[1970] R.C.É. D'AUTEUIL LUMBER CO. v. M.R.N. 415 [TRADUCTION] D'auteuil Lumber Co. Ltd (Appelante) v. Ministre du Revenu national (Intimé) Le président Jackett—Ottawa, le 28 janvier et le 5 mars, 1970. Impôt sur le revenu—Coût en capital—Biens en partie expropriés et en partie cédés en échange d'autres biens—Détermination du coût en capital des biens acquis— Égalité de la valeur des biens acquis et de la valeur des biens cédés.—Loi de l'im-pôt sur le revenu, art. 11(1)a), Règlement 1100(1)e). L'appelante possédait un domaine d'exploitation forestière dans la province de Québec. En 1953, la Province a exproprié une partie du domaine. En 1956, l'appelante a accepté une concession de droits de coupe dans une autre région du Québec, en contre-partie de sa renonciation aux droits qu'elle avait contre la Province à l'égard de la parcelle expropriée du domaine et de la cession du reste du domaine à la province. L'appelante a prétendu que le coût en capital des droits de coupe, aux fins d'allocations de coût en capital en vertu de l'article 11(1)a) et du Règlement 1100(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu, était leur valeur au moment de leur acquisition, que l'appelante a évaluée à $2,887,000. Le ministre a soutenu que le coût en capital était (1) la valeur du domaine d'exploitation forestière aux dates respectives de l'expropriation et de la cession, plus les dom-mages et intérêts, montant qu'il a estimé à environ $445,000. Jugé: Pour l'appelante, le coût en capital des droits de coupe qu'elle a acquis en 1956 était la valeur qu'elle a abandonnée pour les obtenir, soit a) l'indemnité à laquelle elle avait alors droit (y compris les intérêts, le cas échéant) en raison de l'expropriation de 1953, plus b) la valeur du reste du domaine d'exploitation forestière que l'appelante a cédé en 1956 à la Province. Ottawa Valley Power Co. v. M.N.R. [1969] 2 R.C.E. 64, expliqué. APPEL en matière d'impôt sur le revenu. M. Régnier et C. Tremblay pour l'appelante. A. Garon, c.r., et J.C. Sarrazin pour l'intimé. LE PRÉSIDENT JACKETT-11 s'agit d'un appel interjeté par l'appelante de la nouvelle cotisation, établie conformément à la partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour l'année d'imposition 1957, où le seul point en litige entre les parties est la fixation correcte du «coût en capital» de certains droits «de coupe de bois sur un domaine d'exploitation forestière», pour servir à l'éta-blissement, en vertu de l'Annexe C du Règlement de l'impôt sur le revenu, du montant de la déduction à laquelle peut prétendre le contribuable, en vertu de l'article 11(1) a) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'article 1100 (1) e) du Règlement, dans le calcul de son revenu pour l'année, à l'égard de ces droits. Pour préciser la question en litige dans cet appel, il suffira d'établir les faits très brièvement et sans entrer dans les détails. Avant 1953, l'appelante possédait un domaine d'exploitation forestière, situé en partie dans le comté de Rimouski et en partie dans le comté de Témiscouata. En 1953, la Province de Québec a exproprié la partie de ce domaine qui se trouvait dans le comté de Rimouski, soit quatre-vingt quinze pour cent de l'ensemble du domaine. En 1956, est entré en vigueur un accord entre la Province de Québec et l'appelante, selon lequel l'appelante
[19701 R.C.E. D'AUTEUIL LUMBER CO. v. M.R.N. 417 acceptait une concession de droits de coupe à trois endroits différents—appelés le Chemin-des-Marais, les Rivières-aux-Vases et Picauba—contre la renoncia-tion à ses droits contre la Province à la suite de l'expropriation de la partie du domaine située dans le comté de Rimouski, ainsi que le transfert à la Province de la partie située dans le comté de Témiscouata. L'appelante prétend que, dans ces circonstances, le «coût en capital» de ses droits de coupe récemment acquis était, aux fins de l'article 11(1) a), leur valeur au moment de l'acquisition (pour simplifier, je ne mentionnerai pas certaines autres dépenses d'acquisition), qu'elle a fixé, pour sa compta-bilité, à $2,887,500; et elle a considéré la différence entre ce montant et le coût (coût en capital non déprécié) dudit domaine de Rimouski et Témis-couata (soit $349,586.55) comme un «gain en capital», qu'elle a crédité en solde excédentaire. Le «gain en capital», ainsi évalué, était de $2,537,913.45. D'autre part, l'intimé, d'après les allégations contenues dans sa réponse à l'avis d'appel, a cotisé l'appelante en prenant pour hypothèse que le «coût» des droits de coupe en question devait être évalué selon a) la valeur de la partie du domaine située dans le comté de Rimouski (soit la partie expropriée du domaine), au moment de l'expropriation, b) les dommages consécutifs à l'expropriation, c) l'intérêt, à partir de l'expropriation jusqu'au règlement, et, d) la valeur de la partie du domaine située dans le comté de Témiscouata soit la partie non expropriée du domaine) à l'époque de sa cession à la Province, en 1956. et que le total de ces montants s'élevait à $445,169.30. Dans ces circonstances, les avocats des deux parties ont convenu de dé-battre l'appel à partir du principe qu'aucune d'elles n'apporterait d'éléments de preuve relatifs à la juste valeur marchande ou à toute autre valeur applicable en l'espèces, de faire juger l'appel en fonction de l'article 100(5)c) (iv) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et de faire déférer la cotisation à l'intimé par la Cour, pour plus ample étude et nouvelle cotisation en conformité des conclusions du tribunal. Étant donné les problèmes et les frais d'une audience où l'on tenterait d'établir des faits à l'appui des diverses théories possibles, ce principe me paraît judicieux. Il est admis de part et d'autre qu'il s'agit ici de déterminer quel était, pour l'appelante, le «coût en capital» (au sens de ces termes à l'article 11(1)a)) des droits de coupe qu'elle a acquis en 1956. II me semble que, dans ce contexte, on doit donner à l'expression «coût en capital» le simple sens de «coût». La question revient donc à celle-ci: quel était le coût des droits de coupe pour l'appelante? Il me semble, à 111 était manifeste, d'après le déroulement de l'audience, que chacune des parties con-testait non seulement le principe appliqué par l'autre, mais aussi, même et admettant la valeur du principe, la somme obtenue par l'autre. S'il y avait lieu de douter que la formulation de l'avis d'appel et de la réponse permette de soulever ces questions secondaires, il faudrait accorder l'autorisation d'y apporter les amendements nécessaires.
[1970] R.C.É. D'AUTEUIL LUMBER CO. v. M.R.N. 419 première vue, que le coût des droits de coupe pour l'appelante est ce à quoi cette dernière a «renoncé», pour les obtenir 2, soit a) l'indemnité à laquelle elle avait droit (y compris l'intérêt, s'il y a lieu), à la date pertinente en 1956 . , à raison de l'expropriation de 1953, plus b) la valeur de la partie du domaine située dans le comté de Témiscouata qu'elle a cédée à la Province de Québec, au même moment. Il ne me paraît y avoir aucune différence entre cette manière de voir et la conception que m'a fait valoir l'intimé3. J'ai cru comprendre, d'après la thèse qu'a défendue l'appelante, très brillamment d'ailleurs, que la transaction unique passée en 1956, entre l'appelante et la province comprenait en fait deux transactions, à savoir, a) une transaction par laquelle l'appelante renonçait, moyennant contre-partie à tous ses droits contre la province à raison de l'expropriation, et cédait à cette dernière la partie du domaine située dans le comté de Témiscouata, et b) une transaction par laquelle l'appelante acquérait les droits de coupe, moyennant la même «contrepartie», et que, étant donné que le montant de cette «contrepartie» constituait la valeur des droits de coupe'', il faut considérer que la valeur des droits de coupe comprenait non seulement ce que l'appelante a reçu de la Province mais aussi ce qu'elle lui a donné pour les droits de coupe. En raisonnant ainsi, si j'ai bien compris l'avocat, on parvient à la conclusion que le coût en capital des droits de coupe pour l'appelante est la valeur des droits de coupe au moment de leur acquisition. Avant d'aller plus loin, je dois ajouter que je reconnais que la transaction de 1956 entre la province de Québec et l'appelante a été conclue à distance entre des parties ayant toutes deux pleine capacité pour veiller sur leurs intérêts, et qu'il est par conséquent raisonnable de présumer l'équivalence entre les prestations de chacune des parties. 5 Tout écart entre la valeur s Voir l'exposé du juge Cameron dans Tuxedo Holdin Co. Ltd. v. Minister of National Revenue [1959] Ex. C.R. 390, aux pages 403-404. 8 Si j'ai bien compris ce qu'a exposé l'avocat de l'appelante, il s'est exprimé, en ce qui a trait au fonds exproprié, de la façon suivante: «The indemnity to which the appelant would have been entitled as a result of the expropriation by virtue of the laws of the Province of Québec including any interest ... to that date.. (Traduction: «L'indemnité à laquelle aurait eu droit l'appelante à raison de l'expropriation, selon le droit de la province de Québec, y compris l'intérêt ... jusqu'à cette date.) ' Voir l'article 139(1)a): 139. (1) Dans la présente loi, a) «montant. signifie des sommes d'argent, droits ou choses exprimés en fonction du montant d'argent, ou la valeur en argent du droit ou de la chose; C'est pourquoi l'argument tiré par l'appelant de l'obligation légale de payer l'indemnité à même le Fonds du revenu consolidé ne m'est d'aucun secours dans la détermination du principe qu'il convient d'appliquer. J'en déduis simplement qu'il faut présumer que les parties ont convenu d'un montant représentant à la fois l'indemnité payable (ainsi que la valeur de la partie du domaine située dans le comté de Témiscouata) et la valeur des droits de coupe, et qu'il faut considérer ce montant comme ayant été versé au Fonds du revenu consolidé en contrepartie des droits de coupe, et payé à même le Fonds à titre d'indemnité d'expropriation (et de contre-partie à la cession du reste du domaine). Le résultat est le même, que l'on procède d'abord à l'évaluation des droits de coupe ou à la fixation de l'indemnité payable. Pour ce qui a trait à la probabilité d'équivalence entre deux biens échangés, voir le jugement du vicomte Buckmaster dans Westminster Bank v. Osier (1932) 17 T.C. 381, à la page 402.
[1970] R.C.E. D'AUTEUIL LUMBER CO. v. M.R.N. 421 marchande, en 1953, du domaine de Rimouski et de Témiscouata et la valeur, en 1956, des droits de coupe acquis cette année-là s'explique proba-blement par le fait que l'indemnité à laquelle avait droit l'appelante à raison de l'expropriation de son domaine forestier, sur lequel elle exploitait proba-blement son entreprise, était très différente de la valeur marchande du domaine à l'époque où elle en a fait l'acquisition. Je n'ai naturellement à ma disposition aucun renseignement sur lequel je puisse m'appuyer pour donner une évaluation de l'indemnité, mais je conçois que sa détermination soit une question très complexe, impossible à trancher sans une procédure équivalente à celle qu'il aurait été nécessaire d'engager entre la Province et l'appelante, à défaut d'accord sur un règlement. N'étant pas certain d'avoir compris la portée exacte de l'argument de l'appelante, je lui ai demandé de l'exprimer par écrit, ce qu'il a fait dans le document dont voici un extrait: Étant donné que nos arguments, en ce qui a trait au coût en capital des droits de coupe, sont essentiellement les mêmes pour les parties expropriée et échangée du domaine, nous examinerons tout d'abord le coût en capital des droits de coupe concédés à titre d'indemnité pour la partie expropriée et nous ferons à la fin de cet exposé, un bref commentaire sur l'autre partie. L'expropriation d'un domaine d'exploitation forestière donnait à l'appelant droit à une indemnité, en vertu de la législation autorisant l'expropriation, soit le chapitre 38 des Status du Québec de 1951. A l'issue des négociations entre l'appe-lante et le gouvernement de la province de Québec, les parties sont parvenues à un accord selon lequel le gouvernement devait transférer à l'appelante certains droits de coupe en paiement de toutes réclamations que l'appelante pourrait faire valoir à la suite de l'expropriation (voir en particulier, la page 7 de l'acte du 9 mai 1956, soit la page 51 de la documentation produite au procès). Bien que le différend ait été réglé en une seule transaction, le marché con- venu entre les parties se composait des deux éléments fondamentaux suivants: a) le paiement de l'indemnité; et, b) le transfert des droits de coupe à l'appelante, qui auraient pu faire l'objet de deux transactions distinctes. Le ministre des Finances du Québec aurait pu payer l'indemnité en versant une somme en espèces égale à la valeur des droits de coupe et à son tour, l'appelante aurait pu lui rendre ces fonds en paiement des droits de coupe. Si ces deux phases avaient été respectées, il y a lieu de croire que le différend actuel ne serait pas né et que l'intimé aurait considéré que la somme versée en espèces constituait le coût en capital des droits de coupe. Nous soutenons que le fait qu'on ait recouru à une procédure plus rapide ne justifie pas une conclusion différente. Quant à la question de savoir quel est le coût des droits de coupe pour l'appelante, la réponse exacte est à votre avis la suivante: le droit de recevoir une indemnité en espèces, auquel on a renoncé contre les droits de coupe. Cependant, étant donné que ces droits de coupe constituaient l'indemnité d'expropriation, fixée par consentement mutuel des parties, le droit à une indemnité en espèces, auquel on a renoncé pour les acquérir, doit nécessairement représenter un montant au moins égal à la valeur de ces droits de coupe eux-mêmes. 'En d'autres termes, ce que l'appelante a abandonné, son droit originaire à recevoir une indemnité en espèces, équivalait à ce que l'appelante a obtenu en contrepartie, c'est-à-dire les droits de coupe eux-mêmes. On peut trouver des arguments à l'appui de ce raisonnement: a) dans l'opinion exprimée par Votre Honneur sur l'analyse exacte de l'accord conclu dans l'affaire Ottawa Valley Power Company v. Minister of National Revenue ((1969) 2 R.C. de l'É. 64, aux pages 75 et suivantes) ; et 92623-3
[1970] R.C.E. D'AUTEUIL LUMBER CO. v. M.R.N. 423 b) dans une analyse de la transaction, strictement du point de vue du droit civil: Le transfert des droits de coupe constituait une «dation en paiement» régie par l'article 1592 du Code civil. Un certain nombre de com-mentateurs des codes civils français et québecois interprètent cette transaction comme opérant novation par substitution d'obligation, c'est-à-dire par changement de dette (voir le paragraphe 1 de l'article 1169 du Code civil); ils en concluent que le créancier est acheteur tandis que le débiteur, dont la dette est éteinte par la dation, est dans la situation du vendeur. De cette analyse, nous tirons la conclusion suivante: puisqu'une vente exige par définition «un prix en argent» (art. 1472 C. civ.), ce prix doit être d'un montant égal à la valeur de la chose donnée en paiement. En invoquant la nature juridique précise de cette transaction, l'appelante ne se propose pas d'en faire l'argument fondamental de son plaidoyer. Il nous semble possible de résoudre ce problème en examinant seule-ment les éléments concrets de l'affaire. Si l'on a fait mention du Code civil, c'est uniquement pour réfuter toute hypothèse fondée sur le texte de l'acte du 9 mai 1956, selon laquelle la convention relative à la partie expropriée du domaine constituait un contrat d'échange. L'appelante ayant perdu tous ses droits sur cette partie du domaine le 21 octobre 1953 (voir le paragraphe 10 de l'exposé conjoint des faits et l'article 14 du chapitre 38 des Statuts du Québec de 1951), elle ne détenait à partir de cette date qu'un droit contre la Couronne à recevoir une indemnité d'expropriation. Ainsi, le 9 mai 1956, on ne pouvait procéder a un échange, puisque l'ap-pelante ne possédait plus la partie expropriée du domaine. Cependant, après avoir exposé ce que l'on ne peut considérer comme le sens de l'acte dans l'ordre contractuel, nous avons envisagé la nature précise de cette convention, dans le seul but de faire observer que notre raisonnement, loin de contredire le droit commun, était pleinement en accord avec lui. En ce qui concerne la partie située en dehors de la circonscription électorale de Rimouski, nous reconnaissons que l'acte du 9 mai 1956 créait, en droit, un échange. Cependant, nous prétendons que les motifs exposés plus haut, relativement au coût en capital des droits de coupe sur la partie expropriée, sont également applicables dans ce cas. En fait, pour cette petite partie du domaine, l'appelante a renoncé à un prix en argent, et a obtenu en contrepartie des droits de coupe. Le coût en capital de ces droits doit donc être égal à leur valeur. Pour conclure, nous présenterons notre raisonnement sous forme de syllogisme; le coût des droits de coupe est calculé d'après l'indemnité (cette prémisse sert également de fondement à la théorie de l'intimé); or les droits de coupe constituent l'indemnité fixée par accord entre les parties; donc le coût des droits de coupe doit être calculé d'après leur valeur. J'ai vainement cherché, dans ce raisonnement, un élément nouveau par rapport à ceux que j'ai déjà soulignés; en définitive, je crois que j'en resterai à ma première interprétation du problème. Il me semble que si A cède à B un terrain X, en échange de la cession par B en faveur de A d'un terrain Y, le coût du terrain Y représente pour A la valeur du terrain X (qu'il a cédé pour obtenir Y) et le coût du terrain X représente pour B la valeur du terrain Y (qu'il a cédé pour obtenir X). Si l'on suppose que les parties ont déployé une habilité égale dans leur marchandage, il est probable que la valeur de chacune des propriétés soit à peu près la même; mais il ne s'ensuit pas que le «coût» pour A représente la «valeur» du terrain qu'il a acquis ou que le «coût» pour B représente aussi la «valeur» du terrain dont il est devenu propriétaire. Cela est mani-feste si l'on suppose qu'un élément de générosité ou de sympathie a motivé 92623-3i
[1970] R.C.É. D'AUTEUIL LUMBER CO. v. M.R.N. 425 la décision de A, et que ce dernier, sachant que le terrain X avait deux fois plus de valeur que le terrain Y, a néanmoins accepté l'échange. Dans ce cas le coût d'acquisition d'Y serait la valeur de X (qu'il a cédé) et deux fois la valeur d'Y (qu'il a acquis) . Appliquons maintenant le principe à l'espèce. D'une part, le coût pour la Province de la renonciation par l'appelante à ses droits à raison de l'expropriation et de la cession de la partie du domaine située dans le comté de Témiscouata représentait la valeur de ce qu'elle a cédé, c'est-à-dire la valeur des droits de coupe concédés à l'appelante, et d'autre part, le coût pour l'appelante des droits de coupe qu'elle a acquis de la province repré-sentait la valeur de ce à quoi elle a renoncé, c'est-à-dire les droits découlant de l'expropriation et la valeur du domaine forestier de Témiscouata, cédé à la Province. Pour la raison donnée plus haut, j'estime que le coût pour l'appelante des droits de coupe acquis en 1956, représente la valeur de ce qu'elle a abandonné pour les obtenir, c'est-à-dire la valeur de ses droits contre la province à raison de l'expropriation de 1953 et la valeur de la fraction du domaine d'exploitation forestière située dans le comté de Témiscouata qu'elle a cédée à la province. Mon jugement ordonnera donc le renvoi à l'intimé, de la cotisation dont il est fait appel, pour nouvelle cotisation à partir de ce principe. Puisque l'appelante a fait allusion au jugement que j'ai rendu dans l'affaire Ottawa Valley Power Corporation v. Minister of National Revenue°, je dois m'y reporter. Dans l'exposé des motifs de ce jugement, plus pré-cisément dans une partie de cet exposé où il n'est rien affirmé de définitif, je déclarais que, dans l'hypothèse que j'envisageais alors, un fournisseur paye son usine en concluant un contrat de fournitures à bas prix («by entering into the low-priced supply contract»), et qu'à première vue, ce qu'il paye pour l'usine représente la valeur de l'usine («prima facie, what he pays for the plant is the value of the plant») . Ceci se rapproche beaucoup de ce qu'avançait l'appelante en l'espèce; et, rétrospectivement, je dois ad-mettre que je ne me suis pas exprimé avec toute la prudence nécessaire. Il s'agissait, d'un cas où la contrepartie de l'usine consistait à «conclure un contrat de fournitures à bas prix»—contrepartie très difficile à évaluer; l'idée que je suis certain d'avoir voulu exprimer est que, à première vue, la valeur de la contrepartie doit être égale à la valeur de ce qui est reçu en échange; par conséquent, lorsqu'il est facile d'évaluer l'objet reçu, mais presque impossible d'évaluer la contrepartie, comme c'était le cas dans mon hypothèse, il est juste de dire qu'a. première vue, ce qu'il paye pour l'usine représente la valeur de l'usine». Ainsi, dans une espèce donnée, peut se présenter le problème de l'admissibilité des preuves. Lorsque la valeur de la chose donnée en échange du bien en capital peut être déterminée sans plus de difficulté que celle du bien en capital lui-même, je suis porté à penser que la Cour n'accepterait pas facilement que l'on recoure à l'évalua-tion du bien en capital lui-même plutôt qu'à celle de sa contrepartie, ou en supplément à cette dernière évaluation. D'autre part, lorsque la valeur de la contrepartie est presque impossible à déterminer et que la valeur du bien en capital est presque incontestable, il se peut que le seul moyen de déter- 6 [1969] 2 R.C. de l'É. 64, pp. 75, et suiv.
[1970] R.C.A. D'AUTEUIL LUMBER CO. v. M.R.N. 427 miner la valeur de la contrepartie soit de considérer la valeur du bien en capital. C'est là cependant une question d'admissibilité de la preuve, sur laquelle je n'ai pas à exprimer d'opinion en regard d'une situation précise. Cette question pourra être débattue devant la Cour quand l'occasion se présentera, si l'on fait appel à cette Cour de la nouvelle cotisation par laquelle l'intimé déterminera le coût en capital, conformément au jugement sur cet appel. En vertu de la Règle 172 (1) b) des Règles de cette cour, modifiée par l'ordonnance modificatrice n° 16, en date du 5 septembre 1969, je ne rendrai mon jugement sur cette affaire que lorsqu'une motion pour jugement aura été déposée; j'entendrai alors les parties en ce qui a trait aux dépens et quant à la meilleure manière d'énoncer le jugement pour donner suite aux conclusions que j'ai tirées.
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