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A-779-86
Au sujet d'une plainte déposée par Walter Rosen contre CFCF Inc. alléguant discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi contrairement à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne;
Considérant l'article 14c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne
RÉPERTORIÉ: ROSEN (RE)
Cour d'appel, juges Pratte, Marceau et Huges- sen—Montréal, 5 et 16 mars; Ottawa, 9 avril 1987.
Compétence de la Cour fédérale Division d'appel Requête visant à mettre fin aux procédures présentées à l'en- contre d'un renvoi pour manque de compétence La Com mission canadienne des droits de la personne soumet la ques tion de la constitutionnalité de l'art. 14c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne à la Cour d'appel en vertu de l'art. 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale Demande accueillie Le renvoi est prématuré car la réponse qui pourrait y être apportée ne trancherait pas la question dont est saisie la Commission Le juge Marceau, qui donne des motifs concourants quant au résultat, a statué que la Commis sion n'a pas à décider la question de la constitutionnalité La question posée par le tribunal en vertu de l'art. 28(4) doit en être une que le tribunal est lui-même tenu de décider Un tribunal inférieur n'est pas susceptible de se «former une opinion. sur une question constitutionnelle, à moins qu'elle ne se rattache directement à l'étendue de sa propre juridiction La question posée à la Cour n'est pas de savoir si la Commis sion a juridiction pour agir, mais plutôt si on n'aurait pas lui donner une juridiction plus étendue Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28(1),(4), 52a) Loi canadiennne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 7, 14c) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 143, art. 7), 36 (mod., idem, art. 16; S.C. 1985, chap. 26, art. 69) Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R-U.), art. 1, 15.
Droits de la personne Le plaignant a été mis à la retraite à l'âge de soixante-six ans contre sa volonté Il se plaint qu'il a été mis fin à son emploi uniquement en raison de son âge L'employeur s'appuie sur la Loi canadienne sur les droits de la personne, art. 14c), qui prévoit que le congédie- ment d'un employé parce qu'il a atteint l'âge normal de la retraite en vigueur pour son genre d'emploi ne constitue pas un acte discriminatoire La Commission renvoie la question de la constitutionnalité de l'art. 14c) devant la Cour d'appel fédérale Il est mis fin aux procédures dans le cadre du renvoi pour absence de compétence Le jugement de la majorité se fonde sur le caractère prématuré de la décision puisque la réponse à la question posée à la Cour ne réglerait pas le litige dont est saisie la Commission Quelle est la fonction de la Commission? Le juge Marceau, dans ses motifs concourants quant au résultat, statue que la question
faisant l'objet du renvoi n'est pas une question à laquelle la Commission doit elle-même répondre Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 7, 14c) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 143, art. 7), 36 (mod., idem, art. 16; S.C. 1985, chap. 26, art. 69) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28(1),(4), 52a) Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 15.
Pratique Références La Commission canadienne des droits de la personne prétend soumettre à la Cour d'appel fédérale, en vertu de l'art. 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale, la question de la constitutionnalité de l'art. 14c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne Le renvoi est défectueux quant à la forme Le renvoi n'est pas conforme à la décision qui l'autorise, laquelle prétend renvoyer la «plainte» devant la Cour Le renvoi soulève une question de droit purement théorique Aucune conclusion de fait qui permette à la Cour de fonder sa décision La Commission excède sa compétence en demandant à la Cour de décider de la constitutionnalité de la loi habilitante Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28(4), 52a) Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 14c) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 143, art. 7).
Un certain M. Rosen a été mis à la retraite à l'âge de 66 ans, alors qu'il voulait continuer à travailler. Il a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant qu'il avait été mis fin à son emploi uniquement en raison de son âge. Son employeur s'est appuyé sur l'alinéa 14c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui prévoit que le fait de mettre fin à l'emploi d'une personne parce qu'elle a atteint l'âge de la retraite en vigueur pour le genre d'emploi qu'elle occupe ne constitue pas un acte discriminatoire. La Commission, désireuse de déterminer le caractère constitution- nel de l'alinéa 14c) avant de procéder à la longue et coûteuse enquête que requiert la vérification dans les faits de l'applicabi- lité de l'alinéa 14c), a renvoyé la question à la Cour d'appel fédérale en vertu du paragraphe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale. Dans sa demande visant à mettre fin aux procédures de renvoi, en vertu de l'alinéa 52a) de la Loi sur la Cour fédérale, l'employeur a fait valoir que le renvoi était prématuré parce que la Commission, n'ayant pas à statuer sur la plainte, n'avait pas à obtenir une réponse à la question constitutionnelle.
Arrêt: la demande devrait être accueillie et il devrait être mis fin aux procédures de renvoi.
Le juge Hugessen (avec l'appui du juge Pratte): Bien que le renvoi, à sa face même, soit défectueux quant à la forme, il n'y a pas lieu d'accueillir la requête pour des motifs d'ordre technique. Toutefois, ce renvoi n'est pas autorisé par l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Seules des questions de droit qui doivent être tranchées pour pouvoir régler l'affaire dont il est saisi peuvent être renvoyées par un tribunal devant la Cour. Pour qu'une question de droit puisse valablement faire l'objet d'un renvoi en vertu du para- graphe 28(4), il n'est pas nécessaire que la réponse, quelle qu'elle soit, que cette Cour donne à la question dispose du litige dont est saisi le tribunal auteur du renvoi; il suffit que la question soit telle qu'une des réponses possibles puisse disposer de l'affaire: Martin Service Station Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 398 (C.A.).
La Commission est habilitée à statuer sur une plainte unique- ment dans les cas elle conclut que cette plainte n'est pas fondée. Dans tous les autres cas, elle doit référer le dossier à un autre organisme. En l'espèce, la Commission est d'avis que la plainte n'est pas mal fondée. Le paragraphe 28(4) permet à la Commission de renvoyer une question devant la Cour pour «jugement». Le mot «jugement» implique nécessairement que la Cour soit en mesure de statuer sur le fond même du litige qui a donné lieu au renvoi. Or, au présent stade des procédures, une réponse au renvoi, quelle qu'elle soit, ne pourra jamais régler le litige dont est saisie la Commission. Si la Cour décide que l'alinéa 14c) est valide, la Commission devra alors poursuivre l'enquête. Si, par contre, la Cour juge l'alinéa 14c) inopérant, la Commission devra nécessairement demander que la plainte soit examinée par un tribunal des droits de la personne, seul habilité à juger l'affaire.
Le juge Marceau (motifs concourants quant au résultat): L'employeur a fait valoir que la question posée mettant en cause l'article 1 de la Charte ne pourra se résoudre que sur la base d'une preuve de faits, et que le renvoi ne portait donc pas sur une question de droit, comme l'exige le paragraphe 28(4). L'équivoque est évidente. La constitutionnalité d'une disposi tion législative ne peut pas être autre chose qu'une question de droit, mais en raison de l'article 1 de la Charte, il pourra arriver souvent que soit exigée la présentation d'une preuve de faits. Toutefois, le paragraphe 28(4) ne permet pas de prendre cette situation particulière en considération. L'établissement d'une preuve peut se faire sans audition orale, et l'audition de témoins devant une cour d'appel ne met pas en cause une question de pouvoir mais uniquement de convenance et de modalités.
Le renvoi n'est pas prématuré. Une question sous le paragra- phe 28(4) doit être telle qu'une des réponses possibles puisse trancher l'affaire dont le tribunal est saisi. C'est justement ici le cas. Le rôle de la Commission est de déterminer si l'examen de la plainte est justifié ou non, ce qui exige, d'abord, qu'elle se forme une opinion quant à savoir si l'acte dont se plaint le plaignant peut ou ne peut pas faire l'objet d'une plainte, parce qu'il est ou n'est pas discriminatoire au sens de la Loi. Lors- qu'elle aura pris position, le rôle de la Commission, en tant qu'organisme de décision, sera terminé. C'est ça «l'affaire qui est devant elle». Une réponse négative quant à la constitution- nalité de l'alinéa 14c) réglera son dilemme et lui dictera sa décision.
La requête est cependant bien fondée. La question posée ne peut faire l'objet d'un renvoi sous le paragraphe 28(4) parce que ce n'est pas une question que la Commission a à trancher. La question posée doit en être une que le tribunal est lui-même tenu de décider (In re la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, [1973] C.F. 604 (C.A.)).
Il est douteux qu'un tribunal inférieur sera appelé à «se former une opinion» au sujet d'une question constitutionnelle, à moins qu'elle ne se rattache directement à l'étendue de sa propre juridiction. Mais «se former une opinion» n'est pas déterminer la question, en décider, la juger. Cette Cour ne donne pas d'opinion, elle détermine les questions, et on com- prendrait mal que pour aider un tribunal à se former une opinion, elle soit appelée à décider, à juger la question.
Il est aussi douteux que la question se rattache à la juridic- tion. La Loi canadienne sur les droits de la personne donne à la
Commission un mandat précis: recevoir des plaintes relative- ment à des hypothèses de discrimination définies à l'article 14. La Commission ne se pose pas la question de savoir si elle a juridiction pour agir, elle se demande si elle n'aurait pas recevoir une juridiction plus étendue qui lui permettrait de recevoir des plaintes et d'y donner suite dans des hypothèses autres que celles définies. Et même si la Cour avait juridiction pour déterminer la question à l'occasion d'une demande sous le paragraphe 28(1) portée à l'encontre de la décision finale de la Commission, une fois la Commission functus officio, il n'en résulte pas qu'elle puisse avoir juridiction maintenant en vertu du paragraphe 28(4).
La demande de la Commission fondée sur le paragraphe 28(4) a le même sens et la même portée que si elle intentait une action déclaratoire. La Commission excède les limites de son mandat lorsqu'elle se présente devant la Cour pour vérifier judiciairement la constitutionnalité des dispositions de sa loi constitutive.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
In re la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, [1973] C.F. 604 (C.A.); Martin Service Sta tion Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 398 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Renvoi: Loi anti-inflation, [1976] 2 R.C.S. 373; Sémi- naire de Chicoutimi c. La Cité de Chicoutimi, [1973] R.C.S. 681.
AVOCATS:
Paul M. Demers pour Walter Rosen.
Louis-Paul Cullen et Brian C. Elkin pour CFCF Inc.
Russell G. Juriansz et Anne Trotier pour la Commission canadienne des droits de la personne.
PROCUREURS:
Colby, Rioux & Demers, Montréal, pour Walter Rosen.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour CFCF Inc. Commission canadienne des droits de la per- sonne pour son propre compte.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE MARCEAU (motifs concourants quant au résultat): Invoquant la disposition du paragra- phe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10], aux termes duquel «Un office, une commission ou un autre tribunal fédé-
ral ... peut, à tout stade de ses procédures, ren- voyer devant la Cour d'appel pour audition et jugement, toute question de droit, de compétence ou de pratique et procédure», la Commission cana- dienne des droits de la personne (la «Commis- sion»), le 20 novembre 1986, renvoyait devant cette Cour pour audition et jugement une question qu'elle formulait comme suit:
La Commission canadienne des droits de la personne devra- t-elle considérer inopérant l'article 14c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne en décidant de la plainte de Walter Rosen contre CFCF Inc., compte tenu des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés?
Il faut, pour comprendre la question, se rappeler comment est structurée la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33 (la «Loi»), spécialement sa Partie I intitulée MOTIFS DE DISTINCTION ILLICITE. Cette Partie I s'ouvre sur deux dispositions générales, l'une sont énu- mérés les motifs de distinction illicite, dont l'âge évidemment, l'autre qui prévoit que les actes dis- criminatoires prévus aux articles suivants pourront faire l'objet de plainte devant la Commission et donner lieu aux ordonnances de celle-ci. Puis, sous le sous-titre Actes discriminatoires, sont définies, aux articles 5 à 13.1, les hypothèses il y a discrimination pour les fins de la Loi (chacun des textes débute par les mots «Constitue un acte discriminatoire le fait ... de»), et aux articles 14 et suivants un certain nombre d'hypothèses il n'y a pas discrimination (les mots introductifs étant «Ne constituent pas des actes discriminatoires»). Ainsi, alors que l'article 7 déclare que constitue un acte discriminatoire le fait, entre autres, de «refu- ser ... de continuer d'employer un individu .. . pour un motif de distinction illicite», l'article 14, qui comprend sept alinéas, stipule en son alinéa c) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 143, art. 7] auquel fait référence la question soumise par la Commission:
14. Ne constituent pas des actes discriminatoires
c) le fait de mettre fin à l'emploi d'une personne en appli- quant la règle de l'âge de la retraite en vigueur pour ce genre d'emploi;
La Commission précisait, dans son avis de renvoi, que l'intimé Walter Rosen avait déposé une plainte alléguant que son employeur CFCF Inc. avait mis fin à son emploi uniquement en raison de son âge, et CFCF Inc. contestait le caractère
discriminatoire de son acte en faisant valoir que l'intimé avait alors atteint «l'âge de la retraite en vigueur pour [son] genre d'emploi», et elle expli- quait qu'avant de procéder à la longue et coûteuse enquête que requiert la vérification dans les faits d'une possibilité d'application de l'alinéa 14c), elle voulait s'assurer que la disposition était bien cons- titutionnelle et qu'il lui fallait en tenir compte.
La procédure dont la Cour est aujourd'hui saisie vient de CFCF Inc. Il s'agit d'une requête qui cherche à obtenir, selon les termes mêmes utilisés dans l'avis de présentation:
une ordonnance:
1. mettant fin aux procédures dans le présent renvoi au motif que cette honorable Cour n'a pas compétence, en vertu de l'article 52a) de la Loi sur la Cour fédérale, et de la règle 1100 des Règles de la Cour d'appel fédérale,
ou subsidiairement:
2. mettant fin aux procédures dans le présent renvoi au motif que celui-ci est irrégulier, en vertu des règles 5 et 474(1)a) des Règles de la Cour fédérale,
ou subsidiairement:
3. de suspendre les procédures dans le présent renvoi au motif que celui-ci est en instance devant un autre tribunal en vertu de l'article 50(1)a) de la Loi sur la Cour fédérale.
Les procureurs de la requérante, dans des affi davits d'accompagnement et dans leurs observa tions orales, se sont employés à clarifier leur posi tion par delà les termes quelque peu obscurs de leur procédure écrite. Ils ont d'abord fait état de trois données de fait: d'abord, que la Commission n'avait encore procédé à aucune investigation quant à «l'âge de la retraite en vigueur pour [le] genre d'emploi» qu'occupait le plaignant, l'intimé Rosen; ensuite, que ce dernier avait intenté, depuis quelque temps déjà, devant la Cour supérieure de la province de Québec, des procédures en déclara- tion d'inconstitutionnalité de l'alinéa 14c) de la Loi en même temps qu'en dommages contre CFCF Inc., procédures auxquelles la Commission prenait activement part; enfin, que leur cliente entendait contester en justice toute prétention d'inconstitu- tionnalité de l'alinéa 14c) de la Loi en apportant les preuves requises pour montrer que la règle y édictée rencontrait les conditions spéciales de vali- dité de l'article 1 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] Puis, ces faits étant établis et d'ailleurs non contestés, ils
ont fait valoir au soutien de leur requête une série d'arguments qui se rattachaient tous en définitive, si j'ai bien compris, à deux prétentions majeures: l'une, principale, à l'effet que le renvoi était super- flu ou pour le moins prématuré; et l'autre, subsi- diaire, à l'effet qu'il ne portait pas sur une question de droit comme l'exige le paragraphe 28(4).
Aussi bien disposer tout de suite de la prétention subsidiaire qui ne mérite pas de longs commentai- res. Elle s'appuie sur l'idée que la question posée mettant en cause l'article 1 de la Charte ne pourra se résoudre que sur la base d'une preuve de faits. Mais l'équivoque est évidente. La constitutionna- lité d'une disposition législative ne peut pas être autre chose qu'une question de droit. Sans doute depuis l'avènement de la Charte avec son article 1, il pourra arriver souvent que cette question de droit qu'est la constitutionnalité d'une loi exigera la présentation et la considération d'une preuve de faits, mais d'abord il n'était pas impossible qu'il en soit ainsi déjà auparavant (cf. Renvoi: Loi anti- inflation, [1976] 2 R.C.S. 373) et de toute façon le paragraphe 28(4) ne permet pas de prendre cette situation particulière en considération. Sans doute aussi a-t-on peine à imaginer la tenue d'un procès devant une cour d'appel, mais, d'une part, l'éta- blissement d'une preuve peut se faire sans audition orale, sans procès, et d'autre part, l'audition de témoins devant une cour d'appel ne met pas en cause une question de pouvoir mais uniquement de convenance et de modalités.
Si la prétention subsidiaire des procureurs de la requérante ne méritait pas vraiment qu'on s'y attarde, il n'en est pas ainsi de leur prétention principale. Mon collègue, le juge Hugessen, dont j'ai eu l'avantage de lire les motifs, l'a même retenue en substance. C'est en effet parce que la question posée n'est pas, «au présent stade des procédures», susceptible de disposer du litige dont est saisie la Commission que mon collègue se dit d'avis que le renvoi n'est pas recevable. Et que la réponse à la question posée ne puisse disposer du litige est clair à son avis car, et je me permettrai ici de reproduire ses mots «Si la Cour décide que l'alinéa 14c) est valide, la Commission devra alors poursuivre son enquête. Si, par contre, nous jugeons l'alinéa 14c) inopérant, la Commission devra nécessairement demander que la plainte soit examinée par un tribunal des droits de la personne,
seul habilité à disposer de l'affaire.» Les procu- reurs de la requérante parlaient aussi du caractère superflu du renvoi mais dans le même sens, faisant valoir que la Commission, n'ayant pas à disposer de la plainte, n'avait pas besoin, elle, de connaître la réponse à la question. C'est au niveau de la décision, soutenaient-ils, que la réponse pouvait importer, c'est donc le tribunal seul qui pourrait s'y intéresser.
Je me permets, avec déférence, de contester cette façon de voir. Il est certain, comme cette Cour l'a fait remarquer dans les décisions In re la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, [1973] C.F. 604 et Martin Service Sta tion Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 398, que pour n'être pas académi- que, et partant non recevable, une question sous le paragraphe 28(4) doit être telle qu'une des répon- ses possibles puisse disposer de l'affaire dont le tribunal qui initie la référence est saisi. Mais n'est-ce pas justement le cas ici si on s'en tient précisément à «l'affaire» dont la Commission «est saisie». Car quel est le rôle de la Commission? L'article 36 de la Loi ne permet pas d'hésiter: c'est de se convaincre que l'examen de la plainte est ou n'est pas justifié, ce qui exige, d'abord, qu'elle se convainque que l'acte dont se plaint le plaignant peut ou ne peut pas faire l'objet d'une plainte, parce qu'il est ou n'est pas discriminatoire au sens de la Loi. Lorsqu'elle se sera convaincue de l'une ou l'autre des deux possibilités, la Commission devra prendre position et son rôle, en tant qu'orga- nisme de décision, sera terminé. C'est ça «l'affaire qui est devant elle»'. Dès qu'on accepte les préten- tions et l'optique de la Commission, on est forcé d'admettre que le renvoi n'est ni inutile, ni préma- turé, ni académique, car elle a raison de dire qu'une réponse négative quant à la constitutionna- lité de l'alinéa 14c) réglera son dilemme et lui dictera sa décision.
' L'article 36 [mod. par 1980-81-82-83, chap. 143, art. 16; S.C. 1985, chap. 26, art. 69] de la Loi se lit en effet comme suit:
36. (1) L'enquêteur doit, le plus tôt possible après la fin de l'enquête, présenter son rapport à la Commission.
(2) Dans les cas où, au reçu du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission est convaincue
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Si je suis en désaccord avec les prétentions de la requérante et le raisonnement retenu par mon collègue, je n'en suis pas moins venu à la conclu sion, moi aussi, que la requête est bien fondée. La Cour doit refuser d'agir, à mon avis, parce que la question posée ne peut, ni maintenant ni plus tard, faire l'objet d'un renvoi par la Commission sous le paragraphe 28(4) et que par conséquent la Cour n'a pas juridiction pour s'en saisir. Et pourquoi la question posée ne relève-t-elle pas du paragraphe 28(4) dans les circonstances de l'espèce? Parce que ce n'est pas une question que la Commission a à trancher.
Dans les deux décisions auxquelles je viens de faire référence, les seules à ma connaissance cette Cour a eu à préciser le sens et la portée du paragraphe 28(4) de sa loi constitutive, le point majeur mis en lumière à chaque fois fut précisé- ment que, pour faire l'objet d'un renvoi, la ques tion posée par le tribunal devait en être une que le tribunal était lui-même tenu de décider. Dans la
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a) qu'il est préférable que le plaignant épuise les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont raisonnablement ouverts, ou
b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi du Parlement, elle doit renvoyer le plaignant à l'autorité compétente.
(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission:
a) peut demander au président du Comité du tribunal des droits de la personne de constituer un tribunal des droits de la personne, en application de l'article 39, chargé d'examiner la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue:
(i) que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci est justifié,
(ii) qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la plainte en applica tion du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des sous-alinéas 33b)(ii) à (iv);
b) doit rejeter la plainte, si elle est convaincue:
(i) que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,
(ii) que la plainte doit être rejetée pour l'un des motifs énoncés aux sous-alinéas 33b)(ii) à (iv).
(4) Après réception du rapport d'enquête prévu au paragra- phe (1), la Commission
a) doit informer par écrit les parties à la plainte de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3); et
b) peut informer toute autre personne, de la manière qu'elle juge indiquée, de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).
première décision, In re la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, l'ancien juge en chef de cette Cour écrivait la page 615):
Il est important de souligner que cette disposition ne permet pas de donner un avis consultatif tel que le permet l'article 55 de la Loi sur la Cour suprême en vertu duquel une question est soumise à la Cour suprême du Canada pour «audition et pour examen» et la Cour est tenue d'exprimer «son opinion» sur toute question ainsi soumise. L'article 28(4) vise le renvoi d'une «question de droit», survenue à certain «stade» des «procédures» d'un tribunal, devant cette Cour par le tribunal pour «audition et jugement» (j'ai moi-même souligné). A mon avis, ce genre de renvoi ne peut être effectué que par une ordonnance du tribunal en question qui soumet à cette Cour toute conclusion de fait ou autre élément de preuve sur lesquels il se serait fondé s'il tranchait la question de droit lui-même. En outre, à mon avis, l'article 28(4), dans la mesure des questions de droit sont en jeu, ne vise que le jugement d'une question de droit qui doit être tranchée pour pouvoir régler l'affaire pendant devant le tribu nal qui fait le renvoi. Il ne vise pas la solution d'une question de droit théorique.
Dans Martin Service Station Ltd. c. Le ministre du Revenu national, le juge en chef Jackett, con- firmant en cela des propos du juge Pratte avec lequel il concourait, s'employait à appuyer de nou- veau sur l'idée en écrivant la page 400]:
Néanmoins, cette question peut à mon avis relever de l'article 28(4) s'il s'agit d'une question qui aurait été en état d'être jugée par le juge-arbitre lui-même, s'il ne l'avait pas renvoyée à la Coure.
On fait valoir que même si un tribunal inférieur n'a évidemment pas juridiction pour trancher une question constitutionnelle', il y a néanmoins des hypothèses il sera appelé à se former une opinion à ce sujet. Je me permets d'en douter, à moins qu'il s'agisse d'une question qui se rattache directement à l'étendue de sa propre juridiction comme dans l'affaire Séminaire de Chicoutimi c. La Cité de Chicoutimi, [1973] R.C.S. 681. Mais, quoi qu'il en soit, «se former une opinion» n'est pas déterminer la question, en décider, la juger. Cette Cour ne donne pas d'opinion, elle détermine les questions, et on comprendrait mal que pour aider un tribunal à se former une opinion, elle soit appelée à décider, à juger la question.
2 Le paragraphe dans la version anglaise se lit:
Nevertheless, that question may, in my view, be a question that falls under section 28(4) if it is a question that was ready for determination by the Umpire himself, if he had not referred it to the Court. [C'est moi qui souligne.]
Un arrêt tout récent encore à ce sujet est celui de Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863.
On tente de dire que justement la question se rattache à la juridiction et que de toute façon elle pourra éventuellement avoir à être tranchée par la Cour à l'occasion d'une demande en vertu du paragraphe 28 (1) de la Loi qui définit sa compé- tence. Ici aussi j'ai des doutes sérieux. Car il faut bien analyser la situation par rapport à la Loi pour l'application de laquelle la Commission existe. La Commission a reçu un mandat précis: recevoir des plaintes relativement à des hypothèses de discrimi nation définies et il est reconnu, comme je le rappelais ci-haut, que l'article 14 de la Loi édicte des dispositions constitutives de ces définitions. Une déclaration d'inconstitutionnalité de l'une des dispositions de l'article 14 aurait-elle pour effet de donner à la Commission le pouvoir de considérer des plaintes relativement à des hypothèses non comprises dans le mandat que le Parlement lui a confié? Il faudrait pour qu'il en soit ainsi que la Loi soit vue comme attribuant à la Commission une juridiction générale devant couvrir toutes les hypothèses de discrimination non validement exclues. Ce qui n'est certes pas acquis. Le tribunal ici qu'est la Commission ne se pose pas la question de savoir s'il a juridiction pour agir, comme dans l'affaire du Séminaire de Chicoutimi c. La Cité de Chicoutimi, citée plus haut; il se demande si le Parlement n'aurait pas lui donner une juridic- tion plus étendue qui lui permettrait de recevoir des plaintes et d'y donner suite dans des hypothè- ses autres que celles définies. Et même si la Cour avait juridiction pour déterminer la question à l'occasion d'une demande sous le paragraphe 28 (1) portée à l'encontre de la décision finale de la Commission, une fois la Commission functus offi- cio, il n'en résulte pas qu'elle puisse avoir juridic- tion maintenant en vertu du paragraphe 28(4).
Ce qui me conduit à un dernier argument. C'est la Commission qui saisit la Cour sous le paragra- phe 28(4) et son geste a le même sens et la même portée que si elle intentait une action déclaratoire. Il me semble que la Commission excède les limites de son mandat et agit sans autorité ni capacité juridique lorsqu'elle se présente devant la Cour pour vérifier judiciairement la constitutionnalité des dispositions de sa loi constitutive.
Voilà donc les raisons pour lesquelles je crois moi aussi bien fondée cette requête en rejet et
suggère en conséquence qu'il soit mis fin aux procédures initiées par le renvoi de la Commission.
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Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE HUGESSEN: Nous sommes saisis d'une requête visant à mettre fin aux procédures présen- tée en vertu de l'alinéa 52a) de la Loi sur la Cour fédérale 4 à l'encontre d'un renvoi fait à la Cour par la Commission canadienne des droits de la personne en vertu du paragraphe 28(4).
Le renvoi lui-même se lit comme suit:
RENVOI
(Article 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale)
Le plaignant, Walter Rosen, a déposé une plainte en date du 16 décembre 1985 alléguant la commission d'un acte discrimina- toire par le mis-en-cause CFCF Inc. Le plaignant allègue avoir été mis à la retraite en raison de son âge contrairement aux dispositions de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Le mis-en-cause CFCF Inc. conteste les allégués de la plainte et prétend qu'aucun acte discriminatoire n'a été commis compte tenu des dispositions de l'article 14c) de la Loi cana- dienne sur les droits de la personne. Cette disposition prévoit qu'une mise à la retraite en application de la règle de la mise à la retraite en vigueur pour le genre d'emploi en litige ne constitue pas un acte discriminatoire.
Le 20 novembre 1986, la Commission canadienne des droits de la personne décidait de renvoyer la question de droit et de compétence suivante pour audition et jugement à la Cour fédérale d'appel, conformément à l'article 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale:
La Commission canadienne des droits de la personne devra- t-elle considérer inopérant l'article 14c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne en décidant de la plainte de Walter Rosen contre CFCF Inc., compte tenu des disposi tions de la Charte canadienne des droits et libertés?
Il est appuyé d'une copie certifiée de la «décision» de la Commission en date du 20 novembre 1986 rendue dans les termes suivants:
La Commission déclare:
en vertu du paragraphe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale, que la plainte (Q11191) de Walter Rosen de Montréal (Québec) contre CFCF Inc. en date du 16 décembre 1985, selon laquelle il y a eu discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi, est renvoyée devant la Cour d'appel fédérale, afin que celle-ci statue sur la constitutionnalité de l'alinéa 14c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
En prenant sa décision, la Commission a tenu compte du travail fait par la Direction de la recherche et des politiques.
4 S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10.
Je souligne tout de suite que le renvoi, à sa face même, est défectueux quant à la forme. En pre mier lieu, il n'est pas conforme au texte de la décision qui l'autorise; celle-ci prétend renvoyer devant la Cour «da plainte» (ce qui ne serait évi- demment pas possible) alors que celui-là pose une question de droit mais dans des termes purement théoriques. Qui plus est, le renvoi n'énonce aucune conclusion de fait qui permette à la Cour d'appré- cier si la question posée est réellement
... une question de droit qui doit être tranchée pour pouvoir régler l'affaire pendante devant le tribunal qui fait le renvois.
Je ne crois pas, toutefois, que nous devions accueillir la requête et mettre fin aux procédures pour ces seuls motifs d'ordre technique. En fait, il existe au dossier certains indices nous permettant de croire que, même si elle ne s'exprime pas claire- ment, la Commission, en réalité, a décidé:
a) que le plaignant, M. Rosen, a été mis à la retraite à l'âge de soixante-six ans par son employeur, CFCF Inc.;
b) que M. Rosen voulait continuer à travailler à plein temps pour son employeur;
c) que CFCF Inc. prétend avoir agi en appli- quant la règle de l'âge de la retraite en vigueur pour le genre d'emploi occupé par M. Rosen; l'employeur invoque ainsi l'exception prévue à l'alinéa 14c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne';
d) qu'aucun règlement de la plainte n'est possi ble au stade actuel;
e) que, étant d'avis que ledit alinéa 14c) est devenu inopérant suite à l'entrée en vigueur de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, elle ne ferait pas enquête sur les préten- tions de CFCF Inc. quant à l'âge de la retraite en
5 I re la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, [1973] C.F. 604, la p. 615.
6 S.C. 1976-77, chap. 33 [mod. par. S.C. 1980-81-82-83, chap. 143, art. 7].
14. Ne constituent pas des actes discriminatoires
c) le fait de mettre fin à l'emploi d'une personne en appli- quant la règle de l'âge de la retraite en vigueur pour ce genre d'emploi;
vigueur pour le genre d'emploi occupé par M. Rosen;
f) qu'elle est convaincue, abstraction faite de l'application possible de l'alinéa 14e), que le cas de M. Rosen en est un qui est visé par l'alinéa 36(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et que, par conséquent, l'examen de la plainte par un tribunal des droits de la personne serait justifié.
Cependant, même si nous tenons pour acquis que le renvoi comprend tous les éléments énoncés ci-dessus, je suis quand même d'avis qu'il ne peut pas être soumis à la Cour d'appel «pour audition et jugement» aux termes du paragraphe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale.
J'ai déjà cité l'avis du juge en chef Jackett dans l'affaire In re la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, que seules des ques tions de droit qui doivent être tranchées pour pouvoir régler l'affaire dont il est saisi peuvent être renvoyées par un tribunal devant la Cour. Dans l'arrêt Martin Service Station Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 398 (C.A.), mon collègue le juge Pratte a exprimé la même idée dans les termes suivants, aux pages 405 et 406:
Cependant, à mon avis, pour qu'une question de droit puisse valablement faire l'objet d'un renvoi en vertu de l'article 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale, il n'est pas nécessaire que la réponse, quelle qu'elle soit, que cette cour donne à la question dispose du litige dont est saisi le tribunal auteur du renvoi; il suffit que la question soit telle qu'une des réponses possibles puisse disposer de l'affaire.
Or, pour bien apprécier si l'une des réponses possibles à la question posée dans le renvoi pour- rait disposer de l'affaire d'une manière définitive, il est essentiel de comprendre le rôle que joue la Commission dans l'examen des plaintes. Ce rôle n'est pas de juger si une plainte est fondée mais plutôt d'agir comme crible, pour exclure les plain- tes manifestement mal fondées. Lorsqu'elle consi- dère qu'une plainte mérite d'être poursuivie plus à fond, la Commission peut soit essayer de promou- voir un règlement à l'amiable, soit demander que l'affaire soit examinée par un tribunal des droits de la personne, devant lequel elle agira comme poursuivant. C'est donc uniquement dans les cas elle conclut au rejet d'une plainte qu'elle est habilitée à en disposer. Dans tous les autres cas,
elle doit référer le dossier à un autre organisme. Il est d'ailleurs manifeste qu'en l'espèce la Commis sion, loin d'avoir conclu au rejet, est d'avis que la plainte n'est pas mal fondée.
Le paragraphe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale permet à la Commission de renvoyer une question devant la Cour pour «jugement». Dans le contexte de l'article 28, le mot «jugement» impli- que nécessairement que la Cour soit en mesure de statuer, en tout ou en partie, sur le fond même du litige qui a donné lieu au renvoi. Or, au présent stade des procédures, une réponse au renvoi, quelle qu'elle soit, ne pourra jamais disposer du litige dont est saisie la Commission. Si la Cour décide que l'alinéa 14c) est valide, la Commission devra alors poursuivre son enquête. Si, par contre, nous jugeons l'alinéa 14c) inopérant, la Commission devra nécessairement demander que la plainte soit examinée par un tribunal des droits de la personne, seul habilité à disposer de l'affaire.
J'en conclus que le prétendu renvoi n'est pas autorisé par l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. J'accueillerais donc la requête et j'ordon- nerais qu'il soit mis fin aux procédures de renvoi dans le présent dossier.
LE JUGE PRATTE: Je suis d'accord.
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