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A-312-89
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Lise Viola (intimée)
et
Claudine Brosseau et Marie-Claude Bastien (mises en cause)
RÉPERTORIÉ: CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) c. VIOLA (CA.)
Cour d'appel, juges Pratte, MacGuigan et Décary, J.C.A.—Ottawa, 25 octobre et 23 novembre 1990.
Fonction publique Compétence En faisant droit à l'appel interjeté en application de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, le comité d'appel a conclu que l'exigence du bilinguisme pour le poste n'était pas justifiée et avait été établie de façon arbitraire et irrégulière contraire- ment à la Loi sur les langues officielles Cette conclusion outrepassait la compétence du comité d'appel qui était limitée à la question du respect du principe du mérite Le comité d'appel n'était pas habilité à examiner les qualités requises par le Ministère pour le poste.
Langues officielles La Loi sur les langues officielles de 1988 ne modifie pas les règles établies par celle de 1969 Le comité d'appel, constitué en application de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, n'avait pas compétence pour examiner les exigences linguistiques définies par un ministère pour un poste Le Parlement a confié au Commis- saire et aux juges la tâche délicate de jauger les droits linguistiques des agents de l'État et du public.
Interprétation des lois Loi sur les langues officielles La loi de 1988 ne modifie pas les règles établies par celle de 1969 Le comité d'appel constitué en application de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique n'avait pas compétence pour s'assurer que les exigences linguistiques définies par le Ministère étaient conformes aux dispositions de la Loi sur les langues officielles La reconnaissance constitutionnelle des droits linguistiques et son prolongement quasi constitutionnel, la Loi sur les langues officielles, ont été qualifiés par l'avertis- sement fait par la Cour suprême aux tribunaux de faire preuve de prudence et d'hésiter à servir d'instruments de changement en matière de droits linguistiques.
La candidature de l'intimée à un poste du Service correction- nel au Québec a été rejetée parce qu'elle ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques prévues pour ce poste. Elle s'est fondée sur l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique pour interjeter appel par ce motif que l'exigence Bilingue impératif BBB/BBB prévue pour ce poste était abusive et non fondée. Le comité d'appel a accueilli l'appel par ce motif que cette exigence n'était pas justifiée et avait été établie de façon arbitraire et irrégulière, en violation de la Loi sur les langues officielles. Il conclut que l'irrégularité permettant de douter sérieusement que les personnes choisies pour nomination auraient été les mêmes si elle n'avait pas été commise, il y avait
lieu de douter du mérite des nominations proposées. Dans ce recours en contrôle judiciaire fondé sur l'article 28, il échet d'examiner si le comité d'appel, saisi d'un appel interjeté en application de l'article 21, avait compétence pour examiner la légalité ou le bien-fondé des exigences linguistiques établies par un ministère pour un poste.
Arrêt: la demande est accueillie.
Avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles de 1988, un comité d'appel n'avait pas compétence pour remet- tre en question le bien-fondé des exigences linguistiques établies par un ministère pour un poste. Le rôle du comité d'appel établi par l'article 21 consistait à se demander si le principe du mérite a été respecté et non pas à examiner les conditions établies par le ministère pour un poste. Toute irrégularité ou illégalité dans l'établissement des conditions requises relevait du contrôle judi- ciaire de la Cour fédérale, non pas de la compétence du comité d'appel. Par ailleurs, bien que la question linguistique pût faire l'objet de normes de sélection définies en application du para- graphe 12(1), un comité d'appel ne pouvait davantage remettre en question les exigences linguistiques d'un poste qu'il ne pouvait remettre en question les exigences d'instruction, de connaissances, d'expérience ou de lieu de résidence. Bien que l'article 20 permît à la Commission de prescrire les qualifica tions linguistiques qu'elle «estime nécessaires», elle a confié au Ministère le soin de déterminer les exigences linguistiques.
La Loi sur les langues officielles de 1988 n'est pas une loi ordinaire. Elle reflète notre Constitution et le compromis social et politique dont elle est issue. A titre de loi quasi constitution- nelle, elle doit être interprétée de manière à promouvoir les considérations de politique générale. Cependant, la Cour suprême a invité les tribunaux à faire preuve de prudence et à hésiter à servir d'instruments de changement en matière de droits linguistiques. De même que la Charte n'est pas source de compétences nouvelles, de même la Loi sur les langues officiel- les de 1988 n'établit pas de compétences nouvelles autres que celles qu'elle prévoit expressément. Ce n'est pas parce qu'un ministère se serait vu imposer des obligations légales plus précises que par le passé lorsque vient le temps d'établir les exigences linguistiques d'un poste, qu'un comité d'appel acquer- rait du fait même une compétence qui lui avait jusque-là échappé. Le comité d'appel doit continuer à jouer le rôle qui jusqu'ici lui était dévolu. Le préambule de la Loi n'est au fond que l'expression remaniée de l'obligation déjà imposée par l'article 40 de la Loi sur les langues officielles de 1969 de maintenir le principe de la sélection fondée sur le mérite.
Le Parlement a porté son attention sur la question de la sélection fondée sur le mérite. S'il avait voulu donner une compétence nouvelle au comité d'appel, il l'aurait fait lorsqu'il établissait le nouveau recours judiciaire dans la partie X. Il est permis de penser que le Parlement a jugé opportun de confier au Commissaire et aux juges, et non au comité d'appel, la tâche délicate de jauger les droits respectifs des agents de l'État et du public en matière de langue de travail et de langue de service. La compétence bâtarde du comité d'appel est le fruit d'un compromis réalisé par le législateur pour tenir compte des compétences respectives du Conseil du Trésor, du ministère concerné et de la Commission de la fonction publique. Il ne faut ni la diminuer ni l'accroître.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice IT, 44], art. 16.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 28.
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), chap. F-11.
Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), chap. P-33, art. 6, 10, 12, 17, 20, 21.
Loi sur les langues officielles, S.C. 1968-69, chap. 54, art. 40(4).
Loi sur les langues officielles, L.C. 1988, chap. 38, art. 2, 21;22, 34, 35, 39, 58, 76, 77, 78, 82, 91.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Ricketts c. Ministère des Transports (1983), 52 N.R.. 381 (C.A.F.); Kelso c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 199; (1981), 120 D.L.R. (3d) 1; 35 N.R. 19; Gariépy c. Cour fédérale du Canada (Administrateur) (1987), 14 F.T.R. 58 (C.F. inst.); Société des Acadiens du Nouveau- Brunswick Inc. et autre c. Association of Parents for Fairness in Education et autres, [1986] 1 R.C.S. 549; (1986), 69 N.B.R. (2d) 271; 27 D.L.R. (4th) 406; 177 A.P.R. 271; 66 N.R. 173.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Delany c. Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, [1977] 1 C.F. 562; (1976), 13 N.R. 341 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Bauer c. Le comité d'appel de la Fonction publique, [1973] C.F. 626; (1973), 40 D.L.R. (3d) 126; 6 N.R. 183 (C.A.); Demers c. Le procureur général du Canada, [1974] C.F. 270; (1974), 2 N.R. 89 (C.A.); Brown c. La Commission de la Fonction publique, [1975] C.F. 345; (1975), 60 D.L.R. (3d) 311; 9 N.R. 493 (C.A.); Irwin c. Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, [1979] 1 C.F. 356; (1978), 22 N.R. 475 (C.A.); Guy c. Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, [1984] 2 C.F. 369; (1984), 8 D.L.R. (4th) 628; 55 N.R. 105 (C.A.); R. c. Big M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] 1 R.C.S. 295; (1985), 60 A.R. 161; 18 D.L.R. (4th) 321; [1985] 3 W.W.R. 481; 37 Alta. L.R. (2d) 97; 18 C.C.C. (3d) 385; 85 CLLC 14,023; 13 C.R.R. 64; 58 N.R. 81; Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; (1984), 55 A.R. 291; 11 D.L.R. (4th) 641; [1984] 6 W.W.R. 577; 33 Alta. L.R. (2d) 193; 27 B.L.R. 297; 14 C.C.C. (3d) 97; 2 C.P.R. (3d) 1; 41 C.R. (3d) 97; 9 C.R.R. 355; 84 DTC 6467; 55 N.R. 241; R. c. Therens et autres, [1985] 1 R.C.S. 613; (1985), 18 D.L.R. (4th) 655; [1985] 4 W.W.R. 286; 38 Alta. L.R. (2d) 99; 40 Sask. R. 122; 18 C.C.C. (3d) 481; 13 C.P.R. 193; 45 C.R. (3d) 57; 32 M.V.R. 153; 59 'N.If. 122;
Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486; (1985), 24 D.L.R. 536; [1986] 1 W.W.R. 481; 69 B.C.L.R. 145; 23 C.C.C. (3d) 289; 48 C.R. (3d) 289; 18 C.R.R. 30; 36 M.V.R. 240; 63 N.R. 266; Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84; (1987), 40 D.L.R. (4th) 577; 87 CLLC 17,025; 75 N.R. 303; Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson -Sears Ltd. et autres, [1985] 2 R.C.S. 536; (1985), 52 O.R. (2d) 799; 23 D.L.R. (4th) 321; 17 Admin. L.R. 89; 9 C.C.E.L. 185; 86 CLLC 17,002; 64 N.R. 161; 12 O.A.C. 241; Compagnie des chemins de fer nationaux c. Canada (Commission cana- dienne des droits de la personne), [1987] I R.C.S. 1114; (1987), 40 D.L.R. (4th) 193; 27 Admin. L.R. 172; 87 CLLC 17,022; 76 N.R. 161; Scowby c. Glendinning, [1986] 2 R.C.S. 226; (1986), 32 D.L.R. (4th) 161; [1986] 6 W.W.R. 481; 51 Sask. R. 208; 29 C.C.C. (3d) 1; 70 N.R. 241; Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; (1985), 17 D.L.R. (4th) 422; 12 Admin. L.R. 137; 14 C.R.R. 13; 58 N.R. 1; Winnipeg School Division No. 1 c. Craton et autre, [1985] 2 R.C.S. 150; (1985), 21 D.L.R. (4th) 1; [1985] 6 W.W.R. 166; 38 Man. R. (2d) 1; 15 Admin. L.R. 177; 8 C.C.E.L. 105; 85 CLLC 17,020; 61 N.R. 241; Insurance Corporation of British Columbia c. Heerspink et autre, [1982] 2 R.C.S. 145; (1982), 137 D.L.R. (3d) 219; [1983] 1 W.W.R. 137; 39 B.C.L.R. 145; 82 CLLC 17,014; [1982] I.L.R. 1-1555; 43 N.R. 168; R. c. Smith, [1989] 2 R.C.S. 1120; (1989), 61 D.L.R. (4th) 462; [1989] 6 W.W.R. 289; 39 B.C.L.R. (2d) 145; 50 C.C.C. (3d) 308; 71 C.R. (3d) 129; 99 N.R. 372; Canada (Procureur général) c. Vincer, [1988] 1 C.F. 714; (1987), 46 D.L.R. (4th) 165; 82 N.R. 352 (C.A.); Goodyear Tire and Rubber Company of Canada Limited v. The T. Eaton Company Limited and Others, [1956] R.C.S. 610; (1956), 4 D.L.R. (2d) 1; 56 DTC 1060.
AVOCATS:
Jean-Marc Aubry, c.r. et Alain Préfontaine pour le requérant.
Dianne Nicholas pour l'intimée.
Peter B. Annis et Richard Tardif pour l'intervenant.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Soloway, Wright, Ottawa, pour l'intimée. Scott & Aylen, Ottawa, pour l'intervenant.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.:
LES FAITS
En octobre 1988, la Commission de la fonction publique (la «Commission») annonçait la tenue d'un concours interne dans le but de doter un poste de préposé à l'approvisionnement pour le Service correctionnel du Canada, à Ste-Anne-des-Plaines, Québec. Les exigences linguistiques du poste à combler avaient été déterminées par le ministère du Solliciteur général. Selon ces exigences, «Bilin- gue impératif BBB/BBB», un candidat devait avoir du français et de l'anglais une connaissance de niveau B. L'intimée se porta candidate à ce con- cours. Sa candidature fut rejetée parce qu'elle n'avait pas obtenu, à l'examen vérifiant son niveau de compétence linguistique à l'expression écrite, le niveau B requis. Suite à la tenue du concours, les noms des mises en cause furent portés sur une liste d'admissibilité conformément à l'article 17 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique [L.R.C. (1985), chap. P-33] (la «Loi»). Par avis d'appel daté du 24 avril 1989, l'intimée interjetait appel en vertu de l'article 21 de la Loi à l'encontre des nominations proposées au motif que l'exigence lin- guistique pour ce poste était abusive et non fondée.
Le 12 juin 1989, le Comité d'appel accueillait l'appel pour des motifs qu'il résumait comme suit:
En somme, il apparaît clair en l'espèce que l'exigence du bilinguisme ou d'une certaine maîtrise de la langue anglaise n'était pas justifiée et avait été établie de façon arbitraire et irrégulière contrairement aux prescriptions de la Loi sur les langues officielles.
Or, cette irrégularité peut affecter le mérite de la sélection de personnel proposée. Il n'est pas du tout certain que les nomina tions proposées auraient été les mêmes si l'exigence du bilin- guisme n'avait pas constitué une condition de nomination ...
Comme l'irrégularité survenue dans la détermination des exi- gences linguistiques du poste permet de douter sérieusement que les personnes choisies pour nomination auraient été les mêmes si elle n'avait pas été commise, il y a lieu de douter du mérite de ces nominations proposées et de faire droit à l'appel.
Le 23 juin 1989, le requérant déposait au greffe de cette Cour un avis introductif d'instance en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7].
Le commissaire aux langues officielles deman- dait ensuite, en vertu du paragraphe 78(3) de la
Loi sur les langues officielles', l'autorisation d'in- tervenir dans la présente instance. Le 25 juin 1990, permission lui fut accordée de soumettre des argu ments par écrit et oralement, relativement à la seule question de droit que voici: la décision atta- quée en l'espèce devrait-elle être annulée au motif qu'en la rendant, le Comité d'appel aurait usurpé la compétence exclusive dévolue au commissaire par la Loi sur les langues officielles?
LA POSITION DES PARTIES ET DE L'IN- TERVENANT
Le requérant prétend qu'un comité d'appel saisi d'un appel déposé en vertu de l'article 21 de la Loi n'a pas compétence pour examiner la légalité ou le bien-fondé des exigences linguistiques d'un poste établies par un ministère.
L'intimée réplique que les nominations propo sées par la Commission contrevenaient à la Loi sur les langues officielles de 1988, qu'un comité d'ap- pel a toujours eu la compétence voulue pour s'en- quérir de la légalité ou du bien-fondé des exigences linguistiques d'un poste et que s'il ne l'avait pas, cette compétence lui a été conférée par la nouvelle Loi sur les langues officielles adoptée en 1988.
L'intervenant soumet pour sa part que dans l'hypothèse cette Cour en viendrait à la conclu sion que la désignation d'exigences linguistiques fait partie du processus de sélection au mérite, ce n'est pas le comité d'appel mais plutôt lui-même, le commissaire aux langues officielles, qui aurait seul compétence pour décider du bien-fondé ou de la légalité de cette désignation.
LA LÉGISLATION PERTINENTE
Il y va, dans cette affaire, de l'application et de. l'interprétation de nombreuses dispositions législa- tives, voire constitutionnelles, qu'il sera utile de reproduire dès maintenant.
Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), chap. P-33:
6. (1) La Commission peut autoriser un administrateur général à exercer, selon les modalités qu'elle fixe, tous pouvoirs et fonctions que lui attribue la présente loi, sauf en ce qui concerne les appels prévus aux articles 21 et 31 et les enquêtes prévues à l'article 34.
L.C. 1988, chap. 38.
10. Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par con- cours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.
12. (1) La Commission peut, en déterminant conformément à l'article 10 le principe de l'évaluation du mérite pour tout poste ou catégorie de postes, édicter des normes de sélection touchant à l'instruction, aux connaissances, à l'expérience, à la langue, au lieu de résidence ou à tout autre titre ou qualité nécessaire ou souhaitable à son avis du fait de la nature des fonctions à exécuter.
20. Les fonctionnaires affectés à un ministère ou à un autre secteur de la fonction publique, ou à une partie seulement de l'un de ceux-ci, doivent posséder, en ce qui concerne la connais- sance et l'usage soit du français, soit de l'anglais, soit des deux langues, les qualifications que la Commission estime nécessai- res pour que leur organisme d'affectation puisse remplir son office et fournir au public un service efficace.
21. (1) Tout candidat non reçu à un concours interne ou, s'il n'y a pas eu concours, toute personne dont les chances d'avan- cement sont, selon la Commission, amoindries par une nomina tion interne, déjà effective ou en instance, peut, dans le délai imparti par la Commission, en appeler devant un comité chargé par celle-ci de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.
(2) Après notification de la décision du comité, la Commis sion, en fonction de cette dernière:
a) confirme ou révoque la nomination;
b) procède ou non à la nomination.
Loi sur les langues officielles, L.C. 1988, chap. 38:
Attendu:
qu'il convient que les agents des institutions du, Parlement ou du gouvernement du Canada aient l'égale possibilité d'utiliser la langue officielle de leur choix dans la mise en ouvre commune des objectifs de celles-ci;
qu'il convient que les Canadiens d'expression française et d'ex- pression anglaise, sans distinction d'origine ethnique ni égard à la première langue apprise, aient des chances égales d'emploi dans les institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada;
que le gouvernement fédéral s'est engagé à réaliser, dans le strict respect du principe du mérite en matière de sélection, la à 13 ou aux parties IV ou V, ou fondée sur l'article 91 peut
pleine participation des Canadiens d'expression française et d'expression anglaise à ses institutions;
2. La présente loi a pour objet:
a) d'assurer le respect du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l'éga- lité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales, notamment en ce qui touche les débats et travaux du Parlement, les actes législatifs et autres, l'ad- ministration de la justice, les communications avec le public et la prestation des services, ainsi que la mise en oeuvre des objectifs de ces institutions;
PARTIE IV
COMMUNICATIONS AVEC LE PUBLIC ET PRESTATION DES SERVICES
Communications et services
21. Le public a, au Canada, le droit de communiquer avec les institutions fédérales et d'en recevoir les services conformé- ment à la présente partie.
22. Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administra tion centrale, et en recevoir les services, dans l'une ou l'autre des langues officielles. Cette obligation vaut également pour leurs bureaux—auxquels sont assimilés, pour l'application de la présente partie, tous autres lieux ces institutions offrent des services—situés soit dans la région de la Capitale nationale, soit où, au Canada comme à l'étranger, l'emploi de cette langue fait l'objet d'une demande importante.
PARTIE V
LANGUE DE TRAVAIL
34. Le français et l'anglais sont les langues de travail des institutions fédérales. Leurs agents ont donc le droit d'utiliser, conformément à la présente partie, l'une ou l'autre.
35. (1) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que:
a) dans la région de la Capitale nationale et dans les régions ou secteurs du Canada ou lieux à l'étranger désignés, leur milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles tout en permettant à leur personnel d'utili- ser l'une ou l'autre;
b) ailleurs au Canada, la situation des deux langues officiel- les en milieu de travail soit comparable entre les régions ou secteurs l'une ou l'autre prédomine.
PARTIE VI
PARTICIPATION DES CANADIENS D'EXPRESSION FRANÇAISE ET D'EXPRESSION ANGLAISE
39. (1) Le gouvernement fédéral s'engage à veiller à ce que:
a) les Canadiens d'expression française et d'expression anglaise, sans distinction d'origine ethnique ni égard à la première langue apprise, aient des chances égales d'emploi et d'avancement dans les institutions fédérales;
b) les effectifs des institutions fédérales tendent à refléter la présence au Canada des deux collectivités de langue offi- cielle, compte tenu de la nature de chacune d'elles et notam- ment de leur mandat, de leur public et de l'emplacement de leurs bureaux.
(2) Les institutions fédérales veillent, au titre de cet engage ment, à ce que l'emploi soit ouvert à tous les Canadiens, tant d'expression française que d'expression anglaise, compte tenu des objets et des dispositions des parties IV et V relatives à l'emploi.
(3) Le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte au mode de sélection fondé sur le mérite.
PARTIE IX
COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES
Plaintes et enquêtes
58. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le commissaire instruit toute plainte reçue—sur un acte ou une omission—et faisant état, dans l'administration d'une insti tution fédérale, d'un cas précis de non-reconnaissance du statut d'une langue officielle, de manquement à une loi ou un règle- ment fédéraux sur le statut ou l'usage des deux langues officiel- les ou encore à l'esprit de la présente loi et à l'intention du législateur.
PARTIE X
RECOURS JUDICIAIRE
76. Le tribunal visé à la présente partie est la Division de première instance de la Cour fédérale.
77. (1) Quiconque a saisi le commissaire d'une plainte visant une obligation ou un droit prévus aux articles 4 à 7 et 10
former un recours devant le tribunal sous le régime de la présente partie.
(4) Le tribunal peut, s'il estime qu'une institution fédérale ne s'est pas conformée à la présente loi, accorder la réparation qu'il estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
(5) Le présent article ne porte atteinte à aucun autre droit d'action.
78. (1) Le commissaire peut selon le cas:
a) exercer lui-même le recours, dans les soixante jours qui suivent la communication au plaignant des conclusions de l'enquête ou des recommandations visées au paragraphe 64(2) ou dans le délai supérieur accordé au titre du paragra- phe 77(2), si le plaignant y consent;
b) comparaître devant le tribunal pour le compte de l'auteur d'un recours;
c) comparaître, avec l'autorisation du tribunal, comme partie à une instance engagée sur le fondement de la présente partie.
(2) Dans le cas prévu à l'alinéa (1)a), le plaignant peut comparaître comme partie à l'instance.
(3) Le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte au pouvoir du commissaire de demander l'autorisation d'intervenir dans toute instance judiciaire relative au statut ou à l'usage du français ou de l'anglais.
PARTIE XI
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
82. (1) Les dispositions des parties qui suivent l'emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi ou de tout règlement fédéraux:
a) partie I (Débats et travaux parlementaires);
b) partie II (Actes législatifs et autres);
c) partie III (Administration de la justice);
d) partie IV (Communications avec le public et prestation des services);
e) partie V (Langue de travail).
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas à la Loi canadienne sur les droits de la personne ni à ses règlements.
91. Les parties IV et V n'ont pour effet d'autoriser la prise en compte des exigences relatives aux langues officielles, lors d'une dotation en personnel, que si elle s'impose objectivement pour l'exercice des fonctions en cause.
Loi sur les langues. officielles, S.C. 1968-69, chap. 54, art. 40(4); S.R.C. 1970, chap. O-2, art. 39(4); L.R.C. (1985), chap. O-3, art. 40.
40....
(4) En ce qui concerne la nomination et l'avancement du personnel dont les postes comportent des fonctions relatives à la fourniture de services au public par des autorités, il incombe
a) à la Commission de la Fonction publique, dans les cas elle exerce l'autorité de faire des nominations, et,
b) dans tous les autres cas, à l'autorité intéressée,
de veiller à ce que, dans l'exercice des pouvoirs et fonctions qui lui sont imposés ou conférés par la loi, il est dûment tenu compte des objets et des dispositions de la présente loi, mais toujours sous réserve du maintien du principe de la sélection du personnel établie au mérite comme l'exige la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Charte canadienne des droits et libertés [qui cons- titue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44]]:
Langues officielles du Canada
16. (1) Le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouverne- ment du Canada.
(3) La présente charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage de français et de l'anglais.
LA COMPÉTENCE DU COMITÉ D'APPEL ÉTABLIE EN VERTU DE L'ARTICLE 21 DE LA LOI
a) Avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles de 1988
Une jurisprudence constante de cette Coure a établi, et je reprends les mots du juge en chef Thurlow dans Ricketts la page 382]:
... que la définition des exigences essentielles et autres d'un poste de la Fonction publique ne fait pas partie des devoirs attribués à la Commission de la Fonction publique par la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, car il s'agit d'une fonction de gestion relevant du pouvoir du ministre de gérer son propre ministère en vertu de sa loi constitutive; que le rôle de la Commission, selon l'art. 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, consiste à choisir parmi les candidats possé- dant les qualités requises par le ministère le candidat le mieux qualifié pour le poste et à le nommer à ce poste; enfin, que le rôle du comité d'appel établi par l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ne consiste pas à examiner les conditions définies par le ministère pour un poste précis mais à se demander si le principe du mérite établi par l'art. 10 a été respecté dans le choix et la nomination d'un candidat qui
2 Bauer c. Le comité d'appel de la Fonction publique, [1973] C.F. 626 (C.A.); Deniers c. Le procureur général du Canada, [1974] 1 C.F. 270 (C.A.); Brown c. La Commission de la Fonction publique, [1975] C.F. 345 (C.A.); Irwin c. Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, [1979] 1 C.F. 356 (C.A.); Ricketts c. Ministère des Transports (1983), 52 N.R. 381 (C.A.F.); Guy c. Comité d'appel de la Commis sion de la Fonction publique, [1984] 2 C.F. 369 (C.A.).
possède les qualités requises par le ministère pour le poste en question.
Bref, le rôle du comité d'appel commence se termine celui du ministère et ce qui se passe ou aurait pu se passer ou aurait se passer au moment le ministère établit les qualités requi- ses, y inclus les qualités linguistiques, n'est pas du ressort du comité d'appel. C'est la sélection du candidat par la Commission, une fois les qualités requises définies par le ministère, qui seule peut intéresser le comité d'appel. Cela ne signifie pas que la décision du ministère est à l'abri de tout contrôle judiciaire, car ainsi que le soulignait le juge Dickson—il n'était pas encore juge en chef— dans Kelso c. La Reine':
Personne ne conteste le droit général du gouvernement de répartir les ressources et les effectifs comme il le juge appro- prié. Mais ce droit n'est pas illimité. Son exercice doit respecter la loi. Le droit du gouvernement de répartir les ressources ne peut l'emporter sur une loi telle que la Loi canadienne sur les droits de la personne .. .
Cela signifie plutôt que ce n'est pas au comité d'appel, mais à la Section de première instance de la Cour fédérale, comme dans l'affaire Kelso, que doit rendre compte le ministère s'il se produit quelque irrégularité ou quelque illégalité dans l'établissement des conditions requises. Dans Gariépy c. Cour fédérale du Canada (Administra- teur) 4 , le juge Muldoon, à la page 66, s'exprimait dans le même sens:
Le demandeur en l'espèce ne conteste pas le principe énoncé dans l'arrêt Bauer ... , et mentionné par le juge en chef Thurlow dans l'arrêt Ricketts, selon lequel le pouvoir de définir les qualités reliées à un poste relève de la direction. Il conteste effectivement le caractère équitable et raisonnable, le cas échéant, ou la légalité de la décision de définir le poste d'admi- nistrateur de district à Vancouver comme un poste «bilingue à nomination impérative»; mais il ne peut pas le faire dans les limites des dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, selon l'arrêt Ricketts. Ainsi, le demandeur n'a pas d'autre recours que d'intenter la présente action pour obtenir un jugement déclaratoire et une injonction. [Mes souligne- ments.]
Le procureur de l'intimée a souligné, à juste titre, que cette Cour, dans les arrêts cités à la note 2, s'était penchée sur la question des exigences linguistiques sans même discuter de l'impact possi ble de la Loi sur les langues officielles de 1969, si ce n'est fort brièvement dans Demers. Cependant,
3 [ 1 98 1 1 R.C.S. I 99,à la p. 207.
4 (1987), 14 F.T.R. 58 (C.F. 1" inst.). Je ne me prononce pas sur le bien-fondé, par ailleurs, de cette décision.
dans la mesure cette Cour concluait que le comité d'appel n'avait pas compétence pour déci- der du bien-fondé des exigences linguistiques posées par le ministère, il ne lui était pas néces- saire, à mon avis, de se demander si le ministère avait ou non respecté la Loi sur les langues offi- cielles, cela devant faire l'objet d'un tout autre débat qui échappait au comité d'appel. Comme la Loi sur les langues officielles de 1969, en son article 40, assurait le «maintien du principe de la sélection du personnel établie au mérite comme l'exige la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi- que», il serait à tout le moins étonnant que cette Cour, en rendant les décisions qu'elle a rendues sur la question des exigences linguistiques, n'ait pas jugé implicitement que cette disposition ne modi- fiait en rien la compétence du comité d'appel, d'autant plus que cet article référait aux compé- tences respectives de la Commission et des ministè- res concernés.
J'ajoute que «la langue» est l'un des éléments à l'égard desquels, en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi, des normes de sélection peuvent être édic- tées et qu'en conséquence un comité d'appel ne peut davantage remettre en question les exigences linguistiques d'un poste qu'il ne peut, par exemple, remettre en question les exigences d'instruction, de connaissances, d'expérience ou de lieu de rési- dence. L'article 20 de la Loi, il est vrai, permet à la Commission de prescrire les qualifications lin- guistiques qu'elle «estime nécessaires», mais cette disposition n'est d'aucune utilité, en l'espèce, puis- que la Commission, se prévalant du pouvoir de délégation que lui confère le paragraphe 6(1) de la Loi, a confié au Ministère le soin de déterminer les exigences linguistiques du poste.
Enfin, l'intimée a fait grand état de l'arrêt Delanoy c. Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publiques, cette Cour a reconnu la compétence du comité d'appel de se pencher sur la légalité d'une modification aux normes de sélec- tion faite par la Commission. Cet arrêt n'est ici d'aucune pertinence, les exigences linguistiques posées l'ayant été, non pas par la Commission, mais par le Ministère.
5 [1977] 1 C.F. 562 (C.A.).
Je conclus en conséquence qu'au moment de l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues offi- cielles de 1988, un comité d'appel n'avait pas compétence pour remettre en question le bien- fondé ou la légalité des exigences linguistiques posées par un ministère.
b) Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles de 1988
L'intimée soutient, dans l'hypothèse sa pré- tention première serait rejetée, que la Loi sur les langues officielles de 1988 modifiait substantielle- ment les règles du jeu et conférait au comité d'appel la compétence de s'assurer que les exigen- ces linguistiques posées par le Ministère étaient conformes aux prescriptions de cette Loi.
La Loi sur les langues officielles de 1988 n'est pas une loi ordinaire. Elle reflète à la fois la Constitution du pays et le compromis social et politique dont il est issu. Dans la mesure elle est l'expression exacte de la reconnaissance des langues officielles inscrite aux paragraphes 16(1) et 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés, elle obéira aux règles d'interprétation de cette Charte telles qu'elles ont été définies par la Cour suprême du Canada 6 . Dans la mesure, par ailleurs, elle constitue un prolongement des droits et garanties reconnus dans la Charte, et de par son préambule, de par son objet défini en son article 2, de par sa primauté sur les autres lois établies en son paragraphe 82(1), elle fait partie de cette catégorie privilégiée de lois dites quasi-con- stitutionnelles qui expriment «certains objectifs fondamentaux de notre société» et qui doivent être interprétées «de manière à promouvoir les con- sidérations de politique générale qui (les) sous- tendent.'» Dans la mesure, enfin, elle constitue
6 R. c. Big M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] 1 R.C.S. 295; Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Therens et autres, [1985] 1 R.C.S. 613; Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486.
Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84, aux p. 89 et 90. Voir également: Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd.
et autres, [1985] 2 R.C.S. 536, la p. 547; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission
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une loi relative à des droits linguistiques qui, au Canada, ont pris valeur de droits fondamentaux mais n'en demeurent pas moins le fruit d'un com- promis social et politique fragile, elle invite les tribunaux à faire preuve de prudence, et à «hésiter à servir d'instruments de changement» ainsi que le rappelait le juge Beetz dans Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick Inc. et autre c. Associa tion of Parents for Fairness in Education et autres':
.. les garanties juridiques ainsi que les droits linguistiques relèvent de la catégorie des droits fondamentaux,
À la différence des droits linguistiques qui sont fondés sur un compromis politique, les garanties juridiques tendent à être de nature plus féconde parce qu'elles se fondent sur des principes.
Cette différence essentielle entre les deux types de droits impose aux tribunaux une façon distincte d'aborder chacun. Plus particulièrement, les tribunaux devraient hésiter à servir d'instruments de changement dans le domaine des droits linguistiques.
La consécration constitutionnelle de droits lin- guistiques et leur prolongement quasi-constitution- nel, nuancés par l'appel à la prudence lancé aux tribunaux par la Cour suprême, n'emportent pas pour autant, à moins d'indications précises en ce sens, une modification des compétences des tribu- naux appelés à interpréter et à appliquer ces droits. De même que la Charte canadienne des droits et libertés n'est pas en elle-même source de compé- tences nouvelles 9 , de même la Loi sur les langues officielles de 1988 n'établit pas de compétences nouvelles autres que celles, dévolues au commis- saire aux langues officielles et à la Section de première instance de la Cour fédérale, qu'elle éta- blit expressément. Ainsi, comme en l'espèce, ce n'est pas parce que le Ministère se serait vu.impo- ser des obligations légales plus précises que par le
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canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, à la p. 1134; Scowby c. Glendinning, [1986] 2 R.C.S. 226, la p. 236; Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immi-
gration, [1985] 1 R.C.S. 177, la p. 224; Winnipeg School
Division No. 1 c. Craton et autre, [1985] 2 R.C.S. 150, la
p. 156; Insurance Corporation of British Columbia c. Heers- pink et autre, [1982] 2 R.C.S. 145, aux p. 157 et 158.
s [1986] 1 R.C.S. 549, la p. 578.
9 Voir Singh, supra, note 7 à la p. 222; R. c. Smith, [1989] 2 R.C.S. 1120, aux p. 1128 1130; Canada (Procureur général) c. Vincer, [1988] 1 C.F. 714, la p. 724.
passé lorsque vient le temps d'établir les exigences linguistiques d'un poste, qu'un comité d'appel acquerrait du fait même une compétence qui lui avait jusque-là échappé. À moins qu'on ne trouve dans la Loi elle-même une indication de l'intention du Parlement de confier au comité d'appel une compétence nouvelle relativement au droit de gérance du ministère, le comité d'appel devra se résigner à continuer à jouer le rôle qui jusqu'ici lui était dévolu et à laisser à d'autres instances le soin de décider si, dans un cas donné, un ministère s'est conformé aux dispositions de la Loi sur les langues officielles de 1988.
L'intimée soutient que le comité d'appel a reçu cette compétence nouvelle en raison, notamment, des termes du sixième attendu («dans le strict respect du principe du mérite en matière de sélec- tion»), du paragraphe 39(3) («le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte au mode de sélection fondé sur le mérite») et de l'article 91 («Les parties IV et V n'ont pour effet d'autoriser la prise en compte des exigences relatives aux langues officielles, lors d'une dotation en personnel, que si elle s'impose objectivement pour l'exercice des fonctions en cause»).
Je ne puis retenir cette prétention. Ces disposi tions ne sont, au fond, que l'expression remaniée de l'obligation déjà imposée à l'article 40 de la Loi sur les langues officielles de 1969 de maintenir le principe de la sélection fondée sur le mérite. L'article 91, en précisant que les exigences linguis- tiques doivent s'imposer «objectivement», confirme expressément ce qui a toujours été sous-entendu, soit que les exigences linguistiques ne peuvent être posées de manière capricieuse ou arbitraire. Cet article se veut réconfort et assurance plutôt que droit nouveau, et il serait vain d'y chercher quel- que compétence nouvelle que ce soit pour le comité d'appel, d'autant plus que le paragraphe 77(1) permet expressément de saisir le commissaire, et non le comité d'appel, d'une plainte fondée sur
l'article 91, et qu'il appert de l'article 35 et du paragraphe 39(2) qu'il incombe au ministère con cerné, et non à la Commission de la fonction publique, de veiller, dans l'établissement des lan- gues de travail, au respect de la Loi sur les langues officielles de 1988.
Il y a davantage. Les dispositions précitées font voir que le Parlement a porté son attention sur la question de la sélection fondée sur le mérite. S'il avait voulu profiter de l'occasion pour conférer une compétence nouvelle au comité d'appel, il l'aurait très certainement fait, en même temps qu'il s'affai- rait à établir le nouveau recours judiciaire établi dans la partie X. Il ne faut pas oublier que si la Loi sur les langues officielles de 1988 consacre le droit des agents de l'État d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles (article 34), elle consacre également le droit du public d'être servi, conformé- ment aux dispositions de la partie IV, dans l'une ou l'autre langue (article 21). Il est permis de penser que le législateur n'a pas jugé opportun de faire du comité d'appel l'instrument décisionnel approprié pour jauger les droits respectifs des agents de l'État et du public dans le domaine particulièrement sensible de la langue de travail et de la langue de service au sein de l'appareil gou- vernemental fédéral. Le Parlement pouvait très certainement préférer confier cette tâche délicate au commissaire et à des juges. Il serait imprudent de remettre cette préférence en question.
La compétence quelque peu bâtarde du comité d'appel est elle-même le fruit d'un compromis auquel en est arrivé le législateur pour tenir compte des responsabilités respectives attribuées au Conseil du Trésor, au ministère concerné et à la Commission de la fonction publique par la Loi sur la gestion des finances publiques [L.R.C. (1985), chap. F-11] et par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Autant j'hésiterais à la dimi- nuer, de peur de mettre en péril l'équilibre recher- ché et vraisemblablement atteint, autant j'hésite- rais, en l'absence d'invitation claire de la part du législateur, à l'accroître 10 .
10 Voir Goodyear Tire and Rubber Company of Canada Limited v. The T. Eaton Company Limited and Others, [1956] R.C.S. 610, le juge Fauteux, à la p. 614, s'exprimait comme Suit: [TRADUCTION] «une législature n'est pas censée s'écarter du régime juridique général sans exprimer de façon inconstesta- blement claire son intention de le faire, si non la loi reste inchangée».
L'intervenant, le commissaire aux langues offi- cielles, a proposé un moyen additionnel pour faire échec aux prétentions de l'intimée: lui seul, aux termes de la Loi sur les langues officielles de 1988, aurait compétence pour veiller sur la bonne administration de cette. Loi. À l'audience, son pro- cureur a nuancé cette proposition à tout le moins audacieuse et soutenu en présence du précédent Gariépy (supra, note 4) et, j'ajouterais, du précé- dent Kelso (supra, note 3), et à la vue des termes mêmes des paragraphes 77(5) et 78(3), que l'ex- clusivité dont le commissaire se réclamait ne valait qu'à l'égard des tribunaux dits administratifs et n'écartait pas la compétence des tribunaux dits judiciaires. Puisque j'en viens à la conclusion que la Loi sur les langues officielles de 1988 n'a pas attribué au comité d'appel la compétence de déci- der du bien-fondé ou de la légalité des exigences linguistiques posées par un ministère, il ne m'est pas nécessaire de décider si le recours au commis- saire établi par cette Loi est nécessairement le seul qui soit disponible, en termes de tribunaux dits administratifs, dans tous les cas une violation de la Loi sur les langues officielles de 1988 est alléguée.
CONCLUSION
Le président du Comité d'appel, en cherchant à vérifier si les exigences linguistiques du poste étaient justifiées et à déterminer si elles n'avaient pas été établies de façon arbitraire et irrégulière contrairement aux prescriptions de la Loi sur les langues officielles de 1988, a examiné et tranché une question qui échappait sa compétence. Sa conclusion selon laquelle il y avait lieu de douter du mérite des nominations attaquées ne saurait donc être maintenue.
DISPOSITIF
J'accueillerais la demande, j'annulerais la déci- sion du Comité d'appel et je lui retournerais l'af- faire afin qu'il la décide de nouveau en tenant pour acquis qu'il n'a pas compétence pour enquêter sur le bien-fondé ou la légalité des exigences linguisti- ques établies par le Ministère au sujet du poste à combler.
PRATTE, J.C.A.: Je suis d'accord. MACGUIGAN, J.C.A.: Je suis d'accord.
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