T-2845-90
Mehmet et Emine Demirtas (appelants)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(intimé)
et
La Commission de l'immigration et du statut de
réfugié (mise en cause)
RÉPERTORIÉ: DEMIRTAS C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI
ET DE L'IMMIGRATION) (I re INST.)
Section de première instance, juge Teitelbaum—
Montréal, 10 décembre 1990; Ottawa, 30 juillet
1991.
Immigration — Pratique — L'art. 41b)(iii) des Dispositions
transitoires prévoit que les revendications du statut de réfugié
au sens de la Convention ne peuvent pas être examinées par la
section du statut si la demande de réexamen »doit être traitée
par l'ancienne Commission conformément à l'article 48»
La demande de réexamen des revendications du statut de
réfugié au sens de la Convention n'a pas été entendue avant le
1e' janvier 1990 — Selon l'art. 48(3), l'ancienne commission a
perdu toute compétence en ce qui concerne les demandes qui
n'ont pas été tranchées au 31 décembre 1989 — Les deman-
deurs du statut de réfugié qui sont arrivés au Canada avant le
1e. janvier 1989 ne perdent pas le droit à la tenue d'une
audience de détermination du minimum de fondement puisque
leurs revendications n'ont pas été »traitées par l'ancienne
Commission» — On a voulu que les revendications soient
traitées conformément au Règlement en ayant recours à l'an-
cienne Loi (ce qui n'est plus possible maintenant) ou à l'art. 43
des Dispositions transitoires ou de la nouvelle Loi sur l'immi-
gration (Dispositions transitoires sans avoir recours au Règle-
ment) — Application de la doctrine de l'espoir légitime —
Comme la commission n'avait pas refusé les demandes, elles
faisaient encore partie de l'arriéré et il était raisonnable de
s'attendre à ce que les revendications soient traitées conformé-
ment au Règlement — Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une
disposition législative habilitante — La Loi ne prévoit aucune
fin de non-recevoir à la tenue d'une audience pour déterminer
si les revendications ont un minimum de fondement avant que
les revendications ne soient examinées par la section du statut.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari —
Le directeur d'un Centre d'Immigration Canada a refusé une
demande en vue de la tenue d'une audience pour déterminer si
les revendications avaient un minimum de fondement — Ce
refus constitue une décision assujettie au pouvoir de révision
prévu à l'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale — C'est à cause
de la décision du directeur qu'il n'y a pas eu d'audience pour
déterminer si les revendications avaient un minimum de fonde-
ment, et non pas à cause de l'art. 48(3) des Dispositions
transitoires — Application de la doctrine de l'espoir légitime.
Il s'agissait d'une demande en vue de brefs de certiorari, de
mandamus et de prohibition à l'encontre du refus d'accorder
une audience devant un arbitre et un membre de la section du
statut de réfugié pour déterminer si les revendications avaient
un minimum de fondement. Les requérants sont arrivés au
Canada en provenance de la Turquie en 1986. On leur a refusé
le statut de réfugié en 1987 et ils ont immédiatement demandé
un réexamen de leurs revendications devant la Commission
d'appel de l'immigration (l'«ancienne» Commission). L'au-
dience a été ajournée à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'ils
soient informés le 11 juin 1990 que leurs cas étaient mainte-
nant en instance devant la Commission de l'immigration et du
statut de réfugié (la «nouvelle» Commission). Les requérants
ont alors demandé la tenue d'une audience pour déterminer si
les revendications avaient un minimum de fondement afin de
pouvoir satisfaire aux exigences prévues à l'article 3 du Règle-
ment sur la catégorie admissible de demandeurs du statut de
réfugié relativement à la capacité de présenter une demande du
droit d'établissement en vertu du Règlement, qui imposait des
exigences moins rigoureuses en ce qui concernait le droit d'éta-
blissement. Selon l'alinéa 3(1)c) du Règlement, il doit avoir été
déterminé que les revendications du statut de réfugié ont un
minimum de fondement pour qu'une demande du statut de
réfugié au sens de la Convention puisse être présentée confor-
mément au sous-alinéa (i) des paragraphes 46.01(6) ou (7) de
la Loi sur l'immigration ou au sous-alinéa (ii) du paragraphe
43(1) des Dispositions transitoires. Le directeur du Centre
d'Immigration Canada a refusé d'examiner leurs cas sous le
régime du Règlement, sous prétexte que, suivant l'article 48 des
Dispositions transitoires, l'ancienne Commission n'était plus
saisie de leurs revendications et que celles-ci seraient entendues
de nouveau par la nouvelle Commission. Le sous-alinéa
41b)(iii) des Dispositions transitoires prévoit que les personnes
dont les demandes de réexamen de la revendication du statut de
réfugié au sens de la Convention doivent «être examinées par
l'ancienne Commission en vertu de l'article 48» ne peuvent faire
en sorte que leurs revendications soient examinées par la sec
tion du statut de réfugié. Selon le paragraphe 48(1), l'ancienne
Commission continuait d'avoir la compétence voulue en ce qui
concernait les demandes de réexamen engagées avant le let jan-
vier 1989, mais le paragraphe 48(3) limitait la durée d'applica-
tion du paragraphe 48(1) au 31 décembre 1989, date après
laquelle les demandes qui n'auraient pas été tranchées par
l'ancienne Commission seraient «entendues de nouveau» par
l'une ou l'autre section de la nouvelle Commission. Les requé-
rants ne voulaient pas que la section du statut examine leurs
revendications du statut de réfugié, car une conclusion négative
entraînerait leur exclusion de la catégorie établie conformément
au Règlement. Ils ont allégué que, au 1 » ` janvier 1990, leurs
revendications ne devaient plus «être examinées par l'ancienne
Commission» car celle-ci avait cessé d'exister et qu'ils avaient
droit à ce que la section du statut tienne une audience pour
déterminer si leurs revendications avaient un minimum de
fondement. L'intimé a prétendu que le paragraphe 48(3) sup-
primait l'obligation prévue par l'article 41 voulant que la
revendication d'une personne soit recevable par la section du
statut et l'obligation de déterminer que leurs revendications
avaient un minimum de fondement. Par conséquent, les reven-
dications du statut de réfugié présentées par les requérants
doivent être entendues par la section du statut sans qu'il ait
d'abord été déterminé si les revendications ont un minimum de
fondement.
Les requérants ont également fait valoir qu'ils avaient l'es-
poir légitime que leurs revendications seraient traitées confor-
mément au Règlement compte tenu de la «promesse» faite par
le ministre le 28 décembre 1988 de s'occuper du «traitement des
revendications du statut de réfugié non réglées avant le 1" jan-
vier 1989» et que «toutes les revendications seraient examinées
par un arbitre et un membre de la Commission de l'immigra-
tion et du statut de réfugié», et parce qu'ils n'étaient pas
expressément exclus de l'application du Règlement et que
c'était seulement l'acte illicite de l'intimé qui les empêchait de
satisfaire aux exigences du paragraphe 3(1) du Règlement.
L'intimé a soutenu qu'on ne pouvait pas délivrer un bref de
certiorari parce que la lettre du directeur ne constituait pas une
décision et que ce n'était pas une décision d'un «office fédéral»
au sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale. Il a allégué
que la simple réponse à une lettre n'entraîne pas l'exercice
d'une «compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale».
Les requérants ont prétendu que la réponse du directeur consti-
tuait une décision administrative ou l'exercice d'un pouvoir
discrétionnaire auquel s'appliquait l'article 18 de la Loi sur la
Cour fédérale. L'intimé a répondu que le paragraphe 48(3)
supprimait l'obligation de conclure au minimum de fondement
de la revendication d'une personne avant que la revendication
de cette personne ne soit entendue par la section du statut.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
Les requérants ont droit à ce qu'une audience soit tenue pour
déterminer si leurs revendications ont un minimum de
fondement.
Les requérants n'étaient pas visés par l'article 46.01 de la
Loi, qui énumère les demandeurs du statut de réfugié au sens
de la Convention dont la revendication de statut n'est pas
recevable par la section du statut. Leurs revendications étaient
donc recevables par la section du statut, sous réserve des
Dispositions transitoires.
Les revendications du statut de réfugié présentées par des
personnes qui sont arrivées au Canada avant le 1" janvier 1989
doivent être traitées conformément (1) au Règlement en ayant
recours a) à l'ancienne Loi (ce qui n'est plus possible mainte-
nant car la Commission d'appel de l'immigration n'existe plus)
ou b) à l'article 43 des Dispositions transitoires ou (2) à la
nouvelle Loi, que constituent les Dispositions transitoires, sans
avoir recours au Règlement. Les demandeurs ont droit à une
audience, selon l'une ou l'autre façon, pour déterminer si leurs
revendications ont un minimum de fondement. Le Parlement
n'a pas voulu enlever aux demandeurs dont les revendications
n'avaient pas été «tranchées» par l'ancienne Commission la
possibilité d'obtenir une audience pour déterminer si leurs
revendications ont un minimum de fondement.
Il était raisonnable que les requérants s'attendent à ce que
leurs revendications soient traitées en vertu du système d'élimi-
nation de l'arriéré puisqu'ils faisaient encore partie de l'arriéré.
Leurs revendications n'avaient pas été «traitées», en ce sens que
la Commission d'appel de l'immigration n'avait pas refusé de
réexaminer leurs demandes. Dans l'arrêt Bendahmane c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), la Cour
d'appel a jugé qu'il ne s'agissait pas de savoir s'il existait une
disposition législative habilitante, mais de savoir si la loi pré-
voyait une fin de non-recevoir qui empêchait le ministre de
combler cet espoir. Il n'y avait aucune fin de non-recevoir
prévue par la loi qui empêchait la tenue d'une audience de
détermination du minimum de fondement avant que leurs
revendications du statut de réfugié au sens de la Convention ne
soient examinées par la section du statut, puisque les deman-
deurs doivent normalement être admissibles à une audience de
détermination du minimum de fondement avant que leurs
revendications ne soient examinées par la section du statut.
C'est à la suite de la décision du directeur que les requérants
ont été privés d'une audience pour déterminer si leurs revendi-
cations avaient un minimum de fondement, et non pas en raison
du paragraphe 48(3).
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi modifiant la Loi sur l'immigration et d'autres lois en
conséquence [Dispositions transitoires], L.R.C. (1985)
(4° suppl.), chap. 28, art. 41, 42, 43, 48.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
2, 18.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art.
23(4)a), 27(4), 28, 44, 46(2), 46.01 (édicté par L.R.C.
(1985) (4° suppl.), chap. 28, art. 14).
Règlement sur la catégorie admissible de demandeurs du
statut de réfugié, DORS/90-40, art. 3, 4.
Règles de la section du statut de réfugié, DORS/89-103,
art. 18(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Bendahmane c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), [1989] 3 C.F. 16; (1989), 61 D.L.R.
(4th) 313; 26 F.T.R. 122 (note); 8 Imm.L.R. (2d) 20; 95
N.R. 385 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Zeybekoglu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Im-
migration), T-2894-90, juge Joyal, jugement en date du
8-5-91, C.F. 1" inst., encore inédit.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Russo c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immi-
gration, [1977] 1 C.F. 325; (1976), 70 D.L.R. (3d) 118
(1P° inst.); Fee et autre c. Bradshaw et autres, [1982] 1
R.C.S. 609; (1982), 137 D.L.R. (3d) 695; 68 C.C.C. (2d)
425; 82 DTC 6160 (fr.); 82 DTC 6264 (ang.); 43 N.R.
329; Attorney -General of Hong Kong v. Ng Yuen Shiu,
[1983] 2 A.C. 629 (P.C.).
AVOCATS:
William Sloan pour les requérants.
Joanne Granger pour l'intimé.
PROCUREURS:
Sloan, Lanoue, Arpin et Associés, Montréal,
pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE TEITELBAUM: Les requérants deman-
dent, conformément à l'article 18 de la Loi sur la
Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7], un
redressement sous forme de brefs de certiorari, de
mandamus et de prohibition à l'encontre de la
«décision» par laquelle l'intimé a refusé la demande
des requérants en vue de la tenue d'une audience
devant un arbitre et un membre de la section du
statut de réfugié pour déterminer si les revendica-
tions ont un minimum de fondement. Les requé-
rants prétendent également qu'ils avaient l'espoir
légitime que leurs revendications du statut de réfu-
gié seraient examinées conformément au Règle-
ment sur la catégorie admissible de demandeurs
du statut de réfugié' (ci-après appelé le «Règle-
ment»), adopté le 21 décembre 1989. Ce Règle-
ment permet à certaines personnes, dont il a été
déterminé que les revendications du statut de réfu-
gié avaient un minimum de fondement, de présen-
ter une demande du droit d'établissement sans
devoir quitter le Canada et prévoit une dispense de
toutes les exigences sauf celles relatives à la santé
et à la sécurité.
LES FAITS
Les requérants sont arrivés au Canada en prove
nance de la Turquie et ont demandé le statut de
réfugié le 12 septembre 1986. Une enquête s'est
tenue le 18 octobre 1986 et a été suspendue con-
formément an paragraphe 44(1) de la Loi sur
l'immigration 2 . Les requérants ont été interrogés
sous serment le 27 janvier 1987, et le ministre a
déterminé le 15 septembre 1987 qu'ils n'étaient
pas des réfugiés au sens de la Convention.
Les requérants ont demandé un réexamen de
leurs revendications devant la Commission d'appel
de l'immigration (l'«ancienne» Commission) le ler
octobre 1987. L'audience tenue devant la Commis
sion d'appel de l'immigration a été ajournée à
plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'ils soient informés
le 11 juin 1990 que leurs cas étaient maintenant en
instance devant la Commission de l'immigration et
du statut de réfugié (la «nouvelle» Commission).
' DORS/90-40.
2 L.R.C. (1985), chap. I-2.
Dans une lettre en date du 4 juillet 1990 adres-
sée à M. Louis Grenier, directeur du Centre d'Im-
migration Canada de Montréal, l'avocat des requé-
rants a demandé qu'on leur offre la possibilité de
satisfaire à l'alinéa 3(1)c) du Règlement, c'est-à-
dire qu'on leur accorde une audience devant un
arbitre et un membre de la section du statut pour
déterminer si leurs revendications ont un minimum
de fondement. Le directeur a refusé d'examiner
leurs cas sous le régime du Règlement sous pré-
texte que, suivant l'article 48 des Dispositions
transitoires', l'ancienne Commission n'était plus
saisie des revendications des requérants et que
leurs revendications seraient «entendues de nou-
veau» par la nouvelle Commission.
Les requérants soutiennent qu'ils ont droit à une
audience devant un arbitre et un membre de la
section du statut pour déterminer si leurs revendi-
cations ont un minimum de fondement. Si l'on
jugeait que leurs revendications du statut de réfu-
gié ont un minimum de fondement, cela leur per-
mettrait de profiter des avantages accordés à ceux
dont les revendications sont examinées conformé-
ment au Règlement. Ils soutiennent également
qu'ils avaient l'espoir légitime que leurs dossiers
seraient examinés conformément au Règlement à
la suite de la «déclaration» ou de la «promesse» de
l'intimé selon laquelle des mesures seraient prises
pour éliminer l'arriéré existant.
Pour déterminer si les requérants sont de fait
admissibles à une audience pour établir si leurs
revendications ont un minimum de fondement, il
faut absolument examiner de très près les disposi
tions pertinentes et la façon dont elles s'appliquent
à l'espèce.
RÈGLEMENT SUR LA CATÉGORIE ADMIS
SIBLE DE DEMANDEURS DU STATUT DE
REFUGIE
Le paragraphe 3(1) du Règlement sur la caté-
gorie admissible de demandeurs du statut de
réfugié établit la catégorie de personnes qui peu-
vent présenter une demande du droit d'établisse-
ment selon le Règlement. Il existe trois critères:
3. (1) Sous réserve du paragraphe (2), conformément à la
tradition humanitaire suivie par le Canada à l'égard des person-
nes déplacées ou persécutées, la catégorie admissible de deman-
deurs du statut de réfugié est établie par l'application du
3 L.R.C. (1985) (4e suppl.), chap. 28.
paragraphe 6(2) de la Loi et est constituée de personnes, à la
fois:
a) qui se trouvaient au Canada le 1" janvier 1989 ou qui
avaient reçu l'ordre avant cette date, en application du
paragraphe 23(5) de la Loi, de retourner aux Etats-Unis et
d'attendre qu'un arbitre puisse mener une enquête dont la
tenue était fixée pour cette date ou après celle-ci;
b) qui ont manifesté, avant le 1" janvier 1989, leur intention
de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention
qui, selon le cas:
(i) a été communiquée à un agent d'immigration qui l'a
consignée avant cette date ou à une personne agissant au
nom d'un agent d'immigration, laquelle a, de l'avis d'un
agent d'immigration, consigné cette intention avant cette
date,
(ii) a été communiquée à l'arbitre au cours de l'enquête
concernant leur statut au Canada;
c) dont la revendication a un minimum de fondement selon
ce qui a été conclu ou déterminé conformément:
(i) soit aux paragraphes 46.01(6) ou (7) de la Loi,
(ii) soit au paragraphe 43(1) de la Loi modifiant la Loi
sur l'immigration et d'autres lois en conséquence, L.R.,
ch. 28 (4' suppl.). [C'est moi qui souligne.]
Les requérants satisfont au premier et au
deuxième critère parce qu'ils se trouvaient au
Canada avant le ler janvier 1989, étant arrivés le
12 septembre 1986, date à laquelle ils ont demandé
le statut de réfugié. Le problème surgit relative-
ment au troisième critère, auquel il peut être satis-
fait suivant l'une de deux méthodes.
(i) Paragraphes 46.01(6) ou (7) de la Loi sur
l'immigration
Les paragraphes 46.01(6) et (7) [art. 46.01
(édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), chap. 28, art
14)] de la Loi sont les dispositions selon lesquelles
on détermine si la revendication a un minimum de
fondement. Toutefois, c'est le paragraphe 46.01(1)
qui prévoit quand la revendication du statut de
réfugié n'est pas recevable par la section du statut.
Les dispositions pertinentes sont libellées ainsi:
46.01 (1) La revendication de statut n'est pas recevable par
la section du statut si le demandeur se trouve dans l'une ou
l'autre des situations suivantes:
c) depuis sa dernière venue au Canada, il a fait l'objet:
(i) soit d'une décision de la section du statut, de la Cour
d'appel fédérale ou de la Cour suprême du Canada lui
refusant le statut de réfugié au sens de la Convention ou
établissant le désistement de sa revendication,
(ii) soit d'une décision d'un arbitre et d'un membre de la
section du statut portant que sa revendication n'était pas
recevable par celle-ci ou qu'elle n'avait pas un minimum de
fondement;
Les requérants ne sont sûrement pas visés par le
sous-alinéa 46.01(1)c)(ii) car c'est l'idée maîtresse
de leur requête. De plus, ils ne sont pas exclus par
le sous-alinéa (i) puisqu'ils n'ont pas encore com-
paru devant la section du statut. On conclurait
donc que les revendications des requérants sont
recevables par la section du statut. Cependant, il y
a encore les Dispositions transitoires à prendre en
considération.
(ii) Paragraphe 43(1) des Dispositions transitoires
Le paragraphe 43 (1) est la véritable disposition
en vertu de laquelle l'arbitre et un membre de la
section du statut déterminent si la revendication
d'une personne a un minimum de fondement. Tou-
tefois, il faut d'abord que la revendication du
statut de réfugié au sens de la Convention soit
recevable par la section du statut conformément à
l'article 41, qui est libellé en partie ainsi:
41. Malgré toute disposition contraire de la nouvelle loi, la
revendication du statut de réfugié au sens de la Convention est
recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans
l'une ou l'autre des situations suivantes:
b) l'enquête dont, à la date référence [le Ie" janvier 19891, il
fait l'objet a été ajournée conformément au paragraphe 44(1)
de l'ancienne loi et, le ministre lui ayant refusé le statut, rien
de ce qui suit ne s'applique à son cas:
(iii) application de l'article 48 la demande de réexamen,
[C'est moi qui souligne.]
D'après le paragraphe 48(1) des Dispositions
transitoires, la Commission d'appel de l'immigra-
tion, l'ancienne Commission, continuait d'avoir la
compétence voulue en ce qui concernait les deman-
des et les appels encore en instance:
48. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article,
les demandes de réexamen et les appels engagés devant l'an-
cienne Commission avant la date de référence [le 1°` janvier
1989] et encore en instance à cette date sont tranchés par
celle-ci conformément à l'ancienne loi et aux règles établies
sous son régime. [Soulignement ajouté.]
Les demandes des requérants ont été présentées
avant le ler janvier 1989. Cependant, le paragra-
phe 48(3) des Dispositions transitoires mentionne
la date limite pour l'application du paragraphe
48(1). Le pouvoir de la Commission d'appel de
l'immigration d'instruire certaines affaires était
limité au 31 décembre 1989, car elle cessait d'exis-
ter après cette date:
48....
(3) L'ancienne Commission est dessaisie des demandes et des
appels visés au paragraphe (1) et qui n'ont pas encore été
tranchés dans l'année qui suit la date de référence [le 1" janvier
1989]. Ceux-ci sont entendus de nouveau par la section du
statut ou la section d'appel, selon le cas, conformément à la
nouvelle loi. [Soulignements ajoutés.]
Les demandes dans la présente affaire n'ont pas
été tranchées devant la Commission d'appel de
l'immigration avant le ler janvier 1990, et les
requérants ont été informés que la Commission de
l'immigration et du statut de réfugié avait été
saisie de leurs dossiers. Ils ne veulent pas suivre
cette voie, car ils prétendent que, si la section du
statut aboutissait à une conclusion négative au
sujet de la reconnaissance de leur statut de réfugié,
ils seraient alors exclus de la catégorie établie,
conformément à l'alinéa 3(2)g) du Règlement.
Les requérants remplissent les conditions de
l'alinéa 41 b), mais le problème surgit relativement
au sous-alinéa 41b)(iii). Ils prétendent que la ver
sion française du sous-alinéa 41b)(iii) est vague:
«application de l'article 48 à la demande de réexa-
men>, alors que la version anglaise est plus précise:
«is to be dealt with by the former Board under
section 48» [soulignement ajouté]. Ils allèguent
donc que, au ler janvier 1990, leurs revendications
ne devaient plus être examinées par la Commission
d'appel de l'immigration car celle-ci avait cessé
d'exister mais qu'elles devraient alors être exami
nées par la section du statut, en faisant d'abord
l'objet d'une audience pour déterminer si elles ont
un minimum de fondement.
L'intimé fait valoir cependant que le Parlement
voulait manifestement que les demandeurs qui sont
visés à l'article 48 soient exclus du Règlement, de
sorte que les revendications des requérants ne sont
pas recevables par la section du statut pour déter-
miner s'il y a un minimum de fondement.
L'intimé prétend également que le paragraphe
48(3) a «pour effet d'affranchir la nécessité de la
reconnaissance de la recevabilité et du minimum
de fondement à la revendication du statut de réfu-
gié avant d'avoir la possibilité d'être entendu par
la section du statut». En d'autres mots, l'intimé
soutient que le paragraphe 48(3) supprime l'obli-
gation de remplir la condition prévue à l'article 41
(c'est-à-dire que la revendication du statut de réfu-
gié au sens de la Convention soit recevable par la
section du statut) et l'obligation de déterminer que
leurs revendications du statut de réfugié au sens de
la Convention avaient un minimum de fondement.
Par conséquent, l'intimé prétend que les revendica-
tions du statut de réfugié présentées par les requé-
rants doivent être entendues par la section du
statut sans qu'il ait d'abord été déterminé si les
revendications ont un minimum de fondement.
Je comprends pourquoi les requérants rencon-
trent un problème à ce sujet, car non seulement
sont-ils privés de l'application du Règlement le
plus favorable qui prévoit une dispense de toutes
les exigences sauf celles relatives à la santé et à la
sécurité au moment de présenter des demandes du
droit d'établissement, mais ils doivent comparaître
devant la section du statut pour l'examen de leurs
revendications du statut de réfugié au sens de la
Convention bien qu'il n'y ait pas encore eu d'au-
dience pour déterminer si leurs revendications ont
un minimum de fondement. De plus, ils prétendent
que la charge de la preuve pour établir que leurs
revendications ont un minimum de fondement est
beaucoup moins astreignante que celle qui est
imposée pour se faire reconnaître comme réfugié.
Le paragraphe 3(2) du Règlement sur la caté-
gorie admissible de demandeurs du statut de
réfugié énumère les personnes qui ne peuvent pas
faire partie de la catégorie désignée. Le seul alinéa
qui pourrait éventuellement s'appliquer aux
demandeurs est l'alinéa g), qui est libellé ainsi:
3....
(2) Les personnes suivantes ne peuvent faire partie de la
catégorie admissible de demandeurs du statut de réfugié:
g) celles à qui la section du statut refuse le statut de réfugié
au sens de la Convention. [Soulignement ajouté.]
L'intimé soutient que le demandeur dont la
revendication ne peut pas être examinée par la
section du statut conformément à l'article 41 des
Dispositions transitoires n'a pas droit à une
audience devant un arbitre et un membre de la
section du statut conformément à l'article 43 pour
déterminer si sa revendication a un minimum de
fondement et que, par conséquent, il ne peut pas
satisfaire au troisième critère prévu au sous-alinéa
3(1)c)(ii) du Règlement.
C'est l'issue que redoutent les requérants s'il
faut que leurs revendications du statut de réfugié
soient examinées par la section du statut sans la
tenue au préalable d'une audience devant un arbi-
tre et un membre de la section du statut pour
déterminer si leurs revendications ont un minimum
de fondement.
Selon ma perception des choses, les dispositions
pertinentes sont telles que les personnes qui font
partie de la catégorie admissible conformément au
paragraphe 3(1) du Règlement et n'en sont pas
exclues conformément au paragraphe 3(2) peuvent
présenter une demande du droit d'établissement
conformément à l'article 4 du Règlement. Toute-
fois, les personnes qui ne font pas partie `"de la
catégorie admissible conformément au paragraphe
3(1), ainsi que celles qui font partie de la catégorie
admissible mais qui ont été exclues en vertu du
paragraphe 3(2), ne peuvent pas présenter une
demande du droit d'établissement conformément à
l'article 4 du Règlement. Enfin, quant aux person-
nes qui sont exclues de l'application du Règlement,
leurs revendications du statut de réfugié au sens de
la Convention seront examinées conformément aux
articles 41 à 47 des Dispositions transitoires
comme d'habitude sous le nouveau régime. Cela
signifie que leurs revendications du statut de réfu-
gié au sens de la Convention seront examinées par
la section du statut après qu'un arbitre et un
membre de la section du statut auront conclu que
la revendication a un minimum de fondement.
Le Parlement semble avoir voulu que les reven-
dications du statut de réfugié présentées par des
personnes qui sont arrivées au Canada avant le 1 er
janvier 1989 soient traitées conformément:
(1) au Règlement en ayant recours
a) à l'ancienne Loi (ce qui n'est plus possible
maintenant car la Commission d'appel de l'im-
migration n'existe plus) ou
b) à l'article 43 des Dispositions transitoires;
ou
(2) à la nouvelle Loi, que constituent les Disposi
tions transitoires, sans avoir recours au Règlement.
En tout cas, les demandeurs ont droit à une
audience, selon l'une ou l'autre façon, pour déter-
miner si leurs revendications ont un minimum de
fondement. En l'espèce, l'intimé semble prétendre
que les requérants ne sont pas visés par le Règle-
ment et qu'ils ont droit à une partie seulement du
nouveau régime, c'est-à-dire qu'ils ont droit à ce
que leurs revendications soient examinées par la
section du statut sans audience préalable pour
déterminer si leurs revendications ont un minimum
de fondement.
Sauf le respect que je dois à l'intimé, je ne suis
pas d'accord. Il ne semble pas que le Parlement ait
voulu enlever la possibilité d'obtenir une audience
pour déterminer si leurs revendications ont un
minimum de fondement aux demandeurs dont les
revendications n'avaient pas été «tranchées» par
l'ancienne Commission. Les requérants sont donc
admissibles à une telle audience devant un arbitre
et un membre de la section du statut, de sorte
qu'ils auront la possibilité de satisfaire au troi-
sième critère prévu au paragraphe 3(1) du
Règlement.
Le bref de certiorari et la «décision» rendue par le
directeur
Les requérants prétendent que la décision du
directeur de tenir une audience en vue de l'examen
du statut de réfugié sans une audience préalable
pour déterminer si leurs revendications ont un
minimum de fondement les empêche de satisfaire
au troisième critère prévu au paragraphe 3(1) du
Règlement, qui exige qu'il ait été déterminé que
leurs revendications du statut de réfugié au sens de
la Convention avaient un minimum de fondement
conformément aux paragraphes 46.01(6) ou (7) de
la Loi sur l'immigration ou au paragraphe 43(1)
des Dispositions transitoires.
Toutefois, l'intimé soutient qu'on ne peut pas
délivrer un bref de certiorari pour les raisons
suivantes.
Premièrement, l'intimé allègue que la lettre du
directeur ne constitue pas une décision concernant
l'application du Règlement et qu'elle ne constitue
pas non plus une décision d'un «office fédéral» au
sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale,
qui est libellé ainsi:
2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
»office fédéral» Conseil, bureau, commission ou autre orga-
nisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant
ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par
une loi fédérale, à l'exclusion d'un organisme constitué sous
le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un
groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provin-
ciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.
L'intimé cite la décision rendue par le juge
suppléant Sweet dans l'affaire Russo c. Le minis-
tre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration'', où il
est mentionné clairement qu'un «office fédéral», tel
que défini par l'article 2 de la Loi sur la Cour
fédérale, renvoie aux personnes auxquelles le Par-
lement a conféré la compétence ou les pouvoirs
voulus pour rendre des décisions. La simple
réponse à une lettre n'entraîne pas l'exercice d'une
«compétence ou des pouvoirs prévus par une loi
fédérale».
Il semble que les dossiers des requérants ont été
envoyés directement de l'ancienne Commission,
c'est-à-dire la Commission d'appel de l'immigra-
tion, à la nouvelle Commission, c'est-à-dire la
Commission de l'immigration et du statut de réfu-
gié, sans passer par la section d'examen des cas de
l'arriéré.
Les requérants prétendent que, dans sa lettre en
date du 4 juillet 1990, leur avocat ne demandait
pas que le directeur examine une décision rendue
par lui-même ou une autre autorité, mais qu'il
demandait plutôt que l'autorité compétente tienne
une audience conformément à l'article 42 des Dis
positions transitoires pour déterminer si leurs
revendications avaient un minimum de fondement.
Ils soutiennent donc que la réponse du directeur en
date du 11 juillet 1990 constituait une première
indication fournie par une personne investie du
pouvoir de rendre une décision que des agents
principaux de l'Immigration refusaient de tenir
une audience pour déterminer si leurs revendica-
tions avaient un minimum de fondement. Par con-
séquent, ils font valoir que, en raison de l'arrêt Fee
et autre c. Bradshaw et autres' dans lequel la
Cour suprême a jugé que l'article 18 de la Loi sur
la Cour fédérale s'applique à une décision admi
nistrative ou à l'exercice d'un pouvoir discrétion-
naire, la question est de savoir si la lettre du
^ [1977] 1 C.F. 325 (1« inst.), à la p. 329.
5 [1982] 1 R.C.S. 609, la p. 616.
directeur constitue une décision administrative ou
l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.
Vu la situation, les requérants prétendent que
les formulaires de renseignements personnels
(«F.R.P.») que la Commission de l'immigration et
du statut de réfugié leur a envoyés ont dû leur être
expédiés par erreur, car le paragraphe 46(2) [mod.
par L.R.C. (1985) (4e suppl.), chap. 28, art. 14] de
la Loi sur l'immigration et le paragraphe 18(1)
des Règles de la section du statut de réfugié
[DORS/89-103] mentionnent tous deux que les
F.R.P. doivent être remis à l'arbitre quand une
revendication est présentée durant une enquête ou
une audience pour déterminer si la revendication a
un minimum de fondement. Les audiences et les
enquêtes sont tenues à la suite de directives ou
d'avis émanant d'agents principaux de l'Immigra-
tion et adressés à un arbitre (voir l'alinéa 23(4)a),
les paragraphes 27(4) et 44(3) et l'article 28 de la
Loi ainsi que le paragraphe 42(1) des Dispositions
transitoires).
En réponse, l'intimé soutient encore une fois que
le paragraphe 48(3) des Dispositions transitoires a
pour effet de supprimer l'obligation de conclure au
minimum de fondement de la revendication d'une
personne avant que la revendication de cette per-
sonne ne soit entendue par la section du statut. Par
conséquent, le paragraphe 18(1) des Règles de la
section du statut de réfugié ne s'applique pas, car
les requérants ne vont pas avoir d'audience devant
un arbitre et un membre de la section du statut
pour déterminer si leurs revendications ont un
minimum de fondement. La lettre en question
concernait une audience relative au statut de réfu-
gié au sens de la Convention devant la section du
statut, de sorte que les paragraphes 46(2) et 18(1),
qui ne s'appliquent qu'aux audiences devant un
arbitre et un membre de la section du statut pour
déterminer si les revendications ont un minimum
de fondement, ne s'appliquent pas à la présente
situation.
Subsidiairement, l'intimé allègue que la lettre
du directeur n'équivalait pas à une décision, car les
requérants avaient été informés antérieurement
que leurs dossiers étaient en instance devant la
Commission de l'immigration et du statut de réfu-
gié par une lettre du greffier adjoint en juin 1990,
personne qui, selon les requérants, n'avait certaine-
ment pas la compétence ou le pouvoir de rendre
une telle décision.
À mon avis, il résulte de la décision du directeur
que les requérants ont été privés d'une audience
pour déterminer si leurs revendications ont un
minimum de fondement. Le paragraphe 48(3) des
Dispositions transitoires ne supprime pas l'obliga-
tion de déterminer si la revendication d'une per-
sonne a un minimum de fondement, avant que
cette revendication ne soit examinée par la section
du statut.
ESPOIR LÉGITIME
Les requérants font valoir qu'ils avaient l'espoir
légitime que leurs revendications seraient traitées
conformément au Règlement pour les raisons
suivantes:
(i) la «promesse» faite par le ministre le 28 décem-
bre 1988 de s'occuper du [TRADUCTION] «traite-
ment des revendications du statut de réfugié non
réglées avant le 1" janvier 1989» et selon laquelle
[TRADUCTION] «Toutes les revendications seront
examinées par un arbitre et un membre de la
Commission de l'immigration et du statut de réfu-
gié nouvellement créée»;
(ii) ils ne sont pas expressément exclus de l'appli-
cation du Règlement conformément aux alinéas
3(2)a) à g);
(iii) ils satisfont aux exigences d'admissibilité pré-
vues à l'alinéa 3(1)a) et au sous-alinéa 3(1)b)(ii)
du Règlement; et
(iv) c'est l'acte «illicite» de l'intimé qui les empêche
de satisfaire à la troisième exigence d'admissibi-
lité, c'est-à-dire à l'alinéa 3(1)c).
La doctrine de l'espoir légitime a été bien expo
sée dans l'arrêt Attorney -General of Hong Kong v.
Ng Yuen Shiu 6 :
[TRADUCTION] ... quand une autorité publique a promis de
suivre une certaine procédure, il est dans l'intérêt d'une saine
administration qu'elle agisse équitablement et donne suite à sa
promesse, aussi longtemps que cela ne vient pas en contradic
tion avec l'obligation que lui impose la loi.
Il reste deux questions à trancher:
1. Celle de savoir si la déclaration ou «promesse»
faite par le ministre le 28 décembre 1988 et les
publications et le Règlement ultérieurs créent un
[TRADUCTION] «espoir légitime ou raisonnable»; et
6 [1983] 2 A.C. 629 (P.C.), à la p. 638.
2. Celle de savoir si les requérants doivent prouver
que la loi habilitante permet au ministre de satis-
faire à cette attente (la thèse de l'intimé) ou si
l'intimé doit plutôt prouver que la loi prévoit une
fin de non-recevoir qui empêche le ministre d'y
satisfaire (la thèse des requérants).
En réponse à la première question, le document
d'information sur les procédures relatives à l'ar-
riéré des revendications émis le 31 mars 1989
prévoit quatre catégories. Les requérants ne pour-
raient entrer que dans la deuxième catégorie qui
vise les personnes qui sont entrées au Canada entre
mai 1986 et février 1987. Toutefois, il mentionne
également que ces personnes sont titulaires d'un
permis du ministre, permis dont les requérants ne
sont pas titulaires. L'intimé soutient donc qu'il est
manifeste que les requérants n'entrent pas dans la
catégorie des 85 000 demandeurs dont les revendi-
cations devaient être entendues selon la procédure
d'élimination de l'arriéré et que rien ne justifie un
espoir légitime.
Cependant, la déclaration du ministre en date
du 28 décembre 1988 mentionne que celui-ci pro-
jetait de s'occuper des «revendications du statut de
réfugié non réglées avant le 1" janvier 1989». Les
requérants prétendent que, suivant cette déclara-
tion, ils avaient l'espoir légitime que leurs revendi-
cations seraient traitées selon la procédure d'élimi-
nation de l'arriéré.
Dans l'affaire Zeybekoglu c. Canada (Ministre
de l'Emploi et de l'Immigration)', mon collègue le
juge Joyal a traité récemment de la question de
l'espoir légitime dans des circonstances très sem-
blables mais avec lesquelles il faut faire une dis
tinction. Dans cette affaire-là, il a statué qu'il n'y
avait pas d'espoir légitime pour les requérants, car
leurs revendications avaient déjà été tranchées par
la Commission d'appel de l'immigration qui avait
refusé de réexaminer leurs demandes. Par consé-
quent, elles ne faisaient plus partie de l'arriéré et
on ne pouvait pas raisonnablement s'attendre à ce
qu'elles soient traitées selon le système prévu pour
s'occuper de l'arriéré.
Toutefois, en l'espèce, les revendications des
requérants n'ont pas été «traitées», car la Commis
sion d'appel de l'immigration n'a pas refusé de
réexaminer leurs demandes. Il était donc raisonna-
' (8 mai 1991), T-2894-90 (C.F. 1 fe inst.), encore inédite.
ble que les requérants s'attendent à ce que leurs
revendications soient examinées en vertu du sys-
tème d'élimination de l'arriéré puisqu'elles fai-
saient encore partie de l'arriéré.
En réponse à la deuxième question, la Cour
d'appel a jugé, dans l'arrêt Bendahmane c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) 8 , que:
Le ministre a promis d'examiner la revendication du statut de
réfugié de l'intimé. Certes, la loi ne prévoit pas expressément
cet examen; mais rien ne l'interdit, et le ministre a, en fait,
examiné d'autres revendications du statut de réfugié faites par
des personnes qui ne pouvaient se prévaloir de la procédure
légale. L'examen par le ministre de la revendication de l'intimé
ne serait pas incompatible avec ses fonctions légales.
L'intimé soutient cependant que, dans l'arrêt
Bendahmane, la Cour a également jugé que le
requérant n'avait pas satisfait aux conditions
requises pour être visé par le régime particulier et
qu'ainsi la décision qui lui refusait l'accès au
régime et à ses avantages était la seule décision qui
pouvait être rendue.
Les requérants font valoir que non seulement la
Cour d'appel dans l'affaire Bendahmane n'a pas
cherché de disposition législative habilitante avant
d'ordonner de respecter l'engagement, mais elle
alla même jusqu'à déclarer que le régime législatif
ne permettait pas de le bien respecter et a ordonné
que l'engagement soit respecté en dehors de ce
régime. En d'autres termes, la question n'était pas
de savoir si la loi habilitait le ministre à combler
cet espoir, mais si la loi prévoyait une fin de
non-recevoir qui empêchait le ministre de combler
cet espoir.
L'intimé n'a pas invoqué l'existence d'une fin de
non-recevoir prévue par la loi quant au respect de
l'engagement, mais il a mis l'accent sur la preuve
de l'absence de disposition législative habilitante.
Les requérants allèguent donc qu'il n'y a aucune
fin de non-recevoir prévue par la loi qui empêche
la tenue d'une audience de détermination du mini
mum de fondement avant que leurs revendications
du statut de réfugié au sens de la Convention ne
soient examinées par la section du statut, puisque
les demandeurs doivent normalement être admissi-
bles à une audience de détermination du minimum
de fondement avant que leurs revendications ne
soient examinées par la section du statut. Cela va
8 [1989] 3 C.F. 16 (C.A.), à la p. 32.
dans le sens de la conclusion que j'ai tirée
précédemment.
La demande en vue de la délivrance d'un bref de
certiorari afin d'annuler la décision par laquelle
Louis Grenier a, le 11 juillet 1990, refusé que le
cas des requérants soit examiné conformément au
Règlement sur la catégorie admissible de deman-
deurs du statut de réfugié est accueillie par ces
présentes. Il est ordonné à l'intimé de tenir une
audience afin de déterminer si la revendication du
statut de réfugié présentée par les requérants a un
minimum de fondement et, si oui, d'examiner
ensuite leur revendication conformément au
Règlement sur la catégorie admissible de deman-
deurs du statut de réfugié.
Il est interdit à la mise en cause de tenir une
audience relative à la revendication du statut de
réfugié présentée par les requérants avant qu'il
n'ait été satisfait à l'ordonnance de mandamus
précitée. Le tout avec dépens en faveur des
requérants.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.