T-1440-86
Régis Tremblay, un détenu présentement incar-
céré à l'Unité spéciale de détention du Centre
régional de réception (requérant)
c.
Président du Tribunal disciplinaire de l'Établisse-
ment Laval
et
Marc-André Lafleur, ès qualité de directeur de
l'Établissement Laval,
et
Comité de réduction de peine méritée de l'Établis-
sement Laval,
et
Rhéa! Leblanc, Commissaire au Service correc-
tionnel (intimés) *
•
RÉPERTORIÉ: TREMBLAY C. CANADA (PRÉSIDENT, TRIBUNAL
DISCIPLINAIRE DE L'ÉTABLISSEMENT LA VAL)
Division de première instance, juge Rouleau—
Montréal, 25 mai; Ottawa, 2 juin 1987.
Pénitenciers — Réduction méritée de peine et transfert en
U.S.D. — Détenu accusé d'être en possession de contrebande
relativement à un acte d'agression armée contre un autre
détenu — La décision par laquelle le Tribunal disciplinaire a
condamné le requérant à trente jours d'isolement cellulaire
punitif a été annulée pour avoir refusé le droit d'être repré-
senté par avocat — Demande sous le régime de la Règle 337(5)
pour faire compléter l'ordonnance antérieure et statuer sur I)
la demande d'annulation de la décision par laquelle le Comité
des réductions méritées de peines a refusé d'attribuer dix jours
de réduction méritée de peine; 2) la demande d'annulation de
la décision par laquelle le Commissaire au Service correction-
nel a transféré le requérant en U.S.D. — La décision du
Comité des réductions méritées de peines est invalide parce
qu'elle découle de la décision du président elle-même invalide
— Le transfèrement en U.S.D. est valide parce que la procé-
dure n'est nullement viciée — Le transfèrement doit être
examiné indépendamment de la décision du Tribunal discipli-
naire — Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, art.
337(5).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
La Reine c. Miller, [ 1985] 2 R.C.S. 613.
* Note de l'arrêtiste: voir également [1987] 3 C.F. 73
DÉCISIONS CITÉES:
Howard c. Établissement de Stony Mountain, [1984] 2
C.F. 642; (1985), 57 N.R. 380 (C.A.); Cardinal et autre
c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S.
643.
AVOCATS:
Lucie Lemonde pour le requérant.
David Lucas pour les intimés.
PROCUREURS:
Daignault & Lemonde, Montréal, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran-
çais par
LE JUGE ROULEAU: Le 9 avril 1987, je signais
l'ordonnance suivante:
La requête en vue d'obtenir un bref de certiorari
est accueillie avec dépens.
Par requête faite suivant la Règle 337(5)
[Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap 663], le
procureur des intimés me prie de statuer (1) sur la
demande du requérant quant à l'annulation de la
décision du Comité des réductions méritées de
peine de ne pas créditer le requérant de dix (10)
jours de réduction méritée de peine; (2) sur la
demande du requérant quant à l'annulation de la
décision du Commissaire au Service correctionnel
de transférer le requérant en U.S.D. Selon le
savant procureur, les termes du prononcé de l'or-
donnance du 9 avril 1987 étaient incomplets, en ce
sens qu'ils ne traitaient finalement que de l'annula-
tion de la décision du Président du Tribunal
disciplinaire.
Force m'est de reconnaître que lesdits termes du
prononcé de l'ordonnance en question sont incom-
plets et qu'il m'appartient maintenant de les
compléter.
Selon les procureurs au dossier, il y aurait eu
erreur dans la rédaction de l'affidavit de Régis
Tremblay soumis à l'appui de sa requête en certio-
rari. En effet, une pièce faisant état d'une perte de
réduction méritée de peine ("bon temps") en liasse
à son affidavit aurait été déposée et produite au
dossier par mégarde à la place d'un autre avis
mensuel de réduction de peine faisant cette fois
référence à la perte de "bon temps" occasionnée
par un rapport d'infraction intermédiaire et un
isolement punitif auquel a été condamné le requé-
rant par le Tribunal disciplinaire suite aux événe-
ments du 29 novembre 1985. Il appert, toujours
suivant les procureurs que, de consentement, cette
pièce aurait été produite à l'audience et que cela
m'aurait échappé lors de la rédaction des motifs de
l'ordonnance ci-devant remise en question. Ainsi
donc il m'échet maintenant de rendre la décision
que j'aurais dû rendre le 9 avril 1987.
1) Quant à l'annulation de la décision du Comité des réduc-
tions méritées de peine de ne pas attribuer dix (10) jours
de remise de peine du requérant.
Il faut se rappeler que dans Howard c. Établis-
sement Stony Mountain, [1984] 2 C.F. 642;
(1985), 57 N.R. 380 (C.A.)', il a été établi que le
refus du président du Tribunal disciplinaire de
permettre la présence du procureur du détenu
équivalait, dans les circonstances de l'espèce, à la
négation pour le détenu de son droit à une audition
équitable (en anglais, «a denial of his right to a
fair hearing»). Or justement, la Cour suprême a
conclu dans l'affaire Cardinal et autre c. Directeur
de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, [à la
page 661], que «la négation du droit à une audition
équitable doit toujours rendre une décision inva-
lide». Ainsi, la décision du président du Tribunal
disciplinaire étant dans notre cas annulée pour
cause de manquement à ce droit qualifié par la
Cour suprême de «distinct et absolu»; il s'ensuit
donc que la décision du Comité des réductions
méritées de peines est également nulle parce
qu'elle découle, dans les circonstances présentes,
de la décision du président du Tribunal discipli-
naire elle-même nulle ou invalide.
2) Quant à l'annulation de la décision du Commissaire au
Service correctionnel de transférer le requérant en U.S.D.
Suivant la preuve qui a été faite devant moi lors
de l'instruction de l'affaire et suivant une étude
attentive du dossier et des pièces qui y sont jointes,
j'en arrive à la conclusion que le requérant ne m'a
pas convaincu que la procédure entourant son
transfert était d'une quelconque façon viciée.
Il faut bien comprendre ici que le transfert du
requérant en U.S.D. ne dépendait pas de l'issu du
procès devant le président du Tribunal discipli-
naire, mais procédait des événements qui ont eu
' Présentement devant la Cour suprême du Canada.
lieu le 29 novembre 1985. Conformément à la
Directive du commissaire n° 800-4-04.1, l'autorité
compétente possède, pour faire face à des situa
tions exceptionnelles comme celle-là où des déte-
nus réputés particulièrement dangereux peuvent
nuire au maintien du bon ordre et de la discipline
au sein de l'établissement, le pouvoir de transférer
lesdits détenus en U.S.D. Dans La Reine c. Miller,
[1985] 2 R.C.S. 613, la Cour suprême a reconnu
que l'incarcération dans une U.S.D. constitue une
détention distincte qui est censée avoir son propre
fondement juridique. C'est donc dire que le trans-
fèrement en U.S.D. doit être examiné indépen-
damment de la décision du Tribunal disciplinaire
(par ailleurs cassée).
Tout comme en matière de ségrégation adminis
trative ou punitive, le détenu doit, avant d'être
transféré en U.S.D., être mis au courant du motif
ou des motifs de la décision relative à l'isolement
et on doit lui donner la possibilité de faire valoir
son point de vue. Ces exigences ont été respectées
en l'espèce et je serais donc d'avis de ne pas casser
la décision du Commissaire de transférer le requé-
rant en U.S.D.
En guise de conclusion, j'ajouterais qu'il n'y a
plus lieu de suspendre l'effet de l'ordonnance du 9
avril 1987, tel que l'avait ordonné en l'espèce mon
collègue le juge Pinard, en attendant la décision de
la Cour d'appel dans la présente affaire.
La requête des intimés suivant la Règle 337(5)
est accordée, mais sans frais.
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