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T-1542-83
Permacon Québec Inc., autrefois connue sous le nom corporatif de Le Bloc Vibre Québec Inc. (demanderesse)
c.
Les Entreprises Arsenault & Frères Inc. (défende- resse)
et
S. F. Vollverbundstein Kooperation GmbH (mise en cause)
RÉPERTORIÉ: PERMACON QUÉBEC INC. c. ENTREPRISES ARSE- NAULT & FRÈRES INC.
Division de première instance, juge Dubé—Mont- réal, 21 octobre; Ottawa, 12 novembre 1987.
Brevets Contrefaçon Brevet relatif à un mur fait de blocs en béton agencés en chevrons pour retenir la terre La défenderesse fabrique et vend des blocs en béton semblables à ceux qui sont décrits dans le brevet et dans une brochure distribuée au public Il n'y a pas eu contrefaçon Le brevet confère un monopole sur le mur de soutènement et non sur les blocs en béton Il ne s'agit pas d'une revendication du type «Jepson» I1 n'y a pas eu incitation à contrefaire un objet.
Il s'agit d'une requête pour qu'il soit statué sur un point de droit dans une action en contrefaçon de brevet. La défenderesse fabrique et vend des blocs en béton qui ont les mêmes caracté- ristiques que le bloc en béton décrit dans le brevet de la demanderesse. La question est de savoir si le brevet de la demanderesse confère un monopole sur un mur de soutènement ou sur les blocs en béton constituant le mur en question.
Le brevet est intitulé «Earth Retaining Wall of Vertically Stacked Chevron Shaped Concrete Blocks» (mur fait de blocs en béton agencés en chevrons pour soutenir la terre). Il a été rangé dans les catégories «Contrôle eau et terre et construction sous surface» et «Murs de soutènement» et non pas dans celle des blocs. La demanderesse a soutenu que le brevet était analogue à une revendication du type «Jepson», une méthode américaine de rédaction des revendications d'un brevet selon laquelle on indique dans le préambule la partie de la combinai- son qui existe déjà, pour ajouter ensuite la partie qui est nouvelle.
La défenderesse a publié et distribué une brochure. Il s'agis- sait de savoir si cela, en plus de la fabrication et de la vente des blocs en béton, a contribué à inciter des tiers à contrefaire le brevet de la demanderesse.
Jugement: il faudrait répondre aux deux questions par la négative.
Le brevet et ses revendications confèrent un monopole sur le mur de soutènement et non sur les blocs individuels qui le composent. Le monopole conféré par un brevet est restreint par la rédaction des revendications. Les revendications en cause indiquent clairement que c'est l'invention du mur de soutène- ment qui est revendiquée, lequel mur est composé de blocs agencés d'une façon particulière.
Dans les revendications du type Jepson, les mots «In a ...» (dans un(e)) sont utilisés au début du préambule pour indiquer l'élément connu, et les mots «wherein the improvement compri ses» (où l'amélioration comprend) précèdent l'invention. Les revendications du brevet sous étude ne contiennent aucune de ces expressions. La présence du mot «wherein» (où), seul et isolé au corps des revendications du brevet, ne peut servir à établir, dans le contexte, que les blocs constituent l'objet du brevet. Il n'y a aucune analogie avec la méthode de rédaction des reven- dications du type Jepson. La précision est de rigueur dans la rédaction d'un brevet.
La défenderesse n'a pas incité de tiers à violer les droits conférés par le brevet. Il y a contrefaçon d'une revendication d'un brevet lorsqu'il est prouvé que le défendeur a sciemment incité ou amené un autre à contrefaire un objet breveté. Il n'a pas été établi que l'acte de contrefaçon a été influencé par la défenderesse au point où, sans une telle influence, la contrefa- çon n'aurait pas eu lieu, ou qu'une telle influencce a été exercée par la défenderesse en toute connaissance de cause.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 474.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Slater Steel Industries Ltd. et al. v. R. Payer Co. Ltd.
(1968), 55 C.P.R. 61; 38 Fox Pat. C. 139 (C. de l'E.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Rucker Co. c. Gavel's Vulcanizing Ltd. (1985), 6 C.I.P.R. 137 (C.F. 1'e inst.); Hatton v. Copeland-Chat- terson Co. (1906), 13 R.C.S. 651; confirmant (1906), 10 R.C.É. 224.
DÉCISIONS CITÉES:
Barnett-McQueen Co. Ltd. v. Canadian Stewart Co. Ltd. (1910), 13 R.C.É. 186; Electric & Musical Industries Ld. and Boonton Research Corporation Ld. v. Lissen Ld. and G. Kalis (trading as Andy's Radio Supplies) (Conso- lidated) (1938), 56 R.P.C. 23 (H.L.); Mailman v. Gil- lette Safety Razor Co. of Canada Ltd., [1932] R.C.S. 724; Lynch and Henry Wilson & Co. Ld. v. John Phillips & Co. (1909), 26 R.P.C. 389 (Scot. 1st Div.); Ex parte Jepson, [1917] C.D. 62; Wells Mfg. Corp. v. Littelfuse, Inc., 192 U.S.P.Q. 256 (7th Cir. 1976).
DOCTRINE
Lipscomb's Walker on Patents, vol. 3, Ernest Bainbridge Lispcomb III, Rochester, N.Y.: The Lawyers Co operative Publishing Co., 1985.
Patent Office Guidelines for Drafting a Model Patent Application, 1969.
AVOCATS:
Ronald Fecteau pour la demanderesse. François M. Grenier et Maurice Archam- bault pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Monty, Coulombe, Sherbrooke (Québec), pour la demanderesse.
Léger, Robic & Richard, Montréal, pour la défenderesse.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran- çais par
LE JUGE DURÉ: Cette requête fondée sur la Règle 474 de la Cour fédérale [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] demande que soit statué sur un point de droit lequel peut résoudre, en partie ou en totalité, l'action en matière de brevet présentement devant la Cour. Le mémoire conjoint déposé par les parties établit les faits essentiels admis par elles:
a) La défenderesse fabrique, offre en vente et vend au Canada des blocs de béton ayant les mêmes caractéristiques que le bloc de béton décrit aux revendications 1, 2 et 3 du brevet canadien numéro 1,116,422;
b) La défenderesse a publié, distribué et fait circuler dans le public, le pamphlet déposé comme exhibit P-2 à l'interrogatoire de Monsieur Arsenault, qui est le président de la défenderesse.
Ces deux paragraphes sont effectivement les paragraphes 4(a) et (b) de la présente requête.
La question à être résolue est à deux volets:
1. Si la défenderesse n'a fait que poser les gestes décrits au paragraphe 4a) de la requête sous la Règle 474 des Règles de la Cour fédérale du Canada, ces faits et gestes à eux seuls constituent-ils contrefaçon des revendications 1, 2 et 3 du brevet P-1?
2. Le fait pour la défenderesse de poser les gestes décrits en 4a) et b) de cette même requête constitue-t-il contrefaçon des revendications 1, 2 et 3 du brevet P-1?
Essentiellement, le problème à résoudre est de savoir si le brevet détenu par la demanderesse confère un monopole sur un mur de soutènement ou sur les blocs de béton constituant le mur en question. Cette distinction est importante puisque la défenderesse admet qu'elle fabrique et vend au Canada des blocs de béton tels que décrits aux revendications du brevet, mais elle allègue que ses
gestes ne constituent pas une contrefaçon, attendu que le brevet, selon elle, ne confère pas un mono- pole sur les blocs mais seulement sur le mur.
Ma tâche première consiste donc à déterminer de façon précise le monopole conféré au titulaire du brevet. À cette fin il me faut interpréter le brevet dans son entier et analyser les revendica- tions.
Le brevet est intitulé «Earth Retaining Wall of Vertically Stacked Chevron Shaped Concrete Blocks» (mur fait de blocs en béton agencés en chevrons pour soutenir la terre) et a été émis par le Commissaire des brevets le 19 janvier 1982. Il est indiqué à la face même du brevet qu'il appartient à la sous-classe 61-51. Au Bureau des brevets la classe 61 est définie comme étant «Water and Earth Controlled and Subsurface Construction» (Contrôle eau et terre et construction sous surface) et la sous-classe 51 est décrite comme étant «Retaining Walls» (mur de soutènement). Le Bureau des brevets n'a pas classifié ce brevet sous aucune des classes réservées aux blocs.
La première page du brevet vaut d'être repro- duite en entier:
[TRADUCTION] 1116422
MUR FAIT DE BLOCS EN BÉTON AGENCÉS EN CHEVRONS POUR RETENIR LA TERRE
Extrait de l'exposé
Un mur de soutènement' constitué de rangées superposées et décalées de blocs de béton espacés à emboîtement, en forme de chevron. Les blocs contigus de certaines rangées sont liés par des tubes d'assemblage traversant les trous des blocs; des dispositifs d'ancrage allongés sont raccordés aux tubes et se prolongent horizontalement dans le sol. Les dispositifs d'an- crage peuvent aussi être des prolongements de béton moulés à même les blocs.
Raison de l'invention
L'invention consiste en un mur de soutènement pour délimi- ter les remblais, parois et autres talus de terre et est composée de blocs moulés en béton ou en un matériau similaire et disposés en rangées ou assises superposées.
Les murs de soutènement en question sont composés de blocs de béton moulés reposant les uns sur les autres essentiellement sans mortier, c'est-à-dire sans liaisonnement. L'objectif de l'in- vention est de produire des blocs moulés convenant à cette fin de façon que, d'une part, les éléments soient faciles à fabriquer à l'aide d'une machine et de moules à blocs de béton tradition- nels et, d'autre part, que la mise en œuvre de murs de soutène- ment d'une certaine hauteur soit facilitée et ne nécessite pas l'ancrage des blocs.
' Mes soulignements à toutes les citations.
Il y a lieu également de reproduire au complet le sommaire de l'invention tiré de la page 2 du brevet:
[TRADUCTION] Sommaire de l'invention
Pour résoudre ce problème on peut utiliser pour la retenue des talus, un mur de soutènement conforme à l'invention et constitué de blocs de béton ou d'un matériau similaire moulés individuellement et ayant la forme générale d'un chevron. Les blocs sont agencés par assises superposées et le dessus des blocs comporte des saillies dièdres convexes alors que la sous-face comprend des gorges dièdres concaves conçues pour recevoir les surfaces d'appui des saillies de l'assise au-dessous. La sous-face de chaque bloc est plus étroite que le dessus.
Ces blocs moulés peuvent être produits très simplement grâce à des méthodes connues, c'est-à-dire en position verticale dans un moule à béton. De plus, la configuration des blocs moulés permet d'obtenir des résultats particulièrement favorables pour ce qui est de l'ancrage des blocs les uns dans les autres. Puisque la sous-face est plus étroite que le dessus, il est possible, tant du côté apparent du mur que du côté de la terre, de réaliser des épaulements en escalier qui confèrent au mur une belle appa- rence et un ancrage solide dans le sol.
Pour qu'on puisse construire des murs de soutènement même très hauts grâce à cette invention et avec les blocs décrits, il est également proposé qu'au moins certains blocs comportent une patte d'ancrage intégrée, faisant saillie dans le talus et dont l'extrémité distale est plus épaisse.
Par la suite vient la description des neuf dessins suivie de la description du mode de construction et des quatre revendications. Il faut retenir que la quatrième revendication se rapporte au système d'ancrage du mur et ne fait pas l'objet de cette requête. Les trois premières revendications se lisent comme suit:
[TRADUCTION]
1. un mur de soutènement pour retenir les talus et constitué de blocs de béton ou d'un autre matériau similaire moulés individuellement en forme de chevron et agencés en assises superposées; le dessus des blocs comporte des saillies dièdres convexes alors que la sous-face comprend des gorges dièdres concaves conçues pour recevoir les surfaces d'appui des saillies de l'assise au-dessous; la sous-face de chaque bloc est plus étroite que le dessus.
2. Un mur de soutènement comme décrit à la revendication 1, dont chaque bloc comporte une surface portante supé- rieure qui forme un épaulement avec la surface à angle rentrant du côté apparent de chaque bloc.
3. Un mur de soutènement comme décrit aux revendications n°' 1 et 2, dont chaque bloc comporte des faces intérieure et extérieure qui convergent vers le bas.
L'argumentation de la demanderesse est à l'ef- fet, bien sûr, que ce brevet lui confère un monopole sur les blocs qui constituent le mur. Même si à la lecture du brevet il semble clair que le monopole vise le mur, le procureur de la demanderesse invo- que une décision de cette Cour, Rucker Co. c. Gavel's Vulcanizing Ltd. 2 laquelle traite de «Jep- son -type claims», pour établir le contraire. Il con- cède que dans le cas présent il n'y a pas spécifique- ment de revendications du type «Jepson». Par contre, il veut procéder par analogie car il trouve évident qu'il faille situer le bloc dans son environ- nement, soit le mur, afin de le définir avec précision.
Toujours selon le procureur de la demanderesse, le détenteur du brevet serait puni de façon injuste si la contrefaçon était limitée à l'érection du mur: le détenteur du brevet voulait en rédigeant sa revendication indiquer clairement les fonctions des différentes surfaces du bloc, tout en situant et en limitant l'usage de ce dernier. Il soumet également que si quelqu'un vend tous les éléments pour former une combinaison revendiquée, cette per- sonne se place en contrefaçon du brevet.
Il allègue au surplus que la défenderesse s'est, par ses gestes, rendu coupable de contrefaçon con- tributoire en permettant la fabrication et la vente des blocs à d'autres parties qui s'en servent pour fabriquer un mur de soutènement, lequel est égale- ment protégé par le monopole du brevet.
En résumé, il allègue que les revendications du brevet doivent être interprétées par la Cour d'une façon juste, c'est-à-dire en essayant de déterminer l'invention et non de piéger le breveté.
Malheureusement pour lui, je ne peux accepter ses prétentions. Mon interprétation du brevet et de ses revendications me conduit inéluctablement à la conclusion qu'il confère un monopole sur le mur de soutènement et non sur les blocs individuels qui le composent. C'est ainsi que le brevet se lit. Il faudrait torturer le texte pour trouver que l'inven- tion vise les blocs et non le mur. Et le tribunal doit déterminer le texte tel qu'il se lit, non tenter de deviner les intentions du breveté.
La jurisprudence a définitivement établi que le monopole conféré par le brevet est restreint par la
2 (1985), 6 C.I.P.R. 137 (C.F. 1" inst.).
rédaction des revendications, que ces limitations soient limitées volontairement ou non 3 . La lecture des revendications indique clairement que c'est l'invention du mur de soutènement qui est revendi- quée, lequel mur est composé de blocs agencés d'une façon particulière. Ce n'est pas le rôle de la Cour de spéculer sur la raison pour laquelle un privilège exclusif sur la forme du bloc n'a pas été revendiqué. Dans le cadre nécessairement étroit de la présente requête en vertu de la Règle 474, la Cour est limitée aux admissions produites de con- sentement et ne peut donc en conclure, à ce stage, que la défenderesse a elle-même érigé un mur de soutènement, ou que ses clients ont eux-mêmes érigé un mur de soutènement conformément à l'enseignement contenu au brevet.
Il y a maintenant lieu d'examiner plus en pro- fondeur l'argument du procureur de la demande- resse en ce qui concerne les «Jepson claims». Il indique que les revendications «Jepson» ont norma- lement un préambule, lequel débute de la façon suivante: «In a ...» (dans un(e)) pour indiquer qu'il y a une sous-combinaison qui fait partie de la combinaison globale. Dans Rucker, le juge Walsh a discuté d'un arrêt britannique 4 qui aurait reconnu l'existence de ces mots. Par contre, il s'appuie sur les mots «... the improvement com prising ...» (l'amélioration comprenant) la page 166) pour aider à déterminer l'invention protégée par le brevet.
En réalité les «Jepson claims» ne constituent pas des revendications comme telles mais représentent une méthode américaine de rédiger les revendica- tions d'un brevets. Le but de cette méthode a été énoncé comme suit dans Walker on Patents 6 :
[TRADUCTION] [elle] indique dans son préambule la partie de la combinaison qui existe déjà et y ajoute la partie qui est nouvelle.
3 Barnett-Mcqueen Co. Ltd. v. Canadian Stewart Co. Ltd. (1910), 13 R.C.E. 186; Electric & Musical Industries Ld. and Boonton Research Corporation Ld. v. Lissen Ld. and G. Kalis (Trading as Andy's Radio Supplies) (Consolidated) (1938), 56 R.P.C. 23 (H.L.); Mailman v. Gillette Safety Razor Co. of Canada Ltd., [1932] R.C.S. 724.
4 Lynch and Henry Wilson & Co. Ld. v. John Phillips & Co. (1909), 26 R.P.C. 389 (Scot. 1st Div.).
5 Ex parte Jepson, [ 1917] C.D. 62.
6 Lipscomb, Ernest Bainbridge III, Lipscomb's Walker on Patents, vol. 3, 3` éd., Rochester, N.Y.: The Lawyers Co-opera tive Publishing Co., 1985, à la p. 413.
Les «Jepson claims» sont utilisés aux États-Unis lorsqu'il s'agit d'améliorations à des structures ou des méthodes déjà connues. Le préambule consti- tue donc une limitation essentielle, c'est-à-dire que l'invention ne sera utilisée que dans ce contexte.
Les lignes directrices américaines suggèrent une description de tous les éléments qui sont conven- tionnels ou connus suivie des mots «wherein the improvement comprises» ( [TRADUCTION] (où l'amélioration comprend)) afin de différencier l'in- vention des éléments précités, lesquels ne peuvent faire l'objet du brevet 7 .
Il appert donc que les mots «In a ... » (dans un(e)) au début du préambule ont été reconnus par la jurisprudence britannique comme détermi- nant l'élément connu pour en venir à l'invention protégée par le brevet. De plus, la jurisprudence américaine reconnaît l'expression «In a ... » (dans un(e)) ainsi qu'une expression dans la veine de «wherein the improvement comprises» (où l'amé- lioration comprend) afin de bien distinguer l'inven- tion de la structure ou méthode déjà connue. Malgré que le Patent and Trademark Office amé- ricain ne demande que la présence de la dernière expression, on remarque que les deux expressions sont généralement utilisées de concert aux États-Unis.
Or, les revendications du brevet sous étude ne contiennent aucune de ces deux expressions. Au contraire, les paragraphes clés débutent avec les mots «A retaining wall...» (un mur de soutène- ment), tel que j'ai moi-même souligné tout le long du brevet. La présence du mot «wherein> (où), seul et isolé au corps des revendications du brevet, ne peut servir à établir, dans le contexte, que les blocs constituent l'objet du brevet. Ceci étant, il ne peut y avoir d'analogie avec une méthode de rédaction dont aucuns des critères ne sont présents. Lors de la rédaction d'un brevet, la précision est de rigueur.
Cette première étape étant franchie, il me faut maintenant décider s'il y a eu usurpation des droits rattachés au brevet par incitation de la part de la défenderesse exercée sur des tiers. C'est ce que prétend la demanderesse.
7 Patent Office Guidelines for Drafting a Model Patent Application en date de 1969. Voir également Wells Mfg. Corp.
v. Littelfuse, Inc., 192 U.S.P.Q. 256 (7th Cir. 1976), la p. 257: «the improvement comprising ...»
Dans une décision datant de l'année 1906, Copeland-Chatterson Co. v. Hatton et a1 8 , la Cour de l'Échiquier du Canada a jugé que la vente d'un élément pouvant être utilisé en combinaison avec d'autres éléments, pour constituer une contre- façon de brevet, n'est pas en soi une contrefaçon, même si tel élément ainsi vendu ne peut servir à d'autres fins que d'entrer dans la combinaison du contrefacteur. Le juge s'exprimait en ces termes, à la page 242:
[TRADUCTION] Il est clair, naturellement, que ce n'est pas contrefaire un brevet que de vendre un objet qui en lui-même n'est pas une contrefaçon, bien qu'il puisse être utilisé pour contrefaire un tel brevet. De plus, il est bien établi en Angle- terre, je crois, qu'une telle vente ne constitue pas en elle-même une contrefaçon bien que le vendeur sache au moment de la vente qu'un tel objet est censé être utilisé par l'acheteur dans la contrefaçon du brevet.
Cette décision a été confirmée par la Cour suprême du Canada 9 .
Dans une décision plus récente, Slater Steel Industries Ltd. et al. v. R. Payer Co. Ltd. 10 , la Cour de l'Échiquier s'est encore penchée sur les revendications d'une combinaison. Le Président Jackett décrivait ainsi la combinaison à la page 65:
[TRADUCTION] Toutes les revendications invoquées sont des revendications concernant une combinaison réalisée en enrou- lant certaines tiges de forme hélicoïdale autour d'une ligne de transmission électrique à garniture tressée à un point de charge pour que, à ce point-là, la ligne de transmission soit complète- ment enfermée dans une gaine protectrice composée de ces tiges. Les tiges en question sont désignées sous le nom de «tiges d'acier préformées».
Il tirait immédiatement la conclusion au para- graphe suivant que le brevet accordait des droits relativement à la combinaison et non aux parties composantes:
[TRADUCTION] Il est de toute première importance, pour évaluer la question à trancher, de ne pas oublier que le mono- pole conféré par les brevets s'applique à la combinaison obtenue en combinant les tiges avec la ligne de transmission, et que les demanderesses n'ont aucun droit découlant d'un brevet en ce qui concerne comme telles les tiges d'acier préformées.
À la suite d'une revue exhaustive de la jurispru dence en la matière, le savant juge s'est posé les trois questions que je cite la page 84):
[TRADUCTION] a) est-ce que l'acheteur qui s'est procuré des tiges d'acier des défenderesses les a achetées pour contrefaire les brevets de la demanderesse,
8 (1906), 10 R.C.É. 224.
9 Hatton v. Copeland-Chatterson Co. (1906), 13 R.C.S. 651.
10 (1968), 55 C.P.R. 61; 38 Fox Pat. C. 139 (C. de l'É.).
b) si cet acheteur a effectivement contrefait les brevets, a-t-il été incité ou amené à le faire par les défenderesses, et enfin
c) si cet acheteur a été incité ou amené à le faire par les défenderesses, celles-ci l'ont-elles fait «sciemment*?
Le juge en a finalement conclu que les défen- deurs n'étaient pas coupables de contrefaçon. Il a indiqué que la contrefaçon d'une revendication d'un brevet est établie lorsqu'il a été allégué et prouvé que le défendeur a sciemment incité ou amené un autre à contrefaire un objet breveté.
Dans le contexte limité de cette requête, il n'a pas été établi que l'acte de contrefaçon a été complété par un acheteur, ou que l'acte de contre- façon a été influencé par la défenderesse au point où, sans une telle influence, la contrefaçon n'aurait pas eu lieu, ou qu'une telle influence a été exercée par la défenderesse en toute connaissance de cause.
En conséquence, je me dois de donner une réponse négative aux deux questions posées par cette requête. Ladite requête ayant été présentée de consentement et dans le but louable de court- circuiter les procédures à venir, les frais seront à suivre.
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