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A-537-91
Le docteur Clive Rosenbush (requérant)
c.
Le Bureau national d'examen dentaire du Canada (intimé)
RÉPERTORIÉ' ROSENBUSH C. BUREAU NATIONAL D'EXAMEN DENTAIRE DU CANADA (C.A.)
Cour d'appel, juges Mahoney, Hugessen, J.C.A., et juge suppléant Gray—Toronto, 6 mai 1992.
Compétence de la Cour fédérale Section d'appel Demande en vue d'annuler le rejet par l'intimé de l'appel du requérant à l'encontre de la décision des examinateurs La Cour a-t-elle compétence pour connaître de la demande? L'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale attribue une compé- tence à la Cour uniquement pour la meilleure administration des lois du Canada La vérification des titres techniques et académiques des candidats à la profession de dentiste est une question de compétence provinciale L'intimé ne relève pas de la disposition relative à la paix, à l'ordre et au bon gouver- nement, ni de la compétence en matière de trafic et de com merce prévue à l'art. 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 Les décisions de l'intimé relatives à la qualification profes- sionnelle et à l'agrément des dentistes ne relèvent nullement du droit fédéral Que l'intimé ait été constitué sous l'autorité fédérale n'a rien à voir avec l'existence d'aune compétence ou des pouvoirs».
Droit constitutionnel Partage des pouvoirs L'intimé est un organisme constitué sous le régime d'une loi fédérale assu- jetti au droit provincial en ce qui a trait à la qualification pro- fessionnelle et à l'agrément des dentistes Le Bureau s'est vu conférer- uniquement la capacité de recevoir des pouvoirs d'autres sources,— Les pouvoirs accordés par l'art. 7 de la loi constitutive sont exercés par les autorités provinciales char gées de l'agrément Les décisions du Bureau ne relèvent nul- lement du droit fédéral Que l'intimé ait été constitué sous l'autorité fédérale n'a rien à voir avec l'existence d'aune com- pétence ou des pouvoirs».
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi constituant en corporation le Bureau national d'Exa- men dentaire du Canada, S.C. 1952, ch. 69, art. 4(1), 7 (mod. par S.C. 1973-74 g ch. 55, art. 4).
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, I, [L.R.C. (1985), appendice I1, 5], art. 101.
Loi .sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 2, 28.
JURISPRUDENCE DÉCISION SUIVIE:
Ontario (Commission des droits de la personne) c. Bureau national d'examen dentaire du Canada, [1991] 3 R.C.S. 121; (1991), 130 N.R. 152.
DÉCISION NON SUIVIE:
Tsang c. Le Conseil médical du Canada, [1981] 2 C.F. 838; (1981), 120 D.L.R. (3d) 760 (l re inst.).
DEMANDE fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale en vue d'annuler une décision du Comité des appels du Bureau national d'examen den- taire du Canada, lequel a rejeté l'appel du requérant contre une décision des examinateurs. Demande reje- tée.
AVOCATS:
Joyce R. Weinman -Arnold pour le requérant. T Gregory Kane pour l'intimé.
PROCUREURS:
Danson, Zucker and Connelly, Toronto, pour le
requérant.
Stikeman, Elliott, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE HUGESSEN, J.C.A.: La présente demande fondée sur l'article 28 vise la révision et l'annulation d'une décision du comité des appels du Bureau natio nal d'examen dentaire du Canada. Ce comité a rejeté l'appel du requérant contre la décision des examina- teurs selon laquelle il avait échoué la «partie Co de l'examen clinique.
L'intimé est une personne morale constituée par une loi du Parlement du Canada'. L'article 7 de sa loi constitutive (modifié [par l'article 4]) énonce les pou- voirs en vertu desquels, dit-on, la décision contestée par le requérant a été prise:
7. Le Bureau a le pouvoir
a) de déterminer les titres à l'exercice des dentistes non spé- cialisés de façon que les titres puissent être reconnus par les corps régulièrement institués dans toutes les provinces du Canada pour accorder les autorisations;
I [Loi constituant en corporation le Bureau national d'Exa- men dentaire du Canada], S.C. 1952, ch. 69, modifiée par S.C. 1973-74, ch. 55.
b) de déterminer, sous réserve de l'approbation du Collège royal des chirurgiens dentistes du Canada, les titres à l'exer- cice des dentistes-spécialistes de façon que tous les titres puissent être reconnus par les corps régulièrement institués dans toutes les provinces du Canada pour accorder des auto- risations;
c) d'établir les conditions auxquelles un dentiste non spécia- lisé peut obtenir et détenir un certificat de compétence;
d) d'établir, sous réserve de l'approbation du Collège royal des chirurgiens dentistes du Canada, les conditions aux- quelles un dentiste-spécialiste peut obtenir et détenir un cer- tificat de compétence;
e) de prescrire des examens obligatoires comme preuve des titres à l'exercice aux fins d'enregistrement, sous réserve des droits du Collège royal des chirurgiens dentistes du Canada ci-après énoncés;
J) d'instituer et maintenir un corps d'examinateurs pour tenir les examens et recommander l'octroi de certificats de com- pétence aux dentistes non spécialisés;
g) d'instituer et maintenir un corps d'examinateurs nommés par le Collège royal des chirurgiens dentistes du Canada pour tenir les examens et recommander l'octroi de certificats de compétence aux dentistes-spécialistes dûment formés;
h) d'émettre des certificats de compétence aux dentistes non spécialisés et aux dentistes spécialistes conformément à la recommandation des examinateurs;
i) d'établir pour le Canada un registre de contrôle des dentis- tes non spécialisés et des dentistes-spécialistes à qui le Bureau a accordé des certificats de compétence;
j) de radier du registre le nom de toute personne dont l'ins- cription provinciale aura été annulée ou suspendue, et de restaurer ce nom dans le registre si et lorsque pareille annu- lation ou suspension est annulée ou la période de suspension est terminée; et
k) de publier et réviser ce registre à son gré.
Il y a d'abord lieu de déterminer, à titre prélimi- naire, si cette Cour a compétence pour connaître de la présente demande. À première vue, l'intimé semble- rait être visé par la définition d'«office fédéral» qui figure à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale 2 :
2....
«office fédéral» Conseil, bureau, commission ou autre orga- nisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale, à l'exclusion d'un organisme constitué sous le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provin-
2 L.R.C. (1985), ch. F-7.
ciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Si l'intimé exerce effectivement «une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale», les décisions qu'il a rendues en vertu de cette compé- tence ou de ces pouvoirs avant le ler février 1992 (comme c'est le cas en l'espèce) pourraient être révi- sées par cette Cour aux termes de l'article 28, dans sa forme antérieure à cette date.
À notre avis, une telle analyse est trop simpliste et elle ne tient pas compte des limites imposées au Par- lement par la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), appendice II, 5]]. Ces limites entrent en jeu sous deux rapports en l'espèce. En premier lieu, l'attribu- tion d'une compétence à cette Cour n'est valide que si elle a été faite «pour la meilleure administration des lois du Canada» 3 . Or, il n'existe absolument aucun régime juridique fédéral, établi dans un texte de loi ou autrement, qui nous permette d'exercer la compétence attribuée par l'article 28 pour réviser les décisions d'un organisme chargé de vérifier les titres techniques et académiques des candidats à la profes sion de dentiste, une question de compétence pure- ment provinciale. Il est maintenant bien établi en droit que l'intimé «ne relève pas de la disposition relative à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement, ni de la compétence en matière de trafic et de com merce prévue à l'art. 91 de la Loi constitutionnelle de 1867; il n'est qu'un organisme constitué sous le régime d'une loi fédérale et assujetti à la législation provinciale sur les droits de la personne» 4 . À notre avis, l'intimé est également assujetti, au même titre, au droit provincial, et notamment aux lois provin- ciales, en ce qui a trait à la forme et au contenu de ses décisions relatives à la qualification professionnelle et à l'agrément des dentistes. Ses décisions ne relè- vent nullement du droit fédéral.
En second lieu, bien que les termes de l'article 7 de la loi constitutive de l'intimé, précité, soient censés lui accorder des «pouvoirs», nous estimons évident
3 Loi constitutionnelle de 1867, art. 101.
4 Ontario (Commission des droits de la personne) c. Bureau national d'examen dentaire du Canada, [1991] 3 R.C.S. 121, à la p. 122.
que le Parlement pouvait, tout au plus, lui conférer la capacité de recevoir des pouvoirs d'autres sources. Il ressort clairement des alinéas 7a) et b) que la mise en oeuvre et l'efficacité de tout le régime d'agrément et d'examen envisagé par la loi relèvent des mesures que prennent les autorités provinciales chargées de l'agrément. Or, l'intimé se compose, en, grande par- tie, des représentants de ces dernièress. Que l'intimé ait été constitué sous l'autorité fédérale, par une loi ou autrement, n'a absolument rien à voir avec l'exis- tence d'«une compétence ou des pouvoirs» dont le requérant en l'espèce voudrait faire réviser l'exer- cice 6 .
La demande fondée sur l'article 28 sera rejetée pour défaut de compétence.
5 Le paragraphe 4(1) de la loi dispose: 4. (1) Le Bureau doit se composer de
a) un membre nommé, comme son représentant, par le corps régulièrement institué en chaque , province du Canada pour accorder des autorisations; et
b) deux, membres nommés par le Conseil de l'Éducation dentaire de l'Association Dentaire Canadienne.
6 De ce que nous avons dit précédemment, il s'ensuit qu'à notre avis, l'affaire Tsang c. Le Conseil médical du Canada, [1981] 2 C.F. 838 (Ire inst.) a été mal jugée.
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