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T-2326-83
Twentieth Century Fox Film Corporation (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Addy —Van- couver, 6 février; Ottawa, ler octobre 1985.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Non-résidents Appel de nouvelles cotisations La demanderesse, une société non résidante, produit aux É.-U.A. des films qui étaient distribués au Canada par une filiale La filiale retenait et versait l'impôt prévu à la Partie XIII La demanderesse a établi une succursale canadienne pour élimi- ner la retenue d'impôt Il ressort de la preuve que l'orga- nisme canadien n'est pas simplement une présence symbolique, mais il exploite une véritable entreprise active L'art. 802 du Règlement, qui exempte les sommes comprises en vertu de la Partie I de la retenue d'impôt, s'applique à l'exclusion de l'art. 805, qui exempte de la retenue d'impôt les montants qui peuvent raisonnablement être attribués à l'entreprise exploitée au Canada La location de films constitue une partie essentielle de l'entreprise de la demanderesse, et les revenus peuvent raisonnablement être attribués à l'entreprise exploitée au Canada Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 2(3)b), 115(1)a)(it), 212(5) (mod. par S.C. 1973-74, chap. 14, art. 68), 214(13), 215(1) Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., chap. 945, art. 802 (mod. par DORS/79-424, art. 1), 805(1) Loi de 1943 sur la Conven tion relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, S.C. 1943-44, chap. 21 (mod. par S.C. 1950, chap. 27), Art. IL III.
Appel est interjeté des nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 1978, 1979 et 1980. La demanderesse, une société américaine, produit des films qui, jusqu'au 31 décembre 1972, étaient distribués au Canada par une filiale. La filiale versait des redevances pour la location des films de la demande- resse au Canada, déduisant la retenue d'impôt de la Partie XIII de ces paiements. La demanderesse a par la suite établi une succursale au Canada pour éliminer l'impôt de la Partie XIII. Les contrats conclus pour la projection des films de la deman- deresse au Canada ont toujours été négociés par un personnel canadien, bien que le siège social américain se soit réservé le droit de signer et d'approuver ces contrats. C'est aux États- Unis que les annonces, les budgets et les programmes ont été faits. Pour calculer les bénéfices nets de la succursale, on a utilisé la même formule que les années antérieures. Antérieure- ment à 1973, la filiale a déduit de ses recettes brutes de location le coût des marchandises vendues, qui comprenait le montant qu'on lui faisait payer pour son utilisation au Canada des films de la demanderesse. Par la suite, la demanderesse a déduit «le coût des marchandises vendues», qui comprenait le coût de la publicité directe, les coûts amortis des copies et les frais relatifs aux droits sur le négatif, des redevances pour la location de films reçues de la succursale (inscrites comme «marchandise vendue»). Le coût pour les frais relatifs aux droits sur le négatif a été calculé en tenant compte d'un pourcentage des recettes brutes de location, et il ne s'agissait pas d'une allocation directe
du coût total de production du négatif. Il a été décidé qu'un bénéfice net de 1,7 % du revenu brut serait le montant appro- prié du bénéfice net à attribuer aux opérations de la succursale canadienne, parce que ce pourcentage correspondait à peu près au bénéfice net moyen tiré par la filiale de la distribution des films de la demanderesse au Canada. Pour arriver à un bénéfice net égal au taux prédéterminé de 1,7 %, la demanderesse a, à la fin de chaque année, ajusté les frais relatifs aux droits sur le négatif. Revenu Canada a déterminé l'impôt à payer, en vertu de la Partie XIII, sur les sommes exigées de la succursale à titre de «coût des marchandises vendues». La demanderesse soutient qu'on ne devrait pas l'assujettir à l'impôt de la Partie XIII.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
Une personne qui exploite une entreprise au Canada est tenue de payer de l'impôt sur son revenu imposable. Le sous- alinéa 115(1)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que le revenu imposable gagné au Canada par un non-résident est la fraction de son revenu s'il n'avait pas de revenu autre que les revenus tirés d'entreprises exploitées par lui au Canada. Toutefois, le revenu tiré par la demanderesse des redevances pour la location de films ferait qu'elle est assujettie à une retenue d'impôt sous le régime de la Partie XIII. En vertu du paragraphe 212(5), toute personne non résidante doit payer un impôt au taux fixe sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui verse au titre d'un droit d'utilisation au Canada sur un film. Ainsi donc, le même revenu serait assujetti à l'impôt de la Partie I sur les bénéfices nets, et à l'impôt de la Partie XIII sur le montant brut du revenu. Pour alléger cette double imposition, l'article 802 du Règlement prévoit qu'aucun impôt de la Partie XIII ne doit être payé sur les sommes comprises en vertu de la Partie I. Le paragraphe 805(1) exempte de la retenue d'impôt les sommes qui peuvent raison- nablement être attribuées à l'entreprise exploitée au Canada.
La demanderesse assume les coûts de production dans le dessein explicite de louer des copies de films. Ses activités concernant la distribution de films, la publicité et les relations publiques équivalent aux ventes et à la promotion des ventes d'un fabricant qui produit des marchandises destinées à la vente. La distribution génère des revenus et des bénéfices. Les activités productives de revenu de la succursale canadienne étaient essentiellement identiques à celles des divisions améri- caines. L'organisme canadien n'était nullement une simple présence symbolique visant en fait à éluder l'impôt de la Partie XIII, mais il jouait un rôle commercial actif et authentique. Bien que la production des films n'est ni faite ni contrôlée par son organisme canadien, et que la plupart des négatifs concer- nant la publicité d'envergure soient produits aux États-Unis, les revenus découlant de la publicité, des relations publiques, du tirage des copies des films, de la distribution et des négociations de contrats engagées par la succursale canadienne doivent être raisonnablement attribuables à l'entreprise exploitée par la demanderesse au Canada.
Le succès commercial d'un film dépend souvent de l'intérêt qu'il suscite chez le public, plutôt que du talent pour la vente du personnel s'occupant de négocier les contrats de distribution et de distribuer les copies. De plus, puisqu'aucun des coûts de production n'est engagé au Canada, et que, par conséquent, aucun des bénéfices directement attribuables à la qualité de la production ne prend naissance ici, il faut s'assurer que le
montant final indiquant les bénéfices nets réalisés au Canada comporte une juste part des frais relatifs aux droits sur le négatif engagés aux Etats-Unis au profit de l'organisme tout entier. On peut déduire une juste part de ces frais, outre les frais d'exploitation, des revenus gagnés au Canada pour arriver au véritable bénéfice net provenant des opérations commercia- les canadiennes. Cela ne signifie pas que les revenus eux-mêmes ne doivent pas être considérés comme étant raisonnablement attribuables à une entreprise active exploitée par la demande- resse au Canada, ni qu'une proportion des revenus doit être exclue.
La principale difficulté découle du fait que, du point de vue comptable, la façon de calculer les bénéfices nets ne correspond pas aux pratiques comptables habituelles. Le calcul des frais relatifs aux droits sur le négatif consiste à jongler avec les chiffres pour arriver à un résultat déterminé à l'avance. Toute- fois, l'application d'un taux fixé à l'avance de 1,7 % aux redevances brutes canadiennes constitue un calcul juste et raisonnablement exact des bénéfices nets.
Ce sont plutôt les activités productives de revenu de la demanderesse au Canada qui sont en litige et non ses dépenses. La défenderesse a abordé le problème comme si le siège social américain faisait payer une commission ou un loyer à sa succursale canadienne sur le montant des ventes canadiennes. Les rapports entre la succursale canadienne et la demanderesse elle-même, ne sauraient, en raison de leur nature véritable, donner lieu à une commission ni à un loyer: une entité juridique ne saurait louer à elle-mime ni contracter avec elle-même. De toute évidence, c'est la demanderesse qui, sur le plan juridique, exploite une entreprise au Canada et non une entité distincte, c'est-à-dire la succursale canadienne. Le fait que des mandatai- res indépendants se soient vus attribuer et aient effectué une grande partie du travail au Canada n'influe pas sur la situation. La succursale canadienne exerçait un contrôle direct sur le travail et la production des mandataires, et le travail lui-même constitue des activités et opérations commerciales réelles de la demanderesse.
La défenderesse s'est appuyée sur l'affaire United Geophysi cal Co. of Canada v. Minister of National Revenue, 119611 R.C.E. 283. Cette affaire se distingue de l'espèce parce qu'il y avait deux entités juridiques distinctes, et que la partie de l'entreprise de la société mère qui nous intéresse dans cette affaire était une «simple activité secondaire». De plus, depuis l'affaire United Geophysical, des modifications ont été appor- tées à la Loi. Les autres décisions citées par la défenderesse portaient non pas sur le revenu mais sur les bénéfices nets et sur la répartition entre deux juridictions non seulement du revenu mais surtout des dépenses. Enfin, le pouvoir d'imposer se fonde non pas sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les Etats-Unis, mais sur la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement. La convention vise à éviter une double imposition et non à prévoir des dispositions additionnelles en matière d'impôt. Ainsi donc, l'expression «établissement stable» figurant dans la convention n'a d'importance que si on considère la convention elle-même, et ne devrait pas servir à interpréter la Loi ou son Règlement.
L'article 802 du Règlement s'applique à l'exclusion de l'arti- cle 805, mais, en tout cas, la demanderesse a établi que la location de films est une partie essentielle de son entreprise, et que les revenus tirés de la location de films doivent nécessaire-
ment être considérés comme étant raisonnablement attribuables à l'entreprise exploitée au Canada.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
United Geophysical Co. of Canada v. Minister of Na tional Revenue, [1961] R.C.É. 283.
DÉCISIONS CITÉES:
Quemont Mining Corp. v. Minister of National Revenue, [1967] 2 R.C.É. 169; (1966), 66 DTC 5376; Edingburgh Life Assurance Company v. Lord Advocate, [1910] A.C. 143 (H.L.); International Harvester Company of Canada, Ld. v. Provincial Tax Commission, [1949] A.C. 36 (P.C.); Commissioner of Taxation (N.S.W.) v. Hills - don Watts Ltd. (1936-37), 57 C.L.R. 36 (Aust. H.C.); Commissioners of Taxation v. Kirk, [1900] A.C. 588 (P.C.); Australian Machinery & Investment Co. Ltd. v. Deputy Federal Commissioner of Taxation (Source of Income) (1946), 8 A.T.D. 81 (Aust. H.C.); Mount Morgan Gold Mining Co. Ltd. v. Commissioner of Income Tax (Queensland) (1922-23), 33 C.L.R. 76 (Aust. H.C.); La succession Gladden, J.N. c. La Reine (1985), 85 DTC 5188 (C.F. 1" inst.).
AVOCATS:
P. N. Thorsteinsson, c.r. et L. A. Green pour la demanderesse.
J. R. Power, c.r. et Jane Meagher pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe & Davidson, Vancouver, pour la demanderesse. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Voici la version française des motifs du juge- ment rendus par
LE JUGE ADDY: La demanderesse interjette appel de la nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu établie par la défenderesse pour les années d'imposition 1978, 1979 et 1980.
En l'espèce, les faits ne sont guère contestés. La décision finale dépendra surtout de l'interprétation des dispositions législatives applicables et, dans une certaine mesure, de la façon appropriée d'aborder le problème du point de vue comptable. La plupart des faits se trouvent dans un exposé conjoint des faits très détaillé déposé à l'instruc-
tion. Voici les paragraphes les plus pertinents de cet exposé conjoint:
[TRADUCTION] 1. La demanderesse est une société du Dela- ware résidant à Los Angeles (Californie).
2. La demanderesse produit et distribue des films, des bandes magnétoscopiques et des programmes de télévision, et s'occupe d'émission de télévision, de développement de films, de publica tion de disques et de musique et d'autres domaines connexes.
3. Antérieurement au 31 décembre 1972, toutes les phases de la distribution au Canada du produit destiné au cinéma et à la télévision de la demanderesse ont été assurées par sa filiale, Twentieth Century Fox Corporation Limited («Fox Canada»), en vertu d'un contrat de licence entre Fox Canada et Twentieth Century Fox Inter -America Inc. («Fox»), une filiale de la demanderesse résidant aux États-Unis. Entre le 28 avril 1972 et le 31 décembre 1972, Fox Canada a, en vertu d'un mandat daté du 28 avril 1972, distribué les films de la demanderesse en partie par l'entremise de ses propres employés et en partie par l'intermédiaire de son mandataire indépendant, Bellevue Film Distributors Limited («Bellevue»).
4. En vertu du contrat de licence conclu avc Fox, Fox Canada lui a versé des redevances pour la location des films de la demanderesse au Canada. En application du mandat passé avec Fox Canada, c'est entre le 28 avril 1972 et le 31 décembre 1972 que Bellevue, mandataire de Fox Canada, a perçu ces redevan- ces à l'exception de celles découlant de la télévision.
5. Vers le 20 novembre 1972, la demanderesse a décidé d'éta- blir une succursale au Canada pour y distribuer son produit destiné au cinéma et à la télévision, le 31 décembre 1972 étant la date du commencement des opérations de la succursale.
6. Vers le 2 janvier 1973, tout l'actif de Fox Canada, à l'exception du bien-fonds sis à Calgary (Alberta), a été trans- féré à la demanderesse, étant entendu que celle-ci assumerait toutes les obligations de Fox Canada.
7. En vertu de l'entente datée du 2 janvier 1973, le contrat de licence liant Fox et Fox Canada a pris fin à compter du 30 décembre 1972, et, à toutes les époques ultérieures en cause, la demanderesse a distribué au Canada son produit destiné au cinéma et à la télévision par l'entremise des bureaux succursa- les sis à Toronto et à Montréal et de sa mandataire indépen- dante Bellevue.
8. En vertu de l'entente datée du 2 janvier 1973, la demande- resse a révoqué le contrat de licence liant Fox Canada et Bellevue, et elle a conclu un accord directement avec celle-ci, qui a adopté les conditions de l'accord du 28 avril 1972 entre Fox Canada et Bellevue. En application de l'entente du 2 janvier 1973, Bellevue avait, à l'égard de la demanderesse, les mêmes obligations que celles auxquelles elle était tenue envers Fox Canada.
9. Après le 30 décembre 1972, les opérations de la succursale canadienne de la demanderesse ont été effectuées exactement comme Fox Canada l'avait fait au Canada lorsqu'elle s'occu- pait d'y distribuer le produit de la demanderesse.
10. Certains employés de Fox Canada ont été engagés par la demanderesse et sont restés à Toronto pour exploiter la succursale.
11. Les bureaux des employés s'occupant de cinémas pour la succursale torontoise, notamment ceux qui avaient auparavant
travaillé pour Fox Canada, étaient, à toutes les époques en cause après le 30 décembre 1972, situés aux bureaux de Bellevue à Toronto.
12. Tant pendant les années Fox Canada distribuait le produit de la demanderesse au Canada que pendant les années la demanderesse exerçait ses activités par l'entremise de sa succursale canadienne, c'est le personnel travaillant dans l'ins- tallation au Canada (de la filiale ou de la succursale) qui a négocié les contrats avec des exploitants de salles canadiens pour la projection des films de la demanderesse au Canada, mais c'est le personnel de la demanderesse travaillant à Los Angeles qui les a signés.
13. Le personnel se trouvant au Canada n'était pas autorisé à signer les documents qui pouvaient lier la demanderesse. Les annonces, les budgets et les programmes ont également été faits à Los Angeles à partir des données fournies par les employés canadiens.
14. Par lettre en date du 20 juin 1980, la demanderesse a révoqué le mandat accordé à Bellevue à l'exception de la distribution qui n'était pas destinée au cinéma.
15. Par entente datée du 1°' octobre 1980 entre la demanderesse et Astral Films Limited (.Astralo), celle-ci a accepté de distri- buer les films aux salles de cinémas moyennant rémunération. Après cette date, la distribution du produit de la demanderesse destiné au cinéma a été faite par l'entremise de la succursale et de sa mandataire Astral, et la distribution de son produit qui n'était pas destiné au cinéma l'a été par l'intermédiaire de la succursale et de sa mandataire Bellevue. Ce sont toujours les employés de la succursale de la demanderesse qui s'occupaient des films destinés à la télévision.
16. Antérieurement au 31 décembre 1972, Fox Canada a payé l'impôt sur le revenu prévu à la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu, au taux d'environ 50 %, sur son revenu gagné au Canada et elle a déduit l'impôt de 10 % prévu à la Partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu des redevances qu'elle a versées à Fox pour l'utilisation des films de la demanderesse au Canada. Au moment Fox Canada a cessé de distribuer le produit de la demanderesse au Canada, la retenue d'impôt s'élevait en moyenne à 400 000 $ par an.
17. La décision de la demanderesse d'établir une succursale au Canada pour la distribution dans ce pays de son produit destiné au cinéma et à la télévision visait à éliminer la retenue d'impôt de la Partie XIII et à verser uniquement l'impôt prévu à la Partie I sur le retenu tiré de son entreprise au Canada.
18. Dans la présente action, la demanderesse prétend qu'elle n'est tenue à aucune retenue d'impôt prévue à la Partie XIII sur les redevances qu'elle a reçues d'exploitants de salle de spectacle canadiens. Elle soutient qu'elle n'est assujettie qu'à l'impôt de la Partie I sur le revenu net de sa succursale tiré d'une entreprise au Canada.
19. En calculant les bénéfices nets tirés de l'exploitation de sa succursale au Canada, la demanderesse a préparé des états financiers en utilisant le même format que dans les années antérieures au cours desquelles sa filiale Fox Canada s'occupait de ses opérations au Canada.
20. Antérieurement à 1973, la filiale de la demanderesse (Fox Canada) a, dans le calcul de ses bénéfices gagnés au Canada, déduit de ses recettes brutes de location une somme décrite comme son coût des marchandises vendues qui comprenait le montant que Fox lui faisait payer pour son utilisation au Canada des films de la demanderesse.
21. Après que la demanderesse eut commencé à distribuer son produit par l'entremise de sa succursale canadienne, on a décidé de tenir pendant l'année, dans les livres de la demanderesse et de la succursale, un compte courant des sommes dues par la succursale à son siège social. En conséquence, un compte entre sociétés a été ouvert pendant les années la succursale a exercé ses activités au Canada; il servait de compte de contrôle par lequel passaient tous les versements effectués par la succur- sale à la demanderesse. Ce compte a été indiqué dans le bilan de la succursale comme une somme «due à Twentieth Century Fox Film Corporation» sous la rubrique «Passif».
22. Dans les états financiers de la succursale, la demanderesse a inscrit les redevances reçues par la succursale pour la location des films comme [TRADUCTION] «marchandise vendue pendant l'année (Location de films)». Pour obtenir les bénéfices com- merciaux bruts de la succursale pour l'année, la demanderesse a défalqué une somme décrite comme le «coût des marchandises vendues» de la succursale dans l'année, somme qui reflétait en fait les coûts alloués à la succursale par la demanderesse pour le produit distribué par la succursale.
23. Les montants représentant le coût des marchandises ven- dues comprenaient, pour chacune des années en question, le coût de la publicité directe, le coût du tirage susceptible d'amortissement et les frais relatifs aux droits sur le négatif ou la part du producteur.
24. Les frais relatifs aux droits sur le négatif représentaient une somme réclamée à la succursale pour recouvrer une partie du coût engagée par la demanderesse pour produire la copie maîtresse. Chaque mois, la demanderesse allouait un coût à la succursale pour les frais relatifs aux droits sur le négatif. Ce coût a été calculé en tenant compte d'un pourcentage des recettes brutes de location, et il ne s'agissait pas d'une alloca tion directe du coût de production du négatif.
25. Le coût du négatif comprenait les frais de tournage du film, le salaire des acteurs, des actrices et des cameramen et le coût du scénario.
26. Pendant les années la demanderesse a distribué ses films au Canada par l'entremise de Fox Canada ou de sa succursale, c'est elle qui a vraiment tourné les films cinématographiques et développé les négatifs originaux du tournage, à partir desquels Fox Canada ou la succursale canadienne a commandé des épreuves positives tirées pour fins de distribution au Canada.
27. Pendant les années la demanderesse s'est occupée de distribution de films au Canada par l'entremise de Fox Canada et de sa succursale canadienne, ni Fox Canada ni la succursale canadienne n'a produit de films au Canada pour les salles de cinéma ou pour la télévision. La demanderesse a produit occa- sionnellement des films au Canada pendant ces années-là, mais ses équipes de production au Canada n'avaient aucun rapport réel avec Fox Canada ni avec la succursale canadienne de la demanderesse.
28. Des épreuves positives ont été tirées des négatifs ou des copies des négatifs de films produits par la demanderesse pour être distribuées aux salles de cinéma.
29. Le coût des copies a été assumé par Fox Canada au cours des années elle a fait des affaires au Canada et par la succursale de la demanderesse au cours des années elle y . a exploité son entreprise. Ce coût a alors été amorti tant par Fox Canada que par la succursale. Au cours des années la
succursale a exercé ses activités au Canada, les coûts du tirage amortis figuraient chaque année dans les états financiers de la succursale comme une partie du montant représentant le coût des marchandises vendues.
30. Il a été décidé qu'un bénéfice net de 1,7 % du revenu brut serait le montant approprié du bénéfice net à attribuer aux opérations de la succursale canadienne de la demanderesse parce que ce pourcentage correspondait à peu près au bénéfice net moyen gagné par Fox Canada pendant les années elle a distribué les films de la demanderesse au Canada.
31. La succursale a donc établi son bénéfice net sur lequel des impôts canadiens ont été payés au cours des années d'imposi- tion 1978, 1979 et 1980 en appliquant le taux fixé à l'avance de 1,7 % aux redevances brutes de la demanderesse pour la loca tion de films au Canada.
32. Pour arriver à un tel bénéfice net pour les années d'imposi- tion 1978, 1979 et 1980, qui serait égal au taux prédéterminé de 1,7 % au cours de chacune de ces années, la demanderesse a, à la fin de chaque année, ajusté les frais relatifs aux droits sur le négatif («part du producteur») qui avaient été exigés de la succursale.
49. Après 1972, la succursale de la demanderesse a déclaré, à l'égard de ses opérations au Canada, un bénéfice net d'environ 1,7 % du montant des redevances brutes de la demanderesse pour la location de films au Canada qu'elle a touché, sur lequel elle a payé l'impôt prévu à la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le 18 octobre 1982, Revenu Canada a déterminé l'impôt à payer, en vertu de la Partie XIII, sur les sommes exigées par la demanderesse de sa succursale et décrites dans les annexes des déclarations d'impôt sur le revenu de cette dernière comme faisant partie du coût des marchandises ven- dues. Ce sont ces cotisations visant la période de 1978 à 1980 qui font l'objet du litige dans la présente action.
50. Le 18 octobre 1982, le ministre du Revenu national a également déterminé l'impôt à payer pour les années d'imposi- tion 1973 à 1977. Il est maintenant admis que le droit d'établir ces cotisations était prescrit et celles-ci ne font par conséquent pas l'objet de la présente action.
57. Il est maintenant admis que, quoi qu'il en soit, tous les montants tirés des bandes magnétoscopiques sont exempts de l'impôt de la Partie XIII en vertu des dispositions de l'article XIIIC de l'Annexe de la Loi de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, et ses modifications, et que ces montants mentionnés aux paragraphes 54 à 56 n'auraient pas être frappés d'impôt.
D'autres faits pertinents, qui reposent sur des admissions formulées dans les plaidoiries écrites ou à l'audience ou devant être déduites de la preuve produite à l'audience, sont exposés en détail ci-dessous:
1. À tout moment pertinent, la demanderesse, une corporation non résidante, exploitait activement une entreprise au Canada.
2. Les parties s'entendent pour dire que le chiffre de 1,7 % du revenu brut pour chacune des années en question est raisonnable. Ce pourcentage de 1,7 % devait représenter non seulement le montant minimum du revenu net qui serait considéré comme ayant été gagné, mais aussi le montant maximum.
3. La succursale canadienne de la société deman- deresse exploitait essentiellement la même entre- prise que celle des quatre divisions de la demande- resse situées aux Etats-Unis, mais celles-ci ne tenaient pas de comptabilité distincte parce qu'el- les n'étaient pas requises de le faire par la loi de l'impôt sur le revenu aux États-Unis. En tenant une comptabilité distincte, la succursale cana- dienne visait uniquement à déterminer le montant payable aux fins de l'impôt sur le revenu au Canada.
4. L'exactitude des chiffres figurant dans les comptes n'est pas contestée. Seules leur applica tion et leur utilisation sont en litige.
5. Le directeur de la succursale canadienne a toujours été en liaison quotidienne avec le siège social de Los Angeles pour ce qui est de la distri bution et de la commercialisation des films. C'est la succursale qui a négocié les contrats de distribu tion au Canada, mais ceux-ci ont été signés au siège social ou au Canada avec l'approbation du siège social.
6. Bellevue s'occupait des copies 35 millimètres des films, les distribuait aux salles de cinéma et les récupérait. Elle agissait également en tant que mandataire pour percevoir l'argent dû. Elle payait les frais d'impression pour les affiches publicitaires et, après avoir défalqué sa part du coût, ses com missions et une retenue d'impôt canadien de 15 %, elle remettait le solde à la succursale canadienne qui déposait l'argent dans ses comptes canadiens et, après avoir mis de côté une certaine somme pour ses dépenses d'exploitation, elle transférait régulièrement le solde au siège social.
7. L'impôt sur le revenu prévu à la Partie XIII a été établi comme suit:
Montant brut Montant
de la location assujetti Impôt
perçu par la à l'impôt prévu
demanderesse prévu à la à la
Années au Canada Partie XIII Partie XIII
1978 14 770 819 $ 12 723 853 $ 1 908 578 $
1979 1 I 81 1 100 10 352 301 I 552 845
1980 26 071 881 23 069 430 3 460 415
TOTAL 52 653 800 $ 46 145 584 $ 6 921 838 $
8. En plus de reconnaître qu'aucun intérêt sur l'impôt de la Partie XIII ne devrait être réclamé, et que l'impôt de la Partie XIII sur la location et les redevances relatives aux bandes magnétoscopi- ques devrait être supprimé, l'avocat de la défende- resse a, au cours du débat final, reconnu que les frais de tirage et de publicité ci-après sont des sommes qui peuvent raisonnablement être attri- buées à l'entreprise canadienne ainsi qu'il est dit à la fin de l'article 805 du Règlement de l'impôt sur le revenu [C.R.C., chap. 945]. Les montants ainsi reconnus sont les suivants:
TIRAGE PUBLICITE TOTAL
1978 275 186 $ 1 779 751 $ 2 054 937 $
1979 I 008 368 1 708 097 2 716 465
1980 1 136 652 3 207 602 4 344 254
TOTAL 2 420 206 $ 6 695 450 $ 9 1 15 656 $
L'impôt prévu à la Partie XIII étant reconnu
(9115656$x15%) 1 367 348 $
Par consentement, le tableau ci-dessus a été déposé comme pièce 60.
En tant que personne non résidante exploitant une entreprise au Canada, la demanderesse est assujettie à l'impôt de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)] en vertu de l'alinéa 2(3)b) et du sous-alinéa 115(1)a)(ii) que voici:
2....
(3) Lorsqu'une personne non imposable en vertu du paragra- phe (1) pour une année d'imposition
b) a exploité une entreprise au Canada, ...
à une date quelconque de l'année ou d'une année antérieure, un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu ci-après, sur son revenu imposable gagné au Canada pour l'année, déterminé conformément à la section D.
115. (1) Aux fins de la présente loi, le revenu imposable, pour une année d'imposition, gagné au Canada, par une per- sonne non résidante, est la fraction de son revenu pour l'année, qui serait déterminée en vertu de l'article 3
a) si elle n'avait pas de revenu autre
(ii) que les revenus tirés d'une entreprise exploitée par elle au Canada,
Toutefois, la nature du revenu de la demande- resse, c'est-à-dire les redevances pour la location de films et de bandes magnétoscopiques, ferait qu'elle est assujettie à une retenue d'impôt cana- dien sous le régime de la Partie XIII de la Loi. La disposition fiscale applicable serait le paragraphe 212(5) [mod. par S.C. 1973-74, chap. 14, art. 68]:
212.. .
(5) Toute personne non résidante doit payer un impôt sur le revenu de 25% sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui verse ou porte à son crédit, ou est réputée, en vertu de la Partie I, lui verser ou porter à son crédit au titre ou en paiement intégral ou partiel d'un droit d'utilisation ou autre sur
a) un film cinématographique, ou
b) un film ou une bande magnétoscopique pour la télévision, qui a été utilisé ou reproduit au Canada, ou doit l'être.
(Il convient de souligner que, pour les contribua- bles résidant aux États-Unis, le taux d'imposition a été fixé à 15 % au lieu de 25 % en vertu d'une convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis.)
Si on se limite à ces dispositions, il semble que le même revenu puisse être assujetti à deux types distincts d'impôt, à savoir l'impôt normal sur le revenu des corporations fondé sur les bénéfices nets, sous le régime de la Partie I, et un impôt fixe de 15 % sur le montant brut du revenu en vertu de la Partie XIII, les contribuables étant tenus, en vertu du paragraphe 215(1), de déduire à la source ce dernier montant de tous les versements effec- tués à une personne non résidante. Pour alléger cette double imposition, le législateur a inclus dans la Partie XIII le paragraphe 214(13) qui porte notamment:
214....
(13) Le gouverneur en conseil peut établir des règlements d'ordre général ou particulier, aux fins de la présente Partie, désignant
c) lorsqu'une personne non résidante exploitait une entreprise au Canada, quelles sommes sont imposables en vertu de la présente Partie ou quelle fraction de l'impôt prévu par la présente Partie est payable par cette personne.
En vertu de cette disposition, le gouverneur géné- ral en conseil a pris les règlements suivants:
Article 802 [mod. par DORS/79-424, art. 1] du Règlement:
802. Aux fins de l'alinéa 214(13)c) de la Loi, les sommes imposables en vertu de la partie XIII de la Loi pour une année d'imposition pertinente d'un contribuable sont celles qui ont été versées ou créditées au contribuable pendant l'année d'imposi- tion pertinente, autres que les sommes comprises, en vertu de la partie I de la Loi, dans le calcul du revenu du contribuable découlant d'une entreprise qu'il a exploitée au Canada.
Sous la rubrique Autres personnes non résidantes, le paragraphe 805(1) du Règlement porte:
805. (1) Lorsqu'une personne non résidante exerce des opéra- tions au Canada, elle est imposable en vertu de la partie XIII de la Loi sur tous les montants autrement imposables en vertu de cette partie, sauf les montants qui peuvent raisonnablement être attribués à l'entreprise qu'elle exerce au Canada.
Les Articles II et III de l'annexe de la Loi de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique [S.C. 1943-44, chap. 21 (mod. par S.C. 1950, chap. 27)] portent:
ARTICLE II
Pour les fins de la présente Convention, l'expression «bénéfi- ces industriels et commerciaux» ne vise pas le revenu qui se présente sous la forme de loyers, de redevances, d'intérêts, de dividendes, de droits de gestion ou de gains retirés de la vente ou de l'échange de biens de capital.
Sous réserve des clauses de la présente Convention, ces chefs de revenu seront taxés séparément ou avec les bénéfices indus- triels et commerciaux suivant les lois respectives des Etats contractants.
ARTICLE III
1. Si une entreprise de l'un des Etats contractants possède un établissement stable dans l'autre Etat, il sera imputé audit établissement stable le bénéfice industriel et commercial net que celui-ci pourrait s'attendre de retirer s'il formait une entreprise indépendante exerçant les mêmes activités ou des activités analogues dans les mêmes ou dans de semblables conditions. Ce bénéfice net sera déterminé en principe d'après les comptes qui concernent ledit établissement. Dans la déter- mination des bénéfices nets de source industrielle et commer- ciale d'un établissement stable, déduction devra être faite de toutes dépenses, en quelque endroit qu'elles aient été effectuées, qui peuvent raisonnablement être imputées à l'établissement stable, y compris les frais de direction et d'administration générale ainsi imputables.
Ainsi donc, si l'on faisait abstraction des articles 802 et 805 du Règlement, le paragraphe 212(5) de
la Partie XIII (maintenant la Partie III) de la Loi ainsi que l'Article II de l'annexe de la Loi de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique feraient alors en sorte que les redevances reçues des rési- dents du Canada pour la location de films et de bandes magnétoscopiques seraient assujetties à l'impôt prévu à cette Partie de la Loi. L'article 805 exclut seulement le montant du revenu qui peut raisonnablement être attribué à l'entreprise que le contribuable exploite au Canada. D'autre part, l'article 802 prévoit qu'aucune retenue d'impôt (c.-à-d. l'impôt de la Partie XIII) n'est payable sur les montants inclus dans la Partie I.
La demanderesse produit des films aux États- Unis et, pour ce faire, assume tous les coûts de production connexes dans le dessein explicite de louer des copies de films à divers points de vente tels que les stations de télévision et les cinémas. Ses activités concernant la distribution de films, la publicité et les relations publiques y afférentes équivalent aux ventes et à la promotion des ventes d'un fabriquant qui produit des marchandises des tinées à la vente. La distribution du produit génère des revenus et des bénéfices, ce qui, bien entendu, est le but ultime de l'entreprise tout entière. Les activités productives de revenu de la succursale canadienne de la demanderesse étaient essentielle- ment identiques à celles que les quatre divisions américaines de la demanderesse exerçaient aux États-Unis. Il ne s'agit pas d'une entreprise améri- caine exerçant des activités commerciales au Canada et dont le lancement et le contrôle s'effec- tuent entièrement aux États-Unis sans la présence d'une succursale ou d'un organisme au Canada. Au contraire, c'est la succursale canadienne de la demanderesse qui exploitait l'entreprise cana- dienne, le siège social américain de la société s'étant toutefois réservé le droit ultime de signer ou d'approuver des contrats de distribution et étant en contact presque quotidien avec le directeur canadien. Compte tenu des faits, je suis persuadé que l'organisme canadien n'était nullement une simple présence symbolique visant en fait à éluder l'impôt de la Partie XIII, mais qu'il jouait ici un rôle commercial actif et authentique, malgré le fait que la décision de remplacer l'ancienne société canadienne (Fox Canada) par une succursale canadienne de la société américaine a été prise surtout pour éviter l'impôt de la Partie XIII. J'es-
time que Fox Canada avait auparavant joué un rôle commercial actif entendu dans tous les sens du mot, et que c'est la succursale de la demanderesse qui a assumé entièrement ce rôle.
La production des films, même lorsqu'il s'agit de productions filmées au Canada, ne relève pas de l'organisme canadien de la demanderesse, et la plupart des négatifs concernant la publicité d'en- vergure sont également produits aux États-Unis. C'est toutefois la succursale canadienne de la demanderesse qui s'occupait de la publicité au Canada, des relations publiques, du tirage des copies des films, de la distribution et des négoca- tions de contrats, et les revenus en découlant doi- vent nécessairement provenir de l'entreprise exploi- tée par la demanderesse au Canada ou être considérés comme étant raisonnablement attribua- bles à cette entreprise.
Certes, le succès commercial d'un film dépend souvent, dans une grande mesure, de l'intérêt qu'il suscite chez le public, intérêt qui, à son tour, va dépendre de plusieurs facteurs impondérables tels que la réputation de la distribution, l'originalité et la pertinence du scénario, les techniques du réali- sateur, la somptuosité de la production ou l'attrait musical de la partition, plutôt que du sens des affaires et du talent pour la vente, des activités touchant aux relations publiques et à la publicité directe du personnel s'occupant de négocier les contrats de distribution et de distribuer les copies. De plus, puisqu'en l'espèce aucun des coûts de production n'est engagé au Canada et que, par conséquent, aucun des bénéfices directement attri- buables à la qualité de la production ne prend naissance ici, il faut s'assurer que le montant final indiquant les bénéfices nets réalisés au Canada comporte une juste part des frais relatifs aux droits sur le négatif encourus aux États-Unis au profit de l'organisme tout entier. On peut déduire une juste part de ces frais, outre les frais d'exploitation, des revenus gagnés au Canada pour arriver à un chif- fre qui représenterait le véritable bénéfice net pro- venant des opérations commerciales de la deman- deresse au Canada. Cela ne signifie pas toutefois que les revenus eux-mêmes ne doivent pas être considérés comme étant raisonnablement attribua- bles à une entreprise active exploitée par la deman- deresse au Canada, ni que cette proportion des revenus doit être exclue. En l'espèce, le ministre du
Revenu national ne conteste pas l'allocation des coins de production ni des droits sur le négatif. Cette allocation a été confirmée par les cotisations et reconnue par la défenderesse. En effet, les avo- cats de la défenderesse ont souvent dit que le Ministre est effectivement satisfait du chiffre qu'il a appelé le «bénéfice net». Ce que la défenderesse vise est de soustraire une partie de ce revenu du revenu qui est, selon la demanderesse, raisonnable- ment attribuable à son entreprise au Canada et d'imposer ce montant.
La difficulté découle principalement du fait que, du point de vue comptable, la façon de calculer les bénéfices nets, pour chacune des années en litige, ne correspond pas aux pratiques comptables habi- tuelles. Je n'accepte pas le témoignage d'expert donné qui tend à démontrer qu'elle l'est. Je dirais en fait que le calcul des frais relatifs aux droits sur le négatif n'est pas logique et ne consiste qu'à jongler avec les chiffres pour arriver à un résultat déterminé à l'avance.
Une partie ne saurait éviter l'impôt en ne comp- tabilisant pas son revenu ou ses dettes conformé- ment aux principes comptables généralement acceptés. Il est également vrai qu'on ne devrait pas assujettir une partie à un impôt simplement parce qu'elle n'a pas suivi ces principes ou n'a pas utilisé la terminologie appropriée dans les comptes. Une cotisation doit toujours reposer sur la vraie nature des opérations que les livres comptables doivent refléter (Quemont Mining Corp. v. Minister of National Revenue, [ 1967] 2 R.C.É. 169, aux pages 200 à 202; (1966), 66 DTC 5376, la page 5395; Edingburgh Life Assurance Company v. Lord Advocate, [1910] A.C. 143 (H.L.), à la page 163). La terminologie utilisée dans les livres comp- tables ou les documents justificatifs constitue sim- plement une preuve circonstancielle ou indirecte de la nature apparente de diverses opérations. À moins d'être étayée par d'autres éléments de preuve, la preuve circonstancielle ne devrait pas être considérée comme concluante et doit être écartée dès lors qu'une autre preuve directe ou plus digne de confiance vient la contredire clairement.
Les deux parties estiment que l'application d'un taux fixé à l'avance de 1,7 % aux redevances brutes canadiennes pour la location constitue un calcul juste et raisonnablement exact des bénéfices nets. Les chiffres intermédiaires qui ont été insérés
par la suite et qui sont censés représenter les frais relatifs aux droits sur le négatif sont artificielle- ment ajustés pour permettre d'arriver à ce résultat. Ils sont donc fictifs car ils ne résultent pas d'un calcul réel de ces frais et d'une allocation propor- tionnelle des frais à la succursale canadienne par comparaison avec les activités exercées par les divisions américaines de la demanderesse. Si on essayait de procéder ainsi, la comptabilité pourrait bien nécessiter un travail considérable, obligeant la demanderesse à faire des calculs, des estimations et des allocations détaillés et causant autant de difficultés à la défenderesse si elle tentait de véri- fier ces chiffres. Il faudrait examiner en détail les activités des divisions américaines afin de détermi- ner l'attribution des droits sur le négatif à l'entre- prise canadienne. Puisque les succursales américai- nes ne rendent pas compte individuellement de leurs opérations, il s'agirait indubitablement d'une tâche monumentale. La demanderesse a adopté une solution pragmatique à ce problème, et la défenderesse a accepté le résultat qui représentait le chiffre final découlant d'une juste allocation des droits sur le négatif.
Il se peut que la défenderesse soit en droit de refuser d'accepter cette méthode d'attribution des droits sur le négatif comme une partie du coût, mais je ne suis pas saisi de cette question. Ce sont plutôt les activités productives de revenu de la demanderesse au Canada qui sont en litige et non ses dépenses. La défenderesse a, dans ses moyens, abordé le problème comme si le siège social améri- cain faisait payer une commission ou un loyer à sa succursale canadienne sur le montant des ventes canadiennes. En dépit de ce que certaines expres sions utilisées dans des documents comptables pourraient tendre à révéler, les rapports entre la succursale canadienne de la demanderesse et la demanderesse elle-même ne sauraient, en raison de leur nature, donner lieu à une commission ni à un loyer: une entité juridique ne saurait louer à elle- même ni contracter avec elle-même. De toute évi- dence, c'est la demanderesse qui, sur le plan juridi- que, exploite une entreprise au Canada et non une entité distincte, c'est-à-dire la succursale cana- dienne. Il ne faut donc pas tenir compte des indica tions contraires dans les livres de comptabilité. Pour la même raison, je ne souscris pas aux con clusions de l'expert cité au nom de la défenderesse qui a, du point de vue de la comptabilité, considéré
la succursale canadienne comme si elle était une entité juridique distincte contractant avec l'orga- nisme américain de la demanderesse.
Dans les circonstances de l'espèce, le fait que des mandataires indépendants se soient vus attri- buer et aient effectué une grande partie du travail au Canada n'influe pas sur la situation. La succur- sale canadienne de la demanderesse exerçait un contrôle direct sur le travail et la production des mandataires, et le travail lui-même constitue à tous égards des activités et opérations commercia- les réelles de la demanderesse au Canada exercées par l'entremise de ces mandataires et directement par la demanderesse. Le fait qu'une société choi- sisse de confier à des mandataires une partie de ses activités commerciales n'empêche pas, en soi, cel- les-ci d'être les opérations commerciales de la société. Il peut y avoir des cas un contribuable étranger, afin d'éviter l'assujettissement à l'impôt prévu à la Partie XIII, crée soit une entité fictive ou inactive soit une succursale fictive au Canada pour tenter d'attribuer le caractère de revenu tiré d'une entreprise qu'il exploite activement au Canada à ce qui est essentiellement un loyer, une commission, une redevance ou un autre type passif de revenu qu'il reçoit de particuliers ou de sociétés résidant au Canada qui, en fait, exploitent active- ment l'entreprise ici même. Je suis néanmoins persuadé que, eu égard aux activités de la deman- deresse au Canada, tel n'est pas le cas en l'espèce. Pour illustrer cette conclusion, il suffit de mention- ner le fait que la succursale canadienne fonctionne exactement de la même façon que l'ancienne filiale canadienne de la demanderesse. Cette filiale avait bien entendu payé l'impôt prévu à la Partie XIII et elle n'aurait eu aucune raison d'être au Canada si elle ne s'était pas activement engagée dans le développement de sa propre entreprise dans ce pays.
La défenderesse s'est appuyée, dans une très grande mesure, sur l'affaire United Geophysical Co. of Canada v. Minister of National Revenue, [1961] R.C.É. 283, le juge Thurlow, tel était alors son titre, a décidé que la société demande- resse, une filiale américaine en propriété exclusive d'une autre société américaine, était assujettie à une retenue d'impôt sur les redevances qu'elle versait à sa société mère américaine pour louer les biens de celle-ci situés au Canada. Mais cette
affaire se distingue nettement de l'espèce quant aux faits. Il y avait deux entités juridiques distinc- tes et la partie de l'entreprise de la société mère qui nous intéresse dans cette affaire a été décrite comme une [TRADUCTION] «simple activité secon- daire»—voir les pages 292 et 293 du recueil susmentionné:
[TRADUCTION] Selon un autre point de vue plus large sur la portée de l'entreprise de la société, celle-ci a fourni des services géophysiques à des clients, mais après le 1»r mai 1955, elle a également fourni à l'appelante, sa filiale en propriété exclusive, à titre d'activité secondaire et à peu près au prix coûtant, des services administratifs, de contrôle et autres, ainsi que des pièces d'équipement. Il s'agit là, à mon avis, du point de vue à retenir, ... [C'est moi qui souligne.]
Le juge a également dit aux pages 293 et 294:
[TRADUCTION] Par conséquent, la portée de l'entreprise de la société étant vue sous cet angle, j'estime que le «loyer» pour l'équipement constituait un revenu tiré de cette partie de son entreprise qui a été exploitée aux États-Unis, et ne pouvait raisonnablement être attribué à aucune partie de l'entreprise que la société aurait exercée au Canada. Ce loyer ne serait donc pas imposable en vertu de la Partie I de la Loi ni ne serait inclus dans le calcul du revenu de la société aux fins de cette Partie. [C'est moi qui souligne.]
De plus, dans l'affaire susmentionnée, rien n'in- dique que la société mère américaine ait déjà payé un impôt sur le revenu ou produit une déclaration en vertu de la Partie I de la Loi.
Il y a néanmoins plus important encore puisque, depuis l'affaire United Geophysical, de très impor- tantes modifications ont été apportées à la Loi. La Loi applicable aux années en cause dans l'affaire United Geophysical, 1955/1956, contenait les dis positions sur la retenue d'impôt de la Partie III (maintenant la Partie XIII), et la règle relative aux montants «raisonnablement attribuables» qu'on trouve maintenant à l'article 805 du Règle- ment se trouvait au paragraphe 31(1) de la Loi [S.R.C. 1952, chap. 148]. La règle selon laquelle il n'est effectué aucune retenue sur les montants inclus dans le revenu en vertu de la Partie I qu'on trouve maintenant à l'article 802 du Règlement figurait dans une version antérieure de l'article 805 du Règlement. L'article 805 du Règlement a été modifié en 1956 pour substituer le critère «raisonnablement attribuable» au critère portant que [TRADUCTION] «aucune retenue d'impôt n'est payable sur les montants inclus dans la Partie I», et le paragraphe 31(1) de la Loi a été modifié en 1960 pour écarter de la Loi le critère concernant
les montants «raisonnablement attribuables». L'ar- ticle 802 du Règlement a été modifié et on a appliqué, à compter de 1978, le critère portant que «aucune retenue d'impôt n'est payable sur les mon- tants inclus dans la Partie à toutes les personnes non résidantes exploitant une entreprise au Canada.
La défenderesse a également cité les décisions suivantes: International Harvester Company of Canada, Ld. v. Provincial Tax Commission, [1949] A.C. 36 (P.C.); Commissioner of Taxation (N.S.W.) v. Hillsdon Watts Ltd. (1936-37), 57 C.L.R. 36 (Aust. H.C.); Commissioners of Taxa tion v. Kirk, [1900] A.C. 588 (P.C.); Australian Machinery & Investment Co. Ltd. v. Deputy Federal Commissioner of Taxation (Source of Income) (1946), 8 A.T.D. 81 (Aust. H.C.); Mount Morgan Gold Mining Co. Ltd. v. Commissioner of Income Tax (Queensland) (1922-23), 33 C.L.R. 76 (Aust. H.C.). Toutefois, toutes ces décisions portaient non pas sur le revenu mais sur les bénéfi- ces nets et sur la répartition entre deux juridictions non seulement du revenu mais surtout des dépen- ses. Enfin, le pouvoir d'imposer se fonde non pas, comme la défenderesse a semblé prétendre, sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis, mais sur la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement. La convention vise à éviter une double imposition et non à prévoir des disposi tions additionnelles en matière d'impôt. J'ai récemment appliqué ce principe dans l'affaire La succession Gladden, J.N. c. La Reine (1985), 85 DTC 5188 (C.F. 1fe inst.). Ainsi donc, l'expression «établissement stable» figurant dans la convention et sur laquelle la défenderesse s'appuie dans une certaine mesure n'a d'importance que si on consi- dère la convention elle-même, et ne devrait pas servir à interpréter la Loi de l'impôt sur le revenu ou son Règlement.
Par ces motifs, je conclus que, compte tenu des faits de l'espèce, l'article 802 du Règlement s'ap- plique à l'exclusion de l'article 805. Même s'il n'en était pas ainsi, je suis, en tout état de cause, persuadé que la demanderesse a établi, d'après les faits, que la location de films au Canada comme aux Etats-Unis et dans d'autres pays fait essentiel- lement et intégralement partie de son entreprise, et que les revenus tirés de la location de films doivent nécessairement être considérés comme étant rai-
sonnablement attribuables à l'entreprise exploitée au Canada pendant les années en cause. Il n'existe aucun motif logique ou juridique permettant d'ar- river à une conclusion différente.
Je statue par conséquent que l'affaire doit être renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il établisse une nouvelle cotisation pour les années 1978, 1979 et 1980 en partant du principe que la demanderesse était imposable uniquement en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu et qu'aucune retenue d'impôt n'était paya ble sous le régime de la Partie XIII.
La demanderesse aura droit à ses dépens.
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