inter- rogé au préalable; toutefois, le mot «cédant» figure au singulier dans cette disposition et rien n'indique que dans une situation il y a des coïnventeurs ceux-ci peuvent être interrogés. Normalement, en vertu de notre procédure, une seule personne peut être interrogée pour une société et en l'espèce les défende- resses ont déjà interrogé M. Schultz à ce titre. La Règle 465(19) qui autorise exceptionnellement la Cour, pour des raisons spéciales, à ordonner un autre interrogatoire après qu'une partie ou cessionnaire aura été examinée n'est pas utilisée fréquemment.
Cependant, le véritable obstacle à l'octroi de la demande de la demanderesse est que cette Cour ne peut réellement délivrer un subpoena enjoignant à un non-résident de venir au Canada pour y être interrogé, même si on offre le montant des frais de déplacement. Vu que la demanderesse conteste aux États-Unis la tentative d'interroger M. Maurer, il est en effet peu probable que M. Maurer se rende au Canada pour y être interrogé. L'argument des défenderesses selon lequel les parties ont droit à un interrogatoire entier et complet ne répond pas à la question de savoir comment une ordonnance de cette Cour prévoyant l'interrogatoire de M. Maurer pourrait être exécu- toire en l'absence de consentement. Étant un employé et non simplement un inventeur, M. Maurer n'est pas dans une situa tion différente de celle des personnes qui ont été examinées dans d'autres affaires dans lesquelles des ordonnances pré- voyant l'interrogatoire de personnes qui ne se trouvaient pas au Canada ont été refusées. La Cour a rejeté l'argument des défenderesses selon lequel, en sa qualité d'employé, M. Maurer est assujetti au contrôle de la demanderesse qui elle-même relève de la compétence de cette Cour et que les décisions mentionnées ne s'appliquent donc pas aux circonstances de l'espèce. En outre, compte tenu de ces circonstances et de la
jurisprudence, la sanction que prévoit la Règle 465(20), savoir le rejet de l'action, ne serait pas apparemment une réponse appropriée si M. Maurer omettait de se rendre au Canada pour y être interrogé.
Les défenderesses soutiennent que même si l'ordonnance demandée ne pouvait pas être exécutée par la Cour, elle pourrait néamoins leur permettre d'empêcher la demanderesse de tenter de faire annuler le subpoena aux États-Unis. Toute- fois, ce n'est pas une raison suffisante pour rendre une telle ordonnance. L'annulation du subpoena est une question qui relève de la compétence exclusive des tribunaux des États-Unis. Si, comme le soutient l'avocat des défenderesses, la requête en annulation est fondée sur l'argument selon lequel une cour canadienne n'aurait pas délivré le subpoena même si Maurer avait été un résident canadien, les défenderesses peuvent répon- dre en démontrant devant les cours américaines que le droit canadien est différent, ce qui est le cas. Elles ne devraient pas avoir de difficulté à établir le droit canadien de la façon habituelle.
II est essentiel que l'instruction de l'affaire ne soit pas retardée. L'interrogatoire de M. Maurer devant les cours amé- ricaines, auquel les défenderesses ont très correctement tenté de procéder, constitue la procédure qui a été approuvée dans l'arrêt Sternson. Si les défenderesses croient toujours que l'in- terrogatoire de M. Maurer est nécessaire, elles devront prendre les mesures qu'elles considèrent appropriées aux États-Unis pour obtenir le plus tôt possible l'audition de la requête en instance dans ce pays.
JURISPRUDENCE
DECISIONS SUIVIES:
Lido Industrial Products Limited c. Teledyne Industries, Inc. et autre, [1979] 1 C.F. 310; 41 C.P.R. (2d) 1 (C.A.); Sternson Limited c. CC Chemicals Limited, [1982] 1 C.F. 350; 124 D.L.R. (3d) 76 (C.A.); Xerox of Canada Limited et autre c. IBM Canada Limitée, [1976] I C. F 213; 24 C.P.R. (2d) 175 (1" inst.), confirmé par [1976] 2 C.F. 781 (C.A.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Procycle, Inc. et autre c. Deflectaire Corporation et autre (1981), 58 C.P.R. (2d) 153 (C.F. 1" inst.); Textron Canada Limited c. Rodi & Wienenberger Aktiengesells- chaft, [1973] C.F. 667; 10 C.P.R. (2d) 9 (1" inst.).
AVOCATS:
R. T. Hughes pour la demanderesse.
S. Block pour Canada Wire & Cable Com pany Limited et Canada Wire & Cable Limi ted, défenderesses.
PROCUREURS:
Sim, Hughes, Toronto, pour la demanderesse. Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour Canada Wire & Cable Company Limited et Canada Wire & Cable Limited, défende- resses.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: La première partie de la présente requête vise simplement à obtenir l'auto- risation de déposer une défense et une demande reconventionnelle supplémentaire amendées et d'apporter des modifications aux détails de l'oppo- sition en ajoutant simplement Canada Wire & Cable Limited connue sous le nom de Canstar Communications, au nom de la défenderesse, Canada Wire & Cable Company Limited, ainsi que certains détails supplémentaires. Cette demande a été accueillie par consentement. La partie de la requête des défenderesses qui est con- testée vise à obtenir en vertu de la Règle 465 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663], la permission de signifier aux avocats de la demande- resse, la convocation pour l'interrogatoire préala- ble à Toronto (Ontario), à une date indéterminée, de M. Robert D. Maurer, coïnventeur des brevets canadiens portant les numéros 951 555 et 881 078 et employé de la demanderesse. La requête demande qu'il y ait renonciation au montant approprié des frais de déplacement, ces frais pou- vant être inclus dans les dépens si la demanderesse obtenait gain de cause à l'instruction de l'affaire. L'affidavit présenté à l'appui de la requête établit que la demanderesse a fait comparaître M. Peter C. Schultz lors de l'interrogatoire, à titre de diri- geant de la société et de coïnventeur desdits bre- vets. L'interrogatoire a duré trois jours en février et s'est poursuivi en avril et en juin. Il en ressort qu'il n'était pas présent au moment des premières étapes du programme de guide d'ondes optiques de la demanderesse et qu'il était donc incapable de donner des détails sur les travaux préparatoires de la demanderesse. M. Robert D. Maurer, en sa qualité de coïnventeur desdits brevets, était respon- sable du programme de guide d'ondes optiques de la demanderesse et on prétend qu'il est le seul témoin en mesure de donner aux défenderesses une description complète des travaux préparatoires de la demanderesse. Des procédures ont été engagées aux États-Unis pour l'interroger à son lieu de résidence. Après l'échange de nombreuses lettres avec l'avocat américain, un subpoena a été obtenu et il a été convenu que le témoin déposerait le 11 novembre 1983 à Rochester, New York. Vers le 8 novembre, l'avocat des défenderesses a appris que les avocats de M. Maurer cherchaient à obtenir un
report d'une semaine c'est-à-dire au 17 novembre 1983, ce qui a été accepté. Le 16 novembre, l'avo- cat des défenderesses s'est rendu à Rochester. Le 17 au matin, une demi-heure après l'heure fixée pour le début de l'interrogatoire, il a été avisé que l'avocat américain de Corning Glass Works venait de signifier à l'avocat local un avis de requête, avec documents à l'appui, en vue d'obtenir l'annulation du subpoena.
Un affidavit déposé par l'avocat de la demande- resse indique que, au cours de l'interrogatoire préalable de M. Schultz, la demanderesse lui a posé plusieurs questions sur M. R. D. Maurer et a obtenu beaucoup de renseignements en réponse aux questions posées au nom des défenderesses. Le 3 juin 1983, les défenderesses ont reporté l'interro- gatoire sous réserve seulement du droit de poser des questions supplémentaires au sujet de certains points examinés par la demanderesse. Par ordon- nance datée du 26 juillet 1983, la Cour a tranché toutes les questions encore en suspens avant l'ins- truction et, par ordonnance datée du 15 septembre 1983, l'instruction de l'affaire a été fixée au 16 janvier 1984 Toronto. Cela a été fait en vertu d'une demande unilatérale de la demanderesse. L'affidavit indique en outre que le subpoena a été signifié à M. Maurer vers le 28 octobre 1983 seulement et que l'avocat n'en a eu connaissance que le 31 octobre 1983 bien que les défenderesses aient obtenu l'ordonnance ex parte aux environs du 7 avril 1983. La question du subpoena a été contestée et les défenderesses ont demandé que l'audience qui devait être tenue le 7 décembre 1983 Rochester soit reportée sur consentement en attendant une décision de la présente Cour à l'égard de la présente demande.
L'avocat des défenderesses invoque la Règle 465(5):
Règle 465... .
(5) Le cédant d'un brevet d'invention, d'un droit d'auteur, d'une marque de commerce, d'un dessin industriel ou de tout bien, droit ou intérêt peut être interrogé au préalable par une partie qui est opposée à tout cessionnaire. (Lorsque le contexte le permet, la mention faite dans la présente Règle d'un individu qui doit être interrogé ou d'un individu qui est interrogé comprend un tel concessionnaire).
Le mot «cédant» est employé au singulier et rien n'indique que dans le cas d'un coïnventeur les deux parties peuvent être interrogées au préalable. Pen dant son interrogatoire, M. Schultz s'est engagé à
s'informer au sujet de M. Maurer et bien qu'il puisse être utile pour les défenderesses d'interroger le coïnventeur Maurer, cela ne justifie pas néces- sairement un deuxième interrogatoire, puisque normalement en vertu de notre procédure, contrai- rement à celle en vigueur aux États-Unis, une seule personne peut être interrogée pour une société. En l'espèce M. Schultz a été interrogé. Il est vrai que le paragraphe (19) de la Règle 465 autorise la Cour pour des raisons spéciales mais exceptionnellement, et dans sa discrétion, à ordon- ner un autre examen préalable après qu'une partie ou cessionnaire aura été examiné au préalable en vertu de la Règle; toutefois il s'agit d'une disposi tion qui n'est pas utilisée fréquemment.
Cependant, la véritable question tient à ce que la présente Cour ne peut réellement délivrer un subpoena enjoignant un non résident à venir au Canada pour y être interrogé, même si on offre le montant des frais de déplacement.
La Règle 465(12) prévoit:
Règle 465... .
(12) Lorsqu'un individu qui doit être interrogé au préalable est hors du ressort de la Cour, temporairement ou d'une façon permanente, la Cour pourra ordonner, ou les parties pourront convenir, que l'interrogatoire préalable soit tenu à un endroit, et de telle manière, qui sera considérée comme juste et convenable.
Dans l'affaire Lido Industrial Products Limited c. Teledyne Industries, Inc. et autre', le. juge en chef Jackett rendant la décision de la Cour d'appel fédérale a déclaré aux pages 313 et 314 C.F., pages 3 et 4 C.P.R.:
La Règle 465 prévoit également (Règle 465(5)) une procé- dure rangée sous le vocable d'interrogatoire préalable mais qui ne s'accorde pas avec l'acception commune de cette expression. Il ne s'agit pas d'un interrogatoire préalable d'une partie par une autre, mais d'un interrogatoire, antérieur au procès, d'un témoin potentiel, et la seule personne susceptible d'être interro- gée est le cédant d'un droit qui fait l'objet du litige, cette personne étant susceptible d'être interrogée qu'elle soit ou non un membre de la direction ou un employé de la partie adverse.
La comparution de la personne assujettie à l'interrogatoire prévu à la Règle 465(5) est assurée par subpoena (Règle 465(9)); dans ces conditions, cette personne n'est pas soumise au contrôle de la partie adverse et elle ne risque pas de voir sa défense radiée ou sa demande rejetée pour défaut ou pour refus de répondre ainsi qu'elle en est requise. (Règle 465(20).) Il est à croire qu'aux termes de la Règle 465(12), la Cour peut autoriser un tel interrogatoire à l'extérieur du Canada, mais nulle disposition des Règles n'habilite la Cour à ordonner à une
' [1979] 1 C.F. 310; 41 C.P.R. (2d) 1 (C.A.).
telle personne de comparaître, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada; un tel pouvoir est exclu si l'on tient compte du fait que le subpoena s'applique à l'intérieur du Canada et que la Cour ne peut rendre des ordonnances ou autres moyens de contrainte exécutoires à l'extérieur de son ressort territorial. (Voir McGuire c. McGuire [1953] O.R. 328.) En d'autres termes, dans le contexte de la Règle 465, la portée de la Règle 465(5) est implicitement restreinte en ce sens qu'elle ne s'applique pas au cas la personne à interroger se trouve à l'extérieur du Canada et ne peut faire l'objet d'un subpoena émanant d'un tribunal canadien.
Dans l'affaire Sternson Limited c. CC Chemicals Limited 2 , le juge Ryan, rendant le jugement de la Cour d'appel fédérale, a déclaré à la page 359 C.F., page 84 D.L.R.:
Il est vrai que, pour les motifs donnés dans l'arrêt Lido, la Division de première instance de la Cour fédérale n'aurait pu ordonner l'interrogatoire préalable de M. Rehmar. Il en est ainsi parce que, et seulement parce que, M. Rehmar ne serait pas soumis à un subpoena délivré au Canada. Je ne vois cependant pas en quoi cela empêche l'appelante de se présenter devant un tribunal américain ayant juridiction sur M. Rehmar pour obtenir, en vertu de la loi américaine applicable, le genre d'ordonnance qu'elle pourrait obtenir de la Cour fédérale si M. Rehmar, le cédant du brevet, se trouvait au Canada. La procédure à laquelle on a eu recours à l'étranger est une procédure admissible dans l'action dont la Cour fédérale est saisie en ce qui concerne un cédant à qui il est possible de faire une signification au Canada. L'interrogatoire intervenu à l'étranger n'est évidemment pas celui prévu à la Règle 465. Cela ne signifie cependant pas qu'il soit interdit d'y procéder.
Il s'agit précisément de la procédure que les défen- deresses ont très correctement tenté d'utiliser en l'espèce.
Dans l'affaire Procycle, Inc. et autre c. Deflec- taire Corporation et autre', le juge Marceau a mentionné ces deux jugements en rejetant une injonction qui visait à interdire à l'un des défen- deurs de recueillir la déposition de l'inventeur aux États-Unis. À la page 157 du jugement, il déclare:
Au reste, la Cour ne saurait intervenir dans l'exercice par l'un de ses justiciables d'un droit que celui-ci pourrait avoir aux États-Unis. Il paraît clair qu'il n'existe, en vertu des règles de notre juridiction, aucun droit d'interroger au préalable M. Hersh qui puisse fournir un fondement à l'ordonnance de la Cour de district des États-Unis et la question demeure de savoir quel usage les défendeurs pourront faire de l'interrogatoire lors de l'instruction de l'action. Mais cela devra être décidé en temps opportun. Pour l'instant je ne vois aucune raison, ni même aucune possibilité en vérité, pour notre juridiction de s'immiscer dans les voies de droit d'une juridiction américaine et de dicter aux avocats le mode de présentation d'une requête qu'ils pourraient lui soumettre.
Les défenderesses font valoir le principe selon lequel les parties ont droit à un interrogatoire
2 [1982] 1 C.F. 350; 124 D.L.R. (3d) 76 (C.A.).
3 (1981), 58 C.P.R. (2d) 153 (C.F. inst.).
entier et complet. Ce principe ne règle pas le problème de savoir comment et M. Maurer pourrait être interrogé en l'absence de consente- ment en raison d'une ordonnance qui pourrait être rendue par la présente Cour. On a fait mention de l'affaire Textron Canada Limited c. Rodi & Wienenberger Aktiengesellschaft 4 dans laquelle le juge Kerr, en traitant de la Règle 465(12), a refusé de faire des conjectures sur la possibilité que les cédants qui n'étaient pas des résidents ne se présentent pas à l'interrogatoire, ou sur le recours dont disposerait la demanderesse s'ils ne se présen- taient pas. Avant de rendre une ordonnance pré- voyant l'interrogatoire préalable des cédants au Japon et en Allemagne, le juge a voulu être con- vaincu qu'il y aurait une probabilité raisonnable qu'elle soit applicable en vertu des lois de ces pays et par conséquent a différé le jugement d'un mois afin de permettre à l'avocat de se renseigner à ce sujet. L'avocat des défenderesses établit une dis tinction en soulignant que dans cette affaire les cédants n'étaient pas des employés des parties qui devaient être interrogées, alors que M. Maurer est un employé de la demanderesse, et que la deman- deresse elle-même a tenté d'empêcher l'interroga- toire aux États-Unis. En effet, son avocat a agi au nom de M. Maurer pour tenter de faire annuler le subpoena relatif à l'interrogatoire.
Dans l'affaire Xerox of Canada Limited et autre c. IBM Canada Limitées, le juge Heald mentionne ce jugement du juge Kerr dans une action la défenderesse désirait interroger au préalable dix-huit inventeurs dont douze étaient des employés de la société Xerox aux États-Unis. Des affidavits contradictoires ont été présentés en ce qui a trait à l'application par les tribunaux américains d'une ordonnance provenant d'une cour canadienne. La demande a été rejetée, la Cour n'étant pas convaincue qu'il y avait une probabilité raisonnable que l'ordonnance de la Cour prévoyant l'interrogatoire soit appliquée. Cette décision a été maintenue par la Cour d'appel [IBM Canada Limitée c. Xerox of Canada Limited et autre, [1976] 2 C.F. 781].
L'avocat des défenderesses soutient que cette affaire est différente de l'arrêt Lido et des autres affaires, car il est manifeste que la Cour est com- pétente à l'égard de la demanderesse et que c'est la
4 [1973] C.F. 667; 10 C.P.R. (2d) 9 (1" inst.).
5 [1976] 1 C.F. 213; 24 C.P.R. (2d) 175 (1' inst.).
demanderesse elle-même qui cherche à éviter l'in- terrogatoire de M. Maurer.
L'avocat des défenderesses soutient en outre que la demande d'annulation du subpoena aux États- Unis est fondée sur le fait qu'une cour canadienne ne l'aurait pas délivré même s'il avait été un résident. De toute évidence, cet argument est erroné puisqu'il est possible en l'espèce d'invoquer le paragraphe (19) de la Règle 465, et qu'en outre, il est déclaré dans l'affaire Sternson, aux pages 357 et 358 C.F., et à la page 83 D.L.R.: «En vertu de nos Règles, un tel interrogatoire est toutefois permis lorsqu'il s'agit d'une partie adverse et d'une partie dans la situation de celle que l'on cherche à interroger dans la présente cause, soit le cédant de l'invention. Il ne fait aucun doute que M. Rehmar ne peut être soumis à l'interrogatoire prévu à la Règle 465(5) parce qu'il se trouve hors du ressort du tribunal. Mais il pourrait l'être s'il se trouvait au Canada.» [C'est moi qui souligne.] L'avocat soutient que si la Cour délivrait une ordonnance autorisant les défenderesses à signifier une convo cation pour un interrogatoire préalable à Toronto, cette mesure, que cependant la Cour ne pourrait rendre exécutoire permettrait toutefois d'empêcher la demanderesse de tenter de faire annuler aux États-Unis le subpoena relatif à l'interrogatoire de M. Maurer. Je ne crois pas que c'est une raison suffisante pour rendre une telle ordonnance. L'an- nulation du subpoena relatif à l'interrogatoire de M. Maurer aux Etats-Unis est une question qui relève de la compétence exclusive des tribunaux des États-Unis et il ne devrait pas être difficile d'établir le droit canadien devant ces tribunaux de la façon habituelle, si en fait il s'agit du seul argument que plaide la demanderesse pour faire annuler le subpoena.
L'avocat de la demanderesse souligne que les défenderesses ont obtenu une ordonnance relative au subpoena le 7 avril 1983, avant la fin de l'interrogatoire de M. Schultz ou avant qu'on ne lui ait posé des questions sur ce que savait M. Maurer, mais que le subpoena n'a pas été signifié avant le mois d'octobre. En septembre 1983, lors- que la date de l'audition a été fixée au 16 janvier 1984, M. Schultz ayant fait ce qu'il s'était engagé à faire, les défenderesses n'ont nullement exprimé leur intention d'interroger M. Maurer. L'avocat déclare que ce manque de franchise constitue un
abus des procédures de la Cour et que la demande concernant l'interrogatoire de M. Maurer a pour but de retarder l'instruction.
L'avocat des défenderesses pour sa part déclare qu'elles auraient pu être averties en octobre qu'il y aurait contestation de l'interrogatoire de M. Maurer aux États-Unis. Elles auraient pu éviter ainsi un voyage inutile à Rochester. Cette Cour n'a pas l'intention de faire des reproches à l'une ou l'autre partie, mais il est essentiel que l'instruction de l'affaire ne soit pas retardée. Si les défenderes- ses croient toujours que l'interrogatoire de M. Maurer est nécessaire, elles devront prendre les mesures qu'elles considèrent appropriées aux États-Unis pour obtenir le plus tôt possible l'audi- tion de la requête de M. Maurer en annulation du subpoena. Cette question devrait être tranchée aux États-Unis et il n'est pas souhaitable que cette Cour délivre une convocation. Vu la position que M. Maurer a adoptée aux États-Unis pour contes- ter son interrogatoire, il est peu probable qu'il se rende au Canada, même si on lui offre les frais de déplacement pour un tel interrogatoire.
En ce qui concerne l'argument des défenderesses selon lequel les affaires Lido et Xerox ne s'appli- quent pas puisque la personne à interroger est également un employé de la demanderesse car elle est assujettie au contrôle de celle-ci, cet argument ne serait valide que si la Cour devait invoquer le paragraphe (19) de la Règle 465 et ordonner un autre examen préalable et, même dans ce cas, il n'est pas certain qu'une telle ordonnance serait efficace. De plus, dans les affaires Lido et Xerox, les parties qui devaient être interrogées étaient non seulement des cédants ou des inventeurs mais éga- lement des employés de la partie, comme en l'es- pèce; ce motif ne peut donc être invoqué pour établir une distinction avec ces jugements.
Les défenderesses disent que la sanction prévue au paragraphe (20) de la Règle 465 pourrait être appliquée si la personne à interroger omettait de se rendre au Canada et que l'action doit être rejetée pour ce motif; cet argument ne semble pas applica ble, compte tenu des circonstances et de la jurisprudence.
Par conséquent, la requête des défenderesses est rejetée avec dépens.
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