T-2123-87
Louis J. Devor (demandeur)
c.
Ministre du Revenu national (défendeur)
RÉPERTORIÉ: DEVOR C. M.R.N.
Division de première instance, protonotaire-chef
adjoint Giles—Toronto, 29 février et 11 avril
1988.
Compétence de la Cour fédérale — Division de première
instance — Requête en radiation de la déclaration en vertu de
l'art. 29 de la Loi sur la Cour fédérale: la Cour n'a pas
compétence pour accorder un redressement en vertu de l'art. 18
à l'encontre d'une nouvelle cotisation d'impôt parce que la loi
prévoit un droit d'appel — Nouvelle cositation établie après la
signature de la renonciation par le demandeur — Requête
principale visant à faire annuler, en vertu de l'art. 18, la
renonciation et toute nouvelle cotisation subséquente — Action
intentée avant l'établissement de la nouvelle cotisation, alors
qu'il n'y avait aucun droit d'appel — Jurisprudence contradic-
toire, devant la Division de première instance de la Cour
fédérale, à l'égard de l'application de l'art. 18 aux nouvelles
cotisations — L'art. 29 n'était pas pertinent au moment du
dépôt de la déclaration — Le fait que la nouvelle cotisation et
les avis d'opposition aient été déposés par la suite n'a aucun
effet — Requête rejetée.
Impôt sur le revenu — Nouvelle cotisation — Requête en
radiation de la déclaration — Demandeur désire l'annulation,
en vertu de l'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale, de la
renonciation et de toute nouvelle cotisation subséquente —
Demandeur invoque la règle non est factum, alléguant que les
fonctionnaires du Ministère ont obtenu les renonciations de
façon inacceptable, ce qui a permis au Ministère d'établir une
nouvelle cotisation après l'expiration du délai imparti
Requête en radiation de la déclaration, en vertu de l'art. 29 de
la Loi sur la Cour fédérale (la Cour n'a pas compétence pour
accorder un redressement en vertu de l'art. 18 lorsqu'une loi
prévoit un droit d'appel) — Action intentée avant l'établisse-
ment de la nouvelle cotisation alors qu'il n'y avait pas de droit
d'appel — L'art. 29 n'était pas pertinent au moment du dépôt
de la déclaration et le fait qu'une nouvelle cotisation et des
avis d'opposition aient été déposés par la suite n'a aucun effet
— Requête rejetée.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63.
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap.
10, art. 29.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Optical Recording Corp. c. Canada, [1987] 1 C.F. 339;
(1986), 86 DTC 6465 (1 « inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Ministre du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F.
331; 84 DTC 6345 (C.A.): Hart c. Canada (M.R.N.),
[1986] 3 C.F. 178; 86 DTC 6335 (1" inst.); Bechthold
Resources Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1986] 3 C.F. 116
(1"° inst.) ("Bechthold n° 1"); Danielson, B. E. c. M.R.N.
(1986), 86 DTC 6495 (1f 0 inst.); G. R. Block Research &
Development (1981) Corporation et autre c. M.R.N.
(1987), 87 DTC 5137 (1" inst.): Gibbs, R. J. c. M.R.N.
(1984), 84 DTC 6418 (C.F. 1" inst.); WTC Western
Technologies Corporation c. M.R.N. (1986), 86 DTC
6027 (C.F. 1" inst.).
DÉCISION CITÉE:
Webster Industries Limited c. La Reine, [1983] 1 C.F.
393 (1' inst.).
AVOCATS:
Thomas A. Kelly pour le demandeur.
M. T. Boris pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Kelly & Lebow, North York (Ontario), pour
le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE PROTONOTAIRE-CHEF ADJOINT GILES:
Lorsque la présente requête a été inscrite pour
audition, elle visait l'annulation de la déclaration.
À l'audience, le demandeur a demandé la permis
sion de déposer une déclaration modifiée. Le pro-
cureur de la Couronne a indiqué qu'il consentait
au dépôt de la déclaration modifiée à la condition
que la requête soit applicable à la déclaration
modifiée. L'avocat du demandeur a consenti et j'ai
permis au demandeur de déposer sa déclaration
modifiée. J'ai entendu la requête comme une
requête visant l'annulation de la déclaration
modifiée.
En l'espèce, le demandeur demande à la Cour
fédérale d'annuler des renonciations que des fonc-
tionnaires du ministère du Revenu national
auraient obtenues de lui par des moyens incon-
venants. Lesdites renonciations ont permis au
Ministère d'établir une nouvelle cotisation de l'im-
pôt du demandeur à un moment où, sans les
renonciations, il n'aurait pas eu le droit de le faire.
Le demandeur allègue que les actes du Ministère
sont de nature à lui permettre d'invoquer la règle
non est factum à l'égard des renonciations en
cause, de sorte que toute nouvelle cotisation subsé-
quente est frappée de nullité.
Le défendeur invoque l'article 29 de la Loi sur
la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap.
10], qui indique que cette Cour n'a pas compé-
tence lorsqu'une loi du Parlement du Canada pré-
voit expressément qu'il peut être interjeté appel
devant la Cour. Selon la jurisprudence, il peut
s'agir d'un appel indirect, comme c'est le cas en
l'espèce. Lors du dépôt de la déclaration, le Minis-
tère n'avait pas établi de nouvelle cotisation, et il
ne semblerait pas y avoir de droit d'appel prévu
par la loi à ce stade. Le demandeur était peut-être
fondé à demander à cette Cour d'interdire l'utilisa-
tion des renonciations. Toutefois, comme il ressort
de l'affidavit d'Aziz Fazal, daté du ler mars 1988,
des avis de nouvelle cotisation ont été préparés et
signifiés, et des avis d'opposition ont été déposés à
cet égard.
Le demandeur soutient que, comme les renon-
ciations sont nulles, les avis de nouvelle cotisation
sont inopportuns et, par conséquent, également
frappés de nullité. Il demande à la Cour de lui
accorder un redressement en ce sens. Il est évident
que le demandeur peut s'opposer, maintenant que
les cotisations présumées ont suivi le cheminement
normal. L'avocat me renvoie à des décisions qui
ont été rendues depuis l'arrêt Ministre du Revenu
national c. Parsons, [1984] 2 C.F. 331; 84 DTC
6345 (C.A.).
La Cour d'appel fédérale n'a pas rendu d'autres
décisions depuis, et les décisions subséquentes de la
Division de première instance sont apparemment
contradictoires. La décision la plus récente est
celle du juge Walsh dans l'affaire Hart c. Canada
(M.R.N.), [1986] 3 C.F. 178; 86 DTC 6335 (1re
inst.). Étant la plus récente, elle est donc celle qui
me lierait si le motif de la décision était semblable
à celui d'une des autres décisions et de la situation
qui nous intéresse.
Je remarque que, dans l'arrêt Optical Recording
Corp. c. Canada, [1987] 1 C.F. 339, à la page 351;
(1986), 86 DTC 6465 (1re inst.), à la page 6471,
on indique qu'ils visent «des questions d'illégalité
administrative fondamentale, de traitement injuste
et d'irrecevabilité». De telles questions ne semblent
pas avoir été soulevées dans la cause Hart. En
l'espèce, on allègue un «traitement injuste»; l'irre-
cevabilité n'est pas en cause. Dans la décision
Optical Recording, l'illégalité fondamentale avait
trait à la politique du Ministère qui n'était autori-
sée par aucune loi.
Dans la présente cause, le demandeur se plaint
du traitement injuste qu'il a subi en raison du
comportement d'un seul fonctionnaire du Minis-
tère. Dans l'affaire Parsons, on invoquait un
manque d'autorité légale de la part du ministre.
Pour ce qui est de la cause Bechthold Resources
Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1986] 3 C.F. 116 (1 fe
inst.) («Bechthold n° 1»), il était question de la
compétence du ministre aux fins d'établir une
cotisation. L'affaire Hart touchait la compétence
du ministre alors que, dans Danielson B. E. c.
M.R.N. (1986), 86 DTC 6495 (C.F. 1re inst.), on
s'opposait à la cotisation. Dans la décision G. R.
Block Research & Development (1981) Corpora
tion, et autre c. M.R.N. (1987), 87 DTC 5137
(C.F. lre inst.), il était question de la compétence
du ministre aux fins d'établir une cotisation au
moment où il l'a fait. L'affaire Gibbs, R. J. c.
M.R.N. (1984), 84 DTC 6418 (C.F. P e inst.) était
aussi une demande d'annulation de cotisation. Bien
qu'elle ait été jugée autrement, la cause WTC
Western Technologies Corporation c. M.R.N.
(1986), 86 DTC 6027 (C.F. lie inst.) constituait
également une opposition au droit du ministre
d'exiger une cotisation lorsqu'il l'a fait. Il est à
remarquer que toutes les décisions précitées, sauf
l'arrêt Optical Recording, portaient sur l'opportu-
nité de décisions du Ministère à la lumière des
dispositions de la Loi de l'impot sur le revenu
[S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-
71-72, chap. 63, art. 1)]. L'affaire Optical
Recording allait cependant plus loin que les dispo
sitions de ladite Loi. Les actes des fonctionnaires
du Ministère [TRADUCTION] «dénotaient des
erreurs de droit, un comportement illégal, un excès
de compétence qui étaient tels que l'exercice du
pouvoir de surveillance d'une cour supérieure était
indiqué.» En l'espèce, si les allégations relatives à
la conduite du fonctionnaire sont prouvées, il pour-
rait y avoir cause suffisante pour que cette Cour
intervienne. Comme je l'ai déjà indiqué, je suis
d'avis qu'au moment du dépôt de la déclaration
l'article 29 ne trouvait pas application. Si la con-
duite du fonctionnaire justifie l'intervention de
cette Cour, comme je le crois, le fait qu'une nou-
velle cotisation et des avis d'opposition aient été
déposés a-t-il quelque effet? D'après Optical
Recording, il semblerait que non. L'avocat de la
Couronne a fait remarquer que deux actions
étaient présentement engagées dans lesquelles la
validité des renonciations pourrait être examinée.
C'est juste; mais, comme l'a souligné l'avocat du
demandeur, bien qu'une requête demandant la sus
pension de l'une d'elles pourrait réussir, aucune n'a
été déposée devant la Cour. Selon moi, étant donné
qu'aucune requête visant une suspension d'instance
n'est devant la Cour, la question de la duplicité ne
peut être prise en considération. Toutefois, si je me
trompe, et qu'elle doit être prise en considération,
je remarque que les seuls faits à examiner dans la
présente action sont ceux qui ont trait à ce qui
équivaut à un plaidoyer non est factum. Si le
plaidoyer du demandeur réussit, il semble que
toute l'affaire sera alors tranchée. Le litige engagé
suite aux nouvelles cotisations et aux avis d'opposi-
tion serait sujet à ce plaidoyer et aux questions en
matière d'impôt exigeant plus de preuves et d'ar-
guments, et il pourrait prendre beaucoup plus de
temps. Il est donc peu probable que cette action
puisse faire l'objet d'une suspension.
L'avocat de la Couronne a souligné que le
redressement demandé comprenait une injonction
et que celle-ci ne pouvait pas être utilisée contre le
ministre. Pour les motifs énoncés dans l'arrêt
Webster Industries Limited c. La Reine, [1983] 1
C.F. 393 (i fe inst.), et les décisions qui sont citées
dans cette cause, il semblerait que l'avocat ait
raison. Cependant, il n'y a pas de requête visant à
annuler uniquement les parties de la déclaration
qui s'appliquent à l'injonction. Bien que la Cour
pourrait les annuler, si elle le jugeait à propos, il
n'est pas de mon ressort d'annuler une partie
seulement de la déclaration. Par conséquent, la
requête visant l'annulation de la déclaration est
rejetée.
ORDONNANCE
La requête est rejetée.
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