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T-1998-81
Thyssen Canada Limited (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Walsh— Toronto, 22 novembre; Ottawa, 2 décembre 1983.
Droit constitutionnel Charte des droits Exercice de droits garantis par la Charte Requête, fondée sur l'art. 24, en ordonnance exigeant la remise des copies d'une lettre et interdisant son emploi à l'instruction Lettre photocopiée par un fonctionnaire chargé de la vérification fiscale dans les locaux de la demanderesse Le fonctionnaire n'a pas révélé la lettre photocopiée pour avoir un avantage dans le litige On peut dire tout au plus que le fonctionnaire a joué un «sale tour» Les «auditions des demandes de suppression» à la manière américaine ne sont pas reconnues au Canada La Charte ne modifie pas la situation La lettre a été obtenue avant l'adoption de la Charte La Charte n'a pas d'effet rétroactif— L'argument selon lequel le refus par la Couronne de remettre la lettre constitue une violation continue de la Charte est rejeté Les décisions ontariennes sur la question sont préférées à la décision R. v. Davidson (1982), 40 N.B.R. (2d) 702 (B.R.) L'art. 8 de la Charte ne s'applique pas puisque le fait de photocopier la lettre ne constitue pas une fouille, une perquisition ou une saisie abusives L'admission de la lettre en preuve ne déconsidère pas l'administration de la justice Requête rejetée Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 8, 24.
Preuve Recevabilité Requête en ordonnance d'exclu- sion fondée sur l'art. 24 de la Charte La Cour a-t-elle compétence pour accorder le redressement sollicité? Les «auditions des demandes de suppression» américaines ne sont pas reconnues au Canada La Charte ne change pas cette situation La Cour tient de la Règle 474 le pouvoir de déclarer certaines preuves recevables Dans un cas particu- lier, il est dans l'intérêt de la justice d'examiner l'argument fondé sur la Charte Des éléments de preuve ont été obtenus avant l'adoption de la Charte La Charte ne rétroagit pas Le fait pour la Couronne de retenir des documents comme preuve ne constitue pas une violation continue de la Charte Les décisions ontariennes sur la question sont préférées à la décision du Nouveau-Brunswick citée par la demanderesse L'art. 8 de la Charte ne s'applique pas, le document n'ayant pas été obtenu au moyen de fouilles, de perquisitions ou de saisies abusives L'admission du document en preuve ne déconsidère pas l'administration de la justice Les tribu- naux canadiens ont le pouvoir discrétionnaire d'admettre même les éléments de preuve illégalement obtenus Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 8, 24 Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 474 (mod. par DORS/ 79-57, art. 14).
Pratique Requête en ordonnance écartant la preuve obte- nue contrairement à la Charte L'ordonnance sollicitée
constitue-t-elle réellement un jugement déclaratoire qu'on ne peut obtenir dans une procédure interlocutoire? La Charte ne modifie pas les Règles de la Cour fédérale Il ne s'agit pas d'un cas approprié pour appliquer la Règle 327 ou la Règle 474 La Cour ne désire pas créer un précédent d'application générale, mais, dans un cas particulier, il est dans l'intérêt de la justice d'examiner l'argument fondé sur la Charte en exerçant la compétence inhérente qu'a la Cour sur ses procédures Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 327, 474 (mod. par DORS/79-57, art. 14) Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 24.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions La contribuable a considéré les frais de paiement tardif comme un intérêt et a ajouté ces paiements à ses revenus bruts pour diminuer la retenue fiscale Le ministère du Revenu national a procédé à la vérification des livres et registres de la contri- buable Le vérificateur a photocopié une lettre à l'insu de la contribuable Espérant surprendre la contribuable et favori- ser les chances de justifier les cotisations L'art. 231 de la Loi confire un large pouvoir pour l'examen de registres dans une vérification fiscale On peut dire tout au plus que le fonctionnaire a joué un »sale tour» Il n'y a pas eu de fouilles, perquisitions ou saisies illégales Preuve recevable Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 231.
En 1980 et en 1981, G, fonctionnaire du ministère du Revenu national, procédait à la vérification des dossiers de la demande- resse relativement à certaines années d'imposition («la période de vérification»). C'est dans les locaux de la demanderesse qu'il a fait cette vérification, avec l'entière collaboration de la demanderesse. Il a obtenu de celle-ci l'autorisation d'examiner ses livres et registres qui, selon lui, comprenaient la correspon- dance concernant les affaires financières de la demanderesse. Dans la salle qui lui a été réservée, on pouvait voir des reliures contenant la correspondance de ce genre. L'une de ces reliures contenait un double d'une lettre envoyée par la demanderesse à sa société mère allemande. Cette lettre portait une date tom- bant dans la période de vérification, mais elle faisait état de la pratique adoptée à l'égard de certains paiements faits par la demanderesse à la société mère dans les années précédant immédiatement la période de vérification («les années antérieures»).
L'action à laquelle la présente requête se rapporte consistait dans un appel formé contre les cotisations établies pour les années antérieures, et il s'agissait de savoir la façon dont la demanderesse aurait traiter, pour des fins d'impôt, les paiements précédents. À l'époque de la vérification, G connais- sait le litige concernant les déclarations faites pour les années antérieures. Sans informer la demanderesse de sa découverte de la lettre, il l'a photocopiée dans les locaux auxquels il avait, sur autorisation de la demanderesse, accès. En temps utile, il s'est arrangé pour verser une photocopie de cette lettre au dossier du Ministère concernant les années antérieures. il n'a pas voulu porter la lettre à l'attention de la demanderesse lorsqu'il l'a obtenue parce qu'il voulait laisser aux autres fonctionnaires du Ministère le soin de le faire ultérieurement, au moment oppor- tun, de manière à surprendre la demanderesse, ce qui favorise- rait les chances du Ministère de justifier ses cotisations.
La présente requête de la demanderesse vise à obtenir, en vertu de l'article 24 de la Charte, une ordonnance qui enjoint à la défenderesse de retourner toutes les copies de la lettre qu'elle a en sa possession, qui radie cette lettre du dossier et qui interdit à la défenderesse de produire cette lettre à l'instruction.
Jugement: la requête est rejetée.
Il est admis que si on s'était opposé à la vérification, une autorisation aurait pu être obtenue en vertu de l'article 231 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le fait qu'une vérification soit faite avec la permission et l'assistance d'un contribuable ne limite pas la nature des dossiers qui peuvent être examinés ou photocopiés. De plus, il est certain qu'une fois que G a vu la lettre, celle-ci aurait pu être obtenue par d'autres moyens que celui réellement employé, et utilisée par la suite dans les procédures.
En l'espèce, il n'est nullement question de fouille, de perquisi- tion ou de saisie illégales. En fait, on n'a pas pris mais simplement photocopié la lettre litigieuse. On peut dire tout au plus que G a joué un «sale tour» en refusant d'informer la demanderesse qu'il avait découvert une lettre qui était suscepti ble de porter atteinte à la cause de celle-ci, et qu'il espérait prendre la demanderesse au dépourvu.
En tout cas, il existe des doutes quant à l'importance de la lettre. La nature attribuée par la demanderesse à ces paiements en préparant ses déclarations pour les années antérieures appa- raît à ces déclarations et ne saurait être modifiée ni par un aveu fait par la suite, ni par une recommandation, ni par un change- ment dans cette pratique. Même si la lettre adressée à la société mère contenait un aveu que la pratique suivie dans les années antérieures était erronée, cet aveu ne lierait pas la Cour qui doit déterminer simplement si la pratique adoptée était permise.
Le seul point litigieux soulevé par la présente requête porte sur la recevabilité en preuve d'un document particulier. La défenderesse soutient que la recevabilité des éléments de preuve est une question qu'il appartient au juge du fond de trancher, et que la Cour n'a donc pas compétence pour accorder l'ordon- nance sollicitée. Cet argument est de taille. Même avec l'avène- ment de la Charte, les «auditions des demandes de suppression» à la manière américaine ne sont pas acceptées en droit cana- dien. La défenderesse soutient également que ce que la requête vise à obtenir est essentiellement un jugement déclaratoire, qu'un tel redressement ne saurait être accordé dans une procé- dure interlocutoire et que le paragraphe 24(1) de la Charte n'a pas changé ce principe.
Néanmoins, compte tenu des faits de l'espèce et du débat approfondi de la question, il est dans l'intérêt de la justice, pour la Cour, de statuer sur la question de savoir si un redressement sous le régime de la Charte est nécessaire. Il ne conviendrait pas d'appliquer la Règle 327 ni la Règle 474 pour aborder la question; toutefois, il convient d'invoquer la compétence inhé- rente qu'a la Cour sur ses propres procédures, bien que cette mesure ne doive pas être interprétée comme un précédent d'application générale pour l'examen, avant l'instruction, de la recevabilité d'un élément de preuve particulier.
La demanderesse ne saurait se prévaloir de la Charte. Cel- le-ci est entrée en vigueur après que G eut procédé à la vérification et obtenu la copie de la lettre, et elle n'a pas d'effet rétroactif. Alors que la demanderesse soutient que le fait pour
la défenderesse de retenir le document constitue une violation continue de la Charte, la règle de la non-rétroactivité s'applique effectivement, d'après la jurisprudence, aux faits de l'espèce.
Même si la Charte pouvait s'appliquer, la tentative faite par la demanderesse d'invoquer l'article 24 échouerait quant au fond. Probablement cette tentative devrait consister dans un recours à l'article 8 de la Charte (fouilles, perquisitions ou saisies abusives). Toutefois, il n'a été procédé à aucune fouille, perquisition ou saisie officielles. On a trouvé simplement, au cours d'une vérification faite avec l'autorisation de la demande- resse, une lettre non dissimulée. Bien que les mobiles de la conduite de G puissent n'avoir pas été louables, ce fait ne rend pas pour autant la .perquisition» abusive (ou illégale); et même si la conduite de G avait équivalu à une violation, il s'agirait d'un cas le paragraphe 24(2) devrait s'appliquer pour ne pas écarter la lettre, puisque l'admission de ce document en preuve ne déconsidérerait pas l'administration de la justice. La deman- deresse ne risque nullement d'être accusée d'un crime, et le comportement de G ou le fait de permettre à la lettre de faire partie du dossier ne constituent en rien une conduite qui .choque la collectivité» (expression utilisée par le juge Lamer dans l'arrêt Rothman) et qui mérite donc d'être réprimée.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
The Clarkson Company Limited c. La Reine. [1978] 1 C.F. 481 (l'° inst.); Re Regina and Potma (1982), 37 O.R. (2d) 189 (H.C.); Regina v. Shea (1982), 38 O.R. (2d) 582 (H.C.); Regina v. Longtin (1983), 41 O.R. (2d) 545 (C.A.); R. v. Esau (1983), 20 Man. R. (2d) 230 (C.A.); Regina v. Collins (1983), 5 C.C.C. (3d) 141; 33 C.R. (3d) 130 (C.A.C.-B.); Rothman c. Sa Majesté La Reine, [1981] 1 R.C.S. 640; 59 C.C.C. (2d) 30.
DÉCISION ÉCARTÉE:
R. v. Davidson (1982), 40 N.B.R. (2d) 702; 105 A.P.R. 702 (B.R.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Regina v. Siegel (1982), 39 O.R. (2d) 337 (H.C.); Food- corp Limited c. Hardee's Food Systems, Inc., [1982] 1 C.F. 821 (C.A.); Canadian Javelin Ltd. c. Sparling et autre (1981), 60 C.P.R. (2d) 220 (C.F. lre inst.); Sa Majesté la Reine c. Wray, [1971] R.C.S. 272; Lawrie v. Muir, [ 1950] S.C. (J.) 19.
DECISION CITÉE:
Banks, et autres c. La Reine, ordonnance en date du 13 mai 1983, Division de première instance de la Cour fédérale, T-1110-83, encore inédite.
AVOCATS:
T. A. Sweeney pour la demanderesse.
L. P. Chambers, c.r. et G. P. Jorré pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Borden & Elliott, Toronto, pour la demande- resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: La présente requête de la demanderesse, datée du 9 août 1983, vise à obte- nir, en vertu de l'article 24 de [la Charte cana- dienne des droits et libertés, qui constitue] la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)], une ordonnance qui enjoint à la défenderesse de retourner toutes les copies qu'elle a en sa possession d'une lettre de la demanderesse à sa société mère allemande en date du 1 ° ' septem- bre 1976, qui radie cette lettre du dossier et qui interdit à la défenderesse de produire cette lettre à l'instruction, ou toute autre ordonnance que cette Cour jugera appropriée.
Pour comprendre l'importance de la lettre en question, il est nécessaire de résumer les faits de l'espèce. Jeno Gal, vérificateur du ministère du Revenu national, a procédé à la vérification des dossiers de la demanderesse pour les années d'im- position 1976, 1977 et 1978. Pour ce faire, il a passé, entre le 2 juin 1980 et mars 1981, cinquante jours ouvrables dans les locaux de la demande- resse. Le présent appel ne se rapporte pas à ces années, mais aux cotisations établies pour les années d'imposition 1973, 1974 et 1975. La demanderesse est une filiale en propriété exclusive d'une société mère allemande à laquelle elle ache- tait de l'acier marchand pour le revendre en toute indépendance à ses clients au Canada et à l'étran- ger. Des frais de paiement tardif ont été imposés par la société mère allemande à la demanderesse, et celle-ci, de son côté, a demandé à chaque client de payer des frais de paiement tardif qu'elle a assimilés à un intérêt. Toutes les fois que la société mère imposait à la demanderesse des frais de paiement tardif, celle-ci ajoutait un intérêt au prix de vente des produits vendus à ses clients. Lors de l'instruction de l'action, la demanderesse prétendra qu'elle a eu tort de considérer les frais de paiement tardif qu'on lui a imposés comme un intérêt et d'ajouter ces paiements à ses revenus bruts pour diminuer la retenue fiscale canadienne. Des déduc- tions d'intérêt de plus de 1 000 000 $ lui ont été refusées au cours des années d'imposition 1973 à 1975. Par conséquent, la demanderesse fera valoir que la société mère, qui ne possède aucun établis-
sement au Canada, et elle-même ont été soumises à une double imposition en ce que la société mère a payé, en Allemagne, un impôt sur les frais de paiements tardifs imposés à la demanderesse alors qu'au Canada, on a refusé à celle-ci une déduction à l'égard des mêmes montants.
Il est reconnu que, durant sa vérification, M. Gal a reçu l'entière collaboration de M. Johan Vos, vice-président aux finances de la demande- resse. Il a demandé l'autorisation d'examiner les livres et les dossiers de la demanderesse qui, selon lui, comprenaient la correspondance concernant les affaires financières de celle-ci, et M. Vos n'a pas limité son accès à de simples registres comptables tels que les journaux, les grands livres et les pièces justificatives. On lui a montré deux salles une partie des livres et registres était conservée, on lui a donné un bureau dans l'une de ces salles pour travailler sans être dérangé, et on l'a invité à demander à M. Vos ou à son personnel toute l'aide nécessaire. La salle qui lui a été réservée était inoccupée et contenait des pièces justificatives pour le report à long terme, des chèques annulés, et du courrier-départ de la demanderesse concer- nant ses affaires financières, qui étaient conservés dans des reliures cartonnées à anneaux détachables qu'on pouvait voir sur une étagère de la salle. Parmi ces documents se trouvait un double de la lettre du 1°r septembre 1976 adressée par la demanderesse à la société mère allemande et qui faisait état de la pratique adoptée par la société à l'égard de ces paiements au cours des années anté- rieures que vise le litige en l'espèce. M. Gal a exposé dans son affidavit, sur lequel il a été contre- interrogé, qu'il connaissait le litige concernant les années d'imposition 1973, 1974 et 1975 de la demanderesse, et que sa vérification avait pour but, entre autres, de vérifier si la demanderesse avait aussi fait à des non-résidents déterminés, dans les années d'imposition 1976, 1977 et 1978, de semblables paiements d'intérêt sur ses dettes commerciales en souffrance.
M. Vos a également autorisé M. Gal à se servir de la photocopieuse de la demanderesse pour reproduire des parties des livres et registres de la demanderesse. M. Gal a nié, au contre-interroga- toire sur son affidavit, que cette autorisation com- portait des conditions, mais M. Vos, au contre- interrogatoire sur son affidavit, a exposé qu'il vou-
lait savoir ce qui allait être reproduit parce qu'il essayait d'empêcher son personnel de faire trop de photocopies, et que les vérificateurs venant de l'extérieur ne se gênent pas pour faire des copies. Il semble toutefois qu'il se préoccupait des frais de reproduction, qui ne sont pas facturés au ministère du Revenu national. Selon sa déposition, bien que M. Gal lui ait montré quelques-uns des documents qu'il avait photocopiés, il ne les lui a pas montrés tous. Des membres du personnel de M. Vos l'ont, de temps à autre, aidé à faire des copies.
En temps utile, M. Gal s'est arrangé pour verser une photocopie de cette lettre au dossier du minis- tère du Revenu national pour les années d'imposi- tion 1973, 1974 et 1975 avec une note disant qu'il l'avait obtenue [TRADUCTION] «à l'insu de la demanderesse». Il est allégué que, par là, M. Gal a simplement voulu dire qu'il ne l'avait pas portée à l'attention particulière de la demanderesse au moment il l'a obtenue, mais que cette remarque ne permet pas de dire qu'il l'avait obtenue sans l'autorisation de la demanderesse.
M. Gal, qui est manifestement un employé dili gent du ministère du Revenu, n'a pas voulu à ce moment porter la lettre à l'attention de M. Vos; il voulait laisser aux fonctionnaires du ministère du Revenu national (Impôt) chargés de l'appel le soin de le faire au moment opportun, de manière à surprendre la demanderesse, ce qui, d'après lui, favoriserait les chances du Ministère de justifier les cotisations. D'après sa déposition faite au cours de l'interrogatoire, il a également voulu à l'époque éviter une controverse possible avec M. Vos con- cernant la question de la déductibilité des frais d'intérêt. Toujours selon lui, il n'a pas comme règle de donner à la partie faisant l'objet d'une vérification une liste complète de tous les docu ments qu'il a photocopiés. Au contre-interrogatoire sur son affidavit, M. Vos a admis que si, à l'épo- que, M. Gal lui avait montré la lettre, il ne se serait pas opposé à ce qu'elle soit produite, mais en aurait discuté et aurait essayé de l'expliquer à M. Gal et il aurait peut-être eu une rencontre avec ses comptables. Il affirme qu'il savait que M. Gal, une fois en possession de la lettre, pouvait la retenir sans qu'il soit possible de s'y opposer. Il est admis que l'article 231 de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148, mod. par S.C. 1970- 71-72, chap. 63] donne des pouvoirs étendus pour
examiner les livres et registres du contribuable faisant l'objet d'une vérification et que, si on s'était opposé à la vérification, une autorisation aurait pu être obtenue en vertu de cet article. Le fait que la vérification ait été faite avec la permission et l'assistance du contribuable ne limite pas, à mon avis, la nature des dossiers qui peuvent être exami- nés ou photocopiés. En l'espèce, il n'est nullement question d'une perquisition ou d'une saisie illéga- les, et on n'a pas pris mais simplement photocopié l'original de la lettre.
On peut dire tout au plus que M. Jeno Gal a joué un «sale tour» en ne portant pas à l'attention particulière de M. Vos le fait qu'il avait découvert, au cours de sa vérification pour les années d'impo- sition 1976, 1977 et 1978, une lettre qui, si elle était produite dans le litige dont la Cour est main- tenant saisie relativement aux années d'imposition 1973, 1974 et 1975, était susceptible de nuire à la cause de la demanderesse relativement à ces années, et que ce faisant, il espérait prendre la demanderesse au dépourvu lors de la production de la lettre dans ces procédures. Certes, une fois qu'il a vu la lettre, celle-ci aurait pu être obtenue par d'autres moyens et utilisée dans ces procédures mais, de fait, j'ai des doutes quant à l'importance de cette lettre. La nature que la demanderesse a attribuée à ces paiements dans ses déclarations d'impôt de 1973, 1974 et 1975 apparaît à ces déclarations, et aucun aveu fait par la suite, aucune recommandation faite dans une lettre adressée à la société mère ni aucun changement apporté à cette pratique dans les années subsé- quentes, si tel a été le cas, ne saurait modifier cela. Même un aveu fait dans cette lettre que cette pratique était erronée, si on y trouve cet aveu, ne lierait pas la Cour qui statue sur le fond puis- qu'elle doit -déterminer simplement si la pratique adoptée dans les années visées était ou non permise.
Examinons maintenant les points de droit et la jurisprudence que les avocats des parties ont débattus tant oralement que par écrit. Le premier argument, qui sera décisif s'il est retenu, est que la Cour n'a pas compétence pour accorder le redres- sement que demande la présente requête parce qu'il se rapporte à la recevabilité des éléments de preuve, une question qu'il appartient au juge du fond de trancher. Cet argument est de taille et, en
fait, ce qu'on appelle parfois aux États-Unis les [TRADUCTION] «auditions des demandes de sup pression» n'est pas reconnu au Canada; et la Charte des droits n'a pas changé cet état de choses. Par exemple, dans l'affaire Regina v. Sie- gel', le juge O'Driscoll dit à la page 342:
[TRADUCTION] Les tribunaux de Grande-Bretagne ont toujours évité toute procédure qui demande de trancher la recevabilité d'éléments de preuve avant le moment de leur administration.
Il ajoute à la page 343:
[TRADUCTION] ... antérieurement à l'adoption de la Charte, les tribunaux canadiens ont refusé de statuer sur la recevabilité d'éléments de preuve avant leur présentation à l'instruction; les tribunaux canadiens ont toujours décidé que le juge siégeant à l'enquête préliminaire et le juge du procès avaient le droit et le devoir de trancher la question de la recevabilité.
Il s'agissait toutefois d'une affaire criminelle, et ce fait a été pris en compte dans l'examen de l'appli- cabilité de l'article 24 de la Charte.
La défenderesse soutient en outre que l'ordon- nance sollicitée dans la présente requête est essen- tiellement un jugement déclaratoire qu'on ne sau- rait accorder dans une procédure interlocutoire, et que le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés ne change pas ce principe ni ne modifie les procédures exposées dans les règles de la Cour fédérale ou de tout autre tribunal compétent (voir Banks, et autres c. La Reine 2 ).
D'autre part, la demanderesse insiste pour que cette question soit tranchée à un stade initial des procédures, soutenant que la Cour est compétente pour statuer sur cette requête en vertu de sa compétence inhérente d'appliquer ses propres pro- cédures. Elle fait valoir que la question a mainte- nant été pleinement et longuement débattue à l'audition de la présente requête, et qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Cour de laisser simplement au juge du fond le soin d'en décider à ce stade puis- que, à moins que la défenderesse ne décide de ne pas chercher à produire ladite lettre en preuve, le débat sur cette question devra être repris suivant les mêmes principes, ce qui aura pour résultat de retarder l'instruction. On a avancé que la Cour pouvait, en vertu de la Règle 474 ou la Règle 327 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663],
' (1982), 39 O.R. (2d) 337 (H.C.).
2 Ordonnance rendue par le juge Collier en date du 13 mai 1983, Division de première instance de la Cour fédérale, T-1110-83, encore inédite.
trancher la question de la recevabilité à titre de décision préliminaire sur un point de droit. Après examen de la jurisprudence, j'arrive toutefois à la conclusion qu'il ne s'agit pas d'un cas il y aurait lieu d'appliquer la Règle 474. Son application a été discutée dans Foodcorp Limited c. Hardee's Food Systems, Inc. 3 , le juge Heald, qui a rendu l'arrêt de la Cour d'appel, dit à la page 825 que la Règle 474 permet à la Cour, sur demande, de déclarer certaines preuves recevables, mais dans l'affaire dont il était saisi, il était admis qu'aucune demande de ce genre n'avait été faite. Dans l'af- faire dont il était saisi, il a conclu que les docu ments étaient, en tout état de cause, manifeste- ment irrecevables et que, de plus, il s'agissait d'une demande en radiation prévue à l'article 59 de la Loi sur les marques de commerce [S.R.C. 1970, chap. T-101 pour laquelle la procédure applicable est énoncée à la Règle 704 de cette Cour. Il a donc conclu que la recevabilité ou la non-recevabilité des documents devrait normalement relever du juge saisi de la procédure en radiation et, ne devrait pas être tranchée d'une façon préliminaire. Dans The Clarkson Company Limited c. La Reine 4 , le juge Mahoney dit à la page 483:
La situation envisagée à la Règle 474 est celle où, dans une affaire qui comporte un certain nombre de questions litigieuses, la solution d'une de ces questions aura probablement pour effet de mettre fin à l'action.
Ce n'est certes pas le cas en l'espèce.
Dans l'affaire Canadian Javelin Ltd. c. Sparling et autres, le juge Addy dit à la page 221:
Dans toute requête fondée sur la Règle 474 [des Règles de la Cour fédérale, mod. par DORS/79-57, art. 14], le point que l'on demande au tribunal de trancher ne peut être qu'un point de droit substantif ou un point qui touche à l'application du droit de la preuve.
Il ajoute à la page 222:
Une décision sur le point de droit soumis, dans sa formulation actuelle, ne trancherait toutefois pas de manière finale le litige qui oppose les parties, même si les défendeurs obtenaient une réponse favorable, parce que même alors, la demanderesse pourrait probablement poursuivre sa demande jusqu'au procès de l'action.
Il n'apparaît pas non plus que la Règle 327 puisse être invoquée. Cette Règle dispose:
3 [1982] 1 C.F. 821 (C.A.).
4 [1978] 1 C.F. 481 (1re inst.).
5 (1981), 60 C.P.R. (2d) 220 (C.F. 1" inst.).
Règle 327. Sur toute requête, la Cour pourra prescrire l'ins- truction d'un point litigieux soulevé à l'occasion de la requête, et pourra donner, au sujet de la procédure préalable à l'instruc- tion, de la procédure d'instruction et la décision sur la requête, les directives qu'elle estime opportunes.
Le seul point litigieux soulevé par la requête porte sur la recevabilité en preuve d'un document parti- culier en vue de sa radiation du dossier.
Certes, je ne désire pas créer un précédent d'ap- plication générale portant qu'on peut examiner à l'avance les questions de ce genre plutôt que de laisser au juge du fond le soin de les examiner, mais il me semble, compte tenu des faits de l'es- pèce et du débat approfondi de la question, qui a été avancé, qu'il soit dans l'intérêt de la justice et de la compétence inhérente qu'a cette Cour sur ses procédures d'examiner et de trancher, dans les circonstances en l'espèce, l'argument fondé sur la Charte des droits invoqué par la demanderesse relativement à la production de ce document.
J'aborde maintenant un autre moyen qui, d'après moi, déciderait définitivement et à l'encon- tre de la demanderesse, de la présente requête, savoir qu'on ne saurait invoquer la Charte des droits puisqu'elle n'est entrée en vigueur qu'en 1982, avec la Loi constitutionnelle de 1982 dont elle fait partie, alors que le document n'a été obtenu qu'au cours de la vérification qui a eu lieu entre le 2 juin 1980 et le mois de mars 1981, avant l'adoption de la Charte, qui n'a pas d'effet rétroac- tif. La demanderesse fait valoir que le fait pour la Couronne de retenir le document comme preuve, de refuser de le rendre ou de s'abstenir d'en faire usage à l'instruction constitue une violation conti nue des dispositions de la Charte, ce qui donne à la Cour la compétence pour ordonner la radiation de cet élément de preuve. À l'appui de cette proposi tion, la demanderesse cite l'affaire R. v. David- son 6 , dans laquelle des drogues ont été saisies illégalement en vertu d'un mandat de perquisition inopérant délivré avant ladite Charte. À la page 708, le juge dit:
[TRADUCTION] Bien que les règles établies concernant l'in- terprétation des lois doivent s'appliquer pour interpréter l'appli- cation de la Charte, je ne saurais penser qu'il faille appliquer un raisonnement factice et fastidieux pour neutraliser le carac- tère réparateur de la Charte. Dissocier la perquisition et la saisie des articles de leur administration en preuve entraînerait
6 (1982), 40 N.B.R. (2d) 702; 105 A.P.R. 702 (B.R.).
ce résultat. Bien que je n'aie pas pris connaissance du texte de son jugement, le juge Eberle, dans l'affaire Re Potma, 7 W.C.B. 365, parait avoir adopté le point de vue contraire.
Dans l'affaire Potma (Re Regina and Potma 7 ), le juge Eberle dit à la page 200:
[TRADUCTION] ... je conclus que l'article 24 ne peut s'appli- quer qu'aux droits garantis par la Charte, et cela signifie uniquement à compter de l'entrée en vigueur de la Charte.
On trouve une conclusion semblable dans l'affaire Regina v. Shea 8 et dans Regina v. Longtin', le juge d'appel Blair dit à la page 548:
[TRADUCTION] Le même raisonnement s'applique à l'article 8 de la Charte qui crée le nouveau droit positif à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. Cet article n'a pas d'effet rétroactif et, par conséquent, l'appelante ne saurait l'invoquer.
Je conclus donc que, d'après la jurisprudence, la Charte canadienne des droits et libertés ne saurait être invoquée pour s'appliquer rétroactivement aux faits de l'espèce.
Même si j'avais accepté la conclusion sollicitée par la demanderesse que l'article 24 de la Charte peut s'appliquer, cela n'aurait servi en rien la demanderesse. Cet article 24 dispose:
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
La demanderesse devrait probablement s'appuyer sur l'article 8 de la Charte, qui dispose:
8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.
En l'espèce, il n'a été procédé à aucune fouille, perquisition ou saisie officielle, mais simplement à une vérification aux fins de l'impôt sur le revenu effectuée par M. Gal avec l'autorisation de la demanderesse, au cours de laquelle il a trouvé une lettre qui n'était ni dissimulée ni cachée; selon la demanderesse, cette lettre lui ferait du tort si elle
' (1982), 37 O.R. (2d) 189 (H.C.).
8 (1982), 38 O.R. (2d) 582 (H.C.).
9 (1983), 41 O.R. (2d) 545 (C.A.).
était produite à l'instruction de l'action. Il en a fait une photocopie sans en informer M. Vos, espérant en fait que ce dernier ne se rende pas compte qu'il ait même vu la lettre. Ses mobiles peuvent n'avoir pas été louables, bien qu'il ait certainement agi dans l'intérêt de son employeur, le ministère du Revenu national, mais je ne puis conclure qu'en conséquence, la perquisition était abusive ou
illégale.
En outre, même si j'avais conclu à la violation, de quelque façon que ce soit, des droits de la demanderesse à la suite de la reproduction, par M. Gal, de ce document à l'insu de la demanderesse, j'appliquerais quand même le paragraphe 24(2) de la Charte pour dire que l'utilisation de ce docu ment dans les présentes procédures ne déconsidère pas l'administration de la justice. On reconnaît depuis longtemps au Canada, à la différence des États-Unis, que même les éléments de preuve obte- nus illégalement peuvent être utilisés à l'instruc- tion, si la Cour le permet compte tenu des faits de l'espèce. Dans l'arrêt R. v. Esau 10 ,à la page 237, le juge d'appel Huband cite le jugement du juge Martland de la Cour suprême dans l'arrêt Sa Majesté la Reine c. Wray, [1971] R.C.S. 272, dans lequel il dit la page 287]:
La question de droit en cette Cour est le bien-fondé du principe énoncé dans les motifs de la Cour d'appel d'Ontario, à savoir que, dans une affaire criminelle, le juge de première instance a le pouvoir discrétionnaire d'écarter une preuve, même fort probante, s'il considère que la recevoir serait injuste ou inéqui- table envers l'accusé, ou de nature à discréditer l'administration de la justice.
Je traiterai d'abord de la dernière partie de cet énoncé. Je ne connais aucune jurisprudence, ni ici, ni en Angleterre, qui appuie la proposition que le juge de première instance a le pouvoir discrétionnaire d'écarter une preuve recevable parce qu'à son avis, la recevoir serait de nature à discréditer l'admi- nistration de la justice. [Renvoi omis.]
À la page 238, le juge Huband dit:
[TRADUCTION] Il ressort du texte du par. 24(2) que les éléments de preuve illégalement obtenus peuvent toujours être admis en preuve à l'encontre d'un accusé, sauf dans les cas les recevoir déconsidérerait l'administration de la justice.
Dans l'arrêt Regina v. Collins (1983), 5 C.C.C. (3d) 141; 33 C.R. (3d) 130 'rendu le 22 mars 1983 par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, le juge en chef Nemetz dit à la page 146 C.C.C., et aux pages 138 et 139 C.R.:
1 0 (1983), 20 Man. R. (2d) 230 (C.A.).
[TRADUCTION] La Cour suprême du Canada a déjà fait des remarques sur la recevabilité de déclarations faites par un accusé. Dans Rothman c. La Reine (1981), 59 C.C.C. (2d) 30, [1981] 1 R.C.S. 640, le juge Lamer a dit au sujet de la recevabilité des déclarations faites par un accusé:
Pour décider si, dans les circonstances, l'utilisation de la déclaration dans l'instance ternirait l'image de la justice, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de l'ins- tance, de la façon dont la déclaration a été obtenue, de la mesure dans laquelle on a porté atteinte aux valeurs sociales, de la gravité de l'accusation, de l'effet qu'aurait l'exclusion sur l'issue des procédures. Il faut aussi se rappeler qu'une enquête en matière criminelle et la recherche des criminels ne sont pas un jeu qui doive obéir aux règles du marquis de Queensberry. Les autorités, qui ont affaire à des criminels rusés et souvent sophistiqués, doivent parfois user d'artifices et d'autres formes de supercherie, et ne devraient pas être entravées dans leur travail par l'application de la règle. Ce qu'il faut réprimer avec vigueur, c'est, de leur part, une conduite qui choque la collectivité.
Il est également fait mention dans cet arrêt du jugement rendu par lord Cooper dans Lawrie v. Muir, [ 1950] S.C. (J.) 19, à la page 26 (le juge en chef du Canada Cartwright a cité, avec approba tion, ce passage dans ses motifs de dissidence dans l'arrêt Wray). Ce passage est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] Le droit doit chercher à concilier deux objec- tifs très importants qui sont susceptibles d'entrer en conflit: a) le désir du citoyen d'être protégé des atteintes illégales ou irrégulières à sa liberté par l'administration et b) celui de l'État de garantir que la preuve de la perpétration d'un crime qui est nécessaire pour que justice soit rendue ne soit pas écartée des tribunaux pour de simples motifs de formalité ou de rigidité. On ne peut trop insister sur l'un et l'autre de ces objectifs. La protection du citoyen est essentiellement celle de l'innocent contre toute intervention injustifiée, abusive ou, peut-être, arbi- traire, et dont la sanction ordinaire est un recours en domma- ges. Cette protection ne vise pas à mettre le coupable à l'abri des efforts du ministère public pour faire appliquer la loi. Par contre, l'intérêt de l'État ne peut aller jusqu'à exiger l'abandon de toutes les garanties de protection du citoyen et constituer une incitation pour l'administration à se servir de méthodes irrégulières.
En l'espèce, il ne s'agit pas d'une procédure crimi- nelle; il n'est pas non plus allégué que la demande- resse risque d'être accusée d'un crime. La question à trancher à l'instruction sera simplement de savoir si, dans sa déclaration d'impôt, la demande- resse pouvait assimiler les frais de paiement tardif à de l'intérêt. En découvrant un élément de preuve qui peut être utile à la décision sur cette question et en en faisant une photocopie sans en informer la demanderesse, M. Gal a peut-être fait preuve d'imprudence, mais, à mon avis, ce comportement ou le fait de verser au dossier ce document que la
défenderesse va probablement produire à l'instruc- tion ne constituent en rien une conduite qui, pour reprendre l'expression du juge Lamer dans l'arrêt Rothman, «choque la collectivité».
Par ces motifs, la requête de la demanderesse sera rejetée avec dépens.
ORDONNANCE
La requête de la demanderesse est rejetée avec dépens.
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