A-476-89
Abdul Rassoul Dehghani (requérant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: DEHGHANI c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI
ET DE L'IMMIGRATION) (C.A.)
Cour d'appel, juges Pratte, Heald et Mahoney,
J.C.A.—Toronto, 30 avril; Ottawa, 26 juin 1990.
Immigration — Statut de réfugié — Ressortissant d'un pays
étranger arrivant par avion sans documents en règle — Le
requérant a revendiqué le statut de réfugié — Après avoir subi
un interrogatoire primaire à un poste de contrôle de l'immi-
gration, il a été conduit à une salle d'entrevue où un agent de
l'immigration lui a fait subir un second interrogatoire —
Attente de quatre heures — Interrogatoire de routine —
Chacun, y compris tout citoyen canadien, est détenu lorsqu'il
se présente à un point d'entrée, car nul n'est libre d'entrer au
Canada tant qu'un agent d'immigration n'est pas convaincu
que cette personne a le droit d'y entrer — Le requérant n'a
cependant pas été «détenu» au sens de l'art. 10 de la Charte et
il n'avait donc pas le droit d'être informé de son droit à
l'assistance d'un avocat — Le fait que l'arbitre a fait un
exposé erroné du critère relatif au minimum de fondement est
sans conséquence si le bon critère a par la suite été énoncé et
appliqué.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Droit à l'assistance d'un avocat
Ressortissant d'un pays étranger arrivant par avion sans docu
ments en règle et revendiquant le statut de réfugié — Après
avoir subi un interrogatoire primaire à un poste de contrôle de
l'immigration, le requérant a été conduit à une salle d'entrevue
où un agent de l'immigration lui a fait subir un second
interrogatoire — Il n'a pas été «détenu» au sens de l'art. 10 de
la Charte et il n'avait donc pas le droit d'être informé de son
droit à l'assistance d'un avocat.
Le requérant, qui est un citoyen de l'Iran, est arrivé au
Canada à l'aéroport international Pearson de Toronto en mai
1989 sans document de transport ni pièce d'identité et il a
revendiqué le statut de réfugié. Après avoir subi un interroga-
toire primaire à l'un des postes de contrôle devant lesquels tous
les passagers de vols internationaux qui descendent d'avion font
la queue, le requérant a été conduit à une salle d'entrevue où il
a dû attendre pendant quatre heures avant d'être interrogé à
nouveau par un agent d'immigration. Nerveux et effrayé, le
requérant a omis de divulguer des renseignements pertinents:
ses activités politiques royalistes, la confiscation de son entre-
prise et l'arrestation et l'exécution de sa fille.
Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 28 en
vue de faire réviser et annuler la décision par laquelle un
arbitre et un membre de la Section du statut de réfugié (le
tribunal administratif) ont conclu, en vertu du paragraphe
46.01(6) de la Loi sur l'immigration, que la revendication du
statut de réfugié du requérant n'avait pas un minimum de
fondement. Le requérant demande également l'annulation de la
mesure d'exclusion.
Arrêt (avec la dissidence du juge Heald, J.C.A.): la demande
devrait être rejetée.
Le juge Mahoney, J.C.A.: Le requérant n'a pas été détenu au
sens de l'article 10 de la Charte au cours de l'interrogatoire
secondaire que l'agent d'immigration lui a fait subir. Il n'exis-
tait pas d'obligation de l'informer de son droit à l'assistance
d'un avocat.
Quiconque sollicite l'admission à un point d'entrée est détenu
tant qu'un agent d'immigration n'est pas convaincu que cette
personne a le droit d'entrer au Canada. Cette personne n'est
cependant pas détenue au sens constitutionnel du terme. Elle
n'a pas été mise dans cette situation par un agent de l'État qui
a restreint sa liberté d'action. Elle s'est plutôt mise elle-même
dans cette situation de son propre chef en sollicitant l'admis-
sion. L'état d'esprit dans lequel se trouvait le requérant au
cours de l'interrogatoire ne saurait changer le fait qu'il s'agis-
sait d'un interrogatoire de routine. Le tribunal administratif a
parfaitement respecté les limites de ses attributions en appré-
ciant la crédibilité du requérant et la valeur du témoignage que
celui-ci a donné au sujet de son état d'esprit pour expliquer de
façon plausible les omissions.
L'arbitre a effectivement fait un exposé inexact du critère
relatif au minimum de fondement (paragraphe 46.01(6)) à
l'ouverture de l'audience du tribunal administratif. Cette erreur
n'a pas eu de conséquence, car le tribunal administratif a par la
suite énoncé et appliqué le bon critère dans sa décision.
Le juge Heald, J.C.A. (dissident): Si l'on applique le raison-
nement suivi par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt
Therens aux faits de la présente espèce, on est forcé de conclure
que le requérant était détenu au sens de l'alinéa 106) de la
Charte. L'agent d'immigration, «un agent de l'État», qui a
mené le second interrogatoire du requérant avait restreint la
liberté d'action du requérant, qui n'était pas libre de quitter la
pièce. L'interrogatoire serré qui a eu lieu faisait partie inté-
grante de l'enquête prévue à la Loi sur l'immigration, laquelle
enquête a débouché sur la mesure d'exclusion prise contre le
requérant. Le requérant a acquiescé à la privation de sa liberté,
étant donné qu'il croyait raisonnablement qu'il n'avait pas le
choix d'agir autrement. Il y avait une perception raisonnable de
n'avoir vraiment pas le choix et une privation involontaire de
liberté. Le requérant a par ailleurs été assujetti à une contrainte
extérieure. De plus, suivant l'arrêt Singh c. Ministre de l'Em-
ploi et de l'Immigration de la Cour suprême du Canada, le
présent revendicateur du statut de réfugié, qui se trouvait au
Canada durant toute l'époque en cause, avait droit à la protec
tion de l'article 10. Les raisons qui justifient de reconnaître la
protection de l'article 10 dans le cas d'un revendicateur du
statut de réfugié qui risque l'incarcération, la torture et même
la mort si on le force à retourner en Iran sont tout aussi
convaincantes que celles qui existent lorsque le processus crimi-
nel est engagé. Le requérant avait donc le droit d'être informé
de son droit à l'assistance d'un avocat. La violation de l'article
10 qui a été commise en l'espèce était une violation de fond
étant donné que les éléments de preuve recueillis lors de son
interrogatoire ont conduit à la prise d'une mesure d'exclusion.
On peut soutenir de façon convaincante que les revendicateurs
du statut de réfugié possèdent le droit de consulter un avocat
aux points d'entrée.
Les dispositions de l'article premier de la Charte ne s'appli-
quent pas aux circonstances de la présente affaire. Il n'y a pas
de «restriction prescrite par une règle de droit» au sens de
l'article premier qui exigerait qu'un revendicateur du statut de
réfugié soit privé de son droit à l'assistance d'un avocat dans les
circonstances de la présente affaire.
Dans une situation comme celle-ci, dans laquelle le tribunal
administratif a énoncé à la fois un critère correct et un critère
erroné au sujet du minimum de fondement (paragraphe
46.01(6)) à au moins deux reprises et lorsque, comme en
l'espèce, il est impossible de savoir avec certitude s'il a appliqué
le bon critère, il faut conclure que le tribunal administratif a
commis une erreur donnant ouverture à une révision.
Il y a lieu d'annuler la décision rendue par le tribunal
administratif sur la question du minimum de fondement ainsi
que la mesure d'exclusion.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, n° 44], art. 1, 10b), 24.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
28.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art.
6(2), 8, 12(3), 46.01(6) (mod. par L.R.C. (1985) (4e
suppl.), chap. 28, art. 14).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. c. Therens et autres, [1985] 1 R.C.S. 613; (1985), 18
D.L.R. (4th) 655; [1985] 4 W.W.R. 286; 38 Alta L.R.
(2d) 99; 40 Sask. R. 122; 18 C.C.C. (3d) 481; 13 C.P.R.
193; 45 C.R. (3d) 57; 32 M.V.R. 153; 59 N.R. 122;
Arduengo c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(1981), 40 N.R. 436 (C.A.F.); Kimbudi c. Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration (1982), 40 N.R. 566
(C.A.F.).
DÉCISIONS CITÉES:
R. c. Simmons, [1988] 1 R.C.S. 495; (1988), 67 O.R.
(2d) 63; 55 D.L.R. (4th) 673; 45 C.C.C. (3d) 296; 66
C.R. (3d) 297; 889 N.R. 1; 30 O.A.C. 241; R. c. Thom-
sen, [1988] 1 R.C.S. 640; (1988), 40 C.C.C. (3d) 411; 63
C.R. (3d) 1; 32 C.R.R. 257; 4 M.V.R. (2d) 185; 84 N.R.
347; Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; (1985), 17 D.L.R.
(4th) 422; 12 Admin. L.R. 137; 14 C.R.R. 13; 58 N.R. 1;
R. v. Kwok (1986), 31 C.C.C. (3d) 196; 18 O.A.C. 38
(C.A. Ont.); R. c. Manninen, [1987] I R.C.S. 1233;
(1987), 41 D.L.R. (4th) 301; 34 C.C.C. (3d) 385; 58
C.R. (3d) 97; 76 N.R. 198; Sloley c. Canada (Ministre
de l'Emploi et de l'Immigration), A-364-89, juge Heald,
J.C.A., jugement en date du 22-2-90, C.A.F., encore
inédit; Lee c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Im-
migration), A-401-89, juge Heald, J.C.A., jugement en
date du 22-2-90, C.A.F., encore inédit.
DOCTRINE
Hogg, P. W. Constitutional Law of Canada, 2nd ed.
Toronto: The Carswell Company Limited, 1985.
AVOCATS:
Pia Zambelli pour le requérant.
Donald A. MacIntosh pour l'intimé.
PROCUREURS:
Jackman, Silcoff, Zambelli, Toronto, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD, J.C.A. (dissident): La Cour
est saisie d'une demande fondée sur l'article 28
[Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap.
F-7] par laquelle le requérant sollicite l'examen et
l'annulation d'une décision datée du 1" août 1989
rendue par l'arbitre S. P. Roberts et par le com-
missaire R. White de la Commission de l'immigra-
tion et du statut de réfugié (le tribunal administra-
tif) en vertu du paragraphe 46.01(6) de la Loi sur
l'immigration, L.R.C. (1985) [chap. I-2 (mod. par
L.R.C. (1985) (4e suppl.), chap. 28, art. 14)].
Dans cette décision, le tribunal administratif a
conclu que la revendication du statut de réfugié au
sens de la Convention du requérant n'avait pas un
minimum de fondement. En outre, le requérant
sollicite, dans sa demande fondée sur l'article 28,
l'annulation de la mesure d'exclusion prise égale-
ment par l'arbitre Roberts le ler août 1989.
Le dossier qui nous a été soumis était constitué
de la transcription de la procédure qui a été enga
gée devant l'arbitre et de celle qui s'est déroulée
devant le tribunal administratif. En outre, et con-
formément à l'ordonnance rendue le 4 avril 1990
par le juge Pratte, J.C.A. on a versé au dossier un
affidavit souscrit par le requérant le 30 août 1989
dans lequel celui-ci relate les circonstances entou-
rant l'interrogatoire que lui a fait subir un agent
d'immigration à son arrivée au Canada le 13 mai
1989.
À l'audition qui a eu lieu devant nous, l'avocate
du requérant a fait valoir cinq moyens pour
appuyer sa demande de révision judiciaire. La
Cour n'a pas jugé nécessaire d'entendre l'intimé
sur trois de ces moyens'. Nous avons toutefois
entendu les prétentions des deux avocats sur les
deux autres questions litigieuses, à savoir:
(1) Le tribunal administratif a-t-il outrepassé sa compétence
en violant le droit du requérant à l'assistance d'un avocat qui
est constitutionnellement affirmé à l'alinéa 106) de la Charte
[Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985),
appendice II, n° 44]] 2 ?
(2) Le tribunal administratif a-t-il outrepassé sa compétence
en appliquant le mauvais critère pour rendre la décision qu'il
était tenu de rendre aux termes du paragraphe 46.01(6), de la
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2?
LES FAITS
Le requérant, qui est âgé de 52 ans, est arrivé au
Canada à l'aéroport international Pearson de
Toronto le 13 mai 1989 sans document de trans
port ni pièce d'identité. C'est un illettré, car il ne
sait ni lire ni écrire (exception faite de son nom) sa
langue maternelle (le persan). Il est par ailleurs
constant que, durant toute l'époque en cause, il ne
comprenait pas l'anglais, langue dans laquelle
toute la procédure en litige s'est déroulée. Il
affirme qu'il s'est enfui de son pays d'origine,
l'Iran, par crainte d'y être persécuté. Il est père de
quatre enfants. Il est un sympathisant royaliste
depuis 1984; en d'autres termes, il était un parti
san du Shah d'Iran. Il exhortait ses enfants à être
des sympathisants royalistes aussi. Sa fille, Mah-
boobeh, s'est notamment occupée très activement
de défendre la cause royaliste. En conséquence,
elle a été arrêtée, détenue, puis finalement exécu-
tée. Avant l'arrestation de sa fille, il a appris que
les autorités enquêtaient aussi sur ses activités. On
a cessé de distribuer des cartes de rationnement à
sa famille et de livrer des fournitures à son entre-
prise. Immédiatement après l'exécution de sa fille,
lui et les membres de sa famille se sont cachés. Il a
Voici les moyens en question: a) Le tribunal administratif
n'a pas tenu compte de la preuve documentaire dont il dispo-
sait; b) Le tribunal administratif a mal évalué la crédibilité du
requérant; c) Toutes les erreurs reprochées, prises globalement,
constituent une erreur de droit donnant ouverture à une
révision.
2 L'alinéa 10b) est ainsi conçu:
10. Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention:
b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et
d'être informé de ce droit;
quitté l'Iran pour la Turquie le 21 avril 1989. C'est
la dernière fois qu'il a vu sa famille. Au début du
mois de mai de 1989, sa femme, qui était demeu-
rée en Iran, lui a appris par téléphone que le
gouvernement iranien avait confisqué son entre-
prise. Il a déclaré que sa principale préoccupation
était de sortir de l'Iran, qu'il avait déjà demandé
un visa canadien et que sa demande avait été
refusée. Il avait également demandé sans succès un
visa des États-Unis en décembre de 1988.
Dans son affidavit du 30 août 1989, le requérant
poursuit le récit des événements à compter de son
arrivée au Canada le 13 mai 1989 en provenance
de la Turquie. Les déclarations faites par le requé-
rant dans cet affidavit ne sont pas contredites,
étant donné qu'il n'a pas été contre-interrogé à
leur sujet même si dans l'ordonnance conformé-
ment à laquelle l'affidavit a été ajouté au dossier,
le juge Pratte, J.C.A. a expressément accordé l'au-
torisation de le contre-interroger. Voici le texte des
paragraphes 7 à 16 inclusivement de son affidavit:
[TRADUCTION] 7. Voici, de mon point de vue, ce qui s'est
produit à mon arrivée à l'aéroport de Toronto. Après avoir
quitté l'avion, j'ai descendu un long corridor et j'ai ensuite fait
la queue afin de rencontrer ce qui m'a semblé être un policier
dans une petite cabine. J'avais sur moi un faux passeport à ce
moment-là; j'étais nerveux. Le premier policier m'a dit qu'il me
faudrait voir quelqu'un dans une autre salle de l'aéroport. J'ai
suivi ses indications et j'ai attendu dans cette salle pendant
environ quatre heures. J'ai trouvé cette attente difficile à
supporter, parce que mon sort était incertain et parce que je me
rendais compte que je demandais finalement l'asile permanent
après m'être enfui de l'Iran.
8. Finalement, un autre policier m'a appelé à son bureau. La
nuit était tombée à ce moment-là. On m'a ensuite interrogé
pendant environ deux heures. L'entrevue a eu lieu au bureau de
cet homme. J'étais assis en face de lui sur une chaise. J'étais
très nerveux et effrayé. Il y avait aussi un interprète persan,
mais j'avais l'impression qu'il n'était pas un très bon interprète.
Par exemple, je suis né le 8 du mois d'esfand selon le calendrier
iranien, mais l'interprète répétait que j'étais né le 9 d'esfand.
9. L'agent m'a demandé pourquoi j'étais venu au Canada. Je
lui ai répondu que mon objectif fondamental était d'être un
réfugié, mais que je voulais vivre au Canada dans le but d'y
travailler pour améliorer ma condition et celle de ma famille. Il
m'a demandé si jé voulais qu'on me présente au consulat
iranien. Je lui ai répondu que je ne le voulais pas. Il m'a ensuite
demandé si ma vie serait en danger si je retournais en Iran et
j'ai répondu par l'affirmative. Il m'a demandé si je m'opposais
au régime iranien et je lui ai répondu par l'affirmative. Il m'a
demandé si j'étais partisan d'un mouvement politique quelcon-
que en Iran, comme les moudjahiddin ou les feddayin-al-Khalq.
Je lui ai répondu par la négative. Je lui ai ensuite donné ma
date de naissance et d'autres renseignements du genre. Je lui ai
montré certains documents que j'avais apportés avec moi qui
établissaient que j'étais propriétaire d'une maison en Iran. Il
m'a également demandé si je voulais retourner en Iran et je lui
ai répondu que je ne le voulais pas; il m'a expliqué que je
pouvais revendiquer le statut de réfugié. Il a également rédigé à
mon sujet un rapport dans lequel il a allégué que je ne pouvais
être admis au Canada parce que j'avais de faux documents de
voyage.
10. Je n'ai pas raconté à cet homme toute la vérité au sujet de
ma situation, mais j'estime que j'avais une bonne raison d'agir
ainsi. Tout d'abord, avant d'arriver au Canada, je ne connais-
sais absolument rien des lois canadiennes relatives aux refugiés.
Les seules choses que je savais, je les tenais du passeur, qui
m'avait recommandé de ne pas trop parler à l'aéroport. Je ne
connaissais pas l'attitude du Canada envers les réfugiés en
provenance de l'Iran. Je craignais que le Canada n'ait pas de
bonnes relations avec l'Iran et qu'on ne veuille pas entendre ma
revendication.
11. Ce que je savais, c'était que j'entrais au Canada illégale-
ment avec de faux documents. J'avais très peur et j'étais
bouleversé parce que je croyais que le but de l'entrevue consis-
tait pour l'agent à trouver une façon de m'expulser du Canada.
Mon seul désir était de dire quelque chose qui me permettrait
de demeurer au Canada. C'est la raison pour laquelle j'ai dit à
l'agent que je venais au Canada pour y travailler, au lieu de lui
dire la vérité, c'est-à-dire que j'y cherchais refuge. Je pensais
que le Canada verrait d'un mauvais oeil le fait que je m'étais
mêlé de politique; je n'ai donc pas parlé à l'agent de mes
activités politiques en Iran ou de l'exécution de ma fille. De
mon point de vue, je pensais qu'il était possible que le Canada
me renvoie sur-le-champ en Iran sans m'accorder d'audience.
En conséquence, j'estimais qu'il était primordial que je ne dise
pas la mauvaise chose; cependant, il m'était impossible de
savoir ce qui était la «bonne» chose ou la «mauvaise» chose.
12. J'avais à ce moment-là la conviction que la personne qui
m'interrogeait était un policier. Je sais maintenant que ce
n'était pas le cas. J'ai présumé que c'était un policier parce que
j'ai été escorté jusqu'à son bureau par le premier homme que
j'ai vu. J'avais présumé que, parce qu'il portait un uniforme, cet
homme était un policier. De plus, mon seul cadre de référence
était l'aéroport, en Iran, qui est pourvu d'officiers chargés de
faire respecter la loi qui font partie du régime iranien. En Iran,
l'aéroport est un point très névralgique, et l'État contrôle
entièrement la surveillance des voyageurs et la vérification des
documents de chacun. Je n'avais jusqu'alors jamais entendu
parler d'agent d'immigration.
13. J'avais déjà eu affaire à la police. Lorsque je vivais en Iran,
la police avait à plusieurs reprises fouillé ma maison. On
m'avait alors enfermé à l'intérieur de ma chambre et on m'avait
interrogé. Pendant qu'on m'interrogeait, on m'avait battu et on
m'avait dit de ne pas faire de bruit. Par ailleurs, en Iran,
chacun sait que lorsqu'une personne est convoquée devant les
pasdarans, l'interrogatoire est souvent accompagné d'une
raclée. C'était ma première expérience avec les autorités cana-
diennes et je les jugeais selon les normes iraniennes. En consé-
quence, j'avais peur d'être maltraité d'un instant à l'autre si je
ne donnais pas la bonne réponse. Cette présomption semble
maintenant insensée, mais à ce moment-là, je venais tout juste
de subir mon épreuve en Iran et je n'avais pas les idées claires.
14. Au cours de l'entrevue, j'étais très conscient du fait que
j'avais enfreint la loi canadienne en me présentant avec des
documents de voyage falsifiés. Je pensais qu'on m'avait arrêté.
Je pensais qu'on m'emprisonnerait ou que me renverrait en Iran
après m'avoir interrrogé. Pendant que j'étais dans la salle
d'attente, j'étais impatient de faire résoudre la question de mon
autorisation de demeurer au Canada; à cet égard, j'étais donc
disposé à parler aux autorités canadiennes. Néanmoins, même
si je pensais que je pouvais quitter la salle d'attente, j'estimais
que cela n'était pas permis et que je serais arrêté par les autres
«policiers» qui se trouvaient partout dans l'aéroport. Certes,
pendant que le second agent m'interrogeait, je pensais que
même s'il était très courtois, je devais faire ce qu'il me disait de
faire. Je ne pensais certainement pas que je pouvais quitter la
salle quand je le voulais.
15. Ce n'est qu'après l'entrevue qu'on m'a informé que je
pouvais consulter un avocat. Après m'avoir reconnu le statut de
réfugié, l'agent m'a informé que j'avais droit à l'assistance d'un
avocat désigné pour m'aider à présenter ma revendication. Je
n'ai pas demandé à voir un avocat au début de l'entrevue parce
que je pensais qu'étant arrivé au Canada avec des documents
falsifiés, je n'avais aucun droit devant les autorités et qu'on
pouvait faire ce qu'on voulait de moi.
16. L'agent a consigné les déclarations que je lui ai faites au
cours de l'entrevue. J'annexe sous la cote A au présent affidavit
un copie conforme des notes qu'il a prises.
LA QUESTION CONSTITUTIONNELLE
L'ALINÉA 10B) DE LA CHARTE
Il ressort à l'évidence des motifs qu'il a pronon-
cés, que, pour en venir à sa conclusion, le tribunal
administratif a notamment tenu compte du formu-
laire de renseignements personnels du requérant
(pièce P-1), du témoignage très détaillé que le
requérant a donné lors de l'enquête, ainsi que des
notes prises par l'agent d'immigration au point
d'entrée lors de l'interrogatoire du requérant. Ces
notes ont été déposées sous la cote C-3 à l'enquête.
À la page 93 du procès-verbal, le tribunal adminis-
tratif a déclaré:
[TRADUCTION] En conséquence, le tribunal n'est pas convaincu
de votre crédibilité et de la véracité de vos déclarations ... Et
en conséquence, vous n'avez pas établi qu'il existait des élé-
ments de preuves crédibles ou dignes de foi ... Nous en
sommes donc venus à la conclusion que votre revendication n'a
pas un minimum de fondement.
La transcription révèle que le tribunal adminis-
tratif n'a pas cru les déclarations suivantes du
requérant:
a) qu'il avait été un sympathisant royaliste;
b) que sa fille avait été exécutée;
c) qu'il ne savait pas où se trouvaient sa femme
et ses enfants;
d) que ses biens avaient été confisqués;
e) que ses actes dénotaient qu'il fuyait la
persécution.
Il ressort également de la transcription (pages 91
et 92) que le tribunal administratif a beaucoup
tablé sur la pièce C-3. Je suis persuadé que la pièce
C-3 a joué un rôle décisif dans les conclusions
défavorables que le tribunal administratif a tirées
au sujet de la crédibilité.
Dans le contexte de la situation factuelle de la
présente affaire, il est donc nécessaire d'examiner
la prétention de l'avocate suivant laquelle, au
début de l'entrevue du requérant qui a donné lieu à
la pièce C-3, le requérant aurait dû être informé
par l'agent d'immigration de son droit d'avoir
recours à l'assistance d'un avocat, parce qu'il était
«détenu» au sens de l'alinéa 10b) de la Charte.
Lorsque le requérant a quitté l'avion, il a descendu
un long corridor et attendu son tour pour subir un
interrogatoire primaire global. L'agent d'immigra-
tion chargé de l'interrogatoire primaire global l'a
ensuite conduit à une salle d'entrevue pour un
second interrogatoire. Il a attendu environ quatre
heures dans cette pièce. À partir de ce moment-là,
il était, selon son avocate, détenu au sens de l'ali-
néa 10b). En conséquence, l'avocate soutient en
outre que la pièce C-3 constituait un élément de
preuve obtenu en violation du droit du requérant à
l'assistance d'un avocat prévu par l'alinéa 10b) de
la Charte.
DISCUSSION
a) La détention
La première question à laquelle il faut répondre
est celle de savoir si, compte tenu des circonstances
déjà relatées, on peut dire que le requérant a été
«détenu» au sens de l'alinéa 10b). L'avocate du
requérant invoque l'arrêt R. c. Therens et autres 3
de la Cour suprême du Canada, et plus particuliè-
rement les motifs prononcés par le juge Le Dain
dans cet arrêt.
Voici les passages des motifs du juge Le Dain
sur lesquels se fonde l'avocate (aux pages 641
et 642):
L'article 10 de la Charte vise à assurer que, dans certaines
situations, une personne soit informée de son droit à l'assistance
d'un avocat et qu'elle puisse obtenir cette assistance sans délai.
Il est évident que les cas (l'arrestation et la détention) mention-
nés expressément à l'art. 10 ne sont pas les seuls où une
personne peut avoir raisonnablement besoin de l'assistance d'un
avocat, mais qu'il s'agit de situations où l'entrave à la liberté
3 [1985] 1 R.C.S. 613.
pourrait, par ailleurs, avoir pour effet de rendre impossible
l'accès à un avocat ou d'amener une personne à conclure qu'elle
n'est pas en mesure d'avoir recours à l'assistance d'un avocat.
En utilisant le mot «détention», l'art. 10 de la Charte vise une
entrave à la liberté autre qu'une arrestation par suite de
laquelle une personne peut raisonnablement avoir besoin de
l'assistance d'un avocat, mais pourrait, en l'absence de cette
garantie constitutionnelle, être empêchée d'y avoir recours sans
délai.
Outre le cas où il y a privation de liberté par contrainte
physique, j'estime qu'il y a détention au sens de l'art. 10 de la
Charte lorsqu'un policier ou un autre agent de l'État restreint
la liberté d'action d'une personne au moyen d'une sommation
ou d'un ordre qui peut entraîner des conséquences sérieuses sur
le plan juridique et qui a pour effet d'empêcher l'accès à un
avocat. [C'est moi qui souligne.]
Dans l'arrêt Chromiak, cette Cour a conclu que le mot
«détention» connote «une certaine forme de contrainte». Il ne
fait aucun doute qu'une certaine forme de contrainte ou de
coercition doit être exercée pour qu'il y ait atteinte à la liberté
ou à la liberté d'action équivalant à une détention au sens de
l'art. 10 de la Charte. A ce qu'il me semble, la question est de
savoir si cette contrainte doit être physique ou s'il peut s'agir
également d'une contrainte psychologique ou morale qui a pour
effet d'inhiber la volonté tout autant que l'usage, ou la menace
d'usage, de la force physique. La question est de savoir si la
personne qui fait l'objet d'une sommation ou d'un ordre éma-
nant d'un policier ou d'un autre agent de l'État peut raisonna-
blement s'estimer libre de refuser d'y obtempérer. [C'est moi
qui souligne.]
et (aux pages 643 et 644):
Toute responsabilité criminelle découlant du refus d'obtempé-
rer à une sommation ou à un ordre d'un policier doit suffire
pour rendre l'obéissance involontaire. Ce serait le cas, par
exemple, de l'obéissance lorsque le refus d'obtempérer revien-
drait à entraver volontairement un policier dans l'exécution de
son devoir, contrairement à l'art. 118 du Code criminel.
Bien que cela ne soit pas strictement nécessaire aux fins du
présent litige, j'irais encore plus loin. À mon avis, il est, en règle
générale, irréaliste de considérer l'obéissance à une sommation
ou à un ordre d'un policier comme un acte réellement volon-
taire en ce sens que l'intéressé se sent libre d'obéir ou de
désobéir, même lorsque la sommation ou l'ordre en question
n'est autorisé ni par la loi ni par la common law, et que, par
conséquent, le refus d'y obtempérer n'entraîne aucune respon-
sabilité criminelle. La plupart des citoyens ne connaissent pas
très exactement les limites que la loi impose aux pouvoirs de la
police. Plutôt que de s'exposer à l'usage de la force physique ou
à des poursuites pour avoir volontairement entravé la police
dans l'exécution de son devoir, il est probable que la personne
raisonnable péchera par excès de prudence et obtempérera à la
sommation en présumant qu'elle est légale. L'élément de con-
trainte psychologique, sous forme d'une perception raisonnable
qu'on n'a vraiment pas le choix, suffit pour rendre involontaire
la privation de liberté. Il peut y avoir détention sans qu'il y ait
contrainte physique, si la personne intéressée se soumet ou
acquiesce à la privation de liberté et croit raisonnablement
qu'elle n'a pas le choix d'agir autrement. [C'est moi qui
souligne.]
Je suis d'accord avec l'avocate du requérant
pour dire que le raisonnement formulé dans l'arrêt
Therens s'applique aux faits de la présente espèce.
À mon avis, l'agent d'immigration, «un agent de
l'État», qui a mené le second interrogatoire du
requérant avait restreint la liberté d'action du
requérant, qui n'était pas libre de quitter la pièce
ou d'aller ailleurs. L'agent d'immigration a pro-
cédé à un interrogatoire serré du requérant. En
conséquence, cet interrogatoire faisait partie inté-
grante de l'enquête prévue à la Loi sur l'immigra-
tion, laquelle enquête a finalement débouché sur la
mesure d'expulsion prise contre le requérant.
D'après le témoignage non contredit que le requé-
rant a donné dans son affidavit, il est par ailleurs
évident qu'il a acquiescé à la privation de sa
liberté, étant donné qu'il croyait raisonnablement
qu'il n'avait pas le choix d'agir autrement. Dans
ces conditions, je conclus, en appliquant le raison-
nement formulé dans l'arrêt Therens précité, que
le requérant était «détenu» au sens de l'alinéa
10b) 4 .
L'intimé prétend toutefois que les interrogatoi-
res de routine auxquels procèdent les fonctionnai-
res de l'Immigration, qu'il s'agisse d'interrogatoi-
res secondaires ou d'autres types d'interrogatoires,
ne constituent pas une détention tant que la per-
sonne interrogée n'est pas informée qu'elle sera
détenue en vertu de la Loi sur l'immigration.
L'avocat se fonde sur les déclarations faites par le
juge en chef Dickson dans l'arrêt R. c. Simmons'.
Dans l'arrêt Simmons, l'inculpée était arrivée à
l'aéroport international de Toronto en provenance
de la Jamaïque. On lui a d'abord demandé de se
soumettre à l'examen primaire des douanes, puis à
un second examen des douanes. Au cours du
second examen, on a procédé à une fouille à nu, au
cours de laquelle on a découvert sur sa personne de
la résine de cannabis.
Après avoir déclaré qu'il existait trois types
distincts de fouilles effectuées à la frontière:
a) l'interrogatoire de routine auquel est soumis
à chaque voyageur à un port d'entrée;
b) la fouille à nu;
c) l'examen des cavités corporelles;
4 Dans le même sens, voir l'arrêt de la Cour suprême du
Canada, R. C. Thomsen, [1988] 1 R.C.S. 640, aux p. 649
et 650.
5 [1988] 2 R.C.S. 495, à la p. 521.
le juge en chef a formulé les commentaires sui-
vants au sujet de l'interrogatoire de routine sus-
mentionné (à la page 517):
Il n'y a rien d'infamant à être l'un des milliers de voyageurs qui
font, chaque jour, l'objet de ce type de contrôle de routine à
leur entrée au Canada et aucune question constitutionnelle
n'est soulevée à cet égard. Il serait absurde de laisser entendre
qu'une personne qui se trouve dans une telle situation est
détenue au sens constitutionnel du terme et a le droit, en
conséquence, d'être informée de son droit à l'assistance d'un
avocat.
Plus loin, le juge en chef s'est penché sur la fouille
à nu susmentionnée à l'alinéa b). Il a déclaré (à la
page 521):
À mon avis, l'appelante était détenue lorsqu'elle a été con-
trainte de subir une fouille à nu conformément à l'art. 143 de la
Loi sur les douanes. Cette conclusion est compatible à la fois
avec le sens donné au mot «détention» dans la langue populaire
et avec la définition énoncée par le juge Le Dain dans l'arrêt
Therens, précité. Lorsque l'agent des douanes l'a avisée qu'elle
allait subir une fouille, l'appelante n'était pas en mesure de lui
opposer un refus et de poursuivre sa route. L'agent des douanes
a déposé qu'elle aurait averti la GRC si l'appelante avait tenté
de quitter les lieux. De plus, aux termes de l'art. 203 de la Loi
sur les douanes, constitue une infraction le fait de résister aux
perquisitions sur la personne autorisées par la Loi sur les
douanes. Au moment de la fouille, l'appelante était nettement
assujettie à une contrainte extérieure. L'agent des douanes
avait restreint sa liberté d'action au moyen d'une sommation
qui entraînait des conséquences sérieuses sur le plan juridique.
Je ne suis pas convaincu par l'argument que la poursuite
nous a soumis, selon lequel si la fouille à nu constitue une
détention alors tous les voyageurs qui passent aux douanes
doivent être considérés comme détenus, et, par conséquent,
avoir droit à un avocat. Dans l'arrêt Therens, précité, le juge Le
Dain a affirmé que ce ne sont pas tous les rapports avec des
agents de police ou d'autres autorités de l'État qui constituent
une détention au sens de l'alinéa 106) de la Charte. Cette
déclaration vaut également à l'égard de la situation rencontrée
aux douanes. Je ne doute guère que l'interrogatoire de routine
auquel procèdent les agents des douanes à la frontière ou la
fouille ordinaire des bagages pratiquée au hasard ne constituent
pas une détention aux fins de l'art. 10. Il ne fait toutefois aucun
doute qu'une personne à qui l'on cesse d'appliquer la procédure
normale et que l'on force à subir une fouille à nu est détenue au
sens de l'art. 10.
À mon avis, les commentaires du juge en chef
appuient les prétentions formulées par le requérant
sur la présente question plutôt que celles de l'inti-
mée. Le requérant à l'instance se trouvait dans une
situation analogue à celle de l'inculpée dans l'af-
faire Simmons. On a cessé d'appliquer la procé-
dure normale à son égard et on l'a forcé à subir un
interrogatoire et, par conséquent, il était détenu au
sens de l'article 10 de la Charte. On prétend
toutefois que l'interrogatoire secondaire de l'immi-
gration ne saurait être comparé à une fouille à nu
des douanes et qu'il s'agit en réalité d'une autre
forme d'interrogatoire de routine d'une personne
qui sollicite de son plein gré l'admission au
Canada. Je ne suis pas de cet avis. Les faits
démontrent qu'il y avait «une perception raisonna-
ble qu'on n'a vraiment pas le choix» et une «une
privation involontaire de liberté». Le requérant a
par ailleurs été «assujetti à une contrainte exté-
rieure». En conséquence, je suis d'avis qu'on a
satisfait aux critères permettant de conclure à une
«détention» qui ont été énoncés dans la jurispru
dence pertinente.
Avant de conclure mon examen des arrêts The-
rens et Simmons, je tiens à signaler que dans
l'arrêt Simmons, madame le juge L'Heureux-
Dubé a rédigé des motifs de dissidence auxquels le
juge McIntyre a souscrit. À la page 540, elle s'est
dite d'avis que l'alinéa 10b) de la Charte ne s'ap-
plique pas aux fouilles effectuées à la frontière.
Selon elle:
Une fouille effectuée à la frontière fait partie non pas du
processus criminel, mais plutôt des formalités d'entrée au pays.
La personne fouillée aura certes le droit à l'assistance d'un
avocat si elle était placée sous garde dans le cadre de procédu-
res criminelles.
En toute déférence, il me semble que la jurispru
dence dominante ne permet pas de faire une inter-
prétation aussi restrictive. Dans l'arrêt Singh et
autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion, [1985] 1 R.C.S. 177, madame le juge Wilson
a déclaré au sujet de l'emploi du mot «chacun» à
l'article 7 de la Charte (à la page 202):
...je suis disposée à acccepter que ce mot englobe tout être
humain qui se trouve au Canada et qui, de ce fait, est assujetti
à la loi canadienne.
À l'article 10 de la Charte, on emploie égale-
ment le terme «chacun». Comme l'avocat des appe-
lants l'a fait remarquer dans l'arrêt Singh (à la
page 202), on a employé dans de nombreux autres
articles de la Charte des expressions plus restricti-
ves comme «tout citoyen canadien» et «résident
permanent au Canada». Il semble donc qu'on
puisse raisonnablement en inférer que le présent
revendicateur du statut de réfugié, qui se trouvait
au Canada durant toute l'époque en cause, a droit
à la protection de l'article 10. À mon avis, les
raisons qui justifient de lui reconnaître la protec
tion de l'article 10 dans les circonstances de la
présente espèce sont tout aussi convaincantes que
celles qui existent lorsque le processus criminel est
engagé. Dans le contexte des affaires criminelles,
les droits de l'inculpé font l'objet de garanties
méticuleuses parce qu'il risque d'être privé de sa
liberté par le biais d'une incarcération. Dans le cas
d'un revendicateur du statut de réfugié comme le
requérant à l'instance, en présumant que même
une partie de ses affirmations factuelles soient
véridiques, son retour forcé en Iran pourrait bien
se solder notamment par son incarcération, par
l'infliction de tortures et même par la mort.
Par ces motifs, j'en viens donc à la conclusion
qu'eu égard aux circonstances de la présente
espèce, le requérant a été détenu au sens de l'ali-
néa 10b) de la Charte.
b) Le droit à l'assistance d'un avocat
L'intimée soutient, à titre subsidiaire, que si
l'interrogatoire du requérant par les fonctionnaires
de l'Immigration constituait une «détention», le
requérant s'est vu reconnaître les droits que lui
confère la Charte «sans délai» et qu'on a parfaite-
ment respecté l'article 10. À l'appui de cette pré-
tention, l'avocat invoque l'arrêt R. v. Kwok 6 de la
Cour d'appel de l'Ontario. Dans cet arrêt, la Cour
a semblé considérer la violation de l'article 10
comme une violation de pure forme (à la page
208). Pour cette raison, j'estime qu'une distinction
s'impose entre les faits de l'affaire Kwok et ceux
de la présente espèce. À mon avis, la violation de
l'article 10 qui a été commise en l'espèce est une
violation de fond. Au cours de l'enquête qui a
suivi, on s'est servi des notes prises par l'agent
examinateur lors de l'interrogatoire mené au cours
de la «détention» pour attaquer la crédibilité du
requérant. Cela ressort à l'évidence des nombreux
renvois aux notes qu'a faits le tribunal administra-
tif pour appuyer les conclusions défavorables qu'il
a tirées au sujet de la crédibilité'. On s'est servi de
la pièce C-3 en guise d'arme antagoniste à l'au-
dience du tribunal administratif pour détruire la
crédibilité du requérant. Si un avocat avait été
présent avant et pendant l'interrogatoire, ce qui
aurait permis au requérant d'obtenir des explica
tions éclairées au sujet de l'économie du processus
de reconnaissance du statut de réfugié prévu par la
loi canadienne sur l'immigration, j'estime qu'il est
6 (1986), 31 C.C.C. (3d) 196, le juge Finlayson, J.C.A.
Voir transcription, p. 90, 91 et 92.
probable que toute la nature de la procédure s'en
serait trouvée changée. En tout étai de cause, cela
aurait garanti que le requérant comprenait les
conséquences du témoignage qu'il donnait. Comme
le juge Lamer l'a déclaré dans l'arrêt R. c.
Manninen s :
Le droit à l'assistance d'un avocat a pour objet de permettre à
la personne détenue non seulement d'être informée de ses droits
et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire
qui plus est, d'obtenir des conseils sur la façon d'exercer ces
droits ... Pour que le droit à l'assistance d'un avocat soit
efficace, le détenu doit pouvoir obtenir ces conseils avant d'être
interrogé ou requis autrement de fournir des éléments de
preuve.
Étant donné que la Cour suprême du Canada a
déclaré dans l'arrêt Therens, précité, que la juris
prudence relative aux enquêtes policières en matiè-
res criminelles pouvait être étendue aux autres
agents de l'État et étant donné que dans l'arrêt
Simmons précité, la majorité de la Cour a appli-
qué le critère dégagé dans l'arrêt Therens aux
fouilles effectuées aux points d'entrée en vertu de
la Loi sur les douanes, je pense qu'on peut soute-
nir de façon tout aussi convaincante que les reven-
dicateurs du statut de réfugié possèdent le droit de
consulter un avocat aux points d'entrée. À mon
avis, les circonstances de l'espèce qui ont été résu-
mées appuient fortement cette conclusion.
c) L'article premier de la Charte
Ayant conclu pour les motifs précités qu'il y a
eu violation des droits que l'alinéa 10b) de la
Charte reconnaît au requérant, je dois me deman-
der si les dispositions de l'article premier de la
Charte s'appliquent aux circonstances de la pré-
sente affaire 9 .
L'intimé n'a pas fait valoir de moyen en vertu de
l'article premier. J'estime toutefois qu'en tout état
de cause, les dispositions de l'article premier ne
s'appliquent pas aux faits en cause. Le champ
d'application de l'article premier a été délimité par
le juge Le Dain dans l'arrêt Therens, précité,
lorsqu'il a déclaré (à la page 645):
8 [1987] 1 R.C.S. 1233, aux p. 1242 et 1243.
9 Voici le libellé de l'article premier:
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les
droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être
restreints que par une règle de droit, dans des limites qui
soient raisonnables et dont la justification puisse se démon-
trer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
L'article 1 exige que cette restriction soit prescrite par une
règle de droit, qu'elle soit raisonnable et que sa justification
puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démo-
cratique. L'exigence que la restriction soit prescrite par une
règle de droit vise surtout à faire la distinction entre une
restriction imposée par la loi et une restriction arbitraire. Une
restriction est prescrite par une règle de droit au sens de l'art. 1
si elle est prévue expressément par une loi ou un règlement, ou
si elle découle nécessairement des termes d'une loi ou d'un
règlement, ou de ses conditions d'application. La restriction
peut aussi résulter de l'application d'une règle de common law.
Si l'on applique le critère de l'arrêt Therens (par-
fois désigné sous le nom de critère de la précision)
à la présente situation, je conclus qu'il n'existe pas
de disposition qui est prévue expressément par une
loi ou un règlement ou qui découle nécessairement
d'une loi ou d'un règlement qui exigerait qu'un
immigrant qui sollicite le statut de réfugié soit
privé de son droit à l'assistance d'un avocat dans
les circonstances de l'espèce. L'économie de la Loi
sur l'immigration prévoit la tenue d'entrevues et
d'interrogatoires dans le cas des personnes qui
sollicitent l'admission au Canada, pour que les
agents d'immigration puissent s'acquitter comme il
se doit de l'obligation que leur impose la Loi
d'établir l'admissibilité des personnes en question.
Ainsi, bien que l'application de la Loi sur l'immi-
gration permette et prévoie une entrevue comme
celle qui a eu lieu le 13 mai 1989, en l'espèce, je
suis incapable d'en conclure que lorsqu'une telle
entrevue a lieu au cours d'une détention, on puisse
raisonnablement prétendre que l'économie de la
Loi sur l'immigration exige que l'on prive quel-
qu'un de son droit de consulter un avocat. Par ces
motifs, je conclus que l'article premier de la
Charte n'entre pas en jeu dans les circonstances de
l'espèce.
LE CRITÈRE DU PARAGRAPHE 46.01(6)
Je passe maintenant à la seconde question liti-
gieuse déjà formulée, en l'occurrence celle de
savoir si le tribunal administratif a appliqué le
mauvais critère pour rendre la décision qu'il était
tenu de rendre aux termes du paragraphe 46.01(6)
de la Loi 10 . À mon avis, cette prétention a un
certain fondement. À la page 20 de la transcrip
tion, au début de l'audience sur le minimum de
fondement, l'arbitre a dit au requérant:
10 Le paragraphe 46.01(6) est ainsi libellé:
46.01 .. .
[TRADUCTION] Comme je vous l'ai expliqué, c'est à vous qu'il
incombe de nous convaincre, par des éléments de preuve jugés
crédibles et dignes de foi, que vous avez raison de craindre
d'être persécuté [...] (lignes 18 et 19). [C'est moi qui
souligne.]
Puis, à la clôture de l'enquête, en rendant la
décision du tribunal administratif, l'arbitre a
déclaré:
[TRADUCTION] Nous avons donc examiné la preuve pour déter-
miner si vous aviez réussi à justifier votre crainte d'être persé-
cuté. (p. 90, lignes 59 et 60) [C'est moi qui souligne.]
Je n'hésite pas à conclure que les deux critères
susmentionnés imposent un critère plus strict que
celui qu'exige le paragraphe 46.01(6) ".
L'avocat de l'intimé prétend cependant que,
dans un passage de la page 90 de la transcription
(aux lignes 46 à 57), le tribunal administratif
énonce le critère qu'il convient d'appliquer lors de
l'audience sur le minimum de fondement. Il sou-
tient en outre que le tribunal administratif a
exposé à nouveau le bon critère à la page 93 de la
transcription (aux lignes 10 à 15). Je suis d'accord
pour dire que les critères énoncés dans ces deux
passages sont acceptables. Toutefois, le problème
est que dans une situation comme celle qui nous
occupe, dans laquelle le tribunal administratif a
énoncé à la fois un critère correct et un critère
erroné à au moins deux reprises, il est difficile de
(Suite de la page précédente)
(6) L'arbitre ou le membre de la section du statut con-
cluent que la revendication a un minimum de fondement si,
après examen des éléments de peuve présentés à l'enquête ou
à l'audience, ils estiment qu'il existe des éléments crédibles
ou dignes de foi sur lesquels la section du statut peut se
fonder pour reconnaître à l'intéressé le statut de réfugié au
sens de la Convention. Parmi les éléments présentés, ils
tiennent compte notamment des points suivants:
a) les antécédents en matière de respect des droits de la
personne du pays que le demandeur a quitté ou hors
duquel il est demeuré de crainte d'être persécuté;
b) les décisions déjà rendues aux termes de la présente loi
ou de ses règlements sur les revendications où était invo-
quée la crainte de persécution dans ce pays.
" Comparer: Sloley c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), A-364-89, C.A.F., le juge Heald, J.C.A., juge-
ment en date du 22-2-90 encore inédit. Voir aussi: Lee c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), A-401-89,
le juge Heald, J.C.A., jugement en date du 22-2-90, encore
inédit.
conclure qu'aucune erreur donnant ouverture à
une révision n'a été commise. La présente situation
n'est pas sans rappeler celle de l'affaire Arduengo
c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration' 2 . Il
s'agissait d'une affaire dans laquelle la Commis
sion d'appel de l'immigration avait, dans un pas
sage de ses motifs, exposé le bon critère pour
reconnaître le statut de réfugié au sens de la
Convention (crainte justifiée d'être persécuté) et
avait, dans un autre passage de ses motifs, énoncé
incorrectement le critère ([TRADUCTION] «les
requérants n'ont pas établi qu'ils feraient l'objet
d'une persécution s'ils devaient retourner au
Chili»). [C'est moi qui souligne.] À la page 438,
j'ai déclaré au nom de la majorité de la Cour:
En conséquence, l'ensemble des motifs adoptés à l'unanimité
par la Commission donne deux critères distincts et contradictoi-
res pour la détermination du statut de réfugié au sens de la
Convention. L'un de ces deux critères est juste, l'autre ne l'est
pas. Dans ces circonstances, il est impossible, à mon avis, de
déterminer quel critère la Commission a finalement appliqué
aux faits de l'espèce présente. Je conclus donc qu'il n'y a pas
lieu de confirmer la décision de la Commission, étant donné
l'incertitude quant à la question de savoir si la Commission a
appliqué le critère approprié pour décider que le requérant et
son épouse n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.
Je me trouve dans une situation semblable en
l'espèce. À la page 20, l'arbitre a énoncé un critère
et un fardeau de preuve qui sont plus stricts que le
critère qui est prévu au paragraphe 46.01(6). A la
page 90, il l'énonce correctement (aux lignes 46 à
57), mais plus loin, toujours à la page 90, il le
formule incorrectement (aux lignes 59 et 60).
Finalement, à la page 93 (aux lignes 10 à 15), il
formule à nouveau un critère acceptable.
Par ces motifs, je suis, comme dans l'affaire
Arduengo, incapable de me convaincre que le tri
bunal a effectivement appliqué le bon critère. Dans
ces conditions, j'estime que le tribunal administra-
tif a commis une erreur donnant ouverture à une
révision t3 . La Cour était saisie d'un cas semblable
12 (1981), 40 N.R. 436 (C.A.F.).
l' Voir l'arrêt Sloley c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), précité, dans lequel la Cour a déclaré [à la p.
2]: «En appliquant un critère plus élevé que celui qui est requis
aux termes du paragraphe 46.01(6), le tribunal a commis une
erreur de droit qui est fondamentale en ce qui concerne la
validité de sa décision.»
dans l'affaire Kimbudi c. Ministre de l'Emploi et
de l'Immigration 14 . Dans cette affaire, le tribunal
administratif a formulé le critère erroné dans une
phrase et a énoncé le bon critère dans la phrase
suivante. Le juge Urie, J.C.A. qui s'exprimait au
nom de la Cour, a déclaré qu'il s'agissait d'une
erreur justifiant l'infirmation de la décision, étant
donné qu'il était incapable de conclure qu'une
correction ultérieure suffirait à rectifier un énoncé
antérieur erroné du critère applicable.
RÉPARATION
Pour résumer, j'en suis d'abord venu à la conclu
sion qu'eu égard aux faits de la présente espèce, il
y a eu violation, au cours de la procédure invoquée
en vertu de la Loi sur l'immigration, du droit de
consulter un avocat que l'alinéa 10b) de la Charte
reconnaît au requérant. J'en suis également venu à
la conclusion que le tribunal administratif a
commis une erreur donnant ouverture à une révi-
sion en appliquant un critère erroné pour rendre la
décision qu'il était tenu de rendre aux termes du
paragraphe 46.01(6) de la Loi sur l'immigration.
Il nous reste à examiner la question de la nature de
la réparation à laquelle le requérant a droit.
Dans son exposé des faits et du droit, l'avocate
du requérant demande simplement que la mesure
d'expulsion prise contre le requérant soit annulée.
Vu ma conclusion sur le critère appliqué en vertu
du paragraphe 46.01(6), j'estime que le requérant
a le droit d'obtenir l'annulation de la décision
rendue le ler août 1989 par le tribunal administra-
tif. La mesure d'expulsion prise le ler août 1989
contre le requérant par l'arbitre Roberts devrait
également être annulée.
Pour ce qui est de la violation de la Charte,
l'avocate du requérant n'a pas, dans son mémoire
ou dans son plaidoyer, demandé que soient écartés
les éléments de preuve contenus à la pièce C-3. De
même, elle n'a pas fait valoir de moyens à l'appui
d'une telle demande 15 .
14 (1982), 40 N.R. 566 (C.A.F.), le juge Urie, J.C.A. à la
p. 568.
15 Je n'oublie pas l'opinion formulée par certains analystes de
la Charte suivant laquelle il n'est pas nécessaire de demander
expressément l'exclusion des éléments de preuve obtenus en
violation de la Charte. Le professeur Hogg, par exemple, estime
(Constitutional Law of Canada, (2' éd.), à la p. 702) que
En conséquence, il n'est pas nécessaire d'exami-
ner dans la présente demande la difficile question
de savoir si, lorsqu'elle est saisie d'une demande
fondée sur l'article 28, notre Cour a le pouvoir, en
vertu du paragraphe 24(2) de la Charte, d'écarter
de tels éléments de preuve, eu égard aux faits
plutôt particuliers de la présente affaire.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: J'ai eu l'avantage
de lire le projet de motifs de jugement du juge
Heald, J.C.A. Il ne me paraît pas possible de me
rallier à son opinion. À mon avis, le requérant n'a
pas été détenu au sens de l'article 10 de la Charte
au cours de l'interrogatoire secondaire que l'agent
d'immigration lui a fait subir au point d'entrée. Il
s'ensuit qu'il n'existait pas d'obligation de l'infor-
mer à ce moment-là de son droit à l'assistance d'un
avocat.
Chacun, y compris tout citoyen canadien et tout
résident permanent qui a le droit d'entrer au
Canada, est détenu lorsqu'il se présente à un point
d'entrée pour être admis au Canada. Nul n'est
libre d'entrer au Canada tant qu'un agent d'immi-
gration n'est pas convaincu que cette personne en a
le droit ou que le fait d'y être admis ne contrevien-
drait pas à la Loi sur l'immigration, L.R.C.
(1985), chap. I-2. Ce qui distingue tous ces déte-
nus de la sorte de détenu dont il était question
dans l'arrêt R. c. Therens et autres, [1985] 1
'R.C.S. 613, c'est le fait que ces personnes n'ont
pas été mises dans cette situation par un agent de
l'État qui a restreint leur liberté d'action. Ces
personnes se sont plutôt mises elles-mêmes dans
(Suite de la page précédente)
lorsqu'une partie s'oppose à la recevabilité de tels éléments de
preuve au cours d'un procès criminel, l'objection constitue
elle-même une demande présentée en vertu du paragraphe
24(1) de la Charte au tribunal compétent (le tribunal de
première instance) en vue d'obtenir la réparation appropriée,
c'est-à-dire l'exclusion de ces éléments de preuve. Je ne suis pas
persuadé que même si cette opinion est fondée dans le contexte
d'un procès criminel, on puisse l'appliquer aux instances de
droit administratif. De plus, lorsque cette question a été sou-
mise au tribunal administratif, on ne s'est pas objecté à la
recevabilité de la pièce C-3. Ainsi, nous ne sommes pas en
présence d'une situation parallèle à celle dont discute le profes-
seur Hogg. Vu le dossier, il n'est pas possible, à mon avis, de
conclure à l'existence d'une demande fondée sur le paragraphe
24(1) de la Charte en vue d'obtenir la réparation prévue au
paragraphe 24(2) de la Charte.
cette situation de leur propre chef en sollicitant
l'admission. Ce ne sont pas, pour reprendre les
termes employés dans l'arrêt R. c. Simmons,
[1988] 2 R.C.S. 495, à la page 517, des personnes
qui sont «détenue[s] au sens constitutionnel du
terme et [qui ont] le droit, en conséquence, d'être
informée [s] de [leur] droit à l'assistance d'un
avocat».
Lorsqu'une personne se présente à un point d'en-
trée, reconnaît qu'elle n'a pas le droit d'entrer au
Canada et revendique le statut de réfugié au sens
de la Convention, l'agent d'immigration qui l'inter-
roge a le devoir de déterminer notamment si cette
personne peut être admise en vertu du paragraphe
6(2) ainsi que de l'article 8 et de se demander si
elle devrait être détenue en vertu du
paragraphe 12(3).
6....
(2) Les réfugiés au sens de la Convention et les personnes
appartenant à une catégorie déclarée admissible par le gouver-
neur en conseil conformément à la tradition humanitaire suivie
par le Canada à l'égard des personnes déplacées ou persécutées
peuvent être admis, sous réserve des règlements pris à cette fin
et par dérogation aux règlements d'application générale.
8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada
de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne
contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.
(2) Quiconque cherche à entrer au Canada est présumé
immigrant tant qu'il n'a pas convaincu du contraire l'agent
d'immigration qui l'interroge ou l'arbitre qui mène l'enquête.
12. (1) Quiconque cherche à entrer au Canada est tenu de
se présenter devant un agent d'immigration à un point d'entrée
ou à tout autre lieu désigné par l'agent principal en vue de
l'interrogatoire visant à déterminer s'il est autorisé à entrer au
Canada ou s'il peut y être admis.
(3) L'agent d'immigration qui procède à l'interrogatoire
peut, lorsqu'il le juge à propos:
a) confier la fin de l'interrogatoire à un autre agent
d'immigration;
b) retenir la personne interrogée ou prendre une mesure à
cet effet contre elle.
(4) L'intéressé doit répondre franchement aux questions de
l'agent d'immigration et produire toutes les pièces que ce
dernier exige pour établir s'il est autorisé à entrer au Canada
ou s'il peut y être admis.
Si je comprends bien les termes employés, l'in-
terrogatoire primaire a eu lieu, dans le cas qui
nous occupe, devant ce que le requérant a appelé
[TRADUCTION] «une petite cabine». Il s'agit, si j'ai
bien saisi, de l'un des postes de contrôle devant
lesquels font la queue tous les passagers de vols
internationaux qui descendent d'avion. Il semble
de toute évidence déraisonnable de s'attendre à ce
que l'interrogatoire du revendicateur du statut de
réfugié au sens de la Convention auquel doit pro-
céder l'agent d'immigration puisse être mené de
façon satisfaisante à l'étape de l'interrogatoire pri-
maire global. À mon sens, le simple renvoi de cette
personne à un interrogatoire secondaire et le temps
écoulé avant le début de cet interrogatoire ne
permettent pas de conclure que la personne est
détenue au sens constitutionnel du terme. Une
attente de plusieurs heures peut n'être attribuable
qu'au nombre de personnes qu'il faut interroger et
au nombre d'agents qui sont disponibles pour faire
ce travail ou encore à la nécessité de recourir aux
services d'un interprète.
Je ne puis admettre que l'interrogatoire dont le
requérant a fait l'objet en l'espèce était tout sauf
un interrogatoire de routine. J'estime que la seule
manière de démontrer le fondement de mon opi
nion est de reproduire, à l'annexe «A», le texte
intégral du compte rendu rédigé à la main par
l'agent d'immigration des questions et des réponses
qui ont été traduites à l'intention du requérant et
que celui-ci a signées à ce moment-là. Ce docu
ment se passe de commentaires et ne permet tout
simplement pas, à mon avis, de penser que le
requérant a fait l'objet d'une fouille à nu inquisito-
riale qui, j'en conviens parfaitement, constituerait
bien plus qu'une détention sans conséquence sur le
plan constitutionnel. Si l'on accepte le témoignage
non contredit que le requérant a donné par affida
vit au sujet de son état d'esprit au moment de
l'interrogatoire secondaire, un aspect qui est à ce
point particulier à l'intéressé ne saurait, à mon
avis, changer la nature de ce qui était de toute
évidence un interrogatoire de routine.
Il est important de constater que ce ne sont pas
les renseignements préjudiciables que l'on a per-
suadé au requérant de divulguer à l'agent d'immi-
gration qui ont alimenté les doutes du tribunal
administratif au sujet du minimum de fondement
de sa revendication; c'est plutôt ce qu'il n'a pas
mentionné. Parmi ces omissions, signalons ses acti-
vités politiques royalistes, la confiscation de son
entreprise et l'arrestation et l'exécution de sa fille.
Bien que nous soyons peut-être obligés d'accepter
le témoignage donné par le requérant dans son
affidavit au sujet de son état d'esprit et de sa
perception de l'interrogatoire secondaire, le tribu
nal administratif n'était pas restreint de la sorte
dans son appréciation de la crédibilité du requé-
rant et de la valeur du témoignage que celui-ci a
donné pour expliquer de façon plausible les omis
sions en question. Cette appréciation entrait par-
faitement dans le cadre de ses attributions.
Quant au critère prévu au paragraphe 46.01(6),
l'arbitre en a effectivement fait un exposé inexact
à l'ouverture de l'audience du tribunal administra-
tif. Cette audience a eu lieu le 19 mai 1989.
L'audience a été ajournée au 30 juin, date à
laquelle on a terminé la présentation de la preuve
et à laquelle on a présenté les plaidoiries. L'ins-
tance a été ajournée au 1" août, date à laquelle le
tribunal a rendu sa décision, dans laquelle il a
correctement énoncé le critère applicable.
Dans l'arrêt Arduengo c. Ministre de l'Emploi
et de l'Immigration (1981), 40 N.R. 436, une
formation collégiale de trois commissaires de la
Commission d'appel de l'immigration a prononcé
des motifs et des motifs supplémentaires de déci-
sion, sous la plume de commissaires différents.
Dans les deux cas, les deux autres commissaires y
ont souscrit. L'un d'entre eux a énoncé correcte-
ment le critère en question et l'autre en a fait un
exposé erroné, de sorte qu'il a été statué, à la page
438:
... l'ensemble des motifs adoptés à l'unanimité par la Commis
sion donne deux critères distincts et contradictoires pour la
détermination du statut de réfugié au sens de la Convention.
L'un de ces deux critères est juste, l'autre ne l'est pas. Dans ces
circonstances, il est impossible, à mon avis, de déterminer quel
critère la Commission a finalement appliqué aux faits de
l'espèce présente. Je conclus donc qu'il n'y a pas lieu de
confirmer la décision de la Commission, étant donné l'incerti-
tude quant à la question de savoir si la Commission a appliqué
le critère approprié pour décider que le requérant et son épouse
n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.
Dans l'arrêt Kimbudi c. Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration (1982), 40 N.R. 566, le juge Heald,
J.C.A. a fait remarquer que la C.A.I. avait énoncé
le critère erroné et le critère correct dans des
phrases consécutives de sa décision.
Ces situations me semblent très différentes de
celle qui nous occupe. Malgré l'exposé du critère
erroné qu'il a fait le 19 mai, je ne doute pas que le
tribunal administratif a appliqué le bon critère
dans sa décision du ler août.
Je suis d'avis de rejeter la présente demande
fondée sur l'article 28.
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: Je suis du même avis.
ANNEXE «A»
NOM: DEHGHANI, ABDUL RASSOUL
ADRESSE: 74, AVENUE KHAKSHENASSY
SHIRAZ
DATE DE NAISSANCE: 28 avril 1937 TAILLE: 1 m 75
POIDS: 80 kg
YEUX: Bruns
LIEU DE NAISSANCE: SHIRAZ (IRAN)
[TRADUCTION] Q. Quel est le but de votre visite au Canada?
R. Mon objectif fondamental est d'être un réfugié.
Q. Est-ce que vous revendiquez le statut de réfugié à ce
moment-ci?
R. Oui.
Q. Quel motif invoquez-vous pour revendiquer le statut de
réfugié?
R. Je veux travailler pour moi-même et pour l'avenir de mes
enfants qui veulent étudier.
Q. Y a-t-il une autre raison pour laquelle vous revendiquez le
statut de réfugié?
R. Non.
Q. Marié?
R. Marié.
Q. Enfants?
R. J'en ai quatre: trois filles et un fils. Mahboobeh, 26 ans;
Zahrr, 27 ans; Mohammed Reza, 24 ans et Fatemeh, 22
ans.
Q. Comment s'appelle votre femme?
R. JAHADPOUR, SHAMSYEH, née en 1946.
Q. Où sont votre femme et vos enfants?
R. Ils sont à Shiraz, en Iran.
Q. Pouvez-vous m'expliquer comment vous vous êtes rendu de
l'Iran au Canada?
R. J'ai été envoyé par le passeur que j'ai payé; il s'est procuré
les papiers pour moi.
Q. Quand avez-vous quitté l'Iran?
R. Il y a environ vingt-cinq jours.
Q. Votre sortie de l'Iran était-elle légale ou illégale?
R. Elle était légale.
Q. Aviez-vous en votre possession un passeport ou d'autres
documents de voyage lorsque vous avez quitté l'Iran?
R. Oui. J'avais un passeport que je n'ai pas apporté avec moi.
J'ai amené ma carte d'identité iranienne, le contrat de ma
maison et de ma boutique et mon permis commercial ...
ainsi qu'une attestation policière d'absence de casier judi-
ciaire et la carte professionnelle de ma femme—elle est
esthéticienne.
Q. Avez-vous ces documents sur vous?
R. Ils sont dans mon sac.
Q. Qu'est-il arrivé de votre passeport iranien?
R. Je l'ai retourné par la poste à Shiraz depuis la Turquie.
Q. Après avoir quitté l'Iran, où êtes-vous allé?
R. En Turquie ... À Istamboul puis à Ankara.
Q. Combien de temps êtes-vous demeuré à Istamboul?
R. Vingt jours.
Q. Votre sortie de l'Iran à destination d'Istamboul était-elle
légale?
R. Oui.
Q. Quelle est votre profession?
R. Je suis marchand.
Q. Quel genre de marchandises?
R. Des produits de zinc.
Q. Êtes-vous propriétaire de votre maison?
R. Oui.
Q. Qu'avez-vous fait à Istamboul?
R. Rien.
Q. Pourquoi êtes-vous allé à Istamboul?
R. Je voulais aller aux États-Unis.
Q. Lorsque vous avez quitté l'Iran, votre objectif était-il d'en-
trer au Canada ou aux États-Unis?
R. En fait, je voulais m'installer au Canada.
Q. Pourquoi avez-vous essayé de vous rendre aux États-Unis?
R. Je voulais aller aux États-Unis légalement et venir ensuite
ici. Malheureusement, cela ne s'est pas produit.
Q. Que voulez-vous dire?
R. Je voulais demander un visa de visiteur aux États-Unis dans
le but d'entrer ici légalement à partir de là-bas.
Q. Pourquoi prendre ce moyen détourné? Pourquoi n'avez-
vous pas fait directement votre demande au Canada?
R. Je ne connaissais personne ici qui pouvait m'envoyer une
invitation ou un visa, mais je connaissais quelqu'un aux
États-Unis.
Q. Qui connaissiez-vous aux États-Unis?
R. Mon cousin ... Mathew Registry; c'est le fils de la sceur de
ma mère. Formule I-134 du SINÉU et lettre de refus de
visa de visiteur du consulat des É.-U. versées au dossier.
Q. Votre objectif était-il d'obtenir un visa de visiteur et de
demeurer illégalement aux États-Unis?
R. Comme je l'ai expliqué, je voulais obtenir ma carte verte et
ensuite entrer ici légalement.
Q. Avez-vous demandé un visa de visiteur ou un visa perma
nent aux États-Unis?
R. Un visa de visiteur.
Q. Si vous avez demandé un visa de visiteur, comment pouvez-
vous prétendre que vous vouliez obtenir votre carte verte
avant d'entrer au Canada?
R. Là-bas, je me serais adressé à un avocat qui s'occupe de ce
genre de choses. Après mon installation là-bas pour y
travailler et pour y vivre, l'avocat se serait occupé d'obtenir
la carte verte pour moi et avec la carte verte, j'aurais pu
entrer ici.
Q. En fait, ce que vous dites, c'est que vous prévoyiez vous
rendre aux Etats-Unis à titre de visiteur, y demeurer illéga-
lement, y travailler illégalement et essayer ensuite d'obtenir
votre carte verte?
R. Non, je voulais agir dans la plus parfaite légalité. Parce
qu'après m'être rendu là-bas . .. Je voulais travailler là-bas
et obtenir ensuite ma carte verte. Tout serait fait
légalement.
Q. Avez-vous demandé un visa pour vivre aux États-Unis ou
simplement un visa de visiteur?
R. J'ai demandé un visa temporaire.
Q. Pour une durée de combien de temps?
R. Pour une durée de six mois.
Q. Ce que vous dites, c'est que dans ce délai de six mois, vous
alliez essayer d'obtenir votre carte verte?
R. Oui.
Q. Qu'est-ce qui vous a amené à changer vos projets?
R. On m'a dit dans l'intervalle qu'il valait mieux se rendre
directement au Canada ... On m'a expliqué qu'il était
difficile d'obtenir les bons documents aux Etats-Unis, que
ça pouvait prendre beaucoup de temps. En conséquence, j'ai
pensé de ne pas passer par les États-Unis et de venir ici
directement.
Q. Alors, qu'est-il advenu de votre idée de faire les choses
légalement?
R. J'aimerais pouvoir toujours respecter la loi, mais dans le cas
présent, le passeur m'a dit qu'il ne serait pas possible
d'entrer ici avec un passeport iranien; je lui ai donc remis
l'argent pour qu'il obtienne les documents.
Q. Quand avez-vous décidé de venir ici par l'entremise d'un
passeur? Après que votre demande de visa aux États-Unis
eut été refusée?
R. Après que les États-Unis eurent refusé ma demande de visa.
Q. Où avez-vous rencontré le passeur?
R. À Istamboul, dans la rue.
Q. Était-ce par hasard?
R. Par hasard.
Q. Comment s'appelle-t-il?
R. Il a dit que son nom était Manucheis.
Q. De quoi a-t-il l'air?
R. Il est partiellement chauve, plutôt gras, 50 ans, teint moyen,
mesure environ 1 m 60.
Q. Combien l'avez-vous payé?
R. 6 500 $ (U.S.)
Q. Pour quoi? Qu'est-ce que cela comprenait?
R. Un billet, un passeport et tout le reste pour le trajet entre
Istamboul et Toronto.
Q. Après l'avoir payé, qu'est-il arrivé?
R. Il (le passeur) a acheté le billet et le passeport.
Q. Quel était l'itinéraire qui était inscrit sur le billet?
R. Istamboul—Amsterdam—Toronto.
Q. Quel genre de passeport vous a-t-il donné?
R. Espagnol. Il était écrit ESPANA sur le passeport.
Q. Est-ce que le passeport contenait votre photo ou celle d'une
autre personne?
R. Ma propre photo.
Q. Savez-vous comment il a obtenu le passeport?
R. Non.
Q. Quand êtes-vous parti?
R. Ce matin (13 mai 1989).
Q. Vous avez quitté Istamboul?
R. Oui.
Q. Le passeur vous a-t-il accompagné?
R. Non.
Q. Vous avez simplement montré votre billet et votre passeport
et le contrôleur vous a laissé monter à bord de l'avion à
Istamboul?
R. Oui.
Q. Qu'est-ce qui est arrivé à Amsterdam lorsque vous avez
changé d'avion?
R. Entre Istamboul et Amsterdam, j'ai pris KLM; entre Ams-
terdam et Toronto, j'ai voyagé avec CP.
Q. Lorsque vous êtes monté à bord de l'avion de CP, quelles
ont été les formalités?
R. J'ai fait confirmer ma réservation; j'ai montré mon passe-
port à la police et on m'a remis ma carte d'accès à bord.
Q. Est-ce que quelqu'un vous a posé des questions au sujet du
passeport?
R. Non, c'était un passeport en règle.
Q. Pourquoi manque-t-il des pages?
R. Le passeur m'a demandé de détruire le passeport ou du
moins les deux pages où se trouvaient la photo et les
renseignements personnels.
Q. Combien d'argent avez-vous sur vous?
R. J'ai donné tout ce que j'avais au passeur. Il ne me reste plus
rien.
Q. Avez-vous de la famille au Canada?
R. Non.
Q. Des amis?
R. Non.
Q. Et aux États-Unis? Seulement votre cousin?
R. Oui.
Q. Avez-vous déjà été déclaré coupable d'actes criminels?
R. Non. J'ai une attestation d'absence de casier judiciaire.
Q. Des problèmes de santé?
R. Non, je n'en ai aucun.
Q. Pourquoi n'avez-vous pas demandé de visa d'immigrant
pour entrer au Canada?
R. Je ne savais pas s'il allait être accepté.
Q. Mais avez-vous quand même présenté une demande?
R. J'ai entendu des rumeurs voulant qu'il ne serait pas accepté.
Q. Êtes-vous déjà venu au Canada?
R. Non.
Q. Est-ce que d'autres pays vous ont reconnu le statut de
réfugié au sens de la Convention?
R. Non.
Q. Avez-vous revendiqué le statut de réfugié auprès d'autres
pays?
R. Non.
Q. Pourquoi n'avez-vous pas revendiqué le statut de réfugié en
Turquie?
R. Je n'aime pas la Turquie. Je voulais vivre au Canada et non
en Turquie. De plus, il était possible que la Turquie me
renvoie en Iran.
Q. Faisiez-vous partie d'organismes religieux en Iran?
R. Non.
Q. D'associations politiques?
R. Non.
Q. Avez-vous déjà été emprisonné pour des motifs d'ordre
religieux ou politique?
R. Je n'ai jamais fait de prison.
Q. Pourquoi avez vous quitté l'Iran à ce moment-ci?
R. Parce que j'en ai déjà assez et que ma fille fréquente
l'université; ma fille suit des cours d'obstétrique ici et mon
fils veut également étudier et aller à l'université; c'est la
raison pour laquelle j'ai décidé de partir maintenant.
Q. En quoi votre présence ici pourrait-elle les aider à aller à
l'université?
R. En étant ici, je pourrai ensuite vendre mes propriétés,
empocher l'argent et envoyer les enfants à l'université au
Canada.
Q. Si vous retourniez en Iran, votre vie serait-elle en danger?
R. Oui.
Q. Pourquoi?
R. Je tiens boutique ... Les gens savent que j'ai quitté l'Iran et
ils savent dans quel but je l'ai quitté.
CONSIDÉRATIONS HUMANITAIRES
Première catégorie: vie et sécurité
Non.
Deuxième catégorie: rapports personnels
Non.
Troisième catégorie: motifs de compassion
Non.
Quatrième catégorie: profil
Non.
Cinquième catégorie: liens avec le Canada
Non.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.