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648 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. J. R. Théberge Ltée (Requérante) v. La Reine (Intimée) Le Juge NoëlQuébec, le 25 mai et le 11 juin 1970. CouronnePétition de DroitContratEntrepreneur en constructionPerte subie dans l'exécution du contratDommagesIndivisibilité de la CouronneLa Reine aux droits du CanadaLa Reine aux droits d'une provincePersonnes diffé- rentesConstruction d forfaitMarché suivant plans et devis Art. 1690 C.C.— Loi sur la Cour de l'Échiquier, S.R.C. 1952, c. 98, art. 47. A la suite d'un appel de soumissions en vue de la construction d'un système de radar et du refus du plus bas soumissionnaire d'accepter le contrat pour le motif que l'intimée exigeait que les travaux soient exécutés et poursuivis pendant la saison hivernale, la requérante, deuxième plus bas soumissionnaire, accepta d'exé-cuter les travaux sans interruption jusqu'à leur terminaison. Alléguant des conditions climatiques imprévisibles constituant pour elle un cas de force majeure; l'obligation de maintenir durant l'hiver, dans ces conditions, un nombre considérable d'employés; et l'augmentation après le commencement de l'exécution du contrat, par arrêté ministériel du Gouvernement du Québec, du salaire de tous les em-ployés de la construction, la requérante réclame, par sa pétition, la perte de $354,536.31 qu'elle aurait ainsi subie et qui, selon elle, constituerait un enrichisse-ment sans cause pour l'intimée. Comme défense principale, l'intimée s'en rapporte aux termes du contrat intervenu entre les parties, ajoutant que par un article du contrat, la requérante savait que les taux de salaires mentionnés à l'appel des soumissions pouvaient
650 THÉBERGE LIÉE v. THE QUEEN [1970] Ex.C.R. être augmentés par l'autorité compétente et qu'elle ne pouvait, de toute façon, recevoir des montants additionnels par suite d'un accroissement dans le coût du contrat causé par une augmentation et un ajustement de salaires. Jugé: Quant à la théorie mise de l'avant par la requérante à l'effet que les nouveaux taux de salaires ainsi décrétés par Sa Majesté la Reine aux droits de la province de Québec devraient être absorbés par l'intimée en vertu du principe que la Reine étant «une et indivisible», il ne peut exister deux couronnes pour les deux paliers du Gouvernement, fédéral et provincial, cette théorie doit être écartée. En effet, lorsque Sa Majesté la Reine agit aux droits du fédéral et aux droits d'une province, il s'agit alors de l'action de deux personnes différentes ou comme deux bourses différentes (in re Silver Brothers Ltd [1932] A.C. 514, p. 524). Dans les circonstances, le geste de l'une, soit de la province ne peut être considérée comme étant le geste de l'autre, soit le fédéral, de façon à engager la responsabilité de cette dernière. La réclamation de la requérante ne peut non plus être reçue puisqu'il s'agit d'un contrat de construction à forfait par marché suivant plans et _devis et suivant l'article 1690 C.C., elle ne peut demander aucune augmentation de prix ni sous le prétexte de changement dans les plans et devis, ni sous celui d'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux à moins que ces changements ne soient autorisés par écrit et le prix arrêté par le propriétaire. Au surplus, l'article 47 de la Loi sur la Cour de l'Échiquier S.R.C. 1952, c. 98, déclare que dans un tel cas la Cour ne peut accorder une compensation quel-conque pour le motif que le contracteur a dépensé un montant plus élevé dans l'exécution de son entreprise que celui que déterminait le contrat. ACTION en recouvrement des dommages. Ovide Laflamme pour la pétitionnaire. Paul Coderre, c.r., et Robert Cousineau pour l'intimée. LE JUGE NOËLPar sa pétition, la requérante, entrepreneur en construction, réclame de Sa Majesté la Reine des dommages au montant de $354,536.21 qu'elle aurait subis à l'occasion de la construction, pour le compte de l'intimée, d'un système de radar qu'elle s'était engagée à bâtir par contrat intervenu en l'année 1960. Elle construisit ce radar à Chibougamau, Lac St-Jean, P.Q., et ce travail devait, en vertu du contrat, s'effectuer durant une période déterminée, soit commencer à l'automne de 1960 et se poursuivre sans interruption pendant l'hiver et jusqu'à sa terminaison en 1962, l'intimée, selon l'entrepreneur, ayant exigé qu'un nombre considérable d'employés soient maintenus à son emploi comme mesure d'aide à l'embauchage durant la saison hivernale. Elle commença l'exécution des travaux au cours de l'automne 1960 mais la rigueur de l'hiver de 1960 rendit, dit-elle, le travail à peu près impraticable et représenta pour elle des conditions imprévisibles mais que devant, par des pressions politiques de toutes sortes, continuer quand même les travaux, elle en a subi une perte considérable. Cette perte, selon la requérante, est due au fait que dès après l'ouverture des travaux, des syndicats d'ouvriers se formèrent et exigèrent des conditions de travail nouvelles. Ils obtinrent, pour le contrat dont il s'agit dans la présente cause, une nouvelle ordonnance approuvée par le ministère du Travail du Québec autorisant des augmentations de salaire à tous les employés de 10 à 30 pour cent, tel qu'en fait foi le décret ministériel, pièce R-1.
652 TH$BERGE LT$E v. THE QUEEN 11970] Ex.C.R. La requérante prétend qu'elle a , dans ces circonstances, effectuer pour l'intimée un travail à pertes au bénéfice de l'intimée dont les principales causes sont, selon cette dernière: a) les conditions climatiques imprévisibles constituant pour elle un cas de force majeure; b) l'obligation de maintenir durant l'hiver, dans ces conditions, un nombre considérable d'employés aux pressions politiques tant de la part de l'intimée que des corps publics de la région; c) l'augmentation par arrêté ministériel du salaire de tous les employés de la construction à des taux qui ne pouvaient être prévisibles lors de la préparation de la soumission publique. La requérante prétend de plus que durant l'hiver, il en a coûté deux ou trois fois plus pour effectuer le même travail et qu'elle aurait pu facile-ment, en suspendant les travaux comme elle l'a à un certain moment suggéré à l'intimée, livrer quand même le radar dans les délais prévus au contrat. Elle aurait, dit-elle, payé à ses employés en augmentations de salaire, par suite de ces circonstances, une somme de $82,393.53 et les préposés de l'intimée lui ont recommandé d'accepter une compensation partielle de $78,645.30 pour un montant réclamé de $142,952.74, tel qu'il appert à la lettre de l'ingénieur de l'intimée, produite en photocopie comme pièce R-5. La perte de $354,536.21 que la requérante réclame constitue, selon elle, un enrichissement sans cause pour l'intimée et le montant de $82,393.93 payé en augmentations de salaire n'a nullement bénéficié à la requérante, ajoutant que toute autre personne, société ou corporation, y compris l'intimée, exécutant ces travaux, aurait nécessairement payé une somme additionnelle d'autant. D'autre part, l'intimée s'en rapporte aux termes du contrat intervenu entre les parties, déclare que la plupart des faits allégués par la requérante lui sont inconnus et ajoute que même s'ils étaient prouvés, ils ne justifieraient pas les conclusions de la requérante. Elle ne peut, dit-elle, en effet, être tenue responsable des pertes subies par la requérante. Quant à la poursuite des travaux l'hiver, elle déclare que l'obligation de les poursuivre à cette époque découlait des termes mêmes du contrat et des pourparlers qui en avaient précédé la conclusion. L'exécution du contrat exigeait, dit-elle, de par sa nature et selon ses conditions, que les travaux s'effectuent au cours de l'hiver de façon continue et ceci à la connaissance et du consentement de la requérante. Quant à l'arrêté ministériel concernant l'augmentation des salaires, elle nie qu'elle puisse être tenue responsable de ses conséquences. Elle déclare qu'en fait, la requérante ne lui a pas livré les diverses constructions prévues au contrat aux dates convenues mais les a livrées substantiellement en retard. Elle admet qu'elle a refusé toutes compensations à la requérante parce qu'en droit et en fait, elle devait le faire. Elle déclare que les soi-disantes pertes de la requérante s'expliquent par sa mauvaise administration dans l'exécution du contrat, son inefficacité et son manque de prévoyance.
654 THÉBERGE LTÉE v. THE QUEEN [1970] Ex.C.R. L'intimée, dit-elle, n'a rien reçu de la requérante en sus des constructions prévues au contrat et encore les a-t-elle reçues à des dates postérieures à celles qui étaient convenues et pour lesquelles, d'ailleurs, la requérante a reçu le prix convenu. Elle demande donc le rejet de la pétition avec les dépens. Le contrat dont il s'agit ici fut octroyé à la requérante après que le plus bas soumissionnaire Donolo eut refusé le contrat précisément parce que l'intimée exigeait qu'il soit exécuté et poursuivi pendant la saison hivernale. Le président de la requérante, la deuxième plus basse soumissionnaire, fut convoqué à Ottawa et accepta d'exécuter le travail et de construire les bâtiments requis sans interruption jusqu'à sa terminaison. Le travail débuta au début d'octobre 1960 et dès le mois de décembre de cette année, la requérante se rendit compte que le travail d'hiver, par suite d'un froid intense, devenait impraticable et extrêmement coûteux nécessitant pour le bétonnage, par exemple, dans certains cas, le double de la main-d'oeuvre et l'emploi de matériaux et d'instruments de chauffage. Sur la recommandation de ses ingénieurs et contremaîtres, le président de la requérante Théberge se rendit à Ottawa rencontrer les représentants de l'intimée et leur demanda de suspendre les travaux. Cette demande fut refusée pour la raison qu'il fallait, selon le contrat, que les travaux soient poursuivis sans interruption ce que, d'ailleurs, la requérante avait consenti en toute connaissance de cause de faire, le contrat d'ailleurs lui ayant été octroyé précisément parce que le plus bas soumissionnaire Donolo Construction avait refusé de procéder durant la saison d'hiver. Théberge dut alors retourner à Chicoutimi et les travaux reprirent. La requérante fut de nouveau éprouvée quelques mois après le commencement de l'exécution du contrat lorsqu'un décret portant le numéro 1743, adopté par arrêté en conseil du Gouvernement du Québec, augmenta les salaires que devait payer la requérante à ses employés de sorte qu'il lui en coûta $82,393.53 de plus pour effectuer les travaux s'étant, dit-elle, basée pour estimer le coût de la main-d'oeuvre pour l'exécution de l'entreprise sur la liste des salaires qui 'accompagnait l'appel d'offres ainsi que le contrat et qui correspondait aux taux de salaires en vigueur en vertu du décret qui fut précisément amendé par le décret 1743. La requérante sur cet item de salaire soutient d'abord qu'elle pouvait et devait se fier aux taux de salaires produits avec les appels d'offres de l'intimée et attachés au contrat, taux qui correspondaient à ceux en vigueur à ce moment , et même si elle ne pouvait s'y fier, les nouveaux taux prévus au décret 1743, adopté par Sa Majesté la Reine aux droits de la province de Québec, devraient être absorbés par l'intimée en vertu du principe de l'in-divisibilité de la Couronne. La Reine, en effet, dit-elle, étant une, ne peut, sans en assumer la responsabilité, augmenter ainsi unilatéralement les salaires des employés sur le chantier et chambarder la situation des parties. Disons d'abord qu'il n'est pas exact de soutenir que la requérante devait se fonder sur les taux de salaires mentionnés à la liste accompagnant l'appel d'offres, puisque par l'article 67 du contrat, elle savait que ces taux. pouvaient être augmentés par l'autorité compétente et qu'elle ne pouvait, de
656 THÉBERGE LTÉE v. THE QUEEN [1970] Ex.C.R. toute façon, recevoir des montants additionnels par suite d'un accroissement dans le coût du contrat causé par une augmentation ou un ajustement de salaires. L'article 67 du contrat le dit en effet clairement: The Wage Rates set out or referred to in the said Labour Conditions are subject to increase or adjustment under proper authority, and the amounts payable to the Contractor hereunder shall not be increased by reason of any increase in the cost of the work due to any wage increase or adjustment. Quant à l'argument de l'indivisibilité de la Couronne, l'article ci-dessus prévoyant une augmentation possible des salaires par l'autorité compétente (under proper authority) et cette autorité ne pouvant être autre que Sa Majesté la Reine aux droits de la province qui a passé le décret 1743, dont la requérante se plaint, il me paraît que la requérante s'est d'avance engagée à ne pas réclamer d'excédents pour cet item. D'ailleurs, je ne suis pas autrement impressionné par l'argument de la requérante que la Reine étant «une et indivisible», il ne peut exister deux couronnes pour les deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial. Que l'on considère la Reine comme une fiduciaire, agissant pour un groupe distinct de bénéficiaires dans chaque juridiction, ou que l'on tienne tout simplement que l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique implanta d'une façon implicite dans chaque unité une personnalité légale, il en résulte en fait lorsque la Reine agit aux droits du fédéral et aux droits d'une province comme s'il s'agissait de l'action de deux personnes différentes, ou comme le Conseil privé l'a déclaré dans in re Silver Brothers Ltdl à la page 524, comme deux bourses différentes: . . . Quoad the Crown in the Dominion of Canada the Special War Revenue Act confers a benefit, but quoad the Crown in the Province of Quebec it proposes to bind the Crown to its disadvantages. It is true that there is only one Crown, but as regards Crown revenues and Crown property by legislation assented to by the Crown there is a distinction made between the revenues and property in the Province and the revenues and property in the Dominion. There are two separate statutory purses. In each the ingathering and expending authority is different. Il ne me paraît pas que dans les circonstances, le geste de l'une, soit de la province, puisse être considéré comme étant aussi le geste de l'autre, soit le fédéral, de façon à engager la responsabilité de cette dernière. La requérante ne peut pas, d'ailleurs, réclamer légalement de l'intimée le coût accru de la main-d'oeuvre causé par le nouveau décret s'étant engagée, comme nous l'avons vu, à assumer par le contrat toute augmentation par l'autorité compétente et devant, d'ailleurs, par le fait même, comme tout soumissionnaire prudent, prévoir les augmentations qui peuvent survenir pendant l'exécution du contrat. Ceci évidemment n'exclut pas la possibilité pour l'intimée, dans un cas comme celui-ci, la moyenne des salaires est considérablement augmentée par l'autorité compétente peu après le commencement des travaux, de consentir, si elle le veut bien, par une autorisation appropriée, mais d'une façon ex gratia cependant, un dédommagement pour cet item. 1 [1932] A.C. 514.
658 THÉBERGE LTÉE v. THE QUEEN [1970] Ex.C.R. La requérante réclame le remboursement d'un montant total de pertes de $354,536.21 dans l'exécution de ce contrat. Ce montant, bien que la preuve des différents item couverts par ce montant ne soit pas d'une grande précision, semble comporter d'abord le montant de $82,393.53, soit l'augmentation des salaires par le nouveau décret, un montant de $142,952.74, qui a fait l'objet d'une étude par l'ingénieur Mousseau de Defence Construction Limitèd et pour lequel il a recommandé le paiement d'une somme de $78,645.30, paiement d'ailleurs qui ne fut pas autorisé par le Conseil du Trésor, et enfin un montant de $129,189.94 pour lequel l'ingénieur Rinfret, de la requérante, tenta de donner certaines précisions. C'est par une lettre en date du 20 février 1963 que président de la requérante, J. R. Théberge, réclame le montant de $142,952.74 comme compensation pour le coût accru des travaux pendant la saison hivernale. Il déclare en effet à la page 2 de sa lettre: In view of the above, we are then submitting to you a compensation claim of $142,952.74 as the extra cost of the work performed during this abnormal winter over and above that had been estimated in our bid. L'ingénieur Rinfret, de la requérante, précise que ce montant de $142,952.74 est attribuable d'abord à l'accroissement de la main-d'oeuvre et dans ce qu'il appelle «camp loss» (l'augmentation probable des frais de nourriture et de logement au surplus d'hommes employés sur les travaux). Il faut aussi inclure dans ce montant les travaux accrus de bétonnage provoqués par la froide température. Quant au montant de $129,189.94, ce témoin déclare qu'il s'agit de montants dépensés à cause des difficultés hivernales. Ce contrat s'est effectué, dit-il, sur une période de 21 années et, ajoute-t-il, durant le dernier hiver, le contracteur a aussi travailler dans des circonstances climatériques très sévères qui ont résulté en une perte de $129,189.94. Des tuyaux d'amiante ont été brisés en une cinquantaine d'endroits différents, ce qui a coûté environ $25,000 parce qu'il a fallu les reprendre et quant à la balance, soit environ $100,000, cela peut, dit-il, être «affecté au poste d'administration directe du chantier», tel que équipe-ment, divers appareils de chauffage, combustible supplémentaire, arrêt de machinerie occasionné par les aléas de l'hiver. Le grand nombre de «change orders» aurait aussi, d'après Rinfret, causé une partie de cette perte, bien qu'il admit, en contre-examen, que la grande majorité des 60 «change orders» autorisés furent exécutés par le contracteur à profit et même des montants additionnels furent consentis au contracteur pour certains travaux prévus au contrat principal tels que, par exemple, pour le nivelage sur le site et dans un cas le contracteur devait détourner un cours d'eau, il lui fut en effet payé des prix unitaires supérieurs à ceux pour lesquels il avait soumissionné. En fait, sa soumission originale était pour une somme de $3,034,722.19 et il lui fut accordé, si l'on tient compte de certaines augmentations consenties pour des travaux prévus au contrat original ainsi que les montants alloués pour le travail additionnel, une somme additionnelle de $932,831.63, soit un montant total de $3,987,000. Il faut aussi noter que le travail prévu au contrat original fut exécuté aux taux de salaires prévus au contrat mais le travail additionnel le fut aux nouveaux taux. Il me paraît donc que la requérante a reçu pour l'exécution de ce contrat, non seulement ce qu'elle était en droit de recevoir selon les termes du contrat, mais aussi dans certains cas, des montants additionnels. Quant aux
660 TH$BERGE LT$E v. THE QUEEN [1970] Ex.C.R. travaux additionnels couverts par des «work orders» elle a reçu des montants qui firent l'objet d'une négociation entre les parties et qui, par conséquent, furent acceptés par le contracteur et pour lesquels, d'ailleurs, la requérante ne réclame pas, sauf, peut-être, pour une certaine augmentation de ce qu'elle appelle les frais d'administration du contrat. Elle ne réclame, en effet, tel que son président le déclare dans sa lettre du 20 février 1963 (pièce R-3) que pour l'excédent du coût du travail effectué en deçà du montant qu'elle avait estimé dans sa soumission. Or, elle ne peut réclamer pour cet excédent même si, en fait, tel que la requérante l'allègue, une certaine pression fut exercée. sur elle par les autorités pour qu'on emploie un nombre maximum d'hommes pour aider à l'embauchage durant l'hiver, ce qui, d'ailleurs, n'a pas été prouvé, le président de la requérante ne déclarant tout au plus que vaguement que «les gens du gouvernement d'abord, puis les députés de l'organisation de Québec, des syndicats, puis les organisations pour les travailleurs» lui ont demandé d'employer des travailleurs. D'ailleurs, même si elle pouvait réclamer cet excédent, cette Cour ne pourrait le lui accorder puisqu'il s'agit ici d'un contrat de construction à forfait par marché suivant plans et devis et l'article 1690 C.C. prévoit que dans un tel cas, elle ne peut demander aucune augmentation de prix ni sous le prétexte de changements dans les plans et devis, ni sous celui d'augmentation de la main-d'œuvre ou des matériaux à moins que ces changements ne soient autorisés par écrit et le prix arrêté par le propriétaire; d'ailleurs, l'article 47 de la Loi sur la Cour de l'Échiquier déclare aussi que dans un tel cas, cette Cour ne peut accorder une compensation quelconque pour le motif que le contracteur a dépensé un montant plus élevé dans l'exécution de son entreprise que celui que déterminait le contrat. L'ingénieur Mousseau, du Ministère, a bien recommandé quant à la réclamation de $142,952.74 un dédommagement au contracteur de $70,467 qu'il explique dans une lettre à son supérieur, L. D. Brien (pièce R-4) en disant que «... We understand that legally we owe nothing to the contractor due to the type of winter but morally we believe that the present claim has some grounds»; il ne s'agit , cependant, que d'une recommandation que les autorités gouvernementales seules, soit le Conseil du Trésor, auraient pu fort bien autoriser et qu'ils pourraient encore autoriser mais qu'ils ont refusée, comme nous l'avons vu et, malheureusement pour la requérante, il n'est pas du ressort de cette Cour de pouvoir lui accorder, dans ces circonstances, compensation quelconque. Je me vois donc dans l'obligation de rejeter la présente pétition avec les dépens.
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