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T-433-83
Swing Paints Ltd. (requérante)
c.
Minwax Company, Inc. (intimée)
Division de première instance, juge Muldoon— Toronto, 27 février; Ottawa, 2 mars 1984.
Pratique Affidavits La requérante a eu la permission de contre-interroger les déposants de l'intimée et de déposer une preuve par affidavits supplémentaires L'intimée a demandé à contre-interroger les personnes qui avaient fourni de nouvelles dépositions pour la requérante Les avocats ont procédé par entente sous réserve de conditions précises L'intimée a confirmé l'entente La requérante a accepté la confirmation de l'entente alors qu'elle entendait lier l'intimée par une nouvelle condition de ne contre-interroger que dans les limites des déclarations des affidavits La requérante s'est ensuite opposée au contre-interrogatoire d'un déposant au motif que ce contre-interrogatoire était contraire à l'entente L'acceptation ou le rejet d'une entente et de ses conditions doivent être inconditionnels et dénués d'ambiguïté La con dition additionnelle de la requérante, incluse dans une confir mation, a mitigé l'acceptation sans réserve La procédure en l'espèce est une procédure au fond, quoique sommaire Les affidavits et les contre-interrogatoires tiennent lieu de preuve quant à la question principale en litige Les tribunaux exigent que les déposants se soumettent à un contre-interroga- toire sur les questions précisément énoncées dans leur affidavit de même que sur des questions connexes que soulèvent leurs réponses Le déposant ne peut attester de questions dans son affidavit et se dérober ensuite k un juste contre-interrogatoire La Cour a décidé que l'intimée devait s'en tenir à son engagement de ne pas déposer de preuves supplémentaires par affidavit Toutefois, l'obtention d'un témoignage utile au cours de ces contre-interrogatoires n'enfreindrait pas cet enga gement Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 324, 704(8).
Marques de commerce Pratique Procédures en radia tion Affidavits Contre-interrogatoire des déposants Affidavits et contre-interrogatoires tiennent lieu de preuve quant à la question en litige Un déposant doit répondre aux questions connexes que soulèvent ses réponses L'affidavit mentionne les étiquettes et l'empaquetage Le déposant doit répondre aux questions relatives au caractère distinctif de la marque «Minwax» et du dessin.
La présente affaire découle de procédures en radiation relati ves à la marque de commerce «Minwax» et au dessin de l'intimée. Il y a eu dépôt de l'exposé des faits essentiels et de la réponse. Par ordonnance de cette Cour, la requérante a obtenu la permission de (1) contre-interroger les personnes sur le témoignage desquelles se fonde la réponse de l'intimée et la permission de (2) déposer une preuve supplémentaire par affi davits. L'intimée a interjeté appel de l'ordonnance et a demandé de contre-interroger les déposants de la requérante. Par conséquent, les avocats des deux parties ont décidé de procéder par entente, sous réserve de certaines conditions préci- ses. L'intimée a confirmé l'entente dans une lettre adressée à l'avocat de la requérante. Ce dernier a répondu par deux
lettres: dans la première, il paraît confirmer l'entente, mais dans la seconde, il entend lier l'intimée à une condition qui n'est pas comprise dans l'entente, c'est-à-dire que le contre-interro- gatoire de ses déposants sera strictement limité aux déclara- tions contenues dans les affidavits. Tous les documents ont été signés. L'intimée a commencé à contre-interroger les déposants. Toutefois, l'avocat de la requérante s'est opposé au contre- interrogatoire du deuxième déposant au motif que les questions posées concernaient des questions qui ne se rapportaient pas strictement à ce qui était mentionné dans l'affidavit. L'intimée demande maintenant une ordonnance enjoignant au déposant de comparaître à nouveau et de se soumettre à un contre-inter- rogatoire relativement à son affidavit.
Jugement: la requête est accueillie.
L'acceptation de la confirmation d'une entente et de ses conditions doit être inconditionnelle et il est à la fois inutile et non souhaitable de reformuler ou même de répéter la confirma tion et ses conditions lorsqu'elles sont acceptées. Le rejet doit en être toujours clairement exprimé et souligné, sans sembler se conformer à certaines des conditions, et sans endosser, signer ou autrement utiliser les documents transmis conformément aux propositions rejetées. Tant l'acceptation que le rejet doivent être clairs et nets.
En l'espèce, la réponse de l'avocat de la requérante paraît avoir été ambiguë. La nouvelle condition de la requérante, «incluse» dans une confirmation, a mitigé l'acceptation sans réserve de la pseudo-entente. Dans l'état se trouve le litige entre les parties, l'intimée reste avec un contre-interrogatoire amputé, sinon inutile, du témoin de la requérante. Lorsque le témoin a accepté de faire un affidavit, il devait savoir, ou on aurait lui dire, qu'il s'engageait par à se soumettre à un contre-interrogatoire.
Il faut se rappeler qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une procédure interlocutoire ni d'un interrogatoire préalable. Il s'agit d'une procédure au fond, quoique sommaire, et par conséquent il y a dépôt d'affidavits et tenue de contre-interro- gatoires qui tiennent lieu de preuve quant à la question princi- pale en litige. En ce qui concerne l'étendue des contre-interro- gatoires relatifs aux affidavits dans des affaires de cette nature, les tribunaux ont statué que la personne qui donne un affidavit doit se soumettre au contre-interrogatoire non seulement sur des questions précisément énoncées dans son affidavit, mais également sur les questions connexes que soulèvent ses répon- ses. De même, elle doit répondre franchement à toutes les questions dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle eût connaissance et qui se rapportent à la principale question en litige dans la procédure que concerne son affidavit, s'il y a lieu. La requérante prétend que l'affidavit du déposant porte unique- ment sur une question très limitée. Il n'y a pas de doute que ni un témoin déposant de vive voix devant le tribunal, ni celui qui dépose un affidavit, ne peuvent se permettre de donner unique- ment ce qu'on peut qualifier de témoignage la dérobade» ou de déposition savamment découpée.
L'étendue des connaissances du déposant et sa crédibilité peuvent être évaluées par l'intimée. Puisque l'affidavit men- tionne les étiquettes et l'empaquetage, le déposant devrait répondre aussi aux questions relatives au caractère distinctif de la marque de commerce et du dessin dans la mesure il en est raisonnablement au courant. Il ne lui est pas permis d'attester de ces questions et de se dérober ensuite à un contre-interroga-
toire juste. Bien que la Cour doive faire respecter à l'intimée l'engagement qu'elle a pris de ne pas chercher à déposer des affidavits supplémentaires, l'obtention d'un témoignage utile au cours d'un des contre-interrogatoires des déposants de la requé- rante n'enfreindrait pas cet engagement.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Ethicon Inc. et autres c. Cyanamid of Canada Ltd. (1977), 35 C.P.R. (2d) 126 (C.F. 1" inst.); Re Mar- chands Ro-Na Inc. et Tefal S.A. (1980), 59 C.P.R. (2d) 139 (C.F. 1" inst.); Weight Watchers International Inc. c. Weight Watchers of Ontario Ltd. (N° 2) (1972), 6 C.P.R. (2d) 169 (C.F. 1" inst.); Superior Discount Limi ted v. N. Perlmutter & Company et al., [1951] O.W.N. 897; Thomson v. Thomson and Elliot, [1948] O.W.N. 137 (H.C.).
AVOCATS:
François Guay pour la requérante. H. Roger Hart pour l'intimée.
PROCUREURS:
Lapointe Rosenstein, Montréal, pour la requérante.
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: La présente affaire découle de procédures en radiation engagées en vertu de la Loi sur les marques de commerce [S.R.C. 1970, chap. T-10] relativement à l'enre- gistrement 141/32136 de la marque «Minwax» et du dessin-marque tenant lieu du nom de l'inti- mée. La requérante a déposé son exposé des faits essentiels et l'intimée a riposté par sa réponse. A l'appui de cette dernière, l'intimée a déposé plu- sieurs affidavits.
Par ordonnance en date du 30 mai 1983 [T-433-83], le juge Decary a accordé à la requé- rante la permission de contre-interroger les dépo- sants qui appuient la réponse de l'intimée et a également accordé la permission de déposer une «,preuve supplémentaire» conformément à la Règle 704(8), [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663]. A la suite de ces contre-interrogatoires, la requérante a déposé les affidavits de Gerald Bren- dan Coughlan, Gerald Cayne, François Guay, Jerry Bortnick, Hélène Dulude et Phil Chaimberg,
respectivement, à titre de nouvelles dépositions sous forme d'affidavits.
Dans l'intervalle, l'intimée a interjeté appel de l'ordonnance du juge Decary devant la Division d'appel. Toutefois, l'intimée a également jugé utile de demander à contre-interroger les personnes qui avaient fourni de nouvelles dépositions sous forme d'affidavits pour la requérante. Par conséquent, les avocats des parties ont rédigé une entente relative- ment à ces questions en échangeant des engage ments professionnels mutuels.
En guise de confirmation, Sharpe, au nom de l'intimée, a écrit le 27 octobre 1983 à Guay, pour la requérante, une lettre rédigée comme suit:
[TRADUCTION] Objet: Swing Paints Ltd. c. Minwax Com pany, Inc.—Dossier de la Cour fédé- rale T-433-83 Cher confrère,
Je tiens à confirmer par la présente nos conversations télé- phoniques des mardi 25 et mercredi 26 octobre relativement au dossier précité.
Il est exact que vous m'avez informé que vous étiez prêt à consentir à une ordonnance nous permettant de contre-interro- ger MM. Chaimberg, Bortnick, Cayne et Coughlan, sous réserve des conditions suivantes:
(1) tous les contre-interrogatoires seront terminés dans les trente jours de la date de l'ordonnance,
(2) le contre-interrogatoire de M. Chaimberg aura lieu à Montréal,
(3) les contre-interrogatoires des autres personnes auront lieu à Toronto,
(4) l'intimée paiera les frais de déplacement raisonnables de toutes les personnes qui comparaissent à ces contre-interro- gatoires, et
(5) l'intimée se désistera de son appel à l'encontre de l'ordon- nance accordant à la requérante la permission de contre- interroger et de produire d'autres dépositions sous forme d'affidavits.
Je tiens à confirmer que je vous ai informé que l'intimée est prête à accepter toutes ces stipulations à la condition que votre cliente consente à se désister sans frais. Vous m'avez indiqué que vous ne croyiez pas que cela causerait un problème et je vous ai informé que je préparerais les divers documents pour votre signature. Conformément à l'entente et à mon engage ment, par conséquent, je joins les documents suivants:
(1) une lettre de consentement à jugement sur la requête en vertu de la Règle 324, en triple exemplaire,
(2) un avis de requête pour obtenir une ordonnance accor- dant la permission de contre-interroger, en triple exemplaire,
(3) un consentement à l'ordonnance permettant le contre- interrogatoire, en triple exemplaire,
(4) un avis de désistement, en triple exemplaire.
Nous vous demandons de bien vouloir signer les trois copies des documents n°" 1, 3 et 4 ci-dessus, et d'accuser réception des trois copies du document 2 ci-dessus pour valoir signification. Vous voudrez bien nous retourner deux copies des quatre documents pour dépôt au greffe de la Cour fédérale du Canada à Toronto ou déposer vous-même les documents au greffe de la Cour fédérale du Canada à Montréal et nous envoyer une copie de chacun des documents pour nos dossiers.
Veuillez nous faire parvenir les documents signés ou nous confirmer que ces documents et leurs copies ont été déposés, tels que signés, en temps utile. De plus, veuillez nous confirmer que l'inscription unilatérale de fixation de la date de l'audition de la Cour a été retirée et que vous êtes prêt à produire une demande commune de fixation des temps et lieu de l'audition après qu'auront eu lieu les contre-interrogatoires. Nous vous remercions de votre collaboration et nous vous prions d'agréer, cher confrère, l'expression de nos sentiments les meilleurs.
Cette lettre a été envoyée de Toronto à Mont- réal par messager, et Guay a répondu dès le lendemain, non par une, mais par deux lettres. La «première», dans laquelle il retournait les docu ments dûment signés était rédigée comme suit:
Compétence de: Monsieur Kenneth E. Sharpe
OBJET: Swing Paints Limited
—vs—
Minwax Company, Inc.
Notre dossier: 12037
Cher confrère,
Veuillez trouver sous pli deux copies dûment signées de chacun des documents que vous nous avez soumis, le tout conformé- ment à votre lettre du 27 octobre 1983.
Nous désirons vous confirmer que nous avons retiré du dossier de la Cour fédérale, l'inscription unilatérale pour audition de la cause. Nous verrons éventuellement, si faire se peut, à produire une demande d'inscription conjointe.
Nous désirons également vous informer que nous acceptons que le désistement en appel se fasse sans frais contre votre client. Espérant le tout conforme, nous vous prions d'agréer, cher confrère, l'expression de nos sentiments les plus distingués.
LAPOINTE ROSENSTEIN
François Guay Pièces jointes
La «deuxième» lettre de Guay à Sharpe en date du 28 octobre 1983 est rédigée ainsi:
Compétence de: Kenneth E. Sharpe
OBJET: Swing Paints Limited
—vs—
Minwax Company, Inc.
Notre dossier: 12037 ;
Cher confrère,
Pour faire suite à notre récente conversation téléphonique
concernant le dossier ci-haut mentionné, nous désirons confir-
mer ce qui suit:
Considérant votre intention de présenter une requête pour contre-interroger MM. Jerry Bortnick, Gerald Cayne, Gerald Brendan-Coughlan et Phil Chaimberg, nous ne nous objecte- rons pas à la présentation de ladite requête mais seulement aux conditions suivantes:
a) vous vous désisterez de l'appel que vous avez logé à l'encontre de la décision de l'Honorable Raymond G. Décatie [sic], en date du 30 mai 1983. Nous ne réclamerons à cet effet aucun frais judiciaire [sic];
b) les contre-interrogatoires des personnes ci-haut mention- nées devront avoir été complétés pour la fin du mois de novembre. A cet effet, nous nous permettons de souligner que M. Phil Chaimberg ne sera pas disponible du 10 au 19 novembre. Il y aurait donc lieu de procéder à son contre- interrogatoire et ce, le plus rapidement possible;
c) vous vous engagez dès maintenant à ne pas demander à la Cour la permission de produire une preuve supplémentaire suite aux contre-interrogatoires des quatre personnes ci-haut mentionnées. A cet effet, il est bien entendu que ces contre- interrogatoires seront limités à ce qui est mentionné aux affidavits uniquement et que vous ne vous servirez pas desdits contre-interrogatoires pour produire une preuve supplémen- taire;
d) tous les frais de déplacement incluant transport, hôtel, repas et toute autre somme d'argent pouvant être engagée à cet effet par les témoins seront payés par l'intimé;
e) les contre-interrogatoires de MM. Coughlan, Bortnick et Cayne auront lieu à Toronto alors que celui de M. Phil Chaimberg aura lieu à Montréal.
Auriez-vous l'amabilité de nous faire connaître et ce, dans les meilleurs délais, les dates que vous proposez pour fins de contre-interrogatoires afin que nous puissions prendre les mesu- res appropriées.
Espérant le tout conforme, veuillez agréer, cher confrère, l'ex- pression de nos sentiments les plus distingués.
LAPOINTE ROSENSTEIN
François Guay
Au début, tout alla bien. L'appel a été aban- donné et l'ordonnance pour le contre-interrogatoire des déposants de la requérante, sur consentement et conformément à la Règle 324, a été signée par le juge Cattanach le 7 novembre 1983 [T-433-83]. Conformément aux ententes prises, les contre- interrogatoires de MM. Bortnick et Coughlan ont eu lieu à Toronto, le 29 novembre 1983.
L'avocat de l'intimée a procédé au contre-inter- rogatoire de M. Bortnick sans opposition de Me Guay qui comparaissait au nom de la requérante. Peu de temps après, ce fut le tour de M. Coughlan. À cette occasion, Mc Guay a refusé de permettre à M. Coughlan de répondre aux questions concer- nant toute matière qui n'était pas «limitée aux déclarations de l'affidavit uniquement» ou «qui ne se rapportait pas strictement à ce qui était men-
tionné dans l'affidavit», conformément, soutient-il, à son entente avec Me Sharpe. L'avocat de la requérante a aussi précisé davantage son opposi tion quant à la portée du contre-interrogatoire projeté, qu'il a énoncée comme suit:
[TRADUCTION] Le second motif est que je crois vraiment qu'en raison de la nature de l'affaire—une affaire en radiation d'une marque de commerce—les questions doivent se limiter à ce que M. Coughlan affirme dans son affidavit. Il est possible que nous faisions face à un autre problème. En effet, M. Coughlan ne souhaite pas réellement répondre à certaines questions que peut poser mon confrère ou ma consoeur.
L'avocat de l'appelante s'est opposé à la plupart des questions qu'a posées l'avocat de l'intimée, et même, la plus grande partie des onze pages de la transcription (pièce «E» de l'affidavit de Me Sharpe) porte entièrement sur les oppositions et les discussions des avocats. On a donc assisté à un contre-interrogatoire gravement amputé, si l'on peut ainsi qualifier ce qui s'est passé.
L'intimée demande maintenant une ordonnance enjoignant à M. Coughlan de comparaître à nou- veau, à ses propres frais, et de se soumettre à un contre-interrogatoire relativement à l'affidavit qu'il a signé le 29 juillet 1983. Indépendamment de la jurisprudence se rapportant aux contre-inter- rogatoires relatifs aux affidavits dans ces circons- tances, la première tâche de la Cour est de décider si l'intimée a accepté de renoncer à toute l'étendue que peut prendre un contre-interrogatoire de ce genre.
En règle générale, les parties sont bien servies par des avocats qui s'entendent pour procéder d'une manière expéditive afin de définir précisé- ment quelles sont les véritables questions en litige et pour qu'elles soient tranchées promptement. Les procès en matière civile entre particuliers, surtout, «appartiennent» aux parties et la Cour accepte toujours de rendre service aux procureurs qui demandent à agir par entente sur des demandes interlocutoires, voire sur les questions principales en litige. Lorsqu'un des avocats confirme un accord et les conditions propres à sa réalisation, l'autre avocat doit soit accepter la confirmation et les conditions posées ou les rejeter si elles ne sont pas formulées comme il convient.
L'acceptation doit être inconditionnelle et il est à la fois inutile et non souhaitable de reformuler ou même de répéter la confirmation et ses condi-
tions lorsqu'elles sont acceptées. Le rejet doit en être toujours clairement exprimé et souligné, sans sembler se conformer à certaines des conditions, et sans endosser, signer ou autrement utiliser les documents transmis conformément aux proposi tions rejetées. Tant l'acceptation que le rejet doi- vent être clairs et nets.
Malheureusement, dans le présent cas, la réponse de l'avocat de la requérante semble main- tenant avoir été ambiguë. Il paraît avoir confirmé l'entente, il a signé ou endossé les documents et les a retournés pour dépôt conformément à l'entente, mais, dans une autre lettre datée du même jour, il a prétendu lier l'avocat de l'intimée par une nou- velle condition:
A cet effet, il est bien entendu que ces contre-interrogatoires seront limités à ce qui est mentionné aux affidavits uniquement et que vous ne vous servirez pas desdits contre-interrogatoires pour produire une preuve supplémentaire;
«Incluse» et «enveloppée» dans une confirmation et une répétition reformulée—aussi inutiles et inop- portunes soient-elles—transmises dans une autre lettre expédiée simultanément, cette nouvelle con dition a mitigé l'acceptation sans réserve, ou même le rejet, d'une pseudo-entente. C'est elle qui a entraîné le problème dont la Cour est maintenant saisie et qu'elle doit résoudre. La requérante pré- tend que l'intimée a accepté cette condition et l'intimée le nie. Les parties adoptent ces positions, par l'entremise de leurs avocats qui, de toute évi- dence, n'ont pas réussi à s'entendre en dépit des apparences.
Si cette condition signifie ce que l'avocat de la requérante prétend, dans quel état se trouve le litige entre les parties? L'intimée s'est désistée de son appel. Elle s'est engagée à ne pas produire une preuve supplémentaire, mais plutôt à consentir à une demande commune de fixation des temps et lieu de l'audition après la tenue des contre-interro- gatoires. L'intimée reste avec un contre-interroga- toire amputé, sinon inutile, du témoin Coughlan. Ainsi, si la nouvelle condition que pose la requé- rante a pour effet d'empêcher l'intimée de poursui- vre le contre-interrogatoire de M. Coughlan, l'inti- mée, en toute justice, doit elle aussi être libérée de ses engagements. Cependant, une telle libération serait regrettable pour la rapidité des procédures par entente dans cette affaire qui vise une décision
sommaire sur une demande de radiation. Les par ties ont déjà réalisé la plus grande partie de leurs engagements. D'autre part, il serait inéquitable d'empêcher l'intimée d'obtenir un contre-interro- gatoire raisonnablement complet relativement à l'affidavit de M. Coughlan. Lorsque le témoin a accepté de faire un affidavit, il devait savoir, ou on aurait lui dire, qu'il s'engageait par à se soumettre à un contre-interrogatoire.
Les faits que M. Coughlan a attestés dans son affidavit sont les suivants:
[TRADUCTION] 1. Je suis l'acheteur de Mumby & Associates Ltd., sise au 1830 Mayer Side Drive, Mississauga (Ontario), poste que j'occupe depuis huit (8) ans.
2. Depuis 1976, Mumby & Associates Ltd. fait office de distributeur pour Swing Paints Ltd. (ci-après appelé «Swing») pour ses produits MINWAX partout au Canada.
3. Routley's Paint and Wall Paper Inc. sise au 1640 Avenue Road à Toronto était un des magasins de détail qui achetait de Mumby & Associates Ltd.
4. À ma connaissance personnelle, depuis 1976, «SWING» a toujours empaqueté ses produits MINWAX et les a expédiés à Mumby & Associates Ltd. dans des bottes portant le nom «Swing».
5. On me montre comme pièce «GBC-1» de mon affidavit un exemple de la boîte utilisée par «Swing» pour l'empaquetage de ses produits MINWAX et leur expédition à Mumby & Associates Ltd.
6. Tous les produits Minwax vendus depuis 1976 par Mumby & Associates Ltd. aux détaillants au Canada, notamment à Rout- ley's Paint & Wall Paper Inc., étaient empaquetés et expédiés dans des boîtes portant le nom de «Swing» semblables à la pièce «GBC-1» de mon affidavit.
L'intimée prétend que les termes utilisés par M. Coughlan, qui renvoient à Swing Paints Ltd. et à «ses produits MINWAX», sont d'une grande impor tance, alors que la requérante dit qu'ils ne le sont pas et que M. Coughlan aurait tout aussi bien pu dire «les produits MINWAX». Quelle que soit la bonne interprétation, elle aurait pu être détermi- née en contre-interrogeant M. Coughlan.
Maintenant, deux points saillants ne doivent pas être oubliés relativement à la nature de la présente procédure et ces deux points consistent en ce que n'est pas cette procédure. II ne s'agit pas d'une procédure interlocutoire ni d'un interrogatoire préalable. II s'agit d'une procédure au fond, quoi- que sommaire, et par conséquent il y a dépôt d'affidavits et tenue d'un contre-interrogatoire qui
tiennent lieu de preuve quant à la question princi- pale, la question de fond en litige. En ce qui concerne l'étendue des contre-interrogatoires rela- tifs aux affidavits dans des affaires de cette nature, le juge Walsh l'a bien définie dans les décisions Ethicon Inc. et autres c. Cyanamid of Canada Ltd.' et Re Marchands Ro-Na Inc. et Tefal S.A. 2 , dans lesquelles il a fait remarquer:
La Cour doit: chercher, d'une part, à juger cette action par voie sommaire, sans la prolonger ni la retarder indûment par un grand nombre d'affidavits, par un contre-interrogatoire poussé sur chaque affidavit et par la production de multiples docu ments, et d'autre part, elle doit fournir au juge du fond tous les renseignements pertinents et importants pour lui permettre de rendre une décision juste d'après l'avis introductif 3 .
Certains principes généraux ressortent de la jurisprudence. Le juge Heald, dans ses motifs dans la décision Weight Watchers International Inc. c. Weight Watchers of Ontario Ltd. (N° 2) ° a incor- poré et adopté les motifs suivants, notamment ce résumé:
En somme, il semble qu'une question correcte, lors d'un contre-interrogatoire portant sur un affidavit, doit satisfaire aux quatre exigences suivantes:
(1) Elle doit être pertinente aux questions à propos desquelles l'affidavit a été produit ou porter sur la crédibilité du témoin; le fait qu'elle puisse incidemment révéler des preuves faisant partie de l'argumentation du témoin n'est pas en soi suffisant pour la rendre inadmissible.
(2) La question doit être franche.
(3) On doit avoir de bonne foi l'intention de faire porter la question sur l'objet du litige ou sur la crédibilité du témoin s .
Ce résumé, précédé par un exposé plus détaillé des motifs, était tiré des motifs de Marriott, Senior Master, dans l'affaire Superior Discount Limited v. N. Perlmutter & Company et al. 6 . Ce jugement citait lui-même la décision du juge Gale dans l'affaire Thomson v. Thomson and Elliott' dans laquelle il a conclu que le contre-interrogatoire relatif à un affidavit ne se limite pas uniquement à
' (1977), 35 C.P.R. (2d) 126 (C.F. l s inst.).
2 (1980), 59 C.P.R. (2d) 139 (C.F. 1" inst.).
3 (1977), 35 C.P.R. (2d), à la p. 132; (1980), 59 C.P.R. (2d),
à la p. 142 [extrait de l'affaire Ethicon].
(1972), 6 C.P.R. (2d) 169 (C.F. ln inst.).
s Ibid., à la p. 172.
6 [1951] O.W.N. 897, aux pp. 897 et 898.
[1948] O.W.N. 137 (H.C.).
la déposition mais peut porter sur toute question ayant rapport au règlement du point litigieux au sujet duquel l'affidavit a été déposé.
En l'espèce, l'avocat de la requérante fait valoir que l'affidavit de M. Coughlan a été déposé uni- quement à l'égard d'une question soulevée dans le contre-interrogatoire tenu par la requérante du témoin de l'intimée, M. Doughty. On soutient donc que l'affidavit de M. Coughlan ne répond qu'à une question fort limitée qui est, selon l'avocat: une «contre-contre-preuve», en ce que M. Doughty con- tredit un point avancé par la requérante, et M. Coughlan est appelé à témoigner uniquement pour contredire le témoignage de M. Doughty sur ce point. Il n'y a pas de doute cependant que ni un témoin déposant de vive voix devant le tribunal, ni celui qui dépose un affidavit, ne peuvent se per- mettre de donner uniquement ce qu'on peut quali fier à juste titre de témoignage «à la dérobade» ou de déposition savamment découpée.
La personne qui donne un affidavit doit se sou- mettre au contre-interrogatoire non seulement sur des questions précisément énoncées dans son affi davit, mais également sur les questions connexes que soulèvent ses réponses. De même elle doit répondre franchement à toutes les questions dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle eût connaissance et qui se rapportent à la principale question en litige dans la procédure que concerne son affidavit, s'il y a lieu.
En l'espèce, on ne peut s'attendre à ce que M. Coughlan soit au courant des enregistrements de la marque de commerce, ni de toutes les questions qui sont en litige; cependant, il a déclaré sous serment que depuis 1976 la requérante avait tou- jours empaqueté ses (ou «les») produits Minwax et les avait expédiés à Mumby & Associates Ltd. dans des boîtes portant le nom «Swing». Il men- tionne que tous les produits Minwax vendus depuis 1976 par Mumby aux détaillants du Canada étaient ainsi empaquetés. Il déclare sous serment qu'il est personnellement au courant de ces ques tions, mais dans le cours de ses affaires, il doit avoir appris plus que ce que ces dépositions disent au sujet des produits Minwax, des opérations de Mumby dans ce domaine et de Routley's Paint & Wallpaper Inc., depuis 1976. L'étendue de ses connaissances et sa crédibilité peuvent être éva- luées par l'intimée. Puisqu'il mentionne les étiquet-
tes et l'empaquetage, M. Coughlan devrait répon- dre aux questions relatives à leur caractère distinctif et à la marque en litige, dans la mesure il en est raisonnablement au courant. Il ne lui est pas permis d'attester de ces questions et de se dérober ensuite à un contre-interrogatoire juste.
Un tel contre-interrogatoire peut bien révéler des éléments de preuve qui seraient utiles à l'inti- mée; il peut ne rien révéler. Objectivement, cette question importe peu à la Cour. Toutefois, l'inti- mée s'est engagée par ses procureurs à ne pas chercher à produire une preuve supplémentaire par affidavit et à ne pas demander le contre-interroga- toire de témoins autres que MM. Chaimberg, Bortnick, Cayne et Coughlan; la Cour doit s'en tenir à cet engagement. L'obtention d'un témoi- gnage utile au cours de ces contre-interrogatoires n'enfreindrait pas cet engagement.
Au cours du débat, les avocats des deux parties ont semblé accepter que, si l'intimée a gain de cause sur sa requête, M. Coughlan ne sera pas tenu de se documenter à fond sur des sujets qu'il connaît par ouï-dire comme s'il subissait un inter- rogatoire préalable au nom de la requérante, mais il devra répondre sous serment à toutes les ques tions se rapportant aux déclarations de son affida vit et aux questions connexes soulevées par ses réponses, notamment celles qui se rapportent au caractère distinctif de la marque de commerce et du dessin-marque de l'intimée qui sont à sa con- naissance. Cela paraît accorder à l'intimée une latitude raisonnable pour contre-interroger M. Coughlan relativement à son affidavit. Il en sera donc ainsi.
Dans des circonstances qui paraissent être un malentendu entre les avocats respectifs des parties, chaque partie devrait maintenant supporter ses propres dépens, mais les dépens de la présente procédure sont liés au résultat, suivent le sort de l'affaire et seront inclus dans les dépens de l'action.
ORDONNANCE
1. LA COUR ORDONNE à Gerald Brendan Cough- lan de comparaître de nouveau, à ses propres frais, pour se soumettre au contre-interrogatoire relatif à son affidavit en date du 29 juillet 1983, et
2. LA COUR ORDONNE à Gerald Brendan Cough- lan de répondre à toutes les questions du contre- interrogatoire qui se rapportent aux déclarations de son affidavit et aux questions connexes soule- vées par ses réponses, y compris les questions qui se rapportent au caractère distinctif de la marque de commerce et du dessin-marque de l'intimée («Minwax») qui sont à sa connaissance; et
3. LA COUR ORDONNE en outre que les dépens des présentes procédures ou accessoires à celles-ci soient liés au résultat des procédures en radiation et suivent le sort de l'affaire pour être inclus dans la décision sur les dépens de l'action.
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