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CONF-3-18

2018 CAF 161

AFFAIRE INTÉRESSANT une ordonnance rendue relativement à l’article 18.1 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, telle que modifiée

Répertorié : Article 18.1 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, telle que modifiée (Re)

Cour d’appel fédérale, juges Boivin, de Montigny et Laskin, J.C.A.—Ottawa, 4 juin et 30 août 2018.

Note de l’arrêtiste : Les parties caviardés par la Cour sont indiquées par [***].

Renseignement de sécurité — Appel d’une ordonnance dans laquelle un juge de la Cour fédérale (le juge désigné) a exigé que la procureure générale appelante dépose en preuve un affidavit afin de justifier les revendications de privilège présentées en application de l’art. 18.1 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (Loi sur le SCRS) — La demande de résidence permanente d’une personne a été rejetée par un agent des visas au motif d’interdiction de territoire — Le dossier certifié du tribunal (DCT) contenait des renseignements caviardés en application de l’art. 87 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et de l’art. 18.1 de la Loi sur le SCRS — La procureure générale a déposé une requête en interdiction de communication des renseignements caviardés inclus dans le DCT — Le juge désigné a conclu que l’intéressé pouvait difficilement contester les revendications de privilège au titre de l’art. 18.1(4) de la Loi sur le SCRS — Il a ordonné que soit déposé un affidavit du SCRS pour justifier le fondement des revendications de privilège — Il s’agissait de savoir si le juge désigné avait compétence de rendre l’ordonnance faisant l’objet du présent appel — L’ordonnance a été rendue en l’absence de compétence — L’art. 18.1(4) limite le pouvoir conféré au juge désigné d’exiger des éléments de preuve à l’appui d’une revendication de privilège en vertu de l’art. 18.1 lorsque nulle demande n’a été déposée — Cela étant dit, les juges désignés ne sont pas dans l’incapacité de demander plus de précisions si le fondement des revendications de privilège n’est pas évident au vu du dossier — La meilleure chose à faire dans un tel cas, c’est de nommer un amicus curiae ou un avocat spécial — Si l’amicus pense que les revendications de privilège sont mal fondées, il peut engager une contestation au titre de l’art. 18.1(4) — Le juge désigné a alors pleinement compétence d’examiner de plus près le fondement des revendications — Appel accueilli.

Il s’agissait d’un appel d’une ordonnance dans laquelle le juge de la Cour fédérale (le juge désigné) a exigé que la procureure générale appelante dépose en preuve un affidavit afin de justifier les revendications de privilège présentées en application de l’article 18.1 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (Loi sur le SCRS).

L’instance sur laquelle était fondée la présente espèce était une demande de contrôle judiciaire déposée par une personne dont la demande de résidence permanente a été rejetée par un agent des visas, qui a jugé que l’intéressé était interdit de territoire aux termes de l’article 41 et l’alinéa 34(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). L’agent des visas a envoyé le dossier certifié du tribunal (DCT) concernant la demande présentée par la personne à la Cour après qu’elle eut obtenu l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire. Le DCT contenait des renseignements caviardés en application de l’article 87 de la LIPR, de même que de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. La procureure générale a déposé une requête, conformément à l’article 87 de la LIPR, en interdiction de communication des renseignements caviardés inclus dans le DCT. Durant l’audition de la requête fondée sur l’article 87, la procureure générale a exprimé l’avis que le juge désigné ne pouvait remettre en question le bien-fondé des revendications de privilège présentées en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS que s’il était saisi d’une demande déposée au titre du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur le SCRS. Le juge désigné a souligné durant cette audience que l’intéressé ne savait pas quels renseignements caviardés étaient assujettis à l’article 87 de la LIPR et lesquels étaient assujettis à l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. Par conséquent, l’intéressé pouvait difficilement contester ces revendications de privilège au titre du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur le SCRS. Le juge désigné a donc ordonné que soit déposé un affidavit d’un autre agent du SCRS possédant une connaissance suffisante des faits pertinents dans le DCT pour justifier le fondement des revendications de privilège présentées en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. Le juge désigné a examiné l’affidavit, après quoi il a indiqué qu’il était satisfait du fondement invoqué pour justifier les revendications de privilège.

Il s’agissait de savoir si le juge désigné avait compétence de rendre l’ordonnance faisant l’objet du présent appel.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

L’ordonnance a été rendue en l’absence de compétence. La procureure générale a beaucoup insisté sur son argument selon lequel l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS constitue un code législatif complet, qui a pour but de réglementer de manière exhaustive le privilège relatif aux sources humaines du SCRS à l’exclusion de toute autre loi. Cet argument ne permettait pas de trancher la question. Rien dans le texte de l’article 18.1 ne confère explicitement au juge désigné le pouvoir de demander des précisions additionnelles sur le fondement des revendications de privilège présentées en vertu de cet article. L’absence d’un texte prohibitif que l’on trouve dans les articles 38.13 et 39 de la Loi sur la preuve au Canada (LPC) militait en faveur de la conclusion selon laquelle le juge désigné a compétence de demander des précisions additionnelles concernant une revendication de privilège présentée en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, nonobstant le mutisme de la Loi sur le SCRS sur ce point, mais d’autres éléments ont écarté cette conclusion. Il convenait de prendre en considération les circonstances dans lesquelles l’article 18.1 a été adopté pour mieux comprendre l’intention du législateur. L’article 18.1 a été adopté à la suite d’une jurisprudence de la Cour suprême, Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, dans laquelle la majorité a conclu que le privilège reconnu par la common law relatif aux indicateurs de police ne s’appliquait pas aux sources humaines du SCRS. Il était conçu pour être plus restrictif que l’article 38 de la LPC. L’adoption de l’article 18.1 a eu pour effet d’interdire à la Cour d’examiner les informations touchant l’identité de sources humaines du SCRS dans le cadre de l’article 38 de la LPC. L’article 18.1 retire de la même manière à la Cour le pouvoir d’examiner les informations touchant l’identité de sources humaines du SCRS dans le cadre d’une instance relative à l’article 87 de la LIPR. Le paragraphe 18.1(4) limite le pouvoir conféré au juge désigné d’exiger des éléments de preuve à l’appui d’une revendication de privilège en vertu de l’article 18.1 lorsque nulle demande n’a été déposée. Cette conclusion est conforme à l’intention du législateur d’imposer des mesures de protection plus strictes concernant les informations sur les sources humaines que ce que prévoit la LPC ou la LIPR et était suffisante pour trancher l’appel. Toutefois, des observations plus circonstanciées étaient justifiées dans les circonstances de l’espèce.

Le législateur ne peut avoir eu l’intention de permettre aux juges désignés d’avoir accès à des renseignements pour lesquels un privilège est revendiqué en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS uniquement pour les laisser dans l’incapacité de demander plus de précisions si le fondement de ces revendications de privilège n’est pas évident au vu du dossier. La meilleure chose à faire dans un tel cas, c’est de nommer un amicus curiae ou un avocat spécial afin qu’il puisse offrir une perspective différente de celle de la procureure générale sur la question des revendications de privilège en vertu de l’article 18.1. Deux considérations concurrentes ont amené la Cour à tirer cette conclusion. D’une part, un autre recours était ouvert à la partie à la procédure principale, que celle-ci a refusé d’exercer, et un certain poids doit être accordé à ce choix. D’autre part, les juges désignés doivent conserver un certain pouvoir de supervision relativement aux revendications de privilège du gouvernement, et ils ne peuvent être liés par le choix d’une partie. En ce qui concerne la première considération, autoriser dans tous les cas les juges désignés à vérifier de leur propre chef le fondement des revendications de privilège présentées en application de l’article 18.1 pourrait amener les parties aux procédures principales à renoncer à leur obligation de prendre le contrôle de leur déroulement. Le paragraphe 18.1(4) n’a pas été rédigé avec une telle intention. En ce qui concerne la seconde considération, le juge désigné ne doit pas, dans tous les cas, être strictement lié par le choix d’une partie de ne pas engager une contestation au titre du paragraphe 18.1(4). La partie est souvent mal placée pour décider s’il faut engager une contestation au titre du paragraphe 18.1(4), ne sachant pas quel pourrait être le motif d’une telle contestation ou même quels renseignements sont visés par le privilège invoqué en application de l’article 18.1, comparativement à tout autre privilège. Le législateur n’avait pas l’intention de demander aux juges désignés de regarder passer des revendications de privilège démesurées sans intervenir, simplement parce que la partie à la procédure principale ne les a pas contestées. L’article 18.1 est plus restrictif que l’article 38 de la LPC ou l’article 87 de la LIPR, précisément parce que l’article 18.1 n’impose pas à l’État le fardeau de justifier le privilège. C’est là une des différences les plus importantes entre l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS et les autres dispositions. Cela ne signifie pas que le juge désigné a les mains complètement liées quand la partie néglige de demander à la procureure générale d’établir le fondement du privilège revendiqué en invoquant le paragraphe 18.1(4). De la même manière, le juge désigné n’est pas le seul à avoir accès aux renseignements non caviardés en application de l’article 18.1. Si l’amicus prend connaissance des renseignements protégés aux termes de l’article 18.1 et conclut qu’ils sont bien visés par le privilège consacré par l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, il pourra ensuite décider de ne pas déposer de demande au titre du paragraphe 18.1(4). Le juge désigné n’aura pas la compétence d’exiger d’autres éléments de preuve du fondement de la revendication de privilège, même s’il pense toujours qu’elle est mal fondée. Si, par contre, l’amicus pense que les revendications de privilège sont mal fondées, il peut engager une contestation au titre du paragraphe 18.1(4). Le juge désigné a pleinement compétence d’examiner de plus près le fondement des revendications. Bien que l’on ait fait valoir que ce mécanisme était indûment fastidieux, il n’en reste pas moins que, peu importe le cadre retenu, il doit être autorisé par la loi; la nomination d’un amicus dans des cas comme celui qui nous occupe donne un certain sens au fait que nulle demande au titre du paragraphe 18.1(4) n’a été présentée par une partie ou une des personnes énumérées relativement à la procédure principale; et elle permet de s’assurer que le juge désigné bénéficie d’un point de vue opposé à celui du gouvernement, lui permettant ainsi d’être davantage investi d’une fonction juridictionnelle plutôt que d’une fonction inquisitoire.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 38, 38.06, 38.13, 38.131, 39.

Loi sur la protection du Canada contre les terroristes, L.C. 2015, ch. 9.

Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, art. 18.1.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 34(1)d), 41, 83, 87, 87.1.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Canada (Procureur général) c. Almalki, 2016 CAF 195, [2017] 2 R.C.F. 44; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, 2014 CSC 37, [2014] 2 R.C.S. 33.

DÉCISIONS CITÉES :

Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601; Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, [2017] 2 R.C.S. 289; Bayer Cropscience LP c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 77; X (Re), 2017 CF 136, [2017] 4 R.C.F. 391; Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626; Canada Transit Company c. Windsor (Ville), 2015 CAF 88, [2016] 1 R.C.F. 265, inf. pour d’autres motifs par 2016 CSC 54, [2016] 2 R.C.S. 617.

DOCTRINE CITÉE

Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2e éd. Toronto : Butterworths, 1983.

APPEL d’une ordonnance dans laquelle la Cour fédérale a exigé que la procureure générale appelante dépose en preuve un affidavit afin de justifier les revendications de privilège présentées en application de l’article 18.1 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Appel accueilli.

ONT COMPARU :

Derek Rasmussen et Lorne Ptack pour l’appelant.

Owen M. Rees à titre d’amicus curiae.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

La sous-procureure générale du Canada, pour l’appelant.

Conway Baxter Wilson LLP/s.r.l., Ottawa, à titre d’amicus curiae.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Boivin, J.C.A. : La procureure générale du Canada (la procureure générale) interjette appel d’une ordonnance du juge Mosley de la Cour fédérale (le juge désigné). Dans cette ordonnance, le juge désigné a exigé que la procureure générale dépose en preuve un affidavit afin de justifier les revendications de privilège présentées en application de l’article 18.1 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, telle que modifiée (la Loi sur le SCRS), qui porte sur la protection de l’anonymat des sources humaines. Ces revendications de privilège ont été présentées relativement à des renseignements inclus dans le dossier certifié du tribunal (DCT) d’un agent des visas et qui concernent la demande de résidence permanente au Canada présentée par une personne. Cette personne, l’intéressé, savait que des renseignements dans le DCT étaient caviardés en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, mais n’a pas déposé une demande au titre du paragraphe 18.1(4) de la Loi pour contester la revendication de privilège. Par conséquent, la procureure générale interjette appel de l’ordonnance du juge désigné, au motif qu’elle a été rendue en l’absence de compétence.

[2]        Pour les motifs exposés ci-après, j’accueillerais l’appel.

I.          Faits et procédures

[3]        L’instance sur laquelle est fondée la présente espèce est une demande de contrôle judiciaire déposée par une personne dont la demande de résidence permanente au Canada a été rejetée. Ce rejet découlait de l’appréciation faite par l’agent des visas, selon laquelle l’intéressé était interdit de territoire au Canada aux termes de l’article 41 et de l’alinéa 34(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

[4]        L’intéressé a obtenu l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire visant la décision de l’agent des visas. Par conséquent, l’agent des visas a envoyé le DCT à la Cour fédérale, au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) et à la personne.

[5]        Le DCT contenait des renseignements caviardés. La lettre de présentation qui l’accompagnait indiquait que les renseignements avaient été caviardés en application de l’article 87 de la LIPR, de même que de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. Cette lettre ne précisait pas quels renseignements caviardés faisaient l’objet de quel privilège.

[6]        En prévision de l’audition du contrôle judiciaire, la procureure générale a déposé une requête au nom du ministre, conformément à l’article 87 de la LIPR, en interdiction de communication des renseignements caviardés inclus dans le DCT. Parmi les documents déposés à l’appui de cette requête, il y avait une déclaration sous serment d’un agent du SCRS (le premier déposant du SCRS).

[7]        Le juge désigné a fixé une date d’audience ex parte et à huis clos de l’instance engagée en application de l’article 87. Avant cette audience, le juge désigné a demandé à voir les renseignements caviardés en application de l’article 18.1. La procureure générale a remis au juge désigné les renseignements non caviardés pour lesquels elle revendiquait un privilège en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS.

[8]        Durant l’audition de la requête fondée sur l’article 87, le juge désigné a entendu le premier déposant du SCRS. Le juge désigné a exprimé des réserves quant au bien-fondé des revendications de privilège présentées en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, et a demandé au premier déposant du SCRS de fournir une justification. Toutefois, le premier déposant du SCRS n’était pas en position de s’exprimer au sujet des renseignements caviardés en application de l’article 18.1.

[9]        Durant cette audience, la procureure générale a exprimé l’avis que le juge désigné ne devait pas remettre en question le bien-fondé des revendications de privilège présentées en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. À son avis, le juge désigné ne pouvait le faire que s’il était saisi d’une demande déposée au titre du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur le SCRS et aucune demande de ce type n’avait été déposée.

[10]      Toutefois, le juge désigné a souligné durant cette audience, que l’intéressé ne savait pas quels renseignements caviardés étaient assujettis à l’article 87 de la LIPR et lesquels étaient assujettis à l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. Par conséquent, l’intéressé pouvait difficilement contester ces revendications de privilège au titre du paragraphe 18.1(4).

[11]      Le juge désigné a donc rendu son ordonnance. Il a ajourné l’audience tenue en application de l’article 87; il a ordonné au ministre de déposer un affidavit d’un autre agent du SCRS possédant une connaissance suffisante des faits pertinents dans le DCT pour justifier le fondement des revendications de privilège présentées en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS; il a en outre ordonné au ministre de s’assurer que le déposant puisse se présenter à la Cour pour rendre un témoignage de vive voix, si nécessaire.

[12]      La procureure générale a interjeté appel de cette ordonnance. Nonobstant l’appel déposé, la procureure générale s’est conformée à l’ordonnance en produisant l’affidavit de l’agent du SCRS ayant une connaissance des faits pertinents (le deuxième déposant du SCRS). Le juge désigné a examiné l’affidavit du deuxième déposant du SCRS, après quoi il émit une directive indiquant qu’il était satisfait du fondement invoqué pour justifier les revendications de privilège présentées en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS et qu’il n’exigerait pas que le deuxième déposant du SCRS témoigne de vive voix.

[13]      La directive du juge désigné donnait à la procureure générale la possibilité de demander l’ajournement de l’audience de contrôle judiciaire en attendant l’issue du présent appel. Elle n’a pas demandé cet ajournement, et l’audience de contrôle judiciaire a eu lieu comme prévu. La Cour fédérale [***] a maintenant tranché l’affaire.

[14]      Aucun avocat spécial ou amicus curiae n’a comparu devant le juge désigné durant l’audition de la requête fondée sur l’article 87 (transcription de l’audience tenue en application de l’article 87, dossier d’appel, onglet 18). En appel, un amicus curiae a été nommé par notre Cour pour l’aider à juger l’appel. L’amicus s’est par la suite retiré et a été remplacé par un deuxième amicus curiae qui a présenté des observations écrites et a comparu devant la Cour lors de l’instruction de l’instance. Les observations de l’amicus se limitaient à la question en appel, soit de savoir si l’ordonnance contestée a été rendue dans les limites de la compétence.

II.         Question en litige

[15]      La seule question dont est saisie notre Cour est de savoir si le juge désigné avait compétence de rendre l’ordonnance faisant l’objet du présent appel.

III.        Analyse

A.        Question préliminaire : le caractère théorique

[16]      Lors de l’instruction du présent appel, notre Cour a soulevé la question de savoir si l’appel était devenu théorique. L’avis d’appel de la procureure générale demande à la Cour d’annuler l’ordonnance, puisqu’elle s’y est conformée en totalité. Dans leurs observations verbales, la procureure générale et l’amicus ont affirmé que le présent appel soulève une importante question de compétence et que la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire résiduel pour trancher l’affaire.

[17]      Je suis d’accord. Même si selon la règle générale, une cour ne doit pas trancher une question qui est devenue théorique, les cours conservent le pouvoir discrétionnaire résiduel de trancher l’affaire si les circonstances le justifient : Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342 (Borowski). Après avoir passé en revue les critères recensés dans l’arrêt Borowski, et en gardant à l’esprit la position de la procureure générale et de l’amicus, je suis d’avis que la question soulevée dans le présent appel est suffisamment importante pour que la Cour tranche l’affaire bien qu’elle soit devenue théorique.

[18]      Par conséquent, je discuterai la question sur le fond.

B.        Norme de contrôle

[19]      La question soulevée dans le présent appel est une question de droit, qui est assujettie à la norme de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

C.        Est-ce que le juge désigné a compétence d’exiger une justification probante concernant une revendication de privilège présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, en l’absence d’une demande au titre du paragraphe 18.1(4) de la même Loi?

[20]      D’abord et avant tout, il faut répondre à la question de savoir si le juge désigné avait compétence pour rendre l’ordonnance contestée, en appliquant les principes reconnus en matière d’interprétation des lois. La procureure générale a beaucoup insisté sur son argument selon lequel l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS constitue un code législatif complet, qui a pour but de réglementer de manière exhaustive le privilège relatif aux sources humaines du SCRS à l’exclusion de toute autre loi (voir, par exemple, le mémoire des faits et du droit de la procureure générale, aux paragraphes 32 à 43). [***] ce simple argument ne permet pas de trancher la question. Comme la loi ne donne pas de réponse explicite à la question soulevée dans le présent appel, notre Cour doit s’en remettre aux principes reconnus d’interprétation des lois pour en arriver à une réponse [***].

[21]      Dans ses observations, la procureure générale a également soutenu que la Cour fédérale n’a pas la compétence implicite ou la plénitude de compétence pour rendre l’ordonnance contestée. À mon avis, il s’agit là de considérations secondaires, et elles seront brièvement discutées à la fin des présents motifs.

[22]      Bien que la procédure qui a donné lieu au présent appel concernait une demande d’interdiction de communication déposée en vertu de l’article 87 de la LIPR, la disposition législative en cause devant notre Cour est l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. Plus précisément, ce sont les paragraphes 18.1(1), (2) et (4) qui sont en cause. Ces dispositions se lisent comme suit :

Objet de l’article — sources humaines

18.1 (1) Le présent article vise à préserver l’anonymat des sources humaines afin de protéger leur vie et leur sécurité et d’encourager les personnes physiques à fournir des informations au Service.

Interdiction de communication

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (8), dans une instance devant un tribunal, un organisme ou une personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production d’informations, nul ne peut communiquer l’identité d’une source humaine ou toute information qui permettrait de découvrir cette identité.

[…]

Demande à un juge

(4) La partie à une instance visée au paragraphe (2), l’amicus curiae nommé dans cette instance ou l’avocat spécial nommé sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés peut demander à un juge de déclarer, par ordonnance, si une telle déclaration est pertinente dans l’instance :

a) qu’une personne physique n’est pas une source humaine ou qu’une information ne permettrait pas de découvrir l’identité d’une source humaine;

b) dans le cas où l’instance est une poursuite pour infraction, que la communication de l’identité d’une source humaine ou d’une information qui permettrait de découvrir cette identité est essentielle pour établir l’innocence de l’accusé et que cette communication peut être faite dans la poursuite.

[23]      La méthode indiquée en matière d’interprétation des lois est l’approche moderne, c’est-à-dire l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique unifiée : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 10; Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, [2017] 2 R.C.S. 289, au paragraphe 23; Bayer Cropscience LP c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 77, au paragraphe 67. Selon cette méthode, il faut [traduction] « lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, son objet et l’intention du législateur » (Driedger, Elmer A. Construction of Statutes (2e éd., Toronto : Butterworths, 1983), page 87). Il convient de garder cette méthode à l’esprit en ce qui concerne les observations de la procureure générale et de l’amicus.

[24]      En ce qui a trait au texte de l’article 18.1 — en excluant le mécanisme de contestation prévu au paragraphe 18.1(4) — rien dans ce texte ne confère explicitement au juge désigné le pouvoir de demander des précisions additionnelles sur le fondement des revendications de privilège présentées en vertu de cet article. Par conséquent, selon la procureure générale, la demande présentée au titre du paragraphe 18.1(4) est la « condition préalable » qui donne au juge désigné le pouvoir de demander des précisions additionnelles sur le fondement d’une revendication de privilège présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. Autrement dit, la procureure générale affirme qu’elle a uniquement l’obligation de produire les éléments de preuve appuyant la revendication de privilège présentée en application de l’article 18.1 lors de l’audience tenue en vertu du paragraphe 18.1(7) de la Loi, et une telle audience ne peut avoir lieu en l’absence d’une demande présentée au titre du paragraphe 18.1(4).

[25]      L’amicus, pour sa part, est en désaccord avec cette interprétation. Il soutient que [traduction] « rien dans le paragraphe 18.1(4) ne peut être interprété comme ayant pour effet de priver la Cour du pouvoir d’exiger un fondement de preuve justifiant la revendication de privilège » (mémoire des faits et du droit de l’Amicus Curiae, au paragraphe 43). Selon lui, il n’y a rien d’incohérent dans le fait de permettre aux personnes recensées au paragraphe 18.1(4) de contester les revendications de privilège tout en préservant le pouvoir discrétionnaire résiduel du juge désigné de vérifier le fondement de ces revendications, qu’elles soient contestées ou non.

[26]      De plus, affirme l’amicus, le législateur sait trouver les mots nécessaires quand il entend retirer au juge le pouvoir de vérifier, de son propre chef, le fondement d’une revendication de privilège. Les articles 38.13 et 39 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5 (la LPC), constituent, à son avis, des exemples de la volonté clairement exprimée par le législateur de retirer au juge le pouvoir de rechercher le fondement d’une revendication de privilège. L’article 18.1 de la Loi sur le SCRS n’est pas ainsi formulé. Par conséquent, rien n’indique dans cette disposition que la revendication de privilège présentée par la procureure générale est censée être déterminante en l’absence d’une contestation.

[27]      J’aimerais d’abord souligner qu’en l’espèce, il peut être utile de comparer l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS avec les autres dispositions régissant les revendications de privilège invoquées par l’État. [***] Il est également utile de comparer la Loi sur le SCRS avec les dispositions de la LIPR.

[28]      Dans cette optique, j’abonde dans le sens de l’amicus : l’absence d’un texte prohibitif que l’on trouve dans les articles 38.13 et 39 de la LPC milite en faveur de la conclusion selon laquelle le juge désigné a compétence de demander des précisions additionnelles concernant une revendication de privilège présentée en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, nonobstant le mutisme de la Loi sur le SCRS sur ce point. Toutefois, comme je l’expliquerai, d’autres éléments écartent cette conclusion.

[29]      Pour en faciliter la consultation, les extraits pertinents des paragraphes 38.13(1) et (8), 38.131(1), (8) et (9) et 39(1) de la LPC sont reproduits ci-dessous :

Certificat du procureur général du Canada

38.13 (1) La procureure générale du Canada peut délivrer personnellement un certificat interdisant la divulgation de renseignements dans le cadre d’une instance dans le but de protéger soit des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité, soit la défense ou la sécurité nationales. La délivrance ne peut être effectuée qu’après la prise, au titre de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, d’une ordonnance ou d’une décision qui entraînerait la divulgation des renseignements devant faire l’objet du certificat.

[…]

Restriction

(8) Le certificat ou toute question qui en découle n’est susceptible de révision, de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que sous le régime de l’article 38.131.

[…]

Demande de révision du certificat

38.131 (1) Toute partie à l’instance visée à l’article 38.13 peut demander à la Cour d’appel fédérale de rendre une ordonnance modifiant ou annulant un certificat délivré au titre de cet article pour les motifs mentionnés aux paragraphes (8) ou (9), selon le cas.

[…]

Modification du certificat

(8) Si le juge estime qu’une partie des renseignements visés par le certificat ne porte pas sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité ni sur la défense ou la sécurité nationales, il modifie celui-ci en conséquence par ordonnance.

Révocation du certificat

(9) Si le juge estime qu’aucun renseignement visé par le certificat ne porte sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité ni sur la défense ou la sécurité nationales, il révoque celui-ci par ordonnance.

[…]

Opposition relative à un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada

39 (1) Le tribunal, l’organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s’opposent à la divulgation d’un renseignement, tenus d’en refuser la divulgation, sans l’examiner ni tenir d’audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

[30]      Comme on peut le constater à la lecture des extraits qui précèdent, le paragraphe 38.13(1) et l’article 38.131 de la LPC, qui autorisent la procureure générale à interdire la communication de renseignements grâce à la délivrance d’un certificat, prévoient explicitement que la seule voie de recours contre un tel certificat est le dépôt d’une demande, conformément à l’article 38.131. Le paragraphe 38.131(8) restreint le pouvoir du juge désigné de demander plus de précisions sur le fondement d’une revendication de privilège, qu’on ne retrouve pas à l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS.

[31]      L’article 39, pour sa part, va encore plus loin et empêche toute recherche de la part du juge, quelles que soient les circonstances. Il est clair que rien de tel n’apparaît à l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS.

[32]      Comme notre Cour l’a maintenant souligné à deux reprises, le législateur est réputé connaître ces dispositions et les mécanismes qu’elles consacrent (Canada (Procureur général) c. Almalki, 2016 CAF 195, [2017] 2 R.C.F. 44 (Almalki), au paragraphe 67; [***]). Dans son interprétation de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, notre Cour doit concrétiser le choix du législateur de ne pas utiliser un texte aussi restrictif que celui de ces dispositions.

[33]      Comme il est indiqué ci-dessus, même si l’analyse qui précède milite en faveur de la conclusion selon laquelle la Cour fédérale a compétence de rendre une ordonnance comme celle faisant l’objet du présent appel, cela ne règle cependant pas la question. Alors que l’amicus a habilement soutenu que l’absence d’un texte prohibitif à l’article 18.1 milite en faveur de la conclusion selon laquelle le juge désigné est compétent, la procureure générale a soutenu que l’absence d’un texte permissif milite en faveur de la conclusion contraire. En fait, affirme-t-elle, le législateur utilise des mots comme « il [le juge] peut d’office », comme à l’alinéa 83(1)c) de la LIPR, quand il souhaite conférer une compétence, de telle sorte que l’absence de mots de ce genre à l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS doit être interprétée comme signifiant que le juge désigné n’a pas compétence. L’alinéa 83(1)c) de la LIPR se lit comme suit :

Protection des renseignements

83 (1) Les règles ci-après s’appliquent aux instances visées aux articles 78 et 82 à 82.2 :

[…]

c) il [le juge] peut d’office tenir une audience à huis clos et en l’absence de l’intéressé et de son conseil — et doit le faire à chaque demande du ministre — si la divulgation des renseignements ou autres éléments de preuve en cause pourrait porter atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

[34]      Ainsi, il peut être utile, mais pas décisif, de comparer l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS à des dispositions similaires de la LPC et de la LIPR. Il convient de prendre en considération les circonstances dans lesquelles l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS a été adopté pour mieux comprendre l’intention du législateur.

[35]      L’article 18.1 de la Loi sur le SCRS est une disposition relativement nouvelle. Il est entré en vigueur le 23 avril 2015 lors de l’adoption de la Loi sur la protection du Canada contre les terroristes, L.C. 2015, ch. 9. Il est généralement entendu que cette disposition a été adoptée à la suite d’une jurisprudence de la Cour suprême du Canada, Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Harkat, 2014 CSC 37, [2014] 2 R.C.S. 33 (Harkat) : la majorité de la Cour suprême a alors conclu que le privilège reconnu par la common law relatif aux indicateurs de police ne s’appliquait pas aux sources humaines du SCRS (paragraphe 80). Toutefois, la Cour suprême a souligné que la LIPR (dans cette affaire, l’article 83 était en cause) doit en général protéger l’identité des sources humaines du SCRS contre toute divulgation au public (paragraphe 83). En fait, contrairement aux observations des avocats spéciaux dans cette affaire, la Cour suprême a conclu que l’absence d’une approche de mise en balance en matière de la divulgation, semblable à celle qui est prévue à l’article 38.06 de la LPC, ne rendait pas inconstitutionnel le régime établi par la LIPR (paragraphe 66).

[36]      Ainsi, avant l’adoption de l’article 18.1, la question de la non-divulgation de renseignements sur les sources humaines du SCRS relevait des dispositions applicables à la procédure principale : l’article 83 de la LIPR pour les instances relatives aux certificats de sécurité; l’article 87 de la LIPR pour les contrôles judiciaires en matière d’immigration et l’article 38 de la LPC pour les instances criminelles et autres. Voici ce qu’avait à dire notre Cour dans l’arrêt Almalki [au paragraphe 60] concernant les conséquences qu’aurait l’adoption de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS sur une instance intéressant l’article 38 de la LPC :

Ainsi, lorsqu’on examine le contexte historique et l’évolution législative de l’article 38 de la LPC et de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, il ne fait aucun doute que la nouvelle disposition prive les intimés du bénéfice de la version plus libérale du privilège découlant de l’application de l’article 38 de la LPC, qui régissait la question de l’identité des sources et des informations qui tendraient à découvrir leur identité jusqu’à présent.

[37]      En fait, l’article 18.1 était conçu pour être plus restrictif que l’article 38 de la LPC. Comme la procureure générale l’a souligné, notre Cour a indiqué dans l’arrêt Almalki que l’adoption de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS avait eu pour effet d’interdire à la Cour fédérale d’examiner les informations touchant l’identité de sources humaines du SCRS dans le cadre de l’article 38 de la LPC (paragraphes 37 et 39). La procureure générale soutient que l’article 18.1 retirera de la même manière à la Cour fédérale d’examiner les informations touchant l’identité de sources humaines du SCRS dans le cadre d’une instance relative à l’article 87 de la LIPR. L’amicus ne conteste pas cette position (mémoire des faits et du droit de l’Amicus Curiae, au paragraphe 46).

[38]      J’abonde également dans ce sens. La compétence conférée au juge désigné lui permettant de demander des précisions additionnelles sur le fondement de revendications de privilège présentées en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS doit être puisée dans cette loi. Ainsi, le texte de l’article 18.1 n’offre pas une réponse claire. Pas plus que le fait de le comparer à d’autres dispositions similaires portant sur les privilèges en matière de preuve revendiqués par la Couronne.

[39]      Toutefois, compte tenu du contexte dans lequel l’article 18.1 a été adopté, je ne peux que conclure que le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur le SCRS limite le pouvoir conféré au juge désigné d’exiger des éléments de preuve à l’appui d’une revendication de privilège en vertu de l’article 18.1 lorsque nulle demande n’a été déposée. À mon avis, cette conclusion est conforme à l’intention du législateur d’imposer des mesures de protection plus strictes concernant les informations sur les sources humaines que ce que prévoit la LPC ou la LIPR.

[40]      Bien que cette conclusion soit suffisante pour trancher le présent appel, des observations plus circonstanciées sont justifiées dans les circonstances de l’espèce.

[41]      Comme il a été dit plus haut relativement au contexte du présent appel, le juge désigné a rendu l’ordonnance faisant l’objet du présent appel parce qu’il avait de sérieux doutes sur le fondement des revendications de privilège présentées par la procureure générale en application de l’article 18.1. Le juge désigné avait à sa disposition les documents non caviardés, ce qui semble maintenant être devenu la façon de faire à la suite de la décision du juge Noël de la Cour fédérale rendue à l’occasion de l’affaire X (Re) (2017 CF 136, [2017] 4 R.C.F. 391).

[42]      La procureure générale a soutenu devant nous que les documents non caviardés ont été remis au juge désigné uniquement pour donner le contexte nécessaire afin de lui permettre de trancher la requête présentée par le ministre en application de l’article 87 de la LIPR, et non pas afin de lui permettre de vérifier le fondement des revendications présentées en vertu de l’article 18.1 (mémoire en réplique de la procureure générale, au paragraphe 23). En toute déférence, cette thèse n’est pas convaincante.

[43]      Le législateur ne peut avoir eu l’intention de permettre aux juges désignés d’avoir accès à des renseignements pour lesquels un privilège est revendiqué en application de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS uniquement pour les laisser dans l’incapacité de demander plus de précisions si le fondement de ces revendications de privilège n’est pas évident au vu du dossier (mémoire des faits et du droit de l’Amicus Curiae, au paragraphe 53). Ils doivent avoir la possibilité de faire quelque chose lorsqu’ils sont saisis, comme le juge désigné en l’espèce l’a été, d’une revendication de privilège en vertu de l’article 18.1 qui ne semble pas, à première vue, bien fondée.

[44]      À mon avis, la meilleure chose à faire dans un tel cas, c’est de nommer un amicus curiae ou un avocat spécial afin qu’il puisse offrir une perspective différente de celle de la procureure générale sur la question des revendications de privilège en vertu de l’article 18.1.

[45]      Premièrement, la procureure générale et l’amicus ont tous deux convenu devant notre Cour que ce plan d’action était envisageable. En fait, l’article 87.1 de la LIPR envisage explicitement la nomination d’un avocat spécial relativement aux demandes de contrôle judiciaire. La procureure générale et l’amicus ont également convenu que le juge désigné ne peut annuler la revendication de privilège en l’absence de demande présentée au titre du paragraphe 18.1(4). Par conséquent, si le juge désigné n’était pas satisfait des motifs fournis conformément à l’ordonnance faisant l’objet du présent appel, l’étape suivante aurait été de nommer un amicus ou un avocat spécial. À cet égard, la procureure générale a indiqué que n’avait aucune utilité l’ordonnance (mémoire des faits et du droit de la procureure générale, au paragraphe 57). Pour sa part, l’amicus soutient que le juge désigné doit avoir compétence pour rendre une telle ordonnance, afin d’aider à décider s’il est nécessaire de nommer un amicus ou un avocat spécial, dans le but d’éviter les frais et les délais additionnels. Je ne suis pas de cet avis.

[46]      Deux considérations concurrentes m’amènent à tirer cette conclusion. D’une part, un autre recours était ouvert à la partie à la procédure principale, qu’elle a refusé d’exercer, et un certain poids doit être accordé à ce choix. D’autre part, les juges désignés doivent conserver un certain pouvoir de supervision relativement aux revendications de privilège du gouvernement, et ils ne peuvent être liés par le choix d’une partie qui, comme je l’expliquerai, pourrait même ne pas avoir été fait consciemment.

[47]      Ces considérations m’ont amené à conclure que la nomination d’un amicus ou d’un avocat spécial assure le meilleur équilibre entre la nécessité de donner effet au régime législatif tel qu’il est formulé et la nécessité pour les juges désignés de maintenir le contrôle de leurs propres processus (mémoire des faits et du droit de l’Amicus Curiae, au paragraphe 58) et de remplir leur rôle à titre de « gardien[s] » (voir Harkat, au paragraphe 46). Avant de m’étendre davantage sur chacune de ces considérations, je relève en passant qu’alors que l’article 87 de la LIPR intègre en y faisant référence presque tous les éléments de l’article 83, il n’inclut pas l’obligation de nommer un avocat spécial; cela ne signifie pas qu’un juge désigné ne pourrait pas quand même choisir de le faire. Comme il a été dit précédemment, nul amicus ou avocat spécial n’a comparu devant le juge désigné durant l’audience relative à l’article 87. Ce n’est que lors de l’appel que la Cour a nommé un amicus.

[48]      Je discuterai maintenant la première considération. À mon avis, il faut accorder un certain poids au fait que la partie à la procédure principale disposait d’un recours prévu par la loi et a refusé de l’exercer. La procureure générale admet que sauf dans les cas les plus exceptionnels, la partie à la procédure principale est informée que certains renseignements ont été protégés conformément à l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. [***]. Si la partie qui avait connaissance des revendications de privilège était autorisée, par une loi, à les contester, et a choisi de ne pas le faire, le juge désigné doit accorder une certaine importance à ce choix même si à son avis, une telle contestation aurait pu être accueillie. Comme l’ont observé [***] et aussi l’amicus (mémoire des faits et du droit de l’Amicus Curiae, au paragraphe 60), il peut exister de nombreuses raisons expliquant pourquoi une partie préfère ne pas contester la revendication de privilège présentée par la procureure générale en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS. En outre, autoriser dans tous les cas les juges désignés à vérifier de leur propre chef le fondement des revendications de privilège présentées en application de l’article 18.1 pourrait amener les parties aux procédures principales à renoncer à leur obligation de prendre le contrôle de leur déroulement. D’ailleurs, les parties seraient peu enclines à engager une contestation au titre du paragraphe 18.1(4) si elles savaient qu’elles pouvaient entièrement se fier au juge désigné pour vérifier la revendication de privilège en leur nom. Je ne crois pas que le paragraphe 18.1(4) ait été rédigé avec une telle intention.

[49]      Toutefois, cela m’amène à la seconde considération, concurrente. Même s’il faut accorder un certain poids au choix que fait la partie de ne pas engager une contestation au titre du paragraphe 18.1(4), ce choix ne doit pas trancher l’affaire de manière définitive. En effet, le juge désigné ne doit pas, dans tous les cas, être strictement lié par le choix d’une partie de ne pas engager une contestation au titre du paragraphe 18.1(4). En règle générale, le juge désigné ne sait pas pourquoi la partie a choisi de ne pas engager une contestation au titre du paragraphe 18.1(4), ou si ce choix était même un choix conscient. En l’espèce, le seul avis donné à la partie concernant le fait que des revendications de privilège ont été présentées en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS se résumait à une brève mention de ce fait dans la lettre de présentation du DCT. De plus, comme l’a souligné le juge désigné, la partie est souvent mal placée pour décider s’il faut engager une contestation au titre du paragraphe 18.1(4), ne sachant pas quel pourrait être le motif d’une telle contestation ou même quels renseignements sont visés par le privilège invoqué en application de l’article 18.1, comparativement à tout autre privilège. Le fait que l’intéressé en l’espèce était représenté par un avocat dans la procédure de contrôle judiciaire principale ne rend pas sa position plus facile. L’avocat n’avait pas accès à ces renseignements lui non plus.

[50]      Étant donné que la partie à la procédure principale pourrait ne pas savoir combien de renseignements sont visés par le privilège consacré par l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, ou précisément [où] se trouvent ces renseignements dans le dossier, notre Cour a signalé à l’audience que la position de la procureure générale inciterait la partie à présenter une demande au titre du paragraphe 18.1(4) dans tous les cas. La procureure générale n’a pas discuté cette idée, et a soutenu que le paragraphe 18.1(4) pourrait assurer un recours efficace dans tous les cas — que le privilège consacré par l’article 18.1 ne vise que quelques mots seulement, ou couvre des pages entières du dossier. Elle a soutenu que la demande présentée au titre du paragraphe 18.1(4) force simplement la procureure générale à rapporter la preuve du fondement des revendications de privilège présentées en vertu de l’article 18.1. Cette thèse reposait sur la présomption que seul le juge désigné aurait accès aux renseignements non caviardés, et que même l’amicus ou l’avocat spécial n’y aurait pas accès.

[51]      Je ne peux retenir ce point de vue. Je ne crois pas que le législateur ait eu l’intention de demander aux juges désignés de regarder passer des revendications de privilège démesurées sans intervenir, simplement parce que la partie à la procédure principale ne les a pas contestées. Je maintiens ce point de vue, peu importe avec quelle facilité la partie pourrait engager une contestation en vertu d’une loi. Toutefois, comme il est dit plus haut, le recours doit être inscrit dans la loi.

[52]      L’amicus soutient que rien dans l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS ne libère le SCRS du fardeau d’établir le fondement à première vue d’une revendication de privilège présentée en application de cette loi. À mon avis, il va un peu trop loin. Certes, l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS est plus restrictif que l’article 38 de la LPC ou l’article 87 de la LIPR, précisément parce que l’article 18.1 n’impose pas à l’État le fardeau de justifier le privilège. C’est là une des différences les plus importantes entre l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS et les autres dispositions. Toutefois, je ne crois pas que cela signifie que le juge désigné a les mains complètement liées quand la partie, pour une raison inconnue, néglige de demander à la procureure générale d’établir le fondement du privilège revendiqué en invoquant le paragraphe 18.1(4).

[53]      De la même manière, je rejette l’idée que seul le juge désigné peut avoir accès aux renseignements non caviardés. La nomination d’un amicus ou d’un avocat spécial a pour but de permettre au juge désigné de profiter d’un point de vue différent de celui du gouvernement. Il s’ensuit en toute logique qu’ils devront pour cela avoir accès aux documents non caviardés.

[54]      Si l’amicus ou l’avocat spécial prend connaissance des renseignements protégés aux termes de l’article 18.1 et conclut qu’ils sont bien visés par le privilège consacré par l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, il pourra ensuite décider de ne pas déposer de demande au titre du paragraphe 18.1(4). Le juge désigné n’aura pas la compétence d’exiger d’autres éléments de preuve du fondement de la revendication de privilège, même s’il pense toujours qu’elle est mal fondée. Je suppose que des cas comme celui-là seront rares. S’ils se présentent toutefois, le droit de la partie à la procédure principale à une divulgation complète et juste a été protégé le plus possible dans les limites prescrites par la loi. La partie a refusé de contester le privilège, et une seconde personne nommée et chargée de vérifier si le privilège devait être contesté a également refusé de le contester.

[55]      Si, par contre, l’amicus ou l’avocat spécial prend connaissance des renseignements et pense que les revendications de privilège sont mal fondées, il peut engager une contestation au titre du paragraphe 18.1(4). Le juge désigné a pleinement compétence d’examiner de plus près le fondement des revendications. Cela signifie que le juge désigné peut rendre une ordonnance comme celle qui fait l’objet du présent appel. La procureure générale peut même, de son propre chef, produire une justification en réponse à la demande présentée au titre du paragraphe 18.1(4). Si le juge désigné n’est pas satisfait de la justification fournie, il peut alors rendre l’une des ordonnances prévues aux alinéas 18.1(4)a) ou b).

[56]      L’amicus a avancé la thèse portant que ce mécanisme est indûment fastidieux. D’ailleurs, selon l’amicus, il n’y aurait pas lieu de nommer un amici et des avocats spéciaux si le juge désigné était convaincu par les preuves que de telles nominations n’étaient pas nécessaires (mémoire des faits et du droit de l’Amicus Curiae, au paragraphe 63). Voilà ce qui est arrivé en l’espèce : un affidavit a été remis au juge désigné et il en a été satisfait.

[57]      Trois réponses brèves sont possibles à cette question. D’abord, même si un cadre moins lourd est en général préférable, il n’en reste pas moins que, peu importe le cadre retenu, il doit être autorisé par la loi. Deuxièmement, la nomination d’un amicus ou d’un avocat spécial dans des cas comme celui qui nous occupe donne un certain sens au fait que nulle demande au titre du paragraphe 18.1(4) n’a été présentée par une partie ou une des personnes énumérées relativement à la procédure principale. Troisièmement, elle permet de s’assurer que le juge désigné bénéficie d’un point de vue opposé à celui du gouvernement, lui permettant ainsi d’être davantage investi d’une fonction juridictionnelle plutôt que d’une fonction inquisitoire.

[58]      L’analyse qui précède a porté sur les cas où le juge désigné a accès à des renseignements non caviardés visés par le privilège prévu par l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS et a des doutes sur le bien-fondé de la revendication de privilège. Deux autres possibilités existent. Le juge désigné peut prendre connaissance des renseignements et être convaincu que le privilège joue. De la même façon, le juge désigné peut ne jamais prendre connaissance des renseignements. Je dois discuter chacune de ces possibilités.

[59]      Si le juge désigné est d’avis que les renseignements sont visés par le privilège prévu par l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS et n’a aucun doute quant au bien-fondé de la revendication de privilège, l’affaire se termine là, à mon avis. La partie à la procédure principale disposait d’un recours légal et ne l’a pas exercé. En outre, si le juge désigné admet que la revendication de privilège joue, il n’est alors pas tenu de nommer un amicus ou un avocat spécial. L’amicus a soulevé cet argument, et j’abonde dans son sens (mémoire des faits et du droit de l’Amicus Curiae, au paragraphe 52).

[60]      Il est possible également que nul juge désigné ne prenne jamais connaissance des renseignements. D’ailleurs, à l’audience devant notre Cour, une question a été soulevée quant à savoir ce qui arriverait si les revendications de privilège au titre de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS étaient présentées « devant un tribunal, un organisme ou une personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production d’informations » autre qu’un juge désigné de la Cour fédérale (voir paragraphe 18.1(2)). Nul juge désigné n’aurait accès aux renseignements.

[61]      Après réflexion, il semble que de tels cas seraient rares. Tout renseignement, mis à part les renseignements relatifs aux sources humaines du SCRS que la procureure générale cherche à protéger pour des motifs de sécurité nationale, devra être assujetti à la LPC ou à la LIPR. Ainsi, à moins que le seul privilège qu’elle invoque soit celui de l’article 18.1 de la Loi sur le SCRS, elle se retrouvera devant un juge désigné de la Cour fédérale.

[62]      Toutefois, si un tel cas devait se produire « [le] tribunal, [l’]organisme ou [la] personne » n’aura pas lu les renseignements non caviardés. Ils ne seront pas en position meilleure que celle de la partie à la procédure principale pour savoir si le privilège est correctement revendiqué; ils ne disposeront non plus d’éléments pour décider s’il faut nommer un amicus ou un avocat spécial dans le but de contester le privilège au titre du paragraphe 18.1(4). Même si chaque affaire devra être tranchée en fonction de ses propres mérites, je dirais que dans un tel cas, la partie à la procédure principale devra être plus vigilante quant à sa décision de présenter ou non une demande au titre du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur le SCRS, puisque sinon les renseignements caviardés ne seront jamais présentés à un juge désigné.

[63]      [***] Je trouverais imprudent de charger une cour, un tribunal ou un organisme qui n’a pas lu les renseignements non caviardés de nommer un amicus ou un avocat spécial pour contester les revendications de privilège concernant ces renseignements.

[64]      Enfin, je ferai quelques remarques brèves sur la compétence implicite et les pouvoirs absolus. En ce qui a trait à la compétence implicite, la procureure générale soutient que le critère est rigoureux : Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626. Le fait que le juge désigné ait pensé qu’il était souhaitable de vérifier le fondement des revendications de privilège présentées en vertu de l’article 18.1 ne suffit pas pour lui conférer la compétence. Pour sa part, l’amicus a soutenu que les revendications exagérées présentées en application de l’article 18.1 constituent un abus de procédure, pour lequel le juge désigné dispose de pouvoirs absolus.

[65]      Comme on l’a observé au départ, il faut d’abord accorder l’attention aux principes relatifs à l’interprétation des lois. La procureure générale a elle-même soutenu que l’existence de pouvoirs absolus doit être évaluée conformément aux principes d’interprétation des lois (mémoire des faits et du droit de la procureure générale, au paragraphe 67, citant Canadian Transit Company c. Windsor (Ville), 2015 CAF 88, [2016] 1 R.C.F. 265, au paragraphe 19, appel accueilli pour d’autres motifs : 2016 CSC 54, [2016] 2 R.C.S. 617). Dans ses observations présentées de vive voix, l’amicus a également admis que la principale mission confiée à la Cour en était une d’interprétation des lois. En gardant cela à l’esprit, je ne peux conclure que les arguments concernant la compétence implicite ou les pouvoirs absolus m’amèneraient à tirer une conclusion différente de celle que j’ai tirée après mon analyse. Par conséquent, il n’y a aucune raison de s’étendre sur la question.

IV.       Conclusion

[66]      Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel. La procureure générale s’étant conformée en totalité à l’ordonnance du juge désigné, le recours approprié est de déclarer que l’ordonnance a été rendue en l’absence de compétence.

[67]      Ces motifs publics ont d’abord été publiés en version classifiée le 31 août 2018 afin d’assurer le respect des exigences en matière de sécurité nationale avant d’être rendus publics.

Le juge de Montigny, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Laskin, J.C.A. : Je suis d’accord.

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