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T-1952-87
Karl Mueller Construction Ltd. (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: KARL MUELLER CONSTRUCTION LTD. C. CANADA (1 1e INST.)
Section de première instance, juge Joyal—Edmon- ton, 7 avril; Ottawa, 29 août 1989.
Couronne Pratique Prescription des actions Une action en responsabilité contractuelle et délictuelle est intentée contre la Couronne relativement à des travaux de construction de route ayant eu lieu dans les Territoires du Nord-Ouest Le contrat est interprété aux fins de préciser les faits qui sont importants Le fardeau d'établir la prescription incombe à la partie qui l'allègue Règle contra proferentum La cause d'action n'est née qu'après le dépôt du certificat définitif d'achèvement de l'ingénieur; c'est alors que le refus de payer de la défenderesse a constitué une rupture de contrat La demande de paiement antérieure et l'exercice par la Couronne de son droit de retirer le contrat des mains de la demanderesse sont sans conséquence à cet égard L'art. 39 de la Loi sur la Cour fédérale et l'art. 32 de la Loi sur la responsabilité de l'État établissent une prescription de six ans en ce qui concerne une cause d'action dont le fait générateur n'est pas survenu dans une province, que la responsabilité visée soit d'ordre contractuel ou délictuel Les dispositions législatives alber- taines régissant la prescription des actions ne sont pas applica- bles puisque le fait générateur de l'action n'est pas survenu en Alberta L'ordonnance des Territoires du Nord-Ouest est inapplicable puisque ceux-ci ne constituent pas une province.
Couronne Contrats L'action, fondée sur un contrat, est intentée à l'égard de travaux impayés Les travaux de construction d'une route ont été retirés des mains de la deman- deresse en octobre 1980 Une demande formelle a été déposée immédiatement Le certificat définitif d'achèvement n'a été déposé qu'en juin 1985 L'action a été entamée en 1987 L'action fondée sur le contrat n'est pas prescrite Le fait générateur d'action est survenu lors du dépôt du certificat définitif d'achèvement, lorsque le refus de payer est devenu une rupture de contrat donnant ouverture à une action Une demande fondée sur le contrat n'est qu'une demande fondée sur la violation de l'engagement de faire des paiements L'exercice par la Couronne de son droit de retirer le contrat des mains de la demanderesse ne constitue pas une rupture.
Couronne Responsabilité délictuelle Projets de cons truction de routes Le rejet de six soumissions peu élevées qui a eu lieu sur une période de plusieurs années est-il malicieux, empreint de négligence? Il ne s'agit pas d'un délit continu Sauf celle concernant le projet de 1980, les différentes demandes ont été présentées dans le délai applica ble La demande subsidiaire fondée sur la négligence et la fausse représentation est prescrite.
Dans la présente espèce, des questions de droit doivent être tranchées sur le fondement d'un exposé conjoint des faits. Ces questions sont les suivantes: (1) l'action de la demanderesse
est-elle prescrite par l'application de dispositions législatives provinciales ou fédérales? et (2) quelles dispositions législatives lui sont applicables? Le 1C octobre 1980, des travaux prévus à un contrat de construction de route ont été retirés des mains de la demanderesse avant leur achèvement pour des motifs de retard et de manque de diligence. Le contrat stipulait que, dans de telles circonstances, l'ingénieur établirait le montant à l'entrepreneur. La demanderesse a déposé une demande for- melle le 15 octobre 1980. La défenderesse n'a déposé un certificat définitif d'achèvement des travaux que le 24 juin 1985. Le 18 septembre 1987, la demanderesse a intenté une action fondée sur le contrat qui alléguait des travaux impayés ainsi qu'une action en responsabilité délictuelle demandant l'adjudication de dommages-intérêts pour fausses représenta- tions dans les appels d'offres et la négligence qui aurait été démontrée dans l'administration du contrat. Elle réclame égale- ment des dommages-intérêts pour le rejet malicieux, empreint de négligence ou injuste de plusieurs des offres les moins élevées qu'elle aurait présentées en 1980, 1983, 1985, 1986 et 1987. La Couronne a soutenu que, en vertu de l'article 4 de la Limitation of Actions Act de l'Alberta, l'action fondée sur le contrat était devenue prescrite six ans après sa rupture (c.-à-d. en octobre 1986). La demanderesse a soutenu que le fait générateur de sa demande n'est survenu qu'une fois déposé le certificat définitif d'achèvement de l'ingénieur. La question soulevée est celle de savoir si la rupture alléguée de l'obligation de payer que faisait le contrat à la Couronne est survenue lorsque celle-ci a retiré le contrat des mains de la demanderesse ou à une date subséquente. La Couronne a également prétendu que l'action délictuelle était analogue à l'action en discrédit de titre—une variété de l'action en diffamation—et se trouvait prescrite après l'écoulement de deux ans en vertu de l'article 51 de la Loi albertaine. La demanderesse a soutenu que les actions posées par la Couronne relativement aux différents contrats constituaient un délit continu. Subsidiairement, dans l'éventua- lité chaque rejet constituait une cause d'action distincte et la règle des six ans était applicable, seul le rejet survenu en 1980 était prescrit.
Jugement: l'action fondée sur le contrat n'est pas prescrite sous le régime de la législation applicable-la Loi sur la Cour fédérale ou la Loi sur la responsabilité de l'État. Sauf en ce qui concerne la soumission relative au projet de construction de 1980, l'action en responsabilité délictuelle a également été intentée en temps opportun. La demande subsidiaire fondée sur la négligence et les fausses représentations est prescrite depuis octobre 1986.
Une cause d'action prend naissance, aux fins de la prescrip tion, lorsque les faits importants sur lesquels repose cette cause ont été découverts. Aux fins de déterminer lesquels des faits sont importants, la Cour doit scruter les diverses stipulations du contrat en gardant à l'esprit que le fardeau d'établir la prescrip tion est imposé à la partie qui l'allègue et que, le contrat ayant été rédigé par la Couronne, l'interprétation qui en est choisie doit être celle qui est la plus favorable à la demanderesse (la règle contra proferentum). Le fait que le contrat ait été retiré des mains de la demanderesse et que cette dernière ait immé- diatement réclamé d'être payée à son égard n'a aucune consé- quence juridique sur la naissance de la cause d'action. Une demande fondée sur le contrat est une demande fondée sur l'engagement d'effectuer les paiements conformément aux con ditions qui s'y trouvent stipulées. L'exercice par Sa Majesté de
son droit de retirer le contrat des mains de l'entrepreneur ne constituait pas en soi une rupture. La cause d'action fondée sur le contrat n'a pris naissance qu'une fois que Sa Majesté a refusé de payer lors du dépôt du certificat définitif d'achève- ment. Un bon nombre des dispositions du contrat relèvent de l'ingénieur, et, jusqu'à ce que le certificat définitif d'achève- ment ait été délivré et que Sa Majesté ait refusé de payer, il n'a existé aucune rupture de contrat donnant ouverture à une action.
Les agissements de Sa Majesté ne constituent pas un délit continu. Une série d'actes indépendants et séparés, qui ont peut-être été posés par des personnes différentes à des moments différents, et qui entraînent un préjudice d'un type particulier, ne constituent pas un délit continu. La demande subsidiaire fondée sur la négligence et les fausses représentations est devenue prescrite en octobre 1986, mais les réclamations dis- tinctes fondées sur la responsabilité délictuelle (sauf celle ayant trait au projet de construction de route de 1980) ont été présentées dans le délai applicable.
L'action a été intentée contre la Couronne fédérale, et la Cour fédérale connaît de celle-ci de façon exclusive. L'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale et l'article 32 de la Loi sur la responsabilité de l'État prévoient que les règles de droit d'une province en matière de prescription s'appliquent à toute ins tance dont le fait générateur d'action est survenu dans cette province, mais que le délai de prescription est de six ans à compter du fait générateur lorsque celui-ci n'est pas survenu dans une province. La Limitation of Actions Act de l'Alberta n'est pas applicable puisque le fait générateur de l'action est survenu dans les Territoires du Nord-Ouest. La Limitation of Actions Ordinance des Territoires du Nord-Ouest n'est pas applicable puisque les Territoires du Nord-Ouest ne constituent pas une province. Sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale comme sous celui de la Loi sur la responsabilité de l'État, la période de prescription est six ans, que l'action soit fondée sur un contrat ou sur un délit.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Limitation of Actions Act, R.S.A. 1980, chap. L-15, art. 4, 51.
Limitation of Actions Ordinance, R.O.N.W.T. 1974, chap. L-6, art. 3.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 39.
Loi sur la responsabilité de l'État, L.R.C. (1985), chap. C-50, art. 32.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 474.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Rittinger Construction Ltd. v. Clark Roofing (Sask.) Ltd. (1967), 65 D.L.R. (2d) 158 (B.R. Sask.); confirmée par (1968), 68 D.L.R. (2d) 670 (C.A. Sask.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Kamloops (ville de) c. Nielsen et autres, [1984] 2 R.C.S.
2; Central Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147.
DÉCISIONS CITÉES:
Mott v. Trott, [1943] R.C.S. 256; McBride v. Vacher & Vacher, [1951] 2 D.L.R. 274 (C.A. Ont.); Power v. Halley (1981), 124 D.L.R. (3d) 350 (C.A.T.-N.).
DOCTRINE
Fleming, John G. The Law of Torts, 7 0 éd. Sydney: Law Book Company, 1987.
Halsbury's Laws of England, 4 ° éd. Londres: Butter- worths, 1987.
Heuston, R. F. V. et Buckley R.A. Salmond et Heuston, The Law of Torts, 19 ° éd. Londres: Sweet & Maxwell, 1977.
Linden, Allen M. Canadian Tort Law, 4 0 éd. Toronto: Butterworths, 1988.
AVOCATS:
Bruce E. Mintz pour la demanderesse. Kirk Lambrecht pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Lefsrud, Coulter & Kerby, Edmonton, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE JOYAL: Le 18 septembre 1987, la demanderesse a déposé à cette Cour une déclara- tion dans laquelle elle réclamait des dommages- intérêts sous plusieurs chefs contre la Couronne défenderesse.
La demande découle d'un contrat de construc tion de route qui a été adjugé à la demanderesse par le ministère des Travaux publics le 10 janvier 1979 et qui se rapportait au projet de la route Liard des Territoires du Nord-Ouest. Au cours de l'exécution de ce contrat, l'ouvrage a été retiré des mains de la demanderesse pour des motifs de retard et de manque de diligence. La demande- resse soutient que cette mesure était injustifiée et que la faute en cause était imputable à l'État, qui avait fait de fausses représentations et s'était montré négligeant en ce qui concernait la nature de l'ouvrage à accomplir. La demanderesse réclame un montant de quelque 500 000 $ pour le travail à l'égard duquel elle n'a pas été rémunérée et à titre de dommages-intérêts.
De plus, la demanderesse soutient que, ayant déposé plusieurs fois l'offre la plus basse relative- ment à d'autres travaux de construction routière au cours de la période allant de 1980 à 1987, elle a vu ses offres rejetées de façon malicieuse, capri- cieuse, négligente ou injuste par la défenderesse. La demanderesse réclame à cet égard des domma- ges-intérêts généraux de 300 000 $ et des domma- ges punitifs de 100 000 $.
Dans sa défense, la Couronne allègue, entre autres, que la cause d'action fondée sur le contrat comme la cause d'action délictuelle sont prescrites par le jeu des articles 4 et 51 de la Limitation of Actions Act, R.S.A. 1980, chap. L-15. L'article 4 prévoit une prescription de six ans à l'égard d'une action en responsabilité contractuelle tandis que l'article 51 attache une prescription de deux ans aux actions en responsabilité délictuelle.
Subséquemment, les parties ont convenu de sou- mettre la question de la prescription à cette Cour pour qu'elle la tranche conformément à la Règle 474 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663]. Les parties se sont entendues sur un exposé des faits, et elles ont énoncé la question de droit de la manière suivante:
L'action de la demanderesse est-elle prescrite en tout ou en partie par l'application de l'une des lois suivantes ou de toutes les lois suivantes:
(a) la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, article 39;
(b) Limitation of Actions Act, R.S.A. 1980, chap. L-15, articles 4 et 51;
(c) Limitation of Actions Ordinance, R.O.N.W.T. 1974, chap. L-6, article 3; et
(d) la Loi sur la responsabilité de l'État, L.R.C. (1985), chap. C-50, article 32?
LES FAITS
Le contrat conclu entre la demanderesse et Sa Majesté concernait un tronçon de trois milles de la route Liard des Territoires du Nord-Ouest. La demanderesse a oeuvré à l'exécution du contrat à partir du 10 janvier 1979, la date à laquelle il lui a été adjugé, jusqu'au ler octobre 1980, la date à laquelle l'ouvrage lui a été retiré des mains en vertu de la clause numéro 16 des Conditions Géné- rales «C» du contrat. Dans cette clause, Sa Majesté se réserve le droit de prendre charge d'un contrat
lorsqu'il existe un retard, un défaut ou un manque de diligence et qu'il n'y est pas remédié après l'écoulement d'un certain délai de préavis. Après avoir prévu l'adoption d'une telle mesure par Sa Majesté, la clause numéro 16 poursuit:
16....
(2) Lorsque la totalité ou quelque partie des travaux a été retirée des mains de l'Entrepreneur en vertu du paragraphe (1), l'Entrepreneur n'aura droit, sauf dispositions du paragraphe (3), à aucun autre paiement, y compris les paiements alors dus et exigibles mais non effectués; l'obligation de Sa Majesté de faire des paiements, aux termes des Modalités de paiement, cessera dès lors et l'Entrepreneur sera tenu de payer et paiera à sa Majesté, sur mise en demeure, un montant égal à la totalité des pertes et dommages que Sa Majesté aura subis en raison du non-achèvement des travaux par l'Entrepreneur.
(3) Lorsque la totalité ou quelque partie des travaux a été retirée des mains de l'Entrepreneur en vertu du paragraphe (1), et que l'achèvement en a été assuré plus tard par Sa Majesté, l'Ingénieur doit établir le montant, s'il en est, de la retenue et des demandes de paiement sur évaluation provisoire de l'Entre- preneur, qui étaient impayées au moment les travaux ont été retirés de ses mains, dont, selon l'Ingénieur, Sa Majesté n'a pas besoin aux fins du contrat et le Ministre doit, s'il est d'avis que Sa Majesté n'en subira pas de préjudice financier, autoriser le paiement dudit montant à l'Entrepreneur.
La clause numéro 17 prévoit pour sa part que:
17.(1) Le retrait de la totalité ou d'une partie des travaux des mains de l'Entrepreneur, en conformité de l'article 16 des Conditions générales, n'a pas pour effet de libérer l'Entrepre- neur d'une obligation quelconque en vertu du contrat ou que la loi lui impose, si ce n'est de l'obligation d'achever l'exécution matérielle de la partie des travaux ainsi retirée de ses mains.
Le 15 octobre 1980, la demanderesse a présenté une demande formelle au montant de 575 000 $ à la défenderesse. Quelques mois plus tard, le 31 janvier 1981, la demanderesse a déposé une demande complémentaire au montant de 67 000 $.
Entre 1981 et 1985, la demanderesse a tenté sans succès d'obtenir le paiement des sommes qui précèdent de la défenderesse.
Ce n'est que le 24 juin 1985 que la défenderesse a déposé un certificat définitif d'achèvement du contrat. Ensuite, le 29 octobre 1985, la défende- resse a offert un montant de 19 090,06 $ à la demanderesse en paiement final des sommes dues en vertu du contrat. Cette offre n'a pas été accep- tée par la demanderesse, qui, quelque deux ans plus tard, le 18 septembre 1987, a intenté son action fondée sur le contrat. À cette action a évidemment été jointe l'action en responsabilité délictuelle que j'ai déjà mentionnée. Les prescrip-
tions applicables aux contrats et aux délits ris- quant d'être différentes, j'examinerai cette der- nière action séparément un peu plus loin.
L'ACTION FONDÉE SUR LE CONTRAT
I. La position de Sa Majesté
Sa Majesté prétend que la demande de la demanderesse peut être divisée en trois parties. Il y a l'action relative au contrat qui a été retiré des mains de la demanderesse le 1 e ' octobre 1980 et sur lequel est fondée une demande de dommages- intérêts alléguant que ce contrat a été rompu, que les documents de l'offre étaient entachés de fausses représentations et que l'administration de ce con- trat a été faite avec négligence. Sa Majesté sou- tient que, dans l'hypothèse il y aurait eu rup ture du contrat, les prescriptions auraient commencé à courir à la date même de cette rup ture et l'action serait devenue prescrite quelque six ans plus tard, soit vers octobre 1986.
Sa Majesté reconnaît toutefois que la seconde demande fondée sur le contrat, qui procède du litige relatif à l'appréciation finale par Sa Majesté des sommes d'argent dues en vertu de son certifi- cat final d'achèvement en date du 24 juin 1985, n'est pas prescrite.
II. La position de la demanderesse concernant le contrat
Le point de vue de la demanderesse est fondé avant tout sur la nature du contrat conclu par Sa Majesté et sur les différentes stipulations de celui-ci ayant trait à la méthode de calcul et au paiement des coûts qui s'y rapportent.
La demanderesse affirme que le contrat stipulait un prix unitaire mettant en jeu à la fois les quanti- tés visées et les différentes conditions de sol. Une erreur de calcul commise par Sa Majesté à cet égard serait à l'origine des dépassements de coûts considérables de la demanderesse qui ont donné lieu à une action de type quantum meruit. Les conditions du paiement de cet ouvrage à prix unitaire sont établies à l'article II des articles de Convention. L'évaluation du montant du paiement lui-même est fondée sur une formule qui prévoit des additions ou des modifications ou l'application de l'article 46 des Conditions Générales «C». La clause numéro 2 de cet article énonce une formule détaillée servant à déterminer tout montant dû; à
l'analyse, cette formule n'applique ni plus ni moins que le principe du quantum meruit.
La demanderesse souligne également que l'ingé- nieur nommé en vertu du contrat est investi d'un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les mesures à prendre face aux changements dans les conditions du sol et en ce qui concerne l'apprécia- tion des demandes relatives aux extras; selon la demanderesse, l'ingénieur doit ainsi s'assurer que le [TRADUCTION] «fardeau résultant d'une aug mentation importante des coûts ne soit pas imposé à l'entrepreneur».
Selon l'interprétation que fait la demanderesse des liens contractuels existant entre les parties, ses demandes du 15 octobre 1980 et du 31 janvier 1981 sont demeurées impayées et en suspens jus- qu'à ce que le certificat final d'achèvement de l'ingénieur soit déposé le 24 juin 1985. Ce certifi- cat déclare:
[TRADUCTION] Prix unitaires révisés établis par l'ingénieur pour permettre un règlement équitable et raisonnable entre les parties conformément à l'article II(2)(e) de la Convention.
La demanderesse conclut que les dépassements de coûts reliés au contrat se trouvent déterminés conformément au principe du quantum meruit suivant l'appréciation de l'ingénieur. Lorsqu'il exerce le pouvoir qu'il détient à cet égard, l'ingé- nieur doit décider quelles obligations sont imposées quoi qu'il en soit à l'entrepreneur en vertu du contrat et déterminer la nature et la mesure des conditions du sol qui entraînent une augmentation importante des coûts de l'entrepreneur.
En conséquence, la demande de la demanderesse ne peut naître avant que le certificat définitif d'achèvement n'ait été déposé par l'ingénieur. C'est à ce moment-là que la demande de la deman- deresse se crystallise et que la cause d'action prend naissance. Finalement, ce n'est qu'alors que le défaut de payer de Sa Majesté devient une rupture de contrat donnant ouverture à une action en justice.
LES CONCLUSIONS RELATIVES À L'ACTION FONDÉE SUR LE CONTRAT
La règle de base déterminant le commencement du délai de prescription applicable à toute cause d'action a été énoncée dans l'arrêt Kamloops (ville de) c. Nielsen et autres, [1984] 2 R.C.S. 2, et répétée par le juge Le Dain dans l'arrêt Central
Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147, lorsqu'il a dit à la page 224:
Je suis donc d'avis que le jugement de la Cour à la majorité dans l'affaire Kamloops pose une règle générale selon laquelle une cause d'action prend naissance, aux fins de la prescription, lorsque les faits importants sur lesquels repose cette cause d'action ont été découverts par le demandeur ou auraient l'être s'il avait fait preuve de diligence raisonnable; ...
Le libellé de cette règle générale est assez simple. Son application est toutefois plus difficile, puisqu'elle exige de la Cour qu'elle décide lesquels parmi les faits sont suffisamment importants pour que le délai de prescription applicable commence à courir.
De façon générale, dans les affaires mettant en jeu un contrat, il a été décidé que la prescription commençait à courir à partir de la rupture de contrat. Les arrêts Mott v. Trott, [1943] R.C.S. 256; McBride v. Vacher & Vacher, [1951] 2 D.L.R. 274 (C.A. Ont.); Power v. Halley (1981), 124 D.L.R. (3d) 350 (C.A.T.-N.), confirment tous cette proposition. La question soulevée devant moi est donc celle de savoir si la violation par Sa Majesté de l'obligation de payer que lui faisait le contrat est survenue au moment Sa Majesté a unilatéralement retiré le contrat des mains de la demanderesse pour ensuite omettre de satisfaire aux demandes de paiement présentées au cours des
années 1980 1985, ou si la rupture du contrat pour défaut de payer est survenue à une date subséquente.
Pour quiconque est familier avec les contrats de construction auxquels Sa Majesté est partie, il va sans dire que leurs stipulations et conditions ont été élaborées en s'ajoutant les unes aux autres pièce à pièce pendant de nombreuses années et n'ont pas toujours un sens clair ou une cohérence évidente.
Les articles de convention déposés au dossier comportent six pages imprimées en petits caractè- res. Ce document est suivi de l'annexe «B», qui s'intitule «modalités de paiement» et comprend quatre pages imprimées en petits caractères. Ces documents sont suivis des Conditions Générales «C», qui comportent 48 articles s'étendant sur 18 pages, également imprimées en petits caractères. Il existe également d'autres appendices ayant trait à la Catégorie de travail, d'outillage et de maté-
riaux, à la Quantité estimative et au prix unitaire, ainsi qu'aux Conditions de travail et à la Classifi cation de la main d'oeuvre, y compris les taux de rémunération applicables à 67 différents corps de métiers ou occupations. J'ajouterais que toutes les stipulations de fond de ces documents contractuels se trouvent rédigées ou imprimées par Sa Majesté. Elles constituent ce que le droit civil appelle des «contrats d'adhésion», et la règle contra proferen- tum (contre le rédacteur) joue en faveur de la demanderesse.
Quoi qu'il en soit, il incombe à la Cour de scruter les diverses stipulations interactives de tels contrats en gardant à l'esprit deux préceptes fon- damentaux, qui veulent que le fardeau d'établir l'effet d'une prescription soit imposé à la partie qui l'allègue et que, dans le cas cette démonstration implique l'interprétation de certaines stipulations ambiguës des documents contractuels eux-mêmes, l'interprétation choisie, pour les motifs énoncés ci-haut, doive être celle qui est la plus favorable à la demanderesse.
Par exemple, dans l'arrêt Rittinger Construction Ltd. v. Clark Roofing (Sask.) Ltd. (1967), 65 D.L.R. (2d) 158 (B.R. Sask.); confirmé par (1968), 68 D.L.R. (2d) 670 (C.A. Sask.), la Cour se trouvait confrontée à un problème d'interpréta- tion de contrat dont la solution devait déterminer le début du délai de la prescription. Ce contrat, qui prévoyait la construction d'un toit, stipulait que l'entrepreneur corrigerait les défauts de celui-ci dans l'année de son achèvement. Des défauts se sont manifestés, et les efforts qui ont été entrepris afin d'y remédier pendant les quatre années qui ont suivi se sont avérés vains. La prescription de six ans a été soulevée, mais la Cour a conclu que le délai n'avait pas commencé à courir à partir de la date de l'achèvement mais à compter de la der- nière tentative de remédier aux défauts constatés ou, à tout le moins, à partir d'une année à compter de la date à laquelle le contrat avait été effective- ment achevé.
Les stipulations suivantes des documents con- tractuels qui me sont soumis valent d'être soulignées:
(1) en vertu de la clause numéro 6 des Modali- tés de paiement «B», le retard par Sa Majesté à faire un paiement lorsqu'il devient et exigible «est censé ne pas être une rupture du contrat»;
(2) lorsque la clause numéro 4 des Modalités de paiement «B» est combinée au paragraphe 16(3) des Conditions Générales «C», Sa Majesté ne devient légalement tenue au paiement des mon- tants impayés qui sont dus à la demanderesse qu'à l'expiration de 60 jours suivant la déli- vrance d'un certificat définitif d'achèvement;
(3) en vertu de la clause numéro 5 des Modali- tés de paiement «B», une clause qui reflète la formule du report de paiement prévue à la clause numéro 4, ni un rapport sur l'état des travaux ni un paiement effectué par Sa Majesté ne doivent être interprétés comme une preuve que les travaux et les matériaux sont, en tout ou en partie, complets, satisfaisants ou conformes au contrat.
Mon interprétation de ces clauses, qui ne tient pas compte de la question de savoir si elles ont été insérées dans le contrat par Sa Majesté aux fins d'accorder des périodes de prescription généreuses aux entrepreneurs insatisfaits—ce dont je doute fort—est qu'elles prévoient qu'une cause d'action fondée sur un défaut de respecter l'engagement de payer ne peut prendre naissance avant que Sa Majesté ne soit juridiquement obligée de payer la demanderesse mais refuse de le faire. À mon sens, le fait que le contrat ait été retiré des mains de la demanderesse et que cette dernière ait immédiate- ment réclamé d'être payée à son égard n'aurait aucune conséquence juridique sur le report de la cause d'action de la demanderesse. Dans l'hypo- thèse la demanderesse aurait agi dès que le contrat a été retiré de ses mains, Sa Majesté, en se fondant sur ces mêmes stipulations, aurait pu sou- tenir que les paiements n'étaient pas encore dus aux termes du contrat.
À mon point de vue, une demande fondée sur ce contrat est une demande fondée sur la violation par Sa Majesté de son engagement de faire ses paiements conformément aux conditions qui s'y trouvent stipulées. L'exercice par Sa Majesté de son droit de retirer le contrat des mains de l'entre- preneur en vertu de la clause numéro 16 des Conditions Générales «C» ne me semble pas en soi constituer une rupture. En fait, la clause numéro 17 stipule que, dans un tel cas, la demanderesse demeure contractuellement liée par toutes les con ditions et obligations stipulées à l'exception de celles voulant qu'il achève la partie des travaux qui a été retirée de ses mains.
Je dois observer qu'il me serait difficile de con- clure qu'un contrat pris en charge, d'une part, subsiste aux fins d'obliger une partie à satisfaire à ses obligations, mais, d'autre part, ne survit pas dans les engagements qu'il prévoit à l'égard du paiement.
Je dois donc souscrire au point de vue de la demanderesse voulant que la cause d'action fondée sur le contrat ne prenne naissance qu'une fois que Sa Majesté a refusé de payer lors du dépôt du certificat définitif d'achèvement. Ce n'est qu'à partir de cette date que la demanderesse est cer- taine que Sa Majesté refuse effectivement de lui payer ce que la demanderesse considère être son et que Sa Majesté, en conséquence, a rompu le contrat. En raison de la nature du contrat, bon nombre de ses autres dispositions (parmi lesquelles figurent celles qui ont trait à l'appréciation de ce qui constitue une quantité conforme aux exigences du contrat et à la fixation des prix unitaires paya- bles en fonction de la nature des conditions de sol prévues, ou, de façon générale, la question de savoir quels dépassements de coûts doivent être imputés à la demanderesse et quels dépassements de coûts doivent être imputés à Sa Majesté) relè- vent de l'ingénieur en vertu de la clause 34 et de la clause 12 des Conditions Générales «C» ou en vertu de paragraphe (2) de l'Article II des Articles de convention. Jusqu'à ce que toutes ces questions aient été réglées (de manière à permettre la déli- vrance d'un certificat définitif d'achèvement) et que Sa Majesté ait refusé de payer, il n'existe aucune rupture de contrat donnant ouverture à une action. En conséquence, si l'on présume que la prescription applicable est de six ans, la demande présentée par la demanderesse sous ce chef n'est pas prescrite.
Il est vrai que la demanderésse présente sous le même chef une demande subsidiaire qui, par ses allégations voulant que Sa Majesté ait fait montre de négligence ou ait fait de fausses représentations, présente les caractéristiques d'une action fondée sur un délit. Dans un tel cas, une prescription différente pourrait s'appliquer et il pourrait être soutenu que les faits importants sur lesquels repose la présente demande ont été connus de la deman- deresse dès 1980. L'avocat de la demanderesse reconnaît que la déclaration peut devoir être modi-
fiée aux fins de mieux clarifier ces deux causes d'action. Considérant la_ souplesse qui caractérise la modification des actes de procédure, je devrais laisser l'initiative en cette matière à l'avocat de la demanderesse et confier le soin de décider de cette question au juge qui présidera le procès.
L'ACTION DÉLICTUELLE
I. La position de Sa Majesté
L'avocat de Sa Majesté considère la présente action comme analogue à l'action en discrédit de titre. Cette dernière est une variété de l'action en diffamation. L'avocat de Sa Majesté soutient qu'une telle action est régie par la prescription de deux ans, et donc que toute demande relative à un préjudice survenu avant le 18 septembre 1985 est prescrite.
II. La position de la demanderesse
Comme le dit l'exposé conjoint des faits, des offres peu élevées ont été soumises par la deman- deresse relativement à divers projets de Sa Majesté au cours des années 1980, 1983, 1985, 1986 et 1987. Six offres au total ont été rejetées par Sa Majesté, et la demanderesse considère ce compor- tement comme malicieux, non fondé, capricieux, empreint de négligence et injuste. La demande- resse réclame un montant total de 565,000 $ au titre de la perte des profits qu'elle aurait réalisés grâce à ces contrats.
La demanderesse soutient que ces événements, qui se situent entre 1980 et 1987, se sont déroulés de façon continue. Subsidiairement, dans l'éven- tualité chaque rejet constitue une cause d'action distincte, seul le rejet survenu en 1980 serait pres- crit s'il était décidé que la règle des six ans est applicable.
LES CONCLUSIONS RELATIVES À L'ACTION DÉLIC- TUELLE
Il n'est pas facile de déterminer si les actes posés par Sa Majesté à l'égard de tous ces contrats constituent un délit continu ou une cause d'action continue. Les auteurs Fleming, dans The Law of Torts, Salmond et Heuston, dans The Law of Torts ou Linden, dans Canadian Tort Law et l'ouvrage Halbury's Laws of England ne semblent pas définir ce qui constitue un délit continu ou, à
tout le moins, ne sembleraient pas mentionner d'affaire comportant des faits aussi singuliers et aussi particuliers que ceux de l'espèce.
L'on pourrait dire qu'un demandeur subissant un premier rejet n'en attribue pas nécessairement la cause à un délit. Cette possibilité pourrait même ne pas lui venir à l'esprit lors d'un second rejet. Il est donc nécessaire qu'une certaine période se soit écoulée pour que l'accumulation des rejets four- nisse les faits importants sur lesquels pourrait reposer une demande fondée sur un délit. Dans un tel cas, les différents rejets pourraient conduire à une conclusion qu'il existe un délit continu.
D'autre part, d'aucuns pourraient soutenir que, pour pouvoir être considéré comme continu, un délit doit provenir d'une conduite entraînant un préjudice ou des conséquences qui se poursuivent sur une certaine période. L'élément qui est néces- saire n'est donc pas la répétition du délit lui-même mais les conséquences qui découlent de ce délit ou se poursuivent par le fait d'une volonté arrêtée ou en raison des circonstances. Tel pourrait être le cas d'une intrusion continue.
Je dois conclure que les agissements de Sa Majesté ne peuvent s'interpréter comme consti- tuant un délit continu. Une série d'actes indépen- dants ou séparés, qui ont peut-être été posés par des personnes différentes à des moments différents, et qui entraînent un préjudice d'un type particu- lier, ne peuvent être qualifiés de délit continu. Illustrons notre propos par un exemple. Si un pamphlet diffamatoire était rédigé et distribué par une personne, et que certains extraits de ce pamp hlet étaient par la suite publiés par une revue ou un journal, il y aurait peut-être délit continu don- nant lieu à une seule cause d'action. Toutefois, dans l'hypothèse une série de pamphlets diffa- matoires différents seraient rédigés et distribués par différentes personnes à plusieurs dates diffé- rentes, la responsabilité reliée à ces actes devrait être considérée cas par cas et non dans le cadre d'une seule cause d'action.
Qui plus est, sur le fondement de l'exposé con joint des faits, je suis malheureusement incapable d'ajouter quoi que ce soit à ce sujet. Si, dans une action délictuelle normale, ainsi qu'il est déclaré dans l'arrêt Kamloops (susmentionné), une cause d'action prend naissance, aux fins de la prescrip-
tion, lorsque les faits importants sur lesquels repose cette cause d'action ont été ou auraient être découverts par le demandeur, je ne dispose d'aucune preuve me permettant de tirer une con clusion concernant cette question. Je dois laisser aussi ce point à l'appréciation du juge du procès. Toutefois, comme on le verra, même en adoptant le scénario le plus favorable à Sa Majesté, la plupart des demandes distinctes, sinon toutes ces demandes, pourraient encore être présentées dans le délai de prescription fixé.
LA LOI APPLICABLE
Il a été demandé à la Cour de trancher le point de droit consistant à savoir quelle loi sur la pres cription s'applique à la présente espèce. Elle doit à présent étudier cette question.
Les actes de procédure mentionnent quatre lois, savoir la Loi sur la Cour fédérale, la Loi sur la responsabilité de l'État, la Limitation of Actions Act de l'Alberta et la Limitation of Actions Ordi nance des Territoires du Nord-Ouest.
Il est un fait que l'action intentée par la deman- deresse a pour défenderesse la Couronne fédérale et que la Cour fédérale du Canada connaît de celle-ci de façon exclusive. Il est également avéré que la demanderesse est constituée en société dans les Territoires du Nord-Ouest et que l'exécution du contrat avait lieu dans ce ressort. Le fait addi- tionnel que l'action a été intentée au greffe d'Ed- monton n'est toutefois pas pertinent, à mon sens, à une décision à laquelle les lois qui précèdent sont applicables.
Les prescriptions régissant les instances se déroulant devant la Cour fédérale sont prévues à l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale, qui est ainsi libellé:
39. (1) Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance devant la Cour dont le fait générateur est survenu dans cette province.
(2) Le délai de prescription est de six ans à compter du fait générateur lorsque celui-ci n'est pas survenu dans une province.
(3) Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles de droit en matière de prescription visées aux paragraphes (1) et (2) s'appliquent à toutes les procédures engagées par ou contre la Couronne.
Je note que, selon les termes de la disposition qui précède, les règles de prescription d'une pro vince s'appliquent de façon générale à tout fait générateur d'action qui y est survenu. Il découle toutefois de cette disposition que, dans le cas aucune autre loi fédérale ne prévoit de prescription et le fait générateur d'une action survient ail- leurs que dans une province canadienne, une pres cription de six ans est applicable.
Une semblable disposition prescriptive figure dans la Loi sur la responsabilité de l'État. Le paragraphe 32(1) de celle-ci est ainsi libellé:
32. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une pro vince, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent aux poursuites exercées contre l'État sous le régime de la présente loi pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.
La concordance entre cette disposition et celle figurant dans la Loi sur la Cour fédérale est évidente. Toutes deux appliquent la règle de la prescription de six ans dès qu'un fait générateur d'action survient ailleurs que dans une province.
En procédant par élimination, il semblerait que la Limitation of Actions Act de l'Alberta ne puisse s'appliquer puisque le fait générateur d'action est survenu ailleurs qu'en Alberta. La Limitation of Actions Ordinance des Territoires du Nord-Ouest n'est pas applicable lorsque Sa Majesté est concer- née puisque les Territoires du Nord-Ouest ne se trouvent pas, à tout le moins à l'heure actuelle, constituer une province. Il s'ensuit que la période de prescription de l'action dont je suis saisi serait déterminée par une règle de droit fédérale, édictée soit en vertu de la Loi sur la Cour fédérale soit en vertu de la Loi sur la responsabilité de l'État. Cette prescription est de six ans, que l'action soit fondée sur un contrat ou soit fondée sur un délit. Il résulte également de cet état de fait que la ques tion de savoir si l'action délictuelle de la demande- resse est une action en dépréciation, en libelle, en diffamation ou autre est sans importance: la règle des six ans réagit cette action.
En conséquence, aux questions qui ont été posées, je dois répondre que l'action de la deman- deresse fondée sur le contrat n'est pas prescrite en vertu des dispositions de la Loi sur la Cour fédé- rale ou de la Loi sur la responsabilité de l'État.
L'action délictuelle de la demanderesse est égale- ment présentée dans le délai, sauf en ce qui regarde le refus de Sa Majesté d'accepter la sou- mission peu élevée présentée par la demanderesse à l'égard de la construction d'un autre tronçon de la route Liard en 1980. Pour les motifs déjà énon- cés, c'est au juge instruisant le procès qu'il devrait revenir de statuer sur ce chef de la demande. Quoi qu'il en soit, cette question est une question mixte de fait et de droit qui ne devrait pas être tranchée sous le régime de la Règle 474.
Je devrais également conclure que, libellée comme elle l'est dans les actes de procédure, la demande subsidiaire de la demanderesse alléguant la négligence et les fausses représentations est prescrite à compter du ler octobre 1986.
Les frais et dépens afférents à la présente procé- dure devraient suivre l'issue du litige.
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