A-710-86
Toronto Volgograd Committee (appelant)
c.
Ministre du Revenu national (intimé)
RÉPERTORIÉ: TORONTO VOLGOGRAD COMMITTEE C. M.R.N.
Cour d'appel, juges Mahoney, Marceau et Stone—
Ottawa, 19 janvier et 3 mars 1988.
Impôt sur le revenu — Exemptions — Organismes de
charité — Appel interjeté contre le refus d'enregistrement à
titre d'oeuvre de charité — L'un des objectifs est le rétablisse-
ment des liens entre les résidents de Toronto et ceux de
Volgograd — Les activités envisagées comprennent la sensibi-
lisation du public et le parrainage et l'organisation d'échanges
et de rencontres — L'appel est rejeté — L'enregistrement
nécessite-t-il des fins exclusivement charitables? — Emploi de
l'expression «activités» à l'art. 149.1(1 )b) (i) et du mot «fins» à
l'art. 149.1(1)a) — Il est nécessaire de tenir compte aussi bien
des fins que des activités — La Loi n'interdit pas expressément
d'examiner les fins de l'organisme — La loi considère les fins
et les activités ayant pour but de favoriser une attitude d'esprit
comme étant politiques — Elles ne sont pas charitables car
elles n'encouragent pas la «promotion de l'éducation» — Les
activités de l'appelant ne sont pas utiles à la société d'une
façon que la loi considère charitable, car elles ne sont pas
conformes à «l'esprit» de la Loi d'Elizabeth.
Organismes de charité — Les fins de l'appelant visent à
favoriser l'entente entre les résidents de Toronto et ceux de
Volgograd — Les activités de l'appelant comprennent le par-
rainage et l'organisation d'échanges et de rencontres — Refus
de l'enregistrement à titre d'oeuvre de charité — L'enregistre-
ment exige-t-il des fins exclusivement charitables? — Les
activités concernées sont-elles des activités de bienfaisance
favorisant la «promotion de l'éducation» ou la poursuite
«d'autres fins charitables»? — La fiducie ne répond pas aux
exigences de la Loi en raison de sa nature politique.
Il s'agit d'un appel contre la décision par laquelle le ministre
du Revenu national rejetait la demande d'enregistrement de
l'appelant en qualité d'«ceuvre de charité». Les objets déclarés
de l'appelant consistaient à rétablir les liens entre les résidents
de Toronto et ceux de Volgograd (autrefois appelé Stalingrad),
à créer des rapports directs entre les gens relativement à des
questions qui leur sont communes, y compris celle du risque
d'une guerre nucléaire, et à améliorer ces rapports au moyen
d'échanges en vue de favoriser l'entente, réduire les tensions et
d'aider nos sociétés à trouver des façons pacifiques de vivre
ensemble. Les activités de l'appelant comprenaient le parrai-
nage d'échanges et de rencontres entre les résidents des deux
villes concernées, l'appelant défrayant leurs frais de déplace-
ment, organisant des visites pour assurer les contacts avec les
citoyens et se chargeant de la publicité autour des expériences
des voyageurs à l'étranger. Le ministre a souligné que pour
pouvoir être enregistré en vertu de la Loi, un organisme doit
être constitué et administré exclusivement à des fins charita-
bles, au sens de la common law. Il a été décidé que l'appelant
ne remplissait pas les conditions voulues pour être considéré
comme «faisant la promotion de l'éducation ou comme poursui-
vant des fins utiles à l'ensemble de la société d'une manière que
la loi considère comme charitable». En premier lieu, il s'agissait
de déterminer si l'intimé a commis une erreur en concluant que
pour remplir les conditions nécessaires pour être enregistré, un
organisme ne doit être constitué et administré «exclusivement à
des fins charitables», en mettant l'accent sur le mot «fins». Selon
l'appelant, l'intimé aurait dü tenir compte seulement de ses
activités réelles, sans accorder d'importance aux objets pour
lesquels il a été formé. L'appelant a mis en contraste le mot
«activités» au sous-alinéa 149.1(1 )b)(i) (qui exige que la totalité
des ressources de l'organisme soit consacrée à des activités de
bienfaisance que l'organisme mène lui-même) avec le mot «fins»
qui figure à l'alinéa 149.1(1)a), (lequel exige qu'une fondation
de charité soit constituée et administrée exclusivement à des
fins charitables). En second lieu, il s'agissait de savoir si
l'intimé a commis une erreur en jugeant que les activités de
l'appelant n'étaient pas des activités de bienfaisance favorisant
la «promotion de l'éducation» ou la poursuite «d'autres fins
charitables». Finalement, l'intimé a-t-il commis une erreur en
décidant que l'appelant diffusait de l'information «comme
moyen de défendre ou de promouvoir un point de vue particu-
lier sur une question ou sur une cause»?
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
Le juge Stone: La première question n'avait pas à être
décidée parce que l'appelant a concédé que la Cour devait tenir
compte aussi bien de ses fins que de ses activités pour détermi-
ner s'il peut être enregistré comme oeuvre de charité. Il y a
toutefois lieu de noter que même si le sous-alinéa 149.1(1)b)(i)
ne s'intéresse pas explicitement aux fins de l'oeuvre de charité
énoncées dans son acte constitutif, il n'interdit pas expressé-
ment d'examiner les fins de l'organisme en cause. Si l'affecta-
tion de ses ressources de la manière prescrite par la Loi devait
être considérée comme le seul critère applicable, la Loi serait
impossible à appliquer puisque l'intimé devrait constamment
surveiller les agissements de chaque organisme enregistré. Si,
en revanche, le caractère fondamentalement charitable d'un
organisme doit être jugé d'après son acte constitutif, il suffirait
à l'organisme de démontrer, au besoin, qu'il a effectivement
exercé des activités de bienfaisance auxquelles il a consacré
toutes ses ressources.
Prétendre que la promotion de l'éducation désigne la promo
tion de l'éducation pour elle-même en ce sens que l'esprit peut
être formé, c'est peut-être s'exprimer de façon un peu trop
étroite. Cependant plusieurs décisions ont été citées pour
démontrer que les fins et les activités ayant pour but de créer
un courant d'opinion donné et de favoriser une attitude d'esprit
n'encourageaient pas la «promotion de l'éducation», parce que
la loi les considère comme des buts et des activités politiques.
Le raisonnement formulé dans ces arrêts démontre qu'une
fiducie constituée en vue d'épouser une cause politique n'est pas
une fiducie de charité. L'appelant ne poursuit pas des fins et
des activités de bienfaisance au sens de ces décisions, et les fins
et les activités qu'il poursuit ne satisfont donc pas au critère de
la «promotion de l'éducation».
Les mobiles de l'appelant ont un caractère altruiste, et la
société ne peut que tirer profit de ce genre de contacts. Cepen-
dant, ces activités ne sont pas utiles à la société d'une façon que
la loi considère comme charitable. La cause poursuivie n'est pas
une cause charitable, mais politique. Il a été statué à maintes
reprises que les fiducies qui visent à favoriser une attitude
d'esprit ne font pas partie de la quatrième catégorie d'organis-
mes de charité parce qu'elles ne sont pas conformes à l'esprit de
la Loi d'Elizabeth.
Le juge Mahoney (motifs concourants): Dans les arrêts
Native Communications Society of B.C. c. Canada (M.R.N.) et
Alberta Institute on Mental Retardation c. Canada, il a été
statué que les organismes en cause avaient le droit d'être
enregistrés à titre d'organismes de charité, bien que la poursuite
d'une fin charitable constituait intrinsèquement un résultat
indirect des activités des organismes concernés. Ni l'un ni
l'autre des organismes n'aurait pu répondre au critère proposé
par le juge Marceau. L'appel devrait être rejeté pour les motifs
donnés par le juge Stone.
Le juge Marceau (motifs concordants quant au résultat):
Selon les définitions données à l'article 149.1, une «fondation de
charité» est constituée «uniquement à des fins charitables» alors
qu'une œuvre de charité consacre la totalité de ses ressources à
des activités de bienfaisance. Le législateur avait l'intention
d'établir une distinction entre, d'une part, les organismes qui
sont simplement des dépositaires de fonds et dont les revenus
sont distribués périodiquement en vue d'aider à la réalisation
d'activités par d'autres personnes et, d'autre part, les organis-
mes qui réunissent des gens qui ont l'intention d'exercer eux-
mêmes certaines activités précises. Si les objectifs définis dans
le document constitutif sont par eux-mêmes déterminants dans
le cas d'une fondation, ils ne le sont pas lorsqu'il s'agit d'une
œuvre. La classification d'une activité exige qu'on l'examine en
fonction du motif pour lequel elle est exercée, mais il ne faut
pas la confondre avec l'intention de l'acteur; l'activité s'exerce
dans le monde réel et concret et non simplement dans l'esprit
des particuliers.
Le jugement rendu par lord Macnaghten dans l'affaire Com
missioners of Income Tax v. Pemsel qui énonce quatre catégo-
ries d'organismes de charité, portait sur les fiducies et avait été
élaboré en vue d'englober toutes les fins possibles susceptibles
de rendre valides les organismes constitués dans un esprit
philanthropique pour aider à l'avancement d'un objectif appor-
tant un bénéfice. La décision de la Cour suprême dans l'affaire
Guaranty Trust Company of Canada v. Minister of National
Revenue, qui appliquait l'arrêt Pemsel, portait également sur
une fiducie. La classification retenue devait donc être élaborée
libéralement en tenant compte des «fins» et non des «activités».
Dans le contexte du droit fiscal, il faudra faire quelques
adaptations. Pour s'inscrire dans l'une des quatre catégories, les
activités doivent être examinées en fonction de leur résultat et
de leur effet immédiats et non de leurs conséquences éventuelles
possibles. Une activité tire son caractère charitable de ce qu'elle
réalise elle-même et non de ce qu'elle peut permettre de réaliser
de façon indirecte. La question était donc de savoir si les
activités de l'appelant avaient pour effet immédiat de soulager
la pauvreté, de promouvoir l'éducation ou la religion ou de
réaliser quelque chose d'utile à l'ensemble de la société. Bien
que les activités de l'appelant puissent produire en fin de
compte des résultats valables, sur le plan immédiat elles ne
peuvent que satisfaire la curiosité intellectuelle. Aucune de ces
activités est une activité de bienfaisance au sens de la Loi.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charities Act, 1960 (R.-U.), 8-9 Eliz. II, chap. 58, art.
45(1).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 110(8)c) (mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 35),
149.1(1)a) (édicté par S.C. 1976, chap. 4, art. 60; S.C.
1984, chap. 45, art. 57), b) (mod. par S.C. 1984, chap.
45, art. 57).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
1312.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Commissioners of Income Tax v. Pemsel, [1891] A.C.
531 (H.L.); Anglo-Swedish Society v. Commissioners of
Inland Revenue (1931), 16 T.C. 34 (K.B.); Buxton and
Others v. Public Trustee and Others (1962), 41 T.C. 235
(Ch. D.); Strakosch, decd., In re. Temperley v. Attorney-
General, [ 1949] Ch. 529 (C.A.); In re Koeppler Will
Trusts, [1985] 3 W.L.R. 765 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Re Laidlaw Foundation (1984), 48 O.R. (2d) 549
(H.C.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Native Communications Society of B.C. c. Canada
(M.R.N.), [1986] 3 C.F. 471; 86 DTC 6353 (C.A.);
Scarborough Community Legal Services c. La Reine,
[1985] 2 C.F. 555 (C.A.); Alberta Institute on Mental
Retardation c. Canada, [1987] 3 C.F. 286; 87 DTC 5306
(C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Shaw, decd., In re. Public Trustee v. Day, [1957] 1
W.L.R. 729 (Ch.D.); Macduff, In re. Macduff v. Mac-
duff, [1896] 2 Ch. 451 (C.A.); In re Hopkins' Will
Trusts, [1965] Ch. 669; Incorporated Council of Law
Reporting for England and Wales v. Attorney-General,
[1972] Ch. 73 (C.A.); Guarantee Trust Company of
Canada v. Minister of National Revenue, [1967] R.C.S.
133.
DOCTRINE:
Ballow, H. A Treatise of Equity, Book II, London:
Strahan & Woodfall, 1793 rev. and ed. by John Fonblan-
que London: Garland Publishing Inc., 1979.
AVOCATS:
Harry B. Radomski et Graham D. Smith
pour l'appelant.
Deen C. Olsen et Johann D'Auray pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Goodman & Goodman, Toronto, pour l'appe-
lant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: J'ai eu l'avantage de lire le
projet de motifs de jugement de mes collègues et je
suis d'accord pour dire que l'appel devrait être
rejeté pour les motifs exposés par le juge Stone. La
difficulté que j'éprouve au sujet de l'approche
adoptée par le juge Marceau peut être brièvement
illustrée en rappelant deux arrêts récents dans
lesquels notre Cour a statué que les organismes en
cause avaient le droit d'être enregistrés à titre
d'organismes de charité en vertu de la Loi de
l'impôt sur le revenu. Il s'agit de l'arrêt Native
Communications Society of B.C. c. Canada
(M.R.N.), [1986] 3 C.F. 471; 86 DTC 6353
(C.A.); et Alberta Institute on Mental Retarda
tion c. Canada, [1987] 3 C.F. 286; 87 DTC 5306
(C.A.), (autorisation d'appel refusée le 28 janvier
1988).
Les «activités» du premier de ces organismes
consistaient à recueillir et à diffuser des renseigne-
ments intéressant et préoccupant les autochtones
de la Colombie-Britannique. Les «activités» du
second consistaient uniquement à recueillir et à
revendre à profit des articles usagers; les bénéfices
nets étaient versés à un autre organisme dont le
caractère charitable n'était pas en question.
Il me semble que, s'ils avaient été dissociés
d'objectifs qui ne pouvaient être atteints que de
façon indirecte, aucun des deux organismes n'au-
rait pu satisfaire au critère proposé. Dans un cas,
les avantages que recevaient effectivement les per-
sonnes atteintes d'arriération mentale ne leur
étaient versés qu'à la suite de l'intervention des
activités d'une tierce partie. Dans l'autre cas, la
véritable fin charitable ne résidait pas dans le fait
de mettre des renseignements et des moyens à la
disposition d'autrui pour qu'ils soient échangés,
mais dans le fait qu'on espérait que les autochtones
les utilisent à leur avantage; la poursuite de la fin
charitable constituait intrinsèquement un résultat
indirect des activités de l'organisme.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU (motifs concordants quant
au résultat): Je conviens volontiers avec mon collè-
gue, le juge Stone, que c'est à bon droit qu'on a
rejeté la demande présentée par l'appelant en vue
d'être enregistré comme organisme de charité en
vertu de l'alinéa 110(8)c) de la Loi de l'impôt sur
le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, modifiée
[par S.C. 1984, chap. 45, art. 35] (la «Loi»).
Cependant, le raisonnement qui m'a amené à ma
conclusion diffère de celui qu'a suivi mon collègue
dans ses motifs de jugement, et compte tenu de
l'importance du sujet en cause qui, chose éton-
nante, n'a été examiné par notre Cour que récem-
ment et qu'à quelques rares occasions', j'estime
devoir exprimer mon opinion personnelle sur la
question.
Je commencerai avec deux observations qui, à
mon sens, sont fondamentales et qui doivent régler
toute l'approche qu'il faut adopter pour résoudre
la question en litige.
La première observation est tirée de la définition
du terme «organisme de charité» qu'on trouve dans
la Loi. Depuis 1976, année où le législateur a
procédé à un remaniement majeur des règles régis-
sant les organismes de charité pour les fins de
l'impôt sur le revenu, remaniement qui a été com-
plété par la suite, et plus particulièrement en 1984,
deux types d'«organismes de charité» sont recon-
nus: la fondation de charité (qu'elle soit publique
ou privée) et l'oeuvre de charité. Elles sont définies
aux alinéas 149.1(1)a) [edictée par S.C. 1976,
chap. 4, art. 60; S.C. 1984, chap. 45, art. 57] et
149.1(1)b) [mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 57]
de la Loi de la façon suivante:
149.1 (1) Pour l'application du présent article, de l'article 172
et de la partie V,
a) «fondation de charité» désigne une corporation ou une fiducie
constituée et administrée exclusivement à des fins charitables,
dont aucun revenu n'est payable à un propriétaire, membre,
actionnaire, fiduciaire ou auteur de la fiducie ou de la corpora -
1 Les seules décisions de notre Cour que je connaisse au sujet
des organismes de charité sont: Scarborough Community Legal
Services c. La Reine, [1985] 2 C.F. 555; Native Communica
tions Society of B.C. c. Canada (M.R.N.), [ 1986] 3 C.F. 471; et
Alberta Institute on Mental Retardation c. Canada, [1987] 3
C.F. 286.
tion ou ne peut par ailleurs être disponible pour servir au profit
personnel de ceux-ci, et qui n'est pas une oeuvre de charité;
b) «oeuvre de charité» désigne une oeuvre, constituée ou non en
corporation:
(i) dont la totalité des ressources est consacrée à des activités
de bienfaisance qu'elle mène elle-même,
(ii) dont aucune partie du revenu n'est payable à l'un de ses
propriétaires, membres, actionnaires, fiduciaires ou auteurs
ni ne peut servir, de quelque façon, à leur profit personnel,
Parmi les quelques éléments de différenciation
qu'on peut dégager de l'analyse de ces deux défini-
tions, il y en a un qui frappe immédiatement. Une
«fondation de charité» est constituée et administrée
«à des fins charitables» seulement, (l'expression
anglaise correspondante est: «for charitable pur
poses»), tandis qu'une «oeuvre de charité» consacre
ses ressources exclusivement à des «activités de
bienfaisance» (en anglais: «to charitable activi
ties»). Et, d'ailleurs, dans chacune des dispositions
subséquentes qui établissent les règles régissant
chaque type d'organisme de charité, la Loi parle
de fins lorsqu'elle traite des «fondations de charité»
et d'activités lorsqu'elle vise les «ozuvres de cha-
rité» (voir, par exemple, les paragraphes 149.1(2),
(3),(6),(6.1) et (6.2)). Que cette différenciation
soit fondamentale dans l'esprit du législateur ne
peut être mis en doute. Ces mots usuels et courants
qui, dans les deux langues, désignent des concepts
entièrement différents mais fort simples, ont cer-
tainement été employés pour ce qu'ils signifient
réellement, puisqu'ils sont carrément mis en oppo
sition l'un avec l'autre et qu'il est prévu que seules
les oeuvres peuvent avoir des activités. En fait,
ainsi qu'il est bien connu, le législateur avait l'in-
tention d'établir, de façon générale, une distinction
entre, d'une part, les organismes ou les personnes
juridiques qui sont simplement des dépositaires de
fonds et dont les revenus sont distribués périodi-
quement en vue d'aider à la réalisation d'activités
par d'autres personnes et, d'autre part, les organis-
mes qui n'ont même pas besoin d'être appuyés par
une personne morale mais qui réunissent des gens
qui ont l'intention d'exercer par eux-mêmes certai-
nes activités précises. Dans ce dernier cas, le mot
«oeuvre» qui est employé en français, est fort révé-
lateur à cet égard; il signifie «travail», «action»,
«tâche».
Ainsi donc, alors qu'une «fondation» a le droit
d'être enregistrée à titre d'«organisme de charité»
dès que les fins pour la poursuite desquelles les
administrateurs ou les fiduciaires sont mandatés
ou autorisés à distribuer des sommes d'argent sur
ses fonds sont «charitables»—un fait qui ne peut
être établi qu'en examinant le document par lequel
l'organisme a été constitué—, une «oeuvre» a le
droit d'être enregistrée comme organisme de cha-
rité seulement si ses activités sont et demeurent
charitables—une condition qui requiert un examen
de ce que ses membres font effectivement. En
d'autres mots, si les objectifs, les objets, les inten
tions qui sont définis dans le document constitutif
sont par eux-mêmes déterminants dans le cas
d'une «fondation», ils ne le sont pas lorsqu'il s'agit
d'une «oeuvre». Il est vrai que la classification
d'une activité exige qu'on l'examine en fonction du
motif pour lequel elle est exercée, mais il n'en
demeure pas moins qu'il ne faut pas la confondre
avec l'intention de l'acteur; l'activité s'exerce dans
le monde réel et concret et non simplement dans
l'esprit des particuliers.
La deuxième observation est suggérée par la
première, mais elle vise particulièrement le sens
des mots «charitable» et «de charité» qu'on trouve
dans la définition des deux types d'«organismes de
charité». Ainsi qu'il est bien connu, en l'absence
d'indices dans la loi sur ce qu'on entend exacte-
ment par ce mot, les commentateurs et les tribu-
naux se sont tournés vers la common law pour se
guider. Le jugement bien connu prononcé par lord
Macnaghten dans l'affaire Commissioners of
Income Tax v. Pemsel, [1891] A.C. 531 (H.L.) est
devenu l'arrêt de principe, plus particulièrement le
célèbre passage suivant [à la page 583]:
[TRADUCTION] Dans quelle mesure, pourrait-on se demander,
la signification courante de l'expression «charity» correspond-
elle à son sens juridique? Entendue dans son sens juridique, le
terme «charity» (»organisme de charité») comprend quatre
types d'organismes: les fiducies qui ont pour but de soulager la
pauvreté; les fiducies qui sont constituées pour promouvoir
l'éducation; les fiducies visant à promouvoir la religion et les
fiducies constituées pour des fins utiles à l'ensemble de la
société et ne se situant pas à l'intérieur des catégories
susmentionnées.
Ce passage, qu'on considère en Angleterre comme
renfermant le critère de common law permettant
d'identifier les fiducies de charité, s'est vu recon-
naître la même importance au Canada à la suite de
l'arrêt Guaranty Trust Company of Canada v.
Minister of National Revenue, [1967] R.C.S. 133,
prononcé par la Cour suprême. Le jugement de
lord Macnaghten soulève toutefois une difficulté
qu'on oublie trop souvent à mon avis: il s'agissait
d'un jugement qui portait strictement sur les fidu-
cies de charité et qui avait été élaboré en vue
d'englober toutes les fins possibles susceptibles de
rendre valides les organismes constitués dans un
esprit philanthropique pour aider à l'avancement
d'un objectif apportant un bénéfice (l'arrêt Gua
ranty Trust Company portait également sur la
validité d'une fiducie). La classification retenue
dans cette affaire devait donc être élaborée libéra-
lement en tenant compte des «fins» et non des
«activités». Lorsqu'on s'en sert relativement à des
activités et dans le contexte du droit fiscal, il
faudra indubitablement faire quelques adaptations
pour que cette classification permette de détermi-
ner les activités qui sont suffisamment utiles pour
avoir droit au traitement fiscal très spécial prévu
par la Loi. À cet égard, il me semble évident que le
caractère vague de la quatrième catégorie est par-
ticulièrement troublant lorsqu'on applique celle-ci
à des activités, car elle semble presque dépourvue
de tout sens si on ne la reformule pas d'une façon
ou d'une autre avec des mots plus précis. Mais ce
que j'aimerais en réalité bien faire comprendre
c'est que, pour s'inscrire valablement et utilement
dans l'une des quatre catégories de la classifica
tion, les activités doivent nécessairement, il me
semble, être examinées en fonction de leur résultat
et de leur effet immédiats et non de leurs consé-
quences éventuelles possibles. En d'autres mots,
l'activité tire son caractère charitable de ce qu'elle
réalise elle-même et non de ce qui peut éventuelle-
ment en résulter ou de ce qu'elle peut permettre de
réaliser de façon quelque peu indirecte.
Si les observations de base que je viens de
formuler sont correctes, le point litigieux que sou-
lève l'appel est très simple et peut être tranché
rapidement. Le comité appelant, un organisme
sans personnalité morale, avait le droit d'être enre-
gistré à titre d'«ceuvre de charité», contrairement à
ce qu'a décidé le ministre si, et seulement si, ses
activités (c'est-à-dire, puisqu'il n'a pas la person-
nalité morale, les activités de ses membres) ont
pour effet immédiat de soulager la pauvreté, de
promouvoir l'éducation ou la religion ou, éventuel-
lement, de réaliser quelque chose d'utile à l'ensem-
ble de la société.
La première étape consiste donc à se demander
ce que font exactement les membres du comité en
tant que membres. À cet égard, la preuve est
claire. En termes simples, les activités du comité et
de ses membres consistent, si j'ai bien compris, à
parrainer des échanges et des rencontres entre les
résidents de Toronto et les résidents de Volgograd,
en Russie. De façon plus concrète, le comité et ses
membres choisissent les candidats d'une ville inté-
ressés à visiter l'autre ville, paient tous leurs frais
de déplacement, s'assurent que le séjour des visi-
teurs est organisé de façon à encourager les con
tacts avec les gens du pays, et prennent finalement
des dispositions pour faire connaître au public
l'expérience que les voyageurs ont vécue à l'étran-
ger et les impressions qu'ils ont recueillies au cours
de leur voyage, par le truchement de reportages
dans les médias et d'allocutions. À ces activités il
faudrait ajouter, je suppose, lorsque les membres
sont eux-mêmes choisis comme candidats, le
voyage à l'étranger lui-même, la rencontre elle-
même avec les gens et la communication effective
des impressions. Voilà donc toutes les activités au
sujet desquelles nous devons nous demander si elles
pouvent avoir pour effet immédiat de soulager la
pauvreté, de promouvoir l'éducation ou la religion
ou de réaliser quelque chose d'utile à l'ensemble de
la société. À mon avis, il n'y a pas de doute
possible. L'organisation ou la réalisation de voya
ges et de visites, l'établissement de relations et la
communication d'impressions et d'expériences per-
sonnelles constituent toutes des activités qui peu-
vent être très bonnes et très instructives et qui
peuvent produire en fin de compte des résultats
valables, mais, sur le plan immédiat, elles peuvent
difficilement avoir d'autre effet que la satisfaction
de la curiosité intellectuelle et l'acquisition d'expé-
riences humaines pour ceux qui s'y adonnent. Il me
semble qu'on ne peut dire d'aucune de ces activités
qu'elle est une activité de bienfaisance au sens de
la Loi.
C'est sur le fondement de cette opinion de l'af-
faire que je disposerais de l'appel de la façon
suggérée par mon collègue le juge Stone.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STONE: Il s'agit d'un appel interjeté
d'une décision en date du 23 octobre 1986 par
laquelle l'intimé a rejeté la demande présentée par
l'appelant en vue de se faire enregistrer à titre
d'«oeuvre de charité» suivant les dispositions de la
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap.
148, et ses modifications apportées par S.C. 1970-
71-72, chap. 63, ainsi que ses modifications subsé-
quentes (la «Loi»).
L'appelant est une association bénévole non
constituée en personne morale. II a été formé en
octobre 1983. Lors de la réunion d'organisation
tenue au cours de ce mois, il a adopté un acte
constitutif dans lequel les fins qu'il poursuit sont
énoncées ainsi:
[TRADUCTION] ATTENDU QUE nous sommes fortement préoc-
cupés par les tensions mondiales, et notamment par la menace
croissante d'un holocauste nucléaire;
ET ATTENDU QUE nous sommes préoccupés par les stéréotypes
dont font l'objet les peuples et les sociétés, lesquels stéréotypes
alimentent ces tensions et attendu que nous croyons qu'il est
important de renverser ces obstacles et d'améliorer l'entente
entre les nations;
PAR CONSÉQUENT, il est résolu que le comité poursuivra les
fins suivantes:
(i) rétablir les liens entre les résidents de Toronto et ceux de
Volgograd, liens qui ont été pour la première fois officiellement
établis durant le siège nazi, en 1942 et 1943;
(ii) créer des rapports directs entre les gens relativement aux
questions qui nous sont communes en tant que citadins, y
compris celle du risque d'une guerre nucléaire;
(iii) améliorer ces rapports au moyen d'échanges en vue de
favoriser l'entente, de réduire les tensions et d'aider nos sociétés
à trouver des façons pacifiques de vivre ensemble.
L'organisme n'a pas l'intention d'acquérir de biens immeubles.
L'organisme ne sera pas administré dans un but lucratif pour
ses membres et tout bénéfice ou toute autre somme revenant à
l'organisme sera utilisé pour promouvoir les fins de l'organisme.
La demande d'enregistrement de l'appelant a été
présentée en novembre 1985. Elle était accompa-
gnée des documents à l'appui requis, y compris
d'une déclaration où étaient énoncées ses activités.
En outre, plusieurs résidents de premier plan de
Toronto ont envoyé des lettres exhortant le Minis-
tère à donner une suite favorable à cette demande
et ont fait valoir que les activités du requérant
étaient de caractère «éducatif» et qu'il s'agissait
donc d'activités de bienfaisance.
L'énoncé des activités mérite un examen atten-
tif. On y décrit de façon quelque peu plus détaillée
les activités qui, suivant l'appelant, donnent à
celui-ci le droit d'être reconnu comme «oeuvre de
charité» au sens de la Loi. Nous trouvons donc un
exposé des fins et des activités de l'appelant.
[TRADUCTION] Le Toronto Volgograd Committee a été formé
en vue de profiter à la collectivité en fournissant au grand
public l'occasion de comprendre et de connaître le mode de vie
et les préoccupations des gens de Volgograd (anciennement
Stalingrad). Étant donné que le Comité est profondément
préoccupé par les tensions mondiales et par les stéréotypes dont
font l'objet les peuples et les sociétés et qui alimentent ces
tensions, nous estimons qu'il est important de renverser ces
obstacles et d'améliorer l'entente entre les nations.
Par conséquent, les trois principaux objectifs du Comité sont:
1. De profiter à l'ensemble de la société en éduquant le peuple
canadien et en lui faisant mieux comprendre les préoccupations
et le mode de vie des gens de Volgograd. Pour ce faire, le
Comité essaiera de rétablir les liens entre les résidents de
Toronto et ceux de Volgograd, liens qui ont été pour la pre-
mière fois officiellement établis au cours du siège nazi, en
1943-1944;
2. De sensibiliser le public en créant des rapports directs entre
les gens relativement à des questions qui nous sont communes
en tant que citadins, y compris celle du risque d'une guerre
nucléaire;
3. D'éduquer la population en parrainant des échanges et des
rencontres entre les résidents de Toronto et ceux de Volgograd.
(Dossier, page 64)
Une des méthodes qu'utilise le Comité pour promouvoir l'édu-
cation du public en ce qui concerne les préoccupations et le
mode de vie des citoyens de Volgograd consiste à parrainer des
échanges et des rencontres entre les résidents de Toronto et
ceux de Volgograd. Jusqu'à maintenant, il y a eu quatre
échanges. En février 1984 (40e anniversaire du premier jume-
lage de Toronto et de Volgograd, qui s'appelait alors Stalin-
grad), deux personnes de Volgograd sont venues passer une
semaine à Toronto. En octobre 1984, 13 délégués de Toronto
ont passé une semaine à Volgograd. Ils ont visité d'abord
Moscou, puis Léningrad. En mai 1985, quatre personnes de
Volgograd sont venues à Toronto pour une semaine. Cette visite
a été suivie par celle de douze délégués de Toronto à Volgograd
en avril 1986. On prévoit pour le moment la visite de huit
personnes de Volgograd à la mi-octobre 1986.
Les visites sont organisées directement par le comité Volgograd
de Toronto et par le cabinet du maire de Volgograd. La mairie
de Volgograd choisit les délégués qui viendront au Canada. On
communique avec le bureau de l'ambassadeur canadien en
Union Soviétique et avec celui de l'ambassade russe à Ottawa
pour obtenir leur aide au sujet de divers arrangements.
Les itinéraires sont planifiés autant que possible à l'avance et
comprennent des activités officielles et des activités non-offi-
cielles. Chacun des quatre échanges comprenaient des rencon-
tres avec le maire de chaque ville et l'organisation de réceptions
par eux, ainsi qu'une occasion de rencontrer les principales
figures locales de chaque ville. Les membres de chaque groupe
font connaître les points qui les intéressent et l'on tente d'in-
clure dans l'itinéraire des visites et des rencontres qui ont
rapport avec ces points. On consacre beaucoup de temps à des
discussions informelles, à visiter des foyers et, de façon géné-
rale, à établir des contacts sur le plan personnel. Nous
annexons une copie des itinéraires du voyage de l'automne 1984
à Volgograd et de la visite de mai 1985à Toronto.
Reportages des média
On s'est beaucoup servi des média pour informer les personnes
qui ne sont pas par ailleurs familières avec les travaux du
comité. Plusieurs articles ont été publiés dans les journaux au
sujet des deux visites et les délégués ont communiqué leur
impressions et sont passés tant à la radio qu'à la télévision.
Voici une liste partielle des stations de radio et de télévision qui
ont donné aux membres du comité Volgograd de Toronto
l'occasion de parler du travail du comité:
Allocutions
Une autre façon de favoriser l'entente consiste à demander à
des membres de prendre la parole devant des groupes intéressés
et de parler de leur visite en Union Soviétique et à demander à
des visiteurs de l'Union Soviétique de s'adresser à des groupes à
Toronto.
On s'attend à ce que les membres qui ont visité Volgograd
organisent des conférences ou des allocutions pour communi-
quer leur expérience au plus grand nombre de gens possible. En
1985, des discours ont été prononcés devant une foule de
groupes, y compris la Société des comptables en management
du Canada, des criminologues et des travailleurs sociaux,
l'église anglicane St. Philip the Apostle, des professeurs et des
étudiants du Collège Jarvis et l'Institut canadien des affaires
internationales. Environ 5 000 personnes ont entendu des mem-
bres parler de leur expérience en 1985.
(Dossier, pages 65 et 66)
Le dossier qui nous a été soumis contient des
copies de plusieurs des communiqués de presse
publiés par l'appelant. L'un de ces communiqués
renferme un compte-rendu d'une visite effectuée
par quatre citoyens soviétiques à Toronto en 1985.
En voici un extrait:
[TRADUCTION] Nos quatre visiteurs, Mikhail Babushkin, Gen.
Theodor Pekarsky, Larissa Mitina et Victor Shourubov ont été
très occupés pendant la semaine qu'ils ont passée ici du 23 au
29 mai. Nous avons essayé de faire en sorte qu'ils voient
beaucoup des attraits de Toronto, y compris le St. Lawrence
Market, un samedi matin, certains sites historiques—Old Fort
York et le Marine Museum et nous leur avons fait visiter des
maisons un peu partout dans la ville et la région.
Nous avons également fait le nécessaire pour qu'ils puissent
rencontrer beaucoup de Torontois au cours de leur séjour. En
plus de rencontrer le comité de direction et les membres (qui se
sont joints à eux au cours d'une réception donnée en soirée au
Club Heliconian), ils ont rencontré des membres du Club
Rotary, des membres de l'Association Canada-URSS, des
administrateurs municipaux, des professeurs et des étudiants du
Collège Jarvis, notre maire et certains membres du conseil,
ainsi que des représentants de plusieurs groupes pour la paix de
Toronto. Ils ont eu du «temps libre» pour visiter Niagara Falls,
pour déguster un pique-nique gastronomique sous la pluie, pour
faire des achats extravagants et pour assister à une représenta-
tion de CATS.
Ils ont dans l'ensemble reçu un accueil chaleureux de la part
des média, si l'on fait exception de la rencontre hostile qu'ils
ont eue avec trois conseillers municipaux et avec des invités et
des représentants des média dans une pièce de comité de l'Hôtel
de ville. Nos visiteurs ont dû subir les questions impolies et
agressives que leur ont posées plusieurs personnes, qui ont
profité de l'occasion pour donner libre cours à leurs frustrations
sur le dos de «vrais russes». Nos visiteurs et nous-mêmes avons
survécu à ce supplice. Nos invités ont gardé leur calme et leur
bonne humeur malgré la pression considérable. Cela les a
peut-être aidés à avoir un meilleur aperçu des points de vue très
divers des citoyens de Toronto et de comprendre la nécessité de
notre projet—un exercice désagréable, si tant est qu'il était
nécessaire.
(Dossier, page 91)
Un communiqué de presse non daté (vraisembla-
blement publié à la fin de 1985) renferme le récit
d'un voyage effectué par des membres de l'appe-
lant en Union Soviétique. Il vaut la peine d'en
reproduire un extrait:
[TRADUCTION] Bon nombre d'entre vous ont déjà entendu
parler que le voyage à Volgograd avait été un franc succès.
Même si l'on savait que nous n'étions pas une délégation
officielle, on nous a reçu tant de façon officielle que de façon
informelle à Moscou et à Volgograd. L'ambassadeur canadien,
Peter Roberts et son épouse Glenna, ont donné une grande
réception en notre honneur, ce qui nous a permis de rencontrer
beaucoup de représentants officiels et de journalistes canadiens
et soviétiques.
À notre arrivée à Volgograd par une magnifique journée enso-
leillée, nous avons été accueillis à l'aéroport par Loudmila, qui
nous a remis des bouquets de roses rouges, par son patron, M.
Shustov et par M. Starovatykh, le premier maire suppléant.
Alexandre était visiblement ravi de nous revoir et s'est joint à
nous pour un bon nombre des cérémonies publiques qui ont
suivi.
Les événements officiels comprenaient une rencontre avec le
maire Atopov dans son cabinet du conseil municipal, le dépôt
de fleurs devant deux momuments aux morts, la présentation
officielle des membres de notre groupe à l'occasion d'une
assemblée du conseil des députés de Volgograd au Théâtre
Gorky et une merveilleuse excursion en bateau sur le Volga,
suivie d'un banquet auquel nous avons été invités par le maire
Atopov.
(Dossier, page 90)
On relate ensuite dans le compte rendu la façon
dont les hôtes soviétiques ont satisfait les intérêts
et les demandes individuels des membres. Ainsi, on
a visité une école, une usine, une garderie, une
polyclinique et un centre d'activités pour jeunes et
on a organisé un débat avec un groupe de citoyens
soviétiques qui possédaient des antécédents profes-
sionnels et qui avaient étudié l'anglais et le par-
laient. On a passé également du temps en compa-
gnie du comité pour la paix local après que la
délégation eut fait état de ses préoccupations en
matière de droits de la personne et de désarme-
ment.
Dans sa lettre du 23 octobre 1986 (pages 94 à
96 du dossier), l'intimé a fait remarquer que, pour
remplir les conditions exigées pour être enregistré
en vertu de la Loi, un organisme [TRADUCTION]
«doit être constitué et administré exclusivement à
des fins charitables», au sens de la common law. Il
s'est dit d'avis que l'appelant ne remplissait pas les
conditions voulues pour être considéré comme
[TRADUCTION] «faisant la promotion de l'éduca-
tion ou comme poursuivant des fins utiles à l'en-
semble de la société d'une manière que la loi
considère comme charitable». Il a poursuivi en
disant:
[TRADUCTION] En matière d'organismes de charité, les tribu-
naux ont défini la promotion de l'éducation comme étant la
promotion de l'éducation pour elle-même en ce sens que l'esprit
peut être formé. Cela ne comprend pas la diffusion de l'infor-
mation comme moyen de défendre ou de promouvoir un point
de vue particulier sur une question ou sur une cause.
Quant à la quatrième catégorie, celle qui englobe les fins utiles
à l'ensemble de la société d'une manière que la loi considère
comme charitable, la common law ne considère pas comme
charitable l'intention ultime d'éduquer le public et de favoriser
une meilleure entente entre les résidents de deux collectivités.
Particulièrement, dans l'arrêt Anglo-Swedish Society v. C.L.R.
(1931) T.C. 34 (K.B.D.), la cour a jugé qu'un organisme, dont
l'objectif principal était de [TRADUCTION] «favoriser un resser-
rement des liens et une meilleure entente entre le peuple anglais
et le peuble suédois., n'était pas un organisme de charité.
Nous croyons comprendre que les activités du Comité visent à
éduquer le peuple canadien relativement aux préoccupations et
au mode de vie des citoyens de Volgograd en vue de favoriser
une meilleure entente entre les résidents de Toronto et ceux de
Volgograd, de diminuer les tensions, dont celle créée par la
menace croissante d'un holocauste nucléaire, et d'aider les
sociétés à trouver des moyens pacifiques de vivre ensemble. A
notre avis, cet objectif est analogue à ceux que les tribunaux
ont considéré comme n'étant pas inspirés par la charité. Par
conséquent, nous ne pouvons conclure que les activités du
Comité sont des activités de bienfaisance au sens que la
common law donne à ce terme, même si ces activités sont sans
aucun doute louables.
(Dossier, page 95)
L'appelant soutient que cette décision est enta-
chée de trois erreurs. En premier lieu, il prétend
que l'intimé a commis une erreur en concluant
que, pour remplir les conditions nécessaires pour
être enregistré, un organisme doit être constitué et
administré «exclusivement à des fins charitables».
En deuxième lieu, il prétend que l'intimé a égale-
ment commis une erreur en jugeant que les activi-
tés de l'appelant n'étaient pas des activités de
bienfaisance favorisant la «promotion de l'éduca-
tion» ou la poursuite «d'autres fins charitables».
Finalement, il prétend qu'en refusant l'enregistre-
ment, l'intimé a commis une erreur en décidant,
selon toute vraisemblance, que l'appelant diffusait
de l'information [TRADUCTION] «comme moyen de
défendre ou de promouvoir un point de vue parti-
culier sur une question ou sur une cause».
Ces questions doivent évidemment être exami
nées à la lumière des dispositions législatives et des
principes de common law applicables. L'alinéa
149.1(1)b) de la Loi dispose:
149.1 (1) Pour l'application du présent article, de l'article 172
et de la partie V,
b) «oeuvre de charité» désigne une œuvre, constituée ou non en
corporation:
(i) dont la totalité des ressources est consacrée à des activités
de bienfaisance qu'elle mène elle-même,
(ii) dont aucune partie du revenu n'est payable à l'un de ses
propriétaires, membres, actionnaires, fiduciaires ou auteurs
ni ne peut servir, de quelque façon, à leur profit personnel,
Les principes de common law auxquels je pense
sont ceux qui ont été formulés par lord Macnagh-
ten dans l'arrêt Commissioners of Income Tax v.
Pemsel, [1891] A.C. 531 (H.L.). Ils ont fait l'objet
d'observations de la part de notre Cour dans l'arrêt
Native Communications Society of B.C. c. Canada
(M.R.N.), [1986] 3 C.F. 471, aux pages 478 et
479:
Le point de départ d'une discussion sur ce qui peut ou non
constituer une fin charitable valable est la décision de la
Chambre des lords dans l'affaire Commissioners of Income
Tax v. Pemsel, [1891] A.C. 531, et plus particulièrement le
sens juridique du mot «charity» (organisme de charité) donné
par lord Macnaghten à la page 583 du recueil:
[TRADUCTION] Dans quelle mesure la signification courante
de l'expression «charity» correspond-elle à son sens juridique?
Entendue dans son sens juridique, l'expression «charity»
(«organisme de charité») comprend quatre types d'organis-
mes: des fiducies ayant pour but de soulager la pauvreté; des
fiducies constituées pour promouvoir l'éducation; des fiducies
visant à promouvoir la religion; et des fiducies constituées
pour des fins utiles à l'ensemble de la société et ne se situant
pas à l'intérieur des catégories susmentionnées.
Cette définition a été appliquée à plusieurs reprises au Canada
et a été approuvée par notre Cour suprême (voir Guaranty
Trust Company of Canada v. Minister of National Revenue,
[ 1967] R.C.S. 133, la page 141). Pour constituer une fin
«charitable» valable, une fin doit avoir un caractère charitable
au sens de [TRADUCTION] «l'esprit» du préambule de la Loi
d'Elizabeth intitulée «An Acte to redresse the Misemployment
of Landes Goodes and Stockes of Money heretofore given to
Charitable Uses». Cette Loi a été adoptée en Angleterre en
1601 au cours du règne d'Elizabeth l'« et est rapportée à 43
Eliz. I, chap. 4. De nos jours, elle est généralement désignée
dans ce domaine du droit simplement comme la [TRADUCTION]
«Loi d'Elizabeth». Il n'est pas nécessaire d'exposer tout ce
préambule et il n'est peut-être pas souhaitable non plus d'es-
sayer de le reproduire dans sa version originale. Je préfère
plutôt suivre l'exemple du juge Slade dans l'arrêt McGovern v.
Attorney -General, [1982] Ch. 321, la page 322, où il a donné
en anglais moderne la liste des fins charitables prévues dans
cette Loi:
[TRADUCTION] Soulager les personnes âgées, les infirmes ou
les pauvres ... pourvoir aux besoins des soldats et des marins
malades ou invalides; subventionner les établissements scolai-
res, les écoles gratuites et les boursiers étudiant dans les
universités ... réparer les ponts, les ports, les havres, la
chaussée, les églises, le littoral et les grandes routes ... faire
élever et instruire les orphelins ... venir en aide aux maisons
de correction, leur fournir des provisions ou les subventionner
... doter les jeunes filles pauvres ... fournir une aide aux
jeunes commerçants, aux artisans et aux personnes ruinées
... soulager ou délivrer les prisonniers, et aider ou soulager
tous les citoyens pauvres relativement au paiement de la taxe
d'un quinzième, de l'impôt pour la levée des armées et
d'autres taxes.
En ce qui concerne le premier moyen d'appel,
l'appelant prétend que l'intimé s'est mépris en
statuant que l'appelant n'était pas constitué et
administré «exclusivement à des fins charitables»,
en mettant l'accent sur le mot «fins». Suivant
l'appelant, l'intimé aurait dû tenir davantage
compte de ses «activités» réelles et accorder moins
d'importance aux objets et aux fins pour lesquels il
a été formé. À son avis, cela devient évident lors-
qu'on examine le libellé même du sous-alinéa
149.1 , (1)b)(i), qui exige que la totalité des res-
sources de l'organisme soit consacrée «à des activi-
tés de bienfaisance» que l'organisme mène lui-
même. L'appelant met en contraste le mot «activi-
tés» avec le mot «fins» qui figure à l'alinéa
149.1(1)a), lequel exige qu'une fondation de cha-
rité soit «constituée et administrée exclusivement à
des fins charitables». L'appelant fait valoir que
dans ce dernier cas il faudrait nécessairement tenir
compte des fins d'une fondation, tandis que dans le
premier cas, seules les «activités» de l'organisme
importent.
Je souscris à cette analyse, dans la mesure où le
sous-alinéa 149.1(1)b)(i) ne s'intéresse pas explici-
tement, à strictement parler, aux fins de l'«ceuvre
de charité» qui sont énoncées dans les documents,
mais où il vise plutôt à garantir que l'organisme
qui veut jouir des avantages de l'enregistrement
exerce des «activités de bienfaisance» auxquelles il
consacre toutes ses ressources. Inversement, la Loi
n'interdit pas expressément d'examiner les fins de
l'organisme qui sont énoncées dans son acte consti-
tutif, car ce document doit de toute évidence cons-
tituer non seulement un guide ou un projet relati-
vement à ses activités futures, mais également une
définition de son caractère ou de sa vocation essen-
tiels. Si l'affectation de ses ressources de la
manière prescrite par l'article doit être considérée
comme le seul critère auquel une oeuvre de charité
doit répondre, il se pourrait fort bien que la Loi
s'avère plutôt difficile, voire impossible, à appli-
quer. Dans cette hypothèse, un organisme pourrait
exercer ses activités de façon à respecter ce critère
et à obtenir l'enregistrement tout en poursuivant
d'autres activités qui seraient autorisées par son
acte constitutif sans être des activités de bienfai-
sance au sens juridique du terme. Cela mettrait
l'intimé dans la position de devoir constamment
surveiller les agissements de chaque organisme
enregistré. Si, en revanche, le caractère fondamen-
talement charitable d'un organisme doit être jugé
d'après son acte constitutif, il suffirait à l'orga-
nisme de démontrer, au besoin et lorsqu'on le lui
demande, qu'il a effectivement exercé aussi des
activités de bienfaisance auxquelles il a consacré
toutes ses ressources, pour pouvoir jouir ou conti-
nuer à jouir des avantages de la Loi. Autrement
dit, il ne suffirait pas qu'il parle d'activités de
bienfaisance, il faudrait qu'il en exerce. Heureuse-
ment, il n'est pas nécessaire que j'exprime une
opinion définitive sur cette question, parce que
l'avocat a reconnu, au cours des débats, que nous
devions en réalité examiner tant les fins que les
activités pour décider si l'appelant avait le droit
d'être enregistré à titre d'x euvre de charité».
J'ajouterais que ce point de vue semble s'accorder
avec l'opinion traditionnelle qui avait cours en
Angleterre à l'époque où la tâche de surveiller les
organismes de charité relevait de la juridiction
d'equity de l'ancienne Cour de chancellerie, car
celle-ci semble avoir attaché beaucoup d'impor-
tance aux fins explicites d'une oeuvre de charité
donnée 2 .
2 Le paragraphe 45(1) de la loi actuelle du Royaume-Uni, la
Charities Act, 1960 (R.-U.), 8-9 Eliz. II, chap. 58, définit
notamment le terme «charity» («organisme de charité») comme
désignant [TRADUCTION] «tout organisme, constitué ou non en
personne morale, établi à des fins charitables [...]», mais je
crois que la jurisprudence anglaise est généralement applicable
lorsqu'il s'agit de déterminer si les «activités» sont des activités
de bienfaisance. Le rôle que jouait auparavant la cour est
abordé dans l'ouvrage de Ballow, A Treatise of Equity, Book
II, Londres, Strahan & Woodfall, 1793 [Rev. and ed. by John
Fonblanque, Londres: Garland Publishing Inc., 1979], où nous
trouvons ce qui suit dans le renvoi qui se trouve au bas des
pages 209 et 210:
(Suite à la page suivante)
Le deuxième point litigieux comporte en fait
deux questions distinctes. En premier lieu, l'intimé
a-t-il commis une erreur en statuant que l'appelant
ne poursuivait pas des fins éducatives, parce qu'il
n'était pas constitué et administré pour «promou-
voir l'éducation» au sens de la deuxième catégorie
définie par lord Macnaghten? En deuxième lieu, si
l'intimé a eu raison de statuer ainsi, a-t-il néan-
moins commis une erreur en statuant que l'appe-
lant n'était pas constitué et administré «pour d'au-
tres fins utiles à l'ensemble de la société» au sens
de la quatrième catégorie de lord Macnaghten?
On pourrait commodément aborder le troisième
point litigieux lui-même conjointement avec la pre-
mière de ces questions, car on prétend que l'appe-
lant ne peut, en tout état de cause, remplir les
conditions requises pour faire partie de la
deuxième catégorie, parce que l'information qu'il
diffuse vise à «défendre ou [à] promouvoir un point
de vue particulier sur une question bu sur une
cause».
Pour déterminer si un organisme donné remplit
les conditions voulues pour être enregistré confor-
mément à la classification des organismes de cha-
rité de lord Macnaghten, il est souhaitable de tenir
compte des principes suivants, qui ne se veulent
pas exhaustifs. Pour commencer, étant donné que
la Loi ne fournit pas de définition utile des termes
«organisme de charité», «fin charitable» et «activité
de bienfaisance», le tribunal doit en suggérer une.
On pourrait mettre la Loi en contraste, par exem-
ple, avec une loi qui contient effectivement une
(Suite de la page précédente)
[TRADUCTION] (a) Sir W. Blackstone fait observer que le
roi, en tant que parens patriae, a la surveillance générale de
tous les organismes de charité et qu'il exerce maintenant ce
pouvoir par l'entremise du gardien de sa conscience, le
Chancelier. Ainsi donc, chaque fois que cela est nécessaire, le
procureur général, sur la dénonciation d'un informateur quel-
conque, qu'on appelle habituellement le dénonciateur, dépose
d'office une dénonciation devant la Cour de chancellerie pour
que ]'oeuvre de bienfaisance soit constituée en bonne et due
forme. 3 Corn. 427. Cette proposition est trop générale car,
même s'il est vrai que lorsqu'une oeuvre de bienfaisance est
formée et qu'il n'existe pas de charte pour la réglementer, le
roi a, en pareil cas, un pouvoir général, puisqu'il doit exister
quelque part un pouvoir de réglementation; s'il existe une
charte prévoyant des pouvoirs légitimes, l'organisme de cha-
rité doit être réglementé de la façon prescrite par la charte,
et il n'y a pas lieu pour la Cour de chancellerie d'intervenir
en exerçant son pouvoir de contrôle. (Attorney General v.
Middleton, 2 Vez. 328. [C'est moi qui souligne.]
définition comme, par exemple, la loi ontarienne
sur laquelle la Cour divisionnaire, qui statuait en
appel d'une décision d'un tribunal successoral,
était appelée à se prononcer dans l'affaire Re
Laidlaw Foundation (1984), 48 O.R. (2d) 549
(H.C.). Le législateur avait fait sienne la définition
de lord Macnaghten, ce qui avait amené la Cour à
interpréter son libellé, comme le juge Southey l'a
fait à la page 586, d'une façon [TRADUCTION]
«plus libérale», compte tenu de l'écononie de la loi.
En deuxième lieu, comme le juge Marceau l'a
souligné dans l'arrêt Scarborough Community
Legal Services c. La Reine, [1985] 2 C.F. 555
(C.A.), à la page 571, les «oeuvres de charité»
auxquelles la Loi s'applique jouissent d'un statut
spécial: «non seulement sont-elles exonérées d'im-
pôt ... mais tous les dons qui leur sont faits
peuvent être déduits par les donateurs lorsqu'ils
calculent leur revenu imposable». En fin de
compte, il ne s'ensuit pas que la Cour soit placée
dans une sorte de carcan judiciaire et qu'il lui soit
impossible de se prononcer sur les conditions d'ad-
missibilité énoncées dans la Loi à la lumière des
conditions sociales actuelles qui ont une incidence
sur l'affaire. Il ressort à l'évidence de l'arrêt
Pemsel que nous ne devons pas adopter cette
approche. Le fait qu'il nous faille plutôt tenir
compte des circonstances ou des conditions exis-
tantes a été tout récemment souligné dans l'affaire
Native Communications Society, dans laquelle
plusieurs décisions anglaises modernes ont été ana
lysées. Cette jurisprudence fournit encore un autre
exemple de la capacité intrinsèque de la common
law à s'adapter à l'évolution de la société dans la
mesure requise pour obtenir un résultat juste.
J'examine d'abord la question de savoir si l'ap-
pelant peut être considéré comme un organisme de
«promotion de l'éducation» et la troisième question
qui s'y rapporte. Pour ce faire, je dois résister à la
tentation d'envisager la question sous un angle plus
large que celui qui est nécessaire pour trancher le
point litigieux qui a été soulevé. L'appelant con-
teste les arguments par lesquels l'intimé soutient
que la promotion de l'éducation, entendue comme
la poursuite d'une fin charitable, a été définie
comme étant «la promotion de l'éducation pour
elle-même en ce sens que l'esprit peut être formé»
et que cela ne comprend pas «la diffusion d'infor-
mation comme moyen de défendre ou de promou-
voir un point de vue particulier sur une question ou
sur une cause». La première de ces positions
semble comporter une définition un peu trop
étroite de la promotion de l'éducation car, comme
l'intimé semble effectivement le reconnaître au
paragraphe 15 de sa plaidoirie écrite, cette catégo-
rie d'organismes de charité devrait concerner des
activités se rapportant à [TRADUCTION] «l'ensei-
gnement, l'éducation ou la formation» ou viser des
activités qui ont pour but de [TRADUCTION] «déve-
lopper certaines branches du savoir humain et d'en
améliorer la propagation dans le public». L'intimé
a invoqué plusieurs précédents, dont Shaw, decd.,
In re. Public Trustee v. Day, [1957] 1 W.L.R. 729
(Ch. D.), aux pages 737 et 738; Macduff, In re.
Macduff v. Macduff, [1896] 2 Ch. 451 (C.A.),
aux pages 472 et 473; In re Hopkins' Will Trusts,
[1965] Ch. 669, la page 680; et Incorporated
Council of Law Reporting for England and Wales
v. Attorney -General, [1972] Ch. 73 (C.A.), le lord
juge Sachs, aux pages 92 et 93 et le lord juge
Buckley, aux pages 100 et 101.
Plusieurs décisions anglaises ont également été
citées par l'intimé pour démontrer que les fins et
les activités ayant pour but de créer un courant
d'opinion donné et de favoriser une attitude d'es-
prit n'encouragaient pas la «promotion de l'éduca-
tion», parce que la loi les considère comme des buts
ou des activités politiques (Anglo-Swedish Society
v. Commissioners of Inland Revenue (1931), 16
T.C. 34 (K.B.); Buxton and Others v. Public
Trustee and Others (1962), 41 T.C. 235 (Ch. D.);
et Strakosch, decd., In re. Temperley v. Attorney -
General, [1949] Ch. 529 (C.A.)). Dans la pre-
mière de ces trois affaires, la cour devait décider si
une fiducie créée pour [TRADUCTION] «favoriser
un resserrement des liens et une meilleure entente
entre le peuple anglais et le peuple suédois» en
accordant [TRADUCTION] «aux journalistes sué-
dois l'occasion de visiter le Royaume-Uni et d'étu-
dier sur place la mentalité et les institutions natio-
nales britanniques» constituait une fiducie de
bienfaisance valable. Pour en venir à la conclusion
que ce n'était pas le cas, le juge Rowlatt a déclaré
ce qui suit, à la page 38:
[TRADUCTION] Or, de quoi s'agit-il? Il s'agit d'une fiducie qui
vise en réalité à promouvoir une attitude d'esprit, à améliorer
l'opinion d'une nation au sujet d'une autre. Voilà en réalité ce
dont il s'agit. Il peut exister bien des fiducies qui visent à
influencer l'opinion générale et il se peut que cette influence ait
des résultats très positifs, mais lorsque dans l'immédiat la
fiducie a uniquement pour but d'influencer l'opinion générale
en faveur d'une théorie, d'une opinion ou d'une aspiration
quelconque, ou de quoi que ce soit d'autre, je ne vois pas en
quoi la Loi d'Elizabeth viserait de quelque façon que ce soit ce
genre de chose. L'éducation et le soulagement de la pauvreté et
les choses de ce genre me semblent, si je peux employer cette
expression, se matérialiser d'une façon passablement immé-
diate. Il se peut que moins on en dise mieux cela vaut parce
que, comme je l'ai dit ce matin, ainsi que lord Haldane
l'affirmait, il est beaucoup plus facile de dire qu'un cas particu-
lier n'est pas visé par la théorie que de définir affirmativement
les limites de la théorie.
Les fins qui étaient soumises à la Cour dans
l'affaire Strakosch [aux pages 535 et 536], en
l'occurrence, [TRADUCTION] «renforcer les liens
d'unité entre l'Union Sud-Africaine et la mère
patrie, ce qui sera incidemment susceptible d'aider
à apaiser les tensions raciales entre les régions
anglophones et hollandaises de la collectivité
d'Afrique du Sud», n'ont pas été jugées éducatives.
Voici ce qu'a déclaré à la page 536 lord Greene, le
maître des rôles, qui s'exprimait pour la Cour
d'appel:
[TRADUCTION] Nous nous rendons compte de la véracité de
l'argument suivant lequel les fins auxquelles le legs doit être
consacré préoccupent grandement le public tant au sein de
l'Union Sud-Africaine que de la mère patrie. Notamment,
l'apaisement des tensions raciales au sein de l'Union ne peut
que profiter à tous les habitants de l'Union et non seulement
aux membres des deux groupes de la collectivité qui sont
expressément mentionnés. Mais la portée très large et très
vague du legs et la latitude illimitée d'affectation que son libellé
autorise font qu'il est impossible à notre avis de conclure qu'il
est conforme à l'esprit du préambule de la Loi d'Elizabeth.
Plus loin, à la page 538, il ajoute:
[TRADUCTION] Il est malheureux si, comme cela est fort
possible, le testateur a pensé à ces moyens, qu'il n'ait pas essayé
de constituer une fiducie qui aurait très bien pu être valide à
titre de fiducie de promotion de l'éducation, malgré le fait que
l'éducation constituait l'objectif ultime suivant les termes du
testament. Il nous est toutefois impossible d'interpréter cette
fiducie comme se limitant à des fins éducatives. Ce sont
peut-être les meilleurs moyens mais ce ne sont certainement pas
les seuls. Le problème de l'apaisement des tensions raciales au
sein de la collectivité est un problème politique, et peut-être
surtout politique. Un des moyens qui est susceptible d'aider à
résoudre ce problème pourrait fort bien consister à appuyer un
parti politique ou un journal qui aurait cet apaisement à coeur.
Cet argument a encore plus de valeur dans le cas qui nous
occupe, vu l'autre objectif politique, en l'occurrence, le resserre-
ment des liens d'unité entre l'Union et la mère patrie. Nous
croyons également qu'il serait facile de penser à des mesures
qui pourraient favoriser l'hospitalité mutuelle et qui contribue-
rait à la réalisation des objectifs énoncés mais qui ne seraient
pas inspirées par la charité.
Finalement, dans le jugement Buxton, les fins qui,
selon ce que l'on prétendait, contribuaient à la
promotion de l'éducation et qui furent plutôt
jugées ne pas être des fins charitables étaient ainsi
libellées [à la page 37]:
[TRADUCTION] «Promouvoir les relations et les rapports
internationnaux et contribuer à leur amélioration en a) édu-
quant et informant l'opinion publique, notamment au moyen
de revues et de publications périodiques, de livres et de
brochures, de conférences, de prix, de bourses et de travaux
de recherche; b) en encourageant ou en favorisant les rap
ports personnels entre les habitants des différents pays,
notamment en payant les frais de déplacement et de subsis-
tance; c) en venant en aide à d'autres personnes ou organis-
mes poursuivant des objectifs et des fins similaires à ceux
mentionnés ci-dessus; d) en venant en aide à toute personne
en payant les dépenses qu'elle a engagées pour sa candida-
ture comme député ou comme membre d'une autre assem
blée publique; e) en employant ou en suivant tout autre
méthode qui, de l'avis des fiduciaires, est susceptible d'aider
à la réalisation des objectifs et des fins susmentionnés.»
Après avoir cité les arrêts Anglo-Swedish et Stra-
kosch, le juge Plowman a déclaré ce qui suit, à la
page 240:
[TRADUCTION] ... je me demande si une fin éducative charita
ble sert manifestement à «l'amélioration des relations et des
rapports internationaux». A mon sens, ce n'est pas le cas. Je
crois que M. Stamp a eu raison de dire dans son argumentation
que les fins de cette fiducie n'ont absolument rien à voir avec la
bienfaisance.
Une fois de plus, il ajoute ce qui suit, à la page
242:
[TRADUCTION] Ainsi donc, il me semble en l'espèce que les
fins de cette fiducie sont en réalité des fins d'utilité publique ou
des fins politiques. Le seul élément d'éducation que l'on pour-
rait prétendre visé par ces fins me semble être l'éducation en
vue d'une cause politique par la création d'un courant d'opinion
et cela ne constitue pas, à mon sens, de l'éducation à des fins
charitables. Comme M. Stamp l'a déclaré, ce n'est en réalité
rien d'autre que de la propagande.
À mon avis, le raisonnement formulé dans ces
arrêts est pertinent. Il démontre qu'une fiducie
constituée en vue d'épouser une cause ou un projet
politique n'est pas une fiducie de charité. Une
illustration récente de ce raisonnement se trouve
dans l'arrêt In re Koeppler Will Trusts, [1985] 3
W.L.R. 765 (C.A.) dans lequel le lord juge Slade a
déclaré, à la page 771:
[TRADUCTION] En outre, si on les prend isolément, elles englo-
beraient des modes de dépenses qui ne seraient manifestement
pas inspirés par la charité, comme simplement la défense de la
cause politique du Marché commun (comparer avec In re
Strakosch, decd. [1949] Ch 529, particulièrement les remar-
quel de lord Greene, maître des rôles, aux p. 538 et 539,
Buxton v. Public Trustee (1962) 41 T.C. 235 et Anglo-Swe-
dish Society v. Inland Revenue Commissioners (1931) 16
T.C. 34.
À mon sens, l'appelant ne poursuit pas des fins et
des activités de bienfaisance au sens de ces déci-
sions et les fins et activités qu'il poursuit ne satis-
font donc pas au critère de la «promotion de
l'éducation», tel qu'on l'entend dans ce domaine du
droit.
Il nous reste à nous demander si, par ses fins et
ses activités, l'appelant remplit les conditions vou-
lues pour être enregistré à titre d'oeuvre de charité
au motif qu'il fait partie de la quatrième catégorie
d'organismes de charité définie par lord Macnagh-
ten, c'est-à-dire qu'il constitue une fiducie créée
pour des fins utiles à l'ensemble de la société et ne
se situant pas à l'intérieur des trois premières
catégories. Etant donné que j'estime que la fiducie
ne remplit pas les conditions exigées en raison de
son caractère essentiellement politique, il n'est pas
strictement nécessaire de se pencher sur cette
question et je ne m'y arrêterai pas, même si elle a
été longuement débattue devant nous. Pour com-
mencer, je me rappelle ce qui a été dit au sujet de
cette catégorie d'organismes de charité dans l'arrêt
Native Communications Society, aux pages 479 et
480:
Il semble ressortir de la jurisprudence que les propositions
suivantes au moins peuvent être présentées comme des condi
tions préalables pour déterminer si une fin particulière peut être
considérée comme une fin charitable s'inscrivant dans la qua-
trième catégorie prévue dans la classification de lord
Macnaghten:
a) la fin doit être utile à la société d'une façon que la loi
considère comme charitable en étant conforme à «l'esprit» du
préambule de la Loi d'Elizabeth, si ce n'est pas à sa lettre.
(National Anti -Vivisection Society v. Inland Revenue Com
missioners, [1948] A.C. 31 (H.L.), aux pages 63 et 64; In re
Strakosch, decd. Temperley v. Attorney -General, [1949] Ch.
529 (C.A.), aux pages 537 et 538), et
b) c'est en se fondant sur le dossier dont elle dispose et en
exerçant sa compétence reconnue en equity en matière d'orga-
nismes de charité que la cour doit déterminer si une fin servirait
ou pourrait servir l'intérêt du public (National Anti -Vivisection
Society v. Inland Revenue Commissioners (précité), aux pages
44, 45 et 63).
J'ai déjà discuté des principes de common law
qui semblent régir cet aspect de l'appel. On les
trouve dans les arrêts Anglo-Swedish, Strakosch
et Buxton, qui établissent les principes qui, selon
moi, s'appliquent, même si les faits de ces affaires
ne correspondent pas parfaitement à ceux de la
présente espèce. Les fins et les activités de l'appe-
lant ont un aspect international, car elles sont
poursuivies par un groupe de Canadiens et elles
s'adressent à des personnes qui se trouvent en
Union Soviétique. Je ne mets pas en doute le
caractère parfaitement altruiste des mobiles qui
sont à leur origine. On soutient énergiquement que
la société en général ne peut que bénéficier de ce
genre de contacts entre les peuples, spécialement à
une époque où existent des tensions internationales
et une menace de guerre nucléaire, parce qu'ils
servent à favoriser l'entente mutuelle et l'amitié
entre des groupes venant de pays qui professent
des idéologies politiques différentes. La seule ques
tion que nous sommes appelés à trancher, cepen-
dant, est de savoir si ces activités, quoique louables
et valables en elles-mêmes, satisfont au critère de
la «bienfaisance», en ce sens qu'elles sont utiles à la
société d'une façon que la loi considère comme
charitable. En toute déférence pour l'opinion con-
traire, je suis d'avis que ce critère n'a pas été
respecté. La cause qu'on défend n'est pas une
cause charitable, mais plutôt une cause politique
au sens déjà évoqué. J'ai cité deux décisions, les
arrêts Anglo-Swedish et Strakosch, qui établis-
sent le principe qui doit être appliqué et qui illus-
trent aussi la raison pour laquelle les fiducies de ce
genre ne font pas partie de la quatrième catégorie
d'organismes de charité. Je reproduis à nouveau
l'extrait que j'ai déjà cité du jugement rendu par le
juge Rowlatt dans la première de ces trois affaires,
en citant cette fois-ci un extrait plus long pour
donner dans son intégralité le contexte dans lequel
on trouve ces opinions. Voici ce que le juge a
déclaré, à la page 38:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute que les personnes qui
ont formé la société ont agi d'après des mobiles parfaitement
altruistes en tâchant d'atteindre ce qu'ils estimaient être une fin
publique très utile. J'ose affirmer qu'elles ont parfaitement
raison, mais je suis obligé de dire, dans cette affaire difficile,
qu'il m'est impossible de conclure qu'il s'agit d'une fiducie de
charité au sens de l'analogie de la Loi d'Elizabeth. J'ai affirmé
que j'estimais qu'il s'agissait d'une fiducie d'utilité publique,
peu importe qu'une personne donnée souscrive à cette applica
tion particulière. Voilà le genre de fiducie dont il s'agit: il s'agit
d'une fiducie constituée en vue de réaliser ce que les gens qui
l'ont fondée estimaient être une amélioration des affaires publi-
ques et il s'agit donc d'une fiducie concernant des questions
d'intérêt public. Mais, il est évidemment bien établi que ce ne
sont pas toutes les fiducies concernant des questions d'intérêt
public qui sont des organismes de charité. En d'autres mots, on
aurait tort de définir l'expression «fiducie de charité» en affir-
mant qu'il s'agit d'une fiducie constituée dans l'intérêt du
public. C'est maintenant un principe juridique tout à fait
élémentaire. •
Or, de quoi s'agit-il? Il s'agit d'une fiducie qui vise en réalité
à promouvoir une attitude d'esprit, à améliorer l'opinion d'une
nation au sujet d'une autre. Voilà en réalité ce dont il s'agit. Il
peut exister bien des fiducies qui visent à influencer l'opinion
générale et il se peut que cette influence ait des résultats très
positifs, mais lorsque dans l'immédiat la fiducie a uniquement
pour but d'influencer l'opinion générale en faveur d'une théorie,
d'une opinion ou d'une aspiration quelconque, ou de quoi que ce
soit d'autre, je ne vois pas en quoi la Loi d'Elizabeth viserait de
quelque façon que ce soit ce genre de chose.
Finalement, j'adopte le raisonnement de lord
Greene, le maître des rôles, à la page 537 de l'arrêt
Strakosch où il a déclaré:
[TRADUCTION] Suivant le juge Roxburgh, les modalités de la
disposition englobent toute application qui, de l'avis des fidu-
ciaires du testateur, est de nature à promouvoir ou à favoriser
ce qui constitue en vérité une cause ou un projet politique, en
l'occurrence, le resserrement de la collaboration ou des rela
tions entre deux groupes nationaux, celui du Royaume-Uni et
celui de l'Union Sud-Africaine et en même temps un resserre-
ment de la collaboration et des rapports entre les personnes
d'origine anglaise et celles d'origine hollandaise au sein de l'un
de ces groupes nationaux, c'est-à-dire celui de l'Afrique du Sud.
Nous ne croyons pas qu'il en va autrement si l'on présume, en
faveur des appelants, que le pouvoir discrétionnaire illimité
conféré aux fiduciaires ne s'étend qu'au premier volet de l'ob-
jectif et non au second, car dans ce cas (comme le dit Sir Cyril
Radcliffe) le rapprochement de deux races différentes en Afri-
que du Sud (qui, dans cette hypothèse, constitue une condition
de toute affectation des fonds) s'inscrit dans le cadre de l'objec-
tif plus large qui consiste à rapprocher des collectivités qui font
partie de l'organisation politique du Commonwealth et cette
chose dont on fait une condition constitue toujours ce que nous
avons appelé une cause ou un projet politique. Dans l'arrêt
Williams' Trustees v. Inland Revenue Commissioners ([1947]
A.C. 447), la Chambre des lords a établi très clairement que,
pour entrer dans la quatrième catégorie énoncée par lord
Macnaghten, le legs ne doit pas seulement être utile à la
société, mais être utile d'une façon que la loi considère comme
bienfaisante. Afin de répondre à cette dernière condition, il doit
être conforme à du préambule de la Loi d'Elizabeth.
Je suis d'avis de rejeter l'appel mais, compte
tenu des circonstances, sans frais, car il semble que
la «raison spéciale» exigée par la Règle 1312 des
Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663]
pour que la Cour rende une ordonnance différente
n'existe pas.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.