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A-247-91
Anita Lea Glynos et Leonidas Jason Glynos
(appelants)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada (intimée)
RÉPERTORIÉ' GLYNOS C. CANADA (C.A.)
Cour d'appel, juges Heald, Décary et ',étourneau, J.C.A.—Vancouver, 14 septembre; Ottawa, 24 sep- tembre 1992.
Citoyenneté Appel contre le refus de déclarer Jason Gly- nos admissible à la citoyenneté et de décerner un bref de man- damus contraignant l'attribution de celle-ci Glynos est à l'étranger en 1967 de parents canadiens Il a perdu sa citoyenneté en vertu de l'ancienne Loi sur la citoyenneté lors- que son père est devenu citoyen américain Sa demande de citoyenneté déposée conformément à l'art. 5(2)b) de la nou- velle Loi a été rejetée pour le motif que cet article est applica ble aux seules personnes qui n'ont jamais été citoyennes cana- diennes Le juge de première instance a conclu au caractère théorique de la question de l'admissibilité à la citoyenneté en vertu de l'art. 5(2)b) puisqu'il est admissible à demander la réintégration dans la citoyenneté en vertu de l'art. 11 Appel accueilli La question n'est pas théorique L'admissibilité à la citoyenneté en vertu de l'art. 11 n'a rien à voir avec l'ad- missibilité en vertu de l'art. 5 Il s'agit de deux procédures différentes dont les objectifs, les conditions, les formalités et les effets sont différents Le ministre ne peut contraindre le demandeur à opter pour une voie plus longue, moins sûre et plus difficile Glynos était admissible à la citoyenneté de naissance.
Interprétation des lois L'art. 5(2)b) de la Loi sur la citoyenneté prévoit que le ministre attribue la citoyenneté à la personne qui, née à l'étranger avant le 15 février 1977 d'une mère canadienne, n'était pas admissible à la citoyenneté L'historique de la Loi démontre que le législateur visait à ren- dre admissible à la citoyenneté, en vertu de l'art. 5(2), toute personne née d'une mère canadienne avant l'adoption de la nouvelle Loi, et que les dispositions discriminatoires de l'an- cienne Loi avait lésée L'interprétation selon laquelle le mot «become» de la version anglaise exclut «become again» n'est pas commandée par la structure de la Loi, contredit l'applica- tion de la Loi par le ministre, entraîne des situations absurdes et injustes et néglige le désordre que la Loi avait pour objet de corriger La version française a été étudiée afin de détermi- ner l'intention du Parlement Toutes les personnes nées à l'étranger d'un parent canadien avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi ont droit à la citoyenneté en vertu de la Partie I.
Contrôle judiciaire Recours en equity Jugements déclaratoires Appel contre un refus de déclarer Jason Gly-
nos admissible à la citoyenneté et de décerner un bref de man- damus contraignant l'attribution de celle-ci Le juge de pre- mière instance a commis une erreur de droit quant au caractère théorique de la question de l'admissibilité conformé- ment à l'art. 5(2)b) de la Loi sur la citoyenneté et quant à son interprétation En vertu de l'art. 5(2)b), Glynos est admissi ble à la citoyenneté de naissance Il ne peut être contraint d'opter pour la voie plus longue, moins sûre et plus difficile de la réintégration dans la citoyenneté prévue à l'art. 11 Il ne s'agit pas d'un redressement subsidiaire adéquat Il y a lieu de rendre un jugement déclaratoire, mais non de décerner un bref de mandamus puisque la demande n'a pas été déposée dans le délai prescrit à l'art. 5(2)b) On s'attend à ce que le ministre respecte son engagement à renoncer à cette condition.
Il s'agit d'un appel contre le refus du juge de première ins tance de déclarer Jason Glynos admissible à la citoyenneté et de décerner un bref de mandamus contraignant l'intimée à lui attribuer celle-ci. Jason Glynos est aux États-Unis en 1967. Son père étant citoyen canadien, Jason l'était lui-même. En 1970, lorsque le père de Jason est devenu citoyen des États- Unis, Jason a automatiquement cessé d'être citoyen canadien en vertu de l'ancienne Loi sur la citoyenneté canadienne. L'alinéa 5(2)b) de la nouvelle Loi, qui est entré en vigueur en 1977, prévoit que le ministre attribue la citoyenneté sur demande qui lui est présentée avant le 15 février 1979 à la per- sonne qui, née à l'étranger avant le 15 février 1977, d'une mère ayant à ce moment-là qualité de citoyen, n'était pas admissible à la citoyenneté aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(i) de l'an- cienne Loi. (Le ministre a consenti à ne pas invoquer la condi tion selon laquelle la demande doit être déposée avant le 15 février 1979.) En 1987, la mère de Jason a déposé au nom de son fils une demande de citoyenneté qui a été refusée pour le motif que l'alinéa 5(2)b) est applicable aux seules personnes qui n'ont jamais été citoyennes canadiennes. Jason Glynos, qui étudiait à l'étranger, est retourné au Canada en 1989. En 1990, ayant résidé au Canada pendant un an, il est devenu admissible à demander la réintégration dans la citoyenneté conformément au paragraphe 11(1), mais il a refusé de déposer une telle demande car il croyait être admissible à la citoyenneté en vertu de l'alinéa 5(2)b). Le juge de première instance a conclu que la question de l'admissibilité à la citoyenneté en vertu de cet ali- néa était théorique. Les questions en litige sont les suivantes: la question de l'admissibilité en vertu de l'alinéa 5(2)b) est-elle théorique? Jason Glynos est-il admissible à la citoyenneté en vertu de l'alinéa 5(2)b)? Et y a-t-il lieu de rendre un jugement déclaratoire?
Arrêt: l'appel doit être accueilli.
La question de savoir si Jason Glynos peut recevoir la citoyenneté en vertu du paragraphe 11(1) n'a rien à voir avec la question de savoir s'il est admissible à la citoyenneté cana- dienne en raison de la citoyenneté canadienne de sa mère en vertu de l'alinéa 5(2)b). Il s'agit de deux procédures différentes dont les objectifs, les conditions, les formalités et les effets sont différents. L'alinéa 5(2)b) attribue, en raison de sa nais- sance seule, la citoyenneté au demandeur dont la demande est transmise directement au ministre. En vertu du paragraphe 11(1), le demandeur réintègre sa citoyenneté à certaines condi-
[ions, et sa demande est d'abord traitée par le juge de la citoyenneté. Le ministre ne peut contraindre le demandeur à opter pour une voie plus longue, moins sûre et plus difficile ni ne peut, en refusant une demande déposée en vertu de l'alinéa 5(2)b) et en prétendant ensuite qu'il accueillerait désormais une demande déposée en vertu de l'article 11, empêcher la Cour de se prononcer sur la question. En outre, si la citoyen- neté était accordée en vertu de l'alinéa 5(2)b), cela reviendrait à reconnaître qu'en fait, Glynos a été citoyen canadien toute sa vie.
Glynos était admissible à la citoyenneté de naissance. L'his- torique de la Loi sur la citoyenneté démontre que le législateur visait à rendre admissible à la citoyenneté, en vertu du para- graphe 5(2), toute personne née d'une mère canadienne à tout moment avant l'adoption de la Loi, et que les dispositions dis- criminatoires de l'ancienne Loi avait lésée. Jason Glynos satis- fait aux quatre critères établis à l'alinéa 5(2)b).
La proposition de l'intimée selon laquelle le mot «become» de la version anglaise exclut «become again» de façon à ce que la Partie I de la Loi, dans laquelle figure l'article 5, ne s'ap- plique qu'aux personnes qui n'ont jamais eu la citoyenneté canadienne, va à l'encontre du libellé de la disposition, n'est pas commandée par la structure de la Loi, contredit l'applica- tion de la Loi par le ministre même, entraîne des situations absurdes et injustes et néglige le désordre que la Loi avait pour objet de corriger. La version française utilise la phrase «n'était pas admissible à la citoyenneté» pour correspondre à la phrase «not entitled to become a citizen». On est citoyen ou on ne l'est pas. On est «admissible» ou on ne l'est pas. De toute évidence, Jason Glynos n'était pas «admissible» le 14 février 1977; il n'était pas non plus à ce moment un citoyen canadien. Même si la version anglaise ne renferme aucune ambiguïté, la version française traduit le plus fidèlement l'intention du Parle- ment. La Partie I n'exclut pas la Partie III. Le jeune frère de Jason, qui avait cessé d'être citoyen avant le 15 février 1977 pour la même raison que Jason, s'est vu attribuer la citoyenneté par le ministre en vertu de l'alinéa 5(2)a). Il serait absurde de soutenir que deux frères nés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la Loi et ayant le même statut en vertu de l'an- cienne Loi reçoivent un traitement différent en vertu de la nou- velle Loi. Tous les enfants nés à l'étranger d'un père canadien ou d'une mère canadienne avant l'entrée en vigueur de la Loi de 1976 ont droit à la citoyenneté en vertu de la Partie I de la Loi.
Il y a lieu de rendre un jugement déclaratoire. Le juge de première instance a refusé d'exercer son pouvoir discrétion- naire en se fondant sur une erreur de droit quant au caractère théorique de la question et quant à la juste interprétation de l'alinéa 5(2)b). En outre, il a appliqué à tort l'arrêt Terrasses Zarolega Inc. et autres c. Régie des installations olympiques, [1981] 1 R.C.S. 94. Cet arrêt ne permet pas d'affirmer que lorsqu'une loi offre deux voies différentes, le demandeur peut être contraint de choisir celle que privilégie l'administration. En l'espèce, il ne s'agit pas de redressement subsidiaire adé- quat.
Il n'y a cependant pas lieu de décerner un bref de mandamus puisque la Cour ne peut ordonner au ministre de renoncer à la
condition selon laquelle la demande de citoyenneté doit être déposée avant le 15 février 1979, bien que l'on compte qu'il respecte son engagement à renoncer à cette condition.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].
Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, ch. 108.
Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 2(1), 3(1)b),c), 5(2)a),b), 11(1).
Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1970, ch. C-19, art. 5(1)b)(i), 20(1).
Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), ch. O-3, art. 9(2)d).
Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Canada (Procureur général) c. Young, [1989] 3 C.F. 647; (1989), 27 C.C.E.L. 161; 89 CLLC 14,046; 100 N.R. 333 (C.A.); Benner c. Canada (Secrétaire d'État), [1992] 1 C.F. 771; (1991), 43 F.T.R. 180 (Pe inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110; Hills c. Canada (Procureur général), [1988] 1 R.C.S. 513; (1988), 48 D.L.R. (4th) 193; 88 CLLC 14,011; 84 N.R. 86; Terrasses Zarolega Inc. et autres c. Régie des installations olympiques, [1981] 1 R.C.S. 94; (1981), 124 D.L.R. (3d) 204; 23 L.C.R. 97; 38 N.R. 411; Barraclough v. Brown, [1897] A.C. 615 (H.L.).
DÉCISIONS CITÉES:
Benner c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1988), 93 N.R. 250 (C.A.F.); Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346; [1985] CTC 79; (1985), 85 DTC 5310; 60 N.R. 321 (C.A.); Thomson c. Canada, [1988] 3 C.F. 108; (1988), 50 D.L.R. (4th) 454; 31 Admin. L.R. 14; 84 N.R. 169 (C.A.); Vaillancourt c. Sous-ministre M.R.N., [1991] 3 C.F. 663; [1991] 2 C.T.C. 42; (1991), 91 DTC 5408 (ang.); (1991), 91 DTC 5352 (fr.) (C.A.); Alliance de la fonction publique du Canada et autres c. Canada (Conseil du Trésor) et autres (1990), 36 F.T.R. 182 (C.F. Pe inst.).
DOCTRINE
Canada, Débats de la Chambre des Communes, vol. VI, Pe sess., 30e Leg., 1975, à la page 5984.
Canada, Rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, Ottawa, Informa tion Canada, 1970.
Coté, Pierre-André Interprétation des lois, 2e éd. Cowans- ville (Qué.): Yvon Blais, 1990.
APPEL contre un refus de déclarer Jason Glynos admissible à la citoyenneté canadienne et de décerner un bref de mandamus contraignant l'attribution de la citoyenneté canadienne à ce dernier (Glynos c. Canada (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 83; 42 F.T.R. 183 (C.F. lre inst.)). Appel accueilli à l'égard du jugement déclaratoire.
AVOCATS:
Peter A. Gall et Robin M. Elliot pour les appe-
lants.
Harry Wruck, c.r. pour l'intimée.
PROCUREURS:
Heenan, Blaikie, Vancouver, pour les appelants. Le sous-procureur général du Canada pour l'in- timée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: Jason Glynos est aux États-Unis en 1967 de parents canadiens, Anita Gly- nos et Michael Glynos. Son père étant citoyen cana- dien, Jason l'était lui-même à sa naissance, confor- mément au sous-alinéa 5(1)b)(i) de l'ancienne Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1970, ch. C-19 (l'ancienne Loi) 1 .
En 1970, le père de Jason est devenu citoyen des États-Unis et, par conséquent, en vertu de l'ancienne Loi, il a été contraint de renoncer à sa citoyenneté canadienne. Par l'application du paragraphe 20(1) de l'ancienne Loi, Jason Glynos, de même que son jeune frère Byron, également aux États-Unis, ont cessé d'être citoyens canadiens. Leur mère, Anita Glynos,
1 5. (1) Une personne née après le 31 décembre 1946 est un citoyen canadien de naissance,
b) si elle est née hors du Canada ailleurs que sur un navire canadien, et si
(i) son père ou, dans le cas d'un enfant hors du mariage, sa mère, au moment de la naissance de cette personne, était un citoyen canadien, et si ..
est demeurée citoyenne canadienne pendant toute la période en cause.
Le 15 février 1977, la Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, ch. 108; maintenant L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi) est entrée en vigueur. L'alinéa 3(1)b) confere la citoyenneté à une personne née à l'étranger après le 14 février 1977 d'un père ou d'une mère ayant qualité de citoyen au moment de la nais- sance. En ce qui concerne les enfants nés à l'étranger avant le 15 février 1977, l'alinéa 5(2)b). de la Loi pré- voit ceci:
5....
(2) Le ministre attribue en outre la citoyenneté:
b) sur demande qui lui est présentée par la personne qui y est autorisée par règlement et avant le 15 février 1979 ou dans le délai ultérieur qu'il autorise, à la personne qui, née à l'étranger avant le 15 février 1977 d'une mère ayant à ce moment-là qualité de citoyen, n'était pas admissible à la citoyenneté aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(i) de l'an- cienne loi.
En 1985, le bureau de la citoyenneté de Vancouver a avisé Anita Glynos que ses fils Jason et Byron n'étaient plus citoyens canadiens. Conformément à l'alinéa 5(2)a) de la Loi 2 , elle a déposé une demande de citoyenneté au nom de son fils mineur Byron à qui le ministre a attribué la citoyenneté à compter du 5 janvier 1987. À l'audience, la Cour a été avisée qu'Anita Glynos n'aurait pu déposer une telle demande au nom de son fils Jason, ce dernier étant alors âgé de dix-huit ans et n'étant plus un enfant «mineur» pour les fins de la Loi (paragraphe 2(1)).
Néanmoins convaincue qu'en vertu de la Loi, elle avait le droit de transmettre sa citoyenneté cana- dienne à son fils Jason, Anita Glynos a établi une correspondance avec le Secrétaire d'État. Le 6 août
2 5....
(2) Le ministre attribue en outre la citoyenneté:
a) sur demande qui lui est présentée par la personne auto- risée par règlement à représenter celui-ci, à l'enfant mineur d'un citoyen, légalement admis au Canada à titre de résident permanent et n'ayant pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration;
1987, elle a déposé au nom de son fils Jason une demande de citoyenneté que, le ler décembre 1987, le Secrétaire d'État a refusée essentiellement pour le motif que, selon lui, l'alinéa 5(2)b) de la Loi est applicable aux seules personnes qui n'ont jamais été citoyennes canadiennes 3 .
Le 12 septembre 1989, Anita et Jason Glynos ont entamé la présente action visant l'obtention d'un jugement déclaratoire portant que, en vertu d'une juste interprétation de l'alinéa 5(2)b), Jason Glynos est admissible à la citoyenneté canadienne. Ils ont également demandé à la Cour de décerner un bref de mandamus contraignant le Secrétaire d'État à attri- buer la citoyenneté canadienne à Jason Glynos. Bien que la réparation demandée soit rédigée dans des termes qui se rapportent à la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44]] (la Charte), le juge de première instance [(1991), 13 Imm. L.R. (2d) 83] et les avocats des parties ont traité la question comme s'il s'agissait non seulement d'une question d'application de la Charte, mais aussi d'une question d'interprétation de la loi. À l'audience tenue devant cette Cour, l'avocat des appelants n'a pas insisté sur l'argument relatif à la Charte. Selon le ministre, si la Cour conclut que l'alinéa 5(2)b) s'applique, il n'invoquera pas la con dition selon laquelle la demande de citoyenneté devait être déposée avant le 15 février 1979.
Pendant ce temps, Jason Glynos, qui étudiait à l'Université de Cambridge, est retourné à Vancouver en juillet 1989. En 1990, ayant résidé au Canada pen dant au moins un an, il est devenu admissible à demander la réintégration dans la citoyenneté confor- mément au paragraphe 11(1) de la Loi 4 . Le para- graphe 29 de l'exposé conjoint des faits énonce que
3 Nous ignorons quel motif Anita Glynos pourrait invoquer pour déposer une demande au nom de son fils. L'article 5 du Règlement sur la citoyenneté [C.R.C., ch. 400] qui vise les demandes déposées en vertu de l'alinéa 5(2)b) de la Loi ne précise pas qui est autorisé à faire la demande. La question n'ayant pas été soulevée par le ministre, je présume que la demande a été déposée par une personne autorisée.
4 11. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui a cessé d'être citoyen et qui, à la fois:
a) sollicite une réintégration;
(Suite à la page suivante)
[TRADUCTION] «Jason Glynos n'a déposé aucune demande de citoyenneté canadienne conformément à l'art. 11 de la Loi et, de plus, il a refusé de déposer une telle demande car lui et sa mère croient très fer- mement que Jason devrait être admissible à la citoyenneté canadienne en vertu de l'al. 5(2)b) de la Loi et ne devrait pas avoir à être admissible à la citoyenneté en vertu de l'art. 11 de la Loi.»
Au début de l'audience devant la Section de pre- mière instance, l'intimée a affirmé que l'audition ne devrait pas être tenue puisque la question était théo- rique, Jason Glynos étant désormais admissible à la citoyenneté conformément à l'article 11 de la Loi et le ministre ayant convenu de lui attribuer la citoyen- neté dès qu'il déposerait une demande en vertu de cet article; l'intimée a également avancé que la Cour ne devrait pas rendre un jugement déclaratoire, particu- lièrement sur la question relative à la Charte, simple- ment pour trancher une question dont la solution n'est pas nécessaire en l'espèce. Aux dires de la Cou- ronne, puisqu'une méthode simple s'offrait à Jason Glynos pour obtenir sa citoyenneté, soit une demande fondée sur l'article 11, lui et sa mère ne devraient pas choisir d'utiliser un article différent de la Loi qui sou- lève une question relative à la Charte simplement pour trancher une question relative aux droits de la femme, à laquelle ils souhaitent recevoir une réponse.
Après s'être penché sur l'interprétation de l'alinéa 5(2)b), le juge de première instance a conclu que celui-ci ne s'appliquait pas à Jason Glynos. Avant d'entreprendre l'étude de la question relative à la Charte, il a examiné celle du caractère théorique de la question avant de conclure que celle-ci était effecti- vement théorique. Il a ensuite étudié le pouvoir dis- crétionnaire de la Cour avant de conclure ceci [aux pages 92 et 93]:
(Suite de la page précédente)
b) n'est visée ni par un décret pris aux termes de l'article 10 ni par une déclaration faite en application de l'article 20 ni par une ordonnance prise aux termes de l'article 18 de l'ancienne loi;
c) n'est pas sous le coup d'une mesure d'expulsion;
d) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, après la perte de sa citoyenneté, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a résidé au Canada depuis l'ad- mission pendant au moins l'année précédant la date de sa demande.
Or, en l'espèce, j'estime qu'il n'y a pas lieu d'exercer le pouvoir discrétionnaire de la Cour pour accorder un jugement déclaratoire interprétant, dans le sens voulu par les deman- deurs, l'alinéa 5(2)b) de la Loi, ou invalidant cette disposition, en tout ou en partie, pour cause de violation de la Charte, car, justement, il n'est pas nécessaire de trancher cette question qui revêt en l'espèce, un caractère essentiellement théorique. Les tribunaux ne peuvent tout de même pas passer leur temps à trancher des questions hypothétiques qui pourraient, certes, revêtir une certaine importance à l'avenir dans le cadre d'autres affaires, mais qu'il n'y a pas lieu de trancher actuelle- ment.
Le caractère théorique de la question
On reconnaît qu'au moment il a introduit l'ac- tion le 12 septembre 1989, Jason Glynos s'était vu refuser la citoyenneté pour le motif qu'il ne pouvait la demander en vertu de l'alinéa 5(2)b) de la Loi. On reconnaît également qu'à ce moment là, il ne répon- dait pas à l'exigence relative à la résidence, prescrite à l'alinéa 11(1)d) de la Loi. On reconnaît aussi qu'à une époque antérieure au procès, il avait satisfait à cette condition et qu'au procès, il était admissible à demander la citoyenneté canadienne conformément au paragraphe 11(1) de la Loi. C'est en s'appuyant sur ce motif que le juge de première instance a conclu au caractère théorique de la question.
La doctrine relative au caractère théorique a été étudiée minutieusement par le juge Sopinka dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342. Le juge de première instance a invoqué particulièrement le passage suivant, à la page 353:
En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des pro- cédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique.
et il a conclu la page 90] que
Le demandeur Jason n'avait pas encore une année de résidence au Canada lorsque, le 13 septembre 1989, l'action a été inten- tée, mais il répond dorénavant à la condition fixée.
Même si j'acceptais, aux fins de la discussion, que le «caractère théorique éventuel»—la Cour ne peut ordonner à Jason Glynos de déposer une demande fondée sur l'article 11 de la Loi, il n'est pas encore un citoyen canadien et je ne peux présumer qu'il le sera—puisse correspondre au «caractère théorique actuel», la question de savoir si Jason Glynos peut
désormais recevoir la citoyenneté en vertu du para- graphe 11(1) de la Loi n'a rien à voir avec la question de savoir s'il est admissible à la citoyenneté cana- dienne, sans autre condition, en raison de la citoyen- neté canadienne de sa mère en vertu de l'alinéa 5(2)b) de la Loi.
Il s'agit de deux procédures très différentes dont les objectifs, les conditions, les formalités et, peut- être, les effets sont différents.
L'alinéa 5(2)b) attribue, en raison de sa naissance seule, la citoyenneté au demandeur dont la demande est transmise directement au ministre. En vertu du paragraphe 11(1), le demandeur réintègre sa citoyen- neté à certaines conditions, dont celle qu'il ait résidé un an au Canada avant sa demande, et cette demande n'est pas transmise directement au ministre, mais est d'abord traitée par le juge de la citoyenneté qui, con- formément à l'article 14, «[d]ans les soixante jours ... statue sur la conformité—avec les disposi tions applicables en l'espèce de la présente loi et de ses règlements—des demandes déposées».
De toute évidence, le Parlement a, à mon avis, fourni aux personnes admissibles à la citoyenneté de naissance une voie procédurale offrant la citoyenneté instantanément, que le juge en chef adjoint a appelée un «traitement préférentiel» (Benner c. Canada (Secrétaire d'État), [1992] 1 C.F. 771 (lre inst.), à la page 788) et qui, selon cette Cour, permet de «solu- tionner [le problème dont Jason Glynos souhaite sai- sir la Cour] de façon rapide et économique» (Benner c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1988), 93 N.R. 250 (C.A.F.), à la page 251, les motifs du juge Mahoney). Le ministre ne peut contraindre le demandeur à opter pour une voie plus longue, moins sûre et plus difficile ni ne peut, en refusant une demande déposée en vertu de l'alinéa 5(2)b) et en prétendant ensuite qu'il accueillerait désormais une demande déposée en vertu de l'article 11, empêcher la Cour de se prononcer sur la question. En outre, si l'interprétation de Jason Glynos devait l'emporter, l'attribution de la citoyenneté reviendrait à recon- naître qu'en fait, bien que non en droit parce que la Loi ne paraît pas avoir un effet rétroactif, il a été citoyen canadien toute sa vie.
J'aimerais dire quelques mots concernant la mère de Jason, Anita Glynos, co-demanderesse dans l'ac- tion, qualité que l'intimée n' a pas mise en doute. Le juge de première instance paraît lui avoir reproché d'avoir cherché à corriger une discrimination de lon- gue date à l'égard des femmes canadiennes, en raison de laquelle elle n'a pu transmettre sa citoyenneté canadienne à son fils Jason. Elle n'a aucun droit, techniquement parlant, de transmettre sa citoyenneté, celle-ci étant attribuée par l'État, mais elle a néan- moins un intérêt, à titre de femme et de mère cana- dienne, à savoir si son fils peut être déclaré citoyen de naissance et à prendre part à une procédure visant l'obtention d'un jugement déclaratoire à cet effet.
La citoyenneté canadienne de naissance est un pri- vilège hautement estimé, et la recherche d'un juge- ment déclarant que le ministre avait tort de la refuser à l'enfant d'une femme canadienne n'est pas dépour- vue d'intérêt pratique. En effet, Jason Glynos n'est pas aujourd'hui un citoyen canadien; la question de savoir s'il peut demander la citoyenneté de naissance n'est donc pas théorique.
Le droit à la citoyenneté en vertu de l'alinéa 5(2)b)
Comme l'a récemment dit le juge L'Heureux- Dubé, «Lorsqu'il s'agit d'interpréter correctement une loi, il est utile de commencer par un examen, si bref soit-il, de son historique». (Hills c. Canada (Pro- cureur général), [1988] 1 R.C.S. 513, à la page 528.) En outre, comme mon collègue le juge Heald, J.C.A. l'a dit, «La jurisprudence récente a établi clairement que les tribunaux ont le droit de s'aider des débats de la Chambre des communes pour vérifier quel "désor- dre" ou "malaise" une disposition législative particu- lière avait pour objet de corriger». (Canada (Procu- reur général) c. Young, [1989] 3 C.F. 647 (C.A.), à la page 657) 5 . J'examinerai donc brièvement l'histo- rique de l'alinéa 5(2)b) de la Loi et les débats parle- mentaires qui ont entouré son adoption.
L'alinéa 5(2)b) a été introduit dans la Loi sur la citoyenneté de 1976 précisément pour éliminer la politique discriminatoire à l'égard des femmes
5 Voir également: Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346 (C.A.); Thomson c. Canada, [1988] 3 C.F. 108 (C.A.); Vaillancourt c. Sous-ministre M.R.N., [1991] 3 C.F. 663 (C.A.) et P.A. Côté, Interprétation des lois, 2e éd. (Cowansville: Yvon Biais, 1990) aux p. 402 à 418.
découlant de l'ancienne Loi et selon laquelle la femme canadienne mariée ne pouvait transmettre sa citoyenneté à son enfant à l'étranger. En proposant la deuxième lecture du Projet de loi C-20, qui est finalement devenu la Loi sur la citoyenneté, le Secré- taire d'État d'alors, l'honorable James Faulkner, a remarqué que le nouveau Projet de loi visait à corri- ger «cinq manifestations graves de discrimination à l'égard des femmes dans l'actuelle Loi sur la citoyen- neté». Ces manifestations avaient été soulignées dans le Rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada la page 410] (Débats de la Chambre des Communes, le 21 mai 1975, à la page 5984) qui avait, particulièrement, recommandé la modification des articles 4 et 5 de la Loi «de façon à ce qu'un enfant à l'étranger soit canadien de naissance du moment que l'un des parents est canadien».
A la suite de la deuxième lecture, le Projet de loi C-20 a été soumis à l'examen du Comité permanent de la radiodiffusion, des films et de l'assistance aux arts. Au cours des délibérations du Comité, le silence du Projet de loi C-20 sur l'attribution de la citoyen- neté aux enfants nés à l'étranger de femmes cana- diennes avant le 15 février 1977 a fait l'objet d'un long débat et a soulevé de nombreuses inquiétudes. L'ajout des alinéas 5(2)a) et b) a donc été proposé afin d'accorder un traitement identique à «ceux qui sont nés après l'entrée en vigueur de la Loi» et à «ceux que l'ancienne Loi a défavorisés» (Procès-ver- baux et témoignages du Comité permanent de la radiodiffusion, des films et de l'assistance aux arts, volume 36, 27 février 1976, 39: 6-7).
Le 13 avril 1976, le Projet de loi C-20 renfermant les modifications recommandées par le Comité per manent, dont celle au paragraphe 5(2), a passé la troi- sième lecture à la Chambre des communes. Le Projet de loi C-20 est ensuite entré en vigueur le 15 février 1977 sous le titre de Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, ch. 108.
Ce qui précède démontre que le législateur visait à rendre admissible à la citoyenneté, en vertu du para- graphe 5(2), toute personne née d'une mère cana- dienne à tout moment avant l'adoption de la Loi, et
que les dispositions discriminatoires de l'ancienne Loi avait lésée. Il reste à savoir si cette intention a été rendue dans le libellé utilisé par le Parlement.
Selon l'alinéa 5(2)b), la personne qui désire obte- nir la citoyenneté doit être:
(i) née à l'étranger;
(ii) née avant le 15 février 1977;
(iii) née d'une mère ayant au moment de la nais- sance qualité de citoyenne;
(iv) non admissible, avant le 15 février 1977, à la citoyenneté aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(i) de l'ancienne Loi.
Il est établi que Jason Glynos satisfait aux trois premiers critères. Il s'agit donc uniquement de savoir s'il satisfait au quatrième critère. À mon sens, il res- sort de la simple lecture de la disposition, version anglaise ou française, que Jason Glynos satisfait au quatrième critère. Aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(i) de l'ancienne Loi, il n'était pas admissible à la citoyenneté avant le 15 février 1977. Certes, il avait déjà été citoyen canadien, mais au moment de l'entrée en vigueur de la Loi—c'est le sens des mots «avant le 15 février 1977», «immediately before February 15, 1977», l'absence dans la version fran- çaise du mot «immediately» (immédiatement), n'étant à mon avis due qu'à une question de style ou de concision—il avait cessé d'être citoyen et il était simplement non admissible à la citoyenneté à ce moment-là.
Selon l'avocat de l'intimée, il faudrait lire le mot «become» de la version anglaise comme excluant «become again». Il soutient que la Partie I de la Loi qui s'intitule «LE DROIT A LA CITOYENNETÉ», dans laquelle figure l'article 5, ne s'applique qu'aux personnes qui n'ont jamais eu la citoyenneté cana- dienne, et que la Partie III, qui s'intitule «RÉINTÉ- GRATION DANS LA CITOYENNETÉ», et qui ren- ferme l'article 11, s'applique aux personnes qui, ayant auparavant eu la qualité de citoyennes cana- diennes, ont cessé d'être citoyennes.
Cette proposition est sans fondement. Elle va à l'encontre du libellé de la disposition; elle n'est pas commandée par la structure de la Loi; elle contredit l'application de la Loi par le ministre même; elle
entraîne des situations absurdes et injustes; et elle néglige le désordre que la Loi avait pour objet de cor- riger.
La phrase «n'était pas admissible à la citoyenneté» de la version française de l'alinéa 5(2)b) correspond à la phrase «not entitled to become a citizen». On est citoyen ou on ne l'est pas. On est «admissible» ou on ne l'est pas. De toute évidence, Jason Glynos n'était pas «admissible» le 14 février 1977; il n'était pas non plus à ce moment un citoyen canadien. Même si la version anglaise avait renfermé une ambiguïté, et à mon avis, ce n'est pas le cas, je donnerais préférence à la version française puisqu'elle traduit le plus fidè- lement l'intention du Parlement 6 .
L'alinéa 3(1)c) qui figure à la Partie I confère le droit à la citoyenneté à une personne «ayant obtenu la citoyenneté—par attribution ou acquisition—sous le régime des articles 5 ou 11». Comme l'article 11 figure à la Partie III, on peut difficilement avancer que la Partie I exclut la Partie III. En outre, le frère de Jason, Byron, qui avait cessé d'être citoyen avant le 15 février 1977 pour la même raison que Jason, s'est néanmoins vu attribuer la citoyenneté par le ministre en vertu de l'alinéa 5(2)a). Le ministre ne peut tout simplement pas prétendre aujourd'hui que la Partie I, qui renferme l'alinéa 5(2)a), ne s'applique qu'aux personnes qui n'ont jamais été citoyennes. Il serait absurde, en l'absence d'un texte formel affirmant le contraire, de soutenir que deux frères nés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la Loi et ayant le même statut en vertu de l'ancienne Loi reçoivent un traite- ment différent en vertu de la nouvelle Loi. Il serait
6 L'art. 9(2)d) de l'ancienne Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), ch. O-3, prévoit que dans le cas de divergence entre les deux versions d'un texte législatif, «la préférence va à la version qui, selon l'esprit et le sens véritables du texte, ainsi que l'intention du législateur, assure le mieux la réalisation des objets visés». La nouvelle Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31 ne contient aucune disposition concernant l'interprétation de textes bilingues. Toutefois, comme l'a souligné Côté, précité, note 5, aux p. 353 et 367, «[e]n droit fédéral, l'article 8 (9 dans les Lois révisées de 1985) de la Loi sur les langues officielles ... , avant son abro gation en 1988, énonçait certains principes d'interprétation applicables aux textes législatifs fédéraux. Comme Reynald Boult l'a écrit, l'article 8 ne faisait, dans une large mesure, que consacrer les principes élaborés par les tribunaux canadiens et québecois, en particulier. Son abrogation aura donc pour prin cipal effet de restituer au droit non écrit ce que le législateur lui avait temporairement emprunté ... ».
également absurde de donner à entendre que le pro- cessus de demande prévu à l'alinéa 5(2)b) s'offre aux personnes nées à l'étranger d'une mère canadienne et d'un père non canadien au moment de la naissance (voir Benner c. Canada (Secrétaire d'État), précité), mais qu'il est refusé aux personnes nées à l'étranger d'une mère et d'un père canadiens au moment de la naissance.
Enfin, pour illustrer la volonté du Parlement d' «en- glober» tous les enfants nés à l'étranger avant le 15 février 1977, le paragraphe 4(3) prévoit que la per- sonne qui, le 14 février 1977, est habile à devenir citoyen parce que son père est citoyen canadien, «le demeure même si sa naissance est enregistrée après cette date».
Lues conjointement, ces dispositions portent inévi- tablement à conclure que tous les enfants nés à l'étranger d'un père canadien ou d'une mère cana- dienne avant l'entrée en vigueur de la Loi de 1976 ont droit à la citoyenneté en vertu de la Partie I de la Loi.
Je suis pleinement d'accord avec la conclusion sui- vante tirée, bien que dans un contexte différent, par le juge en chef adjoint dans l'arrêt Benner:
Il est évident que le Parlement a décidé, en adoptant la Loi sur la citoyenneté de 1977, de faciliter l'obtention de la citoyenneté canadienne à toutes les personnes nées d'un parent canadien à compter de son entrée en vigueur, le 14 février 1977. [précité, à la page 793.]
Jason Glynos est admissible à la citoyenneté de naissance.
Le pouvoir discrétionnaire de la Cour
Je suis convaincu qu'il y a lieu de rendre un juge- ment déclaratoire. Je réalise que le juge de première instance avait le pouvoir discrétionnaire de ne pas rendre le jugement déclaratoire demandé par les appelants, mais j'estime qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur une erreur de droit quant au caractère théorique de la question et quant à la juste interprétation de l'alinéa 5(2)a) de la Loi. En outre, il a appliqué à tort l'arrêt Terrasses Zarolega Inc. et autres c. Régie des installations olympiques, [1981] 1 R.C.S. 94, à la page 105, rendu par la Cour suprême du Canada, dans lequel le juge Chouinard a repris les propos de la Chambre des lords dans l'arrêt
Barraclough v. Brown, [1897] A.C. 615, à la page 620:
[TRADUCTION] Je ne crois pas que l'appelant puisse demander recouvrement en vertu de la loi et en même temps soutenir qu'il peut le faire par des moyens non prévus par la loi qui seule confère le droit.
En l'espèce, les moyens utilisés par les appelants sont précisément ceux offerts par la Loi. L'arrêt Ter- rasses Zarolega ne permet pas d'affirmer que lors- qu'une loi offre deux voies différentes, le demandeur peut être contraint de choisir celle que privilégie l'ad- ministration. J'estime qu'en l'espèce, il ne s'agit pas de «redressement subsidiaire adéquat». (Voir Alliance de la fonction publique du Canada et autres c. Canada (Conseil du Trésor) et autres (1990), 36 F.T.R. 182 (C.F. ire inst.)).
Il n'y a cependant pas lieu de décerner un bref de mandamus puisque la Cour ne peut ordonner au Secrétaire d'État de renoncer à la condition selon laquelle la demande de citoyenneté doit être déposée avant le 15 février 1979. J'ai appris, je le répète, que le Secrétaire d'État a convenu de renoncer à cette condition et je compte bien qu'il respectera cet enga gement.
Dispositif
Je suis d'avis d'accueillir l'appel avec dépens dans les deux sections et je déclare que, compte tenu d'une juste interprétation de l'alinéa 5(2)b) de la Loi sur la citoyenneté, Jason Glynos est admissible à la citoyen- neté.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE LÉTOURNEAU, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
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