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534 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. Caloil Inc. (Demanderesse) v. Le Procureur général du Canada (Défendeur) N° 2 Le Juge DumoulinOttawa, les 11, 12 et 16 septembre 1970. Droit constitutionnelTrafic et CommerceLoi sur l'Office National de l'énergie, 1959, ch. 46, Partie VI Règlement 20 en date du 12 août 1970Licence d'importation d'essenceRefus de licence autorisé quand l'importation enfreint l'intérêt national Règlement intra vires. Par suite d'une décision de cette Cour en date du 1°' août 1970, (ante, p. 513) le règlement 20 de la Partie VI des règlements de l'Office national de l'énergie a été modié le 12 août 1970. Le règlement modifié prévoit, inter alla, que l'Office peut autoriser l'importation pour fins de consommation dans une région déter-minée du Canada, et peut imposer une telle condition au détenteur de la licence, et qu'une licence ne doit pas être délivrée si l'Office n'est pas sûr que le pétrole importé sera consommé dans la région spécifiée dans la demande et que les conditions de la licence seront respectées. Le 17 août 1970, la demanderesse a sollicité une licence pour importer 160,000 tonneaux d'essence pour fins de distribution dans les régions de Montréal, Cornwall, Toronto et Port Stanley. L'Office était disposé à autoriser l'importation d'essence pour fins de consommation dans les régions de Montréal et de Cornwall sur réception d'une déclaration à l'effet que l'essence importée serait consommée dans ces régions, mais il a rejeté la demande d'importation d'essence dans les régions de Toronto et de Port Stanley pour le motif qu'il n'était pas convaincu qu'une telle importation serait compatible avec la mise en valeur et l'utilisation des ressources pétrolières canadiennes. Arrêt, rejetant l'action en déclaration que le règlement modifié et la Partie VI de la Loi sur l'Office national de l'énergie sont inconstitutionnels, le règlement amendé n'empiète pas sur les droits civils mais il constitue un exercice valide de l'autorité fédérale concernant la réglementation du commerce international et interprovincial. Murphy c. C.P.R. [1958] R.C.S. 626; Proc. Gén. du Canada c. Att'y-Gen. B.C. [1930] A.C. 111; Shannon c. Lower Mainland Dairy Products Board [1938] A.C. 708, mentionnés. ACTION en jugement déclaratoire. R. Langlois, pour la demanderesse. R. Bédard, c.r., pour le défendeur. LE JUGE DuMouLuvCette action déclaratoire de nullité est à toutes fins utiles le second acte d'un différend de nature constitutionnelle dont la pre- mière partie se termina, le ler août écoulé, par la décision du Président de cette Cour, l'honorable juge Jackett, invalidant « ... le système législatif de la partie VI de la Loi sur l'Office national de l'énergie (7-8 Elizabeth II, chapitre 46) et de l'article 20 des règlements de la Partie VI sur l'Office national de l'énergie», qui semblait au savant juriste outrepasser «les pou- voirs du Parlement dans la mesure il autorise l'interdiction d'importer de l'essence à moteur sous réserve de la condition énoncée à l'article 20(4)2, 1, citée plus bas. La phase initiale du débat porte le numéro du greffe B-3887. 1 ante p. 519.
536 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. Comme elle ne fut suivie d'aucun pourvoi d'appel à la Cour suprême, le Procureur général du Canada convenant de sa rectitude, elle constitue donc pour autantpro tantochose jugéems judicataentre les parties. L'identité des faits permettra d'y recourir dès maintenant pour l'exposé de l'entreprise commerciale de la compagnie Caloil, Incorporée. La demanderesse importe et vend au Canada des produits pétroliers depuis le 28 août 1963. Aux fins de son entreprise, elle possède, dans le port de Montréal et dans celui de Toronto, un ensemble de réservoirs pour produits pétroliers pouvant contenir respectivement 45,675,000 gallons (à Montréal) et 5,600,000 (à Toronto). Ces installations sont reliées par un réseau de distribution aux marchands de gros et aux détaillants desservant les provinces de Québec et d'Ontario. La deman-deresse a un patrimoine d'au moins $12,000,000 et emploie plus de 1,200 personnes. La demanderesse se procure les produits pétroliers sur le marché international (en ce qui nous occupe, le port d'exportation est Algesiras, Espagne) et les importe, par mer, grâce aux installations de Montréal au taux annuel de 178,500,000 gallons environ dont 63,000,000 sont écoulés sur le marché ontarien.' «Le 7 mai 1970», lisons-nous à l'article 8 de la Déclaration de la de-manderesse dans la présente action, «le Gouverneur général en Conseil sou-mettait le pétrole aux dispositions relatives à l'importation et à l'exportation contenues à la partie VI de la Loi sur l'Office national de l'énergie dans l'exercice des nouveaux pouvoirs à lui délégués comme conséquence de cette dite proclamation ... » avec le résultat relaté à l'article 12, que: 12. A la date du dépôt de la proclamation susdite, la demanderesse s'était engagée à livrer 63,000,000 gallons de gazoline en Ontario pour mise en marché à l'intérieur de la région décrite comme la région III dans les règlements sur l'Office national de l'énergie, c'est-à-dire à l'ouest de la vallée de l'Outaouais. Ces livraisons promises devenaient possibles parce que, déclare l'article 10 de la demande, à la date du dépôt de la proclamation (le 7 mai 1970)...la demanderesse s'était engagée à acheter sur le marché international du pétrole tous les produits pétro-liers dont elle avait besoin pour l'année 1970, soit 178,500,000 gallons de produits pétroliers dont 126,000,000 gallons de gazoline; et la livraison au Canada devait s'effectuer, poursuit l'article 11, «au rythme d'environ 5,600,000 gallons par voyage consécutif de pétrolier». Telle était donc la situation lors de la première proclamation, celle du 7 mai, soumettant l'importation des produits pétroliers aux restrictions édictées dans le règlement numéro 20 qui, on le sait, fut frappé de nullité par la dé-cision dorénavant irréfragable du ler août 1970. Ainsi se clôtura le premier acte. Nous en sommes maintenant au second, et, si l'on préfère un autre terme de comparaison, à la deuxième étape de ce steeple-chase juridictionnel. La faculté d'amender ses règlements étant l'un des attributs délégués à l'Office national de l'énergie par sa loi organique, le statut 7-8 Elizabeth II, chapitre 46, il ne se tint pas pour irrémédiablement battu, et, si un premier amendement était invalide, un autre, de portée différente, pourrait con-naître un sort meilleur. Aussitôt dit, aussitôt fait, le 12 août dernier « ...la ante p. 513f.
538 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. Partie VI des règlements de l'Office national de l'énergie (était) amendée par le décret C.P. 1970-1419 du 12 août ...» dont avis fut donné à la com-pagnie Caloil par télex daté le 14 du même mois. Ce nouveau texte est rédigé ainsi quant à ses prescriptions susceptibles d'influer sur le litige actuel: 1. L'article 20 des Règlements sur l'Office national de l'énergie est abrogé et remplacé par le suivant: «20. (1) Au présent article et à l'article 21, le terme «consommation» signifie l'introduction de pétrole dans des réservoirs raccordés à un moteur à combustion interne en vue d'alimenter ce moteur. (2) Lorsque l'Office est d'avis que l'importation de pétrole faisant l'objet d'une demande de licence d'importation au Canada est compatible avec la mise en valeur et l'utilisation des ressources pétrolières canadiennes, il peut délivrer une licence d'importation de pétrole pour fins de consommation dans la région du Canada indiquée dans la licence en quantités, à l'époque et par les ports d'entrée qu'il juge appropriés. (3) Toute licence délivrée par l'Office en vertu du paragraphe (2) peut être délivrée à la condition que le pétrole à importer sera consommé dans la région du Canada indiquée dans la licence. (4) Lorsque l'Office n'est pas raisonnablement sûr que la consommation du pétrole à importer se fera dans la région du Canada spécifiée dans la demande de licence et que les modalités de la licence seront respectées, il ne doit pas accorder la licence demandée. (Tous les italiques, ici et ailleurs, sont de moi, à une exception près.) Cet amendement, est inséré aux pages 961 et 962 de la Gazette officielle du Canada, livraison du 26 août 1970, n° 16, vol. 104. Outre ce droit de refuser une licence d'importation, l'article 84 (de la Loi sur l'Office national de l'énergie) prévoit la révocation de tel permis ou sa suspension, après avis à l'infracteur présumé, si l'Office estime que l'une des conditions imposées aurait été enfreinte. Enfin, l'article 86 porte que tout violateur des dispositions de la Partie VI cou des règlements établis sous son régime est coupable d'une infraction punissable sur déclaration sommai-re de culpabilité ainsi que le prévoit le Code criminel». Cette double sanction, partie intégrale de la Loi sur l'Office national de l'énergie, n'a été aucunement affectée par la deuxième procédure d'amendement, le décret 1970-1419, du 12 août. Après cette manoeuvre prétendument rectificative tentée par l'Office, il incombait à la compagnie Caloil de prendre parti: celui de la résistance légale ou celui de la soumission; elle adopta le premier, on le sait. Ce n'est pas aller au-delà de l'intention de la demanderesse que de prêter, à sa demande d'une licence d'importation formulée à l'Office par Telex, daté le 17 août 1970 (pièce R-4) cet autre objectif d'éprouver, advenant un refus, la légalité du règlement amendé de la veille ou peu s'en faut. Cette intention est, du reste, exprimée dans les premières lignes de la communication transmise à l'Office national de l'énergie par ce message télégraphique du 17 août: Relativement à votre Telex de vendredi, le 14 août 1970, concernant l'ordre en conseil P.C. 1970-1419, du 13 [sic] août, Caloil, sans préjudice, à ses droits pour contester la validité desdits règlements, par la présente demande l'émission d'une licence en vue de l'importation des quantités d'essence à moteur indiquées dans le tableau ci-dessous.
540 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. Le port de chargement était Algésiras, Espagne, celui de déchargement, Montréal, la date d'entrée prévue le ler septembre 1970, et «la quantité chargée ou anticipée: 160,000 barils». Ces informations semblaient bien satisfaire aux exigences de l'article 20, nouveau texte; l'objection, dont nous verrons tantôt les effets, provient de l'indication libellée ainsi dans le telex du 17 août (pièce R-4) : 10. Déchargement distribué comme suit: Région de Montréal, 60,000 barils Région de Toronto, 50,000 barils Région de Port Stanley, 40,000 barils Région de Cornwall, 10,000 barils. Quatre jours plus tard, soit le 21 août, l'Office national de l'énergie noti-fiait la compagnie Caloil que sa requête du 17 précédent pour obtention d'un permis d'importation était refusée parce que: (pièce R-5) : ... Les demandeurs de licences d'importation doivent fournir à l'Office des renseignements au sujet, entre autres, de la région du Canada (province ou ter-ritoire) . le produit importé doit être consommé. Une demande distincte sera requise pour chaque région de consommation. Votre demande est incomplète du fait qu'elle ne délimite pas précisément les régions dans lesquelles l'essence importée sera consommée (Voir article 20, paragraphe (1), des Règlements modifiés sur l'Office national de l'énergie). Les deux paragraphes suivants appuient davantage sur le grief principal dont se plaint l'Office et qui, à son avis, le justifie de ne pas accorder la requête de Caloil: Au reçu d'une déclaration de votre part signée par un dirigeant autorisé de votre compagnie, précisant que l'essence importée qui est destinée à être consommée dans les régions de Montréal et de Cornwall sera, de fait, consommée dans ces régions, l'Office serait disposé à approuver la délivrance de licences pouf ces deux importations. Les demandes d'importation d'essence à moteur pour les régions de Port Stanley et de Toronto ne sont pas approuvées vu que l'Office n'est pas convaincu que ces importations seraient compatibles avec la mise en valeur et l'utilisation des ressources pétrolières canadiennes. A cette fin de non-recevoir, la demanderesse oppose l'action déclaratoire de nullité, dont les sous-paragraphes (b) et (c) de l'article 26 particularisent la fin qu'elle se propose d'obtenir; je les cite: 26. (b) Déclarer la nouvelle réglementation édictée sous l'empire de la Partie VI de la Loi sur l'Office national de l'énergie par l'arrêté en Conseil C.P. 1970-1419 inconstitutionnelle, invalide, nulle et de nul effet ab initio, de même que la Partie VI de la Loi sur l'Office national de l'énergie en autant que cette réglementation est illégale; (c) Sous réserve de toute autre législation actuelle déclarer que la Demanderesse a droit d'importer des produits pétroliers sans aucune restriction quant à leur mise en marché. Le défendeur et le mis-en-cause prennent, évidemment, le contre-pied de cette demande et concluent qu'il «plaise au tribunal»: Débouter la demanderesse de son action; Déclarer le schème législatif dont il s'agit intra vires du Parlement et du Gouverneur en Conseil. Ma tâche, telle que je la conçois, consiste moins à confronter l'un avec l'autre l'ancien règlement invalidé et le nouveau en vigueur, moins à recher-
542 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. cher en quoi celui-ci différerait de celui-là, que de considérer, indépendam-ment de toute réglementation antérieure, si le texte adopté par le décret ministériel C.P. 1419 du 12 août est ou n'est pas constitutionnel. Cependant, je ne saurais éviter d'inclure ici certains extraits du règlement périmé, par-ticulièrement l'article 20 (4) que les savants procureurs des parties ont com-menté à maintes reprises; comme ils ont aussi insisté, avec conclusions diffé-rentes, sur l'omission dans le nouvel article 20 de la répartition du territoire canadien en six régions (I à VI inclusivement) topographiquement délimitées. Il était prescrit, avant le 12 août écoulé, par la section 20 (4) que: 20. (4) L'Office peut délivrer des licences pour l'importation d'essence à moteur à travers les bureaux de douane situés dans les Régions I (les quatre provinces maritimes) et II (la province de Québec et une partie de la province d'Ontario à l'est de la vallée de l'Outaouais) et peut délivrer l'une, plusieurs ou la totalité de ces licences à la condition seulement que, sans le consentement de l'Office, l'importateur a) ne transporte ni ne fasse transporter de l'essence d moteur des Régions I et II d la Région III (la province d'Ontario, sauf les comtés et cantons inclus dans la région II) ni b) ne vende ou ne livre de l'essence d moteur pour consommation dans les Régions I et II. Il est assez clair, à la lecture de cette citation, que l'Office prétendait régler, sans distinction suffisante de sa provenance, la vente de la gazoline à l'intérieur des limites de certaines provinces. Sauf erreur de ma part, tel me paraît être le sentiment que le savant Président de cette Cour résumait ainsi à la page 18 de sa décision, le ler août: L'article 20 (ancienne teneur) n'a pas pour objet de conférer à l'Office national de l'énergie le pouvoir de régir les mouvements d'essence importée. Il a pour objet d'interdire à un détenteur de licence, comme condition d'obtention d'une licence, de transporter sans le consentement de l'Office, cde l'essence à moteur» de l'est de la ligne précitée dans le reste de l'Ontario. En d'autres termes, cette condition s'applique d toute essence d moteur que possède le détenteur de la licence même si elle est produite au Canada. Ceci ne constitue certainement pas une loi qui a pour objet de réglementer les marchandises importées. A la suite de ce très long préambule, de cet exposé possiblement fastidieux de l'état de la question, il est grand temps de serrer de plus près le thème du litige, qui, pour la centième fois peut-être, voit s'affronter les prétentions des deux classes d'autorités législatives: le Parlement et les Législatures. Spécifi-quement, en l'occurrence, qui doit l'emporter de l'article 91(2), ou de l'article 92(13). La réglementation décrétée le 12 août relève-t-elle principale-ment du soin de régir le commerce et le trafic ou intéresse-t-elle davantage les droits civils et la propriété? Ce n'est pas solutionner la difficulté que de rappeler les incessants conflits du genre soulevés depuis le début de l'union fédérative, mais cela permet de signaler les affinités étroites sinon même spécieuses qui compliquent l'exacte démarcation à établir entre ces pouvoirs, tous deux souverains dans leur sphère propre. Cette complexité était signalée dès 1881, pour ne pas remonter plus avant, dans l'instance Citizens' Insurance Co. v. Parsons8, un arrêt du Conseil privé, 3 (1881) 7 App. Cas. 96 à la p. 109.
544 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. qui bien des décennies après, inspirait ce commentaire à M. le juge Locke, parlant au nom de la Cour suprême dans la cause Murphy v. C.P.R 4: It was said in the judgment of the Judicial Committee in Citizens' Insurance Co. v. Parsons, and it has been said many times since, that in performing the difficult duty of deciding questions arising as to the construction of ss. 91 and 92 of the British North America Act it is a wise course to decide each case which arises without entering more largely upon the interpretation of the statute than is necessary for the decision of the particular question in hand... Dans un appel au Conseil privé, l'instance Att'-Gen. for C. and Att'-Gen. for B.C. 5, Lord Tomlin, en son nom et en ceux de ses collègues, suggérait quatre moyens de distinguer le caractère juridique des litiges constitutionnels; l'eminent légiste écrivait que: Questions of conflict between the jurisdiction of the Parliament of the Dominion and provincial jurisdiction have frequently come before their Lordships' Board, and as the result of the decisions of the Board the following propositions may be stated:— (1) The legislation of the Parliament of the Dominion, so long as it strictly relates to subjects of legislation expressly enumerated in s. 91, is of paramount authority, even though it trenches upon matters assigned to the provincial legislatures by s. 92... (Je répète que tous les italiques sont de moi.) (2) The general power of legislation conferred upon the Parliament of the Dominion by s. 91 of the Act in supplement of the power to legislate upon the subjects expressly enumerated must be strictly confined to such matters as are unquestionably of national interest and importance, and must not trench on any of the subjects enumerated in s. 92 as within the scope of provincial legislation, unless these matters have attained such dimensions as to affect the body politic of the Dominion. (3) It is within the competence of the Dominion Parliament to provide for matters which, though otherwise within the legislative competence of the provincial legislature, are necessarily incidental to effective legislation by the Parliament of the Dominion upon a subject of legislation expressly enumerated in s. 91. (4) There can be a domain in which provincial and Dominion legislation may overlap, in which case neither legislation will be ultra vires if the field is clear, but if the field is not clear and the two legislations meet the Dominion legislation must prevail. Je m'efforcerai de suivre ces sages directives. Nous pouvons déduire de ces quatre normes interprétatives deux postu-lats, admis sans conteste: premièrement, le Parlement est seul compétent à légiférer en matière de commerce et de trafic sous le double aspect de l'importation et de l'exportation; deuxièmement, cette attribution s'étend corol-lairement au commerce interprovincial. Citons à l'appui de cette dernière faculté, l'un des multiples cas qui l'ont reconnue, cet extrait des notes de M. le juge Locke dans l'affaire de Murphy v. C.P.R. suprae: As pointed out by the learned Chief Justice of Manitoba, it has been long since decided that the provinces cannot regulate or restrict the export of natural products such as grain beyond their borders... The matter had been considered in earlier cases and in the judgment delivered by Duff J., as he then was, in Lawson v. Interior Tree Fruit and Vegetable Committee of Direction, a case which dealt with the marketing of natural products produced in the province of British 4 [1958] R.C.S. 626 aux pp. 627 et 628. 6 [1930] A. C. 111, à p. 118; Olmsted, vol. 2, 617 à 623. [1958] R.C.S. 626 à p. 631.
546 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. Columbia, it was said that foreign trade and trading matters of interprovincial concern are among the matters included within the ambit of head 2 of s. 91. Il convient de joindre ces lignes du prononcé de feu le Juge-en-chef Duff, in The Lawson case?; je crois que l'opinion de l'éminent magistrat est également applicable aux compagnies, telle que Caloil, de création provinciale, dans des conjonctures analogues; citation: Matters, otherwise of local concern only, and, so long as they continue to be so, outside the scope of head 2 of section 91, may become, in virtue of their relation to the trading activities of such companies, matters of national concern, and, in so far as they are so, subject to regulation under that head. It seems hardly necessary to observe that, here, there is nothing pointing to the conclusion that the regulative authority in respect of Trade and Commerce, in its application to matters which, in themselves, are involved in interprovincial or foreign trade, can only be invoked in aid of the execution of some power which the Dominion possesses independently of that head. Sous l'angle du commerce, il importe assez peu, semble-t-il, qu'il s'agisse de fruits et de légumes, comme dans le cas de Lawson, ou d'un produit aussi indispensable à la vie industrielle et commerciale que l'essence de pétrole, comme en ce qui nous occupe. Examinons les rapports étroits de ressemblance entre la loi de la Co-lombie-britannique, celle de la mise en marché des produits agricoles, Produce Marketing Act (1926-27), déclarée ultra vires des pouvoirs de cette législature, et le règlement 20, adopté le 12 août de l'année courante; il est stipulé à l'Acte provincial que:8 By section 3 of the Produce Marketing Act of British Columbia (1926-27), c. 54, a "Committee of Direction" was constituted "with the exclusive power to control and regulate (under the Act) the marketing of all tree fruits and vegetables... being products grown or produced in that portion of the province contained within" boundaries therein specified. By section 10 (1), it was provided that "for the purpose of controlling and regulating, under this Act, the marketing of any product within its authority (the) Committee shall, so far as the legislative authority of the province extends, have power to determine at what time and in what quantity, and from and to what places, and at what price the product may be marketed, and to make orders and regulations in relation to such matters"... Held that this legislation is ultra vires of the provincial legislature. Analogie objective, assurément, à celle de notre article 20 il est dit que l'Office « ... peut délivrer une licence d'importation de pétrole pour fins de consommation dans la régoin du Canada indiquée dans la licence en quantités, à l'époque et par les ports d'entrée qu'il juge appropriés». Le très habile procureur de la demanderesse a fortement allégué, parmi plusieurs autres, les décisions: Shannon v. Lower Mainland Dairy Products Board 9, un arrêt du Conseil privé, et Home Oil Distributors Ltd. v. Att. Gen. of B. C.10, un jugement de la Cour suprême. Remarquons, cependant, qu'en ce qui regarde ce statut intitulé Natural Products Marketing (British Columbia) Act, R.S.B.C. 1936, c. 165, il est arrêté que: Sect. 4, sub-s. 1, of the Act provides: "The purpose and intent of Part 1 of this act is to provide for the control and regulation in any or all respects of the transportation, packing, storage, and 7[1931] S.C.R. 357 à p. 370. 8 [1931] S.C.R. 357. e [1938] A.C. 708 à p. 717. 10 [1940] S.C.R. 444 à pp. 446-7.
548 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. marketing of natural products within the Province, including the prohibition of such transportation, packing, storage, and marketing in whole or in part." L'intention de restreindre au territoire provincial la portée d'une autre disposition statutaire de la Colombie-britannique (Coal and Petroleum Products Control Board Act, B.C. 1937, c. 8) est attestée avec plus d'insistence encore dans la seconde cause précitée, aux articles 14 (1) (2) (a) et 15, ainsi rédigés: 14. (1) The Board may from time to time, with the approval of the Lieu-tenant-Governor in Council, fix the price or prices...at which coal or petroleum products may be sold in the Province at wholesale or retail or otherwise for use in the Province. (2) ... (a) Fix different prices for different parts of the Province; 15. Where the Board has fixed a price for coal or for petroleum or for any petroleum product, it may...declare that any covenant or agreement for the purchase or sale within the Province of coal or petroleum or a petroleum product for use in the Province... Ce qui est en jeu dans ces deux statuts n'est rien autre qu'un intérêt strictement circonscrit aux frontières de la province, une reconnaissance implicite que seule l'autorité fédérale peut régenter le trafic interprovincial. Il semble osé de soutenir que la réglementation incriminée, soit l'article 20, n'atteigne point le trafic de l'essence à moteur entre provinces; il n'en est pas de meilleure preuve que la demande de Caloil (pièce R-4) pour une licence d'importation de pétrole dans la région québécoise de Montréal et les régions ontariennes de Toronto, Port Stanley et Cornwall. Dans le célèbre pourvoi d'appel qui mettait à l'épreuve la validité de la Loi sur la Commission canadienne du blé, l'affaire Murphy v. C.P.R. 11, M. le juge Rand déclara que: The provisions of the Act embody a policy adopted by Parliament as being in the best interests of the grain producers and the country generally; and the question is whether that administration is within the competence of Parliament to set up, which, in turn, is to be decided on the validity of the substantive enactments of Parts III and IV. * * * In the situation before us, the intended shipment was to be one of transportation across a provincial line for the purposes and in the course of a business. It makes no difference whether business is connected or associated with the owner's production of raw material in another province or with that of strangers; in either case the merchandise and the transportation serve exactly the same purpose, and ownership is irrelevant. The merchandise was to move between interprovincial points in the flow of goods of an economic and business character and that is sufficient. Pareillement l'Office national de l'énergie, dans l'exercice de l'autorité que lui a déléguée le Parlement entend veiller à la protection des consom-mateurs d'essence et de l'industrie canadienne. De la page 10 des notes de jugement du Président de cette Cour (pièce R-2) j'extrais le passage ci-dessous d'un énoncé émis par l'Office de la politique qu'il s'efforce de mettre en pratique: (ante, p. 520) The Board understands its responsibility regarding the movement of imported gasoline into Ontario west of the Ottawa Valley line, whether the movements are 1.1 [1958] R.C.S. 626, 637 et 738.
550 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. direct or by subsequent transfer, to be to limit the volumes necessary to ensure adequate supplies, to minimize any price and to meet special hardship circumstances interests might be adversely affected by Le sous-paragraphe (2) du règlement 20 amendé réitère cette légitime ambition d'envergure nationale. La demanderesse a soutenu avec insistance que le terme «consommation» au paragraphe (1) du règlement conférait un caractère intrinsèquement local, c'est-à-dire provincial à toute vente d'essence à moteur. Il va de soi que tout trafic, chaque livraison d'un produit, d'un objet acheté, se complète en un point quelconque du pays, c'est chose physique-ment inévitable. Mais est-ce pareille nécessité de nature qui imprimerait un caractère légalement distinctif à ce fait par ailleurs indifférent? J'hésite à le croire. Le règlement 20, ancien style, englobait indistinctement à moteur que possède le détenteur de la licence, même si elle est produite au Canada» (pièce R-2, page 18), clause extensive qui, outrepassant les bornes du trafic interprovincial, empiétait sur le libre exercice des droits civils dans les provinces. Cette déficience n'a-t-elle pas été corrigée dans le texte récent qui prévoit l'indication des quantités d'importation, l'époque d'arrivée, la région du Canada se fera la consommation de ce pétrole? Tous conviennent, cela va de soi, de la nature commerciale de ces im-portantes transactions, et reconnaissent le droit dévolu à l'autorité fédérale de prohiber, le cas échéant, l'accès au pays de quelque produit que ce soit. «Qui peut le plus, peut le moins», constate un vénérable brocard philoso- phique. Or, en l'espèce présente, pour des fins qu'il appartient à l'Office de prévoir, la réglementation de ce commerce vital doit s'exercer il se produit, soit en tous points des dix provinces et des deux territoires du Canada. Puis, l'amendement effectué par le décret ministériel du 12 août opère la spécification quantitative, chronologique et régionale de l'essence importée, de son lieu d'origine à celui de sa consommation; il l'estampille en quelque sorte et en prévient la confusion avec le pétrole d'extraction canadienne. Il se peut que cette distinction soit subtile, toutefois elle me paraît suffisante. Une jurisprudence constante veut qu'en pareille matière une ligne de démarcation soit tracée entre un empiètement sur les droits civils provin-ciaux et l'accomplissement de la responsabilité fédérale de régir les échanges commerciaux tant sous le regard international qu'interprovincial. M. le juge Rand, opinait en ce sens dans l'affaire 641, écrivant que: This diversity in structure and the scope and trade and commerce, although illuminating tional arrangements, suffices to require an of the question before us. Section 91 (2) of the Act of 1867 ment, "Notwithstanding anything in this to make laws in relation to "The Regulation has been considered the necessary corollary apart from general regulations applicable requirements, this authority has been curtailed so to avoid the infringement, if not "the virtual over local and private matters including to those which are increases to consumers of companies whose legitimate the policy. «toute essence Murphy v. C.P.R. (supra) à la page character of power over interstate in its disclosure of variant constituindependent approach to and appraisal confides to ParliaAct", the exclusive legislative authority of Trade and Commerce". By what of the scheme of the Act as a whole, equally to all trade, and from incidental far but only so far as necessary extinction" of provincial jurisdiction intra-provincial trade...
552 CALOIL INC v. ATTORNEY-GENERAL OF CANADA [1970] EX.C.R. Une fois de plus, je répète qu'à mon humble avis, le règlement actuelle-ment en vigueur évite d'empiéter sur les droits civils, prérogative des légis-latures provinciales. Non moins humblement, j'espère avoir déféré dans cet examen d'un problème complexe aux critères déduits par Lord Tomlin et le Comité judiciaire du Conseil privé, après leur revue exhaustive de ces litiges constitutionnels; je me réfère principalement à la première et à la troisième recommandations reproduites aux pages 623 et 624 du second tome de la compilation Olmsted. Par tous ces motifs, la Cour, rejetant l'action déclaratoire en nullité in-tentée par la demanderesse, fait droit aux conclusions prises par le défen-deur et le mis-en-cause; déclare que le schème législatif dont s'agit est infra vires du Parlement et du Gouverneur en Conseil et condamne la demanderesse en tous dépens.
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