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SCRS 66-85
Harjit Singh Atwal (requérant)
c.
La Reine (intimée)
RÉPERTORIÉ: ATWAL c. CANADA
Le juge Heald—Ottawa, 11 septembre et 1" octo- bre 1987.
Renseignement de sécurité Mandat d'interception de communications et de perquisition Annulation du mandat pour insuffisance de l'affidavit justificatif et étant donné le consentement exprès de l'intimée A l'audition, demande de divulgation de l'affidavit L'annulation du mandat rend la divulgation superflue La demande de divulgation de l'affi- davit n'est pas la même chose que la requête en annulation du mandat La demande de divulgation devrait être adressée à la Division de première instance pour être jugée par un juge nommé à cette division, et non à un juge de la Cour d'appel agissant comme juge de la Division de première instance.
Juges et tribunaux Compétence de la Cour fédérale en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (Loi sur le SCRS) A l'audience au cours de laquelle a été annulé le mandat d'interception de communica tions et de perquisition, on a présenté une requête tendant à la divulgation de l'affidavit justificatif La divulgation n'est plus nécessaire aux fins de la requête visant l'annulation du mandat La demande de divulgation est autre chose que la requête en annulation, et doit être adressée à la Division de première instance et être jugée par un juge nommé à cette division, et non par un juge de la Cour d'appel agissant comme juge de la Division de première instance aux fins de la Loi sur le SCRS Permettre que des demandes de communication de documents relevant de la compétence d'une division soient faites à l'autre division, constituerait une pratique de nature à semer le désordre dans les travaux des deux divisions.
La Cour d'appel fédérale a annulé le jugement par lequel le juge Heald, qui agissait sous le régime de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (Loi sur le SCRS), refusait d'annuler un mandat d'interception de communications et de perquisition décerné en vertu de l'article 21 de cette Loi. L'affaire a été renvoyée devant le juge au motif qu'il avait commis une erreur de droit en refusant d'ordonner la produc tion de l'affidavit déposé à l'appui du mandat après suppression de tout renseignement qu'il y avait lieu de tenir secret. Au cours de l'audition subséquente devant le juge Heald, l'intimée a avisé la Cour que des erreurs sérieuses et considérables avaient été relevées dans l'affidavit justificatif et que, en consé- quence, les preuves étaient insuffisantes pour justifier la déli- vrance d'un mandat.
Le principal point litigieux procède toutefois de la demande de communication de l'affidavit justificatif faite par le requé- rant à l'audience.
Arrêt: le mandat devrait être annulé et la demande de communication de l'affidavit devrait être rejetée.
Puisqu'il est bien établi que le juge qui rend une ordonnance ex parte est habilité à l'annuler, et vu les aveux de l'intimée et son consentement exprès, le mandat est annulé.
La demande de communication est rejetée car l'affidavit n'est plus nécessaire à l'obtention de ce qui faisait initialement l'objet de cette procédure: l'annulation du mandat. Cela a été accordé. Ce que l'on demande actuellement va tout à fait au-delà de la requête en annulation fondée sur la Règle 330. Il importe peu que l'affidavit puisse être utile au requérant dans des procédures civiles ou criminelles.
Il est vrai qu'un juge nommé à la Cour d'appel, comme c'est le cas en l'espèce, est membre de droit de la Division de première instance, et vice versa. Il est également vrai qu'un juge de la Cour d'appel qui décerne un mandat en vertu de la Loi sur le SCRS agit en qualité de juge de la Division de première instance. Cela ne signifie cependant pas que l'on doive s'attendre à ce qu'un juge de la Cour d'appel puisse être requis d'exercer d'une façon générale un contrôle inhérent sur des documents de la Cour qui relèvent de la Division de première instance, alors qu'un tel acte n'est ni accessoire ni complémen- taire aux pouvoirs exercés en vertu de la Loi sur le SCRS. Une telle demande devrait s'adresser à un juge nommé à la Division de première instance. Permettre que des demandes de commu nication de documents relevant de la compétence d'une division soient faites de façon coutumière aux juges de l'autre division, ce serait semer le désordre dans les travaux des deux divisions de la Cour.
Pour conclure, la demande de divulgation de l'affidavit n'a pas été régulièrement soumise à la Cour. Elle aurait da être faite, et elle peut l'être encore, par voie d'avis de requête distinct, accompagné des pièces justificatives nécessaires, con- formément à la Règle 319.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 8.
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 5(1)c) (mod. par S.C. 1985, chap. 38, art. I1), 26(1).
Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E- I0, art. 36.2 (ajouté par S.C. 1980-8I-82-83, chap. Ill, art. 4).
Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, S.C. 1984, chap. 21, art. 21.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 319, 330 (mod. par DORS/79-58, art.l).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594; Dickie v. Woodworth (1883), 8 S.C.R. 192.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Procureur général de la Nouvelle-Écosse et autre c. Maclntyre, [1982] 1 R.C.S. 175; 65 C.C.C. (2d) 129.
AVOCATS:
Michael Code pour le requérant. John H. Sims, c.r. pour l'intimée.
PROCUREURS:
Ruby & Edwardh, Toronto, pour le requé- rant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Les présents motifs ont trait à la continuation, le 11 septembre 1987, de la demande présentée en l'espèce conformément à la Règle 330 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663 (mod. par DORS/79-58, art. 1)], par laquelle le requérant recherchait une ordonnance annulant le mandat que j'ai décerné le 26 juillet 1985 en application de l'article 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, S.C. 1984, chap. 21. L'affidavit déposé à l'appui de la demande de mandat avait été souscrit par Archie M. Barr le 18 juillet 1985 (l'affidavit Barr). La présente demande d'annulation avait d'abord été plaidée devant moi les 26 et 27 mars 1987; je l'ai rejetée par jugement en date du 30 avril 1987 [[1987] 2 C.F. 309].
Par jugement en date du 12 août 1987 [1988] 1 C.F. 107], la Cour d'appel fédérale annulait le jugement par lequel j'avais refusé d'annuler le mandat contesté en l'espèce, et elle me renvoyait l'affaire pour que je continue l'audience de la demande d'annulation «en tenant pour acquis que c'était une erreur de droit que de refuser la pro duction de l'affidavit d'Archie M. Barr, mentionné dans les considérants dudit mandat, après y avoir retiré tout ce qui est susceptible de permettre l'identification de toute personne visée aux alinéas 18(1)a) et/ou b) de la Loi sur le Service canadien de renseignement de sécurité.»
L'audience du 11 septembre 1987 a été prévue comme la continuation de la demande d'annula- tion du mandat contesté conformément au juge- ment susmentionné de la Cour fédérale du
Canada. Avant l'audience du 11 septembre, l'avo- cat de l'intimée avait laissé savoir au greffe qu'il entendait s'opposer à la divulgation de l'affidavit Barr en vertu des dispositions de l'article 36.2 de la Loi sur la preuve au Canada [S.R.C. 1970, chap. E-10 (ajouté par S.C. 198 . 0-81-82-83, chap. 111, art. 4)].
Cependant, lorsque l'audience a débuté le 11 septembre, l'avocat de l'intimée n'a pas donné suite à l'intention qu'il avait exprimée. Il a, au contraire, avisé la Cour que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) avait découvert dans l'affidavit Barr des erreurs sérieuses et consi- dérables. Étant donné ces erreurs, les éléments de preuve étaient insuffisants, à son avis, pour justi- fier la délivrance d'un mandat. En conséquence, l'avocat de l'intimée s'est montré d'accord avec l'avocat du requérant pour dire que le mandat décerné le 26 juillet 1985 contre le requérant devrait être annulé.
À l'appui de sa position, l'avocat de l'intimée a déposé l'affidavit de Francis Elmer Saunders, souscrit le 11 septembre 1987 (l'affidavit Saun- ders). M. Saunders est le directeur général régio- nal du SCRS pour la région de Toronto. Le 27 août 1987, M. T. D. Finn (alors le directeur du SCRS) l'avait chargé de la tenue immédiate d'une enquête visant à établir, notamment, si des rensei- gnements qui figuraient dans l'affidavit Barr étaient peu fiables ou inexacts; si tel était le cas, M. Saunders devait déterminer comment et pour- quoi de telles erreurs avaient été commises. Ce dernier a déposé qu'à la suite de son enquête, il a pu constater qu'en quatre circonstances, l'affidavit Barr contenait des déclarations de faits inexactes ou qui ne pouvaient pas être confirmées par les renseignements connus du SCRS lorsqu'a été sous- crit l'affidavit Barr, le 18 juillet 1985. M. Saun- ders a aussi déposé que le groupe du SCRS chargé de la vérification interne a trouvé dans l'affidavit Barr deux autres déclarations non confirmées.
J'ai lu de nouveau l'affidavit Barr tel qu'il a été déposé à l'origine à l'appui de la demande d'obten- tion d'un mandat. Je l'ai aussi lu en y retirant les renseignements attaqués, désignés dans l'affidavit Saunders. L'avocat de l'intimée a déclaré que M. Finn lui a demandé d'aviser la Cour qu'il n'y aurait jamais eu de demande de mandat sur le fondement des autres faits exposés dans l'affidavit
et qui n'ont pas été déclarés inexacts ou non prouvés. Je suis aussi d'avis que l'affidavit Barr, sans les renseignements litigieux, ne suffirait vrai- semblablement pas à justifier la délivrance d'un mandat conformément à l'article 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.
En conséquence de ce qui précède, et étant donné le consentement exprès de l'intimée, je me propose d'annuler le mandat en question. La juris prudence dit clairement que j'ai la compétence nécessaire pour le faire. Dans l'arrêt Wilson c. La Reine, ([1983] 2 R.C.S. 594), le juge McIntyre, qui s'exprimait au nom d'une majorité de la Cour, a cité en l'approuvant l'arrêt Dickie v. Woodworth (1883), 8 S.C.R. 192, dans lequel le juge en chef Ritchie disait à la page 195:
[TRADUCTION] Le juge de première instance ayant rendu une ordonnance ex parte, il avait pleinement compétence pour l'annuler du moment qu'on lui prouvait qu'elle n'aurait pas être accordée et, une fois annulée, c'était comme si elle n'avait jamais été accordée ...
Le requérant a aussi droit aux frais de sa demande d'annulation présentée conformément à la Règle 330 sur la base des frais entre parties.
Avant la fin de l'audience du 11 septembre 1987, l'avocat du requérant m'a demandé d'ordon- ner au greffe de cette Cour de lui donner commu nication de l'affidavit Barr. J'ai exprimé des doutes sur le caractère régulier qu'aurait une telle mesure prise dans le cadre de la présente procé- dure. Puisque l'avocat de l'intimée s'est opposé à la demande du requérant, j'ai remis à plus tard mon jugement sur la forme que devrait prendre l'ordon- nance demandée, et j'ai autorisé les deux parties à déposer des observations écrites à l'égard de cette demande présentée par l'avocat du requérant.
Il ressort clairement des observations écrites déposées par les avocats que, le 15 septembre 1987, la Cour suprême de la Colombie-Britanni- que a suspendu les procédures engagées contre le présent requérant et huit autres personnes accusées d'avoir comploté d'assassiner Malkiat Singh Sidhu. On a dit que le fondement de la suspension était la concession faite pour le compte de la Couronne que la preuve relative au complot captée au moyen de l'écoute électronique et obtenue en vertu du mandat contesté en l'espèce serait inad missible au procès. Il est aussi évident que le requérant, qui avait été emprisonné en attendant le procès, est maintenant en liberté.
On avance toutefois que le requérant doit avoir communication de l'affidavit Barr:
a) pour que son avocat puisse le conseiller relati- vement à une éventuelle action civile;
b) pour mieux se défendre contre les accusations au criminel portées contre lui et dont est encore saisie la Cour suprême de la Colombie-Britannique (selon son avocat, ces accusations sont susceptibles d'être portées de nouveau dans les douze mois qui suivent la suspension des procédures).
L'avocat du requérant s'appuie sur l'arrêt Macln- lyre' aussi bien que sur les commentaires du juge Mahoney à la page 41 des motifs qu'il a rendus pour une majorité de la Cour d'appel fédérale dans la présente affaire:
L'intérêt du public dans l'administration de la justice doit, il me semble, invariablement favoriser la transparence de toutes les procédures judiciaires.
Selon l'avocat du requérant, je devrais suivre les directives de la Cour d'appel fédérale et ordonner la divulgation de l'affidavit Barr dans le cadre de la présente procédure.
Pour établir la validité de cet argument, je crois nécessaire de ne pas perdre de vue le contexte dans lequel la Cour d'appel fédérale a donné les directi ves précitées. Dans sa requête originale concluant à l'annulation du mandat conformément à la Règle 330, le requérant s'appuyait sur trois motifs géné- raux pour s'opposer au mandat litigieux. Tout d'abord, celui-ci serait invalide à sa lecture même parce qu'il ne satisferait pas aux conditions relati ves à la délivrance d'un mandat, exposées à l'arti- cle 21 de la Loi sur le Service canadien du rensei- gnement de sécurité. Ensuite, et subsidiairement, si l'on tient pour acquis le respect de l'article 21, le mandat serait invalide à sa lecture même parce que les normes minimales visant les fouilles, les perquisitions et les saisies non abusives ne seraient pas respectées, en violation de l'article 8 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Enfin, à défaut par la
' Procureur général de la Nouvelle-Écosse et autre c.
Mactntyre, [ 19821 1 R.C.S. 175, la p. 180; 65 C.C.C. (2d)
129, la p. 142, motifs du juge Dickson (tel était alors son
titre).
Cour d'accepter l'un ou l'autre des arguments qui précèdent, un examen plus poussé du mandat révé- lerait son invalidité parce que l'affidavit déposé à l'appui ne justifierait pas sa délivrance. La produc tion de l'affidavit justificatif à des fins d'examen par le requérant est essentielle à cet argument et elle constitue une condition préalable à sa formulation.
Si je comprends bien les motifs de la majorité de la Cour d'appel fédérale, les premier et second motifs d'appel ont été rejetés. Cependant, la Cour a trouvé bien fondé le troisième motif et elle a conclu que l'affidavit Barr devrait être produit, sous réserve de certaines exceptions précisées dans l'ordonnance de la Cour.
À mon sens, il est évident que les motifs sur lesquels le juge Mahoney a fondé sa décision doi- vent être interprétés en tenant compte du contexte des procédures devant la Cour. La Cour d'appel était saisie d'un appel interjeté contre la décision par laquelle je refusais d'annuler, conformément à la Règle 330, le mandat de perquisition litigieux. L'ordonnance de la Cour d'appel aurait pour effet de permettre à l'avocat du requérant de prendre connaissance de l'affidavit justificatif de façon à appuyer son argument ayant trait à l'invalidité du mandat révélée par un examen plus poussé de ce document. Cependant, puisque le mandat en ques tion va être annulé, le requérant n'a plus besoin de prendre connaissance de l'affidavit Barr de façon à étayer son argument fondé sur l'invalidité du mandat révélée par un examen plus poussé de ce document, ou de façon à appuyer quelqu'autre argument que ce soit. L'avis de requête que le requérant a déposé aux présentes le 20 mars 1987 ne demandait qu'une ordonnance annulant le mandat que j'ai décerné le 26 juillet 1985. Le requérant obtiendra intégralement le redressement recherché dans son avis de requête. Ce qu'il veut maintenant obtenir va tout à fait au-delà de la requête en annulation fondée sur la Règle 330.
Cependant, l'avocat du requérant a avancé que puisque j'avais été saisi de la demande alors que j'agissais à titre de juge de la Division de première instance, je possédais la compétence et le pouvoir inhérents de rendre une ordonnance enjoignant au greffe de communiquer l'affidavit Barr au requé- rant, et que je devrais le faire en conformité avec l'arrêt Maclntyre et les directives de la Cour fédé-
rale en l'espèce. Pour ce qui est de l'ordonnance de la Cour d'appel, j'estime, pour les motifs susmen- tionnés, que les directives qu'elle contient ont été données dans le contexte de la procédure dont la Cour était saisie, c'est-à-dire la requête fondée sur la Règle 330. Je ne suis pas saisi actuellement, pas plus que je ne l'ai été à l'origine, d'une requête adressée à la Division de première instance visant à obtenir une ordonnance qui enjoindrait au greffe de donner communication d'un dossier rendu secret en vertu des dispositions de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Dans le cours normal des choses, une telle requête serait faite à la Division de première instance et elle serait jugée par un juge nommé à la Division de première instance. En outre, dans le cours normal des choses, cette requête devrait être appuyée par un affidavit.
Pour ce qui est de l'affaire Maclntyre, précitée, le requérant dans cette espèce était un journaliste qui s'était adressé à la Division de première ins tance de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse pour obtenir une ordonnance sous forme de man- damus ou de jugement déclaratoire portant qu'il avait le droit d'examiner des mandats de perquisi- tion et les renseignements sur la foi desquels ils avaient été décernés, après que le préposé au greffe lui en eut refusé l'accès. Comme je l'ai dit plus haut, j'estime qu'il y aurait eu lieu de suivre la même procédure en l'espèce.
Il est vrai qu'en ma qualité de juge nommé à la Cour d'appel, je suis membre de droit de la Divi sion de première instance en vertu de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10 (mod. par S.C. 1985, chap. 38, art. 11)]. Il est également vrai, en vertu du même alinéa, que les juges nommés à la Division de première instance sont membres de droit de la Cour d'appel. Cela ne signifie cependant pas que dans la conduite efficiente et ordonnée des affaires des deux Divisions de la Cour, on doit s'attendre à ce que les juges nommés à une Division exercent leur compétence dans l'autre Division de façon habituelle et normale. Le juge Mahoney, qui s'ex- primait en l'espèce au nom d'une majorité de la Cour d'appel fédérale, a dit à la page 9 (A-339-87, le 12 août 1987):
J'estime qu'un juge désigné par le juge en chef pour les fins de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité
agit en qualité de juge de la Cour fédérale lorsqu'il exerce les fonctions prévues à cette Loi. [C'est moi qui souligne.]
Il a ajouté que conformément au paragraphe 26(1) de la Loi sur la Cour fédérale, la compétence en première instance conférée par la Loi est accordée à la Division de première instance.
Conséquemment, il est clair que j'agissais en qualité de juge de la Division de première instance lorsque j'exerçais les fonctions prévues à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Toutefois, ce que l'on me demande ici, c'est d'exer- cer d'une façon générale un contrôle inhérent sur des documents de la Cour, et non de faire un acte accessoire ou complémentaire aux pouvoirs que j'exerce en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. C'est à un juge nommé à la Division de première instance que devrait s'adresser la demande d'exercice d'un tel pouvoir inhérent. Si ce n'était pas le cas, une demande normalement adressée à la Cour d'appel fédérale à l'égard de la communication de docu ments relevant de sa compétence et sous son con- trôle pourrait, par exemple, être faite de façon coutumière à un juge de la Division de première instance puisqu'il est, de droit, membre de la Cour d'appel fédérale. Une telle proposition n'est évi- demment pas pratique et elle est de nature à semer le désordre dans les travaux des deux Divisions de la Cour.
En conséquence, et pour les motifs exposés plus haut, je refuse d'exercer la compétence qui peut être la mienne en ma qualité de juge de droit de la Division de première instance pour accueillir la demande du requérant relativement à l'affidavit Barr. Mises à part toutes autres considérations, l'affaire ne m'a pas été régulièrement soumise par voie d'avis de requête distinct, accompagné des pièces justificatives nécessaires conformément à la Règle 319. Si le requérant estime encore néces- saire la communication de l'affidavit Barr, je ne vois rien qui pourrait l'empêcher d'adresser une demande à la Division de première instance.
Donc, pour conclure, la demande fondée sur la Règle 330 qui vise à obtenir une ordonnance annu- lant le mandat que j'ai décerné dans la présente affaire le 26 juillet 1985 est accueillie, et ledit mandat est annulé avec frais payables au requé- rant par l'intimée sur la base des frais entre parties.
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