T-192-85
Neil Anderson Davidson (requérant)
c.
Solliciteur général du Canada (intimé)
RÉPERTORIÉ: DAVIDSON C. CANADA (SOLLICITEUR GÉNÉRAL)
Division de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Vancouver, 19 novembre 1985 et 22, 23
et 24 janvier 1986; Ottawa, 16 mars 1987.
Protection des renseignements personnels — Demande d'ac-
cès à des renseignements personnels rejetée — La question se
pose de savoir si, après l'introduction d'une demande de
révision de ce rejet fondée sur l'art. 41 de la Loi, on peut
invoquer des exemptions autres que celles mentionnées dans
l'avis de refus — Conséquence de l'inobservation des exigences
de caractère essentiellement procédural de l'art. 16(1)b) de la
Loi — Loi sur la protection des renseignements personnels,
S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe I!, art. 12(1), 14,
16(1)b), 19(1)c), 22(1)a)(i),(ii),b)(ii),(iii),(2), 27, 29(1)b), 41, 45,
48, 49 — Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83,
chap. 111, annexe I, art. 16(3) — Loi sur la preuve au Canada,
S.R.C. 1970, chap. E-10, art. 36.1(1),(2) (ajouté par S.C.
1980-81-82-83, chap. 111, art. 4).
Le requérant avait été maire de Vernon (Colombie-Britanni-
que). Par suite de compte rendus de journaux d'une enquête
menée par la GRC sur les activités illégales et contraires à
l'éthique auxquelles il se serait livré, le requérant a demandé à
avoir accès à tous les renseignements le concernant contenus
dans des dossiers opérationnels de la GRC. Au début, il s'agis-
sait d'une requête fondée sur la Loi canadienne sur les droits
de la personne mais, lorsque la Loi sur la protection des
renseignements personnels est entrée en vigueur, les parties ont
convenu de traiter la requête comme une demande sous le
régime de son paragraphe 12(1). L'intimé a refusé de divulguer
les renseignements demandés, essentiellement pour protéger
l'identité des indicateurs. Toutefois, dans l'avis de rejet de la
demande d'accès aux renseignements présentée par le requé-
rant, il a été fait mention du paragraphe 22(2) de la Loi comme
motif de cette décision. En vertu de cette disposition, la com
munication des renseignements personnels obtenus par la GRC
dans l'exercice de ses fonctions de police pour une province peut
être refusée si, à la demande de la province, le gouvernement
fédéral a consenti à ne pas divulguer ces renseignements.
Toutefois, au cours de l'enquête, aucune entente de ce genre
n'était en vigueur. Il s'agit alors de savoir si l'intimé peut, après
l'introduction de la présente demande de révision fondée sur
l'article 41 de la Loi, invoquer d'autres exemptions mentionnées
dans celle-ci.
Jugement: la demande devrait être accueillie, sous réserve de
certaines conditions.
L'alinéa 16(1)b) oblige à mentionner dans l'avis de refus les
dispositions précises de la Loi sur lesquelles se fonde le refus.
Compte tenu de la décision Ternette, l'inobservation par l'in-
timé de cette exigence l'empêche d'invoquer les exemptions qui
n'ont pas été précisées dans l'avis de refus. Mais cela ne signifie
nécessairement pas qu'un vice de forme peut l'emporter sur la
sécurité nationale.
L'intimé ne saurait remédier au fait de ne pas avoir invoqué
l'exemption prévue au sous-alinéa 22(1)b)(ii) en déposant une
attestation sous le régime de l'article 36.1 de la Loi sur la
preuve au Canada. La raison en est tout d'abord que l'article
45 de la Loi sur la protection des renseignements personnels
prévoit que la Cour peut, nonobstant toute autre loi du Parle-
ment, examiner les renseignements pour déterminer si le refus
de communication était justifié en vertu de la Loi sur la
protection des renseignements personnels et, en deuxième lieu,
que la raison d'intérêt public qui justifie la non-divulgation est
la même dans l'article 36.1 et dans le sous-alinéa 22(1)b)(ii).
L'attestation et les procédures prévues à l'article 36.1 ne s'ap-
pliquent donc pas en l'espèce.
Le sous-alinéa 22(1)b)(ii) de la Loi sur la protection des
renseignements personnels a codifié la règle du secret fondée
sur la common law relativement à l'identité des informateurs de
police. Cette règle ne saurait s'appliquer en l'espèce parce qu'on
aurait dû préciser cette exemption dans l'avis de refus. L'article
48 de la Loi autorise toutefois la Cour à ordonner la communi
cation aux conditions qu'elle juge indiquées. La Cour ordonne
donc la communication avec les suppressions appropriées de
manière à protéger l'identité de(s) l'indicateur(s).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Ternette c. Solliciteur général du Canada, [1984] 2 C.F.
486 (1" inst.); Canada (commissaire à l'information) c.
Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration),
[1986] 3 C.F. 63; 5 F.T.R. 287 (1" inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60; (1984), 51
N.R. 81.
AVOCATS:
N. A. Davidson, c.r. pour le requérant.
H. J. Wruck pour l'intimé.
PROCUREURS:
Davidson & Company, Vernon (C.-B.), pour
le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La pré-
sente demande de révision, fondée sur l'article 41
de la Loi sur la protection des renseignements
personnels [S.C. 1980-81-82-83, chap. 111,
annexe II], a été entendue pour la première fois à
Vancouver (Colombie-Britannique) le 19 novem-
bre 1985. Le débat a repris les 22, 23 et 24 janvier
1986, et le 30 octobre 1986, j'ai fait savoir à
l'audience que j'ordonnerais la communication du
dossier demandé et ce, conditionnellement, et que
les présents motifs s'ensuivraient.
Les faits ne sont pas contestés et se trouvent
dans plusieurs affidavits établis par le requérant et
Patrick E. J. Banning, le surintendant principal et
coordonnateur de la protection des renseignements
personnels au sein de la Gendarmerie royale du
Canada (ci-après appelée GRC). Entre juin 1979
et décembre 1981, le requérant était maire de la
ville de Vernon (Colombie-Britannique). Vers la
fin de son mandat, il s'est rendu compte que la
GRC menait une enquête sur les activités illégales
et contraires à l'éthique auxquelles il se serait livré.
Un officier supérieur de la GRC l'a également
informé, à titre confidentiel, que les allégations
portées contre lui avaient été préméditées; les
détails sur les allégations et leurs sources n'ont
toutefois pas été révélés. Aucune accusation for-
melle n'a été portée contre le requérant, mais des
membres des médias ont eu connaissance de l'en-
quête et en ont fait un compte rendu dans le
journal local.
Au début, le requérant a voulu avoir accès à
neuf documents détenus par la GRC relativement
à leur enquête sous le régime de la partie IV de la
Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C.
1976-77, chap. 33. Toutefois, au cours de ces
procédures, le projet de Loi C-43 a reçu la sanc
tion royale, l'annexe II de ce projet de loi consti-
tuant la Loi sur la protection des renseignements
personnels, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111. Les
parties ont convenu de traiter la requête comme
une demande visant à obtenir, sous le régime du
paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des
renseignements personnels, l'accès à tous les ren-
seignements personnels sur le requérant, contenus
dans des dossiers opérationnels de la GRC qui sont
enregistrés sous la cote RCMP -P20 en vertu de la
Loi sur la protection des renseignements person-
nels. Par lettre en date du 9 décembre 1983, la
demande de communication de ces documents a
été rejetée en ces termes:
[TRADUCTION] Les neuf documents ne peuvent être communi-
qués en raison de la Loi sur la protection des renseignements
personnels. Les renseignements en question sont visés par le
paragraphe 22(2) de la Loi, qui porte:
Pour ce qui est du paragraphe 22(2) de la Loi sur la protection
des renseignements personnels, il existe une entente entre le
gouvernement du Canada et la province de la Colombie-Britan-
nique.
Vous pouvez déposer une plainte auprès du Commissaire à la
protection de la vie privée concernant ce refus de communica
tion. Un avis de cette plainte doit être envoyé à ...
Le requérant a déposé une plainte auprès du Com-
missaire à la protection de la vie privée qui, après
avoir fait enquête comme l'exige l'alinéa 29(1)b)
de la Loi, a décidé que la plainte du requérant
n'était pas fondée. Le requérant a par la suite
déposé la présente demande de révision fondée sur
l'article 41.
L'affaire a été entendue pour la première fois
le 19 novembre 1985. À cette occasion, l'avocat de
l'intimé a reconnu que ce dernier n'était pas auto-
risé à refuser de communiquer les documents en
question sous le régime du paragraphe 22(2):
22.... (2) Le responsable d'une institution fédérale est
tenu de refuser la communication des renseignements person-
nels demandés en vertu du paragraphe 12(1) qui ont été
obtenus ou préparés par la Gendarmerie royale du Canada,
dans l'exercice de fonctions de police provinciale ou municipale
qui lui sont conférées par une entente conclue sous le régime de
l'article 20 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, si,
à la demande de la province ou de la municipalité, le gouverne-
ment du Canada a consenti à ne pas divulguer ces
renseignements.
Il ressort de la preuve produite au nom de l'intimé
que le gouvernement du Canada et celui de la
Colombie-Britannique ont, les 25 septembre 1981
et 30 août 1982 respectivement, conclu deux con-
trats prévoyant que la GRC ferait fonction de
police pour la province de la Colombie-Britannique
et la ville de Vernon. Par lettre en date du 28 avril
1982, le solliciteur général du Canada a accepté, à
la demande du procureur général de la Colombie-
Britannique, de ne pas communiquer, en vertu du
paragraphe 16(3) de la Loi sur l'accès à l'infor-
mation [S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe I]
et du paragraphe 22(2) de la Loi sur la protection
des renseignements personnels, les renseignements
recueillis ou obtenus par la GRC dans l'exercice de
ses fonctions de police conférées par ces ententes.
La période durant laquelle l'enquête sur le com-
portement du requérant a eu lieu et les renseigne-
ments demandés ont été obtenus ne coïncide pas
avec les périodes visées par ces deux contrats. Un
troisième contrat était en vigueur à cette époque,
et le gouvernement du Canada ne s'est nullement
engagé à ne pas communiquer les renseignements
obtenus pendant qu'il fournissait des services en
vertu de ce contrat. En conséquence, je suis per-
suadé que l'intimé ne saurait s'autoriser du para-
graphe 22(2) pour refuser de communiquer les
documents demandés par le requérant. Étant
donné cette conclusion, j'ai, par ordonnance en
date du 16 décembre 1985, ajourné l'audience et
ordonné ce qui suit:
[TRADUCTION] 4. L'exposé écrit des faits et du droit de l'in-
timé et la réponse écrite du requérant doivent aborder les points
suivants:
a) Est-ce que la lettre de refus ou les documents déposés en
l'espèce indiquent des exemptions autres que celle prévue au
paragraphe 22(2) de la Loi sur la protection des renseigne-
ments personnels?
b) Au cas où le paragraphe a) reçoit une réponse négative,
l'intimé peut-il s'appuyer sur les exemptions qui ne sont pas
précisées mais qui se rapportent à l'espèce?
c) Au cas où le paragraphe a) ou le paragraphe b) reçoivent
une réponse affirmative, l'intimé peut-il démontrer qu'il peut se
prévaloir de ces exemptions?
d) Tout autre argument de fait et de droit qui se rapporte à la
présente demande.
L'intimé et le requérant ont déposé des arguments
écrits les 20 décembre 1985 et le 16 janvier 1986
respectivement. Un débat oral a eu lieu le 24
janvier 1986.
En l'espèce, il s'agit essentiellement de savoir si
l'intimé, ayant informé le requérant que les rensei-
gnements demandés ne pouvaient être communi-
qués en vertu du paragraphe 22(2) de la Loi, peut,
après l'introduction d'une demande de révision
fondée sur l'article 41, invoquer d'autres exemp
tions mentionnées dans la Loi. Bien que l'avocat de
l'intimé se soit efforcé de me prouver le contraire,
je suis persuadé que, antérieurement au mois de
novembre 1985, on s'est uniquement fondé sur le
paragraphe 22(2) pour refuser de communiquer
les documents au requérant. Le surintendant prin
cipal Banning a reconnu ce fait dans son affidavit
daté du 15 novembre 1985 et déposé le 18 novem-
bre. Le paragraphe 4 de cet affidavit est ainsi
rédigé:
[TRADUCTION] 4. Dans l'avis de refus envoyé au requérant le 9
décembre 1983 ... il a été fait mention d'un seul motif
d'exemption, savoir le paragraphe 22(2) de la Loi sur la
protection des renseignements personnels.
Il s'explique en ces termes au paragraphe 5:
[TRADUCTION] 5. Bien que l'avis de refus repose uniquement
sur le paragraphe 22(2) de la Loi sur la protection des rensei-
gnements personnels, j'ai moi-même indiqué plusieurs autres
motifs d'exemption en traitant la requête du requérant. Est
jointe à mon affidavit supplémentaire sous la cote «A» une copie
de la formule intitulée «Demande d'exemption» et utilisée pour
le traitement de la requête du requérant, à laquelle j'ai assigné
la date du 25 novembre 1983 et sur laquelle j'ai indiqué tous les
motifs d'exemption applicables à la requête fondée sur la Loi
sur la protection des renseignements personnels.
Le surintendant principal Banning savait peut-être
que d'autres motifs d'exemption s'appliquaient aux
renseignements demandés par le requérant, et que
ces articles particuliers de la Loi ont été mention-
nés sur la formule utilisée par le Ministère pour
traiter la demande; le seul motif invoqué dans
l'avis adressé au requérant était toutefois le para-
graphe 22(2).
Les articles 14 et 16 de la Loi sont ainsi conçus:
14. Le responsable de l'institution fédérale à qui est faite une
demande de communication de renseignements personnels en
vertu du paragraphe 12(1) est tenu, dans les trente jours
suivant sa réception, sous réserve de l'article 15:
a) d'aviser par écrit la personne qui a fait la demande de ce
qu'il sera donné ou non communication totale ou partielle des
renseignements personnels;
b) le cas échéant, de procéder à la communication.
16. (1) En cas de refus de communication de renseigne-
ments personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1),
l'avis prévu à l'alinéa 14a) doit mentionner, d'une part, le droit
de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte
auprès du Commissaire à la protection de la vie privée et,
d'autre part:
a) soit le fait que le dossier n'existe pas;
b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se
fonde le refus ou sur laquelle il pourrait vraisemblablement
se fonder si les renseignements existaient.
(2) Le paragraphe (1) n'oblige pas le responsable de l'insti-
tution fédérale à faire état de l'existence des renseignements
personnels demandés.
(3) Le défaut de communication de renseignements person-
nels demandés en vertu du paragraphe 12(1) dans les délais
prévus par la présente loi vaut décision de refus de
communication.
À l'évidence, l'alinéa 16(1)b) oblige le responsable
de l'institution fédérale à mentionner, dans l'avis
prévu à l'article 14, la disposition précise de la Loi
sur laquelle se fonde le refus. Dans l'affaire Ter-
nette c. Solliciteur général du Canada, [1984] 2
C.F. 486 (I re inst.), le juge Strayer a examiné la
conséquence de l'inobservation de l'exigence de
l'article 16. Il s'est prononcé en ces termes à la
page 497.
En vertu de l'alinéa 16(1)b) de la Loi, le responsable de
l'institution est tenu, s'il refuse la communication, d'indiquer la
disposition précise de la Loi sur laquelle il fonde son refus. À
mon avis, il est fondamental pour l'exercice par le requérant de
tous les recours subséquents, que le responsable soit lié par les
motifs qu'il allègue dans son avis de refus.
L'avocat de l'intimé soutient que l'avis prévu aux
articles 14 et 16 vise à faire en sorte que le
requérant connaisse la raison du refus de la com
munication des renseignements personnels deman
dés. L'intimé a agi de bonne foi, et c'est seulement
par inadvertance qu'il a uniquement invoqué le
paragraphe 22(2) dans l'avis envoyé au requérant.
Il prétend que le requérant a été avisé, au moyen
des affidavits déposés le 18 novembre 1985, soit le
jour précédant celui où la présente demande a
d'abord été entendue, et des affidavits ultérieurs
déposés le 20 décembre 1985, du fait que l'intimé
se fondait sur les sous-alinéas 22(1)a)(1),
22(1)a)(ii), 22(1)b)(ii), 22(1)b)(iii), l'article 27 et
le paragraphe 19(1)c) pour refuser de communi-
quer les renseignements:
22. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refu-
ser la communication des renseignements personnels demandés
en vertu du paragraphe 12(1):
a) soit qui remontent à moins de vingt ans lors de la
demande et qui ont été obtenus ou préparés par une institu
tion fédérale, ou par la subdivision de l'institution, qui consti-
tue un organisme d'enquête déterminé par règlement, au
cours d'enquêtes licites consistant à:
(i) détecter, prévenir ou réprimer le crime,
(ii) faire respecter les lois fédérales ou provinciales;
b) soit dont la divulgation risquerait vraisemblablement de
nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédéra-
les ou provinciales ou au déroulement d'enquêtes licites,
notamment:
(ii) des renseignements qui permettraient de remonter à
une source de renseignements confidentielle,
(iii) des renseignements obtenus ou préparés au cours
d'une enquête;
27. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la
communication des renseignements personnels demandés en
vertu du paragraphe 12(1) qui sont protégés par le secret
professionnel qui lie un avocat à son client.
19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une
institution fédérale est tenu de refuser la communication des
renseignements pérsonnels demandés en vertu du paragraphe
12(1) qui ont été obtenus à titre confidentiel:
c) des gouvernements des provinces ou de leurs organismes;
Selon l'intimé, le requérant a été informé suffisam-
ment d'avance des motifs pour lesquels on avait
refusé de lui communiquer les renseignements,
étant donné l'ordonnance que j'ai rendue le 16
décembre 1985 et qui accordait audit requérant
jusqu'au 17 janvier 1986 pour déposer ses conclu
sions écrites; le fait que l'intimé n'ait pas, au
début, respecté les exigences de l'alinéa 16(1)b),
ne lui a donc causé aucun préjudice.
C'est la question de la conséquence de l'inobser-
vation par l'intimé des exigences de l'alinéa
16(1)b), et non la question de savoir si le requérant
a subi un préjudice, qui constitue le principal point
litigieux en l'espèce. En l'absence d'une disposition
de la Loi permettant de modifier l'avis donné sous
le régime de l'article 14 ou de saisir cette Cour
d'une requête en autorisation de modifier, je suis
d'accord avec les propos tenus par le juge Strayer
dans l'affaire Ternette. L'intimé est lié par les
motifs du refus de communication que le responsa-
ble de l'institution fédérale a fait valoir dans son
avis de refus. Mais ni la décision Ternette ni
l'espèce présente ne devraient être interprétées
comme excluant l'argument selon lequel un vice de
forme peut l'emporter sur l'intérêt de la sécurité
nationale. Il reste à décider si le fait pour le
responsable d'une institution fédérale de n'avoir
pas correctement indiqué les motifs d'un refus de
communication pourrait en fin de compte imposer
une communication qui soit contraire à l'intérêt
national.
Dans l'affaire Canada (commissaire à l'infor-
mation) c. Canada (ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), [1986] 3 C.F. 63; 5 F.T.R. 287
(1" inst.), je me suis prononcé en ces termes [aux
pages 68 et 69 C.F.; 291 et 292 F.T.R.]:
Pour ce qui est du but de la loi, il convient peut-être de
revenir encore une fois aux propos que j'ai tenus dans l'affaire
Maislin Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et du
Commerce, [1984] 1 C.F. 939 [aux pages 942 et 943]:
Il faut cependant souligner que, puisque le principe de base
de ces lois est de codifier le droit du public à l'accès aux
documents du gouvernement, deux conséquences en décou-
lent: d'abord, les tribunaux ne doivent pas neutraliser ce droit
sauf pour les motifs les plus évidents, de sorte qu'en cas de
doute, il faut permettre la communication; deuxièmement, le
fardeau de convaincre la cour doit incomber à la partie qui
s'oppose à la communication, qu'il s'agisse, comme en l'es-
pèce, d'une société privée ou d'un citoyen ou, dans d'autres
cas, du gouvernement. Il convient de citer le paragraphe
2(1):
2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux
documents de l'administration fédérale en consacrant le
principe du droit du public à leur communication, les
exceptions indispensables à ce droit étant précises et limi-
tées et les décisions quant à la communication étant sus-
ceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.
Cette interprétation se trouve renforcée par la disposition
expresse de l'article 4:
4. (1) Sous réserve de la présente loi mais nonobstant
toute autre loi du Parlement, ont droit à l'accès aux docu
ments des institutions fédérales et peuvent se les faire com-
muniquer sur demande:
a) les citoyens canadiens; ou
b) les résidents permanents au sens de la Loi sur l'immi-
gration de 1976.
Je le répète, la Loi sur l'accès à l'information vise à codifier le
droit d'accès aux renseignements détenus par le gouvernement.
Il ne s'agit pas de codifier le droit du gouvernement de refuser
cet accès. L'accès devrait être la règle, et les exemptions qui
constituent l'exception doivent être expressément prévues par la
Loi.
Cet énoncé s'applique également à la Loi sur la
protection des renseignements personnels, dont le
paragraphe 12(1) porte:
12. (1) Sous réserve de la présente loi, tout citoyen canadien
et tout résident permanent, au sens de la Loi sur l'immigration
de 1976, a le droit de se faire communiquer sur demande:
a) les renseignements personnels le concernant et versés dans
un fichier de renseignements personnels;
b) les autres renseignements personnels le concernant et
relevant d'une institution fédérale, dans la mesure où il peut
fournir sur leur localisation des indications suffisamment
précises pour que l'institution fédérale puisse les retrouver
sans problèmes sérieux.
En conséquence, l'intimé ne saurait invoquer les
exemptions qui n'ont pas été mentionnées dans
l'avis de refus émis sous le régime de l'article 14.
L'avocat de l'intimé soutient subsidiairement
qu'une attestation déposée le 20 décembre 1985 en
vertu du paragraphe 36.1(1) de la Loi sur la
preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10,
ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, art. 4,
empêche la communication des renseignements
demandés par le requérant:
36.1 (1) Un ministre de la Couronne du chef du Canada ou
toute autre personne intéressée peut s'opposer à la divulgation
de renseignements devant un tribunal, un organisme ou une
personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de
renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant
eux que ces renseignements ne devraient pas être divulgués
pour des raisons d'intérêt public déterminées.
(2) Sous réserve des articles 36.2 et 36.3, dans les cas où
l'opposition visée au paragraphe (1) est portée devant une cour
supérieure, celle-ci peut prendre connaissance des renseigne-
ments et ordonner leur divulgation, sous réserve des restrictions
ou conditions qu'elle estime indiquées, si elle conclut qu'en
l'espèce, les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation
l'emportent sur les raisons d'intérêt public invoquées lors de
l'attestation.
Les raisons d'intérêt public déterminées invoquées
par l'intimé sont exposées dans l'attestation du
sergent Nyland:
[TRADUCTION] 5. Plus particulièrement, la communication des
renseignements identifierait ou tendrait à identifier les indica-
teurs de police mentionnés en l'espèce à l'alinéa 2b).
6. La protection de l'identité des indicateurs est essentielle, car
elle permet aux agents de la paix de leur promettre le secret. En
contrepartie, les agents de la paix reçoivent des renseignements
sans lesquels il leur serait extrêmement difficile de s'acquitter
de leur tâche et de voir au respect du droit pénal.
7. Sans cette protection de l'identité des indicateurs de police,
le flot de renseignements reçu par la police serait sérieusement
compromis, et l'efficacité de la police se trouverait fortement
réduite.
L'avocat soutient que la Loi sur la protection des
renseignements personnels n'empêche pas l'appli-
cation de l'article 36.1 de la Loi sur la preuve au
Canada, surtout parce que rien dans la Loi sur la
protection des renseignements personnels ne pré-
voit expressément que, nonobstant l'article 36.1,
les dispositions de celle-ci doivent s'appliquer.
L'avocat n'a toutefois pas invoqué l'article 45 de
la Loi sur la protection des renseignements per-
sonnels, lequel prévoit:
45. Nonobstant toute autre loi du Parlement ou toute immu-
nité reconnue par le droit de la preuve, la Cour a, pour les
recours prévus aux articles 41, 42 ou 43, accès à tous les
renseignements, quels que soient leur forme et leur support, qui
relèvent d'une institution fédérale, à l'exception des renseigne-
ments confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le
Canada auxquels s'applique le paragraphe 70(1); aucun des
renseignements auxquels la Cour a accès en vertu du présent
article ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.
L'article 36.1 de la Loi sur la preuve au Canada
fait état d'une «oppos[ition] à la divulgation de
renseignements devant un tribunal». Malgré cette
disposition ou toute autre disposition législative ou
immunité reconnue par le droit de la preuve, l'arti-
cle 45 de la Loi sur la protection des renseigne-
ments personnels confère à la Cour le droit d'accès
à tous les renseignements qui relèvent d'une insti
tution fédérale avec l'exception restreinte qui y est
précisée. En conséquence, le dépôt d'une attesta
tion sous le régime de l'article 36.1 ne saurait
empêcher cette Cour d'avoir accès au dossier con-
tenant les renseignements litigieux en l'espèce.
La Cour doit-elle avoir accès aux renseigne-
ments afin de déterminer si les raisons d'intérêt
public qui justifient la non-divulgation l'emportent
sur les raisons d'intérêt public qui justifient la
divulgation en vertu du paragraphe 36.1(2) de la
Loi sur la preuve au Canada, ou pour réviser le
refus de communication sous le régime de la Loi
sur la protection des renseignements personnels?
À mon avis, l'article 45 de la Loi sur la protection
des renseignements personnels fournit la réponse
en disant que la Cour a, «pour les recours prévus
aux articles 41, 42 ou 43...» accès à tous les
renseignements. Il y a donc lieu d'examiner les
renseignements pour déterminer si le responsable
de l'institution fédérale pouvait, sous le régime de
la Loi sur la protection des renseignements per-
sonnels, refuser d'en donner communication (arti-
cle 48) ou s'il avait des motifs raisonnables pour
refuser de les communiquer (article 49), selon
l'article invoqué pour justifier le refus. En fait, la
raison d'intérêt public invoquée dans l'attestation
fondée sur l'article 36.1 constitue un motif particu-
lier d'exemption de communication prévu au sous-
alinéa 22(1)b)(ii) de la Loi sur la protection des
renseignements personnels:
22. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refu-
ser la communication des renseignements personnels demandés
en vertu du paragraphe 12(1):
b) soit donc la divulgation risquerait vraisemblablement de
nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédéra-
les ou provinciales ou au déroulement d'enquêtes licites,
notamment:
(ii) des renseignements qui permettraient de remonter à
une source de renseignements confidentielle,
L'intimé ne saurait remédier au fait de ne pas
avoir, au début, invoqué l'exemption prévue au
sous-alinéa 22(1)b)(ii) en déposant une attestation
sous le régime de l'article 36.1. L'attestation et les
procédures prévues à l'article 36.1 ne s'appliquent
donc pas en l'espèce.
L'avocat de l'intimé s'appuie sur la règle du
secret fondée sur la common law interdisant la
divulgation de renseignements qui révélerait l'iden-
tité d'un indicateur de police. Le juge Beetz a
discuté de la portée de cette règle dans l'arrêt
Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60, à la page
93; (1984), 51 N.R. 81, la page 121:
Il ressort de ces motifs qu'en commun law le principe du
secret relatif à l'identité des indicateurs de police s'est mani
festé principalement par des règles de preuve que dicte l'intérêt
public et qui excluent la divulgation judiciaire de l'identité des
indicateurs de police par des agents de la paix qui ont appris
l'idendité de ces indicateurs dans l'exercice de leurs fonctions.
On ne peut non plus contraindre un témoin à dire s'il est
lui-même un indicateur de police. Le principe a pris naissance
en matière criminelle, dans des procès pour haute trahison
semble-t-il, mais il vaut également en matière civile et il a été
reconnu dans un cas comme dans l'autre pour des motifs qui
ont trait à l'efficacité essentielle du droit criminel. Ce principe
ne souffre qu'une exception imposée par la nécessité de démon-
trer l'innocence de l'accusé. Il ne connaît aucune exception en
matière autre que criminelle. Son application ne relève en rien
de la discrétion du juge car c'est une règle juridique d'ordre
public qui s'impose au juge.
Cette règle de common law ne peut être modifiée
que par une disposition législative claire et expli-
cite. Or, aucune disposition de ce genre n'a été
prise. Au contraire, le sous-alinéa 22(1)b)(ii) de la
Loi sur la protection des renseignements person-
nels semble avoir codifié cette règle en prévoyant
cependant que le pouvoir discrétionnaire de refuser
de communiquer ce type de renseignement relève
du responsable de l'institution fédérale. Lorsqu'une
demande de révision est présentée sous le régime
de l'article 41, la Cour peut, en vertu de l'article
49, déterminer si le responsable de l'institution
avait des motifs valables pour refuser de communi-
quer les renseignements personnels. Ainsi que je
l'ai dit, l'intimé aurait toutefois dû préciser cette
exemption dans l'avis de refus.
À l'évidence, tout renseignement personnel qui
révélerait l'identité de(s) l'indicateur(s) de police
est assujetti à une exception qui déroge au droit
général d'un particulier d'avoir accès aux rensei-
gnements personnels le concernant. Si l'intimé
avait invoqué le sous-alinéa 22(1)b)(ii) de la Loi
comme motif dans l'avis de refus, les renseigne-
ments litigieux ne feraient pas l'objet d'une ordon-
nance portant communication. Avant la promulga
tion de la Loi sur la protection des renseignements
personnels, seule la règle du secret fondée sur la
common law aurait protégé l'identité de(s) l'indi-
cateur(s). Compte tenu des faits de l'espèce, la
question essentielle et difficile qui se pose est de
savoir si l'informateur doit être placé dans une
situation dangereuse en raison d'une omission de
l'intimé. À mon avis, les pouvoirs de la Cour
prévus aux articles 48 et 49 donnent la solution.
Dans l'avis de refus émis sous le régime de
l'article 16, l'intimé a invoqué le paragraphe 22(1)
pour refuser de communiquer les renseignements
personnels demandés par le requérant. En consé-
quence, lorsqu'une demande de révision est présen-
tée sous le régime de l'article 41, c'est l'article 48
qui prévoit les pouvoirs de la Cour:
48. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de
l'individu qui a exercé un recours en révision d'une décision de
refus de communication de renseignements personnels fondée
sur des dispositions de la présente loi autres que celles mention-
nées à l'article 49, ordonne, aux conditions qu'elle juge indi-
quées, au responsable de l'institution fédérale dont relèvent les
renseignements d'en donner communication à l'individu; la
Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime indiqué.
J'ai décidé, et en fait l'intimé l'a reconnu, que le
paragraphe 22(1) de la Loi ne l'autorise pas à
refuser de communiquer les renseignements au
requérant. La Cour a donc le pouvoir discrétion-
naire d'ordonner ou bien que les renseignements
soient communiqués dans leur forme initiale, ou
bien qu'ils soient communiqués aux conditions
qu'elle juge indiquées, ou de rendre une autre
ordonnance si elle l'estime indiqué. Compte tenu
des faits de l'espèce, et des omissions de l'intimé, il
convient d'ordonner que les renseignements soient
communiqués au requérant avec les suppressions
appropriées de manière à protéger l'identité de(s)
l'indicateur(s).
Le requérant a droit à ses dépens.
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