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T-3489-82
Sedgewick Co-operative Association Limited (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Strayer— Toronto, 15 novembre; Ottawa, 2 décembre 1983.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Appel d'une cotisation établie pour l'année 1980 Les opéra- tions effectuées par l'association coopérative demanderesse avec ses membres comptent pour 91% de ses affaires L'art. 135 permet de déduire du revenu des coopératives certaines sommes payées à titre de ristournes En vertu de l'art. /25, les petites entreprises ont droit à des déductions de 21% du revenu tiré d'une entreprise exploitée activement La deman- deresse fait valoir que le pourcentage de la déduction s'appli- que au revenu net ou au revenu d'entreprise plus les gains en capital imposables Selon la défenderesse, le pourcentage de la déduction devrait s'appliquer uniquement au revenu d'en- treprise La demanderesse soutient également que, dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise exploitée activement aux fins de l'art. 125, le montant des ristournes déductible devrait être soustrait du revenu total D'après la défenderesse, ce montant doit être soustrait du revenu tiré d'une entreprise Appel accueilli en partie L'art. 135 permet l'inclusion des gains en capital dans le revenu L'art. 135(2)6)(i) limite les ristournes déductibles à la partie du revenu du contribuable qui peut se rapporter aux affaires faites avec ses membres lorsque les ristournes sont payées aux membres et non pas à des clients qui ne sont pas membres L'art. /35(4)d) définit le revenu comme étant la fraction du revenu que représente le rapport entre la valeur des marchandises vendues aux mem- bres et la valeur totale des marchandises vendues à tous les clients La mention des marchandises vendues vise unique- ment à fixer la «fraction» déductible du «revenu» Le «revenu» doit être calculé selon les règles générales prévues par la Loi L'art. 3 prévoit que le revenu comprend les gains en capital imposables L'application de l'art. 135 n'est pas fonction de l'art. 20(1)u) parce que l'art. 135 commence par l'expression «Nonobstant toute disposition de la présente Partie» L'art. 20(1)u) crée simplement une exception à la règle générale prévue à l'art. 18(1)a) selon laquelle un contri- buable ne peut déduire de son revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien une dépense sauf dans la mesure elle a été faite en vue de réaliser un revenu de l'entreprise Lorsque l'art. 125(1)a)(/) fait mention de «revenu ... tiré d'une entreprise exploitée activement», il renvoie au «revenu tiré d'une entre- prise» tel qu'il est défini ailleurs dans la Loi L'art. 9 prévoit que le revenu tiré d'une entreprise est le bénéfice qui en découle, les gains en capital n'y étant pas inclus La déduction des ristournes faite du revenu tiré d'une entreprise doit être faite en vertu de l'art. 20(1)u) Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 3, 9, 18a),b),h), 20(1)u), 125(1)a)(i) (mod. par S.C. 1979, chap. 5, art. 38 et par S.C. 1980-81-82-83, chap. 48, art. 70), 135(2)b)(i),(4)d).
Appel est formé d'une cotisation établie pour l'année 1980. La demanderesse est une association coopérative. En 1980, les opérations effectuées par la demanderesse avec ses membres comptent pour 91% de la totalité de ses affaires. Elle a égale- ment réalisé un gain en capital imposable lors de la vente d'un immeuble qui avait été occupé relativement à ses affaires. La demanderesse a payé des ristournes à ses membres, mais elle n'a pas payé de ristournes aux clients qui ne sont pas membres. L'article 135 de la Loi de l'impôt sur le revenu permet de déduire du revenu des corporations coopératives certaines sommes payées à titre de ristournes. Le sous-alinéa 135(2)b)(i) prévoit que lorsqu'une coopérative a fait des affaires avec des clients qui ne sont pas membres, la déduction permise est limitée à «la partie du revenu du contribuable, pour l'année, qui peut se rapporter aux affaires faites avec ses membres». La demanderesse fait valoir que la déduction appropriée est de 91% du revenu net, c'est-à-dire du revenu d'entreprise plus les gains en capital imposables. La défenderesse soutient que la déduction devrait être de 91% du revenu d'entreprise unique- ment. La position de la défenderesse entraîne une cotisation plus élevée, mais elle ne demande pas de hausser cette cotisa- tion; elle demande simplement le rejet de l'appel. La demande- resse soutient que la défenderesse ne peut interjeter appel de sa propre cotisation antérieurement faite par le Ministre. La seconde question se rapporte à l'article 125 qui accorde aux petites entreprises une déduction d'impôt égale à 21% du revenu tiré d'une entreprise exploitée activement. La question est de savoir, aux fins du calcul du «revenu ... tiré d'une entreprise exploitée activement», si le montant déductible des ristournes devrait être soustrait du revenu total ou uniquement du revenu tiré d'une entreprise. La demanderesse prétend que rien dans le paragraphe 125(1) n'indique que le revenu y mentionné ne peut être que le revenu tiré d'une entreprise et que, par conséquent, l'article 135 régit également les déductions permises pour déterminer le revenu tiré d'une entreprise exploi- tée activement. La défenderesse soutient que l'alinéa 20(1)u) s'applique dans le calcul du chiffre de base pour les fins de l'article 125, de manière à limiter l'application de la déduction des ristournes permise, de sorte qu'elle peut être utilisée pour réduire uniquement le revenu tiré d'une entreprise.
Jugement: l'appel doit être accueilli en partie.
Pour ce qui est de l'objection de la demanderesse selon laquelle la défenderesse ne peut interjeter appel de sa propre cotisation, puisqu'il s'agit d'une question de droit relative à l'interprétation appropriée de l'article 135, on ne saurait empê- cher la Cour de tirer sa propre conclusion quant à l'interpréta- tion de la loi. Le fait pour la demanderesse de se voir refuser des recours administratifs n'entraîne aucun préjudice irrépara- ble pour elle, puisqu'elle a la possibilité de débattre la question devant la Cour. L'article 135 permet l'inclusion des gains en capital dans le revenu de base auquel le pourcentage des affaires faites avec des membres s'applique aux fins du cal- cul du montant des ristournes déductible. Le sous-alinéa 135(2)b)(i) limite les ristournes déductibles à «la partie du revenu du contribuable ... qui peut se rapporter aux affaires faites avec ses membres»; cette limite est définie à l'alinéa 135(4)d) comme étant «la fraction que représente le rapport entre la valeur des marchandises vendues» aux membres et la valeur totale des marchandises vendues à tous les clients. La mention des marchandises vendues vise uniquement à fixer la «fraction» déductible du «revenu» de la coopérative. Ce «revenu»
doit être calculé selon les règles générales de la Loi. L'article 3 prévoit que le revenu inclut les gains en capital imposables. L'application de l'article 135 n'est pas fonction de l'alinéa 20(1)u), qui permet qu'une déduction des ristournes soit faite du revenu tiré d'une entreprise, puisqu'il commence par l'ex- pression «Nonobstant toute disposition de la présente Partie». Le paragraphe 20(1) crée une exception à la règle générale prévue à l'alinéa 18(1)a) qui interdit des déductions faites du revenu tiré d'une entreprise à moins que ce ne soit dans le but de réaliser un revenu. Les mots «d'entreprise» ne suivent le mot «revenu» ni au paragraphe 135(1) ni à l'alinéa 135(4)d).
Lorsque le sous-alinéa 125(1)a)(i) fait mention de «revenu ... tiré d'une entreprise exploitée activement», il renvoie au revenu tiré d'une entreprise. L'article 9 prévoit que le revenu tiré d'une entreprise est le bénéfice qui en découle. Cela ne comprend pas les gains en capital. L'article 18 interdit alors certaines déductions dans le calcul du revenu tiré d'une entre- prise, mais l'alinéa 20(1)u) exclut les ristournes, calculées en proportion des affaires faites avec des membres conformément à l'article 135, de cette interdiction. Étant donné que, pour calculer la déduction d'impôt autorisée par le paragraphe 125(1), le calcul doit être fait à partir du revenu d'entreprise, la déduction des ristournes doit être faite en vertu de l'alinéa 20(1)u).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Harris v. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 489, confirmant [1965] 2 R.C.É. 653; La Reine c. Schel- ler, [1976] 1 C.F. 480 (1' inst.).
AVOCATS:
Robert Couzin et Kevin Wark pour la demanderesse.
E. A. Bowie, c.r. et B. J. Hobby pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Robarts & Bowman, Toronto, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER: Il s'agit d'une action, par voie d'appel, intentée par la demanderesse à l'en- contre d'une cotisation faite par le ministre du Revenu national relativement à l'année d'imposi- tion 1980. Voici les faits dont les parties sont convenues.
La demanderesse est une association coopérative dûment constituée en vertu des lois de l'Alberta et
qui compte environ 1 682 membres. Au cours de l'année en question, la valeur totale de ses ventes et services s'élevait à 2 571 144 $, dont la somme de 2 339 402 $, soit 91%, représentait les opérations effectuées avec ses membres. Son revenu d'entre- prise, avant le paiement de ristournes, était de 132 815 $. Au cours de la même année, elle a réalisé de la vente d'un immeuble qui avait été utilisé ou occupé relativement à ses affaires un gain en capital imposable de 5 906'$.
Bien que les parties se soient convenues des faits qui précèdent, chacune a, à diverses occasions, soutenu deux façons différentes d'appliquer la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63] à ces faits, de sorte que quatre méthodes d'application possibles se dégagent des plaidoiries et du débat. Ces diverses méthodes se rapportent essentiellement à l'application de deux articles de la Loi de l'impôt sur le revenu, à savoir l'article 135 [mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 101] qui autorise à déduire, du revenu de corporations co- opératives, certaines sommes payées à titre de ristournes, et l'article 125 qui accorde aux petites entreprises une déduction d'impôt égale à 21% de son revenu tiré d'une entreprise exploitée active- ment. Examinons successivement les questions relatives à chacun de ces articles.
L'article 135
Les parties pertinentes de l'article 135 disposent:
135. (1) Nonobstant toute disposition de la présente Partie, il peut être déduit, lors du calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, le total des paiements faits par celui-ci, conformément aux répartitions proportionnelles à l'ap- port commercial
a) dans l'année ou dans les 12 mois qui suivent, à ses clients de l'année, et
b) dans l'année ou dans les 12 mois qui suivent, à ses clients d'une année antérieure, dont la déduction sur le revenu d'une année d'imposition antérieure n'était pas permise.
(2) Nonobstant toute disposition du paragraphe (1), si le contribuable n'a pas effectué de répartitions proportionnelles à l'apport commercial en ce qui concerne tous ses clients de l'année, au même taux, avec des différences appropriées aux divers types, genres, catégories, classes ou qualités de marchan- dises, produits ou services, la somme qui peut être déduite en vertu du présent article est une somme égale à la moins élevée des sommes suivantes:
a) la totalité des paiements mentionnés au paragraphe (1), ou
b) le total
(i) de la partie du revenu du contribuable, pour l'année, qui peut se rapporter aux affaires faites avec ses membres, et
(ii) des répartitions proportionnelles à l'apport commer cial, faites en faveur des clients de l'année qui ne sont pas membres.
' Comme je l'ai dit, les affaires de la demanderesse ! avec des clients qui ne sont pas membres comptent pour 9%, et celles qu'elle a faites avec ses mem- bres, pour 91%. Elle avait effectivement payé 179 668 $, à titre de ristournes, à ses membres au cours de l'année en question, mais n'avait pas payé de ristournes aux clients qui ne sont pas membres. Ainsi, la restriction qui s'applique concernant le montant des ristournes que la demanderesse pou- vait réellement déduire de son revenu est celle prévue au sous-alinéa 135(2) b)(1).
Aux fins de l'application du sous-alinéa 135(2)b)(i), le litige porte sur la question de savoir si la déduction permise du revenu devrait être de 91% (c'est-à-dire la fraction des affaires faites avec les membres en 1980) du revenu net (c'est-à- dire le revenu d'entreprise de 132 815 $ plus le gain en capital imposable de 5 906 $), ou seule- ment du revenu d'entreprise (132 815 $). Selon la première méthode, la déduction autorisée serait de 126 236 $. Selon la seconde, elle serait de 120 862 $. Tant dans sa déclaration d'impôt que dans ses plaidoiries, la demanderesse soutient que la première méthode est la bonne. Dans sa cotisa- tion, le Ministre a également souscrit à ce point de vue, mais dans les plaidoiries faites au nom de la Couronne en l'espèce, la défenderesse soutient maintenant que c'est la deuxième méthode qui doit être retenue. Bien que, par son argument, la défen- deresse soit en faveur d'une cotisation plus élevée que celle faite par le Ministre le 13 juillet 1981, elle ne demande pas de hausser cette cotisation mais simplement le rejet de l'appel.
La demanderesse a d'abord répliqué en disant que la défenderesse ne peut interjeter appel de sa propre cotisation qu'a déjà faite le Ministre. À l'appui de cette proposition, l'avocat a invoqué la décision Harris v. Minister of National Revenue, [1965] 2 R.C.É. 653, à la page 662 (confirmée pour d'autres motifs à [1966] R.C.S. 489), et la décision La Reine c. Scheller, [1976] 1 C.F. 480 (1 r° inst.), aux pages 487 et 488. Il me semble qu'il y a lieu de distinguer ces affaires de celle en question. Dans l'affaire Harris, la prétention du
Ministre, si elle avait été acceptée, aurait exigé que la Cour ordonne une augmentation du mon- tant de l'impôt à payer. En l'espèce, la défende- resse ne demande pas de hausser la cotisation; elle fait valoir simplement que l'appel devrait être rejeté parce qu'elle pourrait réclamer en vertu de la loi une cotisation plus élevée que celle dont la demanderesse fait appel. Quant à l'affaire Schel- ler, elle porte simplement, à mon avis, que si le Ministre a reconnu dans la cotisation l'existence de certains faits, il ne peut plus tard retirer cette admission. Il s'agit en l'espèce d'une question de droit relative à l'interprétation de l'article 135. Même si la cotisation du Ministre reposait sur une certaine interprétation de la loi, on ne saurait empêcher la Cour, en raison de cette «admission» ou autrement, de tirer sa propre conclusion quant à l'interprétation de la loi. L'avocat de la deman- deresse soutient que le fait que le Ministre n'ait pas fait valoir dans la cotisation ou dans une nouvelle cotisation la position que la défenderesse adopte maintenant a eu pour effet de priver la demanderesse des recours administratifs à sa dis position comme le dépôt d'une objection. Il est vrai que la défenderesse, en n'adoptant pas cette posi tion avant de plaider devant cette Cour, a effecti- vement empêché l'emploi de ces recours adminis- tratifs; mais la demanderesse a maintenant la pleine possibilité de débattre la question devant la Cour et je ne vois pas comment l'obligation de débattre la question ici pour la première fois peut lui causer un préjudice irréparable.
À propos de la question elle-même, la demansie- resse cite le sous-alinéa 135(2)b)(1) qui prévoit que, lorsqu'une coopérative a fait des affaires avec des clients qui ne sont pas membres, la déduction permise est limitée à «la partie du revenu du contribuable, pour l'année, qui peut se rapporter aux affaires faites avec ses membres ...». Cette partie de la phrase est définie à l'alinéa 135(4)d) comme suit:
135. (4) ...
d) «revenu du contribuable attribuable aux affaires faites avec ses membres» de toute année d'imposition signifie la fraction du revenu du contribuable pour l'année (avant toute déduction faite sous le régime du présent article) que repré- sente le rapport entre la valeur des marchandises ou produits que le contribuable a acquis des membres ou en leur nom, ou a mis sur le marché pour le compte de ces membres, ou vendus pour ces derniers, ou des services qu'il a rendus pour les membres en question, et la valeur totale des marchandises ou produits que le contribuable a, durant l'année, acquis de
tous les clients, ou mis sur le marché, pour le compte de ces clients, ou vendus pour ces derniers, ou des services qu'il a rendus pour tous les clients en question;
On fait valoir que le terme «revenu» en l'espèce s'entend dans son sens normal et inclut l'ensemble du revenu net de la corporation composé de son «revenu d'entreprise» et de ses gains en capital imposables. Selon la demanderesse, en l'absence de termes restrictifs, la mention du «revenu» doit s'en- tendre du revenu du contribuable calculé confor- mément à la Partie I de la Loi, et rien ne justifie d'accoler le mot «entreprise» au mot «revenu». L'avocat de la demanderesse a souligné en outre que le relevé d'impôt sur le revenu T2S(16) relatif à la déduction au titre des ristournes confirme aussi cette interprétation en ce qu'il décrit l'article auquel le pourcentage des affaires faites avec les clients membres doit être appliqué comme «revenu net avant la déduction au titre des ristournes». Il n'y est pas fait mention de «revenu tiré d'une entreprise». Bien entendu, cela ne saurait modifier la situation juridique des parties mais on peut en tenir compte dans la recherche d'une interpréta- tion logique de l'article 135.
D'autre part, la défenderesse fait valoir qu'il faut envisager la Loi de l'impôt sur le revenu dans son ensemble et que, ce faisant, on verra que les déductions mentionnées au sous-alinéa 135(2)b)(i) ne peuvent être appliquées qu'au «revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien» et que, par conséquent, seul ce revenu devrait être utilisé pour calculer, selon la proportion des affaires faites avec les membres, le montant des ristournes déductibles.
Par cet argument, la défenderesse soutient que la portée des déductions prévues au sous-alinéa 135(2)b)(i) est limitée par les articles 18 et 20 de la Loi. L'article 18 limite de façon générale le genre de déductions qui peuvent être faites «dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d'une entre- prise ou d'un bien». L'article 20 prévoit notam- ment:
20. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant:
u) les sommes qu'autorise l'article 135 au titre de paiements effectués par le contribuable conformément aux répartitions proportionnelles à l'apport commercial;
La défenderesse soutient donc que les déductions mentionnées à l'article 135 doivent être faites uni- quement du revenu tiré «d'une entreprise ou d'un bien» qu'autorise expressément le paragraphe 20(1). Elle prétend en outre que, selon l'article 9 de la Loi, le revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien est le «bénéfice qu'il [le contribuable] en tire» et n'inclut pas de gain en capital.
Compte tenu de ce qui précède, la défenderesse semble alors prétendre que si l'article 135 permet uniquement de déduire les ristournes du revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien, qui n'inclut pas les gains en capital, alors les gains en capital ne peuvent être inclus dans le revenu de base de la coopérative auquel le pourcentage des affaires faites avec ses membres s'applique pour calculer le montant des ristournes déductible.
En outre, la défenderesse étaie cet argument en citant le paragraphe 135(7), qui prévoit que les ristournes payées aux clients d'une coopérative, autres que celles relatives à des marchandises de consommation ou à des services, sont imposables entre les mains du bénéficiaire. La défenderesse prétend que, si les coopératives de consommateurs pouvaient aussi répartir les gains en capital, alors ceux-ci échapperaient complètement à l'impôt puisque les ristournes seraient déductibles du revenu de la coopérative et ne seraient pas imposa- bles entre les mains des bénéficiaires parce qu'ils seraient distribués au prorata des achats de mar- chandises de consommation et de services faits par les bénéficiaires. D'autre part, les gains en capital d'une coopérative de producteurs seraient taxables entre les mains des producteurs bénéficiaires parce qu'ils ne bénéficieraient pas de l'exemption accor- dée par le paragraphe 135(7) aux acheteurs de marchandises de consommation et de services.
La jurisprudence n'a, semble-t-il, pas encore tranché catégoriquement la question de savoir si les gains en capital d'une coopérative peuvent être inclus dans son revenu de base aux fins du calcul des ristournes déductibles. À mon avis, la Loi de l'impôt sur le revenu est loin d'être précise sur ce point. J'arrive toutefois à la conclusion que, si l'on interprète avec justesse l'article 135, ce dernier permet l'inclusion des gains en capital dans cette
assiette de revenu à laquelle le pourcentage des affaires faites avec des membres s'applique aux fins du calcul du montant des ristournes déducti- ble. Plus particulièrement, cela signifie en l'espèce que la demanderesse était en droit d'ajouter le gain en capital imposable de 5 906 $ à son revenu d'en- treprise avant la déduction des ristournes, qui s'élevait à 132 815 $, et d'appliquer au total de ces montants, soit la somme de 138 721 $, le pourcen- tage des affaires faites avec ses membres, à savoir 91%, pour réclamer une déduction totale des ris- tournes de 126 236 $.
Pour arriver à cette conclusion, j'ai d'abord examiné la formulation du sous-alinéa 135(2)b)(i) qui, pour les fins de l'espèce, limite les ristournes déductibles à «la partie du revenu du contribuable, pour l'année, qui peut se rapporter aux affaires faites avec ses membres». Ce revenu est défini à l'alinéa 135(4)d) comme étant «la fraction du revenu [c'est moi qui souligne]» que représente le rapport entre la valeur des marchandises vendues, etc., aux membres et la valeur totale des marchan- dises vendues, etc., par la coopérative (soit le total des ventes à la fois aux membres et aux clients qui ne sont pas membres). Dans cette définition, la mention des marchandises vendues, etc., vise uni- quement à fixer la «fraction» déductible du «revenu» de la coopérative. Ce «revenu» doit proba- blement être calculé selon les règles générales pré- vues par la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 3 de la Loi dit que le revenu d'un contribuable comprend, entre autres, ses gains en capital imposables.
L'avocat de la défenderesse a sans doute raison de dire que le paragraphe 20(1) ne traite que des déductions faites du revenu tiré «d'une entreprise ou d'un bien», qui ne comprendrait pas les gains en capital, mais je ne suis pas persuadé que l'applica- tion de l'article 135 soit fonction de l'alinéa 20(1)u). Il me semble que le paragraphe 20(1) vise principalement à créer une exception à la règle générale prévue à l'alinéa 18(1)a) selon laquelle un contribuable ne peut déduire de son revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien un débours ou une dépense sauf dans la mesure elle a été faite ou engagée en vue de tirer ou de réaliser un revenu de l'entreprise. Une ristourne n'est pas, au moins dans le sens normal, une dépense engagée en vue de produire un revenu. Par conséquent, dans la mesure l'article 18 empêcherait une ristourne
déductible de réduire un revenu d'entreprise, l'arti- cle 20 le rend possible. Mais l'article 135 com mence par l'expression «Nonobstant toute disposi tion de la présente Partie» (c'est-à-dire la Partie I l'article 20 se trouve aussi), et il prévoit, de son côté, un droit général de déduire du revenu les montants de ristournes y définies. On doit se rap- peler que le paragraphe 135(1) prévoit que «... il peut être déduit, lors du calcul du revenu d'un contribuable ... [les] paiements : faits ... confor- mément aux répartitions proportionnelles à l'ap- port commercial ...». De même, comme I il a été souligné ci-dessus, l'alinéa 135(4)d) dit que le revenu attribuable aux affaires faites avec ses membres «signifie la fraction du revenu» du contri- buable. Dans aucune de ces dispositions décisives les mots «d'entreprise» ne suivent le mot «revenu».
Comme je l'ai fait remarquer, l'avocat de la défenderesse a fait valoir qu'une telle interpréta- tion signifierait que les gains en capital d'une coopérative de consommateurs ne seraient jamais imposables s'ils étaient répartis entre les clients de la coopérative. Je ne trouve pas cela particulière- ment anormal. Les gains en capital en cause en l'espèce sont relativement faibles par rapport au volume des affaires et sont simplement accessoires à l'exploitation de la coopérative qui fournit des services à ses membres. De même, une coopérative pourrait certainement gagner d'autres sommes d'argent, comme l'intérêt bancaire, qui pourraient être réparties à titre de ristournes. Il n'est pas réaliste d'exiger que les seules sommes qui puissent être considérées comme un «revenu» en vue de déclarer une ristourne soient précisément celles provenant de la marge bénéficiaire tirée de la vente de marchandises à des consommateurs. En fait, la Loi ne tente pas de prescrire qu'un consom- mateur donné ne peut que recevoir un montant de ristournes non imposables strictement limité à la marge bénéficiaire sur les achats spécifiques qu'il a faits. Les coopératives de consommateurs peu- vent exercer un pouvoir discrétionnaire considéra- ble en classant par catégories les divers genres de marchandises et en attribuant à chacune un pour- centage quelque peu arbitraire de ristournes qui dépend, peut-être approximativemènt mais pas précisément, de la marge bénéficiaire tirée des différents genres de marchandises. Une personne est membre d'une coopérative de consommateurs pour acheter des marchandises de consommation à
bon marché. Pour arriver au même résultat, il pourrait obtenir qu'un détaillant lui accorde une remise en contrepartie d'un engagement de ne traiter qu'avec ce dernier, ou il pourrait, par exem- ple, acheter chez un grossiste si ses contacts lui permettent de le faire. Si, au lieu de cela, il choisit d'adhérer à une coopérative de consommateurs et que, en répondant à ses besoins de consommateur, au prix coûtant, la coopérative réalise accidentelle- ment un gain qui vient réduire le coût d'exploita- tion, ce gain devrait pouvoir être réparti exempt d'impôt au consommateur tout comme l'argent tiré de la marge bénéficiaire sur le prix de marchandi- ses vendues à ce consommateur. S'il n'est pas réparti, il devient alors imposable.
L'article 125
Il reste la question de la méthode suivant laquelle doit être fait le calcul de la déduction d'impôt aux petites entreprises qu'accorde le para- graphe 125(1) [mod. par S.C. 1979, chap. 5, art. 38 et par S.C. 1980-81-82-83, chap. 48, art. 70]. Ce paragraphe prévoit notamment:
125. (1) Une corporation (autre qu'une corporation qui exploitait une entreprise non admissible au Canada dans l'an- née), qui a été pendant toute l'année une corporation privée dont le contrôle est canadien, peut déduire de l'impôt payable par ailleurs pour une année d'imposition en vertu de la présente Partie une somme égale à 21% du moins élevé des montants suivants:
a) la fraction, si fraction il y a, de la totalité
(i) de l'ensemble des sommes qui constituent ... le revenu de la corporation pour l'année, tiré d'une entreprise exploi- tée activement ...
La demanderesse fait maintenant valoir que dans le calcul du «revenu tiré d'une entreprise exploitée activement» aux fins de cet article, le montant des ristournes déductible (que j'ai déjà fixé à la somme de 126 236 $) devrait être soustrait du revenu total de la corporation coopérative. Il resterait une assiette de 12 485 $ (moins les dons de charité) à laquelle s'appliquerait le 21% prescrit au paragra- phe 125(1) aux fins du calcul de la réduction d'impôt autorisée. Selon la demanderesse, rien dans le paragraphe 125(1) n'indique que le revenu y mentionné ne peut être que le revenu tiré d'une entreprise et, par conséquent, aux fins d'établir le montant auquel s'applique le 21%, il n'y a aucune raison de calculer la déduction des ristournes per- mise sur le revenu tiré d'une entreprise seulement plutôt que sur le revenu total ou de la soustraire du
revenu tiré d'une entreprise seulement plutôt que du revenu total. Autrement dit, la demanderesse prétend que l'article 135 régit les déductions per- mises tant pour déterminer le revenu total imposa- ble de la coopérative que pour déterminer son revenu tiré d'une entreprise exploitée activement sous le régime de l'article 125.
Par contre, la défenderesse soutient que l'alinéa 20(1)u) s'applique dans le calcul du chiffre de base pour les fins de l'article 125, de manière à limiter l'application de la déduction des ristournes permise, de sorte qu'elle peut être utilisée pour réduire uniquement le revenu tiré d'une entreprise, et que le montant de la déduction des ristournes permise est calculé comme le pourcentage de ce revenu tiré d'une entreprise que représentent les affaires faites avec des membres. Par cette méthode de calcul, la déduction des ristournes permise en l'espèce serait de 120 862 $, soit 91% de 132 815 $. Selon la défenderesse, si on déduit la somme de 120 862 $ du revenu d'entreprise de 132 815 $, on obtient un revenu d'entreprise ex- ploitée activement de 11 953 $.
À mon avis, l'argument de la défenderesse rela- tif à l'application de l'article 125 est juste. Je ne pense pas que la méthode du calcul de la déduction des ristournes permise à partir du revenu total, que prévoit l'article 135, soit en l'espèce la même que celle utilisée pour calculer, sous le régime de l'arti- cle 125, le «revenu ... tiré d'une entreprise exploi- tée activement» aux fins de l'application de la réduction d'impôt accordée aux petites entreprises. Je suis persuadé que lorsque le sous-alinéa 125(1)a)(1) fait mention de «revenu ... tiré d'une entreprise exploitée activement», il renvoie au «revenu tiré d'une entreprise» tel qu'il est défini ailleurs dans la Loi. L'article 9 prévoit que le revenu tiré d'une entreprise est le bénéfice qu'un contribuable en tire pour cette année. Cela ne comprend pas les gains en capital. L'article 18 prévoit que, dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise, il ne peut être déduit certains débours ou dépenses. Mais le paragraphe 20(1) prévoit que, nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a),b) et h), certaines déductions sont permi- ses. En vertu de l'alinéa 20(1)u), parmi les déduc- tions autorisées figurent les ristournes calculées en proportion des affaires faites avec des membres conformément à l'article 135. Étant donné que,
pour calculer la réduction d'impôt autorisée par le paragraphe 125(1), le calcul doit être fait à partir du revenu d'entreprise, la déduction des ristournes doit être faite en vertu de l'alinéa 20(1)u). Cela signifie en l'espèce que le revenu à partir duquel doit être fait le calcul de la déduction des ristour- nes permise est le revenu tiré d'une entreprise, qui est de 132 815 $. Si l'on applique à cette somme le pourcentage des affaires faites avec des membres comme l'exige le sous-alinéa 135(2)6)(i), la déduc- tion des ristournes permise faite à partir du revenu tiré d'une entreprise est de 120 862 $, soit 91% de 132 815 $. Puis, pour obtenir le revenu tiré par la coopérative d'une entreprise exploitée activement, aux fins de calcul du dégrèvement prévu au sous- alinéa 125(1)a)(i), il faut soustraire du revenu d'entreprise de 132 815 $ la déduction des ristour- nes de 120 862 $, ce qui donne un revenu d'entre- prise exploitée activement de 11 953 $. La réduc- tion d'impôt accordée aux petites entreprises sera de 2510$, soit 21% de 11953$.
Aux fins de la conclusion quant à l'adjudication des dépens en l'espèce, j'ai pris en considération que le succès était partagé. J'ai également remar- qué que les parties ont considéré la présente affaire comme une cause-type qui doit décider plusieurs autres affaires.
ORDONNANCE
La Cour ordonne que la cotisation soit renvoyée au Ministre pour un nouvel examen et une nou- velle cotisation conformément aux principes expo- sés dans les présents motifs de jugement; la nou- velle cotisation ne devra pas excéder la somme fixée dans l'avis de cotisation du 13 juillet 1981. Il n'y aura pas d'adjudication de dépens.
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