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T-1778-83
Fulvia Acciaroli, Ezio Acciaroli, Iva Acciaroli et Elaine Acciaroli (demandeurs)
c.
La Reine (défenderesse)
T-1779-83
Emidio Masi, Rita Masi, Raymond Masi et Louis Masi (demandeurs)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: ACCIAROLI c. CANADA
Division de première instance, juge Martin— Hamilton, 2, 3, 4, 5 et 6 novembre 1987; Ottawa, 31 mars 1988.
Couronne Responsabilité délictuelle Nuisance Construction et mise en service de l'agrandissement d'un aéro- port à proximité de propriétés résidentielles Le bruit, la poussière, la saleté, les odeurs désagréables, le changement du milieu et les inconvénients dus à la fermeture d'une route conduisant à la ville sont-ils des nuisances ouvrant droit à une poursuite civile?
Couronne Responsabilité délictuelle Atteinte préjudi- ciable en l'absence d'emprise Construction et mise en ser vice de l'agrandissement d'un aéroport à proximité de proprié- tés résidentielles Pas de recours pour atteinte préjudiciable si la loi ne le prévoit pas expressément ou implicitement.
En raison d'une demande croissante, l'aéroport municipal de Hamilton a être agrandi et on y a construit une nouvelle tour, une piste plus longue et d'autres voies de circulation. Commencés en 1983, les travaux étaient pour la plupart ache- vés en juillet 1985. La nouvelle piste n'a pas été mise en service avant le mois de mai 1986. Les demandeurs habitent à Ancas- ter, dans la municipalité régionale de Hamilton -Wentworth. Avant l'agrandissement, la résidence des Acciaroli était située à 500 m de la limite la plus proche de l'aéroport et à 900 m de la piste la plus rapprochée. Après l'agrandissement, les distances étaient, respectivement, de 9 m et de 360 m. Quant à la résidence des Masi, elle se trouvait avant l'agrandissement à 400 m de la limite la plus proche et à 750 m de la piste la plus rapprochée. Par la suite, les distances étaient, respectivement, de 500 m et de 950 m. De plus, la route la plus directe menant à Hamilton a été fermée à la circulation, forçant les deman- deurs à faire un détour de 6 km pour se rendre au centre-ville.
Les demandeurs ont intenté un recours en nuisance pour les dommages causés par la construction et la mise en service de l'agrandissement de l'aéroport ou, subsidiairement, pour atteinte préjudiciable à leur bien-fonds en raison de la construc tion et de l'utilisation projetée de cet agrandissement sur les terrains expropriés adjacents ou situés à proximité.
Jugement: l'action devrait être rejetée.
La réclamation fondée sur le délit de nuisance vise toutes les nuisances ouvrant droit à une poursuite civile, y compris toute nuisance résultant de l'exploitation de l'aéroport. Mais en l'espèce, les nuisances dont les demandeurs se plaignent— augmentation du bruit, de la poussière et de la saleté pendant la construction, changement de caractère du milieu, perte d'accès en raison de la fermeture de la route, augmentation du bruit, des vibrations et des odeurs désagréables provenant des aéro- nefs—ne sont pas des nuisances ouvrant droit à une poursuite civile. Même en admettant qu'il s'agit bien de nuisances, celles-ci résultaient de la construction de l'aéroport, autorisée par la loi, laquelle légalise les actes dont les demandeurs se plaignent et empêche donc tout recours civil. En outre, même si le bruit émanant de l'exploitation de l'aéroport constituait bel et bien une nuisance ouvrant droit à une action, la défenderesse n'en serait aucunement responsable puisque ce n'est pas d'elle que relève l'exploitation des installations. Enfin, les études sur l'impact du bruit qu'a menées Transport Canada à l'aéroport et aux domiciles des demandeurs, suivant des critères largement acceptés, ont révélé que le niveau de perturbation sonore avait en fait diminué à la résidence des Masi, alors qu'il n'avait augmenté que de façon marginale à celle des Acciaroli. Une augmentation aussi faible ne constitue pas une nuisance.
Le recours pour atteinte préjudiciable est limité aux domma- ges résultant de la construction de l'aéroport, et non de son exploitation. Toutefois, ce recours doit également être rejeté: des dommages-intérêts n'auraient pu être accordés à ce chapi- tre que si le droit à l'indemnisation découlait d'une loi, ce qui n'est aucunement le cas en l'espèce. Certes, l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, vise les demandes pour atteinte défavorable, mais il s'agit d'une disposition de nature purement juridictionnelle. Bien qu'il ait pu en être autrement dans les lois antérieures, l'ensemble des règles régissant l'indemnisation et la détermination de la valeur des biens-fonds sont maintenant contenues dans la Loi sur l'expropriation, laquelle ne prévoit aucune indemnisation pour atteinte préjudiciable. L'arrêt de la Cour suprême, Imperia! Oil Ltd. c. La Reine, ne constitue pas un précédent en faveur des demandeurs. Il porte plutôt que le propriétaire foncier dont le bien-fonds a subi une atteinte préjudiciable à cause de la construction d'un ouvrage public a droit à une indemnisation dans la mesure l'intention du législateur d'accorder ce dédommagement ressort de la loi.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de la cour de l'Échiquier, S.R.C. 1927, chap. 34, art. 19.
Loi des expropriations, S.R.C. 1927, chap. 64, art. 23. Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 17.
Loi sur l'Administration de la voie maritime du Saint- Laurent, S.R.C. 1952, chap. 242, par. 18(3).
Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, chap. 3, art. 3.
Loi sur la protection des eaux navigables, S.R.C. 1952, chap. 193.
Loi sur les expropriations, S.R.C. 1952, chap. 106, art. 23.
Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 16, art. 23, 24.
The Lands Clauses Consolidation Act, 1845, 8 & 9 Vict., chap. 18, art. 28.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
The Queen v. Loiselle, [1962] R.C.S. 624; St. Pierre et al. v. Ministry of Transportation and Communications (1983), 28 L.C.R. 1 (C.A. Ont.); St-Pierre c. Ontario (Ministre des Transports et Communications), [1987] 1 R.C.S. 906; (1987), 75 N.R. 291; Walker et al, v. Pioneer Construction Co. (1967) Ltd. (1975), 8 O.R. (2d) 35 (H.C.); The King v. MacArthur (1904), 34 R.C.S. 570; The King v. Carrières De Beauport (1915), 17 R.C.E. 414; Sisters of Charity of Rockingham v. The King, [1922] 2 A. C. 315; 67 D.L.R. 209; [1922] 3 W.W.R. 33 (P.C.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Hagel and Hagel v. Municipal District of Yellowknife and Board of Trustees for Yellowknife and Board of Trustees for Yellowknife Public School District No. 1 (1962), 35 D.L.R. (2d) 110 (C.A.T.N.-O.); Toronto Transportation Commission v. Village of Swansea, [1935] R.C.S. 455; [1935] 3 D.L.R. 619; Prentice v. City of Sault Ste. Marie, [1928] R.C.S. 309; [1928] 3 D.L.R. 564; Forster v. City of Medicine Hat (1913), 9 D.L.R. 555 (C.S. Alta.); Windsor (City of) v. Larson et al. (1980), 20 L.C.R. 344 (C. div. de l'Ont.); The King v. Lawson & Sons Ltd., [1948] 3 D.L.R. 334 (C. de l'E.); The King v. Woods Mfg. Co. Ltd., [1949] R.C.É. 9; Jolliffe v. Exeter Co'rpn., [1967] 1 W.L.R. 350 (Q.B.D.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Imperial Oil Ltd. c. La Reine, [1974] S.C.R. 623; (1973), 35 D.L.R. (3d) 73.
AVOCATS:
Roger D. Yachetti, c.r. et Aldo P. Berlingieri
pour les demandeurs.
Charlotte A. Bell et Marlene Thomas pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Yachetti, Lanza & Restivo, Hamilton, pour les demandeurs.
Le sous-procureur du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARTIN: Les deux demandeurs en l'espèce, les familles Acciaroli et Masi, ont intenté des actions en nuisance contre la défenderesse pour les dommages causés par la construction et la mise en service de l'agrandissement de l'aéroport muni-
cipal de Hamilton ou, subsidiairement, pour atteinte préjudiciable à leur bien-fonds en raison de la construction et de l'utilisation projetée de cet agrandissement sur les terrains expropriés adja- cents ou situés à proximité.
Les enfants de Fulvia et Ezio Acciaroli, Iva et Elaine, sont inscrits comme demandeurs dans le dossier portant le numéro de greffe T-1778-83, et il en est de même pour les enfants de Emidio et Rita Masi, Raymond et Louis, dans le dossier T-1779-83. L'avocat des deux familles a indiqué, dans ses plaidoiries écrites, qu'il y avait désiste- ment quant aux demandes portées en leur nom. La Cour l'a autorisé, sans adjudication de dépens. Les demandeurs restants sont donc les deux couples, propriétaires réels des biens-fonds auxquels les activités de la défenderesse ont présumément causé un dommage ou une atteinte préjudiciable.
Les deux couples sont d'origine italienne. Nés et élevés dans un milieu rural en Italie, ils ont immi- gré dans la région de Hamilton au milieu des années 1950. Jusqu'aux années 1970, ils ont vécu dans la ville même de Hamilton. En 1970, les Acciaroli ont fait l'acquisition d'un terrain vacant d'une superficie de 10,124 acres à Ancaster, loca- lité faisant partie de la municipalité régionale de Hamilton -Wentworth. Ils y ont fait construire leur maison, qui porte le numéro civique 1208, chemin Glancaster, du côté est du chemin.
En 1969, les Masi ont acheté un terrain vacant de 2,79 acres à Glanbrook, sur le même chemin, mais à environ 500 600 mètres plus au sud, du côté ouest. Ils y ont fait construire une maison en 1974 et y ont emménagé en décembre de l'année suivante. Leur adresse civique est le 1691, chemin Glancaster.
Le chemin Glancaster est situé dans l'axe nord- sud. Son extrémité nord donnait, à l'époque les demandeurs ont acquis leur terrain et construit leur maison, sur la route 53 qui mène au centre- ville de Hamilton. Ce chemin sert de limite entre les localités de Ancaster, à l'est, et Glanbrook, à l'ouest. Ainsi, tout en habitant sur le même chemin, les Acciaroli habitent Ancaster et les Masi, Glanbrook.
Au moment de l'achat de leur propriété à cet endroit, les Acciaroli et les Masi connaissaient l'existence de l'aéroport et savaient qu'il y aurait une certaine circulation aérienne dans le voisinage. Ils ont déclaré avoir eu l'impression qu'il ne s'agis- sait que d'un petit aéroport servant d'école de pilotage. Selon Mme Acciaroli, il y avait seulement de petits appareils qui volaient aux alentours, ce qui ne l'a pas inquiété. De 1970, date de leur emménagement, jusqu'à l'ouverture de la nouvelle piste en 1986, elle a affirmé ne pas avoir été gênée par le bruit des avions. Les Masi ont témoigné dans le même sens, à savoir qu'ils ne s'étaient pas souciés du bruit avant le début des opérations aériennes sur la nouvelle piste, en 1986. M. Masi a déclaré n'avoir aperçu jusque que l'avion-école.
Malgré la proximité de l'aéroport, les deman- deurs ont décrit leur coin comme un endroit calme à la campagne. Leur témoignage est digne de foi en ce qui concerne leur intention de s'installer dans un milieu rural, au chemin Glancaster, dans la mesure toutefois l'on peut qualifier de rural un environnement situé en bordure d'un aéroport d'envergure modeste qui dessert la municipalité régionale de Hamilton -Wentworth.
À l'époque les parties ont fait l'acquisition de leur terrain respectif sur le chemin Glancaster, l'aéroport municipal de Hamilton se trouvait à l'ouest. Comme l'indique la pièce 2, la résidence des Acciaroli était située à 500 m de la limite la plus proche de l'aéroport et à 900 m de la piste la plus rapprochée. Quant à celle des Masi, elle se trouvait à 400 m de la plus proche limite et à 750 m de la piste la plus rapprochée. De chez eux, les demandeurs ne pouvaient pas apercevoir les pistes, mais seulement quelques bâtiments et structures.
On peut voir dans ce même document qu'après l'agrandissement de l'aéroport et l'ajout d'une piste au nord des installations existantes, la maison des Masi s'est retrouvée à 500 m de la nouvelle limite nord, et à 950 m de la nouvelle piste. Celle des Acciaroli n'était plus qu'à 9 m de la limite et à 360 m de la piste.
Cette nouvelle piste, située dans l'axe est-ouest, a une longueur de 2 400 m. Avant l'agrandisse-
ment, l'aérodrome ne comptait que deux pistes, l'une dans l'axe est-ouest, mesurant 1 500 m, et l'autre, orientée à peu près nord-sud et mesurant 1 800 m. Il ressort donc que les deux résidences étaient, avant 1986, assez proches de l'aéroport et de ses deux premières pistes.
Les demandeurs allèguent que les conditions de vie dont ils jouissaient dans leur environnement calme et rural se sont dégradées radicalement après 1986 en raison de l'augmentation du bruit, des émanations et des vibrations résultant de l'ex- ploitation de la nouvelle piste. Cette plainte est, à mon avis, exagérée.
Avant 1986, l'aéroport était bien davantage qu'une école d'où décollait à l'occasion un petit avion à hélice. Selon le témoignage de M. Joseph Brister, administrateur général du projet d'agran- dissement, on y voyait déjà plusieurs types d'aéro- nefs, dont des Boeing 737 de la compagnie Nor-
dair qui a offert, de 1979 1982, un service régulier d'environ huit vols quotidiens.
En outre, d'après le témoignage de M. N. M. Standen sur les questions acoustiques (que nous examinerons en détail ci-après), le niveau de gêne causée par le bruit ne s'est accru que de façon marginale et imperceptible dans le secteur de la résidence des Acciaroli, entre 1981 et 1987. D'après lui, le niveau de gêne a en fait diminué pendant la même période aux environs de la maison des Masi.
Dans ce dernier cas, l'exagération est particuliè- rement évidente puisque leur résidence, aupara- vant située à environ 400 m de l'extrémité ouest de la piste est-ouest, au sud de l'aéroport, est mainte- nant située à plus de deux fois cette distance par rapport à la nouvelle piste est-ouest, au nord, les aéronefs ont été dirigés dès son achèvement en 1985.
Avant l'ouverture de cette piste, la résidence de la famille Masi se trouvait également à 400 m de distance de l'extrémité ouest de la première piste est-ouest et presqu'en ligne directe avec elle, de sorte que les appareils prenant leur envol vers l'ouest la survolaient quasi immédiatement. Le déroutement de ces vols vers la nouvelle piste au nord devait nécessairement réduire d'autant le
niveau d'agression sonore. Il n'est donc pas surpre- nant que le niveau mesuré en 1986-87 la rési- dence des Masi ait été inférieur aux niveaux précédents.
Cependant, les demandeurs ne se plaignent pas uniquement de la gêne que leur cause l'exploita- tion de la nouvelle piste. Voici, en résumé, les motifs de plainte de la famille Acciaroli:
a) augmentation du bruit, de la poussière et de la saleté provenant de la machinerie qui se trouve sur le chantier lui-même;
b) augmentation du bruit, de la poussière et de la saleté provenant des lourds camions qui vont et viennent sur le chantier;
c) dérangements causés chez eux par des per- sonnes venant demander la direction à prendre et, à une occasion, par des person- nes impliquées dans un accident;
d) violation du droit de propriété par les ouvriers et les camions;
e) attaque de leurs chiens par un renard enragé;
f) grande visibilité de la nouvelle piste, ainsi que des nouveaux bâtiments de services généraux, clôtures, tours, voies d'accès et panneaux de signalisation;
g) perte importante d'accès en raison de la fermeture de routes;
h) changement de caractère du milieu qui, d'un cadre serein et pastoral, est passé après l'agrandissement à un cadre quasi industriel;
i) le fait que leur bien-fonds, bordé à l'est et au nord par l'aéroport agrandi, se retrouve maintenant enclavé sur le chemin Glancas- ter;
j) augmentation du bruit, des vibrations et des odeurs désagréables, en raison des aéronefs utilisant les nouvelles installations aéropor- tuaires, de jour comme de nuit;
k) changement de la vocation de l'aéroport laissant présager un accroissement des inconvénients;
1) impact psychologique de la présence maté- rielle de l'aéroport sur les résidents et les acheteurs éventuels, que la nouvelle piste soit utilisée ou non.
Les plaintes des Masi sont identiques, à l'excep- tion des alinéas c), d) et e).
La source de toutes ces plaintes est l'agrandisse- ment de l'aéroport municipal de Hamilton. Selon M. Brister, un comité ad hoc de citoyens avait été mis sur pied dès 1974 pour étudier la possibilité d'un agrandissement. Une vingtaine de rapports ont été présentés entre 1974 et 1978 et environ vingt emplacements possibles ont été envisagés. En 1978, le ministre des Transports a annoncé l'appui du gouvernement fédéral à un projet d'aéroport régional. Toujours selon M. Brister, le plan origi nal prévoyait un budget d'agrandissement de 100 millions de dollars, mais au 3 juin 1982, jour de l'approbation officielle, ce montant était réduit à 49 millions.
Responsable de la construction, M. Brister l'était également de l'acquisition des biens-fonds nécessaires à l'agrandissement des installations. À cet égard, son mandat se limitait à faire unique- ment l'acquisition des terrains requis pour l'agran- dissement matériel de l'aéroport, et non des biens- fonds susceptibles d'être touchés par les activités sur la nouvelle piste. Il a affirmé que l'appropria- tion des biens-fonds des Masi et des Acciaroli n'était aucunement prévue, pas plus dans le cadre du premier plan de 100 millions de dollars que dans celui de 49 millions.
Une section d'environ 600 m du chemin Glan- caster, immédiatement au nord de la propriété des Acciaroli, a été acquise pour permettre la cons truction de la piste dans l'axe est-ouest. Le chemin a donc été coupé et fermé à la circulation en juillet 1983, peu après le début des travaux. Les deman- deurs ont dès lors été forcés d'emprunter une route moins directe pour se rendre au centre-ville de Hamilton, le trajet étant ainsi allongé d'environ six kilomètres.
Des travaux de déblaiement, de clôturage et de drainage ont été effectués en 1983. Le transport du matériel était limité au chantier de la nouvelle piste l'on procédait au nivellement de la partie centrale, plus élevée, par rapport aux deux extré- mités. Il n'y avait donc pas continuellement à cette époque, sur le chemin Glancaster, de circulation lourde attribuable à la construction. M. Brister affirme que l'été 1983 a été pluvieux et qu'il n'y a pas eu de problème de poussière. Il confirme que Mme Acciaroli s'est plainte à ce moment de la fermeture du chemin, du bruit, de la poussière et de l'attaque de ses chiens par un renard. A ce sujet, il n'a pas voulu, comme elle le lui demandait, construire d'enclos pour les chiens. D'après lui, la principale plainte de M me Acciaroli portait sur la fermeture du chemin.
Les travaux ont été arrêtés en novembre et n'ont pas repris avant le mois de mai 1984. C'est à ce moment que des camions venant du sud ont com- mencé à emprunter le chemin Glancaster pour acheminer au chantier des matériaux granuleux. Au plus fort des travaux, les camions sont passés 280 fois (140 fois chargés et 140 fois à vide) devant la résidence des couples Acciaroli et Masi. M. Brister a eu recours à six camions-citernes à eau pour réduire la poussière. Il a cependant admis que malgré ses efforts, le temps sec accompagné de grands vents a rendu la situation insupportable à quelques reprises et qu'il a reçu des plaintes de résidents incommodés, de par le vent, jusqu'à un mille de distance.
Les travaux ont de nouveau été arrêtés au mois de novembre 1984 pour reprendre en mai suivant. En juillet, la nouvelle piste de 2 400 m, de même que ses voies de circulation, étaient pavées. Même si les matériaux nécessaires à la construction de la nouvelle tour continuaient à être acheminés par camion sur le chemin Glancaster, la circulation était considérablement moins lourde qu'à la saison précédente, d'autant plus que la fermeture du chemin avait rendu impossible le trafic de transit.
Selon M. Henry Merling, président du comité du conseil régional sur l'aéroport, les travaux étaient pour la plupart achevés au mois de juillet 1985, même si la nouvelle piste n'a pas été utilisée avant le mois de mai 1986.
M. Brister a par ailleurs présenté en preuve les baux (pièces 37 et 38) conclus entre le gouverne- ment fédéral et la municipalité régionale de Hamilton -Wentworth, en vertu desquels la gestion et la supervision de l'aéroport ont été confiées à la municipalité pour une période d'environ 50 ans, à partir du ler septembre 1985. La municipalité régionale nomme le directeur de l'aéroport à qui incombe la responsabilité de contrôler l'ensemble du trafic aérien, y compris la désignation des pistes à mesures spéciales antibruit et la détermination des heures du jour pendant lesquelles les atterrissa- ges et les décollages sont interdits sur certaines pistes.
Les demandeurs fondent en l'espèce leur récla- mation sur le délit de nuisance ou, subsidiaire- ment, sur le principe de l'indemnisation pour atteinte préjudiciable à un bien. S'ils réussissent sur le premier moyen, ils peuvent alors réclamer des dommages-intérêts pour toutes les nuisances ouvrant droit à une poursuite civile, y compris toute nuisance résultant de l'exploitation de l'aéro- port. Cependant, s'ils ne peuvent réussir au motif que les nuisances en cause résultent de l'applica- tion de la loi, ils ne pourront réclamer dans ce cas qu'une indemnisation pour atteinte préjudiciable.
Les règles régissant les demandes d'indemnisa- tion pour atteinte préjudiciable lorsque, comme en l'espèce, on ne s'est approprié aucun bien-fonds, sont établies par le juge Abbott dans l'arrêt The Queen v. Loiselle, [1962] R.C.S. 624:
a) le dommage doit résulter d'un acte légalisé par les pouvoirs que la loi confère à la personne qui exécute cet acte;
b) le dommage doit être tel qu'il aurait pu faire l'objet d'une action en common law, n'eussent été les pouvoirs conférés par la loi;
c) le dommage doit être un préjudice au bien- fonds lui-même, ce ne doit pas être un préjudice personnel ou commercial;
d) le dommage doit être occasionné par la construction d'un ouvrage public, et non par son utilisation.
Il en ressort, l'avocat de la demande l'ayant du reste admis, que s'ils ne peuvent avoir gain de
cause que sur la réclamation subsidiaire, les demandeurs ne pourront recouvrer que les domma- ges résultant de la construction de l'aéroport et non de son exploitation ou utilisation.
Mis à part le recours en indemnisation pour atteinte préjudiciable, dont la portée est plus res- treinte, les demandeurs réclament également à ce chapitre des dommages pour les nuisances subies, c'est-à-dire pour celles qui auraient pu faire l'objet d'une action, n'eussent été les pouvoirs conférés par la loi.
En plus d'être limités quant aux dommages pouvant faire l'objet d'une demande d'indemnisa- tion pour atteinte préjudiciable, les demandeurs font face à une autre difficulté: ils doivent fonder leurs recours sur une disposition législative. En effet, le droit à l'indemnisation ne découle pas, en pareils cas, de la common law, mais de la loi. A défaut d'une telle disposition, le droit d'être indem- nisé pour les dommages à un bien-fonds, résultant des nuisances autorisées par la loi, n'existe pas. (St. Pierre et al v. Ministry of Transportation and Communications (1983), 28 L.C.R. 1 (C.A. Ont.), le juge Weatherston, à la page 3.)
En l'espèce, donc, les demandeurs doivent éta- blir l'existence de nuisances susceptibles de pour- suite en responsabilité civile délictuelle. Si la Cou- ronne fait valoir avec succès en défense qu'elle a agi en vertu d'un pouvoir conféré par la loi, les demandeurs doivent alors alléguer une disposition législative prévoyant une indemnisation pour les dommages ainsi causés. Si cette disposition prévoit un dédommagement pour les atteintes préjudicia- bles à un bien-fonds qui n'a pas fait l'objet d'une expropriation, les demandeurs auront alors droit à des dommages-intérêts, mais dans la mesure seule- ment la nuisance résulte de la construction de l'ouvrage et non de son exploitation.
À mon avis, les actions des demandeurs doivent être rejetées. D'une part, plusieurs des plaintes qu'ils ont formulées ne constituent pas des nuisan ces donnant ouverture à une poursuite civile. Même en admettant qu'il s'agit bien de nuisances, celles-ci résultent de la construction d'un aéroport, autorisée par la loi, laquelle légalise du même coup les actes dont les demandeurs se plaignent et qui, autrement, pourraient faire l'objet d'une poursuite civile.
D'autre part, aucune disposition législative ne prévoyant l'indemnisation pour atteinte préjudicia- ble à un bien-fonds, les demandeurs ne peuvent établir leur droit à un dédommagement à ce titre. En outre, même si le bruit émanant de l'exploita- tion de l'aéroport après 1985 constituait bel et bien une nuisance ouvrant droit à une action, la défen- deresse ne serait aucunement responsable de cette nuisance puisque ce n'est pas d'elle que relève l'exploitation des installations.
Examinons pour commencer les trois motifs de plainte que les Acciaroli ont été les seuls à avan- cer: le dérangement causé par les gens qui viennent s'informer de la direction à suivre, la violation du droit de propriété par les ouvriers et les camions et enfin l'attaque de leurs chiens par un renard enragé. À mon avis, il n'y a pas d'entrave substantielle à l'usage par les Acciaroli de leur bien-fonds. Le fait que des gens aient, à l'occasion, frappé à leur porte pour s'enquérir de la direction à prendre, et qu'ils aient été réveillés une fois en pleine nuit à cause d'un accident automobile, ne saurait de quelque manière constituer une nui sance ouvrant droit à une action civile; je ne puis davantage invoquer de précédent en ce qui con- cerne le renard enragé. De toute façon, les dom- mages présumément subis à cette occasion sont trop éloignés. Il était en effet impossible à la défenderesse de prévoir que les travaux de cons truction pouvaient être la cause de l'attaque des chiens des Acciaroli par un renard atteint de la rage.
Bien que les Acciaroli allèguent violation de leur droit de propriété pendant la période de la cons truction, je ne me souviens pas qu'on ait présenté de preuve à l'appui de cette prétention, ni que l'avocat de la famille ait attiré mon attention à ce sujet au cours du débat. Il ne fait pas de doute, cependant, la limite nord la propriété des Acciaroli jouxtant la limitant sud de l'aéroport, qu'un certain nombre d'intrusions soient survenues lors de l'érection de la clôture séparant les deux biens-fonds. A mon avis, ces intrusions sont insi- gnifiantes et ne constituent pas une nuisance.
À l'exception des trois plaintes dont nous venons de parler, toutes les autres sont communes aux
deux familles. Pour faciliter la compréhension, on peut les ranger dans quatre catégories:
(i) Bruit et poussière pendant la construc- tion—plaintes a) et b).
(ii) Changement de vue et perte d'agré- ment—plaintes f), h), i) et 1).
(iii) Troubles découlant de la fermeture du chemin Glancaster—plainte g).
(iv) Augmentation du bruit, des vibrations et des odeurs causées par l'exploitation de l'aéroport, et perspective d'un accroisse- ment de ces inconvénients—plaintes j) et k).
En ce qui concerne le bruit et la poussière pendant la période de construction, les demandeurs ont mis en preuve le fait qu'ils devaient nettoyer leur résidence plus souvent et que les camionneurs admiraient bruyamment leurs filles à l'occasion. D'après le témoignage, auquel j'ajoute foi, du directeur du projet, Joseph Brister, il n'y avait pas de problème de poussière en 1983 et la plus grosse partie du transport par camion était terminée au mois de juillet 1985. M. Brister a admis que le problème s'est posé à quelques reprises au cours de la saison de 1984. J'estime toutefois qu'il a pris les mesures raisonnables pour remédier à la situation en utilisant des camions-citernes à eau.
De l'aveu même de M. Brister, le temps sec et venteux a eu raison de ses efforts à quelques occasions au cours de la période s'étendant des mois de mai à novembre 1984. Il ne fait bien sûr aucun doute que les demandeurs, tout comme les autres résidents du chemin le long duquel les matériaux granuleux destinés à la piste étaient transportés, ont été dérangés et exaspérés par le bruit et la poussière. Leurs troubles n'ont été cependant que de courte durée et n'ont causé aucune dévalorisation permanente de leur bien- fonds. À mon avis, ces ennuis n'ont pas dépassé ce à quoi on pouvait raisonnablement s'attendre dans les circonstances.
Il est inévitable que ceux qui habitent à proxi- mité d'un chantier de construction aient à subir certains troubles de jouissance. En l'espèce, les troubles n'ont été que temporaires et sont restés dans des limites raisonnables, compte tenu de l'ampleur du projet. J'estime par conséquent qu'ils
n'équivalent pas à une nuisance ouvrant droit à une poursuite et que les demandeurs ne sont pas recevables à réclamer des dommages-intérêts de la défenderesse à l'égard des plaintes formulées aux alinéas a) et b).
Dans l'arrêt récent St. Pierre c. Ontario (Minis- tre des Transports et Communications), [1987] 1 R.C.S. 906; (1987), 75 N.R. 291, le juge McIntyre de la Cour suprême du Canada a jugé que la perte de vue ou d'agrément, ou encore la modification de la nature des environs, ne pouvaient constituer une nuisance ouvrant droit à une poursuite.
Dans cette affaire, une route à quatre voies avait été construite à 32 pieds au plus de la fenêtre de la chambre à coucher des demandeurs, tout le long de la limite est de leur bien-fonds. La tranquillité totale dont ils jouissaient auparavant avait du même coup disparu.
Voici comment le juge McIntyre a abordé le litige [aux pages 914 et 916 R.C.S.; 300 et 302 N.R.]:
La seule question à trancher est alors de savoir si la construc tion de la route, qui a entraîné des dommages au bien des appelants, ouvre droit à une poursuite en common law.
Une action visant à recouvrer des dommages-intérêts dans les circonstances de l'espèce ne peut avoir comme fondement que le délit de nuisance.
Je partage l'opinion de la Cour d'appel que ce dont les appe- lants se plaignent en l'espèce est la perte de perspective ou de vue. Il y a également la perte d'intimité, mais la plainte porte essentiellement qu'ils habitaient avant dans un site rural avec une perspective agréable et qu'ils font maintenant face, sur au moins un côté de leur bien-fonds, à une route moderne. Il s'agit d'une réclamation pour perte d'agrément. Il est probablement exact que l'utilisation de la route constituera un élément pertur- bateur, mais c'est un type de dommage dont on ne peut tenir compte. La réclamation est limitée à la perte occasionnée par la construction.
Depuis le début, les tribunaux ont systématiquement jugé qu'il ne peut y avoir d'indemnisation pour perte de perspective
Mis à part le fait que l'aéroport est un ouvrage public, l'affaire St. Pierre constitue un précédent à l'appui de la position selon laquelle le fait que les installations aéroportuaires aient changé la vue ou la nature des environs, ou aient affecté psychologi- quement les demandeurs n'équivaut pas une nui sance ouvrant droit à une poursuite.
Dans l'arrêt Walker et al v. Pioneer Construc
tion Co. (1967) Ltd. (1975), 8 O.R. (2d) 35 (H.C.), le juge Morden a exprimé la même idée en des termes différents. Rejetant la réclamation en nuisance que les demandeurs avaient présentée contre l'exploitant d'une gravière dont l'apparence désagréable choquait la vue, le juge a souligné à la
page 39:
[TRADUCTION] Quels que soient les faits, je ne crois pas que le défendeur ait envers les demandeurs le devoir de préserver pour leur bénéfice l'apparence de son bien-fonds ...
Il ne fait pas de doute qu'aux yeux des deman- deurs, et probablement aussi de la plupart des gens, leur résidence aurait eu une plus grande valeur, n'eût été la proximité de la nouvelle piste et ce, sans parler du tout de son exploitation. La vue d'une piste asphaltée, de tours de contrôle, de pylônes radio et de clôtures à mailles losangées est certainement moins désirable que celle d'un paisi- ble paysage champêtre. Cependant, se plaindre du passage de l'une à l'autre revient à réclamer une indemnisation pour perte d'agrément, de perspec tive ou de vue que le droit ne permet pas, même s'il en résulte une diminution de la valeur du bien qui a subi le dommage. C'est pourquoi j'en viens à la conclusion que les demandeurs sont irrecevables à réclamer des dommages-intérêts de la défenderesse au titre des motifs énoncés aux alinéas f), h), i) et 1).
Une des principales plaintes des demandeurs se rapporte à la fermeture du chemin Glancaster et aux répercussions de cette situation sur eux-mêmes ainsi que sur leur bien-fonds. Comme je l'ai déjà indiqué, ce chemin a été coupé par la construction de la nouvelle piste au nord des deux propriétés. Auparavant, c'était la route normale qu'emprun- taient les demandeurs pour se rendre au centre- ville de Hamilton. Ils doivent dorénavant faire un détour qui allonge le trajet d'environ six kilomètres ou de dix à quinze minutes.
L'accès des demandeurs au chemin Glancaster n'a jamais été entravé par la fermeture de ce dernier par suite de l'agrandissement de l'aéroport, c'est-à-dire qu'il n'y a eu aucun effet sur leur droit ou leur capacité d'accéder au chemin ou la facilité avec laquelle ils peuvent le faire. Ce qu'ils considè- rent comme une nuisance, c'est de ne plus pouvoir emprunter leur passage habituel sur le chemin
Glancaster en direction nord. À cet égard, la fer- meture de la route leur porte atteinte au même titre que tout conducteur voulant y circuler du sud au nord. Tous sont forcés de faire un détour.
Voici ce qu'a déclaré le juge Nesbitt dans l'arrêt The King v. MacArthur (1904), 34 R.C.S. 570,
aux pages 576 et 577, propos de la possibilité d'indemnisation dans de telles circonstances:
[TRADUCTION] On n'a jamais voulu que, lorsque la construc tion d'ouvrages autorisés par des lois du Parlement porte atteinte à la valeur sentimentale de biens dans les environs, tous les propriétaires puissent réclamer des dommages-intérêts. Dans la plupart de nos grandes villes, les valeurs changent continuellement en raison de travaux d'amélioration publics nécessaires et si, quoiqu'on ne s'approprie aucun bien-fonds, chaque propriétaire foncier de la localité pouvait, en raison de la modification de la nature des environs ou de certaines routes utiles, réclamer une indemnisation en raison d'une chute suppo sée de la valeur marchande antérieure des propriétés dans les environs, il deviendrait pratiquement impossible d'obtenir ce type d'amélioration.
Le juge Audette en est arrivé à une conclusion semblable dans l'arrêt The King v. Carrières De Beauport (1915), 17 Ex.C.R. 414, la page 428:
[TRADUCTION] À l'époque de l'expropriation, ces rues étaient à vocation publique, les défendeurs n'y ayant aucun droit foncier ou fief d'aucune sorte, mais jouissant simplement du privilège collectif d'y circuler, sans plus. Par conséquent, le droit dont on allègue l'entrave doit être considéré comme un droit commun au public en général et pour la violation duquel il n'existe au bénéfice de l'individu, même plus gravement atteint que les autres sujets de la Couronne, aucun recours en indemni- sation. Archibald v. The Queen (3 Can. Ex. 251; 23 R.C.S. du Can. 147); The King v. MacArthur (34 R.C.S. du Can. 570).
L'avocat des demandeurs a cité quatre arrêts à l'appui de sa prétention selon laquelle l'entrave au droit d'accès d'un individu à son bien-fonds et à partir de celui-ci constitue une nuisance ouvrant droit à une poursuite: Hagel and Hagel v. Munici pal District of Yellowknife and Board of Trustees for Yellowknife and Board of Trustees for Yel- lowknife Public School District No. 1 (1962), 35 D.L.R. (2d) 110 (C.A.T.N.-O.); Toronto Trans portation Commission v. Village of Swansea, [1935] R.C.S. 455; [1935] 3 D.L.R. 619; Prentice v. City of Sault Ste. Marie, [1928] R.C.S. 309; [1928] 3 D.L.R. 564, le juge Duff, aux pages 318 R.C.S.; 570 D.L.R. et Forster v. City of Medicine Hat (1913), 9 D.L.R. 555 (C.S. Alta.). Je partage
toutefois l'avis de l'avocat de la défenderesse qui a fait valoir qu'à l'exception de l'arrêt Prentice v. City of Sault Ste. Marie, précité, non pertinent à l'espèce, les autres affaires portent plutôt sur le droit d'accès et de sortie des demandeurs que sur le type d'entrave dont on se plaint dans la présente espèce.
L'avocat des demandeurs s'appuie, entre autres, sur les arrêts The Queen v. Loiselle, [1962] R.C.S. 624, et Windsor (City of) v. Larson et al. (1980), 20 L.C.R. 344 (C. div. de l'Ont.), pour prétendre qu'il doit y avoir indemnisation pour la perte d'ac- cès par opposition à la simple entrave à l'entrée et à la sortie. Dans l'affaire Loiselle, la station-ser vice du plaignant s'était retrouvée à l'extrémité d'une impasse par suite du détournement d'une route en raison de la construction de la Voie maritime du St-Laurent. Dans l'affaire Larson, une bande médiane de béton avait été érigée au milieu de la route qui passait devant le, motel du plaignant, en réduisant ainsi l'accès considérable- ment, ce qui avait entraîné une diminution de sa valeur.
Dans l'affaire St. Pierre (précitée), le juge McIntyre a cité ces deux décisions en faisant le commentaire suivant, aux pages 915 R.C.S.; 302 N.R.:
Dans les deux cas, la construction des ouvrages publics dans les environs immédiats des biens-fonds a changé leur situation au point de réduire grandement, sinon d'anéantir, leur valeur vu les fins pour lesquelles on les utilisait avant la construction, et cette construction pouvait donc être considérée comme une nuisance.
Il a également souligné que, dans ces deux cas, l'acte de l'autorité publique avait à tout le moins entravé de manière importante l'utilisation réelle que le plaignant faisait du bien, avec comme résul- tat une diminution de sa valeur.
À mon avis cependant, la perte de la possibilité qu'avaient les demandeurs de se rendre à leur bien-fonds par le nord en empruntant le chemin Glancaster n'a pas entravé de manière importante l'utilisation réelle qu'ils faisaient de leur propriété. C'est à des fins résidentielles qu'ils utilisaient leurs biens. Il me semble que le fait qu'un bien-fonds, autrefois situé dans une rue libre, se retrouve dans une impasse ne devrait pas en réduire la valeur. Au contraire, certains pourraient prétendre que la baisse de la circulation causée par un tel change-
ment constituerait plutôt un facteur d'augmenta- tion de la valeur du bien-fonds. Il est vrai, et la preuve qu'ont soumise les demandeurs est crédible à cet égard, que l'accès à la ville de Hamilton est moins facile maintenant, mais il s'agit plus d'un inconvénient personnel que d'une atteinte suscepti ble de diminuer de façon significative la valeur des biens des demandeurs à des fins résidentielles. Ces derniers ne peuvent donc pas tenir la défenderesse responsable des dommages allégués à l'alinéa g).
La dernière plainte des demandeurs porte sur l'augmentation du bruit, des vibrations et des odeurs causée par l'exploitation de l'aéroport. Il y est également question d'un changement de la nature de ce dernier faisant craindre un accroisse- ment des inconvénients.
Pour qu'on puisse parler de nuisance à cet égard, il doit y avoir entrave réelle au confort et à la commodité des demandeurs. La simple perspec tive d'une augmentation future des inconvénients n'équivaut pas à une nuisance même si, comme l'un des évaluateurs l'a souligné, l'existence même de la piste, qu'elle soit utilisée ou non, aurait pu constituer une cause majeure de la dévalorisation présumée des biens-fonds des demandeurs.
D'après la preuve de la demande, les activités de l'aéroport n'ont causé aucun inconvénient aux deux familles entre les années 1970, date de leur installation sur le chemin Glancaster, et le début des opérations aériennes sur la piste nouvellement construite en 1986.
Mme Acciaroli prétend en effet que c'est l'arrivée des avions à réaction en 1987 qui a rendu la situation intolérable, bien qu'il y ait eu quelques vols de ce type d'appareil l'année précédente.
M. Masi affirme également que le bruit en provenance de l'aéroport a fortement augmenté après l'achèvement de la nouvelle piste, à tel point qu'il croit depuis habiter au beau milieu d'un aéroport.
Tous deux déclarent avoir entendu dire que la circulation aérienne et partant, le bruit, les vibra tions et les odeurs en provenance de l'aéroport augmenteraient dans l'avenir. Ils en sont du reste persuadés, de façon assez compréhensible.
Les demandeurs allèguent que ce sont les activi- tés résultant de la nouvelle piste qui causent une nuisance. Ils ne formulent en effet aucune plainte à l'égard du bruit, des odeurs ou des vibrations antérieurement à 1986. Ils ont tous deux présenté une preuve selon laquelle l'endroit ils vivent
était à cette époque rural et paisible.
L'évaluation de la gêne ou de l'irritation causée par le bruit aux abords d'un aéroport étant forcé- ment subjective, on a mis au point une méthode d'une assez grande complexité permettant de tracer des courbes de «prévision d'ambiance sonore» (NEF). Cette technique de mesurage ne consiste pas simplement à calculer le nombre de décibels à un moment donné, mais également à accorder par exemple un coefficient sonore plus élevé aux vols qui ont lieu après minuit qu'aux vols diurnes. Cette méthode, à certaines modifications près, est devenue la norme au Canada et elle est largement utilisée aux États-Unis de même que
dans plusieurs pays d'Europe.
M. Neil M. Standen, ingénieur au service de Transports Canada, décrit ainsi dans son rapport en date du 2 octobre 1987 la méthode utilisée:
[TRADUCTION] IMPACT DU BRUIT DES AVIONS AÉROPORT DE HAMILTON (MT HOPE)
Il n'est pas facile d'évaluer l'impact du bruit des avions sur la population. La sonie et le caractère du son des appareils peuvent être mesurés ou prédits avec une certaine précision, mais le degré de nuisance sonore (appréciation de la qualité et de l'acceptabilité du son) dépend de la perception que les gens peuvent avoir du son et de l'interprétation qu'ils en font. Comme pour toute opinion, celle qu'on peut avoir de la bruyance varie d'une personne à l'autre. De façon générale, les lignes directrices en matière de normes antibruit sont donc fondées sur le jugement collectif de vastes populations, de sorte qu'elles deviennent des normes de la société. Il ne s'ensuit pas que ces normes doivent être considérées comme acceptables pour chaque membre de la société. Il se peut en effet que certains individus les jugent trop élastiques alors que d'autres les considéreront trop sévères, ou même inutiles.
En raison de cette diversité des opinions, on s'est efforcé d'établir des critères d'acceptabilité du bruit en fonction des normes de la société. Ces normes reflètent le degré de gêne qu'exprime la collectivité et que les pouvoirs politiques, sensi- bles aux doléances de leur électorat, sont prêts à tolérer. Les recherches ont également porté sur la façon dont le bruit engendre la gêne; on a pu ainsi, dans une certaine mesure, prévoir la réaction des individus, par opposition à celle des groupes plus importants, à un bruit donné.
La mise au point de ces normes sociales d'acceptabilité du bruit des aéronefs s'est faite il y a une quinzaine d'années au Canada,
à la suite de recherches effectuées aux É.-U. et en Europe. Ce travail a comporté deux démarches. Une première démarche consistait à établir une méthode de calcul des niveaux sonores propre à représenter l'indice sonore à long terme aux abords d'un aérodrome. On a ainsi créé des programmes informatisés renfermant des données sur le bruit mesuré et l'exécution des vols; en insérant dans ces programmes des informations sur le nombre et le type d'appareils utilisant un aérodrome, ainsi que sur la configuration et l'usagé des pistes, on a pu dresser des courbes isotoniques aux abords de cet aérodrome.
Il est important de remarquer que ces courbes ne représentent habituellement pas les niveaux sonores réellement enregistrés un jour spécifique. Ces modèles ne visent en effet qu'à représen- ter le fond sonore à long terme. Les recherches effectuées à cette époque ont montré que le fond sonore, perçu par les résidents d'une zone donnée, était mieux représenté lorsque le trafic aérien était plus intense que la moyenne, mais sans atteindre le niveau le plus intense de la période étudiée. Les courbes isotoniques ainsi obtenues par ordinateur représentent donc une mesure statistique du fond sonore, soit à peu près l'équivalent du niveau sonore réel durant l'une des périodes de circulation aérienne les plus intenses.
La deuxième démarche de ce processus de mise au point des normes de la société consistait dans l'étalonnage des courbes sonores produites par ordinateur en termes de niveaux de gêne ressentie par la société. Des enquêtes ont été menées dans les zones résidentielles situées à proximité de quelques aéroports, les attitudes exprimées à l'endroit du bruit étant inscrites sur une échelle comportant différents niveaux de gêne. On a ensuite reporté sur cette échelle les courbes sonores obtenues pour les mêmes zones. On a ainsi établi une relation entre la réaction de la collectivité et le modèle statistique du fond sonore à long terme. Depuis ce temps, cette relation ou étalonnage n'a connu que peu de variation.
La courbe isotonique constitue une évaluation du fond sonore à long terme. Cette évaluation est évidemment fonction des don- nées relatives au champ créé par le trafic aérien et à la configuration de l'aérodrome fournies à l'ordinateur. Ainsi, la courbe peut refléter une prévision de fond sonore pour l'avenir si les données fournies représentent une anticipation du niveau de trafic et de la configuration de l'aérodrome. S'il s'agit de données actuelles ou passées, la courbe représentera alors le fond sonore réel. Dans le programme qu'il a mis au point, le ministère fédéral des Transports utilise, pour désigner la pre- mière courbe, l'expression «prévision d'ambiance sonore» (NEF) ou «projection à long terme d'ambiance sonore» (NEP). La courbe représentant le fond sonore réel est appelée courbe d'«ambiance sonore réelle» (ANE).
C'est M. Standen qui a préparé les courbes d'ambiance sonore réelle pour l'aéroport de Hamil- ton en 1981 et 1986. Il a également préparé les courbes d'ambiance sonore en 1987, partir des vols réels en 1986, mais en y ajoutant les vols nocturnes d'appareils de transport à réaction DC8-50, effectués durant le premier semestre de 1987 et qui n'avaient pas commencé en 1986. Dans son rapport, M. Standen a livré le résultat de ses calculs dans les termes suivants:
[TRADUCTION] ÉVALUATION DU BRUIT DES AÉRONEFS À L'AÉROPORT DE HAMILTON
L'évaluation des nuisances sonores relativement aux deux affai- res impliquant l'aéroport de Hamilton (Mt Hope) a été faite à partir de courbes d'ambiance sonore réelle. Ces courbes repré- sentent les niveaux sonores à long terme en 1981 (avant la construction de la piste située au nord de l'ancienne et parallèle à celle-ci), en 1986 (dernière année pour laquelle des statisti- ques complètes sur le trafic étaient disponibles) et en 1987 (valeurs estimatives). Celles-ci sont les mêmes qu'en 1986, compte non tenu des vols nocturnes de DC8-50, avions de transport à réaction, effectués durant le premier semestre de 1987 et qui n'avaient pas commencé en 1986. Quant aux projections pour 1981, elles n'ont guère varié par rapport à celles de la fin de la décennie précédente, en ce qui concerne l'aéroport en question.
Les variations dans les projections à long terme entre 1981 et 1986 représentées par ces courbes montrent un accroissement des niveaux sonores dans la plupart des zones et une atténua- tion dans certaines autres. S'il y a eu accroissement du niveau sonore à la résidence des Acciaroli, il n'a été que de faible amplitude. À la résidence des Masi, la tendance. va vers une atténuation. L'amplitude de la variation par rapport à la rési- dence des Acciaroli se situe, d'après les courbes de projection, à l'intérieur des limites d'incertitude propres à la méthode de calcul, et elle devrait donc être tenue pour insignifiante. En 1987, et toujours par rapport à la résidence des Acciaroli, les courbes montrent un autre accroissement négligeable aux vols nocturnes. Le changement en 1987 par rapport à 1986 est également faible mais statistiquement significatif, c'est-à-dire supérieur à l'incertitude propre à la méthode_ de calcul. Par rapport à la zone se trouve la résidence des Masi, les projections montrent une atténuation soutenue tout au long de cette même période, due en grande partie au fait que les décollages se sont faits à partir de la nouvelle piste 30R et non plus de l'ancienne, la 30 L.
Sur les trois cartes de projections, la résidence des Acciaroli se trouve à l'extérieur de la zone d'indice 30, donc plus éloignée de l'aéroport que celle-ci. Fixé d'après l'étalonnage des courbes par rapport à la réaction de la société, l'indice de bruit 30 est considéré comme acceptable aux termes de la norme d'exposi- tion au bruit de Transports Canada (1), de la Société cana- dienne d'hypothèques et de logement (2) et du ministère onta- rien du Logement (3). Il s'ensuit que, depuis 1981, la résidence des Acciaroli s'est trouvée exposée à un indice de bruit à long terme considéré comme acceptable selon les normes actuelles de la société.
En 1981, la résidence des Masi était située dans une zone d'indice entre 30 et 35 sur la carte de 1981 remise avec l'étude. Or, d'après les normes actuelles, cette zone est également admise à la construction résidentielle à condition que les mai- sons y soient bien isolées acoustiquement. Depuis 1981, les niveaux de bruit dans cette zone ont diminué, comme le mon- trent les cartes de 1986 et 1987. Cette résidence se trouve aujourd'hui dans une zone d'indice 30, l'intérieur des limites d'incertitude propres à la méthode de calcul, et donc dans une zone l'indice de bruit est considéré comme acceptable d'après les normes de la société.
Il est évident que, dans une certaine mesure, on tente par cette méthode de répondre à la question de nature juridique suivante: «À quel moment l'exploitation d'un aéroport devient-elle une nui sance ouvrant droit à une poursuite?» Or, la réponse à cette question relève ultimement de cette Cour et non des ordinateurs de Transports Canada.
Cependant, j'estime que le rapport de M. Stan- den peut, pour plusieurs raisons, être utile en l'espèce. En premier lieu, il renferme une étude approfondie du problème et donne des indications sur le moment où, quelle que soit la norme, le fond sonore devient inacceptable. En second lieu, la méthodologie utilisée constitue la norme au Canada et elle est largement acceptée ailleurs. En dernier lieu, le rapport mesure le fond sonore réel à l'emplacement de chacune des résidences des demandeurs pendant une période où, de leur propre aveu, le bruit en provenance de l'aéroport ne les gênait aucunement, et une autre les deux familles se sont plaintes du caractère intolérable du bruit.
D'après les mesures enregistrées, le niveau de perturbation sonore a diminué à la résidence des Masi et augmenté de façon marginale à celle des Acciaroli. En me fondant sur ces données dont je suis prêt à reconnaître l'exactitude, j'en viens à la conclusion qu'à l'égard de la résidence des Masi, il n'y a pas eu d'accroissement du niveau de pertur bation causée par le bruit par suite de l'utilisation de la nouvelle piste, et qu'à l'égard de la résidence des Acciaroli, l'augmentation marginale enregis- trée ne constitue pas une nuisance ouvrant droit à une poursuite. Il s'ensuit donc que les demandeurs ne peuvent pas recouvrer de dommages-intérêts de la défenderesse pour les motifs énumérés aux ali- néas j) et k).
Même si l'on pouvait considérer comme des nuisances de cette catégorie les troubles résultant des travaux d'agrandissement de l'aéroport, la fer- meture d'une partie du chemin Glancaster et la perte de perspective ou d'agrément, la Couronne pourrait toujours invoquer en défense l'autorité qu'elle a reçue du législateur pour rendre irreceva- ble l'action des demandeurs; d'après moi, en effet, ces nuisances, si l'on peut vraiment les considérer comme telles, résultent de l'exécution inévitable et raisonnable du devoir qu'impose la loi à la défen- deresse de construire des aéroports.
C'est en vertu du devoir qui lui incombe par application de l'article 3 de la Loi sur l'aéronauti- que, S.R.C. 1970, chap. 3, que la défenderesse a entrepris les travaux dont il est question en l'espèce:
3. Il incombe au Ministre
c) de construire et maintenir tous les aérodromes et stations ou postes d'aéronautique de l'État, y compris toutes les installations, machines et tous les bâtiments nécessaires à leur équipement et entretien efficaces;
Il n'y a rien eu d'arbitraire ou de capricieux dans la façon dont a été choisi l'emplacement de l'aéroport, ou plutôt son agrandissement. Cette décision a au contraire été prise au terme de plusieurs années d'études et de nombreux rapports. Je suis convaincu que les travaux d'agrandissement ont par la suite été exécutés de façon raisonnable, sans négligence de la part de la Couronne et sans que les troubles ou les inconvénients qu'ont subis les demandeurs aient dépassé ce à quoi on peut normalement s'attendre d'un projet de cette ampleur.
À mon avis, les observations qu'a formulées le juge McIntyre dans l'affaire St. Pierre, précitée, aux pages 916 R.C.S.; 303 N.R., sont particulière- ment pertinentes en l'espèce:
Le Ministre a le pouvoir, il en a même le devoir, de construire des routes. Toute construction de route causera des inconvé- nients. Parfois elle endommagera la propriété, parfois elle en augmentera la valeur. Imputer au Ministre une responsabilité en dommages-intérêts envers chaque propriétaire foncier dont les intérêts de propriétaire sont lésés, uniquement à cause de la construction d'une route sur des terrains environnants, placerait un fardeau inadmissible sur le trésor public. Les routes sont nécessaires: elles causent des inconvénients. Dans l'exercice d'équilibre inhérent au droit de la nuisance, leur utilité pour le bien public l'emporte de beaucoup sur les inconvénients et les préjudices que subissent certains biens-fonds adjacents. Le droit de la nuisance ne va pas jusqu'à permettre une indemnisation en l'espèce.
Tout comme, dans cette affaire, le juge McIn- tyre a été incapable de conclure qu'il y avait un élément abusif dans l'utilisation par le ministre du bien-fonds adjacent à celui des appelants pour la construction d'une route, je ne puis en l'espèce statuer que la défenderesse a utilisé de façon abu sive un bien-fonds adjacent à celui des demandeurs pour y construire un aéroport. J'en viens par con- séquent à la même conclusion, savoir que le droit de la nuisance ne permet pas une indemnisation dans la présente espèce.
L'avocat des demandeurs prétend que, même si la défense d'autorité conférée par la loi doit préva- loir, il est néanmoins possible de réclamer des dommages-intérêts pour atteinte préjudiciable, dans la mesure une loi le prévoit expressément ou implicitement.
C'est une exigence bien établie que la réclama- tion pour atteinte préjudiciable doit, par opposition à l'action en nuisance de la common law, être fondée sur une quelconque disposition législative. Dans l'arrêt Sisters of Charity of Rockingham v. The King, [ 1922] 2 A. C. 315, la page 322; 67 D.L.R. 209, la page 211; [1922] 3 W.W.R. 33 (P.C.), à la page 35, lord Parmoor a exprimé l'opinion suivante:
[TRADUCTION] Aucun propriétaire foncier, dont le bien-fonds a été exproprié à des fins publiques en vertu d'une loi, n'a droit à une indemnisation, soit pour la valeur du bien qui a fait l'objet de l'appropriation, soit pour les dommages survenus, au motif que son bien-fonds a subi une «atteinte préjudiciable», à moins qu'il ne puisse prouver que ce droit lui est conféré par la loi.
C'est également la position qu'a adoptée le juge Weatherston de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire St. Pierre et al. v. Ministry of Transpor tation and Communications (1983), 28 L.C.R. 1, à la page 3:
[TRADUCTION] Le droit d'être indemnisé découle de la loi; il n'existe en effet aucun recours pour les dommages causés par l'exécution de travaux autorisés par la loi, à moins que cette loi ou une autre ne prévoie de dispositions à cet égard ...
Il s'ensuit évidemment que, dans la mesure ce recours est prévu, c'est aux dispositions spécifiques de la loi qu'il faut se référer pour savoir quels sont les dommages et les personnes indemnisables.
L'avocat de la demande allègue que ce droit à l'indemnisation pour atteinte préjudiciable, en l'absence d'emprise, découle de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10] que voici:
17. (1) La Division de première instance a compétence en première instance dans tous les cas l'on demande contre la Couronne un redressement et, sauf disposition contraire, cette compétence est exclusive.
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1), la Division de première instance, sauf disposition contraire, a compétence exclusive en première instance dans tous les cas la propriété, les effets ou l'argent d'une personne sont en possession de la Couronne, dans tous les cas la demande découle ou est née d'un contrat passé par la Couronne ou pour son compte et dans tous les cas une demande peut être faite contre la Couronne pour atteinte défavorable.
À l'appui de sa prétention, la partie demande- resse a cité deux jugements de la Cour de l'Échi- quier dans lesquels le président Thorson a statué que l'ancêtre de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, l'article 19 de la Loi de la cour de l'Echiquier, S.R.C. 1927, chap. 34, avait créé un droit d'action pour atteinte préjudiciable et non pas simplement donné compétence à la Cour en matière de réclamation en dommages-intérêts fondée sur quelque autre loi.
Dans les arrêts The King v. Lawson & Sons, [1948] 3 D.L.R. 334 (C. de l'E.) et The King v. Woods Mfg. Co. Ltd., [1949] R.C.É. 9, le prési- dent Thorson a déclaré que l'article 19 de la Loi de la cour de l'Échiquier, aux alinéas (1) a) et b), n'était pas seulement attributif de compétence mais qu'il conférait également au plaignant le droit d'être indemnisé en cas d'expropriation de son bien-fonds ou de dommages résultant d'une atteinte préjudiciable.
Dans l'arrêt The King v. Lawson & Sons, la Cour a jugé que le paragraphe 19(1) constituait le fondement à la fois du droit du plaignant à l'in- demnisation et de la compétence du tribunal d'en- tendre et de disposer de la réclamation. Voici comment le président Thorson a exprimé sa posi tion, à la page 351:
19. La cour de l'Echiquier a aussi juridiction exclusive en première instance pour entendre et juger les matières suivantes:
a) Toute réclamation contre la Couronne pour expropriation de biens pour des fins publiques;
b) Toute réclamation contre la Couronne pour dommages à des propriétés causés par l'exécution de travaux publics;
[TRADUCTION] À mon avis, ces dispositions ne font pas que donner compétence à la Cour. Elles confèrent également des droits aux plaignants. Que le droit de recevoir une indemnité pour expropriation ou atteinte préjudiciable découle de ces dispositions de la Loi de la cour de l'Échiquier, et non de la Loi des expropriations, s'explique par l'origine législative de ces deux lois, comme nous le verrons plus loin. En outre, on retrouve à l'article 47 de la Loi de la cour de l'Échiquier les critères selon lesquels les réclamations faites respectivement en vertu des alinéas 19(1)a) et b) doivent être évaluées. Sous l'intertitre «Règles relatives à l'adjudication des réclamations», l'article édicte:
47. La cour, en déterminant le montant qui doit être payé à un réclamant pour un terrain ou une propriété expropriée pour les fins d'un ouvrage public, ou pour dommages causés à un terrain ou à un immeuble, en estime ou établit la valeur ou le montant à l'époque le terrain ou la propriété a été expropriée ou à l'époque les dommages dont il est porté plainte ont été causés.
[TRADUCTION] La Cour doit donc obéir à certaines directi ves spécifiques dans l'évaluation des réclamations présentées en vertu des alinéas 19(1)a) et b). La première de ces directives porte qu'à l'égard d'une réclamation faite en vertu de l'alinéa 19(1)a), la Cour estime la valeur du terrain ou de l'immeuble exproprié pour les fins d'un ouvrage public. C'est en vertu de cette habilitation législative qu'on peut affirmer que le montant de l'indemnité auquel le propriétaire a droit représente la valeur du terrain ou de l'immeuble, d'après l'évaluation de la Cour. La seconde directive porte que, dans le cas d'une réclamation pour dommages causés à un terrain ou à un immeuble, la Cour en établisse le montant. Tout indique que cette deuxième directive renvoie aux réclamations présentées en vertu de l'alinéa 19(1)b) pour dommages à des propriétés causés par l'exécution de travaux publics.
À la page 352, le président Thorson poursuit ainsi son raisonnement:
[TRADUCTION] Il n'y a rien dans la Loi des expropriations qui aille à l'encontre de cette prétention. Nulle part ne figure dans cette Loi de disposition conférant le droit d'être indemnisé en cas d'expropriation ou prescrivant les règles à suivre, adve- nant un désaccord, pour établir le montant de l'indemnité. Ce vide apparent s'explique aisément: des dispositions de cette nature étant prévues dans la Loi de la cour de l'Échiquier, il n'est pas nécessaire qu'elles soient reprises dans la Loi des expropriations.
Le président Thorson a réitéré sa position dans l'arrêt Woods Mfg. Co. Ltd., précité, aux pages 13 et 14:
[TRADUCTION] La loi canadienne que la défense doit invo- quer à l'appui de son droit d'être indemnisée pour l'expropria- tion de ses biens n'est pas la Loi des expropriations (en vertu de laquelle l'appropriation a eu lieu), mais la Loi de la cour de l'Échiquier, S.R.C. 1927, chap. 34. Dans l'arrêt Thomas Lawson & Sons Limited (précité), j'ai traité abondamment de l'origine et de l'histoire législatives de ces deux lois et je suis convaincu qu'il n'existe nulle part dans la Loi des expropria tions de disposition conférant au propriétaire visé le droit d'être indemnisé. Sans nul doute, plusieurs articles de cette dernière Loi présument-ils l'existence d'un tel droit, mais il reste que ce ne sont qu'aux alinéas 19a) et b) de la Loi de la cour de l'Échiquier qu'est réellement conféré le droit d'être indemnisé pour les biens acquis ou les dommages causés par suite de l'application de la Loi des expropriations. Il y est en effet disposé que:
19. La cour de l'Échiquier a aussi juridiction exclusive en première instance pour entendre et juger les matières suivantes:
a) Toute réclamation contre la Couronne pour expro priation de biens pour des fins publiques;
b) Toute réclamation contre la Couronne pour domma- ges à des propriétés causés par l'exécution de travaux publics;
Un examen de l'origine et de l'histoire législatives de cette disposition démontre en effet qu'en plus d'attribuer à la Cour la compétence pour entendre et juger les demandes d'indemnisa- tion à l'égard des biens expropriés, elle établit également le droit de recevoir une telle indemnité, droit qui, autrement,
n'existerait pas. De plus, tandis que les alinéas 19a) et b) confèrent ce droit au propriétaire, l'article 47 prescrit les critères en vertu desquels le montant de l'indemnité doit être déterminé:
47. La cour, en déterminant le montant qui doit être payé à un réclamant pour un terrain ou une propriété expropriée pour les fins d'un ouvrage public, ou pour dommages causés à un terrain ou à un immeuble, en estime ou établit la valeur ou le montant à l'époque le terrain ou la propriété a été expropriée ou à l'époque les dommages dont il est porté plainte ont été causés.
Ces deux décisions portent sur l'interprétation de la Loi de la cour de l'Échiquier et la Loi des expropriations, S.R.C. 1927, chap. 64. Au moment elles ont été rendues, la Loi des expro priations ne contenait aucune disposition permet- tant l'indemnisation, que ce soit en cas d'expro- priation d'un bien-fonds ou en cas d'atteinte préjudiciable en l'absence d'emprise. Pourtant, certains articles de cette Loi envisageaient l'exis- tence d'un droit de ce genre. Ainsi, il était stipulé à l'article 23:
23. L'indemnité pécuniaire convenue ou adjugée pour tout terrain ou immeuble acquis ou exproprié pour la construction d'ouvrages publics, ou détérioré par ces ouvrages, tient lieu de ce terrain ou immeuble.
Le président Thorson a souligné que la Loi des expropriations ne contenait aucune règle pour la détermination du montant de l'indemnité devant être versé au propriétaire exproprié, en cas de désaccord. Il en est venu à la conclusion que les règles établissant le principe de l'indemnisation et celles régissant la détermination du montant versé n'étaient pas énoncées dans la Loi des expropria tions au motif qu'elles l'étaient dans la Loi de la cour de l'Échiquier. D'après son interprétation de l'article 47 en particulier, il ressort que le proprié- taire exproprié a droit, grâce au mécanisme de l'indemnisation, de recouvrer un montant égal à la valeur de son bien-fonds.
Aussi le président Thorson a-t-il estimé que les deux lois devaient être lues ensemble. D'après lui, l'article 23 de la Loi des expropriations est acces- soire aux alinéas 19(1)a) et b) de la Loi de la cour de l'Échiquier; il a également exprimé l'avis que la procédure d'expropriation, autrefois contenue dans une seule loi, se retrouvait maintenant en partie dans la Loi des expropriations et en partie dans la Loi de la cour de l'Échiquier.
Or, depuis ces deux décisions, la Loi de la cour de l'Échiquier, de même que la Loi des expropria tions ont été remplacées respectivement par la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10 et la Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (lei Supp.), chap. 16.
Contrairement à la situation antérieure à 1970, la nouvelle Loi sur l'expropriation contient, aux articles 23 et 24, des règles régissant l'indemnisa- tion et la détermination de la valeur des droits expropriés. À mon avis, il en résulte que les dispo sitions de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédé- rale sont aujourd'hui de nature purement juridic- tionnelle.
Si l'on revient maintenant au principe de départ selon lequel le droit d'être indemnisé pour expro priation d'un bien-fonds ou atteinte préjudiciable à un bien doit être fondé sur une loi quelconque, sans quoi ce droit n'existe pas, il m'est impossible de conclure à l'existence d'un tel droit dans la Loi sur l'expropriation actuelle dans le cas le bien- fonds n'a pas été morcelé par suite de l'expropria- tion. Étant donné qu'il n'existe au bénéfice des demandeurs aucun droit à l'indemnisation pour atteinte préjudiciable causée par l'expropriation d'autres biens-fonds et la construction d'ouvrages publics sur ces derniers, leur réclamation à cet égard doit être, en conséquence, rejetée.
On pourrait certes se demander pourquoi la Cour fédérale se voit attribuer, en vertu du para- graphe 17(2) de la Loi sur la Cour fédérale, la compétence pour entendre les demandes pour atteinte préjudiciable, si le droit d'être indemnisé pour des dommages de cette catégorie n'est pas prévu à la Loi sur l'expropriation. À mon avis, cette disposition ne fait qu'accorder compétence à la Cour dans la mesure le droit substantif d'intenter un recours pour atteinte préjudiciable contre la Couronne découle soit de la Loi sur l'expropriation et de ses modifications futures, soit de quelque autre loi. Ainsi, le paragraphe 18(3) de la Loi sur l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, S.R.C. 1952, chap. 242, prévoit le droit d'être indemnisé pour atteinte préjudiciable en cas d'absence d'emprise.
Les demandeurs se sont également appuyés sur une comparaison de l'article 68 de The Lands Clauses Consolidation Act, 1845, [8 & 9 Vict., chap. 18] du Royaume-Uni, et du paragraphe 17(2) de la Loi sur la Cour fédérale, tous deux de nature procédurale, pour soutenir que cette der- nière disposition conférait expressément le droit d'être indemnisé en l'absence d'emprise.
Leur avocat a fait valoir que les tribunaux anglais avaient, de façon constante, statué que l'article 68, bien que procédural en apparence, créait le droit d'être indemnisé pour atteinte préju- diciable. Cet article dispose en partie comme suit:
[TRADUCTION] LXVIII. Dans le cas une partie a le droit d'être indemnisée pour l'atteinte préjudiciable qu'a subie son bien-fonds par suite de l'exécution des travaux ... elle peut demander que l'indemnité soit fixée par arbitrage ou ...
Il a cité l'arrêt Jolliffe v. Exeter Corpn., [1967] 1 W.L.R. 350 (Q.B.D.), à l'appui de sa prétention, mais à mon avis cette décision n'est pas favorable à la demande. En effet, à la page 355, le juge Lawton en est venu à la conclusion que la responsabilité d'indemniser ceux dont la propriété a subi une atteinte préjudiciable
[TRADUCTION] ... incombait aux défendeurs en vertu des lois intitulées Highways Act, 1959, art. 222 et Acquisition of Land (Authorisation Procedure) Act, 1946, dont l'effet conjugué conduit à l'application de l'article 68 de la Lands Clauses Consolidation Act, 1845.
Il me semble que le droit d'être indemnisé pour atteinte préjudiciable ne résulte pas uniquement dans cette affaire de l'application de l'article 68, mais également de l'effet des dispositions des deux autres lois. Et même si leur procureur avait raison sur ce point, cela n'aiderait pas à mon avis la cause des plaignants. Cet argument pouvait peut-être avoir quelque pertinence avant 1970, l'époque le président Thorson a rendu son jugement dans les affaires Woods Manufacturing et Lawson, préci- tées; mais aujourd'hui, j'estime qu'il n'est plus pertinent puisque les règles régissant l'indemnité et la détermination du montant de celle-ci sont clai- rement regroupées en une seule Loi sur l'expro- priation.
L'avocat des demandeurs a également cité le jugement de la Cour suprême du Canada dans
l'affaire Imperial Oil Ltd. c. La Reine, [1974] R.C.S. 623; (1973), 35 D.L.R. (3d) 73, la page 79,à l'appui de sa prétention selon laquelle le droit du plaignant d'être indemnisé pour atteinte préju- diciable à son bien-fonds existe, à moins que le législateur n'ait, de façon claire et sans équivoque, exprimé son intention de ne pas permettre une telle indemnisation. Dans cette affaire il devait se prononcer sur l'article 23 de la Loi sur les expro priations, S.R.C. 1952, chap. 106, le juge Ritchie y a vu l'intention manifeste du législateur d'indem- niser un propriétaire foncier pour atteinte préjudi- ciable causée par la construction d'un ouvrage public. Cet article n'a pas été repris dans la Loi sur l'expropriation actuelle.
À mon avis, cet arrêt ne constitue pas un précé- dent à l'appui de la thèse des demandeurs. Le juge Ritchie y a simplement fait observer qu'il n'exis- tait pas dans la Loi sur les expropriations ou dans la Loi sur la protection des eaux navigables, S.R.C. 1952, chap. 193, de disposition exprimant clairement l'intention du législateur de permettre que le bien-fonds du demandeur puisse être défa- vorablement atteint sans indemnisation; il a souli- gné qu'il ressortait en revanche clairement de l'ar- ticle 23 de la Loi sur les expropriations que le demandeur avait le droit de recevoir une indemnité en cas d'atteinte préjudiciable causée par la cons truction d'un ouvrage public.
Tout ce que signifie cet arrêt, ce me semble, c'est que le propriétaire foncier dont le bien-fonds a subi une atteinte préjudiciable à cause de la construction d'un ouvrage public a droit à une indemnisation dans la mesure l'intention du législateur d'accorder ce dédommagement ressort de la loi. Le fait que la Cour n'a pu trouver dans la Loi sur les expropriations l'intention du législa- teur de ne pas accorder d'indemnité dans de telles circonstances n'a servi qu'à étayer son interpréta- tion de l'article 23 de cette Loi.
Il est de plus évident que la prétention de l'avo- cat des demandeurs est contraire au principe qu'a établi lord Parmoor dans l'arrêt Sisters of Charity of Rockingham, évoqué plus haut, et que les tribu- naux canadiens ont constamment suivi par la suite, comme vient d'ailleurs de le faire la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire St. Pierre, précitée, confirmée en appel par la Cour suprême du
Canada. À mon avis, ce principe est toujours valable et s'applique dans la présente espèce: le législateur n'ayant édicté aucune disposition per- mettant l'indemnisation pour atteinte préjudiciable en l'absence d'emprise, les demandeurs ne peuvent avoir gain de cause à ce titre contre la défenderesse.
J'éprouve beaucoup de sympathie envers les demandeurs, particulièrement les Acciaroli. Leur bien, tout comme celui des St. Pierre, a subi une atteinte défavorable par suite de l'agrandissement de l'aéroport. La vue dont ils jouissent maintenant est moins agréable et ils sont davantage suscepti- bles, quoique de façon marginale, d'être troublés dans leur jouissance qu'avant l'ouverture de la nouvelle piste. Mmc Acciaroli souhaiterait que sa résidence soit expropriée, de sorte qu'elle puisse déménager loin de l'aéroport. Aujourd'hui que son regard se porte sur les tours de contrôle et la nouvelle piste, la vue ou le bruit d'un avion ravi- vent en elle le sentiment d'avoir été victime d'une grave injustice. Dans les circonstances, il n'est pas étonnant qu'elle croit en toute sincérité que le fond sonore a fortement augmenté et qu'il a même atteint un seuil intolérable. Qui plus est, je n'aurais pas de mal à penser que son opinion serait la même si le niveau sonore avait en réalité diminué.
De même, M. Acciaroli, de toute évidence très attaché à ce qu'il considérait comme un endroit rural et paisible, fait maintenant face chaque fois qu'il sort de chez lui à une clôture à mailles losangées et à une piste. Dans son esprit, la défen- deresse a détruit, sans l'en dédommager, la vue, la perspective et l'ambiance dont il jouissait aupara- vant. Dans les circonstances, je ne m'étonne pas qu'il soit troublé par tout ce qui concerne l'aéroport.
Il suffit d'ailleurs de jeter un coup d'oeil sur la pièce 2 pour se rendre compte que le bien-fonds des Acciaroli s'avance maintenant dans l'aéroport. On peut comprendre aisément leurs troubles de jouissance et leur désir de voir leur propriété expropriée. Cependant, tout en compatissant à l'in- fortune des Acciaroli, et dans une moindre mesure, à celle des Masi, je ne puis en venir à la conclusion qu'ils ont droit de réclamer des dommages-intérêts de la défenderesse à l'égard des plaintes qu'ils ont formulées.
Bien que la défenderesse ait gain de cause en l'espèce, il ne me semble pas approprié de lui adjuger les dépens dans les circonstances. En con- séquence, je suis d'avis de rejeter les actions des demandeurs contre la défenderesse, sans adjudica tion de dépens.
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