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A-975-83
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et secré- taire d'État aux affaires extérieures (appelants) (intimés)
c.
Franklin Chiu -Fan Lau et Felix Siu Wai Lau (intimés) (requérants)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Ryan et Stone—Toronto, 22 mai; Ottawa, 25 juin 1984.
Immigration Le fils du requérant a atteint l'âge de 21 ans entre la date à laquelle son père a demandé des visas d'immi- grant pour lui-même et les personnes à sa charge et la date à laquelle les visas ont été délivrés L'agent des visas a, à bon droit, refusé de délivrer un visa au fils en tant que personne à charge, au motif qu'il avait 21 ans révolus à la date de la délivrance du visa L'admissibilité au visa est fonction de l'âge à la date de la délivrance du visa L'obtention d'un visa n'emporte pas le droit à l'établissement L'agent des visas n'est pas autorisé à accorder le droit d'établissement; son rôle se borne à déterminer si la personne qui demande le visa «semble être une personne qui peut obtenir le droit d'établisse- ment» L'art. 9 du Règlement doit être rapproché de la définition des termes «personne à charge» et «personne à charge qui l'accompagne» Le fils n'était pas «à la charge» de son père «au moment un visa d'immigrant» a été délivré à son père Le juge en chef Thurlow s'associe à la décision en se fondant sur une interprétation des premiers mots de l'art. 9(4) de la Loi suivant lequel l'agent des visas n'est investi du pouvoir de délivrer un visa que lorsqu'il «constate» l'existence des faits qui y sont énumérés, et non lorsque la demande est présentée La date à considérer pour déterminer l'admissibi- lité de la personne à charge est celle à laquelle l'agent des visas a fait les constatations requises relativement au père et aux personnes à sa charge Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 9(1),(2),(4), 12(1), 14(2) Règle- ment sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1), 6(4) (mod. par DORS/82-702, art. 2(2)), 9 (mod. par DORS/79- 851, art. 3).
Il s'agit d'un appel d'une ordonnance en mandamus pronon- cée par le juge de première instance qui a prescrit le réexamen de la demande de visa d'immigrant de Franklin Lau, en tenant compte du fait que l'agent des visas avait commis une erreur en refusant d'accorder un visa à Felix Lau au seul motif qu'il était âgé de plus de 21 ans à la date de la délivrance des visas. Felix Lau a atteint 21 ans entre la date à laquelle son père a demandé des visas d'immigrant pour lui-même et pour les personnes à sa charge et la date à laquelle les visas ont été délivrés à ses parents et à son frère. Le litige porte sur la question de savoir si l'admissibilité à l'obtention d'un visa s'établit en fonction de l'âge à la date de la demande ou en fonction de l'âge à la date de la délivrance du visa. L'article 9 du Règlement autorise l'agent des visas à délivrer un visa à la personne qui présente une demande de visa «ainsi qu'aux per- sonnes à sa charge qui l'accompagnent» si «lui-même et les personnes à sa charge ... satisfont aux exigences de la Loi et du présent règlement». Le paragraphe 9(4) de la Loi autorise
l'agent des visas à délivrer un visa s'il constate que la personne qui le demande «satisfait aux exigences de la présente loi et des règlements.. Les appelants soutiennent que c'est donc à la date de la délivrance du visa que les exigences de la Loi et du Règlement doivent être satisfaites. Entre la date de la demande et la date de la délivrance, l'agent des visas doit s'assurer «que l'établissement ... ne contreviendrait ni à la présente loi ni aux règlements». Les intimés soutiennent que la raison d'être de l'expression «personne à charge qui l'accompagne» définie à l'article 9 du Règlement est d'éviter que le requérant principal se fasse délivrer un visa lorsque la personne à charge qui l'accompagne est déclarée inadmissible. Ils soutiennent égale- ment que toute ambiguïté pouvant exister dans le Règlement doit être résolue en leur faveur.
Arrêt: l'appel est accueilli.
Le juge Stone (avec l'appui du juge Ryan): La question doit être tranchée suivant l'interprétation de l'article 9 du Règle- ment. Felix Lau ne pouvait pas se faire délivrer un visa d'immigrant en vertu de la demande de son père parce qu'il n'était pas, comme le prévoit le Règlement, «à la charge» de son père «au moment un visa d'immigrant» a été délivré à son père. Voilà l'effet de l'article 9 lorsqu'on le rapproche des définitions des termes «personne à charge. et «personne à charge qui l'accompagne». L'agent des visas a eu raison de refuser de délivrer un visa d'immigrant à Felix Lau.
Le juge en chef Thurlow (souscrivant au résultat): Il faut interpréter le Règlement conjointement avec la Loi et les dispositions du Règlement qui sont incompatibles avec celles de la Loi doivent céder le pas devant ces dernières. Les premiers mots du paragraphe 9(4) de la Loi signifient que l'agent des visas n'est investi du pouvoir de délivrer un visa à un immigrant qui remplit les conditions voulues que lorsque «L'agent des visas» «constate» l'existence des faits énumérés à ce paragraphe. Puisque le règlement doit s'interpréter comme donnant effet à la loi, la date à considérer pour déterminer l'admissibilité du fils à recevoir un visa en tant que personne à la charge de son père est celle à laquelle l'agent des visas a constaté l'existence des faits énumérés au paragraphe 9(4) relativement au père et aux personnes qui étaient à sa charge à l'époque.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
City of Ottawa v. Boyd Builders Ltd., [ 1965] R.C.S. 408. DÉCISION EXAMINEE:
Ahmad c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (décision en date du 26 mai 1981, Commission d'appel de l'immigration, V80-6255, non publiée).
DÉCISION CITÉE:
In re Heathstar Properties Ltd., [1966] 1 W.L.R. 993 (Ch.D.).
AVOCATS:
B. R. Evernden pour les appelants (intimés).
C. L. Rotenberg, c.r. et D. S. Wilson pour les intimés (requérants).
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour les appelants (intimés).
Goldberg, Wilson, Toronto, pour les intimés (requérants).
Cecil L. Rotenberg, c.r., Don Mills (Ontario), pour les intimés (requérants).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Le juge Stone a exposé les faits dans les motifs de son jugement. Je n'ai donc pas besoin de les répéter. Le litige porte sur la question de savoir si l'agent des visas était justifié à refuser de délivrer un visa à Felix Siu Wai Lau en tant que personne à la charge de son père, Franklin Chiu -Fan Lau, au motif qu'au moment le visa du père a été accordé, Felix Lau était âgé de plus de 21 ans et que, par conséquent, il n'était plus à ce moment à la charge de son père, au sens du paragraphe 2(1)' du Règlement sur l'immigration de 1978 [DORS/78-172]. Felix n'avait pas encore 21 ans au moment son père a fait sa demande.
Le litige porte sur l'interprétation de l'article 9 [mod. par DORS/79-851] du Règlement, lequel dispose:
9. Lorsqu'un immigrant, autre qu'une personne appartenant à la catégorie de la famille, qu'un parent aidé ou qu'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir, présente une demande de visa, l'agent des visas peut, sous réserve de l'article 1 1, lui délivrer un visa d'immigrant ainsi qu'aux personnes à sa charge qui l'accompagnent, si
a) lui-même et les personnes à sa charge, qu'elles l'accompa- gnent ou non, satisfont aux exigences de la Loi et du présent règlement; et
b) suivant son appréciation selon l'article 8,
(i) dans le cas d'un immigrant, autre qu'un retraité ou un entrepreneur, il obtient au moins cinquante points d'appré- ciation, ou
(ii) dans le cas d'un entrepreneur ou d'un candidat d'une province, il obtient au moins vingt-cinq points d'apprécia- tion.
' 2. (I) Dans le présent règlement,
«personne à charge», par rapport à toute personne, désigne le conjoint de cette personne et tout fils ou fille non marié et âgé de moins de vingt et un ans de cette personne ou de ce conjoint;
Il est permis, je crois, d'interpréter le texte même de cette disposition comme signifiant que l'expression «Lorsqu'un immigrant ... présente une demande» ne constitue pas uniquement une condition préalable à la délivrance d'un visa au requérant mais qu'elle fixe également la date à laquelle le requérant est tenu de remplir les condi tions d'admissibilité imposées aux immigrants et, en supposant qu'il les remplisse, qu'elle fixe la date à laquelle l'agent des visas est autorisé à délivrer le visa. Suivant cette interprétation, l'expression ser- virait vraisemblablement aussi à déterminer le moment où, aux fins de la demande, est établie la catégorie des personnes à charge. Au cas des événements qui se produiraient ultérieurement le rendraient inadmissible, le requérant n'obtiendrait évidemment pas de visa et ne serait pas admis. Ce serait également le cas pour les personnes à sa charge. Quoi qu'il en soit, le temps mis à établir son admissibilité ne semble avoir rien à voir avec la question de déterminer si on doit le déclarer admissible sur présentation de sa demande ou de déterminer auxquelles des personnes à sa charge peuvent être délivrés des visas en vertu de l'alinéa 9a) du Règlement.
Cette interprétation irait dans le même sens que celle qu'a adoptée la Commission d'appel de l'im- migration, dans la décision Ahmad c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (inédite-26 mai 1981, V80-6255), à propos d'un règlement for- mulé en des termes analogues à l'égard de person- nes qui étaient à la charge de personnes apparte- nant à la catégorie de la famille.
Quoi qu'il en soit, j'estime qu'il faut interpréter le Règlement en conjonction avec l'article 9 de la Loi [Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52] et, notamment, avec le paragraphe 9(4). Les dispositions du Règlement qui sont incompati bles avec celles de la loi doivent évidemment céder le pas devant ces dernières. Voici le texte du paragraphe 9(4):
9....
(4) L'agent des visas, qui constate que l'établissement ou le séjour au Canada d'une personne visée au paragraphe (1) ne contreviendrait ni à la présente loi ni aux règlements, peut lui délivrer un visa attestant qu'à son avis, le titulaire est un immigrant ou un visiteur qui satisfait aux exigences de la présente loi et des règlements.
Il me semble que les premiers mots de cette disposition signifient que l'agent des visas .l'est investi du pouvoir de délivrer un visa à un immi grant qui remplit les conditions voulues que lors- que «L'agent des visas» «constate» les faits qui y sont énumérés 2 et non au moment de la présenta- tion de la demande. Puisque le règlement doit s'interpréter comme donnant effet à la loi, il semble que la date à considérer pour déterminer l'admissibilité du fils à recevoir un visa en tant que personne à la charge de son père est celle à laquelle l'agent des visas a constaté les faits énu- mérés au paragraphe 9(4) relativement au père et aux personnes qui étaient à sa charge à cette époque.
Le cas présent se distingue facilement, à mon avis, de l'arrêt City of Ottawa v. Boyd Builders Ltd.' que l'avocat des intimés en appel a invoqué. Dans cette décision, c'est le droit de common law du propriétaire d'un immeuble au moment de la demande de permis de construction qui a été invo- qué. Il s'agit d'un droit que la Cour est toujours habilitée à faire respecter d'office.
Je suis d'avis de trancher l'appel dans le même sens que le juge Stone.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STONE: Les intimés en appel sont respectivement père et fils. Felix Lau est le 17 juillet 1961. Au mois de mars 1982, Franklin Lau résidait à Hong Kong avec son épouse, et ses fils Felix et Frank. Ils étaient citoyens du Royaume- Uni et de la Chine.
Franklin Lau avait déjà décidé le 26 mars 1982 de demander la résidence permanente au Canada. A cette date, il a présenté une demande de rési- dence permanente au Canada aux autorités com- pétentes de l'immigration canadienne à Hong Kong. Sur sa demande, figurait le nom de son épouse, de même que celui de ses deux fils en tant que [TRADUCTION] «enfants de moins de 21 ans». Il a rédigé sa demande conformément aux disposi tions du Règlement sur l'immigration de 1978
2 Comparer avec In re Heathstar Properties Ltd., [1966] 1 W.L.R. 993 (Ch.D.).
3 [1965] R.C.S. 408.
régissant les travailleurs autonomes, étant donné qu'il avait l'intention d'établir un commerce au Canada. À cette époque, il était le propriétaire unique d'une entreprise commerciale à Hong Kong. Son épouse et ses fils ont présenté une demande de résidence permanente au Canada en même temps. Franklin Lau a également demandé des visas d'immigrants pour lui-même, son épouse et ses deux fils.
Felix Lau a eu 21 ans le 17 juillet 1982. Les autorités de l'immigration canadienne ont reçu Franklin Lau et son épouse en entrevue le 13 septembre de la même année, à Hong Kong. Les membres de la famille Lau ont ensuite subi des examens médicaux dont les résultats ont été trans- mis aux autorités de l'immigration. Par lettre en date du 16 novembre 1982, les autorités de l'immi- gration ont informé Franklin Lau que, sur récep- tion de certains renseignements, [TRADUCTION] «des visas d'immigrants valides jusqu'au 6 mai 1983 seront délivrés». Le post-scriptum suivant avait été ajouté au bas de la lettre:
[TRADUCTION] Votre fils Lau Siu Wai est maintenant âgé de 21 ans. Il ne remplit donc plus les conditions lui permettant d'être inclus dans votre demande. Veuillez nous aviser si cela change de quelque façon votre décision de venir vous installer au Canada.
Franklin Lau a été atterré par cette nouvelle. Il croyait que le fait d'inclure Felix dans sa demande de visa comme «personne à charge» autorisée à l'accompagner ou à le suivre au Canada ne pose- rait aucun problème étant donné que ce dernier avait moins de 21 ans au moment de la demande. Il a depuis lors immigré au Canada avec son épouse et son fils Frank, laissant Felix à Hong Kong.
Franklin Lau a décidé de contester la décision des autorités de l'immigration et d'entreprendre d'autres démarches. Ses premières tentatives sont restées sans résultat. Par avis de requête en date du 31 mars 1983, les intimés ont demandé à la Division de première instance de délivrer un bref de mandamus. Le juge Mahoney a accueilli cette requête le 8 juin 1983 [Division de première ins tance de la Cour fédérale, T-920-83, encore iné- dite] et a rendu une ordonnance de la nature d'un mandamus prescrivant le réexamen de la demande de visa d'immigrant de Franklin Lau en tenant compte du fait que l'agent des visas avait commis une erreur de droit en refusant d'accorder un visa
à Felix Lau au seul motif qu'il était âgé de plus de 21 ans au 16 novembre 1982.
Les appelants prétendent que, pour arriver à sa décision, le juge s'est trompé dans l'application de la modification apportée le 1°r septembre 1982 [DORS/82-702] au paragraphe 6(4) du Règle- ment à propos de l'admissibilité du fils (ou de la fille) non marié(e) d'un requérant parrainé qui demande un visa s'il (ou si elle) est âgé(e) de moins de 21 ans au moment de la présentation de la demande de visa et de moins de 23 ans au moment de la délivrance. Ils prétendent aussi que le juge aurait rendre sa décision en se fondant sur les dispositions de l'article 9 du Règlement qui, comme il a été admis, régit les conditions auxquel- les Felix Lau peut se faire délivrer un visa d'immi- grant. En voici le texte:
9. Lorsqu'un immigrant, autre qu'une personne appartenant à la catégorie de la famille, qu'un parent aidé ou qu'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir, présente une demande de visa, l'agent des visas peut, sous réserve de l'article 11, lui délivrer un visa d'immigrant ainsi qu'aux personnes à sa charge qui l'accompagnent, si
a) lui-même et les personnes à sa charge, qu'elles l'accompa- gnent ou non, satisfont aux exigences de la Loi et du présent règlement; et
b) suivant son appréciation selon l'article 8,
(i) dans le cas d'un immigrant, autre qu'un retraité ou un entrepreneur, il obtient au moins cinquante points d'appré- ciation, ou
(ii) dans le cas d'un entrepreneur ou d'un candidat d'une province, il obtient au moins vingt-cinq points d'apprécia- tion.
En ce qui concerne le premier moyen, je ne vois pas comment les intimés en appel peuvent préten- dre que les dispositions de l'article 6 du Règlement s'appliquent en l'espèce. Le paragraphe 6(4) a été expressément adopté, notamment, «aux fins du paragraphe (1)» de ce même article. Or, ce para- graphe s'applique lorsqu'une «personne apparte- nant à la catégorie de la famille présente une demande de visa d'immigrant» et que cette per- sonne a un répondant. À mon avis, l'article 6 du Règlement vise la demande de visa d'immigrant faite par une personne qui appartient à la catégorie de la famille et qui est parrainée par une personne de la même catégorie. La demande de visa d'immi- grant de Franklin Lau n'ayant pas fait l'objet d'un parrainage, les dispositions du paragraphe 6(4) ne s'appliquent pas.
Le deuxième moyen d'appel concerne l'interpré- tation de l'article 9 du Règlement, précité. Cet article dispose que l'agent des visas peut délivrer un visa d'immigrant à une personne qui lui en fait la demande «ainsi qu'aux personnes à sa charge qui l'accompagnent», si, notamment, «lui-même et les personnes à sa charge, qu'elles l'accompagnent ou non, satisfont aux exigences de la Loi et du présent règlement». Les expressions «personne à charge» et «personne à charge qui l'accompagne» sont définies de la façon suivante au paragraphe 2(1) du Règlement:
«personne à charge», par rapport à toute personne, désigne le conjoint de cette personne et tout fils ou fille non marié et âgé de moins de vingt et un ans de cette personne ou de ce conjoint;
«personne à charge qui l'accompagne», par rapport à toute personne, désigne une personne à charge de cette personne qui obtient un visa lorsqu'un visa est délivré à cette personne afin de permettre à la personne à charge d'accompagner ou de suivre cette personne au Canada;
L'avocat des appelants invoque le paragraphe 9(4) de la Loi qui autorise l'agent des visas à délivrer un visa à la personne qui lui en fait la demande s'il est d'avis que cette personne «satisfait aux exigences de la présente loi et des règlements». Il en déduit que les exigences de la Loi et du Règlement doivent être remplies à la date de la délivrance du visa plutôt qu'à la date le visa est demandé. Il prétend que le paragraphe 9(4) oblige l'agent des visas, entre la date de la demande et la date de la délivrance, à s'assurer «que l'établisse- ment ... ne contreviendrait ni à la présente loi ni aux règlements». Il prétend que les dispositions des alinéas 19(1)a) et c) de la Loi donnent des exem- ples des questions qui doivent faire l'objet d'une enquête avant la délivrance d'un visa. Il ajoute qu'étant donné que Felix Lau ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 9 du Règlement à la date à laquelle un visa d'immigrant a été délivré à son père parce qu'il avait 21 ans révolus, il n'était pas une «personne à charge qui l'accompagne» au sens de l'article 9 du Règlement et que, par conséquent, il ne remplissait pas les conditions d'admissibilité pour obtenir un visa.
Les intimés contestent ces arguments. À leur avis, la raison d'être de l'expression «personne à charge qui accompagne» définie à l'article 9 est simplement qu'on veut éviter que le requérant principal se fasse délivrer un visa lorsque la per-
sonne à charge qui l'accompagne est déclarée inad missible. L'avocat prétend que, dans une situation comme celle en l'espèce, il faut que tous les visas d'immigrants visés par la demande du requérant principal soient délivrés en même temps, de sorte que le requérant principal ne reçoive pas de visa si l'une des personnes à charge qui l'accompagne est déclarée inadmissible. Pour appuyer cette affirma tion, l'avocat invoque la décision rendue par la Commission d'appel de l'immigration le 26 mai 1981 dans l'affaire Ahmad c. Le ministre de l'Em- ploi et de l'Immigration. La Commission s'est penchée dans cette affaire sur la définition des termes «personne à charge» et de «personne à charge qui l'accompagne» et a dit la page 3]:
[TRADUCTION] En l'espèce, l'auteur principal de la demande est le père et les personnes à charge qui l'accompagnent sont la mère et le frère. Par conséquent, le père est «la personnes à laquelle il est fait allusion dans la définition de l'expression .personnes à charge qui l'accompagnent.. Relisons cette défini- tion dans ce contexte:
.personne à charge qui l'accompagne», par rapport au père, désigne une personne à charge du père qui obtient un visa lorsqu'un visa est délivré au père afin de permettre à la personne à charge d'accompagner ou de suivre son père au Canada.
À mon avis, cette définition signifie simplement que les visas sont délivrés en même temps à l'immigrant principal et aux personnes à charge qui l'accompagnent. Voilà l'essence même de cette définition. Enfin, d'après moi, elle ne signifie rien d'autre.
Les appelants acceptent l'argument des intimés dans son entier, même si, dans le cas présent, des visas ont été délivrés respectivement au père, à la mère et au frère en dépit du fait qu'aucun n'a été délivré à Felix. Pour terminer, les intimés soutien- nent que toute ambiguïté pouvant exister dans le Règlement à propos de la date à laquelle l'exigence relative à l'âge doit être satisfaite doit être résolue en faveur de Felix Lau.
Avant de se prononcer sur ces différents argu ments, il faut bien se rappeler que le fait de détenir un visa d'immigrant n'emporte pas en lui-même le droit d'établissement au Canada. Aux termes du paragraphe 9(1) de la Loi, sauf dans certains cas définis, «tout immigrant ... [doit] demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée». Cette demande doit, conformément au paragraphe 9(2), être examinée par un agent des visas «qui détermine si [cette personne] semble être une personne qui peut obtenir le droit d'établisse- ment ...». La personne qui désire venir au
Canada à titre d'immigrant doit, suivant le para- graphe 12(1), «se présenter devant un agent d'im- migration à un point d'entrée» afin que, notam- ment, ce dernier détermine, après examen, si elle doit être autorisée à entrer au Canada. Ce n'est que lorsqu'il constate, conformément au paragra- phe 14(2), qu'accorder le droit d'établissement ne contreviendrait ni à la Loi ni au Règlement, qu'il «doit ... accorder le droit d'établissement» à un immigrant. L'agent des visas n'est pas en tant que tel autorisé par la Loi à accorder le droit d'établis- sement. Son rôle se borne à déterminer si la per- sonne qui demande le visa «semble être une per- sonne qui peut obtenir le droit d'établissement». Pour reprendre les termes employés par l'avocat des appelants, le fait de détenir un visa ne fait [TRADUCTION] «qu'aplanir la voie» pour s'établir au Canada. C'est à l'agent d'immigration qu'il incombe, au point d'entrée, d'accorder ou de refu- ser l'établissement, conformément à la Loi et au Règlement.
À mon avis, la seule question à décider en l'espèce est celle de savoir si, pour déterminer l'admissibilité de Felix Lau à recevoir un visa d'immigrant, il faut considérer son âge à la date de la demande ou, suivant la prétention des appelants, à la date à laquelle les visas d'immigrants ont été délivrés à ses parents et à son frère. Si c'est la première date qui doit être retenue, il ne fait pas de doute que Felix Lau avait le droit d'être inclus et de se faire délivrer un visa en tant que «personne à charge qui accompagne» son père, étant donné qu'il avait alors moins de 21 ans. Si, au contraire, il faut prendre la seconde date, Felix Lau n'avait pas droit à l'inclusion et c'est à raison qu'on lui a refusé le visa. La question doit être tranchée sui- vant l'interprétation que doit recevoir l'article 9 du Règlement, lequel article régissait la demande de visas d'immigrants qui nous occupe. Franklin Lau a cherché dès le début à inclure son fils dans sa demande pour que celui-ci puisse l'«accompagner ou [le] suivre» au Canada à titre de «personne à charge qui l'accompagne». À mon avis, Felix Lau ne pouvait pas se faire délivrer un visa d'immi- grant en vertu de la demande de son père parce qu'il n'était pas, comme le prévoit le Règlement, «à la charge» de son père «au moment un visa d'immigrant» a été délivré à son père. Voilà, il me semble, l'effet de l'article 9, lorsqu'on le lit con- jointement avec les définitions des termes «per-
sonne à charge» et «personne à charge qui l'accom- pagne». Je conclus donc que l'agent des visas a eu raison de refuser de délivrer un visa d'immigrant à Felix Lau.
Bien que le texte du Règlement commande une telle conclusion, il me semble que le résultat est assez rigoureux. Si on fait abstraction de la ques tion de l'âge, personne n'a laissé entendre que, dans le cas présent, Felix Lau ne satisfaisait pas aux autres exigences de la Loi ou du Règlement nécessaires à l'obtention d'un visa. La demande est restée entre les mains des responsables de l'immi- gration pendant environ trois mois et demi avant que Felix Lau n'arrive à l'âge de vingt et un ans. Il est probable que si on s'était occupé de sa demande avant la date de son anniversaire, il aurait, d'après ce que j'en comprends, obtenu lui aussi un visa d'immigrant. Dans ce cas, il semble donc que le refus de délivrer un visa est uniquement attribua- ble au fait que Felix Lau ait atteint 21 ans avant qu'on ait terminé l'examen de sa demande.
Je suis d'avis d'accueillir l'appel et d'annuler l'ordonnance de la Division de première instance avec dépens, s'ils sont demandés, mais de rejeter la requête sans frais.
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
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