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IMM-4072-16

2017 CF 1026

Aierken Malikaimu et Ayoob Haji Mohammed (demandeurs)

c.

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (défendeur)

Répertorié : Malikaimu c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté)

Cour fédérale, juge LeBlanc—Ottawa et Toronto par téléconférence, 26 septembre; Ottawa, 9 novembre 2017.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Requête pour la nomination d’un avocat spécial présentée par les demandeurs dans le cadre d’une instance visant à obtenir l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision rendue par une agente des visas — Le demandeur est un citoyen chinois d’origine ethnique ouïgourea qui a été détenu en Afghanistan et à Guantanamo Bay — Il a été envoyé en Albanie à titre de réfugié — Son épouse a présenté une demande de parrainage d’un époux afin de le parrainer en tant que résident permanent — L’agente des visas a procédé à deux entrevues — Elle a tenu compte notamment des renseignements que le demandeur avait fournis pendant la deuxième entrevue pour conclure que le demandeur était interdit de territoire conformément aux art. 34(1)c) et f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — Les demandeurs ont demandé qu’un contrôle judiciaire soit autorisé — Ils se sont plaints d’une divulgation incomplète en vertu de l’art. 9(1) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés (Règles CIPR) — La Cour fédérale a demandé au défendeur de produire les notes manquantes de la première entrevue en vertu de l’art. 14(2) des Règles CIPR — Le défendeur a présenté une requête en vertu de l’art. 87 de la Loi afin de protéger ces notes d’une divulgation — Cela a mené à la demande de nomination d’un avocat spécial présentée par les demandeurs — Il s’agissait de savoir s’il y avait motif à nommer un avocat spécial pour garantir l’équité procédurale — Il n’y avait pas motif à nommer un avocat spécial — Il n’y a aucun droit absolu à la nomination d’un avocat spécial lorsqu’une audience à huis clos est demandée — Le droit de connaître la preuve à réfuter n’est pas absolu — L’obligation d’équité en l’espèce était minimale — Le législateur a éliminé l’obligation de nommer un avocat spécial dans le contexte des requêtes présentées en vertu de l’art. 87 — L’ordonnance en vertu de l’art. 14 des Règles CIPR n’était qu’une étape du processus judiciaire qui pourrait mener à la divulgation des notes — On ne peut lire et appliquer la règle 14 des Règles CIPR seule — Il n’y avait aucune raison d’écarter la jurisprudence de cette Cour appliquant les facteurs établis dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) — L’importance et la valeur probante des renseignements visés par la non-divulgation ne requéraient pas la nomination d’un avocat spécial — Les notes n’étaient pas « importantes » — La non-divulgation des notes n’empêcherait pas les demandeurs de se prévaloir de tous les moyens pour contester la décision attaquée — Les demandeurs ont eu accès à l’essentiel des renseignements — À cette étape, les demandeurs n’avaient qu’à prouver que leur contestation de la décision rendue par l’agente des visas soulevait une cause relativement défendable — Il fallait mesurer la capacité des demandeurs à présenter leur défense selon un seuil beaucoup plus bas que celui applicable une fois l’autorisation accordée — Ces considérations ne soutenaient pas la demande de nomination d’un avocat spécial dans les circonstances en l’espèce — Requête rejetée.

Il s’agissait d’une requête pour la nomination d’un avocat spécial présentée par les demandeurs. Cette requête a été présentée dans le cadre d’une instance visant à obtenir l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision rendue par une agente des visas qui a rejeté la demande de résidence permanente présentée par le demandeur M. Mohammed pour des motifs de sécurité nationale.

Le demandeur, M. Mohammed, un citoyen chinois d’origine ethnique ouïgourea, a été détenu en Afghanistan après le 11 septembre 2001 et a ensuite été transféré à Guantanamo Bay, où l’on a ultérieurement conclu qu’il n’était pas un combattant ennemi. Il a été libéré en 2006 et envoyé en Albanie à titre de réfugié. Son épouse a présenté une demande de parrainage d’un époux afin de le parrainer pour qu’il vienne au Canada en tant que résident permanent. Le demandeur a assisté à deux entrevues dans le cadre du traitement de sa demande. Une agente des visas a conclu que le demandeur était interdit de territoire conformément aux alinéas 34(1)c) et f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (Loi) pour s’être livré au terrorisme et pour avoir été membre d’une organisation terroriste. Afin d’en arriver à ces conclusions, l’agente des visas a tenu compte notamment des renseignements que le demandeur avait fournis pendant la deuxième entrevue. Les demandeurs ont demandé qu’un contrôle judiciaire soit autorisé à l’encontre de la décision de l’agente des visas. Ils se sont plaints de l’absence des notes de la première entrevue et d’autres renseignements, qui donnait lieu à une divulgation incomplète en vertu du paragraphe 9(1) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés (Règles CIPR). La Cour fédérale a accueilli la requête présentée par les demandeurs en vertu du paragraphe 14(2) des Règles CIPR et a demandé au défendeur de produire les notes manquantes. Le défendeur a présenté une requête en vertu de l’article 87 de la Loi afin de protéger ces notes d’une divulgation, ce qui a mené à la demande de nomination d’un avocat spécial présentée par les demandeurs. Les demandeurs ont fait valoir notamment que, sans la nomination d’un avocat spécial, ils n’auraient pas la possibilité d’être entendus et de présenter leur défense en ce qui concerne la requête en vertu de l’article 87 et la demande d’autorisation sous-jacente de la décision rendue par l’agente des visas. Ils ont fait valoir également que les facteurs établis dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (Baker), favorisaient considérablement un degré élevé d’équité procédurale afin de déterminer s’il fallait nommer un avocat spécial en l’espèce.

Il s’agissait de savoir s’il y avait motif à nommer un avocat spécial pour garantir l’équité procédurale.

Jugement : la requête doit être rejetée.

Il n’y avait pas motif à nommer un avocat spécial. Il n’y a aucun droit absolu à la nomination d’un avocat spécial lorsqu’une audience à huis clos est demandée en vertu de l’article 87 de la Loi, comme ce fut le cas dans la présente affaire. Le droit de connaître la preuve à réfuter n’est pas absolu non plus. L’obligation d’équité due à la personne touchée par la décision d’un agent des visas qui a rejeté une demande de résidence permanente présentée à l’étranger est minimale. Le législateur a expressément éliminé l’obligation de nommer un avocat spécial dans le contexte des requêtes présentées en vertu de l’article 87 de la Loi. Cela dénote une approche moins généreuse à l’égard des droits de participation que celle présentée par les demandeurs. Le pouvoir discrétionnaire dont jouit la Cour en vertu de l’article 87.1 vise à défendre les intérêts du résident permanent ou du ressortissant étranger. On pourrait dire que l’ordonnance en vertu de la règle 14 a donné ouverture à une attente légitime que les notes soient présentées à la Cour et aux demandeurs mais, dans le contexte de l’immigration, cette ordonnance n’était qu’une étape du processus judiciaire qui pourrait mener à la divulgation de ces notes vu les considérations relatives à la sécurité nationale en jeu. La Cour a été officiellement saisie de la requête en vertu de l’article 87, qui posait la question importante visant à déterminer s’il était possible d’exécuter l’ordonnance en vertu de la règle 14 à la lumière de ces considérations. On ne peut lire et appliquer la règle 14 des Règles CIPR seule. L’ordonnance en vertu de la règle 14 ne constituait donc pas la fin de la route menant à la divulgation ou à la non-divulgation des notes d’entrevue attaquées. Les demandeurs le savaient ou auraient dû le savoir. Cette ordonnance ne pouvait raisonnablement avoir donné lieu à une attente raisonnable selon laquelle les notes seraient divulguées ou un avocat spécial serait nommé. Il n’y avait aucune raison d’écarter la jurisprudence de cette cour sur l’application des facteurs établis dans l’arrêt Baker aux demandes de nomination d’un avocat spécial présentée par des demandeurs de résidence permanente résidant à l’étranger dont la demande a été refusée, dans le contexte des requêtes présentées en vertu de l’article 87 de la Loi. L’importance et la valeur probante des renseignements visés par la non-divulgation ne requéraient pas la nomination d’un avocat spécial. On pouvait difficilement dire que les notes, même si elles étaient « pertinentes », étaient « importantes » au point de permettre l’annulation de la décision. La non-divulgation des notes, si la requête en vertu de l’article 87 était accueillie, n’empêcherait pas les demandeurs de se prévaloir de tous les moyens pour contester la décision attaquée. Les demandeurs ont eu accès à l’essentiel des renseignements sur lesquels l’agente des visas s’est appuyée pour refuser le visa de résident permanent demandé par M. Mohammed. Ils sont donc en mesure de présenter leur défense. À cette étape de leur procédure de contrôle judiciaire, les demandeurs n’avaient qu’à prouver que leur contestation de la décision rendue par l’agente des visas soulevait une cause relativement défendable. Il fallait donc mesurer la capacité des demandeurs à présenter leur défense selon un seuil beaucoup plus bas que celui applicable une fois l’autorisation accordée. L’effet combiné de ces considérations ne soutenait pas la demande de nomination d’un avocat spécial dans les circonstances en l’espèce.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 34(1)c),f), 83, 87, 87.1.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règle 397.

Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, règles 9, 14, 17.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

A.B. c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1140; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Karakachian c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 948; Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2012 CAF 308; Alyafi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 952; Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, [2002] 2 C.F. 413.

décisions examinées :

Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350; Farkhondehfall c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1064; Jahazi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 242, [2011] 3 R.C.F. 85.

décisions citées :

Malkine c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 496; Kanyamibwa c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 66, [2011] 1 R.C.F. 423; Afanasyev c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 737; Dhahbi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 347; Yadav c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 140; El Dor c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1406; Aryaie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 469.

REQUÊTE pour la nomination d’un avocat spécial présentée dans le cadre d’une instance visant à obtenir l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision rendue par une agente des visas qui a rejeté la demande de résidence permanente présentée par le demandeur M. Mohammed pour des motifs de sécurité nationale. Requête rejetée.

ONT COMPARU :

Prasanna Balasundaram pour les demandeurs.

John Loncar pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Downtown Legal Services, Toronto, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

 Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge LeBlanc : Les demandeurs, Ayoob Haji Mohammed (M. Mohammed) et Airken Malikaimu (Mme Malikaimu), sont mari et femme. Ils demandent qu’un contrôle judiciaire soit autorisé à l’encontre de la décision rendue par une agente des visas en poste à l’ambassade du Canada à Rome (Italie) (l’agente des visas) qui, le 11 juillet 2016, a rejeté la demande de résidence permanente présentée par M. Mohammed pour des motifs de sécurité nationale. Mme Malikaimu, qui est citoyenne canadienne, parrainait la demande présentée par M. Mohammed.

[2]        Dans le cadre de la procédure d’autorisation, le défendeur a dû produire les notes d’une entrevue à laquelle M. Mohammed a assisté à l’ambassade du Canada à Tirana (Albanie), le 15 janvier 2015, pendant l’évaluation de sa demande de résidence permanente. Lorsque cette ordonnance est devenue définitive, le défendeur a présenté une requête en vertu de l’article 87 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi ), en affirmant que la divulgation de ces notes pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ou mettre en danger la sécurité d’une personne.

[3]        Les demandeurs empressent la Cour, dans un tel contexte, de nommer un avocat spécial conformément à l’article 87.1 de la Loi. En vertu de cette disposition, un juge de la Cour peut, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, nommer un avocat spécial s’il est d’avis que les considérations d’équité et de justice naturelle requièrent une telle nomination en vue de la défense des intérêts du demandeur.

[4]        Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu qu’il n’est pas nécessaire de nommer un avocat spécial en l’espèce, du moins, pas à cette étape de l’instance.

I.          Faits

[5]        M. Mohammed est un citoyen chinois d’origine ethnique ouïgoure. Il réside en Albanie en tant que réfugié depuis mars 2006. Pendant qu’il se trouvait en Albanie, il a rencontré Mme Malikaimu dans un site Web de réseautage social. Ils se sont mariés en mars 2010 et ont deux enfants. Quelques années après son mariage, Mme Malikaimu a présenté une demande de parrainage d’un époux afin de parrainer M. Mohammed pour qu’il vienne au Canada en tant que résident permanent.

[6]        Dans les observations écrites qu’ils ont présentées en réponse à la requête déposée par le défendeur en vertu de l’article 87 (la requête en vertu de l’article 87) et à l’appui de leur demande de nomination d’un avocat spécial, les demandeurs décrivent ainsi une série d’événements. Ils allèguent que ces événements ont commencé en 2001, lorsque, selon ce qu’il indique, M. Mohammed s’est rendu au Pakistan afin d’obtenir un visa d’étudiant qui lui permettrait d’étudier aux États-Unis. C’est ce qui a donné lieu à la détention de M. Mohammed par les forces militaires américaines en Afghanistan à la suite des attaques commises le 11 septembre 2001 au World Trade Center (New York). Il a ensuite été transféré à la prison militaire américaine de Guantanamo Bay (Cuba), pour être éventuellement libéré et envoyé en Albanie avec une demande d’asile :

[traduction]

3.  M. Mohammed s’est rendu au Pakistan avec un ami à l’automne 2001 afin d’obtenir son visa d’étudiant. Étant donné que son ami se rendait aussi aux États-Unis, M. Mohammed, après la délivrance de son visa, a décidé d’attendre que son ami reçoive aussi le sien. Les deux hommes savaient que le Pakistan était un endroit dangereux pour les personnes d’origine ouïgoure, ce qui les a forcés à se rendre en Afghanistan et à attendre là jusqu’à la délivrance de l’autre visa.

4.  Après le début des opérations militaires des États-Unis en Afghanistan dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, toutefois, M. Mohammad a été contraint de revenir discrètement au Pakistan pour fuir les hostilités grandissantes. Il s’est avéré que le Pakistan n’était pas plus sécuritaire, puisque des chasseurs de prime l’ont capturé, ainsi qu’un certain nombre d’autres Ouïgours, et vendus à l’armée américaine.

[…]

7.  M. Mohammad a d’abord été détenu dans une prison américaine à Kandahar (Afghanistan) et ensuite transféré à la prison de Guantanamo Bay (Cuba). Pendant qu’il se trouvait à Guantanamo Bay, cependant, le tribunal d’examen du statut de combattant a conclu que M. Mohammad n’était pas un combattant ennemi. Le département de la Justice des États-Unis l’a confirmé dans un mémoire en réplique en 2005, dans le cadre d’une requête en habeas corpus présentée par M. Mohammad.

8.  M. Mohammad ne pouvait toutefois être libéré de Guantanamo Bay puisque le gouvernement américain éprouvait de la difficulté à trouver un pays où il pourrait être transféré sans être soumis à la torture. Le gouvernement américain s’est aussi opposé à la libération de M. Mohammad pour des motifs d’habeas corpus puisqu’il voulait attendre le règlement des appels d’autres dossiers de détenus de Guantanamo Bay. En fin de compte, l’Albanie a finalement accepté d’accueillir M. Mohammed en tant que réfugié, en 2006 et il a finalement été libéré de Guantanamo Bay et s’est envolé pour l’Albanie le 5 mai 2006.

[7]        La section des visas de l’ambassade du Canada à Rome a demandé à M. Mohammed d’assister à deux entrevues dans le cadre du traitement de sa demande de résidence permanente. L’une a eu lieu le 15 janvier 2015 (la première entrevue), l’autre, le 10 mars 2016 (la deuxième entrevue).

II.          Décision de l’agente des visas

[8]        Comme il l’est indiqué au début des présents motifs, l’agente des visas a conclu que M. Mohammed n’était pas admissible à la délivrance d’un visa de résident permanent au Canada pour des motifs d’interdiction de territoire. Plus précisément, l’agente des visas a conclu que M. Mohammed était interdit de territoire conformément aux alinéas 34(1)c) et f) de la Loi pour s’être livré au terrorisme et pour avoir été membre d’une organisation –– le Mouvement islamique du Turkestan oriental (MITO) — dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte terroriste.

[9]        Dans sa lettre en date du 11 juillet 2016, dans laquelle elle informait M. Mohammed de sa décision, l’agente des visas a présenté les motifs qui suivent qui l’ont poussée à croire que M. Mohammed était membre du MITO   :

[traduction]

Pendant votre entrevue du 10 mars 2016, vous avez affirmé que vous vous êtes rendu en Afghanistan, où vous avez habité pendant trois mois avec un groupe de personnes qui luttaient pour l’objectif politique de l’indépendance du Turkestan. Vous avez indiqué, pendant votre entrevue, que les membres de ce groupe étaient armés et que vous avez vu des kalachnikovs dans la grotte où vous habitiez avec eux. Vous avez affirmé que l’orientation politique de ce groupe était contre la Chine et qu’il se trouvait en Afghanistan pour suivre une formation qui lui permettrait de lutter contre les autorités chinoises. Vous avez indiqué que les Américains nommaient peut-être ce groupe le « MITO ». Vous n’avez pas nié que vous auriez pu vous trouver en compagnie de membres ce groupe que les Américains appelaient le « MITO », que vous partagiez leur vision politique et que vous avez habité et voyagé avec eux pendant trois mois en Afghanistan.

Le tribunal de Guantanamo Bay vous a accusé en 2004 de vous être rendu en Afghanistan pour apprendre à vous servir d’armes. Selon un rapport américain, vous avez suivi une formation dans un camp de formation du MITO en Afghanistan. Vous avez été arrêté là, puis détenu et envoyé à Guantanamo Bay, puisque vous étiez considéré comme un combattant ennemi, c’est-à-dire une personne qui a soutenu les hostilités à l’égard des États-Unis ou de ses alliés. Vous avez indiqué, le 10 mars 2016, pendant votre entrevue, qu’« après l’interrogatoire (en Afghanistan), ils nous ont dit qu’ils nous avaient capturés au mauvais endroit au mauvais moment ». Des doutes sur votre crédibilité ont été soulevés pendant votre entrevue du 10 mars 2016, parce que l’agent ne croyait pas que les autorités américaines avaient commis une erreur en vous capturant au mauvais endroit au mauvais moment. On vous a demandé, pendant votre entrevue du 10 mars 2016, pourquoi les autorités américaines ne vous avaient tout simplement pas relâché si elles n’avaient aucun motif de croire que vous étiez lié à un groupe terroriste et pourquoi elles vous auraient envoyé à Guantanamo si elles n’avaient aucun doute sur vos antécédents personnels. Les réponses que vous avez fournies pendant l’entrevue n’ont pas apaisé mes préoccupations.

Qui plus est, des préoccupations relatives à la crédibilité ont été soulevées par rapport à votre voyage en Afghanistan. L’agent s’est dit préoccupé par le fait qu’il n’était pas crédible que vous vous rendiez en Afghanistan tout juste après les attentats du 11 septembre parce que vous attendiez que votre ami obtienne son visa et que vous choisissiez de vous y rendre à des fins touristiques. Une autre préoccupation relative à la sécurité a été soulevée pendant votre entrevue du 10 mars 2016 en lien avec votre exposé des faits selon lequel vous avez fini par vous trouver par coïncidence dans un camp de personnes ouïgoures en Afghanistan qui suivaient une formation pour lutter pour la libération du Turkestan. Vous avez indiqué : « En Afghanistan, un groupe de personnes s’est rassemblé afin de suivre une formation pour lutter contre la Chine ». On ignore comment vous saviez qu’un groupe de personnes qui suivait une formation à cet endroit en vue de se battre si vous n’aviez aucun intérêt à vous battre. Vous avez indiqué « Lorsque je me trouvais avec les personnes qui luttaient pour l’indépendance du Turkestan, nous nous battions pour l’indépendance politique et pas la religion ». On ignore pourquoi vous diriez « nous nous battions » pour cet objectif si vous ne participiez pas vous-même à la lutte. Il y a des motifs raisonnables de croire que, vu que le groupe était armé et que vous avez affirmé que les membres de ce groupe s’étaient rendus en Afghanistan pour suivre une formation en vue de lutter contre les autorités chinoises et que vous avez habité avec ce groupe pendant trois mois, vous avez aussi suivi une formation pour vous battre pour les objectifs politiques du MITO. Les réponses que vous avez fournies pendant l’entrevue n’ont pas apaisé mes préoccupations.

[10]      Afin d’en arriver à ces conclusions, l’agente des visas a indiqué dans sa lettre qu’elle avait tenu compte [traduction] « des renseignements que [M. Mohammed] avait fournis, des renseignements que [M. Mohammed] a fournis pendant l’entrevue et de renseignements de source ouverte ». La seule entrevue dont il est question dans la lettre est la deuxième entrevue.

III.         Faits liés à la requête en vertu de l’article 87

[11]      Ce qui a mené le défendeur à déposer sa requête en vertu de l’article 87 de la Loi (la requête en vertu de l’article 87) est plutôt inhabituel.

[12]      Après avoir présenté leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le 29 septembre 2016, les demandeurs ont indiqué qu’ils n’avaient pas reçu les motifs écrits de la décision de l’agente des visas. Conformément au paragraphe 9(1) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (Règles CIPR), l’agente des visas était tenue de remettre une copie des motifs de sa décision. Le 4 octobre 2016, en réponse à cette demande, l’agente des visas a produit un document de neuf pages composé des notes qu’elle avait saisies dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) de la section des visas sur la demande de résidence permanente présentée par M. Mohammed. Ces notes renvoyaient uniquement à ce que M. Mohammed avait indiqué pendant la deuxième entrevue.

[13]      Le 10 novembre 2016, l’ancien avocat des demandeurs s’est plaint de l’absence des notes de la première entrevue et des « renseignements de source ouverte » sur lesquels l’agente des visas s’était fondée pour rendre sa décision, qui donnait lieu à une divulgation incomplète en vertu de la règle 9. Le défendeur n’était pas d’accord et affirmait que l’agente s’était acquittée de son obligation en vertu de la règle 9.

[14]      Le 23 décembre 2016, les demandeurs ont présenté une requête en vertu du paragraphe 14(2) des Règles CIPR afin d’obtenir une ordonnance demandant que le défendeur divulgue les notes de la première entrevue et les renseignements de source ouverte. En vertu du paragraphe 14(2) des Règles CIPR, le juge peut ordonner la production de documents sous la garde du décideur dont il estime qu’ils sont nécessaires pour décider de manière appropriée de l’issue de la demande d’autorisation.

[15]      Les demandeurs ont affirmé qu’ils n’étaient pas en mesure de préparer adéquatement le dossier de la demande sans ces renseignements — et la Cour d’exercer de manière appropriée son pouvoir d’accorder ou de refuser l’autorisation — étant donné qu’ils ignoraient tous deux l’ensemble des conclusions de l’agente des visas.

[16]      Le défendeur s’est opposé à la requête présentée par les demandeurs, en affirmant que les notes de la première entrevue (les notes) n’étaient pas nécessaires pour déterminer l’issue de la demande d’autorisation des demandeurs. Le défendeur a produit un affidavit de l’agente des visas à l’appui de son argument. L’affidavit indique que l’entrevue du 15 janvier 2015 a été menée par des « partenaires » et que l’agente des visas n’avait pas eu accès aux notes et n’en avait pas tenu compte pour rendre sa décision.

[17]      Le 15 février 2017, une juge de la Cour (la juge saisie de la requête) a accueilli la requête présentée par les demandeurs et a donc demandé au défendeur de produire, d’ici le 15 mars 2017, les notes et les renseignements de source ouverte sur lesquels l’agente des visas s’était fondée pour prendre sa décision (l’ordonnance en vertu de la règle 14 des Règles). Aucun motif n’a été présenté.

[18]      Le 27 février 2017, le défendeur a demandé le réexamen de l’ordonnance en vertu de la règle 14 des Règles CIPR, conformément à la règle 397 des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106], en affirmant que le juge saisi de la requête avait négligé ou omis par inadvertance la preuve produite par l’agente des visas selon laquelle elle n’avait pas pu consulter les notes, encore moins en tenir compte, afin de rendre sa décision. Le défendeur a indiqué, dans ses observations écrites, que, si la juge saisie de la requête devait maintenir la production de notes, une requête en vertu de l’article 87 de la Loi serait déposée au motif que la divulgation de ces renseignements pourrait porter atteinte à la sécurité nationale ou mettre en danger la sécurité d’autrui. Le défendeur a également suggéré de renvoyer l’affaire à un juge de la Cour chargé de trancher les questions liées à la sécurité nationale.

[19]      La requête en réexamen présentée par le défendeur a été rejetée le 22 mars 2017. La juge saisie de la requête a conclu que le défendeur n’avait pas réussi à cerner [traduction] « une question qui aurait dû être tranchée que j’ai négligé ou accidentellement omis de trancher ». La juge saisie de la requête a ajouté que le défendeur aurait la possibilité d’aborder ses arguments sur la pertinence [traduction] « à l’audience sur la demande ».

[20]      Le 27 mars 2017, le défendeur a divulgué les renseignements de source ouverte que la juge saisie de la requête lui avait ordonné de produire. En ce qui concerne les notes, le défendeur a donné suite à l’ordonnance en vertu de la règle 14 des Règles CIPR en présentant la requête en vertu de l’article 87 afin de protéger ces notes d’une divulgation. Cette requête a été déposée le 31 mars 2017 et a mené, comme il est indiqué au début des présents motifs, à la demande de nomination d’un avocat spécial présentée par les demandeurs.

[21]      Il semblerait que ce soit la première fois qu’une requête en vertu de l’article 87 de la Loi est présentée à l’étape de l’autorisation d’une procédure de contrôle judiciaire lancée en vertu de la Loi.

IV.        Étapes suivies pour trancher la question de l’avocat spécial

[22]      Dans la décision A.B. c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1140 (A.B.), le juge Simon Noël a indiqué qu’afin d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée pour nommer ou pas un avocat spécial en vertu de l’article 87.1 de la Loi, le juge président devait i) examiner les caviardages, ii) garder à l’esprit l’ensemble du dossier, iii) tenir au besoin une audience ex parte à huis clos, iv) demander une justification aux caviardages, v) s’interroger sur la pertinence telle qu’elle est présentée, vi) suggérer et, si nécessaire, ordonner le dévoilement des renseignements si leur retranchement n’est pas justifié en droit et en fait et vii) lire la décision visée par la procédure de contrôle judiciaire. C’est uniquement à ce moment, selon le juge Noël, à la lumière des connaissances acquises en suivant cette approche, que les normes d’équité et de justice naturelle seront mieux comprises et appliquées à l’affaire à l’étude (A.B., au paragraphe 9).

[23]      Conformément à cette approche, j’ai été informé pour la première fois des notes d’entrevue en question en convoquant une audience à huis clos, qui a eu lieu le 11 mai 2017, en présence d’un avocat et de l’auteure de l’affidavit classifié produit afin de soutenir la requête en vertu de l’article 87. Dans le cadre de cette audience, j’ai pu poser des questions à l’auteur sur les notes et sur les motifs sous-jacents à la demande de non-divulgation. J’ai aussi entendu les observations de l’avocat, qui a demandé, dans le cadre de ces observations, l’autorisation de produire un affidavit classifié supplémentaire. L’autorisation a été accordée. Le même jour, j’ai tenu une téléconférence sur la gestion de l’affaire avec l’avocat des demandeurs et du défendeur afin de les informer de la façon dont la question de l’avocat spécial serait tranchée.

[24]      Le 16 juin 2017, j’ai tenu une deuxième audience à huis clos avec l’avocat et l’auteur de l’affidavit classifié supplémentaire et j’ai de nouveau pu poser des questions sur les motifs sous-jacents à la demande de non-divulgation et entendre les observations de l’avocat. Les réponses aux engagements donnés à l’audience ont été présentées à la fin du mois de juillet 2017 par un autre affidavit classifié supplémentaire.

[25]      J’ai ensuite entendu les observations des deux parties sur la question de la nomination d’un avocat spécial dans le cadre d’une téléconférence tenue le 26 septembre 2017.

V.        Observations des demandeurs

[26]      Les demandeurs font valoir que, sans la nomination d’un avocat spécial, ils n’auront pas la possibilité d’être entendus et de présenter leur défense en ce qui concerne la requête en vertu de l’article 87 et la demande d’autorisation sous-jacente de la décision rendue par l’agente des visas. Ils indiquent que la nomination d’un avocat spécial en l’espèce constitue [traduction] « la seule façon pour la Cour de respecter un principe inhérent et fondamental d’équité sous-jacent au système juridique canadien ».

[27]      En particulier, ils soutiennent que le fait de n’avoir aucune idée de la teneur des notes nuit à leur capacité de répondre à la requête en vertu de l’article 87 et de connaître l’identité de la personne qui a interrogé M. Mohammed et l’organisme pour lequel elle travaille. En retour, cela nuit à leur capacité de savoir quels droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) entrent en jeu. Plus particulièrement, les demandeurs prétendent que les droits de M. Mohammed en vertu de la Charte seraient engagés si des intervenants de l’État canadien avaient permis à des agents d’un État étranger d’interroger M. Mohammed au consul canadien à Tirana sous prétexte de collecter des renseignements dans le cadre de la demande de résidence permanente de M. Mohammed. Ils ajoutent que ces renseignements seraient encore plus importants étant donné que M. Mohammed est un ancien détenu de Guantanamo Bay. Seule la présence d’un avocat spécial peut, selon eux, empêcher l’introduction, dans la procédure en l’espèce, de renseignements et de preuves issus de la détention de M. Mohammed à Guantanamo Bay qui ne sont ni fiables ni appropriés.

[28]      Les demandeurs indiquent aussi que les renseignements non divulgués en l’espèce sont beaucoup plus importants que ceux dans les dossiers où la Cour a refusé de nommer un avocat spécial, puisque, contrairement à ces dossiers, l’application de la Charte dans la procédure en l’espèce peut dépendre des renseignements caviardés, des affidavits secrets produits à l’appui de la requête en vertu de l’article 87 ou de renseignements pouvant provenir d’un contre-interrogatoire des auteurs de ces affidavits. Ils précisent que, dans les cas où l’on a refusé de nommer un avocat spécial, il a été conclu que les documents non divulgués étaient minimes par rapport aux documents divulgués, tandis qu’en l’espèce, ces documents sont importants et vastes, selon eux.

[29]      Les demandeurs indiquent aussi que la non-divulgation des notes les empêche d’aborder les préoccupations relatives à la crédibilité soulevées par l’agente des visas et empêche la Cour de les apprécier de façon préliminaire. Ils soutiennent que seul l’ensemble complet des déclarations faites par M. Mohammed, qui comprendrait celles faites au cours de la première entrevue, peut permettre à la Cour et à eux d’aborder adéquatement cette question.

[30]      Enfin, les demandeurs font valoir que les facteurs établis dans l’arrêt de principe Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker), favorisent considérablement un degré élevé d’équité procédurale afin de déterminer s’il faut nommer un avocat spécial en l’espèce. Ils affirment que, contrairement aux décisions relatives aux demandes de résidence permanente présentées de l’étranger, qui sont de nature administrative et qui justifient un degré minime d’équité procédurale, les décisions liées à la non-divulgation de renseignements et à la nomination d’un avocat spécial en vertu des articles 87 et 87.1 de la Loi sont de nature judiciaire et exigent donc une protection procédurale accrue. Dans la mesure où cette distinction importante a été négligée, ils indiquent que des décisions antérieures de la Cour fédérale sur de telles questions [traduction] « ont mal interprété le contexte approprié dans lequel il faut mesurer l’obligation d’équité procédurale à l’égard des ressortissants étrangers ».

VI.        Discussion

[31]      La Cour a affirmé à un certain nombre de reprises que les dispositions de la Loi relatives à l’avocat spécial ont été instaurées à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 2 R.C.S. 350 (Charkaoui). Dans cette affaire, la Cour suprême avait déterminé que les contestations de l’équité du processus menant à une expulsion possible et la perte de liberté liée à la détention dans le contexte des certificats de sécurité délivrés en vertu de la Loi soulevaient des questions importantes de liberté et de sécurité. À cet égard, elle avait donc conclu que l’article 7 de la Charte était engagé. Elle a conclu que, pour satisfaire à l’analyse de l’article 7, la protection doit être véritable et substantielle lorsqu’il s’agit de déterminer si les exigences de base de l’équité procédurale ont été respectées de la façon habituelle ou d’une autre façon propre au contexte, en ce qui concerne l’objectif du gouvernement et l’intérêt de la personne désignée (Charkaoui, aux paragraphes 18 et 27; voir aussi : Malkine c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 496, au paragraphe 20; Farkhondehfall c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1064 (Farkhondehfall), au paragraphe 28; Kanyamibwa c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 66, [2011] 1 R.C.F. 423, au paragraphe 43).

[32]      Le système de l’avocat spécial a été désigné dans l’arrêt Charkaoui comme un exemple de solution de rechange moins intrusive pour rapprocher les demandes au titre de la sécurité nationale et les protections procédurales garanties par la Charte (Charkaoui, aux paragraphes 86 et 87).

[33]      Au lendemain de l’arrêt Charkaoui, le Parlement a rendu obligatoire la nomination d’un avocat spécial dans les procédures de certificat de sécurité. Dans d’autres types de dossiers d’immigration, toutefois, la nomination d’un avocat spécial demeurait à la discrétion du juge président désigné. Dans ces cas, comme le libellé de l’article 87.1 le prévoit clairement, un avocat spécial sera nommé uniquement si le juge président désigné est d’avis que les considérations d’équité et de justice naturelle requièrent une telle nomination en vue de la défense des intérêts du demandeur (Farkhondehfall, au paragraphe 29; Karakachian c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 948 (Karakachian), au paragraphe 24; Afanasyev c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 737 (Afanasyev), au paragraphe 24).

[34]      Il n’y a donc aucun droit absolu à la nomination d’un avocat spécial lorsqu’une audience à huis clos est demandée en vertu de l’article 87 de la Loi (Dhahbi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 347, au paragraphe 21). Selon le libellé même de l’article 87, les instances présentées en vertu de cette disposition, qui sont régies par la procédure indiquée à l’article 83 de la Loi applicable aux questions liées au certificat de sécurité, ne sont pas assujetties à l’obligation de nommer un avocat spécial.

[35]      Le droit de connaître la preuve à réfuter, même s’il revêt une importance primordiale, n’est pas absolu non plus. À ce jour, les tribunaux canadiens ont refusé de reconnaître l’avis et la participation comme des normes constitutionnelles invariables. L’approche à l’égard de l’équité procédurale demeure, comme il est indiqué dans l’arrêt Baker, propre au contexte (Baker, au paragraphe 21; Charkaoui, au paragraphe 57).

[36]      Il en va de même pour le principe de transparence judiciaire, qui, malgré sa nature fondamentale dans notre système juridique, demeure assujetti à quelques exceptions, dont les considérations liées à la sécurité nationale. Comme la Cour l’a indiqué dans la décision Karakachian, au paragraphe 21 « les tribunaux canadiens ont reconnu à de nombreuses reprises la constitutionnalité d’audiences tenues à huis clos ou ex parte lorsque des considérations relatives à la sécurité nationale le requièrent ». Les demandeurs soulignent à juste titre, cependant, que ces exceptions doivent bien évidemment être définies et examinées au cas par cas (Afanasyev, au paragraphe 22).

[37]      Avec ces principes à l’esprit, la Cour s’est employée à déterminer un certain nombre de facteurs à prendre en considération afin d’établir si l’équité et la justice naturelle exigent la nomination d’un avocat spécial. Parmi ces facteurs, notons le degré d’équité procédurale dû au demandeur, l’ampleur de la non-divulgation, l’importance et la valeur probante des renseignements visés par la non-divulgation et la capacité du demandeur à présenter sa défense (Farkhondehfall, aux paragraphes 31 à 41; Jahazi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 242, [2011] 3 R.C.F. 85 (Jahazi), au paragraphe 30).

[38]      Il est de droit constant que l’obligation d’équité procédurale est souple et variable et qu’elle repose sur une appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés (Baker, au paragraphe 21; Farkhondehfall, au paragraphe 33). Encore une fois, un certain nombre de facteurs sont pertinents pour le degré d’équité procédurale qui sera dû dans un cas donné : 1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; 2) la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l’organisme; 3) l’importance de la décision pour la personne touchée; 4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; 5) les choix de procédure que l’organisme fait lui-même (Baker, aux paragraphes 23 à 27).

[39]      La Cour a été appelée à déterminer si les considérations liées à l’équité et à la justice naturelle exigent de nommer un avocat spécial dans le contexte d’une requête présentée en vertu de l’article 87 de la Loi dans les cas où la décision sous-jacente contestée est, comme c’est le cas en l’espèce, celle d’un agent des visas qui a rejeté une demande de résidence permanente présentée à l’étranger. À ce jour, elle a toujours conclu que l’obligation d’équité due à la personne touchée par une telle décision est minimale (Karakachian, au paragraphe 26).

[40]      C’est généralement le cas pour les raisons qui suivent   :

a)    La personne touchée — un non-citoyen — n’a pas le droit d’entrer ou de demeurer au Canada;

b)    Cette personne ne fait pas l’objet d’une mise en détention ou d’une mesure de renvoi, contrairement aux personnes nommées dans des certificats de sécurité;

c)    Les répercussions pour cette personne entraînées par la décision de refuser sa demande de résidence permanente, même si elles peuvent être graves, ne font pas entrer en jeu ses droits garantis par la Charte;

d)    Les décisions rendues par des agents des visas afin d’accueillir ou de rejeter une demande de résidence permanente présentée à l’étranger sont hautement discrétionnaires.

(Jahazi, au paragraphe 32.)

[41]      Comme ils l’ont dit précédemment, les demandeurs soutiennent que cette approche à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker est erronée puisqu’elle ne tient pas compte du contexte approprié dans lequel il convient de mesurer l’obligation de l’équité procédurale à l’égard de ressortissants étrangers qui sont confrontés à une demande de non-divulgation en vertu de l’article 87 de la Loi. Ils soutiennent que les facteurs exposés dans l’arrêt Baker doivent se situer à l’intérieur du régime que le Parlement a créé pour la nomination discrétionnaire d’avocats spéciaux en vertu de l’article 87.1. Selon eux, il signale une intention claire de mettre à la disposition des ressortissants étrangers un avocat spécial dans leur position et qu’il comprend l’exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire, plutôt que quasi judiciaire ou administratif. Autrement dit, c’est le contexte menant aux décisions à prendre en vertu des articles 87 et 87.1 qui importe, plutôt que celui menant à la décision de refuser la demande de résidence permanente. Ce contexte, poursuivent les demandeurs dans leur argument, justifie un niveau élevé de protection procédurale en raison de la nature judiciaire des décisions à rendre. Selon ma compréhension, l’argument signifie que la nomination d’un avocat spécial dans le cadre d’une requête en vertu de l’article 87 devrait constituer la norme, et l’absence de nomination, l’exception.

[42]      Si j’acceptais cette observation, je m’écarterais donc des décisions antérieures de la Cour sur cette question, ce que le principe du comité judiciaire dissuade de faire afin d’empêcher la création de courants jurisprudentiels contradictoires et de promouvoir ainsi la certitude en droit (Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2012 CAF 308 (Apotex), aux paragraphes 43 à 48; Alyafi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 952 (Alyafi), aux paragraphes 42 à 45). Ce principe, tel que la Cour l’applique, se fonde sur le fait qu’un juge « ne doit pas écarter les conclusions de droit tirées par un autre juge de la Cour fédérale, à moins d’être convaincu qu’il est nécessaire de le faire » (Apotex, au paragraphe 48). Il peut être jugé nécessaire d’écarter une décision lorsque le juge est convaincu que la décision de l’autre juge est erronée (Apotex, au paragraphe 47; Alyafi, au paragraphe 44).

[43]      En l’espèce, avec tout le respect que je dois aux demandeurs, je ne vois aucune raison d’écarter ce qui constitue jusqu’à présent pour la Cour un courant jurisprudentiel clair et non conflictuel. Les demandeurs et moi n’avons pas la même compréhension du contexte approprié devant éclairer l’évaluation des facteurs exposés dans l’arrêt Baker dans une situation comme celle en l’espèce. D’abord, il faut nuancer la prétention des demandeurs selon laquelle le législateur entendait clairement mettre à la disposition des ressortissants étrangers dans leur position un avocat spécial. Comme je l’ai précisé plus tôt, le législateur a expressément éliminé l’obligation de nommer un avocat spécial (et de présenter un sommaire des renseignements non divulgués) dans le contexte des requêtes présentées en vertu de l’article 87 de la Loi. Cela signifie qu’en règle générale, de telles requêtes seront étudiées sans la participation d’un avocat spécial. Nous avons vu qu’une telle participation ne peut se produire que dans les cas où un juge désigné de la Cour est d’avis que les considérations d’équité et de justice naturelle requièrent la nomination d’un avocat spécial en vue de la défense des intérêts du demandeur. Cela dénote, à mon avis, une approche moins généreuse à l’égard des droits de participation que celle présentée par les demandeurs.

[44]      Ensuite, le pouvoir discrétionnaire dont jouit la Cour en vertu de l’article 87.1 vise à défendre les intérêts du résident permanent ou du ressortissant étranger. Il ne peut s’agir, en fin de compte, que des intérêts du demandeur à l’égard de l’issue de la procédure sous-jacente de contrôle judiciaire et de sa capacité à présenter sa défense à cet égard. Lorsque l’affaire porte sur des questions d’équité procédurale et sur le rejet d’une demande de résidence permanente présentée à l’étranger, comme c’est le cas en l’espèce, le contexte approprié est celui où, comme la Cour d’appel fédérale l’a déterminé dans l’arrêt Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, [2002] 2 C.F. 413, au paragraphe 31, l’obligation d’équité à l’égard du ressortissant étranger est minime. Il s’agit là, sans aucun doute, d’une considération contextuelle pertinente puisqu’elle informe sur la nature et l’importance des droits en jeu.

[45]      On ne peut évincer une telle considération pour le simple fait que la Cour est appelée à trancher, en tant que question interlocutoire à la procédure principale sous-jacente, s’il faut empêcher des renseignements liés au dossier d’être divulgués et si, ce faisant, il faut nommer un avocat spécial en vue de la défense des intérêts du demandeur. Dans de tels cas, les droits de participation du demandeur, comme nous l’avons vu, sont précisément limités : ils ne sont pas établis en tant que droit prévu par la loi, contrairement à ce que la Loi prévoit pour les procédures de certificat de sécurité; ils demeurent plutôt à la discrétion de la Cour et ils dépendent considérablement de la nature et du contexte de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente.

[46]      Les demandeurs affirment aussi que les facteurs exposés dans l’arrêt Baker militent en faveur d’un contenu plus vaste de l’obligation d’équité procédurale. En effet, les droits qui leur sont conférés en vertu de la Charte entrent possiblement en jeu parce que la première entrevue aurait pu servir d’excuse afin de permettre à des représentants d’un état étranger d’interroger M. Mohammed sous prétexte de collecter des renseignements dans le cadre de sa demande de résidence permanente. Ils prétendent que c’est fort probable vu que M. Mohammed est un ancien détenu de Guantanamo Bay.

[47]      Après examen des notes de la première entrevue, je peux uniquement affirmer que cette crainte n’est pas fondée.

[48]      Les demandeurs soutiennent aussi que l’ordonnance en vertu de la règle 14 des Règles CIPR a donné ouverture à une attente légitime qu’une personne ait la permission de prendre la place de leur avocat et de défendre leurs intérêts liés à la divulgation dans le cadre de la requête en vertu de l’article 87 afin de maintenir la primauté du droit et le souci de la justice. À première vue, on pourrait dire que l’ordonnance en vertu de la règle 14 des Règles CIPR a effectivement donné ouverture à une attente légitime que les notes soient présentées à la Cour et aux demandeurs. Dans le contexte de l’immigration, cette ordonnance n’était qu’une étape du processus judiciaire qui pourrait mener à la divulgation de ces notes vue les considérations relatives à la sécurité nationale en jeu.

[49]      Même s’il est malheureux que la requête en vertu de l’article 87 n’ait pas été présentée plus tôt dans le processus, la Cour en est officiellement saisie et elle pose la question importante visant à déterminer s’il est possible d’exécuter d’ordonnance en vertu de la règle 14 des Règles CIPR à la lumière de ces considérations. Il faut donc modérer toute attente légitime issue de cette ordonnance étant donné la possibilité qu’une requête en vertu de l’article 87 soit déposée afin de protéger les notes d’une divulgation. Les demandeurs, ainsi que le juge saisi de la requête, ont été informés que cette possibilité inévitable quand le défendeur a présenté sa requête en réexamen. Le juge saisi de la requête, qui n’était pas un juge désigné, n’avait aucun pouvoir pour poursuivre l’affaire et aborder cet aspect de la demande de divulgation des notes présentée par les demandeurs, ce qui s’inscrit considérablement dans le régime établi par le législateur pour le traitement des procédures de contrôle judiciaire amorcées en vertu de la Loi.

[50]      Autrement dit, on ne peut lire et appliquer la règle 14 des Règles CIPR seule. L’ordonnance en vertu de la règle 14 des Règles CIPR ne constituait donc pas la fin de la route menant à la divulgation ou à la non-divulgation des notes d’entrevue attaquées. Les demandeurs le savaient ou auraient dû le savoir. Je n’arrive donc pas à voir en quoi cette ordonnance pouvait raisonnablement avoir donné lieu à une attente raisonnable selon laquelle les notes seraient divulguées ou un avocat spécial serait nommé.

[51]      En somme, je ne vois aucune raison d’écarter la jurisprudence de cette Cour sur l’application des facteurs établis dans l’arrêt Baker aux demandes de nomination d’un avocat spécial présentée par des demandeurs de résidence permanente résidant à l’étranger dont la demande a été refusée, dans le contexte des requêtes présentées en vertu de l’article 87 de la Loi. Autrement dit, je n’accepte pas l’application étendue de ces facteurs en l’espèce, comme l’ont recommandé les demandeurs.

[52]      Ceci m’amène aux autres facteurs établis par la Cour dans l’examen d’une demande présentée en vertu de l’article 87.1 de la Loi. Comme je l’ai déjà indiqué, ces facteurs sont l’ampleur de la non-divulgation, l’importance et la valeur probante des renseignements visés par la non-divulgation et la capacité du demandeur à présenter sa défense. La Cour, dans la décision Farkhondehfall, fait remarquer qu’aucun de ces facteurs ne sera nécessairement déterminant, puisque la Cour a comme mission de « d’établir un équilibre entre des considérations concurrentes afin d’en arriver à un résultat équitable » (Farkhondehfall, au paragraphe 31).

[53]      Les demandeurs soutiennent que la non-divulgation en l’espèce est beaucoup plus importante et étendue que celles dans les autres instances où la Cour a refusé de nommer un avocat spécial en vertu de l’article 87.1 parce que les renseignements caviardés étaient minimes ou sans importance. Dans la décision Jahazi, le juge Yves de Montigny, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, a rappelé que la mesure de la non-divulgation ne constituait pas qu’un simple exercice quantitatif, mais exigeait aussi de tenir compte de l’importance des renseignements caviardés.

[54]      En l’espèce, je précise qu’il est difficile d’évaluer ce facteur d’un point de vue quantitatif, puisque nous nous trouvons à l’étape de l’autorisation de la procédure de contrôle judiciaire des demandeurs. Par conséquent, contrairement à ce qui était le cas dans les autres instances où elle était saisie de requêtes concurrentes déposées en vertu des articles 87 et 87.1 la Cour ne possède pas le dossier certifié du tribunal (DCT), qui, conformément à la règle 17 des Règles CIPR, devra être présenté par le « tribunal » une fois l’autorisation accordée. Le DCT comprend entre autres [traduction] « tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif » et « les affidavits et autres documents déposés lors de l’audition ». Par exemple, les renseignements de source ouverte sur lesquels l’agente des visas s’est fondée pour rendre sa décision, qui ont été divulgués aux demandeurs conformément à l’ordonnance en vertu de la règle 14 des Règles CIPR, feraient probablement partie du DCT et en représenteraient 70 pages.

[55]      Du point de vue de l’importance, M. Mohammed avoue que les mêmes sujets ont été abordés au cours des deux entrevues. Dans l’affidavit qu’il a signé en réponse à la requête en vertu de l’article 87, M. Mohammed présente un compte rendu détaillé de ses souvenirs liés à la première entrevue. Il ne s’agit donc pas d’une instance où le demandeur ignore les renseignements que l’on refuse de lui divulguer, mais plutôt où il ignore l’interprétation possible dont ils ont fait l’objet. Dans la décision Karakachian, le juge de Montigny a conclu qu’une telle situation « ne [lui paraissait] pas un motif valable pour nommer un avocat spécial » (Karakachian, au paragraphe 27). J’adhère respectueusement à l’opinion du juge de Montigny, d’autant plus qu’en l’espèce, l’agente des visas n’a pas tenu compte des notes au moment de prendre sa décision et que le défendeur n’entend pas se fonder sur ces dernières pour défendre cette décision.

[56]      Pour les mêmes motifs, je conclus que l’importance et la valeur probante des renseignements visés par la non-divulgation ne requièrent pas la nomination d’un avocat spécial. Lorsqu’on lit l’ordonnance en vertu de la règle 14 des Règles CIPR et l’ordonnance rejetant la requête en réexamen présentée par le défendeur ensemble, il me semble que le juge saisi de la requête a pris du recul par rapport à la pertinence, malgré la preuve selon laquelle l’agente des visas n’avait pas consulté les notes et n’en avait pas tenu compte au moment de rendre sa décision, afin de laisser le dernier mot sur cette question au juge. Je crois que c’est ce qu’elle voulait dire lorsqu’elle a écrit, dans son ordonnance refusant la requête en réexamen, que le défendeur aurait l’occasion d’aborder ses « arguments sur la pertinence » à l’« audience sur la demande », ce qui ne peut uniquement renvoyer, dans le contexte de l’immigration, à l’étape de l’autorisation de la demande.

[57]      On peut difficilement dire que les notes, que l’agente des visas n’a pas consultées et dont elle n’a pas tenu compte au moment de rendre sa décision et que le défendeur n’entend pas utiliser pour défendre cette décision, même si elles sont « pertinentes » au sens où elles portent sur une entrevue tenue dans le cadre du traitement de la demande de résidence permanente présentée par M. Mohammed, sont « importantes » au point de permettre, dans un tel contexte, l’annulation de la décision (Yadav c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 140, au paragraphe 37; voir aussi El Dor c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1406; Aryaie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 469, aux paragraphes 23 à 27).

[58]      Les demandeurs insistent sur le fait que les notes sont importantes pour trancher la question de savoir si leurs droits conférés en vertu de la Charte entrent en jeu. Comme je l’ai déjà indiqué, cet argument se fonde sur une appréhension aucunement fondée sur les faits en l’espèce.

[59]      Enfin, je suis convaincu que la non-divulgation des notes, si la requête en vertu de l’article 87 était accueillie, n’empêcherait pas les demandeurs de se prévaloir de tous les moyens pour contester la décision attaquée. Comme le défendeur le précise à juste titre, il est bien au fait des motifs pour lesquels M. Mohammed a été déclaré interdit de territoire en raison de son statut de membre d’une organisation terroriste. La lettre de décision de l’agente des visas et les notes de la deuxième entrevue montrent le fondement des préoccupations de l’agente liées à l’interdiction de territoire au sujet de l’appartenance de M. Mohammed à une organisation terroriste. Dans ces notes, il est indiqué que M. Mohammed a déclaré s’être rendu en Afghanistan, où il a finalement passé trois mois avec un groupe de personnes qui se battaient pour l’objectif politique de l’indépendance du Turkestan; que le groupe était armé et qu’il avait vu des kalachnikovs dans la grotte où il habitait avec son groupe; que les autorités américaines appelaient peut-être ce groupe le MITO; qu’il partageait la vision politique du groupe et qu’il avait voyagé avec le groupe pendant trois mois.

[60]      Les préoccupations de l’agente des visas relatives à la crédibilité sont aussi exprimées de façon convaincante dans sa lettre de décision et dans les notes de la deuxième entrevue.

[61]      Autrement dit, je suis convaincu que les demandeurs ont un accès jusqu’à maintenant à l’essentiel des renseignements sur lesquels l’agente des visas s’est appuyée pour refuser le visa de résident permanent demandé par M. Mohammed. Ils sont donc en mesure, selon moi, de présenter leur défense (Karakachian, au paragraphe 28). Je crois qu’il est aussi important de souligner qu’à cette étape de leur procédure de contrôle judiciaire, les demandeurs n’ont qu’à prouver que leur contestation de la décision rendue par l’agente des visas soulève une cause relativement défendable. Il convient donc de mesurer la capacité des demandeurs à présenter leur défense selon un seuil beaucoup plus bas que celui applicable une fois l’autorisation accordée. L’effet combiné de ces considérations ne soutient pas, à mon avis, la demande de nomination d’un avocat spécial dans les circonstances en l’espèce.

[62]      Étant donné que je suis convaincu que les demandeurs ne seront victimes d’aucune injustice, je conclus qu’il n’y a pas motif à nommer un avocat spécial pour garantir l’équité procédurale devant la Cour.

[63]      La requête en vertu de l’article 87 sera traitée dans une ordonnance distincte.

LA COUR STATUE que la requête pour nomination d’un avocat spécial présentée par les demandeurs est rejetée.

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