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T-892-88
Polo Ralph Lauren Corporation, Modes Alto- Regal Inc. (demanderesses)
c.
Evan Cato, J.S. Fashions, O.P. Jain, Kevdex Enterprise, Peter Scott, Charles Attwal, Jaskinder Attwal, Jujhar Attwal et Sohun Attwal, faisant affaire sous la raison sociale de Attwal Trading Co., Nasinder Anand, Jagir Singh, Balbir-Singh Karir, faisant affaire sous la raison sociale de Kentex Manufacturing Co., Ralph Berdugo, Harpal Kanda, Daljeet Dakhu, Prakash Mittal, Bob Da Sousa, Sam Sood, Alum Sood, Bobby Kamel, Yvon Robillard, Janet Mrenica, Arthur Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de A-Jay Enterprises, Walter Chiu, Nigel Gayme, Michael Lee, Ventura Pangilinan, faisant affaire sous la raison sociale de Philtex, Gina Foliero, Daniel Nemiroff, Dawyne Bacchus, Biell Manoda, Jay Patal, Jason Takarobe, Michael Wing, Michael Brown, Jason Potassh, Mandy Yu, Alyssa Black, Deborah Johnson, John Buckley, Steve Hirsch, Jeff Baird, Suman Chopra, William Kaminski, Renaud Lafrance, Universal Smoke Shop Ltd., Margarita Tonado, The Red Apple Unisex Boutique Inc., Leo Fasciani, David Thayer, John Taylor, Paul Rosgen, Steve Ashby, Tom Ashby, Kumarasamy Gnanasundaram, Sandra Bridgpall, Philip Tishler et d'autres per- sonnes qui sont inconnues des demanderesses et qui offrent en vente, vendent, importent, fabri- quent, annoncent ou font le commerce de vête- ments Polo Ralph Lauren contrefaits (défendeurs)
T-997-88
Hugo Boss A.G., Siga Designs International Inc. (demanderesses)
c.
Sudsy's Enterprises Inc., faisant affaire sous la raison sociale de Printex-Cap King, «Robert Da Sousa» , «John Barwell», «Paul», «Jason», Nasin- der Anand, Balbir-Singh Karir, faisant affaire sous la raison sociale de Kentex Manufacturing Co., Prakash Mittal, Sam Sood, Alum Sood, Kevin Flaconer, Andrew Malcolm, J. Ram, Avil Agarwal, Arthur Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de A-Jay Enterprises, Walter Chiu, Nigel Gayme, Scott Shea, Vejee Group Limited,
Ventura Pangilinan, faisant affaire sous la raison sociale de Philtex, Clare Robertson, Daniel Nemi- roff, Pat Taylor, Dawyne Bacchus, Richard Faw- cett, Jay Patal, faisant affaire sous la raison sociale de Maple -T-Luxe, Mandy Yu, Tina Stein- berg, Jason Takarobe, Jason Potassh, Michael Brown, Michael Wing, Richard Chai, Audrey Tencer, Bruce Lowther, Sandra Bradshaw, Frank Lee, Michael Schwartzman, Deborah Johnson, Alyssa Black, Devon Bryer, Jeff Baird, John Buckley, Steve Hirsch, Joe Dae, Suman Shopra, William Kaminski, Christine Leclerc, faisant affaire sous la raison sociale de Neon -Mode, Renaud Lafrance, Sam Kadian, Universal Smoke Shop Ltd., Margarita Tonado, Carmelita Corks, Kumarasamy Gnanasundaram, faisant affaire sous la raison sociale de Anusha Screen Printing, Steve Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de A -Jay Enterprises, Tom Ashby, David Thayer, John Taylor, Paul Rosgen, David James Cook, Azim Jiwani, faisant affaire sous la raison sociale de Bargain World et d'autres personnes qui sont inconnues des demanderesses et qui offrent en vente, vendent, importent, fabriquent, annoncent ou font le commerce de vêtements Hugo Boss contrefaits (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: POLO RALPH LAUREN CORP. C. CATO (1' e INST.)
Section de première instance, juge Reed — Toronto, 6 juin; Ottawa, 25 juin 1990.
Pratique Outrage au tribunal Signification Refus d'obtempérer à cinq ordonnances de la Cour, y compris des ordonnances Anton Pillar, interdisant la distribution et la vente de vêtements contrefaits portant les marques de com merce «Hugo Boss» ou «Polo Ralph Lauren» Signification de l'ordonnance de justification au défendeur Arthur Ashby La signification à personne est normalement exigée Il n'a pas été possible de signifier l'ordonnance à personne car le défendeur se soustrayait à la signification Le pouvoir accordé par la Règle 355(4) d'autoriser un autre mode de signification peut-il être exercé seulement avant l'audience relative à l'accusation d'outrage au tribunal ou peut-il égale- ment être exercé au cours de cette audience? En l'espèce, un autre mode de signification aurait été autorisé On ne cause aucun préjudice au défendeur en lui demandant de répondre à la fois à une accusation d'outrage dont il n'aurait pas reçu signification et à quatre autres accusations d'outrage pour lesquelles des ordonnances de justification lui ont été signifiées à personne, étant donné que les mêmes faits sont à la base des cinq ordonnances Lorsque rien ne permet de penser que le défendeur subira un préjudice, le tribunal refusera de rejeter une demande au simple motif que la signification était viciée Les personnes qui comparaissent de leur plein gré sont irrecevables à invoquer une signification viciée On porte atteinte à l'esprit et aux principes de la Règle 2(2) (lesquelles
visent à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction et doivent être interprétées de manière à faciliter la marche des procès plutôt que la retarder) si l'on n'interprétait pas la Règle 355(4) de manière à permettre que l'autorisation de ce mode de signification soit donnée aussi bien simultanément avec l'audi- tion des accusations d'outrage qu'avant cette audition La signification de l'ordonnance de justification était valide Ordonnances Anton Pillar Signification de ces ordonnances Le défendeur était au courant des ordonnances Cette connaissance est suffisante pour étayer une accusation d'ou- trage au tribunal Il n'était pas nécessaire de lui signifier le document à personne Conduite révélant un mépris flagrant des droits d'autrui et des ordonnances de la Cour Tom et Arthur Ashby sont chacun condamnés à une amende de 6 000 $ ainsi qu'aux dépens extrajudiciaires La Cour accorde au défendeur deux semaines pour présenter des éléments de preuve au sujet de son présumé refus d'obtempérer à l'ordon- nance à l'égard de laquelle la signification de l'ordonnance de justification a été jugée valide Quant à l'ordonnance pro- noncée contre ses fils, étant donné qu'il n'y est pas nommément désigné et que la demanderesse n'a pas allégué qu'il s'était fait le complice des refus d'obtempérer, Arthur Ashby ne s'est pas rendu coupable d'outrage à son égard.
Marques de commerce Pratique Outrage au tribunal Signification d'ordonnances Anton Pillar et d'ordonnances de justification Lorsque le défendeur est parfaitement au courant de l'existence d'ordonnances Anton Pillar mais qu'il refuse d'y obtempérer, la connaissance est suffisante pour étayer des accusations d'outrage au tribunal Il n'est pas nécessaire de lui signifier le document à personne Normale- ment, aux termes de la Règle 355(4), la signification à per- sonne est nécessaire dans le cas des ordonnances de justifica tion Lorsque le défendeur ne subit aucun préjudice et qu'il est au courant de la situation parce qu'il a reçu signification d'autres ordonnances de justification, la Règle 355(4) peut être interprétée comme permettant d'accorder l'autorisation d'un autre mode de signification au cours de l'audience relative à l'accusation d'outrage elle-même.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 2(2), 355(4).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
King v. Kokot (1980), 31 O.R. (2d) 461; 119 D.L.R. (3d) 154; 18 C.P.C. 269 (H.C.); Hope v. Hope (1854), 43 E.R. 534 (Ch.D.); Re Consiglio et al., [1971] 3 O.R. 798 (C.M.); Rupertsland Mtge. Invt. Ltd. v. City of Winnipeg (1981), 23 C.P.C. 208 (C. cté Man.); Apple Computer, Inc. c. Minitronics of Canada Ltd., [1988f 2 C.F. 265; (1988), 17 C.I.P.R. 308; 19 C.P.R. (3d) 15; 17 F.T.R. 37 (I" inst.); Di Giacomo v. Di Giacomo Canada Inc. (1988), 20 C.P.R. (3d) 251 (H.C. Ont.).
DÉCISIONS CITÉES:
Beloit Can. Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1988), 18 C.I.P.R. I; 20 C.P.R. (3d) 1; 15 F.T.R. 240; 82 N.R. 235 (C.A.F.);
Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. et autres c. Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388; (1983), 2 D.L.R. (4th) 621; 1 C.I.P.R. 46; 36 C.P.C. 305; 75 C.P.R. (2d) 1; 50 N.R. 1; Re Avery, [1952] O.R. 192; [1952] 2 D.L.R. 413 (C.A.); Seaward v. Paterson, [1897] 1 Ch. 545 (C.A.); T Poje v. A. G. for British Columbia, [1953] 1 R.C.S. 516; 2 D.L.R. 785; (1953), 105 C.C.C. 311; 17 C.R. 176; Re Gaglardi (1960), 27 D.L.R. (2d) 281; 34 W.W.R. 193 (C.A.C.-B.); Profekta International Inc. c. Pearl Video Ltd. (1987), 16 C.I.P.R. 193; 16 C.P.R. (3d) 97; 13 F.T.R. 170 (C.F. 1" inst.); Hugo Boss c. Brunswick (T-1436-87, juge en chef adjoint Jerome, ordonnance en date du 14-9-87, C.F. 1" inst., non publiée); Guccio Gucci c. Cebuchier (T-408-88, juge en chef adjoint Jerome, ordonnance en date du 15-1-90, C.F. lV' inst., encore inédite); Montres Rolex S.A. et autres c. Herson et autres (1987), 15 C.P.R. (3d) 368; 12 F.T.R. 70 (C.F. 1`e inst.); Guccio Gucci S.p.A. c. Silvert (1988), 18 C.I.P.R. 274; 19 C.P.R. (3d) 256 (C.F. 1 r inst.).
DOCTRINE
Louisell, David W. et Hazard, Geoffrey C. Cases and Materials on Pleading and Procedure [S.1.: s.n.: s.d.].
AVOCATS:
Christopher J. Pibus pour les demanderesses. D. Kevin Haxell pour le défendeur Arthur Ashby.
PROCUREURS:
Gowling, Strathy & Henderson, Toronto, pour les demanderesses.
D. Kevin Haxell, Toronto, pour le défendeur Arthur Ashby.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: La Cour a ordonné à Arthur Ashby et à Tom Ashby de comparaître devant la Cour pour entendre la preuve de certains actes d'outrage au tribunal dont ils sont accusés et pour présenter le cas échéant leur défense en exposant la raison de leur conduite. Les actes d'outrage au tribunal se rapportent à des refus d'obtempérer à plusieurs ordonnances de notre Cour. Ces ordon- nances interdisent notamment la distribution et la vente de vêtements contrefaits portant les marques de commerce «Hugo Boss» ou «Polo Ralph Lauren».
À la clôture de l'audience relative à la présente requête, l'avocat de Tom Ashby a reconnu que son
client avait désobéi aux ordonnances suivantes du juge en chef adjoint: la première, datée du 8 janvier 1990, prononcée dans le dossier T-997-88, la deuxième, datée du 8 janvier 1990, prononcée dans le dossier T-892-88, la troisième, datée du 30 octobre 1989, prononcée dans le dossier T-997-88, et la quatrième, datée du 30 octobre 1989, rendue dans le dossier T-892-88. Le dossier T-997-88 concerne la contrefaçon de la marque de com merce «Hugo Boss». Le dossier T-892-88 se rap- porte à la contrefaçon des marques «Polo Ralph Lauren».
Même s'il est admis que Tom Ashby est coupa- ble d'avoir refusé d'obtemptérer aux quatre ordon- nances en question, plusieurs moyens de défense ont été invoqués au soutien de la thèse d'Arthur Ashby.
Arthur Ashby est accusé d'avoir refusé d'obtem- pérer aux quatre mêmes ordonnances que Tom Ashby. On accuse également Arthur Ashby d'avoir désobéi à une autre ordonnance. Sur les quatre ordonnances susmentionnées, les deux ordonnances datées du 30 octobre 1989 sont des ordonnances de type Anton Pillar. Elles ont été prononcées contre plusieurs défendeurs, dont Arthur Ashby, qui fait affaire sous la raison sociale de A -Jay Enterprises et contre d'autres personnes, qui sont inconnues des demandeurs et qui offrent en vente, vendent, importent, fabri- quent, annoncent ou font le commerce de vête- ments Polo Ralph Lauren ou Hugo Boss contre- faits. L'ordonnance Anton Pillar autorise les procureurs des demanderesses à saisir tout vête- ment contrefait portant ces marques de commerce qu'ils trouveront, et de les remettre à la Cour'. Par ailleurs, comme c'est habituellement le cas avec ce type d'ordonnance, les personnes contre qui la saisie est pratiquée reçoivent signification d'un avis de requête fixant la date et l'heure à laquelle elles
f Voici un extrait des dispositions pertinentes de l'ordonnance relative à Polo Ralph Lauren:
5. Les intimés ... devront remettre sans délai aux procu- reurs des demanderesses ou à leurs mandataires, pour qu'ils les confient à la garde provisoire de tout greffier de la Cour après en avoir fait les copies requises, tous les articles, données et documents suivants qui se trouvent en leur possession, ou sous leur garde ou leur autorité:
peuvent contester la validité de la saisie. Les ordonnances Anton Pillar enjoignent également aux personnes qui sont en possession de tels vête- ments contrefaits de permettre aux procureurs des demanderesses d'effectuer une perquisition dans les locaux se trouvent les vêtements et de divulguer aux procureurs le nom de la personne de qui elles ont acquis les vêtements.
Les deux ordonnances du 8 janvier 1990 sont des injonctions interlocutoires. Elles interdisent à certains défendeurs, dont Tom Ashby, de vendre,
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(i) tous les vêtements et articles connexes portant la marque de commerce POLO ou toute marque de commerce y ressemblant au point de créer de la confusion;
(ii) tous les documents et données qui semblent se rappor- ter à l'achat, l'acquisition, l'expédition, l'importation, la vente, la distribution, la fabrication ou l'impression de vête- ments portant la marque de commerce POLO.
6. Chacun des intimés devra:
(i) permettre aux procureurs des demanderesses, à leurs mandataires et aux personnes que ces procureurs pourront autoriser (et dont le nombre ne devra pas dépasser quatre) de perquisitionner sans délai dans leurs étalages et leurs locaux, y compris dans les véhicules, chariots et voitures utilisés dans le cadre de leur entreprise, n'importe quel jour, entre 6 h et minuit, dans le but de chercher, d'enlever et de confier à la garde provisoire de la Cour, sous réserve de toute autre directive, les articles et documents mentionnés au paragraphe 5.
(ii) ouvrir et mettre à la disposition des procureurs des demanderesses, ou de leurs mandataires, pour inspection, les caisses, conteneurs, classeurs, tiroirs et meubles ou dispositifs de rangement qui se trouvent en leur possession ou sous leur garde ou leur autorité, et ouvrir toute porte verrouillée que la personne qui signifie l'ordonnance soupçonne de contenir ou derrière lesquels peuvent se trouver des articles ou des docu ments qu'elle n'est pas capable d'inspecter parce que la caisse, le classeur, le tiroir, la caisse, le conteneur ou le meuble ou le dispositif de rangement est verrouillé ou qu'on ne peut par ailleurs l'inspecter; et remettre toute clé ou autre objet nécessaire à l'ouverture de cette porte, ce classeur, ce tiroir, cette caisse, ce conteneur ou ce meuble ou dispositif de rangement.
(iii) divulguer aux personnes qui signifient la présente ordonnance les éléments suivants:
a) l'endroit se trouvent tous les articles et documents mentionnés à l'article 5 qui sont en leur possession ou sous leur garde ou leur autorité, que ce soit dans leurs étalages, leurs locaux, leurs véhicules ou ailleurs, ou qui sont déte- nus en leur nom par d'autres personnes ou qui sont entre- posés ou en transit ou qu'ils livrent à d'autres personnes ou que d'autres personnes leur livrent;
b) leur nom et leur adresse, et le nom et l'adresse de toutes les personnes pour lesquelles elles (ainsi que les personnes à qui la présente ordonnance sera signifiée) obtiennent ou sont en train d'obtenir les articles en question et à qui elles ont fourni ou sont en train de fournir les articles en question.
d'offrir en vente, de distribuer, de transférer des vêtements portant les marques de commerce «Polo Ralph Lauren» et «Hugo Boss» ou de faire toute autre opération à leur égard.
L'autre ordonnance, à laquelle Arthur Ashby est accusé d'avoir désobéi, est une injonction interlo- cutoire datée du 26 juillet 1988. Elle interdit à certains défendeurs nommément désignés, dont Arthur Ashby (faisant affaire sous la raison sociale de A -Jay Enterprises), de vendre, d'offrir en vente, de distribuer ou de transférer des vête- ments portant la marque de commerce «Hugo Boss» ou de faire toute autre opération à leur égard.
Les faits
Il est nécessaire, tout d'abord, de situer les ordonnances dans le contexte général du procès que les demanderesses ont intenté devant notre Cour. En mai et en juin de 1988, les demanderes- ses ont déposé des déclarations dans lesquelles elles alléguaient que leurs marques de commerce res- pectives avaient été contrefaites par de nombreux défendeurs, dont certains étaient nommément dési- gnés et dont d'autres ne l'étaient pas. Des ordon- nances Anton Pillar ont été prononcées tant contre les uns que les autres. Ces ordonnances Anton Pillar du 16 mai 1988 (Polo Ralph Lauren) et du ler juin 1988 (Hugo Boss) ont été prorogées ou renouvelées à l'occasion. Un de ces renouvelle- ments a eu lieu le 30 octobre 1989.
Le 13 juin 1988, des injonctions interlocutoires ont été prononcées, de consentement, pour inter- dire à certains défendeurs nommément désignés de vendre et de transférer les vêtements portant la marque «Hugo Boss» («Boss») ou «Polo Ralph Lauren» («Polo») ou de faire toute autre opération à leur égard. Le 12 juillet 1988, Arthur Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de A -Jay Enterprises, a été ajouté aux défendeurs à qui l'ordonnance prononcée dans l'affaire Polo Ralph Lauren s'appliquait. Le 26 juillet 1988, Arthur Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de A -Jay Enterprises, a été ajouté aux défendeurs à qui l'injonction interlocutoire prononcée dans l'af- faire Hugo Boss s'appliquait. Les injonctions inter- locutoires prononcées contre Arthur Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de A -Jay Enterprises,
ont été signifiées le 10 août 1988, par la remise d'une copie au fils d'Arthur Ashby, Tom Ashby, dans un établissement commercial situé Passmore Road, à Scarborough.
Comme nous l'avons signalé, le 30 octobre 1989, des ordonnances Anton Pillar ont été prononcées à l'égard des deux marques (il s'agissait de renouvel- lements des ordonnances Anton Pillar déjà pronon- cées). L'un des défendeurs qui y étaient nommé- ment désignés était Arthur Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de A -Jay Enterprises. Comme c'est habituellement le cas, ces ordonnan- ces ont également été prononcées contre d'autres défendeurs au nom inconnu.
En décembre de 1989, les procureurs des demanderesses se sont présentés dans un magasin de la rue Yonge dans la vitrine duquel étaient exposées des chemises «Boss» et «Polo». Aucun nom commercial ou marque d'identification n'était indiqué à l'extérieur du magasin, mais à l'intérieur du magasin, le permis du vendeur, qui était fixé au mur, indiquait que le permis avait été délivré au nom de A -Jay Enterprises et d'Arthur Ashby. Steve Ashby était à la tête du magasin. Les procu- reurs des demanderesses ont signifié les ordonnan- ces Anton Pillar du 30 octobre 1989 à Steve Ashby et ont saisi environ 100 à 150 articles contrefaits portant les marques «Boss» et «Polo» (des pulls et des pantalons d'entraînement). En réponse aux questions qui lui étaient posées au sujet de la provenance de ces vêtements, Steve Ashby a informé les procureurs qu'ils venaient de son père, Arthur Ashby.
Les procureurs des demanderesses se sont ensuite présentés à un local situé Winges Road, à Woodbridge, dont l'adresse figurait sur certaines des boîtes saisies au magasin de la rue Yonge. Ils ont à nouveau vu des vêtements contrefaits. Les ordonnances Anton Pillar du 30 octobre 1989 ont été signifiées à la personne qui semblait être à la tête du magasin, Tom Ashby. On a saisi cinq vêtements contrefaits (deux vêtements portant la marque «Boss» et trois vêtements portant la marque «Polo»). Tom Ashby a déclaré qu'il tenait les vêtements contrefaits de son père, Arthur Ashby.
Tom et Steve Ashby ont ensuite été constitués codéfendeurs et des injonctions interlocutoires
semblables à celles qui avaient été prononcées contre leur père en juillet de 1988 ont été pronon- cées contre eux. Comme nous l'avons déjà signalé, ces ordonnances ont été prononcées le 8 janvier 1990. Elles ont été signifiées à personne à Tom Ashby au local de Winges Road le 25 janvier 1990. L'huissier a tenté de signifier les ordonnan- ces tant à Tom qu'à Steve Ashby, mais on l'a informé qu'il ne pouvait les signifier à Steve, parce qu'il se trouvait aux États-Unis pour ses études. Arthur Ashby a accepté la signification au nom de son fils Steve le 29 janvier 1990. Après avoir reçu les documents de l'huissier, Arthur les a déchiré en présence du huissier et les a jetés à la poubelle en déclarant que Steve [TRADUCTION] «ne verra jamais ces documents».
Deux mois plus tard, le 30 mars 1990, un détec- tive engagé par les demanderesses s'est présenté au magasin de Winges Road et a vu certains chan- dails d'entraînement «Boss» et «Polo» qui étaient exposés. Il en a acheté deux. Le vendeur était Tom Ashby. Son père, Arthur, était à ce moment-là assis dans un coin de la pièce et il lisait le journal. Le détective a engagé la conversation avec Tom et lui a posé des questions au sujet de l'achat de tee-shirts portant les mêmes marques. Il s'est éga- lement renseigné au sujet de la possibilité d'ache- ter des tee-shirts en grosses quantités pour les revendre éventuellement. Tom Ashby a informé le détective qu'il attendait des tee-shirts sous peu en prévision des chaleurs de l'été et qu'on pouvait les acheter en grosses quantités. Il a également précisé qu'en achetant des vêtements en grosses quantités, on pouvait obtenir un meilleur prix qu'en les ache- tant à l'unité. Tom Ashby a ajouté une mise en garde. Au sujet de la revente des vêtements, il a précisé qu'il fallait être prudent, car [TRADUC- TION] «ils peuvent vous les enlever» s'ils l'appren- nent.
Le détective a quitté le magasin de Winges Road avec les pulls d'entraînement «Polo» et «Boss» qu'il avait achetés. Il est revenu quelques minutes plus tard avec le procureur des demanderesses. Le procureur a procédé à la signification des ordon- nances Anton Pillar du 30 octobre 1989, dans le but d'emporter tous les vêtements contrefaits qui se trouvaient sur place et qui portaient les marques de commerce «Boss» et «Polo». Les documents Anton Pillar ont été remis à Tom Ashby, à qui l'on
a demandé s'il avait besoin d'explications, étant donné qu'il avait déjà vécu la même expérience (en l'occurrence, en décembre, au même établissement de Winges Road). Arthur Ashby est alors inter- venu. Il a pris les documents sur le comptoir et a exigé qu'on lui explique qui avait autorisé le procu- reur des demanderesses à retirer des articles du magasin. Des explications ont été fournies. Arthur s'est mis en colère et a commencé à proférer des jurons. Il a refusé de laisser le procureur et le détective prendre les deux boîtes de vêtements contrefaits qu'ils pouvaient voir. Il refusait de les laisser perquisitionner dans le magasin et de leur donner des renseignements au sujet de la prove nance des vêtements. Il leur a «montré» la porte et a jeté les documents Anton Pillar dehors derrière eux dans une flaque d'eau. Il a verrouillé la porte et a éteint les lumières. Le détective est allé à l'arrière du magasin et a vu Tom Ashby qui sortait avec deux grosses boîtes. En voyant le détective, Tom est rentré dans le magasin. Le procureur des demanderesses a ramassé les documents Anton Pillar dans la flaque d'eau et les a rapportés à son bureau.
Moyens de défense invoqués par Arthur Ashby
Comme nous l'avons signalé, la Cour a ordonné à Arthur Ashby d'exposer les raisons pour lesquel- les il ne devrait pas être déclaré coupable d'ou- trage au tribunal pour avoir refusé d'obtempérer aux deux ordonnances Anton Pillar du 30 octobre 1989 et aux deux injonctions interlocutoires du 8 janvier 1990. Ces ordonnances de justification ont été prononcées le 9 avril 1990. Par la suite, la Cour lui a ordonné, aux termes d'une ordonnance datée du 28 mai 1990, d'exposer aussi les raisons pour lesquelles il ne devrait pas être déclaré coupable d'outrage au tribunal pour avoir désobéi à l'injonc- tion interlocutoire du 26 juillet 1988 se rapportant aux vêtements contrefaits «Hugo Boss».
L'avocat d'Arthur Ashby prétend qu'on ne peut régulièrement examiner à cette étape-ci la question du présumé refus de son client d'obtempérer à l'ordonnance du 26 juillet 1988, parce que l'ordon- nance de justification du 28 mai 1990 n'a jamais été signifiée à personne au défendeur. Après que le juge en chef adjoint eut prononcé l'ordonnance de justification le 28 mai 1990, l'avocat des demande- resses en a fait signifier une copie à l'avocat d'Arthur Ashby. On l'a informé que l'avocat
n'était pas autorisé à accepter la signification de ce document. Un huissier a par la suite essayé sans succès à quatre reprises de signifier le document à personne à M. Ashby. On a finalement laissé les documents à Tom Ashby à l'établissement com mercial de A -Jay Enterprises.
L'avocat du défendeur prétend que la Règle 355 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] exige que la signification soit faite à personne et que comme il n'y a pas eu signification à personne de l'ordonnance de justification du 28 mai 1990, il était impossible de poursuivre le défendeur pour les actes de désobéissance allégués dans cette ordonnance (se rapportant à l'injonction interlocu- toire du 26 juillet 1988). Il soutient que les mesu- res pour outrage sont quasi criminelles et qu'en conséquence, on doit observer strictement les règles de procédure, spécialement celles concer- nant la signification à personne. J'ai convenu de remettre le prononcé de ma décision sur cette question à la fin de l'audience. La situation fac- tuelle à la base du présumé refus d'obtempérer à l'ordonnance du 26 juillet 1988 est identique à celle qui sous-tend le présumé refus d'obtempérer aux quatre autres ordonnances. Dans ces condi tions, le fait de remettre le prononcé de ma déci- sion sur la question de la signification jusqu'à ce que la preuve des demanderesses ait été entendue ne saurait causer un préjudice au défendeur Arthur Ashby.
L'avocat d'Arthur Ashby prétend qu'on ne peut déclarer le défendeur coupable d'avoir refusé d'ob- tempérer aux injonctions du 8 janvier 1990 parce qu'il n'y était pas nommé et parce qu'il n'a pas vendu les articles. L'avocat allègue qu'on ne peut déclarer Arthur Ashby coupable d'avoir désobéi aux ordonnances Anton Pillar du 30 octobre 1989, parce qu'il n'en a jamais reçu signification. Cette absence de signification s'expliquerait par le fait que les documents ont été remis à Tom Ashby et qu'on a signifié seulement une série de documents.
Signification de l'ordonnance de justification du 28 mai 1990
En ce qui concerne la signification de l'ordon- nance de justification du 28 mai 1990 dans laquelle il est allégué qu'on a désobéi à l'injonction interlocutoire du 26 juillet 1988, la Règle 355(4) dispose:
Règle 355. .. .
(4) Une personne ne peut être condamnée pour outrage au tribunal commis hors de la présence du juge que s'il lui a été signifié une ordonnance de justification lui enjoignant de com- paraître devant la Cour, au jour et à l'heure fixés pour entendre la preuve des actes dont il [sic] est accusé et pour présenter, le cas échéant, sa défense en exposant les raisons de sa conduite. Cette ordonnance [...] doit obligatoirement être signifiée à personne, à moins qu'un autre mode de signification ne soit autorisé pour des raisons valables. [C'est moi qui souligne.]
Il n'y a pas eu signification à personne de l'ordon- nance du 28 mai 1990. On a tenté de signifier l'ordonnance au procureur d'Arthur Ashby; cette signification a été refusée. Un huissier a par la suite tenté sans succès à quatre reprises de signi- fier l'ordonnance à M. Ashby. De toute évidence, M. Ashby se soustrayait à la signification. Les documents ont finalement été laissés à l'établisse- ment commercial de M. Ashby, à son fils Tom. En lui demandant de répondre à la fois à l'accusation d'avoir désobéi à l'ordonnance du 26 juillet 1988 et aux accusations d'avoir désobéi aux quatre autres ordonnances pour lesquelles des ordonnances de justification lui ont été signifiées à personne, on ne cause aucun préjudice à M. Ashby. Les mêmes faits sont à la base des cinq ordonnances.
Les accusations d'outrage au tribunal sont quasi criminelles. Les conséquences sont graves. L'au- teur présumé d'un outrage au tribunal s'expose à l'incarcération. En conséquence, les règles applica- bles doivent être strictement observées (voir Beloit Can. Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1988), 18 C.I.P.R. 1 (C.A.F.), aux pages 20 et 21). Par ailleurs, les pouvoirs de la Cour en matière d'outrage ont pour but général d'assurer le fonctionnement harmo- nieux de la justice (Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. et autres c. Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388). De surcroît, la Règle 2(2) des Règles de la Cour fédérale énonce les princi- pes qui régissent l'interprétation de ces Règles:
Règle 2. .. .
(2) Les présentes Règles visent à faire apparaître le droit et en assurer la sanction; elles doivent s'interpréter les unes par les autres et autant que possible faciliter la marche normale des procès plutôt que la retarder ou y mettre fin prématurément. [C'est moi qui souligne.]
Si le présumé refus d'obtempérer à l'ordonnance du 26 juillet 1988 n'est pas examiné dans le cadre de la présente instance, il sera nécessaire de tenir une seconde audience au cours de laquelle on présentera les mêmes éléments de preuve que ceux
qui m'ont été soumis. La seule raison justifiant la tenue de cette seconde audience serait le vice qui entacherait la signification faite à Arthur Ashby, qui était présent pendant toute la durée de l'audi- tion de tous les éléments de preuve se rapportant au présumé refus d'obtempérer à l'ordonnance du 26 juillet 1988.
Dans ce contexte, la question que je dois me poser est celle de savoir si le pouvoir accordé au juge, en vertu de la Règle 355(4), d'autoriser «un autre mode de signification» (another mode of service) ne peut être exercé qu'avant l'audience relative à l'accusation d'outrage au tribunal ou s'il peut également être exercé en même temps que cette audience.
Il n'y a pas de doute qu'eu égard aux circons- tances de la présente affaire, si une demande avait été présentée, avant l'audience, en vue d'obtenir l'autorisation de signifier les documents en les laissant aux locaux commerciaux d'Arthur Ashby ou en les remettant à son procureur, cette demande aurait été accueillie. De plus, il est utile de citer les propos suivants de Louisell et Hazard tirés de leur ouvrage Cases and Materials on Pleadings and Procedure, à la page 409:
[TRADUCTION] L'hypothèse du défendeur qui s'enferme chez- lui et qui s'éclipse et s'esquive lorsqu'il se trouve à l'extérieur dans des lieux publics, le tout pour essayer (parfois avec succès) de se soustraire au contact physique de l'huissier, semble trop exagérée pour qu'une société adulte et civilisée l'accepte. Il semble que les tribunaux n'ont jamais pensé de dire à ce défendeur qu'il fait l'objet d'une signification à personne lors- que l'assignation lui est remise de telle manière que seules les manoeuvres d'évitement pourraient faire échec à la significa tion. Pourquoi un ordre émanant du Souverain devrait-il être traité à ce point à la légère?
De fait, dans des domaines connexes, la juris prudence nous enseigne que lorsque rien ne permet de penser que l'intimé (défendeur) subira un préju- dice, le tribunal refusera de rejeter une demande au simple motif que les règles de la signification n'ont pas été strictement observées (voir, par exemple, l'arrêt King v. Kokot (1980), 31 O.R. (2d) 461 (H.C.)). Dans le même ordre d'idées, il a été jugé que les personnes qui comparaissent de leur plein gré sont irrecevables à invoquer une signification viciée. Ces solutions s'accordent par- faitement avec le but dans lequel la signification à personne est exigée. Dans le jugement Hope v. Hope (1854), 43 E.R. 534 (Ch.D.), aux pages 539 et 540, le principe sous-jacent a été exprimé dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Toute signification ne vise évidemment qu'à aviser la personne à qui elle est donnée, afin de l'informer des conclusions formulées contre elle et à s'assurer qu'elle soit en mesure de les contester. Lorsque l'essentiel de ces formalités a été entièrement respecté de sorte que le tribunal est convaincu que les documents ont effectivement été signifiés à la personne en question, toutes les conditions prévues sont respectées.
Plus tard, le juge d'appel Hogg a déclaré, dans l'arrêt Re Avery, [1952] O.R. 192 (C.A.), à la page 199:
[TRADUCTION] On a dit que la signification à personne consis- tait à remettre l'acte de procédure au défendeur lui-même ou à le rencontrer et à l'aviser de la teneur de l'acte en question.
Dans les décisions récentes, les tribunaux souli- gnent que la question pertinente à se poser est celle de savoir si l'on a atteint le but visé par la notifica tion de l'acte de procédure au destinataire. Dans l'affaire Re Consiglio et al., [1971] 3 O.R. 798 (C.M.), l'huissier a laissé le document à un tiers, et la personne à qui le document devait être signi- fié en a par la suite pris connaissance. Dans cette affaire, le tribunal a statué que les exigences de la signification à personne étaient respectées s'il sem- blait que le destinataire du document était mis au courant ou en possession de ce document directe- ment ou indirectement par un tiers. Par la suite, dans l'affaire Rupertsland Mtge. Invt. Ltd. v. City of Winnipeg (1981), 23 C.P.C. 208 (C. cté Man.), l'épouse d'un administrateur a reçu signification des documents et elles les a ensuite remis à son mari. La signification a été réputée avoir été faite à personne au mari. Le tribunal a déclaré qu'il y a signification à personne si l'on peut démontrer que la personne à qui la signification doit être faite a effectivement reçu le document et a été mise au courant de son contenu soit directement, soit par le truchement d'un intermédiaire. Le tribunal a éga- lement fait observer que le but de la signification consiste à mettre une personne au courant des poursuites qu'on a l'intention d'intenter contre elle et de l'en aviser, et que si cet objectif est atteint et que l'acte de procédure a effectivement atteint la personne, on ne devrait pas se préoccuper de la façon exacte dont cela s'est produit. En l'espèce, il est évident qu'Arthur Ashby devait être au courant de l'existence de l'outrage dont on l'accusait à l'égard du refus d'obtempérer à l'ordonnance du 26 juillet 1988—comment son procureur aurait-il pu recevoir pour instructions de ne pas accepter la signification des documents pertinents s'il n'en était pas ainsi?
Comme je l'ai signalé, la question litigieuse dont je suis saisi porte sur l'interprétation exacte de la Règle 355(4), et particulièrement sur la question de savoir si je peux autoriser, à cette étape-ci, un mode de signification moins exigeant que la signi fication à personne au motif qu'il est suffisant. J'en suis venu à la conclusion que la Règle 355(4) n'exige pas que l'autorisation d'un autre mode de signification soit donnée avant l'audition des accu sations d'outrage. Dans des circonstances comme celles qui existent dans le cas qui nous occupe, une telle exigence ferait fi des objets énoncés à la Règle 2(2). Il s'ensuivrait qu'il faudrait tenir une autre audience, avec tous les frais que cela com- porterait pour les parties et pour la Cour, pour examiner exactement les mêmes éléments de preuve que ceux qui ont déjà été portés à la connaissance de la Cour. Dans les circonstances de la présente affaire, aviser le procureur ou laisser les documents à l'établissement commercial de M. Ashby constituerait une signification suffisante si l'autorisation en avait été obtenue avant l'au- dience. J'estime qu'on porterait atteinte à l'esprit et aux principes de la Règle 2(2) si l'on n'interpré- tait pas la Règle 355(4) de manière à permettre que l'autorisation de ce mode de signification soit donnée aussi bien simultanément avec l'audition des accusations d'outrage qu'avant cette audition. En conséquence, je suis d'avis qu'en l'espèce le défendeur a régulièrement reçu signification des documents.
M. Ashby a assisté à toute la séance du 6 juin 1990 au cours de laquelle a été examiné l'outrage au tribunal qui découlerait des événements qui se sont produits le 30 mars 1990 aux locaux de Winges Road de A -Jay Enterprises. Arthur Ashby n'a offert aucune preuve pour expliquer ou nier l'un ou l'autre des éléments de preuve présentés par les demanderesses au sujet des événements du 30 mars 1990. Cette position a été adoptée dans le contexte de ma décision de remettre le prononcé de mon jugement sur la validité de la signification de l'ordonnance du 28 mai 1990. En conséquence, la décision prise par le défendeur à cet égard ne saurait être considérée comme s'appliquant néces- sairement au présumé refus d'obtempérer à l'or- donnance du 26 juillet 1988. Le défendeur Arthur Ashby devra, dans les semaines de la date de la présente ordonnance, indiquer, par la voix de son avocat, s'il désire présenter des éléments de preuve pour répondre aux accusations portées contre lui.
Les injonctions interlocutoires du 9 janvier 1990
En ce qui concerne le présumé refus d'obtempé- rer aux deux ordonnances du 9 janvier 1990, j'ai examiné la question de savoir si Arthur Ashby s'était rendu coupable d'outrage au tribunal pour avoir refusé d'obtempérer à ces ordonnances, même s'il n'y est pas nommément désigné (son nom figure dans l'intitulé de la cause, mais non dans le dispositif de l'ordonnance). Arthur Ashby s'est fait le complice du refus de Tom Ashby d'obtempérer aux ordonnances. Il est acquis que le père faisait affaire sous la raison sociale de A -Jay Enterprises. C'est le père qui s'occupait d'obtenir les vêtements contrefaits. Le père était présent au moment de la vente des pulls d'entraînement qui a eu lieu le 30 mars 1990. Il a assisté à la discussion au cours de laquelle l'éventuelle vente de tee-shirts contrefaits et les ventes en grosses quantités ont été abordée. Il était au courant de l'existence des injonctions interdisant la vente de ces articles. Il savait qu'il était interdit à lui-même et à ses fils de vendre, d'offrir en vente ou de distribuer les arti cles en question. De fait, la preuve démontre à l'évidence que c'est lui qui poussait son fils à agir.
Il est de jurisprudence constante qu'une per- sonne qui n'est pas nommément désignée comme partie dans une ordonnance peut se rendre coupa- ble d'outrage au tribunal si elle s'est faite le com- plice d'un refus d'obtempérer à cette ordonnance. Ce principe a été fermement établi dans l'arrêt Seaward v. Paterson, [1897] 1 Ch. 545 (C.A.). La Cour d'appel a statué, à la page 554, que le pouvoir que possède la Cour de condamner un tiers pour outrage au tribunal repose sur le principe que:
[TRADUCTION] Il est tenu, comme les autres citoyens, de ne pas entraver ou gêner le cours de la justice et ce dont on doit, le cas échéant, l'accuser, ce n'est pas d'avoir formellement violé l'injonction, qui n'a aucunement été prononcée contre lui, mais d'avoir aidé et incité d'autres personnes à défier la Cour et d'avoir délibérément incité autrui à considérer l'ordonnance de la Cour comme indigne d'attention.
Dans une remarque incidente, la Cour suprême du Canada a adopté, dans l'arrêt T Poje v. A. G. for British Columbia, [1953] 1 S.C.R. 516, aux pages 518 et 519, le raisonnement suivi dans l'arrêt Seaward. La Cour a signalé la différence qui existe, en matière d'outrage au tribunal; entre la désobéissance effective à une injonction et ce qui constitue une entrave à la justice (voir également
l'arrêt Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. et autres c. Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388 pour une affaire dans laquelle une personne qui n'était pas liée par une injonction a été déclarée coupable d'outrage au tribunal parce qu'elle avait agi de façon à gêner la bonne admi nistration de la justice ou à porter atteinte à une ordonnance de la Cour; voir aussi l'arrêt Re Gaglardi (1960), 27 D.L.R. (2d) 281 (C.A.C.-B.), l'arrêt Beloit Can. Ltée./Ltd. c. Valmet Oy (1988), 18 C.T.P.R. 1 (C.A.F.) et le jugement Profekta International Inc. c. Pearl Video Ltd. (1987), 16 C.I.P.R. 193 (C.F. 1'e inst.).
Par ailleurs, l'avocat n'a pas allégué devant moi qu'Arthur Ashby s'était rendu coupable d'avoir refusé d'obtempérer aux ordonnances du 8 janvier 1990 en raison d'actes qui auraient aidé et incité Tom Ashby à désobéir à ces ordonnances. Il se peut que le libellé des ordonnances de justification du 9 avril 1990 n'appuie pas ce moyen. De toute façon, comme il n'a pas été invoqué, je ne crois pas que je devrais me fonder sur ce moyen. Étant donné que je n'ai pas conclu qu'Arthur Ashby était coupable d'un outrage au tribunal pour s'être fait le complice du refus de son fils Tom d'obtempérer aux ordonnances pertinentes, je ne crois pas qu'on puisse déclarer Arthur Ashby coupable d'avoir désobéi aux ordonnances du 8 janvier 1990. Ces ordonnances ont été prononcées contre ses fils. Les ordonnances dans lesquelles le père était nommé- ment désigné ont été prononcées, comme je l'ai déjà dit, antérieurement.
Les ordonnances Anton Pillar du 30 octobre 1989
En ce qui concerne les ordonnances Anton Pillar du 30 octobre 1989, le moyen de défense invoqué par Arthur Ashby est artificiel et peu convaincant. Il s'agit d'une situation dans laquelle la connais- sance de l'ordonnance à laquelle on a refusé d'ob- tempérer est suffisante pour étayer une accusation d'outrage au tribunal (voir, par exemple, Apple Computer, Inc. c. Minitronics of Canada Ltd., [1988] 2 C.F. 265 (1'e inst.) et Di Giacomo v. Di Giacomo Canada Inc. (1988), 20 C.P.R. (3d) 251 (H.C. Ont.). Il n'était pas nécessaire de signifier le document à personne à Arthur Ashby en le lui remettant en mains propres, d'autant plus qu'il ressort à l'évidence des circonstances de l'espèce qu'il n'était pas disposé, de toute façon, à obéir aux ordres de la Cour. La remise d'une seconde série
de documents aurait été inutile. En conséquence, la Cour déclare Arthur Ashby coupable d'avoir refusé d'obtempérer aux deux ordonnances Anton Pillar du 30 octobre 1989.
Peine
On m'a cité le jugement Hugo Boss c. Bruns- wick et autres (T-1436-87, 14 septembre 1987), dans lequel la Cour a ordonné le paiement d'une amende de 1 000 $ et de frais de 1 500 $. On m'a cité le jugement Guccio Gucci c. Cebuchier et autres (T-408-88, 15 janvier 1990), dans lequel la Cour a infligé une amende de 2 500 $ et des frais de 1 000 $. On m'a cité le jugement Montres Rolex S.A. et autres c. Herson et autres (1987), 15 C.P.R. (3d) 368 (C.F. 1Ce inst.), dans lequel une amende de 2 000 $ a été appliquée, et le jugement Guccio Gucci S.p.A. c. Silvert (1988), 18 C.I.P.R. 274 (C.F. lie inst.), dans lequel, dans le cas d'une seconde infraction, la Cour a infligé une amende de 5 000 $ et des frais de 2 000 $.
Les infractions commises en l'espèce révèlent un mépris flagrant des droits des autres et des ordon- nances de notre Cour. Les défendeurs trouveraient monstrueux que quelqu'un entre par effraction dans leur domicile ou leur commerce et y vole leurs biens. Pourtant, ils n'ont aucun scrupule à voler le bien d'autrui. Ils ne considèrent peut-être pas comme du vol le fait de tirer profit des mar- ques de commerce et des noms commerciaux d'au- trui, mais c'est bien ce dont il s'agit. Le droit de propriété qui est volé est tout simplement différent. Il est évident qu'Arthur Ashby porte une responsa- bilité plus lourde que son fils et, en conséquence, les peines infligées pour chaque infraction devraient être proportionnellement plus lourdes. L'avocat des demanderesses s'est dit d'avis que les peines infligées pour chaque infraction dans chaque dossier devaient être infligées séparément. Je conviens qu'il s'agit d'une solution appropriée.
DISPOSITIF
La Cour condamne Tom Ashby à une amende de 1 500 $ pour chacune des infractions qu'il a commises (pour un total de 6 000 $). Arthur Ashby devra payer une amende de 3 000 $ pour chacune des infractions qu'il a commises en refu- sant d'obtempérer aux ordonnances du 30 octobre 1989 (un total de 6 000 $ imputable aux ordonnan- ces du 30 octobre 1989). De plus, la Cour con-
damne les défendeurs aux dépens de la présente action sur une base procureur-client, lesquels sont fixés à 2 400 $. Les défendeurs les verseront aux demanderesses selon la proportion qu'ils convien- dront ou en les partageant moitié-moitiq. Ces sommes devront être réglées dans les 30 jours de la date de la présente ordonnance. En cas de défaut de paiement des amendes et des dépens dans ce délai de 30 jours, les demanderesses, ou l'une ou l'autre d'entre elles, pourront présenter une demande en vue de faire incarcérer les défendeurs, dans le cas de Tom Ashby, pour une période maximale de 30 jours, dans le cas d'Arthur Ashby, pour une période maximale de 60 jours. Par l'en- tremise de son avocat, le défendeur Arthur Ashby indiquera à la Cour par une lettre adressée et envoyée à l'administrateur régional du bureau local de Toronto s'il a l'intention de présenter des éléments de preuve pour répondre aux éléments de preuve qui ont été présentés au sujet de son pré- sumé refus d'obtempérer à l'ordonnance du 26 juillet 1988. Si cette lettre n'est pas reçue dans les deux semaines de la date de la présente ordon- nance, la Cour rendra un jugement à partir du dossier actuel. Si Arthur Ashby désire présenter des éléments de preuve, la Cour prononcera une ordonnance fixant la date, l'heure et le lieu de cette audience.
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