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100 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R. Ladefoged Niels et al. (Demandeurs); et Le «Joseph H» (Défendeur); et Le Conseil des Ports Nationaux (Opposant); et Ametco Shipping Inc. (Intervenante) Présent: Le Juge Noël siégeant en amirautéQuébec, le 26 novembre 1969; Ottawa, le 28 mars 1970. Droit maritimeMarinGagesSalaireFrais de subsistanceFrais de logement Lien maritimeCréance hypothécaire sur navirePriorité des créancesJugement par défautIntervention dans l'instancePouvoir de la Cour de réexaminer juge-ment par défautCode de procédure civile, art. 208 Règles d'amirauté, règles 73A(5), 215 Règles de la Cour Suprême d'Angleterre, ordonnance 75, r. 17 Renvoi d'un marinLoi sur la Marine marchande, S.R.C. 1952, ch. 29, art. 207. Par un jugement de la Cour le navire Joseph H a été condamné par défaut à payer aux demandeurs (membres de l'équipage) certains montants que ceux-ci réclamaient, pour la majeure partie, en guise de salaires ou gages, et pour frais de subsistance et de logement qu'ils avaient encourus pendant leur séjour à Québec par suite du manque de chauffage et du défaut de la réfrigération du navire. Subséquemment à ce jugement, mais avant la vente du navire, la Cour permit à Ametco Shipping Inc., qui se prétendait être première créancière hypothécaire du navire, d'intervenir dans l'instance. Cette intervention fut contestée par les demandeurs pour, entre autres motifs, que cette procédure n'est permise en vertu des articles 208 et seq. du Code de procédure civile qu'avant jugement. Jugé: En l'absence de règles appropriées de la Cour de l'Échiquier du Canada en sa juridiction d'amirauté, en matière d'intervention, il est loisible à une partie sous l'empire de la règle 215 des Règles d'amirauté, de s'en reporter à la procédure anglaise. L'ordonnance 75, r. 17, des Règles de la Cour Suprême anglaise, com-prend une procédure permettant une intervention même après jugement alors que, contrairement à l'article 208 du Code de procédure civile, cette règle ne déclare pas qu'une intervention doit être présentée avant jugement. Une fois cette intervention permise, il est ensuite loisible à la Cour, con-formément à la règle 73A(5) des Règles en amirauté, de réexaminer, à la lumière de preuve nouvelle, ou même seulement d'une audition nouvelle, le jugement rendu et de déterminer ainsi les droits des parties. Les montants réclamés par les demandeurs pour gîte et nourriture doivent être considérés comme des gages ou émoluments et, par conséquent, ceux-ci doivent bénéficier, d'un lien maritime qui, par le fait même, leur donne préséance sur la créance hypothécaire réclamée par l'intervenante. Il s'agit bien, quant à ces montants, d'émoluments puisque si les demandeurs étaient demeurés sur le navire, cette nourriture et gîte auraient été fournis et constitueraient des avantages et émoluments dont ils jouissaient comme membres de l'équipage du navire. The Tergeste (1903) P. à la p. 32. Il en serait de même lorsque les membres de l'équipage ne travaillaient plus sur le navire mais étaient à terre attendant leur rapatriement. Kinley v. Sierra Nevada (1924) L1.L.L. 294 à la p. 297. Il en va de même, au Canada, puisque la définition de vgages» dans la Loi sur la marine marchande, art. 2(113) comprend les émoluments et ces émoluments doivent comprendre les frais de logis et de nourriture encourus au moins jusqu'à l'institution de l'action. L'art. 207 de la Loi sur la marine marchande, S.R.C. 1952, ch. 29, garantissant seulement le paiement d'un mois de salaire lorsque le marin est renvoyé avant le commencement du voyage, ce qui n'est pas le cas ici, cette partie du jugement rendu par défaut accordant aux demandeurs un montant pour salaire et temps supplémentaire pour une période plus longue qu'un mois, est annulée sans préjudice aux droits des demandeurs de réclamer, s'il y a lieu (The Carolina, M.L.C. à la p. 141) , et, s'ils y ont droit, par une procédure appropriée, ce qui leur est échu et jusqu'à leur renvoi ou pendant qu'ils ont été sans emploi. Pour
102 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R. permettre aux demandeurs au soutien de leur réclamation pour gages d'invoquer la loi libérienne sous l'empire de laquelle le navire défendeur est enregistré, il leur incombait d'en faire la preuve légale, ce à quoi ils ont failli. La Cour doit donc déterminer les droits des parties selon la loi canadienne en présumant que la loi libérienne est semblable à cette dernière. La Cour, en dernier lieu, fixa la procédure selon laquelle le rang des créances ou réclamations sera déterminé. INTERVENTION François de B. Gravel, c.r. pour les demandeurs. Raynold Langlois pour l'intervenante. M. LE JUGE NOËL: L'intervenante Ametco Shipping Inc. se prétend détentrice d'une première hypothèque maritime sur le Joseph H (ex Ek-berg), navire dûment enregistré sous l'empire des lois de la république Libé-rienne et portant le numéro officiel 2741. La clause 10 de l'acte d'hypo-thèque (pièce I-2), dont elle se réclame, lui permet, lorsqu'un procès est intenté contre le navire ce dernier est saisi ou mis en chaîne, d'intimer au débiteur hypothécaire de libérer ledit navire dans les quinze jours de l'action ou de la saisie de tous liens et saisies sauf la créance hypothécaire. Une action in rem avec mise en chaîne du navire fut intentée le 16 octobre 1969 dans la Cour de l'Échiquier du Canada, siégeant en ami-rauté, dans le district de Québec, registre de Québec portant le numéro 388 des registres de la Cour par Frenkel & Co. Inc. Une autre action in rem devant le même tribunal, avec aussi mise en chaîne du navire, soit la présente action, fut intentée le 7 novembre 1969, par les officiers et l'équi-page du navire, Ladefoged et al sous le numéro 390 des registres de la Cour. Dans cette action, jugement fut rendu le 27 novembre 1969 contre le Joseph H condamnant le navire à payer la somme de $27,432.39. A la suite de ce jugement, la Cour autorisa la vente du navire qui, cependant, n'avait pas encore été réalisée au moment la présente intervention fut plaidée, soit le 3 février 1970. L'intervenante prétend que par ces saisies, les proprié-taires du Joseph H sont en défaut à l'endroit de l'intervenante aux termes des actes d'hypothèques, pièces I-2 et I-3, et qu'ils étaient aussi en défaut, pour une raison additionnelle, puisqu'au moment des mises en chaîne ci-haut mentionnées, le Joseph H effectuait un voyage entre le port de Mil-waukee, dans l'État du Wisconsin, un des États unis d'Amérique et deux ports de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, à l'encontre des stipulations expresses de l'acte d'hypothèque. L'intervenante allègue, de plus, que les propriétaires du Joseph H, The Joseph Navigation Corporation, ont fait défaut d'acquitter un versement de $8,950 en fonds américains payable le ler novembre 1969 et qu'aux termes de la clause 17 de l'acte d'hypo-thèque qui prévoit les cas de défaut, les propriétaires du Joseph H perdent le bénéfice du terme et tout le solde sur le prêt garanti par l'acte d'hypo-thèque dont il s'agit devient , payable et exigible immédiatement Ce solde, d'après l'intervenante, s'établit actuellement, soit à la date de l'inter-
104 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R vention, à la somme de $80,650 en fonds américains et porte intérêt au taux de 8 pour cent l'an. L'intervenante prétend aussi avoir le droit de ré-clamer le versement du ler novembre 1969 au montant de $8,950, qui, lui aussi, porterait intérêt à 8 pour cent. Aux termes de cette même clause 17, l'intervenante aurait le droit de faire saisir le Joseph H dans le cas de défaut qu'il se trouve ainsi que le droit de recouvrer à même les fruits de la vente dudit navire, les sommes dues par ses propriétaires avec intérêt et tous les frais de récupération de la créance. L'intervenante plaide au surplus les lois de la république Libérienne en vertu desquelles l'acte d'hypothèque a été signé et sous l'empire duquel ledit acte d'hypothèque a été enregistré. L'intervenante, se référant ensuite à un jugement rendu par cette Cour le 27 novembre 1969 dans la cause portant le numéro 390 des registres de cette Cour et les défendeurs, le bateau SS Joseph H et ses propriétaires, avaient été condamnés à payer aux officiers et à l'équipage dudit navire la somme de $27,432.39 déclare, ce qui est exact, qu'il fut rendu par défaut. Elle prétend que cette Cour n'avait pas juridiction pour accorder aux de-mandeurs une réclamation au montant de $5,940.09 pour frais de logement et de repas dans une auberge de la ville de Québec, puisque la juridiction de la Cour de l'Échiquier, siégeant en amirauté, est, s'il s'agit d'une réclama-tion pour gages, limitée à ceux gagnés à bord d'un navire. Elle prétend aussi que cette Cour ne pouvait accorder aux officiers et membres de l'équipage du Joseph H une compensation selon les dispositions de l'article 207 de la Loi sur la marine marchande du Canada parce que cette loi ne s'applique pas au contrat d'engagement produit au dossier de cette cause sous la cote C-1, qui a été signé sous l'empire de la loi de la république Libérienne, la Loi sur la marine marchande ne s'appliquant qu'aux contrats d'engagement signés sous son empire. L'intervenante soutient d'autre part que même si l'article 207 de la Loi sur la marine marchande du Canada s'applique, les membres de l'équipage du navire n'acquièrent leur droit d'action selon les dispositions de cet article 207 qu'après l'expiration de la période de deux mois y mentionnée. L'inter-venante demande donc à cette Cour de (1) déclarer son intervention bonne et valable; (2) reconnaître son droit de recouvrer le solde sur le prêt garanti par l'hypothèque maritime ayant premier rang sur le navire Joseph H; (3) réformer le jugement du 27 novembre 1969 rendu par cette Cour dans la présente cause et réduire la somme à laquelle les officiers et mem-bres de l'équipage ont droit à une somme de $10,715 en fonds américains en guise de salaires plus $6,695.30 en fonds canadiens pour subvenir à leurs frais de transport à leur foyer respectif; ordonner que Ametco Shipping Inc. recouvre sa créance sur le produit de la vente en justice du navire Joseph H après épurement des frais de justice et le paiement des deux mon-tants ci-haut mentionnés. Les demandeurs contestent l'intervention agressive de l'intervenante et déclarent que si l'intervenante a des droits, ces droits ne peuvent en rien affecter le jugement rendu en leur faveur pour le paiement des gages ainsi que le droit privilégié qui leur est accordé sur le navire par la loi pour obtenir le paiement de ce qui leur est .
106 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R. Les demandeurs ajoutent que l'intervention agressive basée sur l'article 208 du Code de procédure civile n'est pas fondée en droit et ne peut en aucun cas permettre à l'intervenante de s'opposer au jugement rendu en faveur des demandeurs en date du 27 novembre 1969. Ils allèguent qu'au surplus, ce jugement est d'abord bien fondé quant à l'allocation du montant de $5,940.09 pour les frais de subsistance et de logement pendant leur sé-jour à Québec, montant d'ailleurs, disent-ils, qui est inférieur à celui dé-boursé par l'équipage du Joseph H avant leur départ, lequel est au montant de $6,673.83, tel qu'en fait foi le compte du propriétaire du Manoir La-fayette, monsieur Poirier, produit comme pièce C-1. Il serait aussi, d'après les demandeurs, bien fondé quant au mois de compensation accordé ajoutant qu'il leur était selon leur contrat de travail et la loi Libérienne, non pas un mois de salaire, mais bien tout leur salaire jusqu'à leur «discharge» qui leur fut donnée en date du 15 décembre 1969 par Niels Ladefoged, premier maître à bord dudit navire. Les demandeurs prétendent à ce sujet qu'ils ont droit de réclamer comme gages des officiers et de l'équipage du ler septem-bre 1969 au 30 novembre 1969 la somme de $10,715 qui leur fut accordée d'ailleurs par le jugement du 27 novembre 1969 ainsi qu'un montant de $3,043.50 réclamé comme gages dus à Ladefoged Stamadiadi et Figue Fredo, du ler décembre 1969 au 31 décembre 1969, et quant aux autres membres de l'équipage, du ler décembre au 13 décembre 1969. Quant à la compensation, disent-ils, la loi Libérienne prévoit une compensation égale à 15 jours comme base de salaire en plus de tout ce qui peut être comme salaire, ce qui représenterait une somme de $2,018 en fonds américains. Ils sont justifiés aussi, disent-ils, de réclamer «les vacances accordées par la loi Libérienne soit la somme de $935 aussi en fonds américains. Ils demandent donc à cette Cour (1) de rejeter avec dépens l'intervention agressive comme non fondée en fait et en droit; (2) de leur reconnaître le droit de «rajuster» les divers chefs de réclamations qui leur ont déjà été accordés dans le jugement du 27 novembre 1969 et de rendre jugement con-formément à la preuve faite devant cette Cour des montants réclamés et enfin (3) d'ordonner que les demandeurs recouvrent leur créance sur le produit de la vente en justice du navire SS Joseph H après épurement des frais de justice. Le procureur des demandeurs soutient que l'intervention ne pouvait être permise sous les articles 208 et seq. du Code de procédure civile comme elle l'a été le 10 décembre 1969 par l'un des juges de cette Cour parce que cette procédure n'est permise qu'avant jugement, tel que le prévoit l'article 208 du Code de procédure civile. Il me paraît que le savant juge se soit fondé par analogie sur les dispositions de la règle 2 des Règles et ordon-nances générales de cette Cour, tel que le lui permet cette règle, en adoptant la procédure du Québec pour autoriser l'intervenante à intervenir dans la présente cause puisqu'il n'existait pas d'autres règles ou ordonnances géné-rales appropriées. La règle 215 des Règles d'amirauté permet, cependant, à une partie d'utiliser aussi la procédure anglaise dans tous les cas les règles de la Cour de l'Échiquier ne contiennent pas de règles appropriées. L'ordonnance 75, r. 17 des Règles de la Cour Suprême anglaise comporte en effet une
108 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R procédure qui permet une intervention même après jugement puisqu'on ne dit pas qu'elle doit être présentée avant jugement. Cette ordonnance se lit comme suit: Interveners (0.75 r. 17)). 17. (1) Where property against which an action in rem is brought is under arrest or money representing the proceeds of sale of that property is in court, a. person who has an interest in that property or money but who is not a defendant to the action may, with the leave of the Court, intervene in the action. (2) An application for the grant of leave under this rule must be made ex parte by affidavit showing the interest of the applicant in the property against which the action is brought or in the money in court. (3) A person to whom leave is granted to intervene in an action must enter an appearance therein in the registry or, if the action is proceeding in a district registry, that registry within the period specified in the order granting leave; and. Order 12, rules 1 to 4, shall, with the necessary modifications, apply in relation to the entry of appearance by an intervener as if he were a defendant named in the writ. (4) The Court may order that a person to whom it grants leave to intervene. in an action shall, within such period as may be specified in the order, serve on every other party to the action such pleading as may be so specified. L'honorable juge qui a permis l'intervention pouvait donc le faire ern vertu de cette règle et ceci, à mon avis, est suffisant pour disposer de l'objection des procureurs des demandeurs à l'autorisation donnée à l'interve--nante d'intervenir dans la présente cause. Une fois cette intervention permise, il est ensuite loisible à la Cour, con-formément à la règle 73A des Règles en amirauté de permettre à l'interve--nante d'attaquer le jugement rendu par défaut dans la présente cause. En effet, en vertu du paragraphe (5) de cette règle 73A, la Cour peut, selon les. conditions qu'elle jugera appropriées, mettre de côté ou varier tout jugement rendu par défaut. Bien que l'un des procureurs dans cette cause soutienne. que cette règle ne s'applique qu'entre les parties seulement et qu'elle ne peut. s'appliquer à un tiers, il ne me paraît pas que le texte de cette règle en_ restreigneson application de la sorte. C'est, en effet, cette règle qui pourra maintenant permettre à la Cour en face d'une preuve nouvelle, ou même seulement d'une argumentation nouvelle, de réexaminer le jugement rendu. et de déterminer ainsi les droits des parties. Le paragraphe 5 de l'article 73A est, en effet, suffisamment large pour permettre à la Cour de casser même le jugement rendu par défaut à un moment , parce que non contesté, le tribunal n'a entendu qu'un côté du débat. Il fut donc permis à l'intervenante de présenter sa preuve, aux demandeurs de la contester et aux deux parties. de plaider oralement. Avant l'audition de la présente intervention, les procureurs l'inter-venante firent signifier aux procureurs des demandeurs, un avis d'admission,. de documents et un avis d'admission de faits. Les documents dont il s'agit sont l'acte d'hypothèque du ler novembre 1968, consenti par Joseph Navigation Corporation, une société Libérienne, propriétaire du navire à Ametcop Shipping Inc., une société de l'État de New York, la créancière hypothécaire, ainsi qu'un ajouté de l'acte d'hypothèque du ler novembre 1968, ce dernier portant le numéro 2741 enregistré au bureau du sous-commissaire des Af-faires maritimes de la république du Liberia, au port de New York, à la_ même date au livre PM29 à la page 724. Les faits dont l'admission est
110 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R. requise par l'intervenante sont d'abord que: (1) l'intervenante détient légalement l'hypothèque ci-haut mentionnée sur le navire Joseph H (Ex-Ekberg) qui est dûment enregistré sous l'empire des lois de la république Libérienne et porte le numéro officiel 2741; (2) la clause 10 de l'acte d'hypo-thèque (pièce I-2) lui permet d'exercer son droit de réclamer le rembourse-ment du capital et des intérêts; (3) une action in rem a été intentée dans cette Cour portant le numéro 388 dans laquelle Frenkel & Co. Inc. poursuit le navire Joseph H le 16 octobre 1969, accompagnée de la mise en chaîne du navire; (4) une autre action in rem fut intentée devant le même tribunal, soit la présente action, qui oppose Ladefoged Niels et al au navire Joseph H accompagnée aussi de la mise en chaîne du navire; (5) jugement a été rendu le 27 novembre 1969 contre le Joseph H dans la présente cause con-damnant le navire à payer $27,432.39, et permission fut ensuite obtenue de vendre le navire; (6) au moment de la mise en chaîne du navire, le Joseph H effectuait un voyage entre le port de Milwaukee, dans l'État du Wiscon-sin, un des États unis d'Amérique, et deux ports de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, le tout à l'encontre des stipulations expresses de l'acte d'hypothèque; (7) au terme de l'acte d'hypothèque et de ses avenants, la dette originale garantie était de $107,500 en fonds américains plus inté-rêts avec échéance au ler mars 1972; (8) le solde de la dette garantie par l'hypothèque s'établit maintenant à $80,650 en fonds américains avec inté-rêts sur cette somme au taux de 8 pour cent l'an à compter du ler août 1969 plus les frais de recouvrement de cette somme, y compris les frais judici-aires et extra-judiciaires et enfin (9) les faits énoncés à l'affidavit de Thomas J. Cassidy, produit sous la cote I-1 sont vrais. Ces faits, selon l'affidavit du président de Ametco Shipping Inc., la créancière hypothécaire sont que: Ametco Shipping Inc. est la créancière hypothécaire en première hypothèque sur le Joseph H de l'hypothèque du ler novembre 1968; elle a consenti à un ajouté ou supplément le 13 août 1969 qui fut enregistré au bureau du sous-commissaire des Affaires maritimes de la république du Liberia au port de New York, le 14 août 1969, dans le livre PM21, à la page 486 et a pour effet de retarder la date de remboursement du montant sur l'hypothèque du 10 novembre 1971 au ler mars 1972; le montant actuellement sur l'hypothèque est de $80,650 en devises américaines avec intérêt à 8 pour cent du ler août 1969. Bien que l'article 15 de l'hypothèque prévoit que Joseph Navigation Corporation, les propriétaires du navire, doivent l'assurer, cette assurance expira le 30 novembre 1969 et n'a pas été continuée ou re-nouvelée et ce défaut des propriétaires du navire permet aussi, selon les termes de l'article 17 de l'acte d'hypothèque à la créancière hypothécaire d'exiger le remboursement immédiat du montant prêté sur hypothèque en capital et intérêts. Le procureur des demandeurs, lors de la présentation de l'intervention, déclara qu'il admettait tous les faits dont l'intervenante de-mandait l'admission sauf le quantum réclamé par la créancière hypothécaire qu'il conteste. Le procureur de l'intervenante se déclara satisfait de cette déclaration ajoutant que quant au quantum, il se réservait le droit d'en éta-blir la valeur à une date ultérieure n'ayant pas voulu, pour le moment, en-courir de frais pour faire venir un témoin de l'étranger pour prouver cet item et voulant d'abord que cette Cour détermine la nature et la validité des réclamations exercées dans la présente cause contre le navire ainsi que leur
112 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R. rang. C'est d'ailleurs dans ces circonstances que les procureurs des parties exposèrent à la Cour leurs prétentions respectives. La première question d'importance qu'il me faut déterminer ici est la nature du montant de $5,940.09 accordé par le jugement du 27 novembre 1969 pour les frais de logis et de nourriture des officiers et des membres de l'équipage pendant leur séjour au Manoir Lafayette à Québec. Les deman-deurs durent, en effet, à l'automne de 1969, par suite du manque de chauf-fage dans le navire et aussi parce que la réfrigération du navire ayant fait défaut, les vivres devinrent incomestibles, se réfugier à terre et, à la demande du capitaine du navire, s'installer dans une auberge de la cité de Québec. De cet endroit, selon la preuve au dossier, les officiers et membres de l'équi-page se rendaient au navire pour y travailler. Selon le procureur de l'inter-venante, les montants ainsi réclamés pour gîte et nourriture ne peuvent l'être comme gages puisque, d'abord, la loi veut que les gages des marins soient gagnés à bord du navire et ensuite il ne peut s'agir ici que de mon-tants dépensés pour logis et nourriture. D'autre part, s'ils représentent des approvisionnements nécessaires, ils devraient, dans ce cas, être réclamés par l'aubergiste lui-même ou par le capitaine, mais ne pourraient, de toute façon, l'être par les présents demandeurs, les officiers et marins du navire. Si la Cour décide, en effet, que ces montants doivent être considérés comme formant partie des gages des marins, ils bénéficieront d'un lien maritime et auront priorité sur la créance hypothécaire que veut exercer l'intervenante. S'ils ne peuvent être réclamés que comme approvisionnements nécessaires, cette partie du jugement du 27 novembre 1969 devra être cassée si les pré-sents demandeurs ne peuvent les réclamer et s'ils le peuvent, ils devront être catégorisés comme fournitures ou approvisionnements nécessaires et prendront rang après la créance hypothécaire de l'intervenante. La question qui se pose n'est pas d'une solution facile et il ne m'était pas nécessaire de la résoudre lorsque le jugement du 27 novembre 1969 fut rendu par défaut, puisqu'à ce moment, il n'y avait pas de créances qui venaient en conflit avec celles exercées par les demandeurs. Depuis, comme nous l'avons vu, l'inter-venante a soumis sa créance et il me faut maintenant départager les droits des parties. Il me paraît, après un examen exhaustif des décisions en ami-rauté en cette matière, que les montants réclamés par les officiers et les marins pour gîte et nourriture, au montant de $5,940.09 à la date du juge-ment et pour lesquels ils sont redevables envers l'aubergiste doivent être considérés comme des gages ou émoluments et, par conséquent, ces mon-tants doivent bénéficier d'un lien maritime qui, par le fait même, leur donne préséance sur la créance hypothécaire réclamée par l'intervenante. Il s'agit bien, quant aux montants ainsi encourus par les officiers et les marins à l'égard de l'aubergiste, d'émoluments puisque s'ils étaient demeurés sur le navire, cette nourriture et gîte auraient été fournis et constitueraient des avantages et émoluments dont ils jouissaient comme membres de l'équipage du navires. Il est vrai que la loi veut que les gages bénéficiant d'un lien mari- 1 Dans The Tergeste (1903) P. 26 à la page 32, il fut, en effet déclaré par Phillimore J. que .but I have to decide what is meant by their wages, and I come to the conclusion that what is called the victualling money or allowance of 40 lire per man per month in respect of victualling is part of bis wages. Therefore, the master and orew should not only have the sum given them for their wages, but also the sum given to the crew in consideration of their finding their own provisions .....
114 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R. time soient gagnés à bord d'un navire mais ici la preuve révèle que les gages réclamés furent bien gagnés à bord du navire puisque les membres de l'équi-page, jusqu'à la prise de l'action du moins, s'y rendaient chaque matin. Depuis déjà assez longtemps, cependant, les décisions ont extensionné ces gages pour englober dans le lien maritime les allocations de subsistance auxquelles avaient droit les membres de l'équipage même lorsqu'ils ne tra-vaillaient plus sur le navire de sorte qu'il se pourrait que les demandeurs aient ici une réclamation valide pour gages avec lien maritime même pour la période durant laquelle ils ne travaillaient plus sur le navire mais étaient à terre attendant leur rapatriement. Il suffit, en effet, pour s'en assurer, de se référer à deux décisions The Tergeste (supra) dont il fut question plus haut, et Kinley v. Sierra Nevada2. Dans The Tergeste il fut en effet décidé (par Phillimore J.) que les allocations de subsistance (victualling allowances) équivalaient à des gages et comportaient un lien maritime et que, par consé-quent, le montant total de la réclamation du capitaine et de l'équipage pour gages et déboursés jusqu'à l'entrée du navire en cale sèche, ainsi que le coût de leur subsistance de la date ils ont quitté le navire jusqu'à leur départ du pays, ainsi que le coût de leur rapatriement venaient au premier rang. Dans Kinley v. Sierra Nevada, une décision rendue en 1924, Sir Henry Duke disait fort à propos, à la page 297, dans une cause un officier d'un navire réclamait contre le navire ses gages et allocations de subsistance que: The result is, as it seems to me, that the plaintiff is entitled to his wages for the period in question and he can recover them in rem. There remains the question of the victualling allowance. My supposition was that the question whether this victualling allowance was part of the recoverable earnings of the plaintiff was not in question; but as an opinion on that subject is called for, I will say that it seems to me that wages here, having regard to the definition in the Merchant Shipping Act, covers the earnings of the seamen; and the earnings of the seamen in this employment were to be his sea pay and a victualling allowance. Whether the total is expressed in one figure or two seems to me a mere mode of expression and the judgment to which I think he is entitled is for wages at the agreed rate of his sea pay and for the victualling allowancesubject to this, that he is not entitled to judgment for anything beyond the period when he was actually serving, until dismissed, unless he is within the beneficial operation of sect. 134 of the Merchant Shipping Act. Il en va de même aussi, je crois, au Canada, puisque la définition de egages» dans la Loi sur la marine marchande, article 2(113) comprend les émoluments et ces émoluments, dans le cas qui nous préoccupe, et dans les circonstances dans lesquelles ils sont réclamés, doivent, il me semble, comprendre les frais de logis et de nourriture dépensés au moins jusqu'à la prise de l'action dont jugement fut rendu le 27 novembre 1969. Par consé-quent, les demandeurs possèdent pour ces frais, un lien maritime qui leur permet de prendre rang avant la créance hypothécaire de l'intervenante. L'intervenante s'est aussi attaquée, cependant, au montant de $4,082, soit le mois de salaire accordé à chacun des demandeurs dans le jugement du 27 novembre 1969, selon l'article 207 de la Loi sur la marine marchande du Canada, chapitre 29, Statuts Revisés du Canada, 1952, lequel se lit comme suit: 207. Lorsqu'un marin, après avoir signé un contrat d'engagement, est congédié autrement qu'en conformité des conditions dudit contrat, soit avant le commencement 2 (1924) L1.L.L. 294.
116 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R. du voyage, soit avant d'avoir gagné un mois de gages, sans qu'il y ait faute de sa part motivant le congédiement et sans qu'il y consente, il a le droit de recevoir, du capitaine ou du propriétaire, en plus des gages qu'il peut avoir acquis, un dédommage-ment raisonnable n'excédant pas un mois de gages, pour le dommage que lui a causé le congédiement, et il peut recouvrer ce dédommagement tout comme s'il s'agissait de gages gagnés. Le procureur de l'intervenante soumet que l'article 207 de la Loi sur la marine marchande ne peut s'appliquer ici puisque le contrat d'engagement des officiers et des membres de l'équipage du navire n'a pas expiré par suite d'un congédiement. Les demandeurs, en effet, continuent encore de réclamer, si l'on s'en tient à leur contestation écrite de l'intervention, jusqu'au 31 dé-cembre 1969, quant aux officiers Ladfoged Stamadiadi et Figue Fredo, et jusqu'au 15 décembre 1969 quant au reste de l'équipage. Il n'y avait donc pas renvoi ou «discharge» à la date de la prise de l'action ni même les 26 et 27 novembre 1969, lorsque la cause fut entendue et l'article 207 ne pou-vait, par conséquent, être invoqué à cette date pour donner aux demandeurs le mois de salaire accordé à chacun d'eux par le jugement du 27 novembre 1969. Ce jugement d'ailleurs, selon le procureur de l'intervenante, a main-tenant l'autorité de la chose jugée et l'on ne peut, par un fait subséquent à l'action, soit le renvoi des marins ou leur départ pour leur pays respectif qui, selon la contestation, eut lieu le 15 décembre 1969 pour certains et le 31 décembre 1969 pour d'autres, justifier maintenant l'application de l'article 207. Le contrat d'engagement, pièce P-2, ne prévoit (à la clause 5) spécifiquement que le cas si le marin est mis à terre pour une cause dont il n'est pas responsable, il a droit à un rapatriement mais ne prévoit rien d'autre au cas son contrat est terminé. Il y a, cependant, un argument qui, à mon sens, est concluant et c'est que l'article 207 ne fait simplement que garantir le paiement d'un mois de salaire lorsque le marin est renvoyé-avant le commencement du voyage, ce qui n'est pas notre cas, ou avant qu'un mois de gages n'ait été gagné, ce qui, aussi, n'est pas notre cas, puis-que le jugement du 27 novembre 1969 accordait $10,715 pour salaire et temps supplémentaire, pour une période plus longue qu'un mois. Il me paraît, après un examen attentif de cet article, et un ré-examen des faits prouvés lors de l'enquête qui a précédé le jugement de cette Cour du 27 novembre 1969, que les demandeurs ne peuvent invoquer l'article 207 de la Loi sur la marine marchande et cette partie du jugement accordant le montant de $4,082 doit, par conséquent, être annulée sans préjudice, cepen-dant, au droit des demandeurs de réclamer, s'il y a lieu,8 et s'ils y ont droit, par une procédure appropriée, les montants qui peuvent leur être échus et dus jusqu'à leur «discharge» ou renvoi ou pendant qu'ils ont été sans emploi. Il me faut maintenant traiter d'un autre point soulevé par le procureur des demandeurs, soit celui de l'application de la loi Libérienne, pour soutenir la réclamation des demandeurs pour gages. Il me paraît clair que, comme les. demandeurs, lors du procès qui s'est terminé par le jugement rendu le 27 'Je voudrais, cependant, attirer l'attention des parties sur une décision rendue par Sir Phillimore dans The Carolina, M.L.C. p. 141 on il disait: .The practice of the Registry in this respect is founded upon the principle that when a seaman institutes a suit for wages, he ceases to have any claim for subsequent wages upon the ship, and that principle has been. acted upon in a great variety of cases. (1875) 3 Asp. M.L.C. 141.
118 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R. novembre 1969, n'ont pas fait la preuve de la loi Libérienne ni n'en ont-ils fait la preuve légale lors du débat sur la présente intervention, ne faisant tout au plus que déposer une copie de cette loi au dossier auquel d'ailleurs le procureur de l'intervenante s'est objecté et n'ayant, en fait, produit que le contrat d'engagement des marins (pièce P-2) qui comprend certaines clauses, ils ne peuvent se prévaloir que de ces clauses et ne peuvent invoquer la loi Libérienne. II aurait, en effet, fallu, pour permettre aux demandeurs d'invoquer la loi Libérienne, comme ils tentent de le faire dans la présente cause, qu'ils aient fait la preuve de cette loi, sans quoi il me faut déterminer les droits des parties selon la loi canadienne en présumant que la loi Libé-rienne est semblable à cette dernière. Il ne m'est donc pas possible, dans ces circonstances, de substituer au montant de $4,082, soit le mois de salaire accordé à chacun des demandeurs, un montant de $2,018 réclamé par les demandeurs dans leur contestation de l'intervention comme compensation pour 15 jours de salaire et un montant de $935 réclamé comme compensation pour vacances, basés sur la loi Libérienne. Je dois ajouter qu'on n'a pas établi par une preuve légale que le montant de $5,940.09 pour frais de subsistance et de logement devrait se chiffrer à $6,673.83. Il s'ensuit donc qu'il me faut annuler le montant de $4,082 accordé par le jugement du 27 novembre 1969 en vertu de l'article 207 de la Loi sur la marine marchande. Il me faut aussi déclarer que les demandeurs possèdent un lien maritime pour l'allocation du montant de $5,940.09 qui leur fut accordé pour frais de subsistance et de logement puisque ce montant fait partie de leurs gages et émoluments. Quant à l'hypothèque de l'intervenante et à son droit de réclamer le montant qui est devenu , il me faut déclarer devant les admissions des demandeurs, mais quant à eux seulement, que l'hypothèque de l'intervenante est valide en vertu de la loi Libérienne. Il me faut aussi rendre jugement en faveur de l'intervenante pour le montant de sa créance hypothécaire, dont le quantum, cependant, sera établi sur référence au registraire du district d'amirauté de Québec et qui portera intérêt à 8 pour cent à compter du ler novembre 1969. Une fois établie, cette créance de l'intervenante prendra rang immédiatement après les liens maritimes que les demandeurs pourront détenir le tout, cependant, sous réserve du droit que peut posséder toute autre partie ultérieure à ces procédures de produire et d'établir sa réclama-tion ainsi que son rang et de contester par une procédure appropriée les ré-clamations des parties contre le navire, y compris la créance hypothécaire de l'intervenante et sous réserve aussi du droit des demandeurs d'établir leur droit de réclamer les montants qui ont pu leur échoir jusqu'à leur renvoi ou pendant qu'ils ont été sans emploi. Il me faut aussi ordonner, mais sujet aux restrictions ci-haut mentionnées, que Ametco Shipping Co., une fois sa créance établie tel que susdit, la recouvre sur les produits de la vente en justice du navire Joseph H après épurement des frais de justice, après les détenteurs de liens maritimes et autres détenteurs de privilèges antérieurs au sien et selon un ordre de priorité qui sera déterminé par la procédure ci-après décrite. L'ordre de priorité finale des réclamations ne sera fixé qu'après l'expiration de 40 jours du jour le produit de la vente du navire sera déposé à la Cour entre les mains du registraire d'amirauté du district de Québec et
120 NIELS v. "SS JOSEPH H" [1970] EX.C.R. après qu'un avis aura été publié tel que ci-après déterminé. Dans les 7 jours du dépôt du produit de la vente du navire, tel que susdit, le shérif ou le shérif adjoint, ou l'officier désigné comme prévôt adjoint dans le jugement de la Cour du 10 décembre 1969 verra à publier une fois pendant trois semaines consécutives dans un quotidien français et anglais de la province un avis comportant que: (a) le navire Joseph H a été vendu sur l'ordre de la Cour dans la présente action in rem portant le numéro 390 des registres de la Cour; (b) les produits bruts de cette vente au montant de $ ont été déposés à la Cour entre les mains du registraire du district d'amirauté de Québec; (c) l'ordre de priorité des réclamations ne sera déterminé qu'après l'expiration de la période de 40 jours (de la date le montant a été déposé à la Cour) et après qu'un avis d'au moins cinq jours sera donné aux réclamants de la date et du lieu la priorité des réclamations sera déterminée; (d) toute personne qui a une réclamation contre le navire ou les produits de sa vente et pour laquelle elle entend procéder à jugement, devra faire sa réclama-tion avant l'expiration de cette période, le tout, cependant, sans préjudice au droit de cette Cour d'autoriser même avant l'expiration du délai ci-haut mentionné le paiement de certaines réclamations. Il me paraît, étant donné le succès partagé des parties dans cette procé-dure, qu'il y a lieu de décréter que les dépens de cette intervention et de sa contestation doivent être réclamés de la masse.
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