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T-1928-83 T-2098-83
London Life Insurance Company (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: LONDON LIFE INSURANCE CO. C. CANADA
Division de première instance, juge Martin— Toronto, 21 avril 1986; Ottawa, 29 juin 1987.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Une compagnie d'assurance-vie canadienne a étendu ses acti- vités aux Bermudes S'agit-il de l'exploitation d'une entre- prise hors du Canada? Seulement deux polices ont été délivrées Le pouvoir du mandataire est limité Endroit de la conclusion des contrats Endroit de la réalisation des bénéfices Définitions législatives de l'expression «exploiter une entreprise» La demanderesse a exploité une entreprise aux Bermudes quel que soit le critère La contribuable a vendu à une filiale l'excédent de sa capacité informatique Les recettes en découlant constituent-elles un revenu ou une réduction de dépenses? La contribuable a besoin de cette capacité excédentaire lorsque les demandes adressées à son entreprise sont à leur maximum L'appel de la contribuable est accueilli à ces deux égards.
Assurance En 1976, une compagnie d'assurance-vie canadienne a étendu ses activités aux Bermudes Traitement fiscal spécial spécial réservé à l'époque par la Partie XII de la Loi de l'impôt sur le revenu aux compagnies d'assurance exploitant leur entreprise hors du Canada L'assureur a-t-il exploité une entreprise aux Bermudes? Examen des obliga tions d'agents d'assurance Un mandataire peut engager la responsabilité de l'assureur quant à la protection provisoire La conclusion du contrat par la livraison d'une police n'est pas une simple formalité Le mandataire doit examiner si l'assurabilité du proposant a changé Condition préalable à conclusion du contrat Condition essentielle pour protéger l'entreprise de l'assureur.
Mandat Agents d'assurance Mandataire aux Bermu- des d'une compagnie d'assurance-vie canadienne Pouvoir limité Décision consistant à examiner s'il y a !lei' d'accepter des propositions d'assurance faites au Canada Polices délivrées au Canada Mandataire ayant le pouvoir d'engager la responsabilité de l'assureur quant à la protection provisoire La conclusion du contrat par la livraison d'une police n'est pas une simple formalité L'obligation du mandataire de confirmer l'assurabilité du proposant est une condition préala- ble à la conclusion du contrat Discussion des obligations des agents d'assurance L'assureur a exploité une entreprise aux Bermudes.
Le présent appel, formé contre une nouvelle cotisation établie pour l'année d'imposition 1976 de la demanderesse, a soulevé deux questions entièrement distinctes. (1) Un impôt supplémen- taire a été fixé pour la demanderesse parce qu'elle n'avait pas exploité une entreprise d'assurance hors du Canada; (2) pour l'impôt supplémentaire, le ministre a établi une nouvelle cotisa-
tion sous le régime de la Partie XII de la Loi de l'impôt sur le revenu (maintenant abrogée) en considérant le revenu reçu d'une filiale, Lonlife Data Services, comme une réduction de dépenses plutôt que comme un revenu reçu.
(1) En 1976, la demanderesse a pris des mesures pour étendre ses activités aux Bermudes. La défenderesse a toutefois soutenu que le pouvoir du mandataire de la demanderesse était si limité que celle-ci n'exploitait pas réellement une entreprise aux Bermudes. Le mandataire pouvait solliciter des proposi tions de polices d'assurance, recevoir les primes et tirer des chèques pour payer les commissions, les droits de timbre, etc. Seulement deux polices d'assurance-vie ont été délivrées en 1976 à des résidents des Bermudes. S'appuyant sur le critère dégagé dans l'affaire Smidth & Co. v. Greenwood selon lequel l'endroit une entreprise est exploitée est se déroulent les opérations qui génèrent les bénéfices, la défenderesse a précisé les activités qui ont généré les bénéfices tirés des polices souscrites aux Bermudes, savoir la souscription et le contrôle financier, ces deux activités ayant eu lieu au Canada. La défenderesse a cité l'affaire Grainger & Son v. Gough pour étayer l'idée que le simple fait pour un mandataire aux Bermu- des de solliciter des propositions d'assurance ne permet pas d'établir que la demanderesse y a exploité son entreprise.
(2) La demanderesse avait une capacité excédentaire dans son matériel informatique, et elle l'a vendue à une filiale. Les frais constituaient un pourcentage de certaines dépenses réelles et fictives engagées par la demanderesse pour faire fonctionner l'ordinateur. Bien que la demanderesse n'ait indiqué aucun bénéfice ni aucune perte pour les fins de ses exigences compta- bles en matière d'assurance en 1976, elle a déclaré comme revenu les recettes qu'elle a reçues de sa filiale, et elle a déduit toutes les dépenses. La défenderesse a rejeté les déductions au motif que les sommes reçues de la filiale étaient des dépenses d'exploitation engagées pour le compte de celle-ci et dont la demanderesse a été remboursée; et même si ces sommes étaient un revenu provenant de la vente de l'excédent de la capacité informatique, il s'agissait d'un revenu tiré d'une entreprise autre que l'entreprise d'assurance.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
(I) Le mandataire de la demanderesse pouvait engager sa responsabilité quant à la protection provisoire et ce contrat, comme le contrat représenté par la police elle-même, a été conclu aux Bermudes: Zurich Life Insurance Co. of Canada v. Davies et Matchett v. London Life Ins. Co. Toutefois, la simple conclusion de ces contrats par l'acceptation d'une proposition ou la livraison d'une police ne tranche pas à elle seule la question.
D'après la demanderesse, il faudrait tenir compte de l'article 253 de la Loi de l'impôt sur le revenu et du paragraphe 2(1) de la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et britanni- ques pour déterminer si la demanderesse a exploité une entre- prise aux Bermudes. L'article 253, qui considère certains non- résidents comme ayant exploité une entreprise au Canada, et le paragraphe 2(1) de la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et britanniques, qui définit les «opérations d'assu- rance» comme tout acte d'incitation à conclure un contrat d'assurance, sont de peu d'utilité. L'article 253 est une disposi tion déterminative qui étend l'expression «exploiter une entre- prise» au-delà du sens généralement accepté. La définition de l'exploitation d'une entreprise d'assurance au Canada vise les
fins de cette législation canadienne particulière. Ces disposi tions législatives ne visent pas à définir ce qui constitue l'exploi- tation d'une entreprise d'assurance hors du Canada par un résident canadien.
Les affaires Smidth & Co. et Grainger & Son ont interprété une expression utilisée dans la législation fiscale du Royaume- Uni, laquelle expression est tout à fait différente de celle utilisée dans la législation canadienne. En conséquence, le critère des «bénéfices. invoqué par la défenderesse n'est pas déterminant.
Bien que les arguments quant à l'endroit les contrats sont conclus et les bénéfices sont réalisés, et les définitions législati- ves ne tranchent pas le point litigieux, on devait en tenir compte dans une certaine mesure. Aucun de ces arguments considéré en lui-même n'est concluant. Mais les opérations aux Bermudes relevaient des paramètres de toutes les trois méthodes proposées pour trancher la question, et il y a lieu de conclure que la demanderesse a effectivement exploité une entreprise aux Ber- mudes en 1976.
Les contrats d'assurance ont été conclus aux Bermudes. Certes, la conclusion de la police écrite par la livraison de la police elle-même était une simple formalité; mais l'obligation du mandataire de s'assurer qu'il n'y avait eu aucun changement sensible quant à l'assurabilité du proposant avant qu'il ne délivre la police n'est nullement une simple formalité. Il s'agit d'une condition importante préalable à la conclusion du con- trat, et d'un acte qui s'impose pour protéger l'entreprise de la demanderesse.
Il se peut qu'une nouvelle entreprise ne réalise aucun béné- fice, mais elle continue quand même d'être exploitée. Comme aucun bénéfice n'a découlé des opérations aux Bermudes en 1976, la question se ramène à la question de savoir s'il y avait une expectative raisonnable de profit. Un agent d'assurance sollicite l'assurance, perçoit les primes, fait connaître diverses polices, remplit les propositions, prend des arrangemens en vue des examens médicaux, engage la responsabilité de la compa- gnie quant à la protection provisoire et conclut le contrat en délivrant la police après s'être assuré qu'il n'y a pas eu de changement important concernant le risque. C'est de ces activi- tés exercées par l'entremise de son mandataire aux Bermudes que la demanderesse espérait tirer des bénéfices au fur et à mesure de l'expansion de l'entreprise. Le fait que seulement deux polices aient été délivrées a peu d'importance. Compte tenu de ce critère, la demanderesse a exploité une entreprise aux Bermudes.
En dernier lieu, les diverses définitions d'«entreprise d'assu- rance. ont ceci de commun: le fait d'inciter des personnes à conclure des contrats d'assurance. L'entreprise d'une compa- gnie d'assurance consiste à vendre de l'assurance, et la compa- gnie l'exploite par l'entremise de ses vendeurs. La demande- resse incite, par l'entremise de son agent aux Bermudes, les résidents de ce pays à conclure des contrats d'assurance. En conséquence, elle a exploité une entreprise aux Bermudes si le critère «législatif. devait s'appliquer.
(2) La défenderesse a soutenu que les sommes reçues de la filiale ne constituent pas un revenu parce que l'accord avait été conclu sur la base aucun bénéfice/aucune perte. L'accord «aucun bénéfice/aucun perte. portait sur la façon dont la demanderesse devait tenir sa comptabilité à l'intention du surintendant des assurances.
C'est à juste titre que le revenu a été qualifié de revenu tiré d'une entreprise. Pratiquement, toutes les dépenses (salaires, entretien et réparation du matériel) qui composaient les frais annuels, auraient été engagées sans cet accord avec la filiale. D'autres dépenses composant une partie des frais (loyers, coûts d'amortissement) n'ont pas été faites par la demanderesse et ne sauraient donc être considérées comme des dépenses rembour- sées. La demanderesse a engagé les dépenses pour son propre compte et non pour le compte de la filiale.
Les dépenses ont été engagées par la demanderesse pour l'exploitation de son entreprise d'assurance, et elles étaient donc déductibles sous le régime du paragraphe 209(2). Elles sont liées à l'exploitation de son ordinateur qui fait partie de ses activités d'assurance-vie. La demanderesse devait avoir cette capacité excédentaire pour répondre aux demandes de ses clients en période de pointe.
Les dépenses ont été allouées en vertu de la Partie I, mais en exigeant de la demanderesse qu'elle dépose les chiffres nets de son revenu et de ses dépenses sous le régime de la Partie X11, on les a en fait rejetées. Les motifs de jugement prononcés par le juge Joyal dans l'affaire The Excelsior Life Insurance Company c. La Reine (1985), 85 DTC 5164 appuient l'argu- ment selon lequel la défenderesse n'est pas autorisée à rejeter ces dépenses.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 138(9) (mod. par S.C. 1973, chap. 14, art. 47), 209(2) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 117), 253.
Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et bri- tanniques, S.R.C. 1970, chap. 1-15, art. 2(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Zurich du Canada Cie d'assurance-vie c. Davies, [1981] 2 R.C.S. 670; Matchett v. London Life Ins. Co. (1985), 14 C.C.L.I. 89 (C.A. Sask.); The Excelsior Life Insu rance Company c. La Reine (1985), 85 DTC 5164 (C.F. 1f 0 inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Smidth & Co. v. Greenwood, [1921] 3 K.B. 583 (C.A.);
Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325 (H.L.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Cutlers Guild Limited c. Ministre du Revenu national (1981), 81 DTC 5093 (C.F. l' inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Firestone Tyre and Rubber Co. Ltd. (as agents for Firestone Tire and Rubber Co. of Akron in the United States of America) v. Lewellin (Inspector of Taxes), [1957] I All E.R. 561 (H.L.); Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480.
AVOCATS:
David A. Ward, c.r. et Colin Campbell pour
la demanderesse.
L. P. Chambers, c.r. pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Davies, Ward and Beck, Toronto, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARTIN: La demanderesse London Life Insurance Company interjette appel de la nouvelle cotisation établie le 28 juillet 1980 par la défenderesse à l'égard de son année d'imposition 1976; cette dernière avait alors fixé un impôt supplémentaire que la demanderesse devait payer parce qu'elle n'avait pas exploité une entreprise d'assurance hors du Canada, et elle avait réduit les dépenses déductibles dans le calcul de la somme imposable sous le régime de la Partie XII de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63] en considérant le revenu tiré de sa filiale Lonlife Data Services Limited («L.D.S.») comme une réduction de dépenses plutôt que comme un revenu.
Pour ce qui est du premier volet de l'appel de la demanderesse, le point litigieux est de savoir si, au cours de l'année 1976, elle a exploité une entre- prise d'assurance aux Bermudes. Les points liti- gieux dans le second volet de son appel ne sont malheureusement pas aussi clairs et ils ont retardé le prononcé de ma décision. Je vais d'abord statuer sur la question relative aux Bermudes, puis sur celle de la L.D.S. dans la deuxième partie des motifs de ma décision.
La demanderesse est une importante compagnie d'assurance-vie canadienne qui, jusqu'en 1976, avait exploité son entreprise exclusivement au Canada. Bien que, dès 1973, elle ait envisagé d'étendre ses opérations à l'extérieur du Canada, elle n'a pris des mesures à cet égard qu'en 1976. Selon les avocats des deux parties, la raison qui avait incité la compagnie à étendre ses activités à cette époque était de profiter d'une échappatoire fiscale qui accordait à une compagnie d'assurance-
vie exploitant son entreprise à l'extérieur du Canada un traitement fiscal plus favorable que celui réservé à une compagnie qui exploitait une telle entreprise exclusivement au Canada.
Pour s'assurer qu'elle recevrait un traitement aussi favorable que celui réservé à ses concurrents, qui exploitaient leur entreprise d'assurance-vie tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Canada, la demanderesse a décidé d'étendre ses activités aux Bermudes.
Il ne fait pas de doute que cette décision visait à obtenir des avantages d'ordre fiscal, mais pour les fins de l'espèce, cette motivation n'est pas perti- nente. Même si elle l'était à l'égard de la décision initiale, la motivation en question n'existait plus; c'était du moins l'avis du président et d'autres cadres supérieurs de la compagnie car le 26 mai 1976, c'est-à-dire avant que la demanderesse ait achevé ses préparatifs pour étendre ses activités aux Bermudes, le gouvernement canadien a informé le public de son intention de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu de manière à éliminer les avantages fiscaux qui avaient incité la deman- deresse à étendre ses activités à l'extérieur du Canada.
Si la demanderesse avait agi uniquement pour des raisons d'ordre fiscal, je suis convaincu qu'elle aurait mis fin à son projet de s'établir aux Bermu- des après avoir acquis la certitude qu'elle n'en retirerait aucun avantage fiscal ou que celui-ci serait minime. Elle n'a toutefois pas renoncé à son projet car, après avoir décidé de conquérir le marché des Bermudes, pour quelque raison que ce soit, elle a donné suite à ce projet en y mettant tout le sérieux et toute l'attention nécessaires.
Il est inutile d'énumérer étape par étape les mesures que la demanderesse a prises pour s'éta- blir aux Bermudes. A mon avis, une brève liste de ses activités suffirait. A cet égard, la demanderesse a décidé, au cours de 1976, de prendre les mesures suivantes:
[TRADUCTION] a) Elle a obtenu de ses avocats de nombreux avis relatifs à tous les aspects du droit des Bermudes qui s'appliqueraient aux opérations qu'elle projette.
b) Elle a envoyé aux Bermudes un des ses cadres supérieurs pour qu'il étudie les possibilités qu'offre le marché d'assurance- vie aux Bermudes et trouve une entreprise qui soit en mesure de la représenter.
c) Le 11 mai 1976, après que M. Alex Jeffery, qui était alors président de la demanderesse, eut personnellement assuré Har- nett & Richardson Limited des Bermudes que la demanderesse avait des intérêts à long terme dans ce pays, elle a fait appel à cette société pour la représenter aux Bermudes et,l'a autorisée à demander une licence des Bermudes qui lui permettrait d'ex- ploiter son entreprise d'assurance-vie, laquelle licence a été obtenue le 24 juin 1976.
d) Au début de juin 1976, elle a envoyé son avocat aux Bermudes pour rencontrer des banquiers, des avocats et son mandataire afin de mieux évaluer les conditions particulières qu'elle doit remplir pour faire affaire aux Bermudes.
e) Elle a demandé aux chefs de ses divers services de lui soumettre des observations écrites sur les modifications à apporter à ses procédures, qui s'imposaient par suite de son entrée dans le marché des Bermudes, et elle a tenu plusieurs réunions de son personnel cadre pour planifier et mettre sur pied l'entreprise projetée.
f) Elle a établi des formules de police d'assurance spéciale et de proposition pour les nombreux types d'assurance destinés au marché des Bermudes, prévoyant notamment que le droit des Bermudes s'appliquerait et que le paiement serait effectué en devises de ce pays.
g) Elle a fait venir a London (Ontario) M. Simon Evrett, le directeur du service d'assurance de Harnett & Richardson Limited, pour une semaine de réunions et d'informations.
h) Elle a établi, pour le marché des Bermudes, un système de contrats pour la facturation et le recouvrement des primes.
i) Par l'entremise de Harnett & Richardson Limited, elle a invité plusieurs résidents des Bermudes à souscrire à des polices chez elle, et elle a prévu un barème de primes pour ses clients éventuels.
j) Elle a ouvert des comptes bancaires aux Bermudes et elle y a déposé 100 000 $.
k) Vers la fin de décembre 1976, M. John Fowler, un agent de commercialisation au service de la demanderesse, a été envoyé aux Bermudes pour conclure un accord de représentation offi- ciel avec Harnett & Richardson Limited, et on lui a donné les deux premières polices établies à l'intention de résidents des Bermudes pour qu'il les remette à leurs titulaires.
La défenderesse soutient tant dans ses plaidoi- ries que dans l'argumentation de son avocat que le pouvoir de Harnett & Richardson Limited d'agir pour le compte de la demanderesse était si limité qu'on ne saurait considérer que celle-ci exploite une entreprise aux Bermudes par l'entremise de son mandataire.
La défenderesse prétend notamment que, en vertu de l'accord de représentation du 30 décembre 1976, le mandataire pouvait seulement solliciter des propositions de polices d'assurance que la demanderesse devait établir, recevoir les primes relatives à ces polices et tirer des chèques sur le compte bancaire courant de la demanderesse pour
payer les commissions, les droits de timbre et toutes autres dettes selon les instructions de celle-ci.
Au paragraphe 3 de la défense, la défenderesse fait état des nombreuses restrictions que le contrat de représentation impose au pouvoir du manda- taire:
[TRADUCTION] (1) ne saurait lier la demanderesse de quelque manière que ce soit;
(2) ne saurait interpréter un contrat d'assurance de manière à lier la demanderesse;
(3) ne saurait ni conclure, ni modifier, ni annuler un contrat;
(4) ne saurait proroger le délai de paiement d'une prime;
(5) ne saurait renoncer à la déchéance d'un droit ni accorder de permis;
(6) ne saurait s'engager au nom de la demanderesse;
(7) ne saurait délivrer ni permettre que soit délivrée une police qui n'a pas été établie en vertu d'une quittance obligatoire, à moins que le proposant ne soit à l'époque en bonne santé et que la première prime n'ait été acquittée;
(8) ne saurait percevoir une prime sur une police ,ni toucher une avance sur police, à moins qu'il ne soit autorisé à cet égard par le présent accord;
(9) ne saurait donner quittance d'une prime ou d'un paiement à moins que la formule imprimée de la quittance ne soit fournie par la demanderesse à cette fin;
(10) ne saurait modifier l'une ou l'autre des conditions figurant dans un imprimé ou dans une quittance;
(ll) ne saurait ester en justice dans une cause se rapportant aux opérations de l'entreprise de la demanderesse;
(12) ne saurait publier une annonce se rapportant de quelque façon que ce soit à l'entreprise de la demanderesse, à moins qu'une copie de cette annonce n'ait été soumise à l'approbation de la demanderesse.
Au paragraphe 6 de la défense, la défenderesse soutient que toute entreprise que la demanderesse peut avoir exploitée en matière d'assurance-vie aux Bermudes l'a été au Canada pour les motifs que:
[TRADUCTION] a) toutes les propositions d'assurance-vie aux Bermudes devaient être soumises et ont été effectivement sou- mises à la demanderesse au Canada;
b) toutes les décisions que devait prendre la demanderesse relativement à l'acceptation ou au rejet des propositions d'assu- rance-vie aux Bermudes ont été effectivement prises par la demanderesse au Canada;
c) tous les contrats d'assurance-vie aux Bermudes devaient en fait et en droit être conclus et ont été effectivement conclus au Canada;
d) toutes les polices d'assurance-vie délivrées par la demande- resse aux Bermudes ont en fait été préparées et établies par la demanderesse au Canada;
e) toutes les demandes d'indemnité découlant d'une police d'assurance-vie aux Bermudes devaient être traitées et ont effectivement été traitées par la demanderesse au Canada;
f) toutes les décisions ou opérations commerciales accessoires à la conclusion de contrats d'assurance-vie aux Bermudes devaient être rendues ou dirigées et ont effectivement été rendues ou dirigées par ou pour le compte de la demanderesse au Canada.
Au paragraphe 7 de la défense, la défenderesse soutient en outre qu'au cours de l'année d'imposi- tion 1976, le mandataire de la demanderesse n'a sollicité aucune proposition de police d'assurance- vie que celle-ci devait établir, et que les deux polices qui ont été délivrées à des résidents des Bermudes provenaient des propositions que ceux-ci avaient soumises à la demanderesse au Canada et qu'elle avait acceptées au Canada.
Dans son argumentation, l'avocat de la défende- resse a fait valoir que le seul critère permettant de déterminer si une entreprise est exploitée est celui énoncé dans l'arrêt Smidth & Co. v. Greenwood, [1921] 3 K.B. 583 (C.A.). Suivant ce critère, l'endroit une entreprise est exploitée est se déroulent les opérations qui génèrent réellement les bénéfices. L'avocat a en outre précisé les activi- tés qui, selon lui, ont réellement généré les bénéfi- ces tirés des polices souscrites aux Bermudes:
a) les opérations de souscription qui ont eu lieu exclusivement au Canada, lorsque la demande- resse devait décider s'il y avait lieu de garantir le risque qui a été offert;
b) les opérations de contrôle financier, qui sont d'une importance moindre mais qui sont pour- tant d'une grande pertinence, telles que la pré- paration des avis d'échéance de prime, la déter- mination des primes payables, et l'autorisation de payer les demandes d'indemnité, ces opéra- tions ayant toutes eu lieu au Canada.
L'avocat s'est fondé sur l'arrêt Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325 (H.L.) pour soutenir également que le simple fait pour le mandataire de la demanderesse de solliciter des propositions d'as- surance aux Bermudes ne permet pas de conclure que la demanderesse y a exploité son entreprise.
L'avocat de la demanderesse prétend que, malgré l'accord écrit entre sa cliente et son manda- taire, celui-ci pouvait engager la responsabilité de
la demanderesse quant aux conditions d'une pro tection provisoire, ce qu'il a effectivement fait, qu'il pouvait conclure des contrats d'assurance en délivrant les polices aux proposants, ce qu'il a effectivement fait et que, en conséquence, les con- trats d'assurance ont été conclus aux Bermudes. L'endroit les contrats ont été conclus, sou- tient-il, est un facteur important, pour ne pas dire déterminant, pour trancher la question de savoir si la demanderesse exploitait son entreprise aux Ber- mudes (Firestone Tyre and Rubber Co. Ltd. (as agents for Firestone Tire and Rubber Co. of Akron in the United States of America) v. Lewel- lin (Inspector of Taxes), [ 1957] 1 All E.R. 561 (H.L.)).
À cet égard, il existait une preuve confuse con- cernant la protection provisoire, c'est-à-dire la pro tection dont le titulaire d'une police bénéficie entre le moment il présente sa proposition et le moment le contrat d'assurance est conclu, c'est-à-dire lorsque le mandataire lui délivre la police et que le requérant a joint à sa proposition le montant de la première prime.
Me fondant sur les arrêts Zurich du Canada Cie d'assurance-vie c. Davies, [1981] 2 R.C.S. 670 et Matchett v. London Life Ins. Co. (1985), 14 C.C.L.I. 89 (C.A. Sask.), je suis persuadé que le mandataire de la demanderesse pouvait engager sa responsabilité quant à cette protection, et que ce contrat, comme le contrat représenté par la police elle-même, a été conclu aux Bermudes. Je conviens toutefois avec l'avocat de la défenderesse pour dire que la simple conclusion de ces contrats, par l'ac- ceptation d'une proposition dans un cas et la livrai- son d'une police dans l'autre, n'aide pas beaucoup à déterminer si la demanderesse exploitait une entreprise aux Bermudes.
L'avocat de la demanderesse prétend également que je devrais tenir compte de l'article 253 de la Loi de l'impôt sur le revenu et du paragraphe 2(1) de la Loi sur les compagnies d'assurance cana- diennes et britanniques, S.R.C. 1970, chap. I-15, pour déterminer si, en agissant par l'entremise de son mandataire aux Bermudes, sa cliente a exploité son entreprise dans ce pays.
L'article 253 est une disposition déterminative de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui prévoit qu'un non-résident du Canada qui sollicite des
commandes ou offre en vente quoi que ce soit au Canada est réputé avoir exploité une entreprise au Canada. L'avocat de la demanderesse soutient que si tel est le critère appliqué par le Canada pour déterminer si un non-résident exploite une entre- prise au Canada, je devrais appliquer ce même critère pour déterminer si un résident canadien exploite une entreprise aux Bermudes.
Probablement pour étayer cet argument, ainsi que son argument relatif à la conclusion des con- trats d'assurance aux Bermudes, la demanderesse a présenté le témoignage d'expert de Me Smedly, c.r. des Bermudes selon lequel le droit écrit de ce pays considère que la demanderesse, en agissant par l'entremise de son mandataire, exploite une entreprise d'assurance aux Bermudes.
Elle cite également le paragraphe 2(1) de la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et britanniques, qui définit les «opérations d'assu- rance» notamment comme tout acte d'incitation à conclure un contrat d'assurance, et elle soutient qu'on devrait appliquer cette définition au concept d'exploitation d'une entreprise d'assurance dans un pays autre que le Canada, comme le prévoit le paragraphe 138(9) [mod. par S.C. 1973-74, chap. 14, art. 47] de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Si on devait appliquer ces dispositions législati- ves aux opérations effectuées par la demanderesse aux Bermudes en 1974, il est clair que la demande- resse a exploité une entreprise d'assurance aux Bermudes, au sens de ces dispositions législatives ainsi qu'au sens des dispositions applicables de la législation des Bermudes, étant donné que le man- dataire a sollicité des propositions d'assurance et incité des personnes à conclure des contrats d'assu- rance aux Bermudes.
Une fois de plus, j'estime que ces dispositions législatives n'aident guère à trancher le point liti- gieux en l'espèce. Je remarque que l'article 253 de la Loi de l'impôt sur le revenu est une disposition déterminative et qu'il commence par les termes «Extension de l'expression "exploiter une entre- prise"» À mon avis, cela indique qu'il s'étend au-delà du sens normal ou généralement accepté de cette expression.
Je note également que la définition figurant dans la législation des Bermudes considère qu'un
non-résident qui a simplement fait de la publicité en matière d'assurance dans ce pays en vue de vendre des polices au Canada exploite une entre- prise d'assurance aux Bermudes, ce qui, à mon avis s'étend clairement au-delà de l'acception générale de ce terme.
Les dispositions législatives canadiennes définis- sent ce qui constitue l'exploitation d'une entreprise et l'exploitation d'une entreprise d'assurance au Canada pour les fins d'une telle législation. Ces dispositions ne visent pas à définir ce qui constitue l'exploitation d'une entreprise ou d'une entreprise d'assurance hors du Canada par un résident cana- dien. La législation des Bermudes ne vise pas non plus à déterminer, aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada, ce qui constitue l'exploita- tion d'une entreprise d'assurance aux Bermudes.
Le juge Dubé a éclairci la question de l'endroit les contrats sont conclus et de l'endroit se déroulent les activités qui génèrent les bénéfices dans l'affaire Cutlers Guild Limited c. Ministre du Revenu national (1981), 81 DTC 5093 (C.F. lfe inst.), à la page 5095, il a fait les remarques suivantes:
La question de savoir si un contribuable exploite une entre- prise dans un autre pays est une question de fait qui doit être jugée dans chaque espèce. Les tribunaux ont jugé que l'endroit sont effectuées les ventes ou l'endroit sont conclus les contrats de vente revêt une grande importance. Toutefois, l'endroit de la vente peut ne pas constituer le facteur décisif s'il y a d'autres faits qui l'emportent en importance sur ce facteur. (Firestone Tyre & Rubber Co. Ltd. v. Lewellin, (1957) 37 T.C. 111 (Chambre des lords).)
La jurisprudence permet de dégager un autre critère d'éva- luation: se déroulent les activités qui génèrent les bénéfices? La sollicitation de commandes dans un pays peut ne constituer qu'un aspect secondaire de l'exercice d'un commerce dans un autre pays. (F.L. Smidth & Co. v. F. Greenwood) (1922) 8 T.C. 193 (Chambre des lords). Certains précédents établissent que les activités et le travail qui ne se rapportent pas aux contrats de vente constituent l'exploitation d'une entreprise, surtout si ces activités et ce travail produisent ou permettent de tirer un revenu. Même si les ventes peuvent être productrices de revenu, il se peut que ce revenu ne provienne pas entièrement de cette activité ou de cette transaction. (S.T.J. in Wm. Wrigh- ley Jr. Company Limited v. Provincial Treasurer of Manitoba [1947] C.T.C. 304, confirmé par le Conseil privé à [1949] C.T.C. 377.) L'achat de marchandises dans un pays (soit, par exemple, le Japon) dans le but d'en faire le commerce ailleurs (soit, par exemple, le Canada), ne constitue certainement pas l'exercice de ce commerce dans le premier pays. (Grainger & Son v. William Lane Gough [1896] A.C. 325 (Chambre des lords).)
L'avocat de la défenderesse s'est appuyé dans une large mesure sur l'arrêt Smidth & Co. v. Greenwood, [1921] 3 K.B. 583 (C.A.), considérant qu'il s'agissait [TRADUCTION] «peut-être de l'af- faire la plus importante». Il a cité les propos suivants tenus par le lord juge Atkin à la page 593:
[TRADUCTION] En l'espèce, les contrats ont été conclus à l'étranger. Je ne suis toutefois pas disposé à tenir ce critère pour décisif. 11 peut y avoir des cas le contrat de vente est conclu à l'étranger, mais la fabrication des marchandises, une partie de la négociation des conditions du contrat et l'exécution de ce dernier ont lieu ici de telle manière que le commerce, en fait, a été exercé ici. Je crois que la question à poser est la suivante: ont lieu les opérations qui génèrent réellement les bénéfices?
Dans cette affaire, ainsi que dans l'affaire Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325 (H.L.), la Cour devait déterminer le sens d'une expression utilisée dans la législation fiscale du Royaume-Uni, laquelle expression n'est pas la même que celle utilisée au paragraphe 138(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada. Le critère ou la question soulevée par le lord juge Atkin s'applique donc à l'interprétation de la légis- lation fiscale en cause du Royaume-Uni, qui est tout à fait différente de celle du Canada.
Le lord juge Atkin n'a pas abordé la question à savoir si le contribuable exploitait une entreprise dans un pays (qui est l'expression figurant au paragraphe 138(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada); il a plutôt posé la question plus restreinte à savoir si les bénéfices qu'on cher- chait à frapper d'impôt découlaient du commerce exercé au pays, et c'est pour cette raison que l'exploitation d'une entreprise ou l'exercice d'un commerce devait se rapporter à l'endroit les bénéfices ont été réalisés. C'est ce qui se dégage, semble-t-il, des observations qu'il a faites à la page 593, immédiatement avant le passage cité par l'avocat de la défenderesse.
[TRADUCTION] Il s'agit de déterminer si les bénéfices en cause sont .le fruit d'un commerce exercé» par les intimés eau Royaume-Uni», au sens de l'annexe D de la Income Tax Act de 1853. Il ne s'agit pas de savoir si les intimés exploitent une entreprise dans ce pays, mais s'ils y exercent un commerce, de telle sorte qu'il leur rapporte des bénéfices.
J'en conclus que le critère invoqué par l'avocat de la défenderesse concernant les «bénéfices» ne tranche pas le point litigieux en l'espèce comme il l'a laissé entendre, et que le concept selon lequel
une personne exploite une entreprise dans un pays a une portée un peu plus grande que l'interpréta- tion plus restrictive de la législation du Royaume- Uni figurant dans les deux affaires que j'ai mentionnées.
Bien que j'aie indiqué que l'endroit les con- trats sont conclus, l'endroit les bénéfices sont réalisés, et les définitions législatives n'aident guère ou pas du tout à trancher la question dont je suis saisi, je tiens compte de ces éléments dans une certaine mesure. Je veux simplement dire par-là qu'aucun de ces arguments considéré en lui-même ne m'incite à conclure que la demanderesse a exploité une entreprise aux Bermudes en 1976. Toutefois, étant donné que j'ai conclu que les paramètres des trois méthodes que l'on m'a propo sées pour trancher le point litigieux s'appliquent aux opérations effectuées par la demanderesse par l'entremise de son mandataire aux Bermudes, et en raison de la nature de l'entreprise d'assurance, j'ai conclu que la demanderesse avait effectivement exploité son entreprise aux Bermudes durant son année d'imposition 1976.
Dans la mesure l'endroit les contrats sont conclus est l'endroit l'entreprise est exploitée, la demanderesse conclut aux Bermudes ses contrats d'assurance-vie avec les titulaires de police de ce pays. Je suis convaincu que la protection provisoire est fournie aux Bermudes si les formalités requises sont remplies dans ce pays. Je suis également convaincu que le contrat d'assurance constaté par police écrite est conclu aux Bermudes si la police elle-même est remise au proposant dans ce pays.
Bien que l'avocat de la défenderesse ait écarté cette mesure qui était, selon lui, une simple forma- lité, et j'ai tendance à être du même avis, je ne saurais convenir avec lui que l'obligation du man- dataire de s'assurer qu'il n'y avait eu aucun chan- gement sensible quant à l'assurabilité du proposant avant de conclure le contrat en lui délivrant la police est une simple formalité superflue.
Les polices elles-mêmes prévoient que le contrat n'entre en vigueur que lorsqu'elles sont délivrées à l'assuré. La délivrance et l'évaluation finale, même rapide, de l'assurabilité continue du titulaire de la police proposée est une condition importante préa- lable à la conclusion du contrat. Il s'agit également
d'une procédure ou d'un acte qui s'impose pour protéger les intérêts commerciaux de la demande- resse et que son mandataire accomplit aux Bermudes.
J'ai déjà laissé entendre que le critère concer- nant les «bénéfices» peut être l'objet de restrictions, étant donné la condition posée par la législation du Royaume-Uni selon laquelle les bénéfices prove- nant de l'exercice d'un commerce doivent être réalisés au Royaume-Uni. Il n'est pas rare qu'une nouvelle entreprise ne réalise aucun bénéfice pen dant une longue période, mais elle continue quand même d'être exploitée. Il n'est toutefois pas néces- saire ni même possible que je détermine si la demanderesse a tiré des bénéfices des opérations qu'elle a effectuées aux Bermudes en 1976. De toute façon, les coûts directs qu'on peut allouer et imputer aux opérations effectuées aux Bermudes en 1976 auraient entraîné une perte. Si je devais appliquer le critère des «bénéfices», la question serait de savoir si les opérations que la demande- resse a effectuées aux Bermudes en 1976 par l'entremise de son mandataire préfiguraient un type d'opérations projeté ou systématique dont la demanderesse pouvait raisonnablement s'attendre à tirer des bénéfices. Je crois que oui.
Une compagnie d'assurance exploite son entre- prise en assurant des risques, en percevant des primes, en investissant les fonds que constituent les primes, en réglant des sinistres, en fixant des taux et en faisant de la publicité, pour ne citer que ces exemples, mais, selon l'avocat de la demanderesse, sans la force dynamique des agents d'assurance, il n'y aurait ni entreprises ni bénéfices. En matière d'assurance, les activités du vendeur, de l'agent, de l'assureur ou du courtier ne ressemblent pas à celles des représentants des fabricants de vin, qui consistent simplement à accepter ou même à solli- citer des commandes, ce qui est considéré comme accessoire aux opérations principales de l'entre- prise qui doit acheter, emmagasiner, vendre ou fabriquer le produit. L'agent d'assurance repré- sente la compagnie d'assurance et effectue, en son nom, une partie importante et essentielle de ses opérations commerciales.
L'avocat de la défenderesse considère l'agent d'assurance comme une personne qui ne fait que prendre des commandes concernant une police et soumettre la prime à la compagnie. Si tel était le
cas, les préparations méticuleuses que la demande- resse a faites avant d'exploiter une entreprise aux Bermudes ne se seraient pas imposées de façon si impérieuse. Les vendeurs d'une compagnie d'assu- rance ne font pas que solliciter l'assurance et percevoir les primes. Les agents font connaître les diverses polices disponibles, font des propositions aux titulaires de police éventuels, remplissent les propositions, prennent des arrangements en vue des examens médicaux, engagent la responsabilité de la compagnie quant à la protection provisoire, concluent le contrat d'assurance en délivrant la police et remettent le chèque en règlement d'une demande d'indemnité.
Aux Bermudes, l'agent doit également évaluer le «degré de continuité» du titulaire d'une police, c'est-à-dire la probabilité que le proposant conti nue de payer les primes. Les bénéfices de la demanderesse et les commissions que l'agent tire de la remise en vigueur d'une police dépendent à cet égard de l'exactitude de l'évaluation de ce dernier. Avant de conclure le contrat d'assurance en délivrant la police, l'agent a également l'obliga- tion, dont il a déjà été fait mention, de s'assurer qu'il n'y a pas eu de changement important con- cernant le risque entre le moment de la proposition et celui de la délivrance de la police. Une autre partie importante des activités que l'agent accom- plit pour le compte de la compagnie consiste à faire le suivi de la police et à régler directement avec le titulaire de la police toutes les difficultés qui surviennent.
C'est de ses activités ou opérations exercées par l'entremise de son mandataire aux Bermudes que la demanderesse espérait tirer des bénéfices, non pas en 1976, mais au fur et à mesure de l'expan- sion de l'entreprise qu'elle a lancée en 1976. Compte tenu de ce critère, la demanderesse a, à mon avis, exploité une entreprise aux Bermudes.
Le fait que la demanderesse ait délivré seule- ment deux polices aux Bermudes en 1976 et ce uniquement à la fin de décembre a peu d'impor- tance. Elle a mis en œuvre au mois de mai son projet d'entreprise aux Bermudes, et elle a par la suite tout fait pour réaliser ce projet. Son intention d'exploiter une entreprise aux Bermudes était évi- dente bien avant décembre 1976. Dès le mois d'août 1976, elle a lancé son entreprise en deman- dant à son agent de solliciter des contrats d'assu-
rance auprès de résidents des Bermudes, dans le but de rendre l'opération viable. Les opérations de 1976 n'étaient que le début d'une série d'activités systématique ou habituelle qui visait et continuait à viser la rentabilité.
Bien que j'aie déjà fait remarquer que je ne souscrivais pas à l'argument de l'avocat de la demanderesse selon lequel le sens attribué à l'en- treprise d'assurance dans les nombreux textes de loi qu'il a portés à ma connaissance devrait servir à déterminer si la demanderesse exploitait une entre- prise aux Bermudes, je tiens à souligner que les nombreuses définitions ont ceci de commun: le fait d'inciter des personnes à conclure des contrats d'assurance est considéré comme une entreprise d'assurance.
Quelles que soient les réserves que je peux avoir sur l'application de définitions législatives à une activité qui doit être déterminée selon les faits, il me semble que l'incitation de personnes à conclure des contrats d'assurance décrit vraiment l'entre- prise d'une compagnie d'assurance, ou du moins une partie essentielle de cette entreprise. À mon avis, on peut dire à juste titre que les activités d'une compagnie d'assurance consistent à vendre de l'assurance. Ce n'est là, bien entendu, qu'un aspect de son entreprise, mais c'est bien cela, et la demanderesse exploite cette partie de son entre- prise par l'entremise de ses vendeurs. En l'espèce, la demanderesse incite, par l'entremise de son agent aux Bermudes, les résidents de ce pays à conclure des contrats d'assurance dans ce même pays. En conséquence, si je devais appliquer le critère «législatif» proposé par l'avocat de la demanderesse, je conclurais également que celle-ci a exploité une entreprise aux Bermudes.
Ainsi donc, aucun des nombreux critères que les avocats m'ont mentionnés n'est déterminant mais ils ont un effet cumulatif qui est déterminant lorsqu'on les applique tous ensemble. Les contrats d'assurance délivrés en 1976 ont été conclus aux Bermudes, une partie essentielle de l'entreprise de la compagnie, ses ventes, a été effectuée aux Ber- mudes par l'entremise de son agent, et le fait d'inciter des résidents des Bermudes à conclure des contrats d'assurance-vie correspond précisément à ce que l'on entend ordinairement par l'exploitation d'une entreprise d'assurance et à la définition qu'en donnent les textes législatifs. Ces faits, ainsi
que les autres activités exercées par l'agent de la demanderesse aux Bermudes, dont j'ai déjà fait mention, m'ont convaincu que, en 1976, celle-ci a effectivement exploité son entreprise aux Bermu- des.
En conséquence, j'ordonne que la nouvelle coti- sation de 1976 soit renvoyée au ministre pour qu'il établisse une nouvelle cotisation d'impôt sous le régime de la Partie I, conformément à la méthode prévue par le paragraphe 138(9) de la Loi et la Partie XXIV des Règlements, tels qu'ils étaient libellés au cours de l'année d'imposition 1976.
Le second volet de l'appel de la demanderesse qui porte sur ses années d'imposition 1975 et 1976 a trait aux réductions des dépenses qu'elle a récla- mées en raison du fait que le ministre a considéré certaines sommes qu'elle a reçues de sa filiale Lonlife Data Services Limited («L.D.S.») comme une réduction des dépenses plutôt que comme un revenu reçu.
C'est cette partie de l'appel de la demanderesse qui, ainsi que je l'ai souligné, a retardé le prononcé de ma décision. Même si son avocat s'est efforcé de m'éclairer dans les moindres détails à l'aide des éléments de preuve, je n'ai pas pu, à la fin du procès, me faire une idée concise des points liti- gieux à aborder. Je ne suis pas certain que la peine que je me suis donnée et les efforts soutenus que j'ai déployés pour résoudre cette difficulté depuis le procès aient porté fruit.
La demanderesse fait usage de matériel infor- matique pour exploiter son entreprise d'assurance. Étant donné que ce matériel doit avoir la capacité de traiter le volume des demandes adressées à son entreprise lorsque celles-ci sont à leur maximum, il existe une capacité excédentaire lorsque ses demandes n'atteignent pas ce maximum.
Consciente de cette situation, la demanderesse a voulu tirer avantage de cette capacité excédentaire et la façon normale de le faire était de vendre ou de louer cet excédent à d'autres moyennant des frais. L'entreprise de la demanderesse est toutefois assujettie aux dispositions de la Loi sur les compa- gnies d'assurance canadiennes et britanniques, qui, selon les renseignements que m'ont fournis les avocats des parties, lui interdit de vendre cette capacité au grand public.
Il n'est toutefois pas interdit à la demanderesse de fournir cette capacité excédentaire à une filiale qui peut, à son tour, la vendre au public. En conséquence, avec l'approbation manifeste du surintendant des assurances, la demanderesse a constitué une filiale en propriété exclusive, L.D.S., qui a acquis cette capacité excédentaire ou une partie de celle-ci, pour fournir des services infor- matiques au public.
Pour utiliser cette capacité, L.D.S. payait à la demanderesse une somme annuelle constituant un pourcentage de certaines dépenses réelles et ficti- ves engagées par cette dernière pour faire fonction- ner l'ordinateur. En raison des instructions du surintendant des assurances et conformément à l'accord conclu avec L.D.S., la demanderesse n'était pas autorisée à faire des bénéfices ni à subir des pertes calculés d'après les méthodes compta- bles prescrites pour les compagnies d'assurance- vie.
Je devrais souligner en l'espèce que, étant donné que les méthodes comptables prescrites par la demanderesse en tant que compagnie d'assurance ne sont pas exactement les mêmes que celles qui déterminent son assujettissement à l'impôt sur le revenu, il ne découle pas des directives du surinten- dant qu'il ne saurait y avoir de revenu imposable ni de perte provenant de l'accord que la demande- resse a conclu avec L.D.S. Selon mon appréciation des éléments de preuve, il ne découle pas non plus de ces directives que les états financiers non conso- lidés de la société demanderesse porteraient néces- sairement la mention «aucun bénéfice/aucune perte».
Pour ses années d'imposition 1975 et 1976, la demanderesse a appliqué cet accord avec sa filiale et, pour les fins de ses exigences comptables en matière d'assurance, elle n'a fait aucun bénéfice, ni subi aucune perte. Dans les états financiers qu'elle a établis pour ces années et qu'elle devait soumettre au surintendant des assurances, elle a indiqué les revenus et dépenses liés à l'entreprise informatique des deux compagnies comme des montants nets qui se compensent parfois dans les catégories des revenus et des dépenses, et les totaux nets de chaque catégorie se compensent intégralement. C'est ce qui devait se faire à la satisfaction du surintendant des assurances.
En déposant ses déclarations d'impôt pour ces mêmes années, la demanderesse n'a toutefois pas déclaré les revenus et dépenses de la même manière qu'elle l'a fait pour le surintendant des assurances. En fait, elle a déclaré à titre de revenu tous les fonds qu'elle a reçus de L.D.S. et à titre de dépenses toutes les dépenses qu'elle considérait comme des dépenses déductibles.
Cela a eu pour conséquence d'augmenter le revenu de la demanderesse ainsi que ses dépenses et a également fait en sorte que la défenderesse a établi une nouvelle cotisation à l'égard de la demanderesse pour ces deux années. La nouvelle cotisation établissait un impôt additionnel pour chaque année en vertu de la Partie XII de la Loi de l'impôt sur le revenu, en raison du fait que la défenderesse a réduit les dépenses déductibles en calculant les sommes auxquelles s'appliquait l'im- pôt prévu sous le régime de la Partie XII.
La Partie XII de la Loi, maintenant abrogée [S.C. 1977-78, chap. 1, art. 91], contenait des dispositions particulières concernant l'imposition du revenu de placement d'un assureur sur la vie provenant de son entreprise d'assurance-vie au Canada. Le paragraphe 209(2) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 117] prévoyait égale- ment la déduction des débours engagés dans l'ex- ploitation de son commerce d'assurance-vie. Cin- quante pour cent de tous les débours ainsi engagés pouvaient être déduits, et le revenu imposable qui en découlait était imposé au taux de 15 %. En ajoutant 50 % des débours bruts liés à son revenu provenant de L.D.S. à 50 % de chacune des autres dépenses engagées dans l'exploitation de son com merce d'assurance-vie, la demanderesse a diminué son revenu imposable tiré de ce commerce d'une somme équivalente, et son impôt de 15 % de cette somme.
La défenderesse a rejeté les déductions liées au revenu reçu par la demanderesse de L.D.S. pour les motifs que:
a) les sommes indiquées par la demanderesse à titre de revenu provenant de L.D.S. ne consti- tuaient pas un revenu mais des dépenses d'ex- ploitation qu'elle a engagées pour le compte de L.D.S. et dont elle a été remboursée; et
b) même si les sommes que la demanderesse a reçues de L.D.S. étaient un revenu provenant de
la vente de l'excédent de la capacité informati- que, elles constituaient un revenu qu'elle a tiré d'une entreprise autre que son entreprise d'assu- rance-vie, et les sommes indiquées à titre de dépenses, dont 50 % est réclamé comme déduc- tions, ne sont pas déductibles sous le régime du paragraphe 209(2), parce qu'elles ont été enga gées dans le but de tirer un revenu de la vente de l'excédent de la capacité informatique et non pour exploiter une entreprise d'assurance-vie.
Voici la façon dont l'avocat de la défenderesse m'a soumis la question au cours du débat:
[TRADUCTION] ... ces dépenses en question
(1) étaient non pas à la charge de la demanderesse mais, en fait et en droit, à celle de Lonlife Data Services Limited;
(2) même si ces dépenses étaient à la charge de la demande- resse plutôt qu'à celle de Lonlife Data Services Limited, elles ont été engagées pour fournir des services informatiques et non pour exploiter une entreprise d'assurance-vie.
Pour trancher ce débat, je dois, si je comprends bien, répondre aux questions suivantes:
1. Est-ce que c'est à bon droit que la demande- resse a qualifié de revenu la somme qu'elle a reçue de L.D.S. à titre de paiement de l'excé- dent de sa capacité informatique?
2. Si la somme constituait un revenu gagné par la demanderesse et pour lequel elle a engagé des dépenses, dont elle a été remboursée, est-ce qu'elle a engagé ces dépenses pour son propre compte ou pour le compte de L.D.S.?
3. Si la demanderesse a engagé ces dépenses pour son propre compte, était-ce pour l'exploita- tion d'une entreprise d'assurance-vie et lesdites dépenses étaient-elles par conséquent déducti- bles sous le régime du paragraphe 209(2) de la Loi?
La défenderesse soutient que la demanderesse ne saurait qualifier ces sommes de revenu prove- nant de L.D.S. parce que l'accord a été conclu sur la base aucun bénéfice/aucune perte. L'avocat de la défenderesse cite les propos tenus par le juge Dickson (tel était alors son titre) dans l'arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, la page 485, pour faire valoir qu'il ne peut y avoir de revenu sans un profit ou une expectative raisonna- ble de profit. L'avocat soutient alors qu'étant donné l'accord «aucun bénéfice/aucune perte»
conclu entre la demanderesse et L.D.S., il ne sau- rait y avoir de profit, ni d'expectative raisonnable de profit, et cet accord n'a donc procuré aucun revenu à la demanderesse.
L'erreur de cet argument réside dans le fait que l'accord aucun bénéfice/aucune perte entre la demanderesse et L.D.S. portait sur la façon dont la demanderesse devait tenir sa comptabilité à l'in- tention du surintendant des assurances, conformé- ment aux dispositions de la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et britanniques. C'est dans ce cadre législatif que la demanderesse ne pouvait indiquer aucun profit ni aucune perte. En vertu de ces dispositions, par exemple, la demande- resse a, à juste titre, alloué à L.D.S. à titre de dépense une partie du loyer que le surintendant des assurances l'obligeait à assumer pour occuper les locaux dont elle était en fait propriétaire. Comme il ne s'agissait pas d'une dépense engagée par la demanderesse pour fournir des services informati- ques à L.D.S., ladite demanderesse avait tout au moins la possibilité ou une expectative raisonnable d'en tirer un profit. De la même façon, on a réduit d'autres dépenses que la demanderesse a engagées pour fournir des services à L.D.S. et qui auraient de toute façon été engagées, telles que le prix de location du matériel et les salaires, en allouant une partie de ces dépenses L.D.S. Ainsi donc, la réduction de l'ensemble des coûts de la demande- resse représentait également pour elle un revenu ou un profit additionnel au sens commercial pour ne pas dire au sens des méthodes comptables pres- crites par le surintendant des assurances.
J'estime que, du point de vue commercial, la demanderesse s'attendait raisonnablement à tirer un profit de l'accord et que, pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, elle a, à juste titre, qualifié le revenu provenant de L.D.S. de revenu tiré d'une entreprise.
La défenderesse soutient également que, même si la somme que la demanderesse a reçue de L.D.S. constituait un revenu à l'égard duquel elle a engagé des dépenses, ces dépenses ont été engagées par la demanderesse non pas pour son propre compte, mais pour le compte de L.D.S. L'avocat de la défenderesse assimile cet accord à un rapport de représentation dans lequel la demanderesse est le mandataire, et L.D.S. le mandant qui a simple-
ment remboursé la demanderesse des frais ou débours qu'elle avait engagés pour son compte.
Encore une fois, je ne suis pas d'accord. Le fait est que pratiquement toutes les dépenses qui com- posaient la somme que L.D.S. devait payer chaque année auraient été engagées par la demanderesse sans l'existence de l'accord qu'elle avait conclu avec L.D.S. Elles ont donc été engagées par la demanderesse pour son propre compte et non pour le compte de L.D.S. Rien dans la preuve n'indique que les salaires du personnel de la demanderesse auraient été réduits, pas plus que le nombre de ses employés, si elle n'avait pas conclu l'accord avec L.D.S. De même, il aurait fallu verser la même somme pour assurer l'entretien et les réparations du matériel informatique qui se serait déprécié de la même façon. En fournissant à L.D.S. l'excédent de la capacité informatique, la demanderesse lui a fait payer des frais annuels calculés conformément aux lignes directrices du surintendant des assuran ces et aux pourcentages de certains coûts de la demanderesse alloués à titre de coût sous le régime de la Loi sur les compagnies d'assurance cana- diennes et britanniques. La demanderesse a engagé ces dépenses pour son propre compte et non pour le compte de L.D.S. En fait, le loyer et les coûts d'amortissement qui ont été alloués et qui représentaient la somme de 60 000 $ sur le mon- tant total que L.D.S. devait payer en 1976 n'ont aucunement été engagés par la demanderesse et, en conséquence, ne sauraient être considérés comme des dépenses remboursées parce que la demanderesse n'a pas fait de débours, et qu'il n'y avait donc pas lieu à remboursement.
J'aborde maintenant la troisième question qui m'a causé le plus de difficultés: à supposer que le revenu soit celui de la demanderesse et que les dépenses soient celles qu'elle a engagées en four- nissant le service informatique à L.D.S., ces dépen- ses ont-elles été engagées pour les fins de l'exploi- tation de son entreprise d'assurance-vie et sont-elles donc déductibles en vertu du paragraphe 209(2) de la Loi?
L'avocat de la défenderesse soutient que pour que les dépenses se rapportant à l'accord conclu avec L.D.S. soient déductibles sous le régime de la Partie XII de la Loi, elles doivent avoir été enga gées par la demanderesse pour l'exploitation de son entreprise d'assurance-vie. Selon l'avocat de la
défenderesse, puisque la demanderesse a engagé ces dépenses pour fournir un service informatique à L.D.S. et non pour exploiter son entreprise d'as- surance-vie, elles ne sont pas déductibles au sens du paragraphe 209(2) de la Loi.
L'avocat de la demanderesse prétend que cel- le-ci a engagé les dépenses en question pour exploi ter son entreprise d'assurance-vie. Les dépenses sont liées à l'exploitation de son ordinateur qui fait partie de ses activités d'assurance-vie. Je conviens avec lui que la demanderesse devait avoir cette capacité excédentaire pour répondre aux demandes de ses clients en période de pointe, et que les dépenses réclamées auraient été engagées, qu'un accord ait été conclu ou non avec L.D.S.
L'avocat a cité la décision rendue par le juge, Joyal dans l'affaire The Excelsior Life Insurance Company c. La Reine (1985), 85 DTC 5164 (C.F. inst.), qui a, selon lui, clairement établi qu'on peut tenir compte des dépenses. Si je comprends bien l'effet de cette décision, l'avocat a raison de dire que les dépenses contestées devraient être allouées.
Dans cette affaire, la contribuable a engagé une dépense dont une partie était affectée à son entre- prise d'assurance-vie et l'autre partie ne l'était pas. Le ministre a rejeté cette dernière. Le juge Joyal a accueilli l'appel formé par la contribuable contre cette décision en disant que les dépenses autorisées en vertu de la Partie I de la Loi le sont également en vertu de la Partie XII, qu'elles soient ou non affectées à son entreprise d'assurance-vie. En l'es- pèce, il ressort de la preuve que la demanderesse a rempli sa déclaration d'impôt sous le régime de la Partie I à partir de son revenu et de ses dépenses bruts. M. James Macdonald, le contrôleur de la demanderesse en 1975 et 1976 et maintenant son directeur de la taxation et de la gestion de la trésorerie a décrit comment cela se faisait:
[TRADUCTION] Je pense que ce que vous avez souligné suit essentiellement la façon dont nous avions rempli notre déclara- tion d'impôt sous le régime de la Partie I; autrement dit, nous avions majoré les dépenses de Lonlife, le montant de l'amortis- sement ainsi que le loyer, comme cela se faisait là-bas. Ainsi, pour la Partie I, nous estimions que c'était la bonne façon de s'y prendre—nous devions majorer les dépenses et indiquer les autres articles comme des revenus divers pour qu'ils entrent dans le calcul de l'impôt.
Autant que je sache, nous n'avons pas fait d'ajustement quant à la façon de faire le calcul conformément à la Partie I. C'est lorsque nous sommes arrivés au calcul fondé sur la Partie
XII pour déterminer les dépenses administratives de 50 % qu'ils ont indiqué que nous ne pouvions considérer le paiement que Lonlife nous avait effectué et le montant que nous avions fait payer à Lonlife comme un revenu divers; nous devions nous en servir comme un montant net de dépenses.
Nous croyons comprendre qu'il existe une incompatibilité entre la façon dont nous sommes traités sous le régime de la Partie XII et sous le régime de la Partie I. Pour nous conformer à la Partie I, nous devions procéder à une majoration, enlever l'amortissement global et le loyer brut pour avoir les chiffres appropriés.
Ainsi donc, les dépenses qui font l'objet de la présente action ont été allouées en vertu de la Partie I, mais en exigeant de la demanderesse qu'elle dépose les chiffres nets de son revenu et de ses dépenses sous le régime de la Partie XII, on les a en fait rejetées. Si j'ai bien interprété la décision du juge Joyal, la défenderesse n'est pas autorisée à agir ainsi et c'est la conclusion à laquelle je suis arrivé.
En conséquence, l'appel de la demanderesse à cet égard sera accueilli et les cotisations d'impôt pour ses années d'imposition 1975 et 1976 sont, aux fins de la Partie XII de la Loi, renvoyées au ministre pour qu'il procède à une nouvelle cotisa- tion en tenant pour acquis que les sommes qu'elle a reçues de L.D.S. n'ont pas réduit les dépenses qu'elle a engagées et qui sont déductibles en vertu de la Partie XII de la Loi.
L'avocat de la demanderesse est prié de soumet- tre un projet de jugement pour qu'il soit signé, conformément aux présents motifs et à l'alinéa 2b) de la Règle 337 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663], et approuvé quant à la forme par l'avocat de la défenderesse.
La demanderesse a droit à ses dépens.
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