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[1970] R.C.É. MERCK & CO. v. SHERMAN & ULSTER 663 [TRADUCTION] Merck & Co. Inc. (Appelante) v. Sherman & Ulster Ltd (Intimée) Le Président JackettOttawa, le 2 juillet 1970. BrevetsPartiesPratiqueAppel de l'octroi d'une licence que le Commissaire des brevets est dans l'obligation d'accorderIntervention du procureur généralLoi sur les brevets, art. 41 Règle 3E(2)b) de la Cour de l'Échiquier. Dans l'appel porté devant la Cour de l'Échiquier d'une décision du Commissaire des brevets rendue en vertu de l'art. 41 de la Loi sur les brevets qui oblige ce dernier à octroyer une licence pour utilisation d'une invention à des fins de préparation ou de production d'aliments ou de médicaments, il faut reconnaître au procureur général du Canada le droit d'intervenir pour représenter l'intérêt public. En vertu de la Règle 3E(2)b) de la Cour de l'Échiquier, la cour a le pouvoir de rendre pareille ordonnance. D'après les dispositions de l'art. 5 de la Loi sur le ministère de la Justice, S.R.C. 1952, c. 71, il est plus juste de continuer l'affaire au nom du procureur général plutôt qu'au nom du Commissaire des brevets. DEMANDE du procureur général du Canada. D. H. Aylen, c.r. pour le procureur général. David Watson, contra. LE PRÉSIDENT JACKETTDans chacun de ces appels1 interjetés en vertu de l'article 41 de la Loi sur les brevets, à l'exception des deux appels pour lesquels le commissaire des brevets était déjà partie, l'avocat du procureur général du Canada a demandé que le commissaire des brevets soit par ordon-nance ajouté comme intimé. Par consentement, la motion la été changée en une demande d'adjonction au procès du procureur général du Canada. Aucune des personnes présentement parties aux appels ne s'est opposée à ce que l'avocat du procureur général du Canada soit autorisé à compa-raître à l'audience des divers appels et à prendre part au débat. Quelques-unes se sont cependant opposées à ce que le commissaire des brevets ou le procureur général du Canada soit admis comme partie aux appels. La dif-férence pratique est que, si tel était le cas, il ne pourrait produire de preuve à moins d'être partie au procès, et ne serait pas qualifié pour interjeter appel de toute décision qui pourrait y être prise. Les dispositions de la Loi sur les brevets auxquelles on peut se reporter à cet égard sont les suivantes: 4. (1) Le gouverneur en conseil peut nommer un commissaire des brevets qui doit, sous la direction du Ministre, exercer les pouvoirs et remplir les devoirs conférés et imposés à ce fonctionnaire aux termes ou en conformité de la présente loi. 17. Dans tous les cas od appel est prévu de la décision du commissaire à la Cour de l'Échiquier en vertu de la présente loi, cet appel doit être admis et exercé suivant les dispositions de la Loi sur la Cour de l'Échiquier et suivant les règles et la pratique de cette cour. * * * 25. Les frais du commissaire, dans toutes procédures exercées devant une cour en vertu de la présente loi, sont à la discrétion du tribunal, mais il ne peut pas être ordonné au commissaire de payer les frais de quelque autre des parties. * * * Il eut douze appels, impliquant plusieurs parties.
[1970] R.C.É. MERCK & CO. v. SHERMAN & ULSTER 665 41. (3) Lorsqu'il s'agit d'un brevet couvrant une invention destinée à la préparation ou à la production d'aliments, ou susceptible d'être utilisée à de telles fins, le commissaire, à moins qu'il ne trouve de bonnes raisons justifiant le con-traire, doit accorder à quiconque en fait la demande une licence limitée à l'utilisation de l'invention pour les fins de préparation ou de production d'aliments, mais pour nulle autre fin; et, en arrêtant les conditions de cette licence et en fixant le montant de la redevance ou autre considération à payer, le commissaire doit tenir compte de l'opportunité de rendre l'aliment accessible au public au plus bas prix possible, tout en accordant à l'inventeur une juste rémunération pour les recherches qui ont conduit à l'invention. (4) Si, lorsqu'il s'agit d'un brevet couvrant une invention destinée à des médicaments ou à la préparation ou à la production de médicaments, ou susceptible d'être utilisée à de telles fins, une personne présente une demande pour obtenir une licence en vue de faire l'une ou plusieurs des choses suivantes comme le spécifie la demande, savoir: a) lorsque l'invention consiste en un procédé, utiliser l'invention pour la préparation ou la production de médicaments, importer tout médicament dans la préparation ou la production duquel l'invention a été utilisée ou vendre tout médicament dans la préparation ou la production duquel l'invention a été utilisée, ou b) lorsque l'invention consiste en autre chose qu'un procédé, importer, fabriquer, utiliser ou vendre l'invention pour des médicaments ou pour la préparation ou la production de médicaments, le commissaire doit accorder au demandeur une licence pour faire les choses spécifiées dans la demande à l'exception de celles, s'il en est, pour lesquelles il a de bonnes raisons de ne pas accorder une telle licence; et, en arrêtant les conditions de la licence et en fixant le montant de la redevance ou autre con-sidération à payer, le commissaire doit tenir compte de l'opportunité de rendre les médicaments accessibles au public au plus bas prix possible tout en accordant au breveté une juste rémunération pour les recherches qui ont conduit à l'invention et pour les autres facteurs qui peuvent être prescrits. * * * (11) Toute décision rendue par le commissaire en vertu du présent article est susceptible d'appel devant la Cour de l'Échiquier, avec cette réserve qu'une décision du commissaire au sujet d'une licence temporaire est définitive à toutes fins et n'est susceptible d'appel ou de revision devant aucun tribunal. * * * (13) Lorsqu'une demande est présentée en conformité du paragraphe (4) ou qu'une requête est faite conformément au paragraphe (5), le commissaire doit immédiatement donner avis de cette demande ou requête au ministère de la Santé nationale et du Bien-être social et à tout autre ministère, département ou organisme prescrits du gouvernement du Canada. (14) Le gouverneur en conseil peut établir des règles ou règlements * * * e) prévoyant la présentation au commissaire, pour le compte du gouverne-ment du Canada, d'observations relatives à toute demande ou requête mentionnée au paragraphe (13); et * * * 62. (1) Un brevet ou une revendication se rapportant à un brevet peut être déclaré invalide ou nul par la Cour de l'Échiquier, à la diligence du procureur général du Canada ou à la diligence d'un intéressé. * * * 67. (1) Le procureur général du Canada ou tout intéressé peut, à tout moment après l'expiration de trois années à compter de la date de la concession d'un brevet, s'adresser au commissaire pour alléguer que, dans le cas de ce brevet, les droits exclusifs qui en dérivent ont donné lieu à un abus et pour demander un recours sous l'autorité de la présente loi. * * *
[1970] R.C.É. MERCK & CO. v. SHERMAN & ULSTER 667 73. Toutes les ordonnances et décisions rendues par le commissaire sous l'autorité des articles 67 à 72 sont sujettes à appel à la Cour de l'Échiquier, et en tout pareil appel, le procureur général du Canada ou un avocat qu'il peut désigner a le droit de comparaître et d'être entendu. On peut aussi se reporter aux articles 22 et 23 de la Loi sur la Cour de l'Échiquier, que voici: 22. (1) Tout solliciteur d'un brevet sous le régime de la Loi sur les brevets, qui n'a pas réussi à obtenir un brevet à cause de l'opposition du commissaire des brevets, ainsi qu'il est prévu dans ladite loi, peut, dans les six mois qui suivent l'envoi par la poste, sous pli recommandé, d'un avis de cette opposition à son adresse ou à celle de son agent, interjeter appel de la décision dudit commissaire à la Cour de l'Échiquier. (2) La Cour de l'Échiquier a juridiction exclusive pour entendre et décider cet appel. 23. (1) Le commissaire des brevets a droit de comparaître au nom de la Couronne et comme représentant des intérêts du public; il a aussi le droit de se faire entendre par l'intermédiaire de son avocat lors de l'instruction d'un appel interjeté aux termes de l'article 22. (2) Le commissaire des brevets agissant en la qualité susdite est admis à interjeter à la Cour suprême du Canada appel du jugement de la Cour de l'Échiquier du Canada dans tout pareil appel, en déposant, dans les trente jours du prononcé de ce jugement, au bureau du registraire de la Cour suprême du Canada, un avis faisant connaître que le commissaire des brevets est mécontent de ce jugement, et cet avis tient lieu du dépôt garantissant les frais. (3) La pratique établie à l'égard des appels des jugements de la Cour de l'Échiquier régit les autres procédures dans ledit appel. La Loi sur les brevets n'apporte aucune disposition légale ou règle de la cour précisant quelles personnes doivent être parties au procès lors de l'appel d'une décision du commissaire des brevets. En l'absence de disposition plus précise, j'estime que le point en litige est soumis à la règle 3E des Règles de cette Cour, dont voici un extrait: (1) Aucune cause ou instance ne doit être annulée en raison de l'adjonction injustifiée ou de l'omission de quelque partie; et la Cour peut, dans toute cause ou instance, déterminer les objets ou questions du litige dans la mesure ils portent atteinte aux droits et intérêts des personnes qui sont parties dans la cause ou l'instance. (2) A tout stade de la procédure dans une cause ou instance quelconque, la Cour peut, dans les conditions qu'elle estime justes et de sa propre initiative ou sur demande, a) ordonner qu'une personne qui a été irrégulièrement ou sans nécessité adjointe à l'instance, ou qui a pour quelque raison cessé d'être régulière-ment ou nécessairement une partie, soit mise hors de cause; ou b) ordonner que toute personne qui aurait être adjointe à l'instance, ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour que toutes les questions litigieuses de la cause ou instance puissent être efficacement et complètement décidées et jugées, soit adjointe à l'instance; mais personne ne doit être adjoint comme co-demandeur sans son consentement signifié par écrit ou de toute autre manière qui peut être autorisée. Si l'on considère des jugements comme celui rendu dans l'arrêt West-minster Bank v. National Bank, 2 il se peut bien que, comme le soutient à mon avis M. Watson, aucune tierce personne ne devrait être admise comme 2 (1969) 3 W.L.R. 468.
[1970] R.C.É. MERCK & CO. v. SHERMAN & ULSTER 669 partie dans un procès ordinaire, en l'absence d'autorisation légale expresse, à moins que les droits ou obligations de cette personne ne soient directe-ment affectés par le jugement tranchant les questions soulevées en l'espèce. A vrai dire, normalement j'aurais cru évident que les parties à un litige puissent résoudre leur différend selon les Règles, aussi rapidement et à aussi peu de frais que possible et aient le droit de refuser l'intervention de tierces parties visant à utiliser leurs actions afin d'atteindre quelque autre objet avec la conséquence quasi inévitable de délais, de frais et de complications sup-plémentaires. En admettant que les procédures de conflit prévues par l'article 45 de la Loi sur les brevets soient, à ce point de vue, des actions ordinaires, la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt International Minerals and Chemical Corp. v. Potash Company of America3, est à mon avis compatible avec cette idée mais n'établit pas que la Cour n'a pas le pouvoir dis-crétionnaire d'autoriser l'intervention d'un officier public dans une cause par-ticulière pour protéger l'intérêt public dans un sers plus général. A mon avis, cependant, quelle que puisse être la position à l'égard des procédures de conflit, il ne s'agit pas en l'espèce d'appels figurant au cours normal des procédures légales entre parties au procès. Ce sont des procé-dures légales spéciales et, comme rien dans la loi ne précise qui doit y être partie, la Cour peut, en vertu de la Règle 3E(2)a), ordonner que toute per-sonne ayant été irrégulièrement ou sans nécessité adjointe à l'instance soit mise hors de cause et peut, en vertu de la règle 3E(2)b), ordonner que tou-te personne dont la présence devant la Cour est nécessaire pour que toutes les questions litigieuses de l'instance puissent être efficacement et complète-ment décidées et jugées, soit «adjointe à l'instance». A mon avis, tous les appels interjetés en vertu de l'article 41 sont des ré-visions de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire fixé par la loi dans lesquelles les questions soulevées sont telles que la Cour requiert l'aide de quelque per-sonne, autre que le détenteur du brevet ou de licence, pour assurer devant la cour une représentation correcte de l'intérêt général. L'article 41(3) montre clairement que l'un de ses principaux buts est de sauvegarder l'intérêt géné-ral pour toute disposition prise en vertu de ce paragraphe. Ceci se voit dans tout le paragraphe et s'explicite dans l'exigence selon laquelle, en arrêtant les conditions de la licence et en fixant la considération, le commissaire doit tenir compte de l'opportunité de rendre l'aliment accessible au public au plus bas prix possible tout en accordant une juste rémunération à l'inventeur. Quant aux demandes du paragraphe (4), l'article 41(14)e) reconnaît de façon explicite que certains problèmes soulevés puissent exiger la représen-tation des intérêts du grand public. Le fait qu'une autorité publique soit adjointe aux procédures pour reviser la jurisprudence légale moderne n'est pas nouveau. Comparer les arrêts Labour Relations Board, Sask. v. Dominion Fire Brick and Clay Products Ltd4 et Labour Relations Board of New Brunswick v. Eastern Bakeries Ltd et al.3 A cet effet il est bon de noter que dans l'affaire International Minerals, précitée, le juge Cartwright, 8 [1965] R.C.S. 3. * [1947] R.C.S. 336. 5 [1961] R.C.S. 72.
[1970] R.C.É. MERCK & CO. v.. SHERMAN & ULSTER 671 (à l'époque), en rendant le jugement de la Cour suprême du Canada, a com-menté le fait que dans les procédures de conflit, alors en question, le com-missaire des brevets «ne prenait pas part à l'action». Bien qu'il soit possible que, parfois, le droit du tribunal dont on a interjeté appel pour être adjoint à l'instance se restreigne au cas « sa compétence est mise en cause», à mon avis, lorsque, comme c'est le cas ici, un officier public s'est vu conféré le devoir de tenir compte de l'intérêt public en prenant une décision, la Cour devrait avoir l'aide d'une partie représentant l'intérêt public quand cette décision est contestée. Il est fort possible, compte tenu des décisions et de la pratique antérieures, qu'il soit correct d'admettre, en l'espèce, que le commissaire des brevets s'adjoigne à l'instance. A mon avis, cependant, il serait plus conforme au droit et aux usages, et plus convenable d'accorder au procureur général du Canada l'autorisation d'intervenir comme partie pour représenter l'intérêt général. La disposition légale pertinente est l'article 5 de la Loi sur le ministère de la Justice, S.R.C. 1952, chapitre 71, dont voici un extrait: 5. Les attributions du procureur général du Canada sont les suivantes: a) il est revêtu des attributions et chargé des fonctions qui sont attachées à la charge de procureur général d'Angleterre par la loi ou par l'usage, en tant qu'elles sont applicables au Canada, ainsi que des attributions et fonctions qui, par les lois des diverses provinces, relevaient de la charge de procureur général de chaque province jusqu'à l'époque de l'entrée en vigueur de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, en tant que ces lois, en vertu des dispositions de ladite loi, sont administrées et appliquées par le gouvernement du Canada; * * * d) il est chargé de régler et de diriger la demande ou la défense dans toutes les contestations formées pour ou contre la Couronne ou un ministère public sur les matières qui rentrent dam les limites de l'autorité ou des attributions du Canada; A mon avis, le rôle que joue le procureur général du Canada dans ces appels n'est qu'un développement logique du rôle historique du procureur général d'Angleterre. En tout cas, dans la mesure le commissaire des brevets est une partie régulièrement admise, puisqu'il remplit ses devoirs et exerce ses pouvoirs sous la direction d'un ministre de la Couronne (article 4(1) de la Loi sur les brevets), il serait plus à propos de continuer l'affaire au nom du procureur général du Canada en vertu de l'article 5d) de la Loi sur le mi-nistère de la Justice. Voir McGuire v. McGuire.6 Je n'ai pas négligé le fait qu'il y a des dispositions spéciales de la loi ac-cordant au commissaire des brevets ou au procureur général du Canada des privilèges de participation dans certaines procédures en vertu de la Loi sur les brevets. A mon avis, quand on les considère comme un tout dans le contexte de la Loi sur les brevets, elles ne limitent pas implicitement l'auto-rité de la Cour en vertu de la Règle 3E. Ce qui signifie que, dans certains cas, le Parlement a stipulé qu'une autorité publique doit avoir le droit d'in- [1953] O.R. 328.
1970] R.C.E. MERCK & CO. v. SHERMAN & ULSTER 673 tervenir pour protéger l'intérêt public. C'est un droit qui ne pourrait pas être restreint par les Règles de la Cour mais, sous réserve de l'application de ces dispositions, la question est soumise aux Règles de la Cour. Une ordonnance sera rendue dans chacun de ces appels, à l'exception de Pfizer v. Sterilab, N° B-3708, et de Pfizer v. Novopharm, N° B-3709, pour ad-joindre le procureur général du Canada comme partie à l'instance et modifier l'intitulé de cause de manière à le présenter comme «Intervenant». Dans les appels Pfizer v. Sterilab et Pfizer v. Novopharm, il y aura une ordonnance, par consentement, visant à éliminer le commissaire des brevets des parties à l'instance, à adjoindre le procureur général du Canada comme partie intervenante et à modifier l'intitulé de cause en conséquence.
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