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114 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19661 Ottawa E+,' 1965 NTRE: septemb r e 8 LE MINISTRE DU REVENU octobres NATIONAL APPELANT ET LAURENT GAGNON INTIMÉ. RevenuLoi de l'Impôt sur le Revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, arts 3, 5(1)— CouronneLoi sur l'Administration financière, S.R.C. 1962, ch. 116, art. 7Règlements de l'Ordre du Conseil du Trésor, C.T. 57.4431, 9 janvier 1961Loi du Service civil, ch. 57, art. 14, S. du C. 1960-1961 Gratification décernée à un employé de la Couronne pour services rendus à son employeur le Gouvernement du CanadaRécompenses considérées comme «autre rémunération» et imposables en vertu des dispositions de la Loi de l'Impôt sur le revenu. L'intimé, employé de la Couronne comme commis principal au Bureau fédéral de la statistique, avait la responsabilité d'une partie du travail d'un projet appelé «Étude des revenus et des dépenses de la ferme». En avril 1961, l'intimé suggéra l'utilisation de cartes I.B.M. pour l'impression de «l'index des rues» dans la division de recensement du Bureau fédéral de la statistique. Cette suggestion fut adoptée et lui valut une gratification de son employeur le Gouvernement du Canada au montant de $170, moins l'impôt sur le revenu, qu'il accepta. En conséquence de cette suggestion, une économie estimée à $2,175 pour la première année fut réalisée par le Gouvernement. L'intimé n'ajouta pas cette gratification de $170 dans sa déclaration d'impôt sur le revenu pour l'année 1962. Mais, par contre, le Ministre le cotisa à un montant supérieur de v 9 au montant d'impôt calculé par l'intimé dans sa déclaration. De ce litige pour savoir si la création et l'élaboration sous une forme utilisable d'une suggestion pour l'amélioration d'une opération gouver-nementale ou commerciale, est un genre de service qu'un employeur peut obtenir de ses officiers ou employés. Par conséquent, un paiement pour une suggestion est un paiement pour un service. Or, le paiement d'un service est ordinairement un «revenu» pour celui qui le reçoit. Cela découle d'une des «provenances» au sens qu'ont ces mots dans l'article 3 de la Loi de l'Impôt sur le revenu. Cela importe peu que le bénéficaire reçoive ce revenu comme employé ou en tant que personne engagée dans une entreprise ou dans une tâche spécifique. S'étant pourvu en appel devant la Commission, l'appel de l'intimé fut accueilli. D' le présent pourvoi du Ministre devant cette Cour. Jugé: Appel maintenu. La décision de la Commission est infirmée. La cotisation telle que déterminée par le Ministre est rétablie. 2° Les récompenses décernées sous l'empire des règlements du Plan des récompenses pour suggestions sont un revenu provenant d'un emploi et sont incluses dans l'article 5(1) de la Loi de l'Impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, parce qu'elles sont payables aux employés du Gouvernement du Canada pour services rendus à ce Gouvernement. 3° Le Parlement a autorisé expressément l'attribution de ces rétributions en tant que récompenses supplémentaires ou compensation devant être payées aux fonctionnaires pour des services rendus au delà de leurs devoirs habituels.
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19661 115 4° De telles rétributions sont certainement comprises dans les mots «autre 1965 rémunération» mentionnés au dispositif préliminaire du paragraphe 1 MINISTRE de l'article 5 de la Loi de l'Impôt sur le revenu. DU REVENU APPEL d'une décision de la Commission d'appel de NATIONAL vs l'impôt sur le revenu. GAGNON La cause fut instruite devant l'Honorable Président de cette Cour, à Ottawa. R.-P. Coderre et D. G. H. Bowman pour l'appelant. J.-Claude Couture, c.r. pour l'intimé. JACKET'r P.:—Il s'agit d'un appel, par le Ministre du revenu national, d'un jugement de la Commission d'appel de l'impôt, maintenant l'appel logé par l'intimé devant cette Commission, de la cotisation de l'intimé, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour l'année d'imposition 1962. La seule question en litige entre les parties, est de savoir si, comme le prétend le Ministre, on doit tenir compte, dans le calcul du revenu annuel de l'intimé, du montant d'une récompense en argent, reçue par celui-ci, sous l'empire des règlements du «Plan des récompenses pour suggestions», du Gouvernement du 'Canada, ou si, suivant la prétention de l'intimé, on ne devrait pas en tenir compte, pour les fins de ce calcul. Le montant de la récompense en question est de $170 et le montant additionnel d'impôt sur le revenu payable par l'intimé, si la prétention du Ministre est bien fondée, est de $29. Au moment la suggestion a été faite et la récompense reçue, l'intimé était à l'emploi du Gouvernement du Canada. Il était employé comme commis principal, sujet à une surveillance générale, au Bureau fédéral de la statis-tique, il avait la responsabilité d'une partie du travail relatif à un projet appelé «Étude des revenus et des dépenses de la ferme». Les responsabilités de sa position comportaient celles de reviser les méthodes et les procédés, au besoin. Les règlements du Plan des récompenses pour suggestion sont déterminés par le Conseil du Trésor, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 7 de la Loi sur
116 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1966] 1965 l'administration financière, S.R.C. 1952, chapitre 116, d'éta- `r MINISTRE blir des règlements «nonobstant la loi du service civil».1 Ces RE vN IT règlements autorisent le paiement, aux employés de la NATIONAL vs fonction publique, «de rétribution ou autre rémunération GAGNON pour ... des suggestions pratiques de perfectionnement». Jackett P. Les règlementsédictés par l'Ordre du Conseil du Trésor C.T. 574431, en date du 19 janvier 1961, établissent une procédure détaillée, en vue de l'attribution de récompenses soit en espèces, soit en nature, aux fonctionnaires, pour des propositions, plans, ou suggestions pratiques ayant pour but d'améliorer les opérations des départements du Gouverne-ment. En avril 1961, l'intimé suggéra l'utilisation de cartes I.B.M. pour l'impression de «l'index des rues» dans la division de recensement du Bureau fédéral de la statistique. Cette suggestion fut adoptée et en conséquence une écono-mie fut réalisée dans le coût de la préparation d'un manus-crit des index des rues. L'économie ainsi réalisée fut estimée à $2,175 pour la première année. Par conséquent, en 1962, l'intimé obtint, à titre de récompense, «$170 moins l'impôt sur le revenu». L'intimé n'ajouta pas cette récompense de $170 à son revenu, tel qu'établi dans la déclaration d'impôt sur le revenu pour l'année 1962, mais le Ministre additionna cette somme à son revenu tel que déclaré et le cotisa par consé-quent, à un montant supérieur de $29, au montant d'impôt calculé par l'intimé dans sa déclaration. L'intimé porta cette cotisation en appel devant la Commission d'appel de l'impôt et le 17 mars 1965, cette Commission rendit jugement, maintenant l'appel. Le présent appel en est de ce jugement. La réponse la plus simple à la question de savoir si la gratification décernée à l'intimé, est d'une nature imposable ou non, doit se trouver dans la détermination du caractère de toute récompense accordée sous l'empire des règlements du Plan des récompenses pour suggestion. En vertu de l'article 7 de la Loi sur l'administration financière, toutes telles gratifications doivent être «une rétribution 1 A mon point de vue, ces mots sont nécessaires, parce que ce qui est autorisé est un paiement à un employé «en sus de la rémunération autorisée par la loi». Ceci est mentionné à l'article 14 de la Loi du service civil, chapitre 57 des status de 1960-196].
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1966] 117 ou autre rémunération pour «des suggestions pratiques de 1965 perfectionnement» 1 MINISTRE DU A mon sens, la création et l'élaboration sous une forme REVENU utilisable, d'une suggestion pour l'amélioration d'une opéra- NA VSNAr, tion gouvernementale ou commerciale, est un genre de GAGNON service qu'un employeur peut obtenir soit de ses officiers Jackett P. ou employés, soit de personnes indépendantes (V.G. comp-tables, experts en bon rendement etc.) Il s'ensuit donc, à mon point de vue, qu'un paiement pour une suggestion est un paiement pour un service. Bien qu'il puisse y avoir des exceptions, je suis d'avis que le paiement d'un service, est ordinairement un «revenu», pour celui qui le reçoit d'une des «provenances» au sens qu'ont ces mots dans l'article 3 de la Loi de l'impôt sur le revenu, que le bénéficiaire reçoive ce paiement à titre d'employé ou en tant que personne engagée dans une entre-prise dont le but est de fournir des services ou en tant que personne qui a accompli une tâche dans un cas spécifique. (Il est d'ailleurs intéressant de lire le jugement de monsieur le Juge Noël dans Steer vs Le Ministre du Revenu nationale à ce sujet.) A tout événement, que cette inter-prétation soit trop large ou non, je n'ai aucun doute que les récompenses décernées sous l'empire des règlements du Plan des récompenses pour suggestion sont un revenu provenant d'un emploi et sont incluses dans l'article 5 de la Loi de l'impôt sur le revenu, parce qu'elles sont payables aux employés du Gouvernement du Canada pour des services rendus à ce Gouvernement. A mon sens, le fait que ces services en particulier ne soient pas rendus dans le cadre strict des responsabilités habituelles dévolues à la fonction d'un employé, n'a aucune importance. Le Parlement a autorisé expressément, l'attribution de ces rétributions en tant que récompenses supplémentaires ou compensation devant être payées aux fonctionnaires pour des services 1 Les différentes causes, dont Laidler vs Perry (1965) 2 A.E.R. 121 (H.L) est une des plus récentes, ayant rapport à la question de savoir si un paiement fait à un employé est un cadeau purement personnel, inspiré seulement par la bonne volonté, ne nous apportent aucune aide véritable dans une cause comme celle-ci, la nature du paiement concerné est déterminée par les termes mêmes du Statut qui l'autorise. Ces gratifications doivent être des «compensations» ou «des récompenses» sans quoi elles ne sont pas autorisées par le Statut. 2 [1965] 2 Ex. C.R. 458.
118 R.C. de . COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1966] 1965 rendus au delà de leurs devoirs habituels. De telles rétribu- MINISTRE tions sont à mon point de vue certainement comprises dans REVENU les mots «autre rémunération», mentionnés au dispositif NATIONAL préliminaire du paragraphe (1) de l'article 5. V8 GAGNON Étant donné le point de vue que j'ai exprimé, je n'ai pas Jackett P. à retenir les arguments qui m'ont été apportés concernant l'interprétation de l'alinéa (a) du paragraphe (1) de l'article 5. L'appel est maintenu. Le jugement de la Commission d'appel de l'impôt est infirmé et la cotisation telle que déterminée par l'appelant est rétablie. L'appelant a mentionné, par l'entremise de son procu-reur, qu'il ne demandait pas que l'intimé soit condamné à payer les frais, advenant le cas l'appel serait maintenu. Il est même disposé à payer les frais de l'intimé quelle que soit l'issue de la cause. J'aurais eu des doutes quant à la question de savoir s'il était juste d'accorder à une partie défaillante, des frais contre un Ministre de la Couronne, en me basant uniquement sur son consentement, attendu qu'un tel jugement de cette Cour est l'autorisation d'un paiement à même le fonds consolidé du revenu. Cependant, il est évident que l'intimé, qui avait eu gain de cause devant la Commission d'appel de l'impôt, a été emmené devant cette Cour par le Ministre en raison de l'intérêt général du principe en cause et non en raison du montant d'impôt par l'intimé. Sous ces circonstances, je suis d'avis que l'octroi des frais à l'intimé, nonobstant son échec, représente un exercice juste de la discrétion judiciaire. L'intimé a donc droit d'être payé de ses frais d'appel à cette Cour, par l'appelant.
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