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A-818-84
Association canadienne du contrôle du trafic aérien (requérante)
c.
La Reine du chef du Canada représentée par le Conseil du Trésor (intimée)
Cour d'appel, juges Heald, Ryan et Marceau— Ottawa, 16 janvier et 20 février 1985.
Fonction publique Conventions collectives Les person- nes dont l'emploi a pris fin au cours de la période rétroactive ont-elles droit de toucher un salaire rétroactif? Le principe du lien contractuel prévu par la common law peut-il s'appli- quer en matière de droit du travail? Ce principe s'applique- t-il aux conventions collectives dans la Fonction publique? Sens du mot «employéo dans la L.R.T.F.C. Application des décisions Lavoie et Gloin Un résultat injuste ou absurde doit être évité à moins que la loi ne recherche clairement ce résultat Examen de l'économie de la loi L'agent négo- ciateur représente tous les employés Tous doivent pouvoir bénéficier de cette représentation La L.R.T.F.C. prévoit que la représentation par le syndicat doit être juste Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35, art. 2 [mod. par S.C. 1973-74, chap. 15, art. 1; S.C. 1974-75-76, chap. 67, art. 1], 3, 26, 40, 49(1), 51, 54, 57, 58, 68 [mod., idem, art. 17], 70, 90(1), 91(1), 98 [mod., idem, art. 27] Règlement sur la rémunération avec effet rétroac- tif, C.R.C., chap. 344 Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 1, 8, 22, 36 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
La requérante, agent négociateur représentant les contrôleurs du trafic aérien faisant partie de la Fonction publique, a conclu une convention collective avec le Conseil du Trésor qui pré- voyait, entre autres, que les employés régis par la convention toucheraient un salaire rétroactif pour le travail effectué au cours de la période rétroactive. Onze membres de l'unité de négociation dont l'emploi avait pris fin avant la signature de la nouvelle convention collective avaient travaillé au cours de la période rétroactive. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique a rejeté le renvoi présenté par la requérante en vertu de l'article 98 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique au nom de ces membres qui demandaient que leur soit versée une rémunération rétroactive pour le travail effectué au cours de la période rétroactive ainsi que la prime d'installation d'exploitation pour la même période. La décision de la Commission se fonde principalement sur le fait que le terme «employé», tel qu'il est utilisé dans la Loi et qu'il s'applique à la convention collective, n'engloberait pas un ancien employé en l'absence d'une mention expresse comme celle qu'on trouve dans la définition de «grief».
La demande, fondée sur l'article 28, tend à l'examen et à l'annulation de cette décision.
Arrêt: la demande est accueillie.
Le juge Heald (avec l'appui du juge Ryan): La conclusion de la Commission contredit directement la décision de cette Cour dans l'affaire Lavoie, qui a été suivie dans la cause Gloin, le paragraphe 90(1) de la Loi, qui confère un droit à un «employé»
s'estimant lésé, a été interprété comme englobant toute per- sonne se sentant lésée à titre d'«employé», même si cette personne est un ancien employé. L'objet de l'affaire Lavoie et celui de la présente cause sont à peu près identiques, c'est-à- dire le droit d'un employé de contester une décision qui porte atteinte à son droit aux avantages découlant de ses rapports avec son employeur. Le raisonnement adopté dans l'affaire Lavoie est par conséquent des plus convaincants en ce qui concerne la présente affaire.
Il serait absurde et injuste que deux employés travaillant côte à côte, effectuant des tâches identiques et touchant la même rémunération avant une date donnée reçoivent des salaires différents pour un travail accompli après cette date parce que l'un deux a cessé d'être employé avant la signature d'une nouvelle convention collective. En l'absence de dispositions très clairement exprimées, il est impossible qu'on ait voulu atteindre un résultat aussi incongru.
Puisque le devoir d'un agent négociateur consiste à représen- ter tous les employés qui sont membres de l'unité de négocia- tion à tout moment pendant la durée de la convention collective et puisque ces membres sont tenus de payer des cotisations mensuelles à l'agent négociateur tant qu'ils sont employés dans cette unité, ils ont donc le droit d'être représentés par l'agent et de bénéficier de cette représentation. Ils ont également droit de bénéficier de la convention, qu'ils fussent ou non encore mem- bres au moment elle a été signée. Cette conclusion est étayée par les dispositions de la Loi (articles 57 et 58) relatives à l'entrée en vigueur des conventions collectives telles qu'appli- quées, en l'espèce, aux dispositions de l'entente concernant les augmentations de salaire.
Le juge Marceau: Dans le secteur privé, la jurisprudence reflète deux tendances contraires. L'une des thèses, qui appli- que le principe du lien contractuel, nie aux anciens employés les avantages d'une convention collective parce qu'ils n'y étaient pas parties, leur emploi ayant pris fin avant sa signature. L'autre thèse, insistant sur la fonction représentative du syndi- cat et sur les exigences apparentes de la justice, arrive à la conclusion inverse.
Dans le secteur public fédéral, la jurisprudence est silen- cieuse sur cette question.
Le premier argument de la requérante, selon lequel les décisions de la présente Cour dans les affaires Lavoie et Gloin contredisent l'affirmation selon laquelle le terme «employé» tel qu'utilisé dans la Loi n'englobe pas un ancien employé à moins d'indications expresses à cet effet, ne peut être retenu. Les arrêts Lavoie et Gloin n'ont pas statué que le terme «employé» englobe sans réserve un ancien employé. Ces décisions portaient sur le statut d'individus qui avaient présenté des griefs contre le geste de leur supérieur qui avait mis fin à leur emploi. Elles ne peuvent être considérées comme élargissant la portée du terme «employé» tel qu'il est utilisé dans la Loi.
Le fait qu'un agent négociateur soit habilité en vertu de l'alinéa 49(1)a) de la Loi à engager des négociations avec l'employeur pour le compte des employés faisant partie de l'unité de négociation au début des négociations, ne permet pas de déterminer qui est lié par cette négociation ou qui peut profiter des avantages qui en découlent.
L'argument fondé sur le devoir d'un agent négociateur de représenter équitablement tous les membres de l'unité de négo-
ciation, y compris les anciens employés, n'est pas convaincant. Le manquement à ce devoir permet aux membres lésés d'inten- ter des poursuites contre les syndicats, mais il n'oblige pas un employeur à assumer une obligation qui n'a pas été prévue à l'accord final intervenu entre les parties.
Dans le secteur public fédéral, la législation ne permet pas l'introduction des notions de représentation, de mandat, et de lien contractuel parce que le statut et le rôle des parties à la négociation collective, leur autorité respective et le caractère exécutoire de leur accord sont déterminés de façon exclusive et péremptoire par la loi.
La solution ne peut être déduite que des principes adoptés par la législation et en fonction uniquement du régime établi par le Parlement. La négociation collective a pour but essentiel, et la convention collective pour rôle premier, d'établir des échelles de salaires pour chaque poste ou pour chaque groupe de postes de même nature, occupé par les membres de l'unité. Il est de toute évidence impensable qu'à un moment quelconque, il puisse y avoir plus d'une échelle de salaire pour un même poste dans une unité de négociation, si l'on veut que le système demeure fonctionnel. Tous ceux qui ont occupé les postes pendant la période couverte ont droit d'être rémunérés pour les services qu'ils ont rendus suivant les taux applicables.
L'argument de l'intimée selon lequel le paragraphe 57(1) et l'article 58 de la Loi indiquent clairement que la convention collective ne doit s'appliquer qu'à l'égard des employés mem- bres de l'unité de négociation au moment la convention est signée, implique une interprétation fondée sur l'application de la notion traditionnelle de représentation, laquelle ne doit pas être appliquée ici, et débouche sur la mise en œuvre d'une double échelle de salaires qui est impossible en principe. L'er- reur consiste à penser que l'expression «convention collective» employée au paragraphe 57(1) vise la convention considérée dans son ensemble. Cette expression s'applique toutefois à toute partie autonome de la convention et chacune d'elle peut avoir sa propre date d'»entrée en vigueur».
Bref, les anciens employés ont le droit de toucher un traite- ment rétroactif parce qu'ils occupaient des postes pour lesquels les seuls taux de salaire applicables étaient les taux prévus au nouveau contrat.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778 (C.A.); Gloin c. Procu- reur général du Canada, [1978] 2 C.F. 307 (C.A.); Guilde de la marine marchande du Canada c. Ga gnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509; 9 D.L.R. (4th) 641.
DÉCISIONS MENTIONNÉES:
Re Penticton and District Retirement Service and Hospi tal Employees' Union, Local 180 (1977), 16 L.A.C. (2d) 97 (C.-B.); Re Air Canada and Canadian Air Line Flight Attendants' Assoc. (1981), I L.A.C. (3d) 37 (Can.); Re Ottawa Board of Education and Ontario Secondary School Teachers' Federation, District 26 (1976), 13 L.A.C. (2d) 46 (Ont.); Re Ontario Federation of Labour and Office & Professional Employees Int'l Union, Local 343 (1977), 16 L.A.C. (2d) 265 (Ont.); Re Neilson
(William) Ltd. and Milk & Bread Drivers, Dairy Employees, Caterers & Allied Employees, Local 647 (1982), 6 L.A.C. (3d) 123 (Ont.); R. c. Thibault, [1983] 1 C.F. 935 (C.A.); McGavin Toastmaster Ltd. v. Ains- cough, [1976] R.C.S. 718.
AVOCATS:
Catherine H. MacLean pour la requérante. Robert Cousineau pour l'intimée.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour la requérante. Contentieux du Conseil du Trésor, Ottawa, pour l'intimée.
John E. McCormick, Commission des rela tions de travail dans la Fonction publique, Ottawa, pour le compte de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Sur le fondement de l'article 28, la requérante demande l'examen et l'annula- tion de la décision datée du 18 juin 1984 par laquelle le président de la Commission des rela tions de travail dans la Fonction publique, Me J. H. Brown, c.r., a rejeté le renvoi que la requérante a présenté en vertu de l'article 98 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35 [mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 67, art. 27] («la Loi»).
Voici un résumé des faits pertinents. La requé- rante en l'espèce est l'agent négociateur qui repré- sente les contrôleurs du trafic aérien faisant partie de la Fonction publique. Le 21 mars 1979, la requérante et le Conseil du Trésor ont conclu la convention collective 402/79 qui prévoyait qu'elle demeurerait en vigueur jusqu'au 31 décembre 1980. Conformément à l'article 51 de la Loi, les conditions de la convention collective 402/79 ont été maintenues en vigueur jusqu'à ce que soit conclue une nouvelle convention. Ce n'est que le 28 mai 1982 qu'une nouvelle convention collective (402/82) a été conclue, soit environ 17 mois après la date prévue pour l'expiration de la convention collective 402/79. L'article 14.02 de la convention collective 402/82 prévoit que les employés ont droit de toucher un salaire rétroactif pour le travail effectué entre le 28 mai 1982, date de la signature
de la convention collective 402/82, et le 5 janvier 1981 («la période rétroactive»). L'article 31 de cette même convention prévoit également le verse- ment d'une prime d'installation d'exploitation durant la période rétroactive.
L'emploi de onze membres de l'unité de négocia- tion a pris fin au cours de la période rétroactive à la suite soit de leur démission volontaire, soit de leur renvoi à la fin de la période de probation'. Durant la période rétroactive, les onze membres ont travaillé pendant des durées variées. L'un a travaillé pendant 15 mois, un autre pendant 13 mois, un autre pendant 12 mois, deux pendant 11 mois chacun, tandis que les autres ont travaillé moins longtemps. Les onze ont été payés aux taux prévus dans la convention collective 402/79 pour le travail effectué durant la période rétroactive. Pas un seul des onze n'a touché de rémunération rétroactive aux taux fixés à l'article 14.02 de la convention collective 402/82 pour le travail qu'il a effectué durant la période rétroactive. On a aussi refusé de leur verser la prime d'installation d'ex- ploitation pendant la période rétroactive. Les motifs de la décision de la Commission sont cités à la page 45 du dossier et commencent comme suit:
Les points de vue respectifs de l'avocate de l'agent négociateur et de l'avocat de l'employeur se fondent sur le principe de l'obligation contractuelle et sur la question de savoir si ce dernier doit s'appliquer strictement aux conventions collectives. L'avocate de l'agent négociateur maintient que la doctrine de l'obligation contractuelle a été élaborée pour les contrats com- merciaux et qu'elle ne devrait pas s'appliquer strictement aux conventions collectives. La thèse opposée a été avancée par l'avocat de l'employeur. Il a soutenu que cette obligation s'applique en fait aux conventions collectives de la même manière qu'aux contrats commerciaux.
Aux pages 46 et 47, le principe de ces motifs est ainsi rédigé:
Après avoir examiné les observations des parties et passé en revue les cas de jurisprudence arbitrale qui ont été invoqués, la Commission incline à penser que la thèse de l'«obligation contractuelle» ne peut être appliquée strictement aux conven tions collectives. De plus, les décisions citées par l'avocate de
Dans son exposé des faits et du droit (paragraphe 5) l'appelante déclare qu'à cet égard le nombre exact de départs s'élève à 13. Il ressort toutefois de l'annexe A de l'exposé conjoint des faits (Dossier conjoint, p. 10) que l'emploi des employés s'estimant lésés, Carriere et Sevestre, n'a pris fin que le 9 décembre 1982. Il est donc faux de dire que leur emploi s'est terminé pendant la période rétroactive. Par conséquent, même si on accepte l'interprétation proposée par l'intimée, ces employés avaient droit à la rémunération rétroactive.
l'agent négociateur contiennent des motifs logiques et convain- cants pour accorder une rémunération rétroactive à d'anciens employés. Quoi qu'il en soit, ces décisions se fondent essentielle- ment, sinon exclusivement, sur le libellé de chaque convention collective en cause et ne comportent pas l'application des dispositions de la loi habilitante.
Dans la Fonction publique fédérale, les conventions collecti ves sont négociées et conclues sous l'autorité de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. Cette Loi con- tient un certain nombre de dispositions qui ont une incidence directe sur le contenu d'une convention collective, ainsi que sur les personnes ayant droit aux avantages qui y sont prévus. En particulier, aux termes de la Loi, «employé» désigne une per- sonne employée dans la Fonction publique, sauf ...». La défini- tion poursuit en précisant qu'une personne ne cesse pas d'être employé dans la Fonction publique du seul fait qu'elle a cessé de travailler par suite d'une grève ou du seul fait qu'elle a été congédiée contrairement à cette loi ou à une autre loi. De plus, après avoir établi ce qu'est un «grief», la définition signale qu'aux fins de toute disposition de cette Loi concernant les griefs, sous le rapport des mesures disciplinaires aboutissant au congédiement ou à la suspension, le terme «employé» englobe un ancien employé.
Dans la définition du mot «employé», on prévoit précisément qu'une personne ne cesse pas d'être un membre de la Fonction publique du seul fait qu'elle a cessé de travailler dans les circonstances décrites, ce qui implique qu'une personne qui cesse de travailler dans la Fonction publique pour toute autre raison que celles énoncées ci-dessus n'est plus un employé de la Fonction publique. Autrement dit, une personne qui cesse de travailler pour cause de retraite, de décès, de démission, de renvoi en cours de stage, d'abandon, de mise en disponibilité, de renvoi pour incompétence ou incapacité, ou de congédiement, lorsque ce dernier n'est pas renversé à la suite d'une contesta- tion, cesse d'être un membre de la Fonction publique et, du même coup, cesse d'être un employé aux termes de la Loi. En outre, dans la définition du mot «grief», on apporte des préci- sions sur les circonstances dans lesquelles un ancien employé doit être considéré comme un employé. Implicitement, le terme «employé», selon toutes les autres dispositions de la Loi, doit signifier par définition «un membre de la Fonction publique» et n'engloberait pas un ancien employé en raison d'un manque de précision comme celui qu'on trouve dans la définition de «grief».
De plus, le paragraphe 40(1) de la Loi prévoit qu'en vertu de l'accréditation, une association d'employés se voit investie du droit exclusif de négocier collectivement au nom des employés membres de l'unité de négociation. En outre, l'article 54 con- fère au Conseil du Trésor le pouvoir de conclure, avec un agent négociateur, une convention collective s'appliquant aux employés faisant partie de l'unité de négociation. En outre, l'article 58 prévoit notamment qu'une convention collective est exécutoire pour les employés membres de ladite unité. Par définition, le terme «employé» qu'on trouve dans ces articles doit désigner les personnes membres de la Fonction publique, et il n'englobe pas un ancien employé, faute de précision à cet effet.
Les négociations en vue de la signature d'une convention collective sont autorisées par la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. Par voie de conséquence, le terme «employé» défini dans la Loi aura le même sens dans la
convention collective à moins qu'une intention contraire y soit exprimée. Il s'ensuit donc que les avantages rétroactifs prévus dans une convention collective ne s'étendent pas aux anciens employés, à moins que la convention en fasse une mention expresse en prescrivant par exemple qu'aux fins des avantages rétroactifs (ou dispositions salariales) énoncés dans cette con vention, le terme «employé» englobe un ancien employé.
Aucune précision de ce genre ne figure dans la convention collective conclue entre l'agent négociateur et l'employeur et dont il est question ici. Par conséquent, les avantages prévus dans cette convention collective et qui ont une application rétroactive ne peuvent être accordés aussi à d'anciens employés.
Dans ces motifs, la Commission examine quel- ques-unes des dispositions pertinentes de la Loi afin de déterminer la signification du mot «employé» tel qu'il est utilisé dans la Loi. C'est une méthode dont on peut se servir pour interpréter les mots qui sont employés dans une loi. En toute déférence, je suis toutefois venu à la conclusion qu'en procédant ainsi, il semble que le président n'a pas tenu compte de toutes les dispositions législatives pertinentes, ni de la jurisprudence applicable en cette Cour. Il appert que la décision de la Commission se fonde principalement sur le fait que «le terme "employé", selon toutes les autres dispositions de la Loi, doit signifier par définition "un membre de la Fonction publique" et n'engloberait pas un ancien employé en raison d'un manque de précision comme celui qu'on trouve dans la définition de "grief"». Selon moi, cette conclusion contredit directement les décisions de cette Cour dans R. c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778 et Gloin c. Procureur général du Canada, [1978] 2 C.F. 307. Dans l'affaire Lavoie, la Cour, comme c'est le cas en l'espèce, devait déterminer le sens du terme «employé» dans un article de la Loi. Dans cette affaire, il fallait définir le terme «employé» tel qu'il est utilisé au paragraphe 90(1) de la Loi. Ce paragraphe dispose que: «Lorsqu'un employé s'estime lésé» relativement à certaines questions précises découlant de ses rapports avec son employeur, il peut présenter un grief. Le Conseil du Trésor soutenait que la Commission n'était pas compétente pour examiner une demande de proro- gation du délai de présentation de griefs contre un renvoi parce que la personne n'était pas un employé au moment de la prorogation proposée. La Cour a statué que les premiers mots du para- graphe 90(1) doivent s'interpréter comme englo- bant toute personne se sentant lésée à titre d'«em- ployé». Le juge en chef Jackett a déclaré ce qui suit aux pages 783 et 784 dans l'affaire Lavoie (précitée):
Les premiers mots de l'article 90(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique doivent s'interpréter comme englobant toute personne se sentant lésée à titre d'«employé». Autrement, une personne ayant à se plaindre en tant qu'«employé», p. ex. au sujet du classement ou des salaires, perdrait son droit de présenter des griefs à cause de la suppres sion de son emploi, p. ex. à la suite d'une mise en disponibilité. Il faudrait des dispositions très clairement exprimées pour me convaincre que ledit résultat est intentionnellement recherché. [C'est moi qui souligne.]
Bien que dans l'affaire Lavoie l'article applica ble de la Loi en question fût l'article 90 qui confère à l'«employé» le droit de présenter un grief à titre personnel, alors qu'en l'espèce le pouvoir de renvoyer une question devant la Commission est prévu à l'article 98, les deux affaires ont un objet à peu près identique, à savoir le droit d'un «employé» de contester une décision qui porte atteinte à son droit aux avantages découlant de ses rapports avec son employeur. J'estime par conséquent que le raisonnement adopté dans l'affaire Lavoie est des plus convaincants en ce qui concerne la présente affaire. En l'espèce, tout comme dans l'affaire Lavoie, les personnes qui sollicitent un redresse- ment étaient des employés pendant la majeure partie de la période régie par la convention collec tive. Ces employés formulent un grief relativement au salaire qui leur est au cours de cette période. Si le point de vue adopté par le Conseil du Trésor est juste, il en résulterait que deux employés tra- vaillant côte à côte au même endroit, effectuant des tâches identiques et touchant la même rémuné- ration avant le 31 décembre 1980, recevraient des salaires différents pour un travail identique accom- pli en 1981 et en 1982 parce que l'un de ces employés a cessé d'être employé avant le 28 mai 1982 tandis que l'autre employé continuait de l'être le 28 mai 1982. Selon moi, un tel résultat est absurde, injuste et source d'iniquité. Je suis donc de l'avis du juge en chef Jackett qu'en l'absence de dispositions très clairement exprimées, il est impossible qu'on ait voulu atteindre un résultat aussi incongru 2 .
Comme l'a souligné la Cour dans l'affaire Lavoie, il n'existe pas à l'article 90 de la Loi de dispositions clairement exprimées excluant ou
2 Cette Cour a suivi la décision rendue dans l'affaire Lavoie lorsqu'elle a prononcé l'arrêt Gloin susmentionné elle a adopté la définition qui a été donnée dans Lavoie du terme «employé» tel qu'il est utilisé aux paragraphes 90(1) et 91(1) de la Loi.
englobant les anciens employés qui sont dans la position des employés s'estimant lésés dans la pré- sente affaire. Comme je l'ai déjà mentionné, il y a dans les définitions des termes «employé» et «grief» certaines inclusions expresses concernant certaines catégories restreintes mais aucune exclusion expresse.
J'ai déjà dit que je ne trouve rien à redire à la méthode dont s'est servi le président pour interpré- ter le terme «employé» dans les circonstances de l'espèce, mais j'estime que pour procéder à une étude approfondie de l'économie de la Loi applica ble en l'espèce, il est nécessaire d'examiner d'au- tres articles que ceux qui ont déja été examinés. Selon moi, le paragraphe 49(1) de la Loi est pertinent. En voici le texte:
49. (1) Lorsque la Commission a accrédité une association d'employés comme agent négociateur d'une unité de négocia- tion et que la méthode de règlement d'un différend applicable à cette unité de négociation a été spécifiée comme le prévoit le paragraphe 36(1),
a) l'agent négociateur peut, pour le compte des employés de l'unité de négociation, par avis écrit, requérir l'employeur d'entamer des négociations collectives; ou
b) l'employeur peut, par avis écrit, requérir l'agent négocia- teur d'entamer des négociations collectives,
én vue de la conclusion, du renouvellement ou de la révision d'une convention collective.
En l'espèce, les avocats ont reconnu qu'environ deux mois avant l'expiration de la convention col lective 402/79, le 31 décembre 1980, le syndicat requérant a signifié un avis en vue d'entamer des négociations collectives visant le renouvellement de la convention collective, comme le prévoit le para- graphe 49(1) susmentionné. J'estime que l'agent négociateur, par la signification de cet avis, met en marche un processus de négociation collective pour le compte de tous les employés qui sont à ce moment-là membres de l'unité de négociation ainsi que pour le compte de tous les nouveaux employés qui peuvent se joindre à l'unité de négociation au cours du processus de négociation et pendant une partie ou toute la durée de la convention collective conclue au terme du processus de négociation. Le devoir d'un agent négociateur consiste à représen- ter tous les employés qui peuvent devenir membres de l'unité de négociation à tout moment pendant la durée de la convention collective. Ces membres sont tenus de payer des cotisations mensuelles à l'agent négociateur tant qu'ils sont employés dans cette unité. Compte tenu de cette circonstance
ainsi que de l'esprit de la Loi, j'estime qu'ils ont le droit d'être représentés par l'agent et de bénéficier de cette représentation. Comme l'a dit le juge Chouinard dans l'arrêt Guilde de la marine mar- chande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509, à la page 527; 9 D.L.R. (4th) 641, à la page 654:
5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.
Il est vrai, comme l'a souligné le juge Choui- nard, qu'il existe dans le Code canadien du travail [S.R.C. 1970, chap. L-1] et dans plusieurs lois provinciales des dispositions précises concernant le devoir de représentation d'un syndicat vis-à-vis ses membres. Toutefois, il est aussi vrai de dire, comme l'a fait observer le juge Chouinard à la page 522 R.C.S.; 650 D.L.R. du jugement que: «la jurisprudence canadienne, s'inspirant de la juris prudence américaine, avait déjà reconnu l'exis- tence du devoir de représentation d'un syndicat et des obligations qui en découlent.» II est néanmoins nécessaire de se demander si les dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique ont pour effet de modifier, d'éliminer de réduire ou d'accroître l'obligation généralement acceptée de juste représentation qui incombe à l'agent négociateur. Je n'ai pu trouver dans la Loi aucune disposition précise qui décrit expressément ce devoir. Je suis toutefois venu à la conclusion, après avoir lu attentivement les dispositions de la Loi, qu'une telle obligation existe effectivement de façon implicite (voir par exemple les articles 40 et 90 de la Loi).
À partir de cette constatation et à la lumière de l'esprit général de la Loi, je conclus que l'agent négociateur était autorisé à négocier et à conclure une convention collective pour le compte, notam- ment, des employés s'estimant lésés en cause, puis- que ceux-ci faisaient partie de l'unité de négocia- tion pendant une partie de la durée de la convention collective. Il s'ensuit donc, à mon avis, que les employés s'estimant lésés ont droit de bénéficier de cette convention, qu'ils fussent ou non encore membres au moment elle a été signée. Je pense que l'article 58 de la Loi étaye cette conclusion puisqu'il dispose que: «une conven tion collective lie l'employeur et l'agent négocia- teur ... ainsi que les employés de l'unité de négo-
ciation pour laquelle l'agent négociateur a été accrédité, à compter du jour elle entre en vigueur conformément au paragraphe 57(1).0 [C'est moi qui souligne.] L'article 14.02 déclare que les taux de rémunération applicables sont indi- qués à l'appendice «A» de la convention qui prévoit que les taux de rémunération des agents de l'ex- ploitation prendront effet le 5 janvier 1981. Par conséquent, puisque les dispositions de l'entente qui concernent les augmentations de salaire ont pris effet le 5 janvier 1981 et comme tous les employés s'estimant lésés ont effectué leur travail pendant une certaine partie de la période rétroac- tive, il m'apparaît évident que si l'on donne aux termes utilisés à l'article 58 leur sens courant et ordinaire, ils ont droit de bénéficier de ces disposi tions relatives à l'augmentation de salaire.
Par ces motifs, je ferais donc droit à la demande fondée sur l'article 28, j'annulerais la décision de la Commission et je lui renverrais la question pour qu'elle l'examine à nouveau en tenant pour acquis que les employés s'estimant lésés en l'espèce sont des «employés» en ce qui à trait aux avantages prévus dans la convention collective 402/82 qui ont une application rétroactive.
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: J'ai eu le privilège de lire les motifs du jugement du juge Heald. Comme lui, je ferais droit à cette demande présentée en vertu de l'article 28 mais j'arrive à cette conclusion sur la base de motifs différents. Comme la Cour est appelée pour la première fois à traiter d'un problè- me qui semble avoir une importance particulière, il pourrait convenir que j'expose brièvement mon point de vue sur la question.
Il est inutile de reprendre l'examen des faits qui ont donné lieu à la décision attaquée en l'espèce, décision que la Commission des relations de travail dans la Fonction publique a rendue en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique (ci-après appelée Loi sur les R.T.F.P.). Ils sont exposés avec clarté dans les motifs du juge Heald et, à vrai dire, ils ne sont importants que dans la mesure ils aident à
formuler la question qui doit être tranchée. Le 28 mai 1982, le Conseil du Trésor, à titre d'em- ployeur, et la requérante, à titre d'agent négocia- teur d'une unité de négociation de la Fonction publique, concluaient une convention collective prévoyant des augmentations de rémunération avec effet rétroactif: il s'agit de déterminer si des individus ayant travaillé au cours de la période rétroactive mais qui avaient donné leur démission ou avaient été renvoyés au moment de la signature de la convention ont droit de toucher des complé- ments de salaire sur la base des nouveaux taux.
Il est facile de se rendre compte des dimensions pratiques du problème général qui sous-tend la question à laquelle il faut répondre. D'une part, il s'agit d'une question qui se pose chaque fois que l'on se trouve en face d'une clause de durée avec effet rétroactif dans une convention collective et il appert que les clauses de ce genre sont très couran- tes de nos jours autant dans le secteur public que dans le secteur privé, parce qu'elles sont essentiel- les au bon fonctionnement de la négociation collec tive 3 . D'autre part, c'est une question qui présente un intérêt pratique pour un nombre considérable de personnes. Dans la présente instance, le syndi- cat agit uniquement pour le compte des personnes dont l'emploi a pris fin au cours de la période rétroactive en raison soit de leur démission volon- taire, soit de leur renvoi à la fin de la période d'essai. Mais sont également touchés, dans la même mesure et de la même façon, tous ceux qui ont cessé d'être employés pour n'importe quel autre motif, qu'il s'agisse de mise à la retraite, de décès, de mise en disponibilité, de renvoi pour incompétence, de renvoi pour incapacité, ou de congédiement.
3 Il pourrait être utile de citer, en passant, un extrait de la décision de la Commission des relations de travail de la Colom- bie-Britannique dans l'affaire Re Penticton and District Reti rement Service and Hospital Employees' Union, Local 180 (1977), 16 L.A.C. (2d) 97 la page 99] qui explique éloquem- ment les motifs pour lesquels ces clauses sont aujourd'hui très répandues dans les conventions collectives négociées:
[TRADUCTION] Le but de ces clauses de durée est de prévoir une date fixe pour la négociation et la renégociation des conventions collectives successives; elles visent aussi à assurer la continuité juridique des droits et des obligations de l'employeur, du syndicat et des employés, pendant toute la durée de la convention collective. Ce genre de disposition comporte un certain nombre de qualités apparentes. L'em- ployeur et les employés peuvent prévoir avec un certain degré
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Et pourtant, en dépit de toutes ses dimensions pratiques, il semble que la question n'ait jamais été tranchée d'une manière claire. Dans le secteur privé, les arbitres ont souvent été appelés à traiter de cette question mais leurs décisions sont encore discordantes. L'une des thèses, qui avait préséance jusqu'à récemment, veut qu'en l'absence d'indica- tions contraires prévues expressément dans la con vention, les employés qui ont mis fin à leur emploi avant la date de la signature, n'ont -droit à aucun des avantages du nouveau contrat. On prétend que cette solution est imposée par le principe du lien contractuel: la convention crée des droits qui ne sont acquis aux employés qu'au moment elle est conclue et, par conséquent, ces droits ne profitent normalement qu'aux seuls employés qui sont mem- bres de l'unité de négociation et qui sont représen- tés par le syndicat à ce moment-là; les anciens employés ne sont pas parties au contrat et seule une disposition très claire pourrait leur permettre de se prévaloir de l'une des clauses dudit contrat (voir par exemple Re Air Canada and Canadian Air Line Flight Attendants' Assoc. (1981), 1 L.A.C. (3d) 37 (Can.) et Re Ottawa Board of Education and Ontario Secondary School Tea chers' Federation, District 26 (1976), 13 L.A.C. (2d) 46 (Ont.)). L'autre thèse, qui semble s'attirer de plus en plus d'appuis à la suite de la décision rendue dans l'affaire Penticton (voir la note 1 plus haut), adopte la position inverse. Suivant cette thèse, les employés qui ont quitté leur emploi au
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de certitude la date pendront effet de nouvelles augmenta tions de rémunération, changements qui augmentent le revenu des employés et qui alourdissent les charges de per sonnel de l'employeur. Ces clauses permettent aussi de désa- morcer en partie l'état de crise au moment la convention est sur le point de venir à échéance—cette attitude qui se résume par l'expression «pas de contrat, pas de travail.. Il arrive souvent que les négociateurs essaient d'élaborer des solutions complexes à des questions difficiles—le changement technologique en est une—qui peuvent nécessiter de très longues discussions. Supposons que toutes les parties s'atten- dent à ce que la nouvelle échelle de rémunération négociée s'applique rétroactivement à la date d'échéance de l'ancien contrat. C'est généralement la meilleure façon d'éviter que l'employeur retarde le déroulement des négociations dans le but d'économiser de l'argent et que des employés militants, exaspérés par les délais, ne se livrent à des grèves sauvages. Enfin, cette continuité des conventions collectives successives fournit un support juridique dans la vie de tous les jours en permettant un processus de négociation collective durable entre les parties; et ces rapports établissent les modalités fondamentales qui régissent l'emploi à l'usine, tant que cel- les-ci ne sont pas modifiées par les parties.
cours des négociations auraient droit aux augmen tations de salaire rétroactives à moins d'indication expresse au contraire. Le raisonnement qui sert de fondement à cette dérogation au point de vue traditionnel s'articule généralement autour des propositions suivantes: le principe du lien contrac- tuel prévu par la common law ne peut s'appliquer sans réserve en matière de droit du travail; le droit fondamental du syndicat de négocier pour le compte des employés et l'effet de la convention collective à laquelle il donne son accord sont éta- blis par la loi et ne viennent pas de l'application de la common law; de même que le syndicat est de toute évidence habilité à négocier pour le compte des individus qui ne deviendront membres de l'unité de négociation qu'après la signature de la convention, la doctrine du lien contractuel ne doit pas être considérée comme un obstacle interdisant au syndicat de négocier de meilleures conditions de travail pour le compte d'individus qui ont quitté l'unité avant la date de la signature; il est à ce point compatible avec les attentes normales des employés qui partent et avec les exigences appa- rentes de la justice qu'il en soit ainsi, qu'il faut toujours présumer que les parties à une convention collective voulaient que tous ceux qui ont travaillé pendant la période rétroactive bénéficient des avantages salariaux rétroactifs sur lesquels elles se sont entendues (voir par exemple Re Penticton and District Retirement Service and Hospital Employees' Union, Local 180 (1977), 16 L.A.C. (2d) 97 (C.-B.); Re Ontario Federation of Labour and Office & Professional Employees Int'l Union, Local 343 (1977), 16 L.A.C. (2d) 265 (Ont.) et Re Neilson (William) Ltd. and Milk & Bread Drivers, Dairy Employees, Caterers & Allied Employees, Local 647 (1982), 6 L.A.C. (3d) 123 (Ont.)). Ainsi, encore aujourd'hui, la situation n'est pas claire dans le secteur privé.
Dans le secteur public fédéral, la situation est encore plus surprenante: la difficulté ne vient pas du fait que la jurisprudence n'est pas encore bien établie, elle vient du fait qu'il ne semble pas y avoir de jurisprudence du tout. Quand on consi- dère qu'il y a près de vingt ans que la négociation collective a été introduite dans la Fonction publi- que fédérale, on peut difficilement comprendre qu'il puisse en être ainsi. En 1964, fut adopté sous le régime de la Loi des subsides 5 de 1963, S.C. 1963, chap. 42, un règlement intitulé Règlement
sur la rémunération avec effet rétroactif [DORS/ 64-44] habilitant le Conseil du Trésor à [TRADUC- TION] «approuver un relèvement de rémunération avec effet rétroactif ... qui . .. s'applique .. . à une personne qui ... a cessé d'être un employé durant la période [de rétroactivité] à cause . .. de mise en disponibilité, ... de retraite, ou ... de décès». Ces dispositions réglementaires, qui figu- rent maintenant au chapitre 344 de la Codification des règlements du Canada de 1978, n'ont pas été abrogées et il semble qu'en conformité avec elles, le Conseil du Trésor s'est toujours senti libre d'ap- pliquer, et il a effectivement toujours appliqué, aux anciens employés qui sont décédés, ont pris leur retraite ou ont été mis en disponibilité au cours des périodes rétroactives, les augmentations de salaire avec effet rétroactif prévues par les conventions collectives auxquelles il était parti 4 . Cela explique indubitablement comment les conflits ont pu être évités dans la pratique. Sauf que cette Cour a rendu une décision portant que le Règlement sur la rémunération avec effet rétroactif ne s'applique pas aux conventions fondées sur l'article 54 de la Loi sur les R.T.F.P. Dans l'arrêt R. c. Thibault, [1983] 1 C.F. 935, la Cour, par l'intermédiaire du juge Pratte, déclarait ce qui suit (aux pages 938 et 939):
La question n'a été que brièvement discutée devant nous, mais elle aurait apparemment été discutée plus longuement devant l'arbitre comme en fait foi le texte du paragraphe 17 de la décision de la Commission:
D'après l'avocat, quelque 58 conventions collectives sont actuellement en vigueur dans la Fonction publique fédérale. De ce nombre, 36 présentent une formulation analogue à celle de la convention collective qui nous concerne. Les 22 autres conventions collectives prévoient en toutes lettres le versement d'une rémunération rétroactive à certaines person- nes qui ont cessé d'être employées pendant la période de rétroactivité. Cela peut se faire de deux manières. Dans le premier cas, les dispositions de la convention collective con- cernant la rémunération sont appliquées explicitement de façon rétroactive, en conformité avec le Règlement sur la rémunération avec effet rétroactif. Dans le second cas, les dispositions de la convention collective concernant la rémuné- ration rétroactive sont appliquées explicitement aux mêmes anciens employés qui y ont droit aux termes du règlement susmentionné, soit aux personnes qui ont cessé d'être des employées pendant la période de rétroactivité pour raison de mise en disponibilité, de départ à la retraite ou de décès. Par conséquent, de dire l'avocat, lorsque les parties veulent accor- der une rémunération rétroactive à d'anciens employés, elles peuvent le faire en l'indiquant en toutes lettres dans la convention collective.
Ce Règlement, à mon avis, ne s'applique qu'aux augmentations de salaire qui ont été approuvées suivant le Règlement. Il ne s'applique pas aux augmentations prévues dans une convention collective que le Conseil du Trésor a conclue suivant l'autorité que lui confère l'article 54 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. En d'autres mots, le Règlement précise l'effet de l'approbation par le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor d'une augmentation de salaire rétroactive; il ne régit en aucune façon l'interprétation ou l'effet d'une convention collective prévoyant de pareilles augmentations.
Mais ce problème ne nous concerne pas et tout ce que nous pouvons faire ici c'est de noter que la Commission n'a jamais été appelée à trancher la question dans le contexte du secteur public fédéral, avant que la présente affaire ne soit soumise à l'arbitrage.
La décision de la Commission, dont les passages principaux sont reproduits dans les motifs du juge Heald, comprend une étude complète et intéres- sante des prétentions respectives des parties ainsi que de longues citations empruntées aux décisions arbitrales antérieures, mais elle se fonde sur un raisonnement qui est nouveau et plutôt simple. L'«argument tiré du lien contractuel ne peut s'ap- pliquer strictement aux conventions collectives», déclare la Commission, et il n'existe aucun motif de nier aux parties la possibilité d'accorder des avantages aux anciens membres de l'unité, de sorte que la réponse à la question posée dépend unique- ment de la signification qu'il faut donner au mot «employés» dans les clauses de la convention qui prévoient la rémunération avec effet rétroactif. Puisque dans la Fonction publique fédérale, les conventions collectives sont négociées et conclues sous l'autorité de la Loi sur les R.T.F.P., raisonne alors la Commission, le terme «employés», sauf indication contraire, a le même sens dans la con vention collective que dans la Loi. La Commission scrute donc la Loi et s'arrêtant particulièrement à la définition de l'article 2 et au libellé du paragra- phe 40(1) et de l'article 58, elle estime que le terme «employé» dans ces articles vise uniquement les personnes qui font actuellement partie de la Fonction publique et «n'englobe pas un ancien employé, faute de précision à cet effet». La conclu sion suit: aucune précision de ce genre ne figurant dans la convention actuellement en vigueur, les avantages qui y sont prévus ne peuvent être accor dés aux anciens employés.
La requérante invoque trois arguments pour contester la décision de la Commission: a) les
décisions qu'a rendues cette Cour dans R. c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778 et Gloin c. Procureur général du Canada, [1978] 2 C.F. 307 contredi- sent l'affirmation selon laquelle le terme «employé» utilisé dans la Loi sur les R.T.F.P. n'englobe pas un ancien employé à moins d'indication expresse à cet effet; b) l'alinéa 49(1)a) de la Loi autorise formellement l'agent négociateur à négocier collec- tivement pour le compte de tous les employés de l'unité de négociation à l'époque l'avis de négo- cier est donné; c) l'agent négociateur est tenu de représenter équitablement tous les membres de l'unité de négociation pour le compte desquels il est autorisé à conclure une convention.collective et il manquerait à ce devoir si les anciens employés étaient exclus.
En toute déférence pour ceux qui pensent le contraire, je dois dire qu'aucun de ces arguments ne m'apparaît convaincant. Premièrement, je ne crois pas que les arrêts Lavoie et Gloin (précités) aient statué que le terme «employé» englobe sans réserve un ancien employé. Ces décisions portaient sur le statut d'individus qui avaient présenté des griefs, en vertu des dispositions de la Loi sur les R.T.F.P., contre le geste de leurs supérieurs qui avaient mis fin à leur emploi dans la Fonction publique. Inspiré par le même bon sens qui avait présidé à l'adoption de l'article 2 de la Loi aux termes duquel «aux fins de toute disposition de la présente loi visant les griefs, relativement aux mesures disciplinaires portant congédiement ou suspension, la mention d'un "employé" s'applique à un ancien employé», la Cour a conclu dans ces affaires que les mots d'ouverture du paragraphe 90(1) concernant le droit d'exposer des griefs - soit «Lorsqu'un employé s'estime lésé» - signifiait «toute personne qui s'estime lésée à titre d'em- ployé». Ces décisions pourraient peut-être servir de fondement au droit des individus d'agir pour leur propre compte (encore qu'il semblerait que les treize employés ici en cause ont d'abord déposé des griefs personnels qui ont été rejetés pour le motif qu'ils n'étaient pas des «personnes s'estimant lésées à titre d'employés»). Elles ne peuvent toutefois pas être considérées comme élargissant la portée du terme «employé» tel qu'il est utilisé dans les divers articles de la Loi sur les R.T.F.P. Un employé est nécessairement une personne qui est employée et je ne peux tout simplement pas comprendre comment on peut prétendre que ce mot peut englober une
personne qui n'est pas employée même si elle l'a déjà été. Deuxièmement, on ne saurait faire faire dire à l'alinéa 49(1)a) plus que ce qu'il dit, soit:
49. (1) Lorsque la Commission a accrédité une association d'employés comme agent négociateur d'une unité de négocia- tion et que la méthode de règlement d'un différend applicable à cette unité de négociation a été spécifiée comme le prévoit le paragraphe 36(1),
a) l'agent négociateur peut, pour le compte des employés de l'unité de négociation, par avis écrit, requérir l'employeur d'entamer des négociations collectives; ou
en vue de la conclusion, du renouvellement ou de la révision d'une convention collective.
Le fait qu'un agent négociateur soit habilité à engager des négociations avec l'employeur pour le compte des employés de l'unité de négociation ne permet pas de déterminer qui est lié par cette négociation ou qui peut profiter des avantages qui en découlent. Ce n'est pas parce que certaines personnes font partie de l'unité de négociation au début des négociations qu'elles continuent de faire partie de l'unité régie par la convention même après qu'on a mis fin à leur emploi et qu'on leur a donc retiré le droit d'être membres de cette unité. Troisièmement, j'aurais pensé que lorsqu'un syndi- cat négociateur manque à son devoir à l'égard de certains membres de l'unité de négociation en raison de la manière dont il a négocié la conven tion collective, ce manquement permet aux mem- bres lésés d'intenter des poursuites contre le syndi- cat, mais n'oblige pas un employeur à assumer une obligation qui n'a pas été prévue à l'accord final intervenu entre les parties.
Dans le but d'asseoir la décision de la Commis sion sur un fondement moins vulnérable et d'enle- ver toute pertinence aux principaux arguments avancés par la requérante, l'avocat de l'intimée fit valoir pour sa part que la question véritable n'en était pas une d'interprétation de la convention collective mais plutôt de détermination des pou- voirs que les parties à cette convention pouvaient exercer. Les articles 40 et 54 de la Loi sur les R.T.F.P. se lisent, en partie, comme suit:
40. (1) Lorsqu'une association d'employés est accréditée aux termes de la présente loi à titre d'agent négociateur d'une unité de négociation,
a) l'association d'employés a, en vertu de la présente loi, le droit exclusif
(i) de négocier collectivement pour le compte des employés de l'unité de négociation et de les lier par une convention collective jusqu'à l'annulation de son accréditation pour l'unité de négociation, et
54. Le conseil du Trésor peut, de la manière qui peut être prévue par les règles ou les procédures qu'il détermine confor- mément à l'article 3 de la Loi sur l'administration financière, conclure avec l'agent négociateur d'une unité de négociation, autre qu'une unité de négociation composée d'employés d'un employeur distinct, une convention collective applicable aux employés de cette unité de négociation.
Selon l'avocat, ces dispositions ne permettent pas de douter que l'agent négociateur n'a pas le droit de négocier collectivement pour le compte de per- sonnes qui ne sont pas membres de l'unité de négociation et que le Conseil du Trésor ne peut conclure de convention collective applicable à des personnes autres que des employées de l'unité de négociation pour laquelle l'agent négociateur est accrédité. L'approche qu'implique cet argument est, à mon sens, la seule qui convient, mais il me semble que l'avocat a, par la suite développé son argument d'une façon qui tient pour acquis ce qui est en question et conduit à un cul-de-sac puisqu'il ne permet pas de déterminer la date à laquelle les membres de l'unité de négociation qui sont touchés par les diverses dispositions de la convention doi- vent être identifiés.
Mes propres vues sur le sujet, que je vais main- tenant exposer, découlent de la premisse que la difficulté ne saurait se résoudre dans le secteur public de la même façon que dans le secteur privé. Dans le secteur privé, la négociation collective en ce qui concerne les rapports employeurs-employés est évidemment régie, pour l'essentiel, par le droit statutaire, mais les lois provinciales en matière de relations de travail ne couvrent pas tous les aspects et laissent place pour l'addition d'éléments qui impliqueront nécessairement l'application des règles de droit commun (voir à ce sujet les motifs du juge en chef Laskin dans l'arrêt McGavin Toastmaster Ltd. c. Ainscough, [ 1976] R.C.S. 718). Ainsi, rien n'empêche un syndicat négocia- teur d'essayer d'étendre à des personnes autres que les membres de l'unité de négociation, par exemple à d'anciens employés, un avantage négocié pour le compte des membres de cette unité comme rien n'empêche, en principe, un employeur, lorsqu'il négocie avec le syndicat, de contracter une obliga tion pour le bénéfice de personnes autres que les
membres de l'unité de négociation. Le statut des non-membres eu égard aux droits qu'ils peuvent réclamer aux termes du contrat soulèvera, bien sûr, un problème mais il est certain qu'entre l'em- ployeur et le syndicat le contrat sera exécutoire (voir Chitty on Contracts, 24c édition, Volume 1, General Principles, paragraphes 1104 et suivants). Il n'est donc pas surprenant que, dans le secteur privé, la question qui nous intéresse ait toujours été examinée à la lumière des notions de représenta- tion, de mandat, de lien contractuel et traitée comme faisant surtout intervenir les règles d'inter- prétation des conventions. Au contraire, dans le secteur public fédéral, les lois, telles que je les comprends, ne permettent tout simplement pas l'adjonction de tels éléments additionnels, le statut et le rôle des parties à la négociation collective, leur autorité respective et le caractère exécutoire de leur accord étant déterminés de façon exclusive et péremptoire par la loi. Si tel est le cas, et il me semble bien que ce l'est, il ne serait pas approprié, lorsqu'il s'agit d'une convention collective mettant en cause la Fonction publique fédérale, d'avoir recours aux notions de mandat, de représentation ou de lien contractuel de la common law et de s'en remettre à la seule intention des parties. La solu tion, si elle n'a pas été expressément prévue, ne peut être déduite que des principes adoptés par la législation et en fonction uniquement du régime établi par le Parlement.
Jusqu'en 1967, on s'en souviendra, la négocia- tion collective n'existait pas dans la Fonction publique fédérale. Les associations d'employés et le Conseil national mixte étaient invités à exprimer leurs points de vue et à faire des recommandations, mais il appartenait au gouvernement de détermi- ner les conditions d'emploi des fonctionnaires. En 1967, était adoptée la Loi sur les R.T.F.P. qui venait accorder aux employés du secteur public des droits de négociation et la Loi sur l'administration financière, (aujourd'hui codifiée dans les S.R.C. 1970, chap. F-10) était modifiée afin de confirmer le rôle du Conseil du Trésor à titre d'employeur pour la plupart des secteurs de la Fonction publi- que. Les caractéristiques du régime alors introduit par le Parlement se retrouvent dans les dispositions de ces Lois et si je comprends bien ces dispositions, spécialement celles des articles 2 [mod. par S.C. 1973-74, chap. 15, art. 1; S.C. 1974-75-76, chap. 67, art. 1], 3, 26, 40, 49, 54, 57, 58, 68 [mod. par
S.C. 1974-75-76, chap. 67, art. 17] et 70 de la Loi sur les R.T.F.P. et des articles 2, 8, 22 et 36 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-32], les éléments essentiels de ce régime sont les suivants.
Les employés de la Fonction publique dont Sa Majesté, représentée par le Conseil du Trésor, est l'employeur, sont réunis en «groupes» profession- nels à l'intérieur de «catégories» professionnelles circonscrites et définies par la Commission de la Fonction publique. Chaque groupe professionnel à l'intérieur des diverses catégories professionnelles constitue normalement une unité de négociation, et une association d'employés est accréditée par la Commission des relations de travail dans la Fonc- tion publique pour conclure une convention collec tive avec le Conseil du Trésor pour le compte de tous les membres de cette unité. Les matières qui peuvent faire l'objet de négociations sont claire- ment déterminées puisque, même s'il est d'abord déclaré de façon générale que la convention collec tive peut contenir des dispositions concernant «toutes les conditions d'emploi et d'autres ques tions connexes», sont par la suite exclus de manière expresse toutes les conditions et questions qui pourraient requérir l'adoption d'une loi (autre qu'une loi portant affectation de crédits) de même que les conditions et questions réglementaires par d'autres lois spéciales. Parmi celles-ci, il y a bien sûr la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique (S.R.C. 1970, chap. P-32) qui confère à la Com mission de la Fonction publique une autonomie exclusive en matière de recrutement, de sélection, de classification et de promotion des employés du secteur public dans le but de mieux garantir le respect du principe du mérite. De toute évidence, la négociation collective a pour but essentiel, et la convention collective pour rôle premier, d'établir des échelles de salaire pour chaque poste, ou pour chaque groupe de postes de même nature, occupé par les membres de l'unité. Les échelles de salaire qui sont prévues dans la convention collective rela- tivement aux divers postes qu'occupent les mem- bres de l'unité lient toutes les personnes concer- nées. Tant qu'il occupe un poste dans l'unité, un employé a droit, pour ses services, à une rémunéra- tion établie selon le taux qui correspond au rang qu'il occupe dans l'échelle de salaire prévue dans la convention pour ce poste, et ce droit est absolu, personne n'ayant le pouvoir de la modifier.
Si l'aperçu général que je viens de donner des principaux éléments de la législation qu'a adoptée le Parlement en 1967 est exact, j'estime que la solution à la question qu'il nous faut trancher apparaît immédiatement. Il est de toute évidence impensable qu'a un moment quelconque, il puisse y avoir plus d'une échelle de salaire pour un même poste dans une unité de négociation, si l'on veut que le système demeure fonctionnel. Ainsi, bien qu'il ne soit pas interdit aux parties à une conven tion collective fondée sur l'article 54 de la Loi sur les R.T.F.P. de donner un effet rétroactif aux nouveaux taux de salaire prévus pour les postes occupés par les employés d'une certaine unité de négociation, ces nouveaux taux remplaceront les anciens et deviendront immédiatement, à toutes fins et pour tous, les seuls taux applicables pendant la durée de la période rétroactive. Ceux qui ont occupé les postes pendant la période couverte peu- vent alors tous prétendre que leurs services n'ont pas été rémunérés aux taux applicables; et leur prétention est justifiée, qu'ils soient ou quoi qu'ils fassent aujourd'hui.
Le paragraphe 57(1) et l'article 58 de la Loi sur les R.T.F.P. disposent comme suit:
57. (1) Une convention collective entre en vigueur à l'égard d'une unité de négociation à compter
a) de la date d'entrée en vigueur de la convention, si celle-ci en spécifie une; ou
b) à compter du premier jour du mois qui suit immédiate- ment celui au cours duquel la convention a été signée, si aucune date d'entrée en vigueur n'est spécifiée.
58. Sous réserve et aux fins de la présente loi, une convention collective lie l'employeur et l'agent négociateur qui est partie à celle-ci de même que ses éléments constitutifs, ainsi que les employés de l'unité de négociation pour laquelle l'agent négo- ciateur a été accrédité, à compter du jour elle entre en vigueur conformément au paragraphe 57(I).
D'après l'avocat de l'intimée, il ressortirait clai- rement de ces dispositions que la convention collec tive ne devait avoir d'effet qu'à l'égard des employés membres de l'unité de négociation au moment la convention est signée. Cette inter- prétation découle de toute évidence d'une certaine application de la notion traditionnelle de représen- tation et aboutit à la mise en oeuvre d'une double échelle de salaires pour des postes identiques pen dant une certaine période. Comme je viens de le dire, on ne doit pas avoir recours ici à la notion de
représentation développée par la common law et la mise en oeuvre d'une double échelle de salaires pour des postes identiques est en principe impossi ble. L'interprétation de l'avocat me paraît inaccep- table. À mon avis, l'erreur consiste à penser que l'expression «convention collective» employée au paragraphe 57(1) vise la convention considérée dans son ensemble. Selon moi, cette expression s'applique à toute partie autonome de la conven tion. En effet, la «date d'entrée en vigueur», pour qu'elle soit différente de la date de la signature, comme le prévoit l'esprit de la disposition, ne peut être que la date de mise en oeuvre du contenu de la convention collective, et à cet égard une conven tion collective comprend plusieurs parties, chacune constituant une convention particulière avec son contenu propre dont la mise en oeuvre peut être fixée à une date déterminée.
Bref, j'estime que les anciens employés avaient définitivement le droit de toucher un traitement supplémentaire sur la base des nouveaux taux, non pas parce qu'ils étaient représentés par le syndicat négociateur au moment de la signature de la con vention ou parce que les parties à la convention désiraient qu'il en soit ainsi, mais uniquement parce qu'ils occupaient des postes pour lesquels les seuls taux de salaire applicables étaient les taux prévus au nouveau contrat.
La décision de la Commission est donc erronée et doit être annulée. La demande fondée sur l'arti- cle 28 doit être accueillie et la question renvoyée à la Commission pour qu'elle la réexamine en tenant pour acquis que toute personne qui a exécuté des tâches à titre d'employé au cours de la période rétroactive a le droit d'être rémunérée sur la base des nouveaux taux établis rétroactivement.
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