T-1769-89
Toronto Star Newspapers Ltd., Southam Inc.,
Paul Watson, et James Poling (requérants)
c.
Joseph Kenney, Robert Reford, Mahmoud
Mohammad Issa Mohammad et le Procureur
général du Canada (intimés)
et
Société Radio-Canada (intervenante)
RÉPERTORIÉ: TORONTO STAR NEWSPAPERS LTD. C. KENNEY
(1" INST.)
Section de première instance, juge Martin—
Ottawa, 15 et 19 septembre 1989; 13 février 1990.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Libertés fon-
damentales — L'art. 29(3) de la Loi sur l'immigration prévoit
la tenue des enquêtes à huis clos sauf si, quelqu'un en ayant
fait la demande, il est démontré que la tenue en public de
l'enquête n'entraverait pas cette dernière et que ni l'intéressé ni
les membres de sa famille ne s'en trouveraient lésés — La
demande des médias d'assister à l'audience sur le minimum de
fondement a été rejetée — Opposition entre liberté de la presse
garantie à l'art. 2b) de la Charte et les droits de l'individu
consacrés à l'art. 7 de la Charte — L'affirmation du droit à
l'accès aux procédures judiciaires ou quasi judiciaires fondé
sur l'art. 26) satisfait à l'obligation de preuve imposée aux
requérants par l'art. 29(3), laquelle passe à celui qui cherche à
exclure la presse — L'art. 29(3) n'est pas anticonstitutionnel
car l'arbitre a un véritable pouvoir discrétionnaire — Le huis
clos obligatoire enfreint la liberté de la presse — L'art. 29(3)
est critiqué au motif que son interprétation littérale impose
aux requérants l'obligation impossible de prouver que l'au-
dience publique ne causera aucun préjudice — Si la confiden-
tialité absolue est souhaitée, l'enquête sur le minimum de
fondement devrait être une procédure administrative et non
judiciaire.
Immigration — Pratique — L'arbitre rejette en vertu de
l'art. 29(3) les demandes visant la tenue de l'enquête en public
en se fondant seulement sur des observations — La simple
affirmation du droit d'accès aux procédures judiciaires reporte
l'obligation de preuve imposée par l'art. 29(3) sur la personne
qui cherche à exclure la presse — Bien que des éléments de
preuve soient requis à l'appui de la décision de l'arbitre, cette
preuve peut être reçue dans des conditions qui préviennent sa
divulgation et sa publication — L'autorisation visée à l'art.
83.1 n'est pas nécessaire pour attaquer le caractère constitu-
tionnel d'une mesure législative bien qu'elle soit requise pour
contester la décision de l'arbitre en vertu de l'art. 18 de la Loi
sur la Cour fédérale.
Les requérants demandent une ordonnance qui annule la
décision par laquelle l'arbitre a ordonné que l'audience initiale
sur le minimum de fondement soit tenue hors la présence des
requérants; qui interdit à l'arbitre de poursuivre son enquête
jusqu'à ce qu'il ait entendu la demande visant à faire ouvrir
l'enquête au public; et qui ordonne à l'arbitre d'appliquer le
paragraphe 29(3) de la Loi sur l'immigration de façon compa
tible avec la Charte. Le paragraphe 29(3) prévoit que l'arbitre
tient son enquête à huis clos sauf si, quelqu'un lui en ayant fait
la demande, il lui est démontré que la tenue en public de
l'enquête n'entraverait pas cette dernière et que ni l'intéressé ni
les membres de sa famille ne s'en trouveraient lésés. A la suite
de demandes visant la tenue de l'audience en public, l'arbitre a
décidé d'exclure les requérants au motif que la divulgation de
certains éléments de preuve pouvait compromettre la sécurité
d'autrui. Aucune preuve n'a été produite et la décision de
l'arbitre était uniquement fondée sur des observations. Les
requérants ont soutenu que (1) l'arbitre a commis une erreur en
exerçant son pouvoir discrétionnaire sur la seule foi des obser
vations des avocats; (2) le paragraphe 29(3) doit être interprété
comme imposant au demandeur de statut l'obligation de prou-
ver qu'une audience tenue en public entraverait cette dernière
ou que l'intéressé et sa famille s'en trouveraient lésés, car
imposer la charge de la preuve au public, ce serait lui imposer
un fardeau impossible; et (3) le paragraphe 29(3) devrait être
déclaré inconstitutionnel parce qu'il est contraire à la liberté de
la presse et à l'accès aux procédures quasi judiciaires garantis à
l'alinéa 2b) de la Charte. Le procureur général a fait valoir que
les droits du demandeur de statut garantis à l'article 7 de la
Charte l'emportent sur les droits accordés aux requérants à
l'alinéa 2b) ou, subsidiairement, que le paragraphe 29(3) cons-
tituait une limite raisonnable imposée aux droits accordés aux
requérants par l'alinéa 2b). L'avocate du demandeur de statut a
soutenu que puisqu'il appartient aux requérants de prouver que
la tenue en public de l'enquête ne compromettra pas cette
dernière, en l'absence de preuve de leur part, l'arbitre est en
droit d'exercer le pouvoir discrétionnaire qu'il tient du paragra-
phe 29(3) sans entendre de témoignages.
Jugement: la demande visant l'annulation de la décision de
l'arbitre et la délivrance d'un bref de prohibition devrait être
accueillie; la demande visant à faire déclarer inconstitutionnel
le paragraphe 29(3) de la Loi sur l'immigration devrait être
rejetée.
L'autorisation de procéder conformément à l'article 83.1 de
la Loi sur l'immigration n'est pas requise lorsqu'est contestée la
constitutionnalité d'une mesure législative. L'article 83.1 vise
les procédures fondées sur l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale qui contestent les décisions rendues par les arbitres.
L'arrêt Re Southam and the Queen (No. 1 ), appuie la
proposition selon laquelle une disposition d'une loi qui impose
obligatoirement des audiences à huis clos porte atteinte à la
liberté de la presse garantie par l'alinéa 2b) de la Charte et est
inconstitutionnelle, à moins que la Couronne ne s'acquitte du
fardeau d'établir que la justification de la limite imposée à la
liberté de la presse pourrait se démontrer dans le cadre d'une
société libre et démocratique. Si l'on devait appliquer littérale-
ment le paragraphe 29(3), les requérants seraient incapables de
s'acquitter du fardeau de la preuve qui leur serait imposé. Il est
impossible à un requérant de prouver qu'aucun membre de la
famille du demandeur de statut ne serait lésé si l'enquête devait
être tenue en public alors qu'il peut fort bien ignorer qui sont
les membres de la famille du demandeur de statut, et où ils se
trouvent. De même, la question de savoir si la tenue d'une
enquête en public compromettrait cette dernière, dépend de la
preuve qu'entend produire le demandeur de statut. Les faits à
la source de la répugnance du demandeur de statut à révéler les
raisons pour lesquelles il revendique le statut de réfugié ne sont
connus que de lui. S'il est impossible au public de s'acquitter du
fardeau de la preuve que lui impose le paragraphe 29(3), et si
l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre en faveur de la
tenue en public de l'audience dépend de l'exécution de cette
obligation, alors il n'y a pas de pouvoir discrétionnaire et le
paragraphe 29(3) devrait être déclaré inconstitutionnel. Cepen-
dant, dans l'arrêt Pacific Press Ltd. c. Canada (Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration), la Cour d'appel fédérale a statué
que l'affirmation d'un droit d'accès à une procédure judiciaire
ou quasi judiciaire fondé sur l'alinéa 2b) de la Charte doit en
soi répondre à ce fardeau et imposer celui-ci à la personne qui
demande que la presse soit exclue. Étant donné cette interpréta-
tion du paragraphe 29(3), l'équilibre constitutionnel entre le
droit d'accès et la protection des droits du demandeur de statut
a été préservé par la restitution à l'arbitre d'un véritable
pouvoir discrétionnaire, celui de déterminer dans chaque cas
d'espèce si l'audience sur le minimum de fondement devrait
être tenue à huis clos ou en public.
Bien que la décision de l'arbitre doive reposer sur des élé-
ments de preuve, la personne qui demande d'exclure la presse
devrait avoir la possibilité de présenter des éléments de preuve
nécessaires dans des conditions qui empêcheront leur divulga-
tion et leur publication.
Pour ce qui est de la prétention que l'audience à huis clos est
la seule façon d'inciter les demandeurs de statut à faire leurs
revendications, tant que le processus de sélection participera
d'une procédure judiciaire, il semble contradictoire de laisser
entendre que tant la demande que l'identité du demandeur de
statut vont être gardées confidentielles. Pour que le public
puisse exercer le droit de demander la tenue en public de
l'audience, il faut que la demande et l'identité de l'intéressé
aient reçu quelque publicité. Si le législateur veut la confiden-
tialité totale, il faudrait retirer l'audience sur le minimum de
fondement du processus judiciaire pour le reléguer au plan
administratif.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), Appendice II, n° 44], art. 1, 2b), 7.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
18.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art. 29
(mod. par L.R.C. (1985) (1" suppl.), chap. 31, art.
99), 83.1 (mod. par L.R.C. (1985) (4° suppl.), chap.
28, art. 19).
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52,
art. 29.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
337(2)6), 474 (mod. par DORS/79-57, art. 14).
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Re Southam Inc. and The Queen (No. 1) (1983), 41 O.R.
(2d) 113; 34 C.R. (3d) 27; 33 R.F.L. (2d) 279 (C.A.);
Pacific Press Ltd. c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), [1990] 1 C.F. 419 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Southam Inc. c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 12 (C.F.
l" inst.).
DOCTRINE
Canada, Chambre des communes, Comité permanent de
la Justice et des questions juridiques, Procès-verbal et
témoignages, fascicule n° 25 (23 avril 1985), aux
p. 25:17 et 25:18 et fascicule n° 29 (9 mai 1985), aux
p. 29:22 et 29:23.
AVOCATS:
R. Juriansz et Paul B. Schabas pour les
requérants.
Marlys A. Edwardh pour l'intimé Mahmoud
Mohammad Issa Mohammad.
Charlotte A. Bell et Debra M. McAllister
pour l'intimé le sous-procureur général du
Canada.
G. Michael W. Hughes pour l'intervenante
Société Radio-Canada.
PROCUREURS:
Blake, Cassels & Graydon, Toronto, pour les
requérants.
Ruby and Edwardh, Toronto, pour l'intimé
Mahmoud Mohammad Issa Mohammad.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé le procureur général du Canada.
Services juridiques, Société Radio-Canada,
Toronto, pour l'intervenante Société Radio-
Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARTIN: Les requérants demandent
en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7] la réparation
suivante:
(1) une ordonnance leur accordant l'autorisa-
tion d'introduire cette demande, si nécessaire;
(2) une ordonnance provisoire interdisant à l'in-
timé Joseph Kenney de poursuivre l'enquête jus-
qu'à l'issue finale de cette requête;
(3) une ordonnance autorisant l'audition de
cette requête à bref délai;
(4) un bref de prohibition et de certiorari annu-
lant la décision en date du 22 août 1989 par
laquelle l'arbitre Joseph Kenney permettait que
l'audience initiale relative au statut de réfugié
de Mahmoud Mohammad Issa Mohammad soit
tenue hors la présence des requérants, et interdi-
sant à l'arbitre intimé Joseph Kenney de pour-
suivre l'enquête tant que les requérants n'auront
pas été autorisés à y assiter;
(5) un bref de mandamus ordonnant à l'arbitre
intimé Joseph Kenney, d'autoriser les requérants
à assister à l'enquête;
(6) une ordonnance visée au paragraphe 24(1)
de la Charte canadienne des droits et libertés
ordonnant à l'arbitre intimé Joseph Kenney de
tenir l'enquête concernée et d'interpréter et
d'appliquer le paragraphe 29(3) de la Loi sur
l'immigration d'une façon qui soit compatible
avec l'alinéa 2b) de la Charte;
Après que l'avocat des requérants ait exposé ses
premiers moyens fondés sur l'article 83.1 de la Loi
sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, [mod.
par L.R.C. (1985) (4 e suppl.), chap. 28, art. 19]
(la «Loi»), l'autorisation a été accordée à l'audition
de la demande fondée sur l'article 18 qui attaquait
la décision en date du 22 août 1989 par laquelle
l'intimé Joseph Kenney (1'«arbitre») excluait les
requérants, en qualité de représentant des médias
d'information, de l'audience sur le minimum de
fondement projetée en application des dispositions
de la Loi et notamment des dispositions de
l'article 29.
L'avocat des requérants a fait valoir que l'auto-
risation de procéder conformément à l'article 83.1
de la Loi n'était pas requise à l'égard de la répara-
tion sollicitée au paragraphe (6) dans la mesure où
cette réparation soulevait la question de la consti-
tutionnalité de l'article 29 de la Loi. Je suis d'ac-
cord. L'article 83.1 vise les procédures fondées sur
l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale pour ce
qui est des décisions ou ordonnances rendues dans
le cadre de la Loi sur l'immigration ou de ses
textes d'application—règlements ou règles—ou de
toute question soulevée dans ce cadre, et non pour
ce qui est de la constitutionnalité d'un article
quelconque de la Loi.
Conséquemment, dans la mesure où la demande
soulève la question de la constitutionnalité de l'ar-
tide 29 de la Loi sur l'immigration, l'autorisation
prévue à l'article 83.1 de la Loi n'est pas néces-
saire. Dans la mesure où la demande met en
question la décision rendue par l'arbitre en appli
cation du paragraphe 29(3) [mod. par L.R.C.
(1985) (lei suppl.), chap. 31, art. 99] de la Loi,
l'autorisation d'interjeter appel auprès de cette
Cour est nécessaire, et je l'ai accordée le 15 sep-
tembre 1989.
Les requérants n'ont pas insisté sur l'ordonnance
provisoire interdisant la poursuite de l'enquête
devant l'arbitre car, si je me souviens bien, les
avocats m'ont avisé que l'arbitre avait décidé de
remettre à plus tard la poursuite de l'audience en
attendant la décision de cette Cour. Il semble
qu'aucune ordonnance n'ait été rendue en réponse
à cette partie de la demande.
Il ne semble pas que l'avocat des requérants ait
plaidé la demande visant une ordonnance qui per-
mettrait l'audition de la demande à bref délai. Les
avocats des autres parties ne s'y étant pas opposés
et la demande ayant été entendue de toute façon,
on peut supposer qu'il y a eu autorisation de
procéder à bref délai.
La Société Radio-Canada a fait d'autres requê-
tes dans des procédures semblables portant les
numéros de greffe T-1783-89 et T-1799-89, en
conséquence desquelles le désistement des parties a
été autorisé, ainsi que l'adjonction de la Société
Radio-Canada en qualité d'intervenante dans cette
demande et dans l'action devant la Cour fédérale
portant le numéro de greffe T-1798-89.
Pour finir, dans le cadre de l'action des requé-
rants devant la Cour fédérale, numéro de greffe
T-1798-89, les avocats des requérants ont déposé
une requête à l'ouverture des procédures le 15
septembre 1989 visant la délivrance d'une ordon-
nance conformément à la Règle 474 des Règles de
la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663] afin que la
Cour statue sur la question de savoir si l'article 29
de la Loi, en tout ou en partie, est incompatible
avec l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des
droits et libertés [qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), Appendice II, n° 44]] et, par
conséquent, est inopérant. Les avocats m'ont
informé que la requête a été déposée au greffe de
Toronto le 12 septembre 1989 mais, pour une
raison quelconque, elle est parvenue à Ottawa et y
a été déposée seulement à l'ouverture des
procédures.
Cette requête faite dans le cadre de l'action
portant le numéro de greffe T-1798-89 demandait
aussi des ordonnances conformément à la Règle
474(2) portant que:
a) la question à déterminer le sera à partir d'un
exposé conjoint des faits, déposé;
b) la question sera débattue aux mêmes
moment et endroit que l'action devant la Cour
fédérale portant le numéro de greffe T-1769-89.
Une seconde requête dans la présente action a
été déposée par mégarde dans le cadre de la
procédure ayant le numéro de greffe T-1769-89;
cette erreur a été rectifiée au début des procédures
le 15 septembre 1989. Comme la seule réparation
recherchée dans cette seconde requête que l'avocat
a portée à mon attention correspondait à la der-
nière réparation recherchée dans la requête fondée
sur la Règle 474, savoir que la question à
trancher soit débattue en même temps que la
procédure numéro de greffe T-1769-89, je n'ai pas
à faire de cas de la seconde requête. La transcrip
tion de l'audition montre (aux pages 10 13) que
la requête fondée sur la Règle 474 a été accueillie.
J'ai depuis étudié la requête et la Règle applicable,
et j'ai conclu que je n'avais pas l'autorité néces-
saire pour accéder à cette requête.
Le Règle 474 prévoit les demandes visant le
règlement de points de droit, ce que se trouve être
la dernière demande déposée par l'avocat des
requérants. La Règle 474(2) [mod. par DORS/
79-57, art. 14] prévoit, en des termes impératifs, ce
qu'il faut faire si la Cour accorde l'ordonnance.
Aucune considération n'a été accordée à ce qui est
exposé à la Règle 474(2). Bien que la transcription
porte que j'ai accueilli la requête sollicitant l'audi-
tion conjointe des deux demandes fondées respecti-
vement sur la Règle 474 et sur l'article 18, je
n'étais pas autorisé à rendre une telle ordonnance.
Conséquemment, si les parties souhaitent procéder
selon la Règle 474, la requête des demandeurs
dans le cadre de l'action numéro de greffe,
T-1798-89 devra être renouvelée.
Les parties à l'action numéro de greffe
T-1798-89 ont présenté un exposé conjoint des
faits qui s'appliquerait à la requête fondée sur la
Règle 474 dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Les parties conviennent par l'intermédiaire
de leurs avocats que les faits en fonction desquels il devrait être
statué sur la question de droit à décider conformément à la
Règle 474 sont les faits soumis à l'appréciation de cette Cour
dans le cadre de la demande portant le numéro de greffe
T-1769-89,
termes dont ont convenu les avocats des requé-
rants, du procureur général du Canada et de
Mahmoud Mohammad Issa Mohammad
(«Mohammad»). L'avocat de l'intervenante Société
Radio-Canada a laissé entendre que celle-ci vou-
lait accepter et adopter les faits exposés dans le
mémoire des demandeurs dans l'action numéro de
greffe T-1798-89 dans le cadre de laquelle elle a
unilatéralement ajouté les autres faits figurant aux
paragraphes (2) et (3) de son mémoire déposé le
15 septembre 1989. De la même façon, l'avocate
de Mohammad, tout en acceptant les faits énoncés
aux paragraphes (1) à (12) de l'exposé des faits et
du droit des requérants, a ajouté unilatéralement
trois pages additionnelles de faits dans son exposé
des faits et du droit déposé au greffe de Toronto le
12 septembre 1989. Finalement, tout en convenant
que les faits devant servir de fondement à la
décision prévue à la Règle 474 dans l'action
numéro de greffe T-1798-89 devaient être les faits
soumis à la Cour dans l'action numéro de greffe
T-1769-89, l'avocate du procureur général du
Canada a exposé ses propres faits dans son exposé
des faits et du droit déposé à la fois dans l'action
numéro de greffe T-1798-89 et dans l'action
numéro de greffe T-1769-89 à l'ouverture de l'au-
dience le 15 septembre 1989.
Après avoir examiné les diverses déclarations, il
m'est apparu que les faits devant servir de fonde-
ment à la décision sur un point de droit n'avaient
pas été cristallisés dans la mesure généralement
exigée pour une décision fondée sur la Règle 474.
De fait, à mon sens, il n'y avait pas d'exposé
conjoint des faits dont les parties et l'intervenante
avaient convenu.
L'avocate de Mohammad nous a informés
qu'elle comprenait l'entente comme suit:
[TRADUCTION] ... au moment de la signature de cette entente,
les parties entendaient que les faits en question ne soient pas
simplement les faits exposés par le requérant, mais plutôt tous
les faits soumis comme tels sur lesquels votre Seigneurie pour-
rait se prononcer dans le cadre de la demande. Il s'agit donc des
faits exposés par le requérant, et aussi des faits sur lesquels
s'appuient les intimés.
En raison de l'absence d'une déclaration raison-
nablement concise à laquelle auraient souscrit les
parties et l'intervenante, la requête fondée sur la
Règle 474 sollicitant qu'il soit statué sur un point
de droit dans le cadre de l'action numéro de greffe
T-1798-89 et la requête sollicitant que cette déci-
sion soit rendue en même temps que celle dans
l'action numéro de greffe T-1769-89 étaient toutes
deux prématurées et, comme on l'a dit, si les
parties tiennent à ce que l'action numéro de greffe
T-1798-89 suive son cours, elles devront renouveler
leur demande sur la Règle 474.
L'erreur que j'ai commise en accueillant les
requêtes des requérants dans le cadre de l'action
numéro de greffe T-1798-89 ne devrait pas, gêner
les parties car je me propose, en tout état de cause,
de traiter de la question de la constitutionnalité
que soulève, à mon avis, la demande fondée sur
l'article 18 soumise par les requérants dans l'action
numéro de greffe T-1769-89.
Comme je l'ai déjà indiqué, la présente demande
procède de la décision par laquelle l'arbitre a
résolu d'exclure les requérants et l'intervenante de
l'audition de Mohammad sur le minimum de fon-
dement, immédiatement avant que celle-ci n'ait
lieu. Mohammad avait fait l'objet d'une enquête
donnant suite au rapport visé à l'article 27 de la
Loi. Il avait consenti à la présence des médias à
cette enquête, sous réserve du droit qu'il revendi-
quait de retirer son consentement dans l'éventua-
lité où il surviendrait des événements imprévus qui,
à son avis, seraient susceptibles de compromettre
sa sécurité ou celle de sa famille. L'enquête a été
ajournée le 15 décembre 1988, l'arbitre ayant
décidé que, n'était-ce de la revendication par
Mohammad du statut de réfugié au sens de la
Convention, une mesure de renvoi ou une mesure
d'expulsion serait prise.
Le 21 août 1989, l'audience prévue à l'article 29
de la Loi a été tenue en présence de l'arbitre et de
l'intimé Robert Reford, membre de la Section du
statut de réfugié de la Commission de l'immigra-
tion et du statut de réfugié, pour déterminer si la
revendication du statut de réfugié au sens de la
Convention faite par Mohammad reposait sur un
minimum de fondement. Lorsque cette audience a
débuté, Mohammad a consenti à la présence de
certains membres du public, mais non pas à celle
des représentants des médias. Voyant cela, les
requérants et l'intervenante ont demandé que l'au-
dience soit tenue en public, conformément au
paragraphe 29(3) de la Loi. Sur présentation des
demandes, l'arbitre a informé les requérants que la
procédure visant à déterminer si l'audience se tien-
drait en public se ferait par voie d'observations
seulement, et qu'il n'y avait pas lieu de produire
des preuves. Les parties pertinentes de l'article 29
de la Loi sont libellées comme suit:
29. (1) L'arbitre mène l'enquête, dans la mesure du possi
ble, en présence de l'intéressé.
(2) À la demande ou avec l'autorisation de l'intéressé, l'arbi-
tre permet la présence d'observateurs, dans la mesure où elle ne
risque pas d'entraver le déroulement de l'enquête.
(3) Sous réserve du paragraphe (2), l'arbitre tient son
enquête à huis clos sauf si, quelqu'un lui en ayant fait la
demande, il lui est démontré que la tenue en public de l'enquête
n'entraverait pas cette dernière et que ni l'intéressé ni les
membres de sa famille ne s'en trouveraient lésés.
L'avocate de Mohammad a soutenu qu'il appar-
tenait aux requérants de convaincre l'arbitre du
respect des deux exigences du paragraphe 29(3),
c'est-à-dire de démontrer à l'arbitre que la tenue
en public de l'enquête ne compromettrait pas cette
dernière, et que ni Mohammad ni les membres de
sa famille ne s'en trouveraient lésés.
Elle a fait à l'arbitre les observations suivantes:
[TRADUCTION] La partie suivante du paragraphe 29(3) qui a
une importance évidente est la question du préjudice que
pourraient subir M. Mohammad et sa famille. Je ne connais
aucune source doctrinale ou jurisprudentielle qui limiterait la
notion de préjudice aux simples lésions corporelles ou à la
sécurité de la personne, et je crois qu'il vous est permis de
considérer le préjudice dans son sens le plus large, le tort
psychologique infligé aux enfants, aussi bien que les lésions
corporelles causées aux personnes pouvant être liées à M.
Mohammad et qui sont à l'étranger. Les choses vues sous cet
angle, il existe certains faits sur lesquels je tiens à attirer votre
attention et vous donner des renseignements précis, et j'aime-
rais que vous m'entendiez à huis clos afin d'apprécier pleine-
ment ce que j'ai à dire. Ces faits n'ont pas été révélés avant et
je n'ai pas je crois qu'il vous serait utile de les connaître.
L'arbitre a répondu:
[TRADUCTION] Nous allons étudier votre demande de divul-
gation à huis clos de certains faits.
L'avocat des requérants a dit notamment ce qui
suit dans ses observations:
[TRADUCTION] ... nous ne prétendons pas que le libellé de la
mesure législative soit entaché de quelque vice constitutionnel.
Elle doit toutefois être appliquée en conformité avec les garan-
ties de la Charte. Elle ne peut l'être de façon à violer le droit de
mon client à la liberté de la presse.
En ma présence, l'avocat des requérants a repris
cet argument dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Soutenir que l'arbitre aurait dû interpréter la
Loi de façon à ne pas violer nos droits et donner—et agir
comme si le libellé de la Loi différait de ses termes clairs, c'est
dire de fait que la Loi est entachée d'un vice constitutionnel. Il
aurait dû le reconnaître et agir en conséquence. Ainsi donc il ne
s'agit pas d'un argument différent, mais de la reprise du même
argument d'ordre constitutionnel.
Et nous ajoutons à cet argument qu'indépendamment de la
violation du droit garanti par la Charte, il avait simplement en
droit l'obligation d'exercer judiciairement son pouvoir discré-
tionnaire. Il est vrai qu'il devait être convaincu qu'il n'y aurait
pas préjudice, mais en droit, il était tenu d'agir judiciairement,
ce qui exige des preuves.
Plus tard, au cours de l'audience du 21 août
1989, l'avocate de Mohammad a laissé entendre
qu'elle se considérait tenue de soumettre les faits à
l'arbitre, et elle a ajouté que s'il y avait le moindre
doute que cela suffise et que l'arbitre voulait
qu'elle produise des preuves, elle était disposée à le
faire:
[TRADUCTION] ... mais je demanderai évidemment à produire
certaines preuves à huis clos, sans quoi je ne pourrai les
produire.
Le jour suivant, soit le 22 août 1989, l'arbitre a
rendu sa décision. Il s'est prononcé comme suit sur
la nécessité de recevoir des preuves comme fonde-
ment à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire:
[TRADUCTION] M. Juriansz, qui s'exprimait pour le Toronto
Star et je crois pour le Hamilton Spectator, a suggéré l'élargis-
sement des aspects du paragraphe 29(3) ressortissant à la
procédure de façon à permettre le contre-interrogatoire possible
des témoins et partant, un examen beaucoup plus intense de la
question de l'accès du public. Nous doutons que ce soit ce
qu'envisageaient le Comité ou le Parlement, et nous ne trouvons
aucune justification pour un tel examen au microscope dans la
loi, les règlements ou la jurisprudence. Une telle façon de
procéder aurait pour conséquence de prolonger considérable-
ment l'enquête ou l'audience qui soulèverait l'intérêt du public.
Ainsi donc, en l'absence de termes précis dans la loi ou les
règlements, nous ne sommes pas disposés à accepter l'approche
proposée, et nous déciderons la question uniquement en fonc-
tion des observations, des arguments et de la jurisprudence.
L'arbitre a accepté l'argument de l'avocate de
Mohammad quant aux craintes relatives à la sécu-
rité de son client si l'audience devait se tenir en
public. Voici ce qu'il a dit à cet égard:
[TRADUCTION] En l'espèce, on a fait valoir l'argument nouveau
qu'une audience publique pourrait entraver la conduite de
l'affaire du demandeur parce que son avocate répugnerait à
divulguer certains faits. Ces preuves, dit-on, doivent être pro-
duites à huis clos parce que leur divulgation pourrait compro-
mettre la sécurité d'autres personnes.
Si le public devait être admis malgré l'opposition du deman-
deur de statut et qu'il en résultait un préjudice, aucun tribunal
canadien ne pourrait y remédier. Voilà l'essentiel de la ques
tion. Le paragraphe 29(3) est, à notre avis, une disposition
validement édictée, étudiée avec soin en comité et adoptée par
le Parlement.
Nous souscrivons à l'opinion que le paragraphe 29(3) vise
expressément la protection des demandeurs de statut. Nous
croyons être tenus d'accorder quelque priorité à cette considé-
ration. Certes, nous ne saurions nier et nous ne nions pas le
droit du public de savoir et le droit des médias de le tenir au
courant, mais nous devons les mettre dans la balance avec
d'autres considérations également importantes.
Nous sommes d'avis, à la réflexion, que les inquiétudes dont
nous a fait part M. Mohammad doivent l'emporter. Nous
concluons que le paragraphe 29(3) constitue une limite raison-
nable dans ces circonstances aux droits accordés aux médias
par la Charte, et qu'il serait considéré tel par une cour
supérieure.
Finalement, l'arbitre a cité en les approuvant
des extraits de l'arrêt Southam Inc. c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989),
8 Imm. L.R. (2d) 12 (C.F. i re inst.) dans lequel la
Cour avait statué que l'arbitre dans cette affaire
avait décidé à bon droit qu'il appartenait au public
de s'acquitter du fardeau de la preuve imposé au
paragraphe 29(3) de la Loi.
En ma présence, l'avocat des requérants a fait
valoir que l'arbitre avait commis une erreur en
exerçant son pouvoir discrétionnaire en l'absence
de preuve et uniquement sur la foi des observations
des avocats. Il a en outre soutenu que le paragra-
phe 29(3) doit être interprété comme imposant au
demandeur de statut l'obligation de prouver que la
tenue en public de l'audience entraverait cette
dernière ou que l'intéressé ou les membres de sa
famille s'en trouveraient lésés. Imposer la charge
de la preuve au membre du public qui souhaite la
tenue de l'audience en public, ce serait lui imposer
un fardeau impossible et ainsi donc, bien que le
libellé du paragraphe 29(3) accorde à l'arbitre le
pouvoir discrétionnaire de tenir une audience
publique ou à huis clos, en fait et fondamentale-
ment, cette disposition ne lui laisserait aucune
discrétion vu le fardeau impossible imposé à celui
qui souhaite la tenue en public de l'audience.
C'est pourquoi l'avocat des requérants a affirmé
que le paragraphe 29(3) devrait être déclaré
inconstitutionnel parce qu'il violerait l'alinéa 2b)
de la Charte canadienne des droits et libertés qui
garantit la liberté de la presse et l'accès aux
procédures quasi judiciaires, cette violation ne
pouvant se justifier en vertu des dispositions de
l'article 1 de la Charte.
L'avocate du procureur général du Canada a
défendu le caractère constitutionnel du paragraphe
29(3) de la Loi en excipant du besoin de créer un
climat dans lequel les demandeurs de statut se
sentiraient libres de divulguer tous les renseigne-
ments relatifs à leur revendication et d'échapper
aux vengeances qui pourraient être exercées contre
eux si leur revendication était rejetée, ou contre
leur famille dans leur pays d'origine, si leur reven-
dication était accueillie. L'avocate du procureur
général du Canada a affirmé qu'en raison de ces
considérations, les audiences à huis clos étaient
justifiées. Selon elle, les droits de son client garan-
tis par l'article 7 de la Charte étaient supérieurs
aux droits accordés aux requérants à l'alinéa 2b),
et les premiers droits devraient l'emporter sur les
seconds.
Subsidiairement, elle a affirmé que le paragra-
phe 29(3) constituait une limite raisonnable impo
sée aux droits que l'alinéa 2b) de la Charte
accorde aux requérants parce que le souci pour la
sécurité du demandeur de statut et de sa famille
était suffisamment important pour l'emporter sur
le droit constitutionnel des requérants à l'accès aux
procédures quasi judiciaires, et elle a ajouté que le
moyen choisi, une audience à huis clos décidée à la
discrétion de l'arbitre, était proportionnel à la fin
poursuivie.
L'avocate du procureur général du Canada s'est
reportée aux antécédents législatifs de l'article en
question. Elle a souligné que dans sa version anté-
rieure à 1985, la partie pertinente de l'article 29 de
la Loi [Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, chap. 52] était libellée comme suit:
29. (1) Toute enquête par un arbitre a lieu, dans la mesure
du possible, en présence de la personne qui en fait l'objet.
(2) À la demande ou avec l'autorisation de la personne
faisant l'objet de l'enquête, l'arbitre doit permettre à des obser-
vateurs d'assister à l'enquête, dans la mesure où leur présence
n'est pas susceptible d'en entraver le déroulement.
(3) Sous réserve du paragraphe (2), l'arbitre mène l'enquête
à huis clos.
Apparemment, il a été décidé que cette disposi
tion pratiquement obligatoire sur le huis clos irait
à l'encontre de la Charte canadienne des droits et
libertés, qui garantit, dans son alinéa 2b), la
liberté de la presse, laquelle liberté comprenait le
libre accès aux audiences judiciaires et quasi judi-
ciaires selon la décision rendue par la Cour d'appel
de l'Ontario dans Re Southam Inc. and The Queen
(No. 1) (1983), 41 O.R. (2d) 113. Pour éviter la
possibilité d'une déclaration d'inconstitutionnalité
à cet égard, on a proposé que les paragraphes (2)
et (3) de l'article 29 soient abrogés et remplacés
par le paragraphe suivant:
29....
(2) L'arbitre peut, sur demande, tenir son enquête à huis
clos s'il estime que la personne qui en fait l'objet ou les intérêts
de Sa Majesté seraient lésés par la tenue de l'enquête en public.
Il appert que, lors de l'examen de cette disposi
tion par le Parlement et ses comités, les législa-
teurs ont trouvé insuffisante la protection accordée
au demandeur de statut de réfugié par la modifica
tion projetée. Celle-ci a été retirée et la modifica
tion suivante a été apportée au paragraphe 29(3)
[mod. par S.C. 1985, chap. 26, art. 112] seule-
ment, laissant intact le paragraphe 29(2):
29....
(3) Sous réserve du paragraphe (2), l'arbitre tient son
enquête à huis clos sauf si, à la demande d'un membre du
public, il lui est démontré que la tenue en public de l'enquête ne
compromettrait pas cette dernière et que la personne qui en fait
l'objet ou les membres de sa famille ne s'en trouveraient pas
lésés.
C'est à la demande du ministre de la Justice de
l'époque que M. D. Martin Low, avocat général,
Section des droits de la personne, ministère de la
Justice, a, le 23 avril 1985, donné au Comité de la
justice et des questions juridiques de la Chambre
des communes [fascicule n° 25] l'explication sui-
vante du changement projeté [aux pages 25:17 et
25:18]:
Monsieur Heap, l'origine de cette modification remonte à une
décision de la Cour d'appel de l'Ontario, dans la cause Re
Southam No. 1. Elle portait sur la tenue d'audiences à huis clos
intéressant la Loi sur les jeunes délinquants. Le public était
alors automatiquement exclu de la procédure mais la chaîne de
journaux Southam réussit à contester ce huis clos en alléguant
qu'il contrevenait à la liberté de la presse et au droit d'avoir
accès aux tribunaux.
Il y a eu bon nombre d'autres circonstances où l'exclusion
automatique de la presse des audiences de la Cour a fait l'objet
d'un réexamen afin de voir si cela était justifié. Nous croyons
que s'il y a une exclusion automatique qui ne dépend pas des
faits de la cause, il est très difficile de la justifier.
•
Vers le 9 mai 1985, les législateurs n'étaient pas,
semble-t-il, satisfaits de la modification projetée en
ce sens qu'il serait trop facile pour un membre du
public de forcer la tenue en public d'une audience,
ce qui, selon eux du moins, compromettrait la
sécurité du demandeur de statut ou de sa famille.
L'échange de vues suivant entre M. Robinson et
M. Speyer à une séance du Comité de la justice et
des questions juridiques de la Chambre des com
munes [fascicule n° 29], au cours de laquelle la
modification, qui fait partie de la loi actuelle, a été
proposée, exprime très clairement la fin visée par
la modification [aux pages 29:22 et 29:23]:
M. Robinson: Monsieur le président, je propose que l'article
112 du projet de loi C-27 soit modifié par substitution, aux
lignes 1 à 8, page 77, de ce qui suit:
112. Le paragraphe 29(3) de la Loi sur l'immigration de
1976 est abrogé et remplacé par ce qui suit:
(3) Sous réserve du paragraphe (2), l'arbitre tient son
enquête à huis clos sauf si, à la demande d'un membre du
public, il lui est démontré que la tenue en public de l'enquête
ne compromettrait pas cette dernière et que la personne qui
en fait l'objet ou les membres de sa famille ne s'en trouve-
raient pas lésés.
Le président: Voulez-vous débattre cet amendement?
M. Robinson: Monsieur le président, cet amendement a pour
but de répondre aux préoccupations de mon collègue de Spa-
dina, M. Heap, qui est le critique officiel en matière d'immigra-
tion du Nouveau parti démocratique. En effet, il s'inquiète de
ce que la modification initiale risque de faire du tort aux
personnes qui demandent le statut de réfugiés en permettant la
divulgation de renseignements susceptibles de les compromettre
ou de compromettre les membres de leur famille restant dans le
pays qu'elles ont quitté.
J'ai discuté de cette question avec le secrétaire parlementaire
du ministre de la Justice et il semble que cet amendement
constitute une grande amélioration par rapport à la modifica
tion initiale. Je voulais simplement demander l'assurance du
secrétaire parlementaire que ce libellé vise à prévoir que qui-
conque—il s'agit habituellement d'un journaliste, mais ce pour-
rait être n'importe qui—souhaite une enquête publique doit
prouver deux choses: premièrement, que la tenue d'une enquête
publique n'entravera pas le processus et deuxièmement, que la
tenue en public de l'enquête ne compromettrait la personne qui
en fait l'objet ni les membres de sa famille. En d'autres termes,
ils ne pourraient pas assister à l'enquête juste en affirmant
qu'ils n'ont pas l'intention d'en entraver le déroulement. Il faut
aller plus loin. Le fardeau de la preuve est double ici.
M. Speyer: Monsieur le président, c'est exactement notre
intention. On a beaucoup discuté de la teneur de cet article. Je
pense qu'il est important de revenir sur le sujet de préoccupa-
tion exprimé par M. Robinson il y a quelques instants.
Cette réunion et le projet de loi ont pour but de rendre divers
articles de lois fédérales conformes à la Charte des droits. Les
articles visés dans le projet de loi dont nous sommes saisis ne
remplissent pas cette fonction, de l'avis du gouvernement, et
c'est pourquoi nous les amendons. M. Heap a posé au ministre
de la Justice certaines questions concernant ses préoccupations,
bien légitimes, à propos des enquêtes en matière de statut de
réfugié.
Je parle également en mon propre nom, et à la lumière des
discussions que nous avons eues avec d'autres députés de ce
côté, nous voulons éviter tout ce qui peut compromettre un
réfugié au cours de l'audience où les témoignages pourraient lui
faire du tort; il est également important de comprendre la
nature de ce genre d'enquêtes et des preuves que doit fournir le
réfugié. Nous ne voulons pas que le réfugié ou des membres de
sa famille soient en danger par suite d'une modification consti-
tutionnelle, qui n'est pas un changement de politique. Je vous
assure que c'est là notre intention et c'est pourquoi je pense que
votre amendement constitue une amélioration par rapport au
libellé initial du projet de Loi.
L'avocate de Mohammad fait valoir que l'inver-
sion du fardeau de la preuve prévue au paragraphe
29(3) vise simplement à reconnaître les droits
importants du demandeur de statut garantis par
l'article 7 de la Charte, et que les questions visant
la liberté et l'équité des audiences constituent des
valeurs d'ordre supérieur par rapport aux droits de
la presse prévus à l'alinéa 2b) de la Charte.
Selon l'avocate de Mohammad, s'il convient que
les requérants aient l'obligation de prouver que la
tenue en public de l'enquête ne compromettra pas
cette dernière et que le demandeur de statut ou sa
famille ne s'en trouveront pas lésés, des preuves ne
sont pas alors indispensables pour étayer la déci-
sion de l'arbitre de tenir une audience à huis clos.
Si les requérants ne présentent aucune preuve pour
s'acquitter du fardeau qui leur incombe, l'arbitre
est alors en droit de s'appuyer sur ce fait et,
puisque cette obligation n'a pas été exécutée, de
décider que le public n'aura pas accès à l'audience.
En l'espèce, les parties qui cherchent à faire
tenir en public l'audience ont eu amplement la
possibilité de produire une preuve pour s'acquitter
des obligations visées au paragraphe 29(3), mais
elles ont choisi de ne pas le faire. Au lieu de cela,
devant l'arbitre, les requérants ont insisté sur le
fait que le demandeur de statut aurait dû produire
une preuve qui justifierait la tenue des audiences à
huis clos, et qu'on aurait dû leur donner la possibi-
lité d'analyser cette preuve au moyen d'un
contre-interrogatoire.
Pour résumer exactement la position de l'avo-
cate de Mohammad à cet égard, il suffirait de dire
qu'une preuve n'était pas nécessaire pour que l'ar-
bitre exerce le pouvoir discrétionnaire qu'il tient
du paragraphe 29(3). Ses arguments suffiraient et,
en tout état de cause, il incombait aux requérants
de prouver affirmativement pourquoi l'audience
devrait être tenue en public, et non au réfugié de
justifier sa tenue à huis clos. En dernier lieu, elle
prétend que l'arbitre n'était nullement tenu d'en-
tendre d'autres détails sur les raisons, telles:qu'el-
les ont été données par son avocat, pour lesquelles
Mohammad désirait une audience à huis clos,
détails devant être donnés en l'absence des avocats
des autres parties, parce que les requérants ne
s'étaient pas acquittés du fardeau initial qui leur
incombait.
L'arrêt Southam (No. 1) appuie notamment les
propositions selon lesquelles l'accès du public aux
tribunaux doit être considéré comme implicite
dans la garantie de la liberté de la presse prévue à
l'alinéa 2b) de la Charte, et une disposition de la
loi qui impose obligatoirement des audiences à
huis clos porte atteinte à cette liberté et est incons-
titutionnelle, à moins que la Courronne ne s'ac-
quitte du fardeau d'établir que la justification de
la limite imposée à la liberté de la presse pourrait
se démontrer dans le cadre d'une société libre et
démocratique, au sens de l'article premier de la
Charte.
Dans l'arrêt Southam (No. 1), la loi pertinente
prévoyait que tout procès mettant en cause des
jeunes devaient être tenus à huis clos. La Cour a
constaté qu'il pourrait y avoir des cas où l'intérêt
de la société dans la protection des enfants visés
par la définition de délinquants juvéniles figurant
dans la Loi sur les délinquants juvéniles, S.R.C.
1970, chap. J-2, et dans leur retour à la vie
normale, aurait le pas sur le droit du public à
l'accessibilité aux procédures judiciaires, mais elle
a conclu que cette interdiction générale à l'encon-
tre de toute accessibilité est d'une trop grande
portée. Dans cette affaire, la Cour a statué que,
pour concilier les deux intérêts sur le plan constitu-
tionnel, la Cour devrait avoir le pouvoir discrétion-
naire d'exclure le public des procédures du tribu
nal pour enfants lorsqu'elle constate que cette
mesure, compte tenu des faits d'un cas particulier,
est dans l'intérêt de l'enfant ou des autres person-
nes intéressées ou dans l'intérêt de l'administration
de la justice.
Je conviens avec M. Low, le représentant du
ministère de la Justice, que la modification proje-
tée de la Loi sur l'immigration de 1976, qui
supprime les paragraphes (2) et (3) de l'article 29
et qui les remplace par
29....
(2) L'arbitre peut, sur demande, tenir son enquête à huis
clos s'il estime que la personne qui en fait l'objet ou les intérêts
de Sa Majesté seraient lésés par la tenue de l'enquête en public.
respecte les principes dégagés dans l'arrêt Sou-
tham (No. 1), évitant ainsi le risque d'être écartée
pour inconstitutionnalité parce qu'elle impose des
audiences à huis clos.
Je ne suis pas persuadé que l'interprétation litté-
rale ou le sens littéral de l'actuel paragraphe 29(3)
soit visé par ces principes. L'avocate du procureur
général du Canada soutient que le paragraphe
29(3) est constitutionnel parce que les dispositions
sur le huis clos n'équivalent pas à une exclusion
absolue du public, mais elles contiennent une
clause facultative permettant à l'arbitre d'exercer
son pouvoir discrétionnaire dans chaque cas pour
déterminer laquelle des audiences sur le minimum
de fondement, selon les circonstances de chaque
affaire, devrait être tenue en public ou devrait être
tenue à huis clos.
Elle reconnaît que le fardeau imposé aux requé-
rants à l'instance et aux requérants en général, de
faire la preuve de ces principes négatifs devant
l'arbitre, qui l'amèneront à tenir l'audience en
public, constitue une obligation difficile à exécu-
ter, mais elle signale le grave préjudice qui pour-
rait par ailleurs être causé au demandeur de statut
ou à sa famille si la preuve produite à l'audience
était rendue publique.
L'avocate de Mohammad est allée jusqu'à pré-
tendre que le principe d'une audience à huis clos
est le seul qui soit approprié parce que, selon elle,
seule cette prescription encouragerait suffisam-
ment les réfugiés à faire leurs revendications, et
que seules les audiences à huis clos pourraient
garantir le caractère confidentiel de la demande
elle-même et de l'identité de l'auteur de cette
demande.
Je peux être sensible à la première partie de
l'argument de Mohammad, mais non à la seconde.
Si, comme dans certaines autres sociétés libres et
démocratiques, le processus de sélection des réfu-
giés se fait sur une base administrative, il est alors
vrai que la demande et l'identité de son auteur
peuvent être, et, selon certaines lettres provenant
des représentants de ces pays versées dans le dos
sier du procureur général du Canada, sont gardées
secrètes. D'autre part, lorsque le processus de
sélection participe d'une procédure judiciaire,
c'est, semble-t-il, presque contradictoire que de
laisser entendre que tant la demande que l'identité
du demandeur de statut vont, en raison de l'article
29, être gardées confidentielles. Le paragraphe
29(3) prévoit des demandes présentées par le
public pour obtenir la tenue en public des audien
ces sur le mimium de fondement. Pour qu'un
membre du public puisse exercer le droit de
demander la tenue en public de l'audience, tant la
demande que l'identité du demandeur de statut
devraient avoir reçu quelque publicité.
Si le législateur vise à atteindre une confidentia-
lité totale, peut-être devrait-il retirer l'audience sur
le minimum de fondement du processus judiciaire
pour la reléguer au plan administratif, comme
certaines autres nations l'ont fait. Toutefois, tant
que ces audiences font partie du processus judi-
ciaire, elles doivent être sujettes à un examen
constitutionnel sur ce fondement.
L'avocat des requérants soutient, ainsi qu'il a
déjà été indiqué, que bien que le paragraphe 29(3)
soit rédigé de manière à tenir compte du principe
du pouvoir discrétionnaire dégagé dans la décision
Southam (No. 1), essentiellement et dans les faits
il n'y a pas lieu à l'exercice d'un pouvoir discré-
tionnaire si la Cour interprète littéralement cette
disposition. Pour préserver la constitutionnalité du
paragraphe 29(3), il fait valoir qu'on doit l'inter-
préter de manière à tenir compte du droit qu'impli-
que la liberté de la presse, ainsi que du droit du
public en général, d'avoir accès aux procédures
judiciaires.
L'avocat des requérants affirme, et je suis d'ac-
cord avec lui, qu'appliquer le sens littéral du far-
deau de la preuve prévu au paragraphe 29(3) aux
requérants, en l'espèce et en général, revient à
imposer une obligation impossible à exécuter. À
titre d'exemple, comment les requérants peuvent-
ils prouver à la satisfaction de l'arbitre qu'aucun
membre de la famille de Mohammad ne serait lésé
si l'enquête devait être tenue en public alors qu'ils
peuvent fort bien ignorer, et dans la plupart des
cas ignorent totalement, qui sont les membres de la
famille du demandeur de statut, et où ils se
trouvent.
De même, il est impossible pour les requérants à
l'instance ou dans tout autre cas de prouver que la
tenue en public de l'enquête compromettrait cette
dernière. Dans une certaine mesure, la réponse à
cette question dépend des éléments de preuve que
le demandeur de statut de réfugié entend produire.
Un demandeur de statut provenant des États-Unis
ou du Royaume-Uni pourrait ne pas avoir les
mêmes préoccupations quant à la révélation com-
plète de ses raisons de revendiquer le statut de
réfugié qu'un demandeur de statut venant de l'Ir-
lande du Nord, de l'Iran ou de la Chine, mais les
faits à la source de ces préoccupations, ainsi que
les inquiétudes quant à la sécurité de la famille que
le demandeur de statut a laissée dans son pays
d'origine, seul ce dernier les connaît, et non le
requérant membre du public. Je veux dire par là
que ce n'est pas dans tous les cas de revendication
du statut de réfugié que se produira automatique-
ment un climat dans lequel le demandeur ne sau-
rait se sentir libre de divulguer les raisons de sa
revendication du statut, et qu'il devrait incomber
au demandeur de statut d'établir l'existence d'un
climat qui va réduire sa capacité de divulguer
pleinement les faits qui étayent sa revendication.
De plus, si je comprends bien la position du procu-
reur général du Canada, il est reconnu qu'il peut y
avoir des audiences sur le minimum de fondement
qui pourraient être tenues en public sans pour
autant compromettre l'enquête ou léser le deman-
deur de statut ou sa famille.
À mon avis, si le fardeau de la preuve que le
paragraphe 29(3) impose apparemment au
membre du public est une charge qu'il est impossi
ble d'exécuter dans la pratique et si l'exercice du
pouvoir discrétionnaire de l'arbitre en faveur de la
tenue en public de l'audience dépend de l'exécution
de cette charge, alors, dans les faits et essentielle-
ment, il n'y a pas de pouvoir discrétionnaire et le
paragraphe 29(3) devrait être déclaré inconstitu-
tionnel compte tenu de l'arrêt Southam (No. 1).
Tous les arguments invoqués devant moi repo-
sent sur l'idée que dans l'application du paragra-
phe 29(3), il incomberait au membre du public qui
cherche à faire tenir l'enquête en public d'établir,
au moyen d'éléments de preuve qui seraient pro-
duits par le requérant, que la tenue en public de
l'enquête ne compromettrait pas celle-ci ni ne lése-
rait l'immigrant ou l'un quelconque des membres
de sa famille.
Ainsi que je l'ai indiqué, je déclarerais le para-
graphe 29(3) inconstitutionnel s'il devait s'appli-
quer de cette manière et, n'eût été l'arrêt récent
Pacific Press Ltd. c. Canada (Ministre de l'Em-
ploi et de l'Immigration), [1990] 1 C.F. 419
(C.A.), j'aurais conclu que telle devait être la
manière dont ce paragraphe devrait s'appliquer. À
cet égard, ma décision aurait été infirmée par la
Section d'appel qui a conclu [à la page 6] que,
pour ce qui est du fardeau de la preuve,
... l'affirmation d'un droit d'accès à une procédure judiciaire
ou quasi judiciaire fondé sur l'alinéa 2b) de la Charte doive en
soi, par déduction, répondre à ce léger fardeau et imposer
celui-ci par inversion à la personne qui demande que la presse
soit exclue.
Étant donné cette interprétation du paragraphe
29(3) de la Loi, j'estime que l'équilibre constitu-
tionnel entre le droit d'accès à l'audience et la
protection des droits du demandeur de statut a été
préservé par la restitution à l'arbitre d'un véritable
pouvoir discrétionnaire, celui de déterminer dans
chaque cas d'espèce si l'audience sur le minimum
de fondement devrait être tenue à huis clos ou en
public. Tant que le paragraphe 29(3) s'applique de
cette manière, je ne vois aucune raison de le
déclarer inconstitutionnel.
Il reste à trancher la question de savoir si la
décision de l'arbitre aurait dû reposer sur des
éléments de preuve. Une grande partie de la plai-
doirie portait sur cet aspect de l'affaire, particuliè-
rement celle de l'avocate de Mohammad. Il est
constant qu'aucune preuve n'a été produite et que
l'arbitre a rendu sa décision en se fondant unique-
ment sur des arguments. À cet égard, dans les
circonstances presque identiques de l'affaire
Pacific Press Ltd. (précitée), le juge Mahoney,
J.C.A., a fait cette remarque [aux pages 6 et 7]:
Sa raison de conclure à la tenue d'une enquête à huis clos était
fondée uniquement sur des arguments non contestés, et non pas
des éléments de preuve, selon lesquels l'épouse de M. McVey,
résidant quelque part aux États-Unis, [TRADUCTION] «souffre
d'un cancer en phase terminale et que la publicité découlant
d'une enquête pourrait avoir un grave effet préjudiciable sur sa
santé». Rien n'a été dit des autres mesures qui pourraient
raisonnablement être prises pour l'empêcher de prendre con-
naissance de l'enquête. A mon avis, cela ne constituait pas un
fondement approprié justifiant l'exercice d'un pouvoir discré-
tionnaire en faveur de la tenue d'une enquête à huis clos. Peu
importe ce que comporte la liberté de la presse, il doit certaine-
ment y avoir des éléments de preuve pour justifier qu'on y porte
atteinte dans une instance judiciaire ou quasi judiciaire. L'arbi-
tre a commis une erreur de droit en rendant l'ordonnance sans
élément de preuve pour la justifier.
Le problème de l'arbire découlait directement de son refus de
tenir l'enquête à huis clos à la suite de la demande des
requérants qu'elle soit tenue publiquement. Par conséquent, M.
McVey a refusé de produire des éléments de preuve. Si l'on
suppose que la tenue d'une enquête à huis clos en vertu de la
Loi sur l'immigration peut être justifiée sans égard à l'alinéa
2b) de la Charte, il semble évident que la personne qui
demande d'exclure la presse puisse avoir la possibilité de pré-
senter les éléments de preuve nécessaires dans des conditions
qui empêcheront leur divulgation et leur publication. Les avo-
cats expérimentés vont pouvoir proposer diverses mesures
acceptables pour conserver la confidentialité tout en permettant
que les éléments de preuve soient évalués par les parties
opposées.
En l'espèce aussi, l'arbitre n'a pas semblé faire
la distinction entre l'audience sur le minimum de
fondement dont on ne sait pas si elle devait avoir
lieu à huis clos ou non et l'audition de la demande
visant à faire tenir en public l'audience sur le
minimum de fondement. Ses problèmes à cet
égard, ont été, j'imagine, multipliés par l'affirma-
tion de l'avocate de Mohammad selon laquelle elle
était disposée à produire seulement à huis clos et
en l'absence des requérants des éléments de preuve
pour contester la demande de tenue en public de
l'audience. Cette dernière condition que l'avocate
de Mohammad a cherché à faire imposer reposait
sur l'impression erronée, comme elle l'a depuis
reconnu, que les avocats des requérants ne pou-
vaient donner un engagement de confidentialité
qui les lierait ainsi que leurs clients, c'est-à-dire la
presse.
Par ces motifs, il sera rendu une ordonnance
a) annulant la décision par laquelle l'arbitre
Joseph Kenney a, le 22 août 1989, ordonné que
l'audience initiale sur le statut de Mahmoud
Mohammad Issa Mohammad soit tenue en l'ab-
sence des requérants, et interdisant à l'arbitre de
poursuivre l'enquête jusqu'à ce qu'il ait entendu
la demande introduite par les avocats des requé-
rants pour faire tenir l'enquête en public, con-
formément à l'interprétation que le juge Maho-
ney, J.C.A., a donnée au paragraphe 29(3) la
Loi dans l'arrêt Pacific Press Ltd. c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration).
b) refusant de déclarer inopérant ou inconstitu-
tionnel le paragraphe 29(3) de la Loi sur
l'immigration.
En vertu de l'alinéa 337(2)b) des Règles de la
Cour fédérale, les avocats des requérants sont
priés de rédiger un projet d'ordonnance et de le
remettre aux avocats des intimés et de l'interve-
nante pour qu'ils l'approuvent quant à la forme, et
de me le soumettre pour que je l'examine et, s'il est
accepté, pour qu'il soit enregistré.
Il n'y aura pas lieu à adjudication des dépens.
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