T-563-89
Achim Martin Glowczeski (requérant)
c.
Le ministre de la Défense nationale, le comman
dant des Forces maritimes du Pacifique, le com
mandant de la base des Forces canadiennes Esqui-
malt et le commandant du HMCS Qu'Appelle
(intimés)
RÉPERTORIÉ: GLOWCZESK! C. CANADA (MINISTRE DE IA
DÉFENSE NATIONALE) (1 1e INST.)
Section de première instance, juge Muldoon—
Vancouver, 17 et 20 mars 1989.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Tribunaux militaires — Aucune
disposition ne prévoit la mise en liberté sous caution de
membres subalternes sans brevet d'officier ayant été déclarés
coupables et condamnés par leur commandant, en attendant
l'issue de l'appel ou de la révision judiciaire — L'art. 1le) de
la Charte garantit le droit de ne pas être privé sans juste cause
d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable
— Les droits garantis par l'art. 11 de la Charte peuvent être
invoqués par toute personne que l'État poursuit pour des
infractions publiques comportant des sanctions punitives —
Les procédures engagées devant les tribunaux disciplinaires
n'échappent pas à l'examen selon les critères de la Charte —
L'incarcération du requérant en attendant la révision de la
décision est contraire aux art. 7, 9, 11e) et 15 de la Charte.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à
l'égalité — Les membres n'ayant pas un grade supérieur à
celui de sergent n'ont pas droit à la remise en liberté sous
caution après avoir été déclarés coupables et condamnés par
leur commandant, en attendant l'issue de l'appel ou de la
révision judiciaire, alors que les adjudants et les officiers
brevetés y ont droit — Un régime qui exclut une catégorie
entière de membres du personnel du droit à une mise en liberté
assortie d'un cautionnement raisonnable tout en reconnaissant
ce droit à une autre catégorie contrevient aux art. 11e) et 15 de
la Charte.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première
instance — Un membre des Forces armées ayant été reconnu
coupable et condamné par son commandant n'a pas eu droit à
une remise en liberté sous caution en attendant l'issue de
l'appel ou de la révision judiciaire — Il demande un bref de
prohibition ayant pour effet d'interdire son incarcération en
attendant l'issue de l'appel, ainsi qu'un cautionnement — On
prétend que le refus d'accorder un cautionnement à un membre
subalterne sans brevet d'officier contrevient aux art. 7, 9, 11e)
et 15 de la Charte — La Loi sur la Défense nationale ainsi que
les ordonnances et règlements sont véritablement des «lois du
Canada», au sens de l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de
1867, pour la «meilleure administration» desquelles cette Cour
est établie — Chacun des intimés est un «office fédéral» au
sens de ce terme à l'art. 2 de la Loi sur la Cour fédérale,
exerçant une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi
fédérale — L'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale confère à
la Section de première instance la compétence exclusive pour
décerner un bref de prohibition contre tout office fédéral —
Même si le commandant accomplit un acte de caractère judi-
ciaire ou quasi judiciaire, l'art. 28(6) de la Loi sur la Cour
fédérale exclut les procédures intentées pour une infraction
d'ordre militaire en vertu de la Loi sur la Défense nationale de
l'application de l'art. 28(1) — La constitutionnalité de toutes
les lois fédérales et provinciales peut être déterminée au regard
de la Charte, en vertu de l'art. 52.
Forces armées — Un régime de discipline militaire qui prive
de remise en liberté sous caution les membres n'ayant pas un
grade supérieur à celui de sergent mais qui prévoit la remise
en liberté sous caution après la déclaration de culpabilité des
adjudants et des officiers brevetés, en attendant l'issue de
l'appel ou de la révision judiciaire, contrevient aux art. 7, 9,
11e) et 15 de la Charte.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 7, 9, 1 le), 15(1), 24(I).
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.), [S.R.C. 1970, Appendice ll, n° 5] (mod. par
la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. I l (R.-U.),
annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, n° I), art.
101.
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur
le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 52(1).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
2, 3, 18a),b), 28.
Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), chap. N-5.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541; 60 C.R. (3d)
193; Andrews c. Law Society of British Columbia,
[1989] 2 R.C.S. 143.
DÉCISIONS CITÉES:
Schick c. Canada (Procureur général) et autre (1986), 5
F.T.R. 82 (C.F. I'° inst.); R. v. Hicks (1981), 63 C.C.C.
(2d) 547; 129 D.L.R. (3d) 146; [1982] 1 W.W.R. 71
(C.A. Alb.); R. v. Gingras (1982), 70 C.C.C. (2d) 27
(C.A.C.M.); Re Hinds and the Queen (1983), 4 C.C.C.
(3d) 322 (C.S.C.-B.); Re Muise and the Queen
(1984), 16 C.C.C. (3d) 285 (H.C. Ont.).
AVOCATS:
M. R. Hunt pour le requérant.
Gordon Macdonald et Stephen R. Nash pour
les intimés.
PROCUREURS:
Goult, McElmoyle & McKinnon, Victoria,
pour le requérant.
Gordon Macdonald, Victoria, et Juge-avocat
adjoint, BPF, Victoria, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Le requérant demande que
soit délivré un bref de prohibition ou une ordon-
nance ayant pour effet d'interdire aux intimés
d'incarcérer le requérant ainsi que de le faire
transporter à la caserne de détention située à
Edmonton ou aux environs de cette ville, en
Alberta, pour qu'il y soit incarcéré. Le requérant
demande également sa mise en liberté sous caution
en attendant qu'il soit statué sur l'appel ou sur la
constitutionnalité et la légalité de la décision de
l'intimé, le commandant du HMCS Qu'Appelle,
datée du 9 mars 1989, ainsi que de l'emprisonne-
ment de vingt-et-un jours que ce dernier a infligé
au requérant à l'issue d'un procès par voie som-
maire tenu en conformité avec les dispositions de
l'article 108.9 des Ordonnances et règlements
royaux [ci-après appelés Ordonnances et règle-
ments], peine qui a été approuvée par «l'autorité
approbatrice», l'amiral intimé, commandant des
Forces maritimes du Pacifique.
Le requérant a fondé sa requête sur les articles 7
et 9, l'alinéa 11e) et les paragraphes 15 (1) et 24(1)
de la Charte canadienne des droits et libertés [qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)]. Ces dispositions de la Constitu
tion sont ainsi conçues:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor-
mité avec les principes de justice fondamentale.
9. Chacun a droit à la protection contre la détention ou
l'emprisonnement arbitraires.
11. Tout inculpé a le droit:
e) de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté
assortie d'un cautionnement raisonnable.
15. (I) La loi ne fait acception de personne et s'applique
également à tous, et tous ont droit à la même protection et au
même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimina
tion, notamment des discriminations fondées sur la race, l'ori-
gine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge
ou les déficiences mentales ou physiques.
D'après son argumentation, le requérant voudrait
que les motifs énumérés au paragraphe 15(1)
ci-dessus visent aussi le grade et le statut; mais ce
n'est pas le cas. La liste est cependant donnée à
titre purement indicatif et n'est pas limitative.
Enfin, quand la Cour exerce la compétence qui
lui a été attribuée relativement à une question, le
paragraphe 24(1) de la Charte garantit ce qui suit:
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation
des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente
charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la
réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard
aux circonstances.
Les intimés soutiennent, par l'entremise de leur
avocat, que cette Cour n'est pas compétente pour
intervenir dans cette affaire. L'acte constitutif de
cette Cour et, en définitive, l'acte attributif de
compétence consistent dans l'article 101 de la Loi
constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 5] (mod.
par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1)], dont les dispositions pertinentes sont
ainsi libellées:
101. Le parlement du Canada pourra, nonobstant toute dis
position contraire énoncée dans la présente loi, lorsque l'occa-
sion le requerra, adopter des mesures à l'effet [...] d'établir des
tribunaux ... pour la meilleure administration des lois du
Canada. [Non souligné dans le texte original.]
Cette Cour fait partie certainement des tribu-
naux mentionnés dans la disposition constitution-
nelle précitée. Elle est une cour supérieure. C'est
ce qui est prévu à l'article 3 de la Loi sur la Cour
fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, adoptée par le
Parlement en conformité avec les pouvoirs dont il
est investi:
3. Tribunal de droit, d'équité et d'amirauté du Canada, la
Cour fédérale du Canada est maintenue à titre de tribunal
additionnel propre à améliorer l'application du droit canadien.
Elle continue d'être une cour supérieure d'archives ayant com-
pétence en matière civile et pénale.
Il n'est point besoin d'analyse logique pour affir-
mer que la Loi sur la défense nationale, L.R.C.
(1985), chap. N-5, ainsi que les Ordonnances et
règlements sont véritablement des «lois du
Canada» au sens de l'article 101, pour la «meil-
leure administration» desquelles cette Cour est éta-
blie. De même, il n'est point besoin d'analyse
logique pour affirmer que, dans la mesure où il
«exer [ce] ... une compétence ou des pouvoirs
prévus par une loi fédérale, y compris ses règle-
ments d'application, chacun des intimés est un
«office fédéral» au sens de ce terme à l'article 2 de
la Loi sur la Cour fédérale. Les dispositions de
l'article 18 de cette Loi nous éclairent à ce sujet:
18. La Section de première instance a compétence exclusive,
en première instance, pour:
a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de manda-
mus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un
jugement déclaratoire contre tout office fédéral;
b) connaître de toute demande de réparation de la nature
visée par l'alinéa a), et notamment de toute procédure enga
gée contre le procureur général du Canada afin d'obtenir
réparation de la part d'un office fédéral.
Or, comme le commandant, quand il préside un
procès par voie sommaire, et l'amiral, lorsqu'il
décide s'il doit ou non approuver la peine infligée
par ce dernier, semblent accomplir un acte de
caractère judiciaire ou quasi judiciaire, il importe
de souligner que ces procédures ne transgressent
pas les dispositions de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, puisque le paragraphe 28(6) ren-
voie à l'article 18: Schick c. Canada (Procureur
général) et autre (1986), 5 F.T.R. 82 (C.F. 1"
inst., madame le juge Reed).
Vu l'état des choses, il appartient à cette cour
supérieure de décider si, comme le prétend le
requérant, il a été porté atteinte à ses droits consti-
tutionnels. La constitutionnalité des dispositions de
la Loi sur la défense nationale et des Ordonnances
et règlements peut être déterminée au regard de la
Charte, comme peut l'être celle de toutes les lois
fédérales ou provinciales suivant le paragraphe
52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe
B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.)], qui dit ceci:
52. (I) La Constitution du Canada est la loi suprême du
Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de
toute autre règle de droit.
Ce dont se plaint le requérant en l'espèce, c'est
qu'au moment où les tribunaux se seront pronon-
cés sur la légalité et la constitutionnalité de la
déclaration de culpabilité et de la peine infligée
par le commandant, et où l'amiral aura approuvé
cette peine, il aura déjà purgé toute la peine
(emprisonnement de 21 jours) qui lui a été infli-
gée. Cette affirmation est exacte étant donné, pre-
mièrement, les délais ordinaires du processus judi-
ciaire et, deuxièmement, la lacune constatée dans
les règles du droit canadien précitées, qui ne pré-
voient pas sa remise en liberté sous caution, ni
celle de tout membre subalterne sans brevet d'offi-
cier, en attendant qu'il soit statué sur l'appel ou la
révision des décisions prises à son égard par le
commandant intimé et l'amiral intimé. Il est des
plus injuste en soi et manifestement interdit par les
dispositions constitutionnelles d'obliger le requé-
rant à subir intégralement la sanction privative de
liberté prononcée contre lui avant qu'il ait eu la
possibilité de soumettre à l'appréciation des tribu-
naux la légalité et la constitutionnalité de la sen
tence et des procédures suivies. Plusieurs décisions
judiciaires, rendues avant et après l'entrée en
vigueur de la Charte, confirment le droit du requé-
rant, à cette étape-ci de ses démarches en vue de
faire statuer sur ses droits, de ne pas être privé
sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un
cautionnement raisonnable: R. v. Hicks (1981), 63
C.C.C. (2d) 547; 129 D.L.R. (3d) 146; [1982] 1
W.W.R. 71 (C.A. Alb.); R. v. Gingras (1982), 70
C.C.C. (2d) 27 (C.A.C.M.), lorsque l'infraction
reprochée consiste dans une infraction criminelle
et non pas dans une infraction de nature purement
militaire; Re Hinds and the Queen (1983), 4
C.C.C. (3d) 322 (C.S.C.-B.), la remise en liberté
sous caution n'est pas prévue dans la loi, par
conséquent les dispositions de l'alinéa 11c) appli-
cables après la déclaration de culpabilité et celles
du paragraphe 24(1) de la Charte ont été invo-
quées; Re Muise and the Queen (1984), 16 C.C.C.
(3d) 285 (H.C. Ont.), encore une fois la remise en
liberté sous caution en attendant l'issue de l'appel
n'est pas prévue dans la loi, mais la Charte est
invoquée et l'arrêt Hicks précité est suivi.
L'avocat des intimés soutient qu'en réalité, la
Charte ne s'applique pas à ce requérant en ce qui a
trait à la possibilité d'une mise en liberté sous
caution en attendant l'issue de l'appel ou de la
révision judiciaire, parce que celui-ci a choisi un
procès par voie sommaire devant son commandant
et que la Loi et les Ordonnances et règlements
écartent cette possibilité même dans le cas où le
droit à la mise en liberté sous caution serait une
garantie constitutionnelle. Cet argument de l'avo-
cat des intimés est mal fondé et cela pour plusieurs
raisons. L'on sait que les procédures engagées
devant les tribunaux disciplinaires n'échappent pas
à l'examen selon les critères de la Charte, point de
vue exprimé à l'unanimité par la Cour suprême du
Canada dans l'arrêt R. c. Wigglesworth, [1987] 2
R.C.S. 541; 60 C.R. (3d) 193, quoique le juge
Estey ait été dissident quant au résultat. Les droits
garantis par l'article 11 de la Charte peuvent,
d'après le sommaire de cet arrêt, être invoqués par
les personnes que l'État poursuit pour des infrac
tions publiques comportant des sanctions punitives,
c'est-à-dire des infractions criminelles, quasi crimi-
nelles ou de nature réglementaire, qu'elles aient
été édictées par le gouvernement fédéral ou par les
provinces. L'absence d'urgence nationale com-
mande cette application scrupuleusement rigou-
reuse de la Charte.
L'absence de disposition prévoyant la remise en
liberté sous caution ne satisfait pas aux exigences
de la Charte pour une autre raison. En effet, en
privant de remise en liberté sous caution les mem-
bres n'ayant pas un grade supérieur à celui de
sergent mais en prévoyant la remise en liberté sous
caution après la déclaration de culpabilité des
adjudants et des officiers brevetés, le régime même
de la discipline militaire viole, sous cet aspect, le
paragraphe 15(1) de la Charte. Dans l'arrêt
Andrews c. Law Society of British Columbia,
[1989] 2 R.C.S. 143, la page 145, la Cour
suprême du Canada a décidé qu'une «règle qui
exclut toute une catégorie de personnes de certains
types d'emplois, pour le motif qu'elles n'ont pas la
citoyenneté ... porte atteinte aux droits à l'égalité
de l'art. 15. L'article 42 de la Barristers and
Solicitors Act constitue une règle de ce genre».
Participe aussi d'une telle règle le régime qui
exclut une catégorie entière de membres du per
sonnel militaire et naval du droit à une mise en
liberté assortie d'un cautionnement raisonnable en
attendant l'issue de l'appel ou de la révision judi-
ciaire, tout en reconnaissant ce droit à une autre
catégorie de membres du personnel bien que
ceux-ci aient comme les premiers été déclarés cou-
pables d'infractions prévues à la Loi sur la défense
nationale ou aux Ordonnances et règlements. Le
régime des mesures disciplinaires prises par suite
de la déclaration de culpabilité et de la sentence
prononcées par le commandant est incompatible
avec la Constitution dans la mesure où il porte
atteinte à l'alinéa 11e) et au paragraphe 15(1) de
la Charte incorporés aux lois constitutionnelles du
Canada.
Le requérant semble avoir des raisons plausibles
de contester la constitutionnalité et la légalité de
tout le processus au terme duquel il a été en fin de
compte condamné à un emprisonnement de 21
jours avec l'approbation de l'amiral. Les membres
du personnel qui, en raison de leur grade et parce
qu'ils ont été désignés, exercent des fonctions disci-
plinaires et ceux qui s'engagent à aider les mem-
bres des Forces armées contre qui pèse une accusa
tion devraient recevoir une formation explicite sur
les principes de justice fondamentale. Cette forma
tion fournirait les éléments fondamentaux de l'ins-
truction civique, en matière constitutionnelle, que
doivent recevoir tout citoyen canadien et, forcé-
ment, tout officier breveté et tout adjudant faisant
partie des Forces armées canadiennes. L'acquisi-
tion de ces connaissances ne gênerait pas mais
améliorerait plutôt l'accomplissement des fonc-
tions juridictionnelles dont ces membres du person
nel doivent s'acquitter. Cette formation reçue
n'aurait pas non plus pour effet déplorable d'ame-
ner l'acquittement fréquent de coupables, à la
condition que soient soumis en bonne et due forme
à l'appréciation du tribunal militaire des éléments
de preuve dignes de confiance établissant, ou per-
mettant d'établir par inférence, la culpabilité hors
de tout doute raisonnable. De toute façon, il n'in-
combe pas à cette Cour, sauf pour observer que le
requérant démontre l'existence de questions sérieu-
ses qu'il faut trancher, de se prononcer au fond sur
celles-ci.
La Cour déclare que l'incarcération du requé-
rant est illégale et contrevient aux dispositions des
articles 7 et 9 ainsi que de l'alinéa 11e) et du
paragraphe 15(1) de la Charte dans la mesure où
les textes cités ne contiennent pas de dispositions
relatives à la mise en liberté provisoire par voie
judiciaire, assortie d'un cautionnement raisonna-
ble, avant le moment où le requérant peut saisir un
tribunal judiciaire indépendant de sa condamna-
tion et de sa peine. Il est inconstitutionnel et
illogique de laisser le requérant en prison pendant
toute la durée de la peine qui lui a été infligée, en
attendant qu'un tribunal judiciaire puisse décider
si le requérant aurait dû, souvant la loi, être
déclaré coupable et condamné.
La Cour interdit donc à chacun des intimés et à
chaque personne sous son autorité ou ses ordres de
détenir le requérant en prison s'il signe un engage
ment du type, compte tenu des adaptations de
circonstance, qui est prévu à l'article 118.09 des
Ordonnances et règlements. L'avocat des intimés
et l'avocat du requérant s'entendent pour dire
qu'on peut être sûr que celui-ci ne s'absentera pas
sans permission et, par conséquent, qu'il n'est pas
nécessaire d'insérer de conditions à l'alinéa c) du
formulaire d'engagement qui doit être signé. Les
avocats des deux parties sont convenus de laisser
l'alinéa c) en blanc.
De toute façon, si le requérant n'a pas déposé de
demande de révision judiciaire par un tribunal
indépendant, à la fermeture du greffe de cette
Cour, le 29 mars 1989, il pourra alors être détenu
légalement pendant le reste de la durée de son
emprisonnement de 21 jours. Toutefois, pourvu
qu'il engage ces procédures avec diligence, il peut
continuer d'exercer ses fonctions conformément à
la loi, en liberté, jusqu'à ce que les tribunaux aient
statué sur sa demande, et jusqu'à ce que les appels
interjetés des décisions judiciaires aient été enten-
dus, ou jusqu'à ce que cette Cour ait rendu une
autre ordonnance.
Aucuns frais ne seront adjugés en l'espèce au
requérant ou aux intimés, chaque partie suppor-
tant donc ses propres frais de la présente procédure
qui, malgré son caractère extraordinaire, constitue
essentiellement une demande de mise en liberté
assortie d'un cautionnement raisonnable.
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