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A-1075-90
Lornport Investments Limited (appelante)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée)
RÉPERTORIÉ' LORNPORT INVEST,NENTS LTD. C. CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Stone et MacGuigan, J.C.A.—Toronto, 24 février; Ottawa, 3 mars 1992.
Impôt sur le revenu Nouvelle cotisation Deuxième avis de nouvelle cotisation annulé pour le motif que la nouvelle cotisation n'a pas été établie dans les trois ans de la mise à la poste de l'avis de cotisation initial En réponse à des ques tions de droit à trancher, le juge des requêtes a conclu que le premier avis de nouvelle cotisation n'était pas remplacé par le deuxième, et que la première cotisation demeurait valide En conséquence, l'appelante est assujettie à l'impôt établi en fonction de la première nouvelle cotisation Appel rejeté La délivrance d'une deuxième nouvelle cotisation n'a pas automatiquement pour effet de réduire à néant, pour toutes fins, la validité légale d'une cotisation antérieure L'art. 152(8), selon lequel une cotisation est réputée être valide jus- qu'à ce qu'elle .soit annulée, est limité aux cas il y a (‹erreur, vice de firme ou omission» Il ne régit pas les cas la cotisation est délivrée tardivement Puisque l'ordon- nance annule la deuxième nouvelle cotisation, elle reconnaît simplement que celle-ci n'a pas été délivrée légalement, et qu'elle n'a pas remplacé ni annulé la première nouvelle cotisa- tion Celle-ci continue d'exister.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 152(4)c),(8), 165, 171, 177.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 474.
JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Lambert c. La Reine, [1977] 1 C.F. 199; [1976] CTC 611; (1976), 76 DTC 6373; 14 N.R. 146 (C.A.); Optical Recor ding Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309; (1990), 90 DTC 6647; 116 N.R. 200 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Abrahams, Coleman C. v. Minister of National Revenue (No. 2), [1967] 1 R.C.É. 333; [1966] C.T.C. 690; (1966), 66 DTC 5451.
AVOCATS:
David C. Nathanson, c.r. pour l'appelante. Harry Erlichman pour l'intimée.
PROCUREURS:
McDonald & Hayden, Toronto, pour l'appe- lante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in- timée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STONE, J.C.A.: Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une ordonnance rendue par la Section de première instance le 30 novembre 1990, par laquelle elle a statué sur deux questions de droit sou- mises conformément à la Règle 474 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663] et mises au rôle en conformité avec une ordonnance rendue le 17 mai 1990 par le juge en chef adjoint. Le présent appel et celui portant le numéro de greffe A-1076-90 ont été instruits ensemble. Puisqu'ils soulèvent des questions identiques, une copie des motifs du jugement du pré- sent appel sera déposée dans cet autre dossier du greffe et en formera les motifs.
Les questions mises au rôle sont les suivantes:
(1) La nouvelle cotisation établie au moyen du pre mier avis de nouvelle cotisation a-t-elle été annulée et remplacée par la nouvelle cotisation établie au moyen du deuxième avis de nouvelle cotisation et a-t-elle cessé d'exister à compter du moment de la délivrance du deuxième avis de nouvelle cotisation, comme le prétend la demanderesse (l'appelante)?
(2) La nouvelle cotisation établie au moyen du pre mier avis de nouvelle cotisation est-elle toujours en vigueur malgré la délivrance subséquente du deuxième avis de nouvelle cotisation, comme le pré- tend la défenderesse (l'intimée)?
Les avis de nouvelle cotisation mentionnés dans ces questions portent sur l'année d'imposition 1983 de l'appelante et sur son obligation fiscale possible pour cette même année à l'égard d'un prétendu gain en capital réalisé suite à la vente de biens immeubles. L'avis de cotisation initial, délivré en mars 1984, ne faisait pas mention de ce gain. Toutefois, dans le pre mier avis de nouvelle cotisation délivré le 30 janvier 1987, on a augmenté le revenu imposable en y ajou- tant un gain en capital. Dans un deuxième avis de nouvelle cotisation, en date du 22 juillet 1988, on a
ajouté au revenu imposable fixé précédemment dans la première nouvelle cotisation un gain en capital supplémentaire.
L'appelante s'est opposée à ces deux nouvelles cotisations et elle a renoncé à son droit à un réexa- men. Suite au refus du ministre de consentir aux renonciations, l'appelante a introduit des appels dis- tincts devant la Section de première instance à l'en- contre des deux nouvelles cotisations. En temps opportun, l'appelante a présenté, devant la Section de première instance, une requête en vue d'obtenir une ordonnance accueillant le deuxième appel et annulant la deuxième nouvelle cotisation pour le motif qu'elle n'a pas été établie dans les trois ans de la mise à la poste de l'avis de première cotisation, exigence pré- vue à l'alinéa 152(4)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63]. Le 20 avril 1989, le protonotaire-chef adjoint lui a donné raison en ren- dant l'ordonnance suivante:
[TRADUCTION] CETTE COUR ORDONNE que l'appel soit accueilli, sans frais, et que la nouvelle cotisation établie à l'égard de l'année d'imposition 1983, sur laquelle porte le pré- sent appel introduit au moyen de la déclaration, soit annulée.
Le juge des requêtes a tranché la première question par la négative, la deuxième par l'affirmative, et il a rejeté la requête avec dépens, en dépit du fait qu'aucune partie ne les a demandés et qu'elles con- viennent que le juge n'aurait pas les accorder. En l'espèce, la question essentielle est de savoir si le juge des requêtes a commis une erreur en statuant en fait que la deuxième nouvelle cotisation n'a pas rem- placé ni annulé la première nouvelle cotisation, ce qui, en conséquence, pourrait obliger l'appelante à payer l'impôt établi en vertu de cette première nou- velle cotisation. Dans une plaidoirie détaillée et habile, l'avocat de l'appelante a soutenu que, compte tenu du cadre législatif (soit l'article 152 qui confère le pouvoir de cotiser, l'article 165, le paragraphe 171(1) et l'article 177 qui, conjointement, accordent au contribuable le droit de s'opposer à une cotisation, d'en appeler, et d'obtenir qu'il soit statué sur une opposition et un appel), la deuxième nouvelle cotisa- tion était opérante en droit à partir de la date de sa délivrance et elle était réputée valide jusqu'à ce qu'elle soit finalement annulée par l'ordonnance de la Cour rendue le 20 avril 1989. En conséquence,
selon l'avocat de l'appelante, puisque la deuxième nouvelle cotisation n'était pas une nouvelle cotisation supplémentaire, elle a remplacé et annulé la première nouvelle cotisation.
L'avocat de l'appelante s'est appuyé sur la déci- sion du président Jackett (tel était alors son titre) dans l'arrêt Abrahams, Coleman C. v. Minister of National Revenue (No. 2), [1967] 1 R.C.É. 333. Cette affaire portait elle aussi sur la question de savoir si une deuxième nouvelle cotisation entraîne la nullité d'une première nouvelle cotisation. Aux pages 336 et 337, le président a dit:
[TRADUCTION] Si la seconde nouvelle cotisation est valide, elle remplace à mon avis la première et entraîne donc sa nul- lité. Le contribuable ne peut être assujetti à l'impôt en fonction de la cotisation initiale ainsi que la nouvelle cotisation. Ce serait différent si une cotisation pour une année donnée était suivie d'une cotisation «supplémentaire» pour cette même année. Cependant lorsque la «nouvelle cotisation» a pour objet de fixer l'impôt global annuel du contribuable et pas seulement un montant d'impôt s'ajoutant à la première imposition, la cotisation précédente doit automatiquement être annulée.
J'estime donc que puisqu'une seconde nouvelle cotisation a été établie, la Cour ne peut accorder aucun redressement à l'égard de l'appel interjeté contre la première nouvelle cotisa- tion puisque la cotisation faisant l'objet de l'appel a cessé d'exister. Par conséquent, il n'existe aucune cotisation que la Cour pourrait annuler, modifier ou renvoyer au Ministre. Une fois établie la seconde nouvelle cotisation, il aurait être mis fin à cet appel ou on aurait en demander le rejet. [Renvois omis.]
La deuxième nouvelle cotisation à l'étude dans cette affaire a, de toute évidence, été délivrée dans le délai prescrit par la Loi de l'impôt sur le revenu.
On ne nous a soumis aucun cas notre Cour se serait prononcée sur la question précise soulevée en l'espèce. Toutefois, dans l'arrêt Lambert c. La Reine, [1977] 1 C.F. 199 (C.A.), le juge en chef Jackett, après avoir rappelé ses commentaires dans l'arrêt Abrahams, a porté son attention la page 204) sur la
... différence entre
a) l'obligation de payer l'impôt en vertu de la loi, et
b) la «cotisation« (qu'il s'agisse d'une cotisation originaire, d'une nouvelle cotisation ou d'une cotisation supplémen- taire), qui n'est que la détermination ou le calcul du montant de l'obligation fiscale.
et il a ajouté qu'«une nouvelle cotisation ne fait pas disparaître l'obligation de payer le montant d'impôt fixé par une cotisation antérieure dès lors que ce
montant est inclus dans celui que fixe la nouvelle cotisation». Encore une fois, dans l'arrêt Optical Recording Corp. c. Canada, [1991] 1 C.F. 309 (C.A.), cette Cour a reconnu qu'une deuxième nou- velle cotisation ne portait pas atteinte à l'obligation de payer l'impôt fixé par la première nouvelle cotisa- tion. Pour emprunter les termes du juge Urie, J.C.A., à la page 318, l'égard de la première nouvelle coti- sation: «Celle-ci continue d'exister». Ces cas démon- trent donc que la délivrance d'une nouvelle cotisation subséquente n'aura pas automatiquement pour effet de réduire à néant, pour toutes fins, la validité d'une nouvelle cotisation antérieure.
L'avocat de l'appelante soutient également que malgré la délivrance tardive de la deuxième nouvelle cotisation sa validité subsiste grâce au paragraphe 152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu, ainsi libellé:
152....
(8) Sous réserve de modifications qui peuvent y être appor- tées ou d'annulation qui peut être prononcée lors d'une opposi tion ou d'un appel fait en vertu de la présente Partie et sous réserve d'une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s'y rattachant en vertu de la présente loi.
Il soutient que la deuxième nouvelle cotisation exis- tait et continuait d'exister jusqu'à ce qu'elle soit fina- lement annulée par l'ordonnance rendue par la Cour le 20 avril 1989. Bien que, comme je l'ai mentionné précédemment, le cadre législatif appuie la prétention de l'appelante que la deuxième nouvelle cotisation existait jusqu'à son annulation, à mon avis, le para- graphe 152(8) a l'effet contraire. J'estime qu'il ne régit pas le cas la cotisation est délivrée tardive- ment, mais plutôt celui la cotisation, délivrée dans les délais, ou toute procédure s'y rattachant en vertu de la Loi, contient «[une] erreur, [un] vice de forme ou [une] omission».
J'en viens à la conclusion, dans les circonstances particulières de l'espèce, que la deuxième nouvelle cotisation, annulée par l'ordonnance de la Cour ren- due le 20 avril 1989, n'a pas remplacé ni annulé la première nouvelle cotisation. Il me semble que, par son ordonnance, la Cour a reconnu judiciairement que la deuxième nouvelle cotisation, délivrée en dehors des délais prescrits par la Loi, n'a par consé-
quent pas été délivrée légalement. Pour ce motif, elle n'a pas remplacé ni annulé la première nouvelle coti- sation. À mon avis, celle-ci continue d'exister.
Je rejetterais l'appel, j'annulerais l'ordonnance du juge des requêtes et j'y substituerais ce qui suit:
[TRADUCTION] Les questions formulées par le juge en chef adjoint dans une ordonnance du 17 mai 1990 sont ainsi tran- chées:
(1) La nouvelle cotisation établie au moyen du premier avis de nouvelle cotisation n'a pas été annulée et remplacée par la nouvelle cotisation établie au moyen du deuxième avis de nouvelle cotisation et elle n'a pas cessé d'exister à compter du moment de la délivrance du deuxième avis de nouvelle cotisation;
(2) La nouvelle cotisation établie au moyen du premier avis de nouvelle cotisation est toujours en vigueur malgré la déli- vrance subséquente du deuxième avis de nouvelle cotisa- tion.
Bien que la délivrance du deuxième avis de nouvelle cotisation par le ministre ait de toute évidence pro- voqué la requête présentée en vertu de la Règle 474 et le présent appel, je n'y vois pas une raison d'accor- der à l'appelante ses frais quelle que soit l'issue de la cause. Les frais du présent appel et de celui portant le numéro de greffe A-1076-90 ne forment qu'un seul mémoire, et ils sont adjugés suivant l'issue de l'ins- tance principale.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
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