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T-1399-88
Sydney Steel Corporation, personne morale (demanderesse)
et
MTO Maritime Transport Overseas Ltd., personne morale et Rohde & Liesenfeld Projects Inc., personne morale (défenderesses)
et
Mercurio Maritimo S.A., personne morale et Golden Union Shipping Company S.A., personne morale (tierces parties)
RÉPERTORIE: SYDNEY STEEL CORP. C. MTO MARITIME TRANSPORT OVERSEAS LTD. (Ire INST.)
Section de première instance, juge MacKay— Halifax, 12 mai; Ottawa, 3 juin 1992.
Pratique Parties Procédure de mise en cause Demande présentée par la défenderesse R & L en vue d'obte- nir une ordonnance qui transformerait une action en une pour- suite par cette dernière contre des tierces parties La deman- deresse réclame des dommages-intérêts pour violation de la charte-partie et d'autres dommages-intérêts La requérante s'est vu accorder l'autorisation de délivrer des avis à tierce partie contre les tierces parties et de les signifier ex juris La demande d'indemnisation portant sur les avaries et les frais allégués a fait l'objet d'un règlement entre la requérante et la demanderesse La requérante prétend que l'ordonnance sol- licitée relève de la compétence de la Cour en vertu de la Règle 1716 Il est également allégué que cette ordonnance ne revêt qu'un caractère procédural Les arguments des tierces par ties .sont plus convaincants La Cour refuse de modifier les droits sur le plan de la procédure des tierces parties en sta- tuant sur la poursuite intentée contre elles Ces droits ne doi- vent pas être écartés lorsqu'il y a des objections des tierces parties Demande rejetée.
Compétence de la Cour fédérale Section de première ins tance Demande visant à obtenir une ordonnance qui trans- formerait une action en une poursuite par la requérante défen- deresse contre des tierces parties Cette ordonnance relève-t- elle de la compétence de la Cour en vertu de la Règle 1716 Les tierces parties contestent cette ordonnance en invoquant le défaut de compétence L'ordonnance sollicitée pourrait pri- ver les tierces parties des droits sur le plan de la procédure dont le droit de contester la compétence de la Cour relative- ment à la poursuite intentée contre elles Les arguments des tierces parties sont plus convaincants La poursuite intentée contre les tierces parties soulève de sérieuses questions con- cernant la compétence continue de la Cour, ou bien quant au fond, ou bien quant à la procédure.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.
Loi sur le partage de la responsabilité, L.R.O. 1990, ch.
N-1.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 1716,
1718, 1730.
DEMANDE présentée par la défenderesse R & L en vue d'obtenir une ordonnance qui transformerait la présente action de sorte que la poursuite qu'elle a intentée contre les tierces parties serait la raison d'être continue de l'action. Demande rejetée.
AVOCATS:
John D. Murphy, c.r., pour la demanderesse.
A. William Moreira pour la défenderesse Rohde & Liesenfeld Projects Inc.
David G. Colford pour la défenderesse MTO Maritime Transport Overseas Ltd.
Vincent M. Prager pour les tierces parties.
PROCUREURS:
Stewart McKelvey Stirling Scales, Halifax, pour la demanderesse.
Daley, Black & Moreira, Halifax, pour la défen- deresse Rohde & Liesenfeld Projects Inc. Brisset Bishop et Davidson, Montréal, pour la défenderesse MTO Maritime Transport Over seas Ltd.
Stikeman, Elliott, Montréal, pour les tierces par ties.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MACKAY: Dans la présente demande, la société défenderesse Rohde & Liesenfeld Inc. («R&L») sollicite une ordonnance qui transformerait, en fait, la présente action, intentée par la demande- resse Sydney Steel Corporation («Sydney Steel») de telle sorte que la demande déposée par cette défende- resse contre les tierces parties serait la raison d'être continue de l'action. Avec le consentement de la demanderesse et de l'autre société défenderesse, MTO Maritime Transport Overseas Ltd. («MTO»), il serait ordonné que Sydney Steel et MTO soient mises hors de cause dans la présente action, que R&L dépose et signifie une déclaration rectifiée relative à sa demande contre les tierces parties, et que l'action
intentée par R&L contre les tierces parties soit ins- truite comme si elle était, à tous égards, une action entre la demanderesse et les défenderesses.
Les diverses demandes en cause proviennent d'en- tentes relatives à l'affrètement d'un navire. La demanderesse, ayant conclu une entente avec MTO pour affréter des navires transportant des barres d'acier de Sydney (N.-E.) au Mexique, s'est appuyée sur les conditions expresses de sa charte-partie avec MTO et les présumés engagements pris par MTO et R&L selon lesquels le navire en question était équipé de façon appropriée pour décharger la cargaison à des ports mexicains et ce, par ses propres grues et équipe- ment sans qu'il soit nécessaire de recourir à des grues côtières. Il est allégué que, à l'arrivée à Tampico (Mexique), le navire n'a pas pu décharger la cargai- son en utilisant son propre équipement, et que la demanderesse a engager des frais non prévus en prenant des dispositions pour que les grues côtières déchargent le navire. Par sa déclaration, la demande- resse réclame des dommages-intérêts pour violation de la charte-partie et d'autres dommages-intérêts éga- lement.
MTO était un sous-affréteur du navire et R&L était l'affréteur principal. Le navire appartenait à une des tierces parties, une compagnie grecque, et était exploité par la seconde tierce partie, une compagnie panaméenne.
L'action a été intentée au moyen d'une déclaration déposée le 16 juillet 1988 par Sydney Steel contre MTO et R&L en tant que défenderesses. MTO a déposé et signifié à R&L un avis à codéfendeur, en vertu de la Règle 1730 [Règles de la cour fédérale, C.R.C., ch. 663], daté du 10 février 1989, et une déclaration de mise en cause datée du 6 mars 1989, pour réclamer une indemnité à l'égard de toute res- ponsabilité de MTO envers Sydney Steel. Par ordon- nance du 25 avril 1989, R&L a obtenu l'autorisation de délivrer un avis à tierce partie contre les deux tierces parties et de signifier ces avis hors ressort. Cet avis a été signifié et une comparution a été enregis- trée au nom des tierces parties en octobre 1989. Le 31 mai 1990, une ordonnance d'instructions à tierce par- tie a été accordée relativement à la mise en cause des tierces parties par R&L et, le 13 juillet 1990, l'avocat de R&L a déposé contre ces tierces parties une décla-
ration de mise en cause, réclamant une indemnité pour toute responsabilité en vertu de la charte-partie conclue par R&L avec celles-ci.
Parmi les mesures procédurales préliminaires pri ses par les diverses parties, on peut citer le dépôt d'une liste de documents par l'avocat de la demande- resse et celui de R&L. Les témoins pour le compte de R&L et de Sydney Steel ont été interrogés préalable- ment en avril 1991 par l'avocat des tierces parties, et tous les engagements, sauf un, donnés ont par la suite été remplis. En février 1991, l'avocat occupant pour MTO a obtenu, par ordonnance, l'autorisation de se retirer en tant que procureur inscrit au dossier de cette partie et aucun autre avocat n'a par la suite été nommé pour le remplacer. À partir de février 1991, Sydney Steel et R&L ont entamé des discussions en vue d'un règlement de la réclamation de la première contre la seconde. En fin de compte, ces discussions ont abouti à un règlement prenant la forme d'une décharge générale signée par Sydney Steel le 15 novembre 1991. De temps à autre, à partir d'avril 1991, l'avocat de R&L et celui des tierces parties ont continué d'entamer des discussions et de s'échanger des lettres, R&L cherchant à obtenir un acquiesce- ment à une ordonnance de la nature de celle qui est maintenant présentée à la Cour, à laquelle s'opposent les tierces parties.
L'avocat de R&L fait valoir que l'ordonnance demandée relève de la compétence de la Cour en vertu de la Règle 1716, et qu'elle devrait être accor- dée. Cette règle prévoit notamment:
Règle /7/6. (I) La validité d'une action n'est pas affectée à cause d'une fausse constitution de partie ou de l'omission de mettre une partie en cause, et la Cour peut dans toute action disposer des points ou des questions en litige dans la mesure ils touchent aux droits et intérêts des personnes qui sont parties à l'action.
(2) La Cour peut, à tout stade d'une action, aux conditions qu'elle estime justes, et soit de sa propre initiative, soit sur demande,
a) ordonner qu'une personne constituée partie à tort ou sans nécessitée ou qui, pour quelque raison, a cessé d'être une partie compétente ou nécessaire, soit mise hors de cause ...
Les paragraphes (3) et (4) de la Règle 1716 prévoient que lorsqu'une ordonnance est rendue en vertu de la règle, la déclaration doit obligatoirement être rectifiée en conséquence, que l'ordonnance doit contenir des
instructions quant aux plaidoiries ou autres procé- dures qui en résulteront et que la Cour peut, sur demande, donner des instructions supplémentaires.
L'avocat de R&L soutient que l'ordonnance demandée relève de la compétence de la Cour en vertu de la Règle 1716, que cette règle vise à faciliter les procédures d'une manière commode pour ceux qui sont des parties nécessaires et à mettre hors de cause ceux qui ne le sont pas. Il est allégué que la Règle 1716 devrait faire l'objet d'une interprétation large pour favoriser le règlement des demandes, et que ce serait faire échec à cet objectif que de ne pas accorder l'ordonnance demandée en l'espèce. Le paragraphe (2) de la Règle qui permet à la Cour de mettre, à tout stade, hors de cause une partie pour quelque raison que ce soit est énoncé sans restriction aucune, et devrait être interprété de manière à per- mettre la mise hors de cause même du demandeur qui a initialement intenté l'action lorsque, comme en l'espèce, la mise en cause repose sur une cause d'ac- tion distincte et ne dépend pas de l'existence d'une action entre la demanderesse Sydney Steel et les défenderesses MTO et R&L.
Quant au pouvoir discrétionnaire de la Cour, R&L soutient que l'ordonnance demandée devrait être accordée parce que:
1) elle convient à la Cour et aux parties, permettant de trancher la demande contre les tierces parties avec le moins de frais et le moins de retard;
2) elle permet de trancher cette demande de façon expéditive, d'éviter des complications qui accom- pagnent l'engagement d'une autre action pour con- tinuer cette demande et d'éviter la répétition des mesures déjà prises, notamment des mesures rela tives à la signification et à la mise en cause ex juris; en fait, on fait valoir qu'avec une déclaration rectifiée que R&L est disposée à déposer sans délai, et dès le dépôt des plaidoiries par voie de défense et de réponse, la mise en cause est prati- quement en état d'être instruite.
3) elle donnerait lieu à peu de risque de préjudice pour les tierces parties qui n'ont pas encore arti- culé de défense, qui ne disposent donc au dossier d'aucun aveu qui limiterait leur défense et qui ne seraient pas privées d'une défense contre l'action
dont elles auraient disposé dans l'action initiale- ment conçue. D'autre part, il est allégué que l'omission d'accorder l'ordonnance demandée por- terait préjudice à la requérante à l'instance parce que le temps qu'elle a consacré et les frais qu'elle a engagés pour chercher à trancher les demandes en cause dans l'action initialement conçue seraient perdus, et que le règlement de sa demande contre les tierces parties serait retardé.
L'avocat de R&L fait également valoir que l'es- sentiel de la demande de celle-ci contre les tierces parties, c'est-à-dire une indemnité à l'égard des ava- ries subies et des frais engagés en raison de la viola tion alléguée des conditions de la charte-partie en cause ne change pas de façon significative, même si le fond de la demande vise, non plus à l'obtention d'un jugement, mais à l'obtention de sommes d'ar- gent versées aux fins d'un règlement pour éviter un jugement. Compte tenu de ce fait, il fait valoir que l'ordonnance demandée revêt seulement un caractère procédural, permettant de faciliter le règlement de la demande de R&L contre les tierces parties, et qu'elle ne nuirait pas à la position des tierces parties quant au fond, par comparaison avec leur position dans l'ac- tion initiale.
L'avocat des tierces parties soutient que la Règle 1716 ne comprend pas de circonstances le deman- deur peut être écarté d'une action qu'il a intentée et l'action peut se poursuivre relativement à une mise en cause. Le demandeur est une partie néces- saire à l'action; si le demandeur devient inutile, l'ac- tion disparaît, ou, à tout le moins, le fondement de l'action disparaît. Une comparaison est faite entre le texte de la Règle 1716 et celui de la Règle 1718; celle-ci prévoit expressément la possibilité qu'une demande reconventionnelle d'un défendeur suive son cours dans le cas l'action principale a été aban- donnée. La Règle 1716 ne prévoit pas expressément une possibilité semblable. Il a également été fait men tion de la Loi sur le partage de la responsabilité de l'Ontario [L.R.O. 1990, ch. N-1] qui permet la pour- suite des actions intentées contre les auteurs d'un délit lors même que la participation initiale du demandeur cesserait. Il est allégué que, à moins que des exceptions soient expressément prévues, le prin- cipe général selon lequel il doit y avoir un demandeur dans une action devrait être interprété comme sous-
tendant la Règle 1716, ce qui fait que l'ordonnance demandée en l'espèce ne relèverait pas de la compé- tence de la Cour en application de cette règle.
De plus, il est allégué qu'accorder l'ordonnance demandée en l'espèce créerait le risque d'un préju- dice important pour les tierces parties, ou, à tout le moins, une grande incertitude quant à l'évaluation d'un préjudice relatif pour les parties par l'octroi ou le rejet de la demande, ce qui fait que, compte tenu de l'opposition faite par les tierces parties, la demande d'ordonnance devrait être rejetée. L'avocat des tierces parties souligne des préoccupations sur le plan de la procédure si l'ordonnance devait être accordée, préoccupations relatives au fondement de leur partici pation à l'action à l'occasion d'un avis à tierce partie, dont le fondement factuel a maintenant changé de façon significative, et leur comparution enregistrée en réponse à cet avis et avec des conditions qui s'y rap- portent. Il est allégué que l'ordonnance demandée priverait les tierces parties d'importants droits sur le plan de la procédure, dont le droit préliminaire de contester la compétence de cette Cour, relativement à l'action intentée contre elles. On prétend que ces droits sont d'importance, puisque tout lien avec le Canada dans l'action initiale a pratiquement disparu, et la charte-partie entre R&L et les tierces parties, qui a été conclue à New York, prévoit l'arbitrage aux États-Unis.
Les préoccupations des tierces parties reposent sur les facteurs suivants. Le fondement de l'avis à tierce partie et de sa signification ex juris, délivré par la Cour, se trouve exposé dans l'affidavit de M. Ruedi- ger, cadre de R&L, lequel affidavit a été établi à Houston (Texas) le 23 mars 1989 et comprenait les mentions de faits suivantes qui ne peuvent plus être établis, du moins de la manière alors prévue:
paragraphe 10:
[TRADUCTION] ... si, selon le jugement de cette Cour, le navire ne respectait pas les conditions d'une des chartes-parties con- cernant son usage, ou si des observations quant à son état étaient faites par une personne dont les actes ou omissions engagent la responsabilité de R&L, que ce soit envers la demanderesse ou envers MTO, R&L appelle alors Mercuro Maritimo SA et Golden Union Shipping Company en garantie de toute responsabilité qu'elle peut avoir envers la demande- resse ou MTO, ou envers les deux ...
paragraphe 13:
[TRADUCTION] ... en plus des demandes de la demanderesse et de MTO contre R&L, celle-ci réclame à MTO les frais d'affrè- tement impayés et les droits de surestarie découlant de la charte-partie au voyage y jointe comme pièce «A», et j'ai donné aux avocats de R&L l'instruction de recouvrer ces mon- tants par voie de demande reconventionnelle à l'encontre de MTO.
paragraphe 14:
... étant donné que le présent litige devant cette Cour met en cause des questions et décisions de fait et de droit qui seront nécessairement en question dans la demande d'indemnité de R&L contre Mercurio Maritimo SA et Golden Union Shipping Company SA, et que cette demande ne saurait, autant que je sache, se faire aux États-Unis d'Amérique (le siège social de R&L) avec moins d'inconvénients pour Mercurio Maritimo SA ou Golden Union Shipping Company SA qu'au Canada, j'estime respectueusement que la Cour fédérale du Canada est une instance compétente, du point de vue de R&L, pour la poursuite d'une telle action.
Cet affidavit a conduit à la délivrance d'un avis à tierce partie qui comprenait le passage suivant:
[TRADUCTION] SACHEZ que la défenderesse R&L vous appelle en garantie, Mercurio Maritimo S.A. ou Golden Union Shipping Company S.A., ou les deux, de toute res- ponsabilité qu'elle peut avoir envers la demanderesse ou MTO ou envers les deux, pour le motif que ...
On fait valoir que cet avis et l'affidavit qui a conduit à sa délivrance lient clairement toute demande de R&L contre les tierces parties à celle de la demande- resse contre MTO et R&L et à celle de MTO contre celle-ci. De plus, on prétend que l'avis lie toute res- ponsabilité de la part des tierces parties à celle de R&L, cette responsabilité ne pouvant plus être établie par une décision judiciaire, en raison du règlement négocié par R&L.
De plus, il est allégué que les facteurs qui sous- tendent la compétence de cette Cour relativement à la demande initiale de Sydney Steel et à la demande de MTO ne sont plus pertinents, étant donné le règle- ment de leurs intérêts respectifs, eu égard à la demande de R&L contre les tierces parties. Tant Syd- ney Steel que MTO sont des sociétés canadiennes, et l'action a pris naissance relativement à une charte- partie conclue au Canada. Or, ce qui reste d'une action projetée devant cette Cour est une réclamation de dommages-intérêts et de dépenses allégués ayant fait l'objet d'une entente entre R&L et Sydney Steel, qui seraient dus par suite d'incidents survenus au Mexique et dont le recouvrement repose, prétend-on,
sur une charte-partie conclue aux États-Unis, qui comprend expressément une clause d'arbitrage des différends aux États-Unis, entre des parties qui ne résident pas au Canada et qui n'ont aucun lien con- tinu avec le Canada. Si une action était intentée rela- tivement à une telle demande, qui n'a aucun lien avec la demande déposée initialement par Sydney Steel en l'espèce, on laisse entendre que la Cour se déclarerait incompétente, et que, à tout le moins, les tierces par ties en tant que défenderesses visées seraient libres d'introduire une requête préliminaire pour contester la compétence de la Cour avant le procès. Accueillir la requête maintenant introduite priverait les tierces parties de cette possibilité.
En dernier lieu, l'ordonnance maintenant deman- dée modifierait, prétend-on, le motif pour lequel les tierces parties ont enregistré une comparution dans l'action initialement conçue. Dans cette comparution, elles se sont expressément réservé le droit de soule- ver la clause d'arbitrage des demandes de R&L en vertu de la charte-partie que celle-ci a conclue avec elles. Leur statut dans l'action initiale se trouve déter- miné par les instructions quant à la mise en cause délivrées par la Cour avec le consentement des tierces parties et qui prévoient expressément que la question de la mise en cause sera jugée à l'instruction de l'action entre la demanderesse et les défenderesses (paragraphe 4), qu'il était loisible aux tierces parties de déposer une défense à la déclaration de la deman- deresse (paragraphe 5), de comparaître à l'instruction et de participer avec la permission du juge de pre- mière instance (paragraphe 6) et que le jugement définitif de la Cour dans l'action entre la demande- resse et les défenderesses lierait les tierces parties relativement à la question de mise en cause (para- graphe 7). Si l'instruction de l'action de la demande- resse n'a pas lieu, les tierces parties n'auront nulle- ment la possibilité de la contester. L'ordonnance projetée signifierait que les tierces parties seraient dans une position pire que si elles n'avaient pas choisi de déposer un acte de comparution, position qui les prive de certaines garanties procédurales éta- blies relativement à leur participation à l'action ini- tialement conçue. L'avocat des tierces parties fait mention de l'avis constant donné à celui de R&L, selon lequel les tierces parties n'ont pas souscrit au règlement par R&L des demandes de la demande- resse et de MTO.
Je trouve les arguments des intimées, les tierces parties, plus convaincants. Il se peut que, dans un cas particulier, le règlement de la demande d'un deman- deur contre un défendeur n'entraîne pas automatique- ment l'abandon d'une poursuite par le défendeur con- tre une tierce partie, qui y est intimement liée. Néanmoins, lorsque, comme en l'espèce, la tierce partie est ex juris, et est jointe à l'action par avis et par sa propre comparution seulement d'une manière qui dépend expressément de l'établissement de l'ac- tion initiale dans un procès devant cette Cour, la Cour refusera d'ordonner des mesures qui modifieraient les droits des tierces parties sur le plan de la procédure en statuant sur la poursuite intentée contre elles. Ces droits qui, ordinairement, figurent expressément dans les instructions quant à la mise en cause, visent à assurer aux tierces parties la possibilité de contester l'action initiale dans le cadre de laquelle une autre partie tente de se faire indemniser en les poursuivant. Ces droits ne devraient pas être écartés lorsqu'il y a objections des tierces parties, même si cela peut per- mettre de statuer de façon efficace et expéditive sur la poursuite intentée contre celles-ci. Il en est particuliè- rement ainsi lorsque cette poursuite, qui n'est plus intimement liée à une action initialement conçue par un demandeur et qui, en soi, soulève de sérieuses questions, abordées en l'espèce mais qui n'ont pas fait l'objet d'un débat entier, sur la compétence conti nue de la Cour, ou bien quant au fond en vertu du droit maritime canadien, sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7], ou bien quant à la procédure qui fait que la Cour n'est pas un forum conveniens, compte tenu particulièrement d'une entente d'arbitrage expresse ailleurs.
Je ne suis donc pas disposé à accorder l'ordon- nance demandée par la requérante.
À l'audience, j'ai soulevé avec les avocats la ques tion de savoir s'il y a lieu de statuer sur une partie de la requête ou sur son ensemble. Les tierces parties ne s'opposeraient pas à cette partie de la requête écartant la demanderesse et MTO en tant que parties néces- saires, et si cela se faisait, à une ordonnance rejetant l'action dans sa totalité. Bien entendu, il n'y a pas eu avis du rejet proposé de l'action. D'autre part, l'avo- cat de R&L a fait valoir que si la totalité de la requête n'était pas approuvée, celle-ci devrait être rejetée.
Puisqu'il s'agit d'une requête introduite par R&L, je prends ce dernier parti en l'absence d'une entente et parce que c'est le parti normal à prendre.
L'avocat des tierces parties a fait valoir que les dépens devraient suivre l'issue de la présente requête, mais j'estime qu'il convient davantage que les dépens suivent l'issue de la cause, quelle que soit l'issue définitive des présentes procédures.
Il sera rendu une ordonnance portant rejet de la demande de R&L, et les dépens suivront l'issue de la cause.
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