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A-78-16

2017 CAF 201

Apotex Inc. (appelante)

c.

Pfizer Inc., Pharmacia Aktiebolag et Pfizer Canada Inc. (intimées)

Répertorié : Apotex Inc. c. Pfizer Inc.

Cour d’appel fédérale, juges Gauthier, Stratas et Boivin, J.C.A.—Toronto, 22 février; Ottawa, 2 octobre 2017.

Brevets — Contrefaçon — Appel de la décision par laquelle la Cour fédérale a rejeté la requête en jugement sommaire partiel de l’appelante — L’appelante a soutenu que le défaut des intimées de s’acquitter des bonnes taxes réglementaires applicables à la délivrance du brevet canadien no 1339132 (le brevet ʹ132) a eu pour effet d’invalider ce dernier, mais la Cour fédérale n’a pas souscrit à cet avis — Lorsque la demande qui a finalement abouti à la délivrance du brevet ʹ132 a été déposée, la demanderesse n’a pas déclaré être une petite entité — Le paiement des taxes de 300 $ qui s’appliquaient aux grandes entités a été remis — Toutes les taxes ont été acquittées sur le fondement que la demanderesse était une grande entité — Or, le montant de la taxe finale à payer à l’égard des demandes déposées par les grandes entités avant le 1er octobre 1989 était de 700 $ — Dans la présente affaire, un paiement complémentaire de 50 $ a été fait au Bureau des brevets sur le fondement de la conviction erronée que ce paiement remédiait à l’erreur de paiement antérieure — Le brevet ʹ132 a ensuite été délivré — Les erreurs de paiement n’ont jamais été corrigées avant la date limite après l’entrée en vigueur de l’art. 78.6(1) de la Loi sur les brevets — Par conséquent, la taxe correcte applicable à la demande n’a jamais été acquittée, comme l’a conclu la Cour fédérale — La requête en jugement sommaire partiel a été présentée dans le contexte d’une instance introduite par l’appelante pour demander que des dommages-intérêts lui soient versés, car la délivrance d’un avis de conformité à l’égard d’un produit qui, affirmait-on, contrefaisait le brevet ʹ132, avait tardé — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a conclu à tort que le défaut d’acquitter correctement la taxe applicable à la demande n’invalidait pas le brevet ʹ132, et si l’appelante pouvait invoquer la situation prévue à l’art. 73(1) de la Loi de 1989 comme fait ou manquement qui a rendu le brevet nul en vertu de l’art. 59 de la même loi — La Cour fédérale a interprété erronément l’art. 73 de la Loi de 1989, mais cette erreur ne signifiait pas que son jugement était erroné en droit — L’art. 73(1) de la Loi de 1989 n’aborde pas de manière expresse son effet sur un brevet délivré — Cette disposition se voulait un outil de perception des taxes pour le commissaire aux brevets — L’appelante a fait valoir que l’art. 59 de la Loi de 1989 entraînait la nullité du brevet ʹ132 — L’approche simple et littérale à l’interprétation de l’art. 59 préconisée par l’appelante mènerait à un résultat absurde et faisait abstraction de l’esprit et de l’objet de la loi — Les défauts survenus dans le processus préalable à la délivrance d’un brevet qui ne tombent pas sous le coup des dispositions qui visent expressément l’annulation d’un brevet, comme l’art. 53 de la Loi de 1989, ne peuvent être invoqués par un contrefacteur présumé pour faire déclarer nul un brevet — Depuis 1869, le législateur emploie des termes précis lorsqu’il veut traiter de situations susceptibles d’entraîner la nullité d’un brevet — Les moyens de défense opposables aux actions en contrefaçon ne sont pas fondés sur les principes de droit administratif; ils sont fondés sur le droit des brevets — C’est le droit auquel renvoie l’art. 59 — Que le contrefacteur présumé puisse invoquer certains moyens de défense ne change pas la nature de l’instance — La Cour fédérale a conclu à bon droit que l’appelante ne pouvait pas invoquer l’art. 73 de la Loi de 1989 pour faire annuler le brevet ʹ132 — La situation qui y est prévue ne constituait pas un fait ou manquement qui tombe sous le coup de l’art. 59 de la Loi de 1989 — Appel rejeté.

Il s’agissait de l’appel de la décision par laquelle la Cour fédérale a rejeté la requête en jugement sommaire partiel de l’appelante. L’appelante a soutenu que le défaut des intimées d’acquitter les bonnes taxes réglementaires applicables à la délivrance du brevet canadien no 1339132 (le brevet ʹ132) a eu pour effet d’invalider ce dernier. La Cour fédérale n’a pas souscrit à cet avis. La principale question concernait l’interprétation de diverses dispositions de la Loi sur les brevets telle qu’elle existait le 30 septembre 1989 (la Loi de 1989), et qui s’appliquait vu le moment où la demande a été présentée et celui où le brevet a été délivré.

Le 12 septembre 1989, la demande qui a finalement abouti à la délivrance du brevet ʹ132 a été déposée. La demanderesse n’a pas alors déclaré être une petite entité. Le paiement des taxes de 300 $ qui s’appliquaient alors aux grandes entités a été remis. Toutes les taxes réglementaires relatives au brevet ʹ132, à l’exception de la taxe finale à payer après la délivrance de l’avis d’acceptation, ont été acquittées sur le fondement que la demanderesse était une grande entité au sens des Règles sur les brevets applicables. Une taxe de 300 $ a été acquittée après réception de l’avis d’acceptation au mois de novembre 1996. C’était une erreur. Le montant de la taxe finale à payer à l’égard des demandes déposées par les grandes entités avant le 1er octobre 1989 était de 700 $. Ensuite, en 1997, un paiement complémentaire de 50 $ a été fait au Bureau des brevets sur le fondement de la conviction erronée que ce paiement remédiait à l’erreur de paiement antérieure. Le Bureau des brevets a accepté la taxe de 350 $ comme paiement intégral et le brevet ʹ132 a été délivré le 29 juillet 1997. Après l’entrée en vigueur du paragraphe 78.6(1) de la Loi sur les brevets le 1er février 2006, les brevetés disposaient de 12 mois pour corriger les erreurs de paiement antérieures. Or, ces erreurs n’ont pas été corrigées avant la date limite. Le Bureau des brevets a accusé réception du paiement fait par l’agent des brevets au titre d’une grande entité et les dossiers ont été modifiés en conséquence. Par conséquent, la taxe correcte applicable à la demande en 1997 n’a jamais été acquittée, comme l’a conclu la Cour fédérale.

La requête en jugement sommaire partiel a été présentée à la Cour fédérale dans le contexte d’une instance introduite par l’appelante en application de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), pour demander que des dommages-intérêts lui soient versés, car la délivrance d’un avis de conformité à l’égard d’un produit qui, affirmait-on, contrefaisait le brevet ʹ132, avait tardé. En réponse à cette instance fondée sur l’article 8, les intimées ont fait valoir notamment que l’appelante contrefaisait le brevet ʹ132.

L’appelante a soutenu notamment que, étant donné que la taxe applicable à la demande n’avait pas été payée intégralement, la demande était frappée de déchéance à compter du 19 mai 1997, par application du paragraphe 73(1) de la Loi de 1989.

Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a conclu à tort que le défaut d’acquitter correctement la taxe applicable à la demande n’invalidait pas le brevet ʹ132, et si l’appelante pouvait invoquer la situation prévue au paragraphe 73(1) de la Loi de 1989 comme fait ou manquement qui a rendu le brevet nul en vertu de l’article 59 de la même loi.

Arrêt : l’appel doit être rejeté.

La Cour fédérale a interprété erronément l’article 73 de la Loi de 1989. Elle a renvoyé à une version ultérieure de l’article 73 de la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets. Cette erreur ne signifiait toutefois pas que son jugement était erroné en droit.

Le paragraphe 73(1) de la Loi de 1989 n’aborde pas de manière expresse son effet sur un brevet délivré, particulièrement dans le cas d’erreurs non intentionnelles de part et d’autre. Cette disposition se voulait un outil de perception des taxes pour le commissaire aux brevets. L’appelante a fait valoir plus particulièrement dans cette affaire qu’il y avait un fait ou manquement qui, d’après l’article 59 de la Loi de 1989, entraînait la nullité du brevet ʹ132. L’approche simple et littérale à l’interprétation de l’article 59 préconisée par l’appelante mènerait à un résultat absurde et faisait abstraction de l’esprit et de l’objet de la loi. Ainsi qu’il a été conclu dans les décisions antérieures, les défauts survenus dans le processus préalable à la délivrance d’un brevet qui ne tombent pas sous le coup des dispositions qui visent expressément l’annulation d’un brevet, comme l’article 53 de la Loi de 1989, ne peuvent être invoqués par un contrefacteur présumé pour faire déclarer nul un brevet.

Il n’était pas nécessaire de décider si l’expression « frappée de déchéance » (en anglais « forfeited ») employée au paragraphe 73(1) a le même sens que le mot « abandonnée » (en anglais « abandoned ») qui figure dans d’autres dispositions de la Loi de 1989. Les faits mentionnés dans ces dispositions se produisent au cours de la période préalable à la délivrance d’un brevet, et le législateur a prévu la possibilité de rétablir la demande après un changement de son état (abandonnée ou frappée de déchéance) par l’effet de la loi. Depuis 1869, le législateur emploie des termes précis lorsqu’il veut traiter de situations susceptibles d’entraîner la nullité d’un brevet. Les moyens de défense opposables aux actions en contrefaçon ne sont toutefois pas fondés sur les principes de droit administratif; ils sont fondés sur le droit des brevets. C’est le droit auquel renvoie l’article 59. L’action en contrefaçon est un droit prévu par la loi. Que le contrefacteur présumé puisse invoquer certains moyens de défense ne change pas la nature de l’instance. Il ne s’agit pas d’un contrôle judiciaire. Il serait absurde, à la lumière du contexte général de la Loi de 1989, de donner à l’article 59 une interprétation qui permettrait à un contrefacteur présumé de faire annuler un brevet, disons, dix ans plus tard ou même après son expiration, au motif que le demandeur avait payé quelques cents en moins, d’autant plus que l’interprétation qu’il est proposé de donner à l’article 73 aurait des conséquences contradictoires et injustes. Les cours appliquent le droit, même si cela mène à des résultats absurdes, mais seulement s’il est impossible de l’interpréter autrement. Ce n’était pas le cas en l’espèce. La Cour fédérale a conclu à bon droit que l’appelante ne pouvait pas invoquer l’article 73 de la Loi de 1989 pour faire annuler le brevet. La situation qui y est prévue ne constituait pas un fait ou manquement qui tombe sous le coup de l’article 59 de la Loi de 1989.

Une dernière remarque a été formulée, à savoir que compte tenu de l’importance des brevets de nos jours et de celle accordée au droit de la propriété intellectuelle dans les accords commerciaux, les cours devraient évidemment faire preuve de prudence avant d’adopter une interprétation qui opposerait le Canada à ses partenaires commerciaux. L’interprétation téléologique de la Loi de 1989 ne nécessitait pas l’ajout ou la reconnaissance des nouveaux moyens d’invalidité que la thèse de l’appelante sur les articles 27 et 59 de la Loi de 1989 entraînerait et qui seraient incompatibles avec ceux qui sont généralement reconnus en Angleterre, en Europe et aux États-Unis.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Acte concernant les Brevets d’Invention, S.C. 1869, ch. 11, art. 6, 23, 24, 26, 27, 29.

Loi d’actualisation du droit de la propriété intellectuelle, L.C. 1993, ch. 15, art. 52.

Loi de 1935 sur les brevets, S.C. 1935, ch. 32, art. 41.

Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 45.

Loi des brevets, S.C. 1923, ch. 23, art. 19, 43.

Loi des brevets, S.R.C. 1906, ch. 69, art. 17, 34, 47.

Loi modifiant la Loi sur les brevets, L.C. 2005, ch. 18, art. 2.

Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2014, L.C. 2014, ch. 39, art. 138.

Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, ch. P-4, art. 63(2).

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 12(2), 27, 29, 30, 36(2),(3), 40, 46, 53, 54, 59, 61(1),(2), 73, 78.6.

Patent Act, 1949 (R.-U.), 12, 13 & 14 Geo. 6, ch. 87, art. 32.

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 8.

Règles sur les brevets, C.R.C., ch. 1250, ann. I, formule 1, ann. II, formule 30.

Règles sur les brevets, DORS/96-423, ann. 1, formule 1, ann. II.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISION SUIVIE :

Fada Radio Ltd. v. Canadian General Electric Co., [1927] R.C.S. 520 confirmant [1927] R.C. de l’É. 107, [1927] 1 D.L.R. 1184.

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Corlac Inc. c. Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2012] 2 R.C.S. vii; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837.

DÉCISIONS DIFFÉRENCIÉES :

Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2003 CAF 121, [2003] 4 C.F. 67, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2003] 3 R.C.S. vi; Corlac Inc. c. Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2012] 2 R.C.S. vii (en ce qui concerne la version applicable de la loi).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Procter & Gamble Co. c. Beecham Canada Ltd., [1982] A.C.F. no 10 (C.A.) (QL), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1982] 1 R.C.S. v; Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2003] 1 R.C.S. xiv.

DÉCISIONS CITÉES :

Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Lovell Manufacturing Co. and Maxwell Ltd. v. Beatty Bros. Ltd. (1962), 41 C.P.R. 18 (C. de l’É.); Flexi-Coil Ltd. c. Bourgault Industries Ltd., 1999 CanLII 7650 (C.A.F.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2000] 1 R.C.S. xi; Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., 2006 CAF 323, [2007] 3 R.C.F. 588, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2007] 1 R.C.S. v; Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2001 CFPI 879, [2002] 1 C.F. 325; ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140; 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919; Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., 2009 CF 991, conf. par 2010 CAF 240, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2011] 2 R.C.S. v; Bristol-Myers Co. (Johnson’s) Application, [1975] R.P.C. 127 (H.L.).

DOCTRINE CITÉE

Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., Markham, Ont. : Lexis Nexis, 2014.

APPEL de la décision par laquelle la Cour fédérale (2016 CF 136, [2017] 1 R.C.F. 3) a rejeté la requête en jugement sommaire partiel de l’appelante dans le contexte d’une instance introduite par l’appelante sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pour demander que des dommages-intérêts lui soient versés, car la délivrance d’un avis de conformité à l’égard d’un produit qui, affirmait-on, contrefaisait le brevet des intimées, avait tardé. Appel rejeté.

ONT COMPARU :

Harry Radomski et Nando De Luca pour l’appelante.

Orestes Pasparakis, Jordana Sanft et David Yi pour les intimées.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Goodmans LLP, Toronto, pour l’appelante.

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l., Toronto, pour les intimées.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        La juge Gauthier, J.C.A. : La Cour est saisie de l’appel de la décision par laquelle le juge Diner de la Cour fédérale a rejeté la requête en jugement sommaire partiel d’Apotex Inc. (Apotex). Apotex soutenait que le défaut des intimées de s’acquitter des bonnes taxes réglementaires applicables à la délivrance du brevet canadien no 1339132 (le brevet ʹ132) avait eu pour effet d’invalider ce dernier. La Cour fédérale n’a pas souscrit à cet avis (2016 CF 136, [2017] 1 R.C.F. 3 [motifs de la Cour fédérale]). Apotex interjette appel de cette décision.

[2]        Les faits pertinents dans le cadre du présent appel ne sont pas contestés. La principale question dont la Cour est saisie concerne l’interprétation de diverses dispositions de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, telle qu’elle existait le 30 septembre 1989 (la Loi de 1989). Vu le moment où la demande de brevet a été présentée et celui où il a été délivré, c’est cette version de la Loi sur les brevets qui est applicable. Les parties ont convenu que la question peut être tranchée par voie de jugement sommaire.

[3]        La version de la Loi sur les brevets est importante parce que les deux parties ont invoqué une jurisprudence qui portait sur une version ultérieure de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets, C.R.C., ch. 1250 (en date du mois de juin 1989) (les Règles de 1989) applicables (voir le cahier des lois, règlements, jurisprudence et doctrine, vol. 1, onglet 7). Elles mentionnent également des modifications adoptées depuis 1989. Cela inclut même la dernière modification (non en vigueur), apportée par le truchement de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2014, L.C. 2014, ch. 39 (la Loi sur le plan d’action économique), qui précise que le défaut de payer les taxes dues avant la délivrance d’un brevet n’a pas pour effet d’invalider le brevet (Loi sur le plan d’action économique, article 138).

[4]        C’est la première affaire portant sur l’article 73 de la Loi de 1989, et probablement la dernière. Il est toujours dangereux et rarement judicieux de tenir compte de modifications qui sont ultérieures à la version de la loi en cause (Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, article 45). En fait, je suis d’avis que c’est ce qui a mené la Cour fédérale à interpréter erronément l’article 73 de la Loi de 1989. Elle a renvoyé à une version ultérieure de l’article 73 de la Loi sur les brevets (L.R.C. (1985), ch. P-4, article 73, modifiée par la Loi d’actualisation du droit de la propriété intellectuelle, L.C. 1993, ch. 15, article 52) et aux Règles sur les brevets, DORS/96-423, adoptées en 1996. Comme nous le verrons, cette erreur ne signifie toutefois pas que son jugement était erroné en droit.

[5]        Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis qu’il y a lieu de rejeter le présent appel.

I.          Contexte factuel

[6]        Le 12 septembre 1989, la demande qui a finalement abouti à la délivrance du brevet ʹ132 a été déposée. La demanderesse n’a pas alors déclaré être une petite entité (voir les Règles de 1989, annexe I, formule 1 et la pétition déposée (dossier d’appel, vol. 3, p. AB0494)). Le paiement des taxes de 300 $ qui s’appliquaient alors aux grandes entités a été remis en même temps que le paiement des 100 $ à payer pour le dépôt d’une cession (voir les Règles de 1989, annexe II et la lettre de présentation de la pétition (dossier d’appel, vol. 3, p. AB0493)).

[7]        Il n’existe aucune preuve de changement du statut de la demanderesse avant la délivrance du brevet qui aurait été effectué par le dépôt d’une formule 30 (voir les Règles de 1989, annexe I). En fait, il semble — et personne ne le conteste — que toutes les taxes réglementaires relatives à la demande et au maintien en état du brevet ʹ132 jusqu’à son expiration en 2014, à l’exception de la taxe finale à payer après la délivrance de l’avis d’acceptation, aient été acquittées sur le fondement que la demanderesse (ainsi que ses successeurs en titre) était une grande entité au sens des Règles sur les brevets applicables.

[8]        On ne saura jamais exactement comment les erreurs se sont produites, mais l’agent des brevets a acquitté une taxe de 300 $ après avoir reçu l’avis d’acceptation au mois de novembre 1996. C’était une erreur. Le montant de la taxe finale à payer à l’égard des demandes déposées par les grandes entités avant le 1er octobre 1989 était de 700 $. Ensuite, le 18 avril 1997, l’agent des brevets a écrit au Bureau des brevets pour l’informer du fait qu’un paiement de seulement 300 $ avait été fait en raison d’une erreur administrative et qu’un paiement complémentaire de 50 $ (la taxe finale applicable à l’époque dans le cas d’une petite entité à l’égard d’une demande déposée avant le 1er octobre 1989 était de 350 $) était inclus.

[9]        Malgré la preuve d’expert et les témoins interrogés, et vu le statut de la demanderesse qui aurait dû être consigné au Bureau des brevets au moment pertinent (c.-à-d. une grande entité), il est difficile de savoir pour quelle raison le Bureau des brevets a accepté la taxe de 350 $ comme paiement intégral. Quoi qu’il en soit, le commissaire aux brevets (le commissaire) a délivré le brevet ʹ132 le 29 juillet 1997.

[10]      Après l’entrée en vigueur du paragraphe 78.6(1) de la Loi sur les brevets (voir l’annexe) le 1er février 2006, les brevetés disposaient de 12 mois pour corriger les erreurs de paiement antérieures. Or, la demanderesse n’a pas corrigé les erreurs avant la fin de la période de 12 mois. Après avoir reçu du Bureau des brevets la liste de tous les brevets susceptibles de nécessiter un paiement complémentaire aux termes de l’article 78.6, l’agent des brevets a reçu la directive du breveté de veiller au paiement immédiat de toute taxe additionnelle exigible d’une grande entité. Plutôt que d’envoyer un paiement complémentaire, l’agent des brevets a écrit au Bureau des brevets en ces termes : [traduction] « Veuillez noter que le statut associé à ce brevet est celui de grande entité pour l’application de l’article 78.6 de la Loi sur les brevets. La confirmation de ce fait serait appréciée ». Certes, il est possible que l’agent ait cru que la taxe réglementaire avait été payée intégralement étant donné que la demanderesse n’avait jamais eu le statut de petite entité depuis le dépôt de la pétition, rien n’explique réellement la raison pour laquelle cet agent n’a pas découvert qu’il n’avait pas acquitté correctement la taxe finale lors de la réception de l’avis d’acceptation. Lorsqu’il a été interrogé en 2014, il ne se souvenait pas de ce dossier et a dit que son dossier avait été détruit en grande partie en 2002. Plutôt que de préciser la raison pour laquelle le brevet ʹ132 était inscrit à la liste envoyée à l’agent des brevets, vu que le statut de la demanderesse n’avait jamais changé, le Bureau des brevets a accusé réception du paiement fait au titre d’une grande entité et a indiqué avoir modifié ses dossiers en conséquence. Deux autres erreurs.

[11]      Par conséquent, la taxe correcte applicable à la demande en 1997 n’a jamais été acquittée, comme l’a conclu la Cour fédérale (motifs de la Cour fédérale, paragraphe 37).

[12]      La requête en jugement sommaire partiel a été présentée à la Cour fédérale dans le contexte d’une instance introduite par Apotex le 14 juin 2013 en application de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, pour demander que des dommages-intérêts lui soient versés, car la délivrance d’un avis de conformité à l’égard d’un produit qui, affirmait-on, contrefaisait le brevet ʹ132, avait tardé. Dans leur défense et leur demande reconventionnelle déposées en réponse à cette instance fondée sur l’article 8, les intimées font valoir notamment qu’Apotex contrefaisait le brevet ʹ132. Apotex a opposé à la demande reconventionnelle la thèse selon laquelle le brevet ʹ132 n’était pas valide pour diverses raisons. Notamment parmi celles-ci était le non-paiement de la bonne taxe réglementaire applicable.

II.         Question en litige

[13]      Comme il est mentionné plus haut, la Cour est saisie d’une seule question : la Cour fédérale a-t-elle conclu à tort que le défaut d’acquitter correctement de la taxe applicable à la demande n’invalidait pas le brevet ʹ132?

[14]      Il s’agit d’une question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, paragraphe 8).

III.        Thèses des parties

[15]      Apotex affirme que le commissaire n’avait pas le pouvoir de délivrer le brevet ʹ132. Le commissaire ne pouvait délivrer le brevet que lorsque toutes les conditions prévues à la Loi de 1989 avaient été remplies (article 27). Apotex soutient que, étant donné que la taxe applicable à la demande n’avait pas été payée intégralement, la demande était frappée de déchéance à compter du 19 mai 1997, par application du paragraphe 73(1) de la Loi de 1989. Apotex peut opposer ce fait ou manquement en défense aux infractions de contrefaçon au sens de l’article 59 de la Loi de 1989 qu’on lui reproche parce qu’il entraîne la nullité du brevet ʹ132. Apotex fonde sa thèse en grande partie sur le raisonnement suivi par notre Cour dans l’affaire Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2003 CAF 121, [2003] 4 C.F. 67 (Dutch) (autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 29738 (11 décembre 2003) [[2003] 3 R.C.S. vi]).

[16]      Les intimées nous exhortent à suivre le raisonnement de notre Cour dans l’arrêt Corlac Inc. c. Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228 (Weatherford) (autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 34459 (29 mars 2012) [[2012] 2 R.C.S. vii]). Cette affaire portait sur la question de savoir si l’erreur commise par la demanderesse à l’égard d’une condition d’une demande de brevet en vertu de l’article 73 (dans sa version en vigueur en 1996) (voir l’annexe) était susceptible d’être opposée, comme « fait ou manquement » (article 59), à l’action en contrefaçon par la défenderesse après la délivrance d’un brevet. Adoptant une interprétation téléologique de l’article 73 (dans sa version en vigueur en 1996), la Cour a conclu que le législateur ne voulait pas qu’un tel fait ou manquement entraîne la nullité du brevet. Elle a rendu sa décision sur le fondement de ce qu’elle estime constituer un long courant jurisprudentiel interdisant la prise en compte de faits ou manquements survenus au cours de la poursuite relative à la demande, c.-à-d., la période préalable à la délivrance du brevet, dans le cadre d’une action en contrefaçon ou d’une demande reconventionnelle en vue de faire déclarer un brevet invalide (Lovell Manufacturing Co. and Maxwell Ltd. v. Beatty Bros. Ltd. (1962), 41 C.P.R. 18 (C. de l’É), page 40; Flexi-Coil Ltd. c. Bourgault Industries Ltd., 1999 CanLII 7650 (C.A.F.), paragraphe 31, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 27273 (23 mars 2000) [[2000] 1 R.C.S. xi]; Procter & Gamble Co. c. Beecham Canada Ltd., [1982] A.C.F. no 10 (C.A.) (QL) (Procter & Gamble), paragraphes 65-66, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 16993 (10 mai 1982) [[1982] 1 R.C.S. v]; Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., 2006 CAF 323, [2007] 3 R.C.F. 588, paragraphe 47, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 31754 (10 mai 2007) [[2007] 1 R.C.S. v]).

[17]      Apotex fait valoir que l’arrêt Weatherford portait sur une erreur différente commise avant la délivrance du brevet, à savoir sur un autre volet de l’article 73. Il y a donc lieu de faire une distinction. De façon subsidiaire, Apotex soutient, au paragraphe 90 de son mémoire, que notre Cour devrait renverser l’arrêt Weatherford sur le fondement de l’arrêt Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370 (Miller) (autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 29501 (17 avril 2003) [[2003] 1 R.C.S. xiv]). Apotex n’a pas poursuivi cet argument lors des plaidoiries. Quoi qu’il en soit, je peux le rejeter sommairement. Apotex ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la décision dans l’arrêt Weatherford était « manifestement erronée, du fait que la Cour n’aurait pas tenu compte de la législation applicable ou d’un précédent qui aurait dû être respecté » (Miller, paragraphe 10).

[18]      Lors des plaidoiries, ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé à notre Cour de rompre avec d’autres arrêts. En réplique aux précédents invoqués qui étaient défavorables à leurs thèses, elles ont plutôt demandé à notre Cour de reconnaître que les faits de l’espèce étaient différents de ceux des précédents. Il est utile de mentionner qu’aucune de ces affaires, même les arrêts Dutch et Weatherford, ne portait sur le paragraphe 73(1) de la Loi de 1989. Les parties diffèrent d’avis sur la pertinence du raisonnement adopté dans chacune pour l’affaire qui nous occupe. Il appartient à notre Cour d’évaluer cette pertinence dans le cadre du présent appel.

[19]      Nous sommes saisis d’une question de droit; la norme de la décision correcte est donc applicable. J’effectuerai ma propre analyse des dispositions pertinentes de la Loi de 1989 et des principaux précédents invoqués par les parties.

IV.       Dispositions légales

[20]      Les dispositions les plus pertinentes de la Loi de 1989 sont rédigées comme suit :

DEMANDES DE BREVETS

Qui peut obtenir des brevets

27. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’auteur de toute invention ou le représentant légal de l’auteur d’une invention peut, sur présentation au commissaire d’une pétition exposant les faits, appelée dans la présente loi le « dépôt de la demande », et en se conformant à toutes les autres prescriptions de la présente loi, obtenir un brevet qui lui accorde l’exclusive propriété d’une invention qui n’était pas

a) connue ou utilisée par une autre personne avant que lui-même l’ait faite;

b) décrite dans un brevet ou dans une publication imprimée au Canada ou dans tout autre pays plus de deux ans avant la présentation de la pétition ci-après mentionnée;

c) en usage public ou en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de sa demande au Canada.

Demandes de brevets à l’étranger

(2) Un inventeur ou représentant légal d’un inventeur, qui a fait une demande de brevet au Canada pour une invention à l’égard de laquelle une demande de brevet a été faite dans tout autre pays par cet inventeur ou par son représentant légal avant le dépôt de sa demande au Canada, n’a pas le droit d’obtenir au Canada un brevet couvrant cette invention sauf si sa demande au Canada est déposée :

a) soit avant la délivrance d’un brevet à cet inventeur ou à son représentant légal couvrant cette même invention dans tout autre pays;

b) soit, si un brevet a été délivré dans un autre pays, dans un délai de douze mois à compter du dépôt de la première demande, par cet inventeur ou son représentant légal, d’un brevet pour cette invention dans tout autre pays.

Ce qui n’est pas brevetable

(3) Il ne peut être délivré de brevet pour une invention dont l’objet est illicite, non plus que pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.

[…]

PROCÉDURES JUDICIAIRES RELATIVES AUX BREVETS

Nul en certains cas, ou valide en partie seulement

53. (1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

Exception

(2) S’il apparaît au tribunal que pareille omission ou addition est le résultat d’une erreur involontaire, et s’il est prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet, le tribunal rend jugement selon les faits et statue sur les frais. Le brevet est réputé valide quant à la partie de l’invention décrite à laquelle le breveté est reconnu avoir droit.

Copies du jugement

(3) Le breveté transmet au Bureau des brevets deux copies authentiques de ce jugement. Une copie en est enregistrée et conservée dans les archives du Bureau, et l’autre est jointe au brevet et y est incorporée au moyen d’un renvoi.

[…]

CONTREFAÇON

[…]

Défense

59. Dans toute action en contrefaçon de brevet, le défendeur peut invoquer comme moyen de défense tout fait ou manquement qui, d’après la présente loi ou en droit, entraîne la nullité du brevet; le tribunal prend connaissance de cette défense et des faits pertinents et statue en conséquence.

[…]

DÉCHÉANCE ET RÉTABLISSEMENT DES DEMANDES

Déchéance des demandes

73. (1) Lorsque les taxes réglementaires déclarées être payables dans un avis d’acceptation de brevet ne sont pas acquittées dans un délai de six mois à compter de la date de l’avis, la demande de brevet est alors frappée de déchéance.

Rétablissement

(2) Une demande frappée de déchéance peut être rétablie, et un brevet peut être accordé en conséquence sur requête adressée au commissaire dans un délai de six mois à compter du moment de la déchéance, sur versement, lors de la demande de rétablissement, outre les taxes exigibles à la concession du brevet, d’une taxe réglementaire additionnelle.

Idem

(3) Une demande rétablie est sujette à modification et à nouvel examen.

V.        Analyse

[21]      D’emblée, je veux faire certaines observations au sujet des jugements rendus par notre Cour dans les affaires Dutch et Weatherford.

A.        L’arrêt Dutch

[22]      Dans l’affaire Dutch, en déposant la demande de brevet no 2146904 (la demande ʹ904) au mois d’avril 1995, la demanderesse avait payé la taxe applicable au dépôt comme petite entité. C’était une erreur : les parties ont reconnu que la demanderesse ne pouvait plus prétendre avoir le statut de petite entité depuis le 25 novembre 1994 (arrêt Dutch, paragraphe 18).

[23]      L’affaire Dutch concerne une demande de contrôle judiciaire de la décision du commissaire, qui avait accepté un paiement complémentaire et avait ainsi rétabli la demande (Dutch, paragraphe 20).

[24]      L’appel faisait également intervenir une seconde question, qui concernait le brevet no 2121388 (le brevet ʹ388), à l’égard duquel la demande avait été déposée au mois d’avril 1994 par une personne prétendant être une petite entité (Dutch, paragraphes 10 et 12). En ce qui concerne le brevet ʹ388, il a été admis qu’à ce moment-là, la demanderesse répondait bel et bien à la définition de « petite entité ».

[25]      Au regard de la formule réglementaire relative à la pétition (la demande) (voir les Règles sur les brevets, annexe I, formule 1) qui devait être déposée à l’époque des faits, la demanderesse aurait eu à faire une déclaration quant à son statut de petite entité dans les deux demandes.

[26]      Malgré le changement de statut intervenu le 25 novembre 1994, les taxes applicables au brevet ʹ388, tant avant qu’après sa délivrance, ont été payées au tarif des petites entités (Dutch, paragraphes 12 et 47). Le Bureau des brevets n’a été informé d’aucun changement de statut avant le 29 mars 2000 (Dutch, paragraphe 18).

[27]      On a soutenu que le commissaire ne pouvait pas modifier les archives du Bureau des brevets à la réception d’un paiement complémentaire fait en 2000 parce que la demande relative au brevet ʹ388 avait alors été abandonnée par l’effet de la loi, les taxes de maintien en état n’ayant été payées que partiellement en 1995 (Dutch Industries Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2001 CFPI 879, [2002] 1 C.F. 325, paragraphe 13). Il a également été soutenu que le brevet était de toute façon périmé par le jeu du paragraphe 46(2) de la Loi sur les brevets (voir l’annexe), selon lequel, en cas de non-paiement dans le délai réglementaire des taxes de maintien en état du brevet, le brevet est périmé.

[28]      Ainsi, en ce qui concerne le défaut de payer les bonnes taxes de maintien en état qui étaient applicables à la demande relative au brevet ʹ904 et à celle relative au brevet ʹ388, la Cour devait interpréter l’alinéa 73(1)c) tel qu’il figurait dans la version plus récente de la Loi sur les brevets (voir l’annexe). Il diffère de celui de l’article 73 de la Loi de 1989.

[29]      Notre Cour a conclu sans difficulté que l’alinéa 73(1)c) s’appliquait à la demande relative au brevet ʹ904. Cette demande était réputée abandonnée et n’avait pas été rétablie dans le délai prévu dans la Loi sur les brevets. Le commissaire n’avait donc aucun pouvoir pour modifier ses archives et accepter le paiement complémentaire à titre de paiement correctif (Dutch, paragraphes 48 et 49).

[30]      En ce qui concerne la demande relative au brevet ʹ388 et le brevet lui-même, la Cour a adopté une interprétation téléologique des Règles sur les brevets et conclu que la demanderesse qui a déposé correctement sa demande en tant que petite entité conserve son statut pour la durée de la poursuite de la demande et par la suite (Dutch, paragraphe 46). Ainsi, la demande au titre du brevet ʹ388 n’avait jamais été réputée abandonnée, pas plus que le brevet ʹ388 n’était frappé de déchéance, parce que les taxes de maintien en état avaient été payées intégralement périodiquement (Dutch, paragraphe 47).

[31]      La Cour n’avait donc pas à déterminer l’effet du défaut de payer la taxe de maintien en état relative à la demande visant le brevet ʹ388 sur la validité de ce dernier. La juge Sharlow de notre Cour a écrit en obiter dictum que le défaut de payer une taxe de maintien en état pourrait avoir des conséquences catastrophiques (Dutch, paragraphe 43). Le législateur en a pris acte : en 2005, il a adopté rapidement le paragraphe 78.6(1) de la Loi sur les brevets (Loi modifiant la Loi sur les brevets, L.C. 2005, ch. 18, article 2). Cette disposition concerne le défaut de payer les taxes applicables à des grandes entités à l’égard des demandes et des brevets (voir l’annexe : Loi sur les brevets, article 46). D’autres modifications ont été adoptées depuis, mais elles ne sont pas encore en vigueur (Loi sur le plan d’action économique, article 138).

[32]      Quoi qu’il en soit, cet obiter dictum ne change pas le fait que notre Cour, dans l’affaire Dutch, n’avait pas à se pencher sur la validité du brevet ʹ388, puisqu’elle avait conclu que la bonne taxe avait été payée avant la délivrance du brevet. Notre Cour a en fait infirmé les conclusions tirées par la Cour fédérale quant au brevet ʹ388.

[33]      Enfin, je dois mentionner que, dans l’affaire Dutch, le commissaire a soutenu qu’il pouvait se fier à la déclaration d’une demanderesse voulant qu’elle soit une « petite entité » (Dutch, paragraphe 16). Comme on l’a vu, c’est dans la demande qu’il faut déclarer son statut de petite entité (Règles sur les brevets, annexe I, formule 1). Ainsi, il est logique que le commissaire se fie à un tel énoncé étant donné qu’un faux énoncé fait dans la pétition (c.-à-d., la demande) entraîne l’application de l’article 53 de la Loi sur les brevets (identique à l’article 53 de la Loi de 1989).

[34]      En l’espèce, la demanderesse n’a fait aucune déclaration erronée dans sa demande relative au brevet ʹ132. Son statut d’entité autre qu’une petite entité n’a pas été faussement déclaré et n’a jamais changé.

[35]      De plus, l’article 59 de la Loi de 1989 n’intervenait pas dans l’affaire Dutch, étant donné le type d’instance, soit une demande de contrôle judiciaire introduite peu après la décision de première instance.

B.        L’arrêt Weatherford

[36]      Dans l’affaire Weatherford, notre Cour était saisie de l’appel d’une décision de la Cour fédérale concernant une action en contrefaçon et une demande reconventionnelle contestant la validité du brevet no 2095937 (le brevet ʹ937).

[37]      Comme dans l’affaire Dutch, la demande relative au brevet ʹ937 avait été déposée après le 1er octobre 1989 (Weatherford, paragraphe 14). Le brevet ʹ937 a été délivré au mois de décembre 1998 (Weatherford, paragraphe 1). Ainsi, les dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets, plus précisément l’article 73, n’étaient pas les mêmes que celles qui s’appliquent dans le cadre du présent appel.

[38]      Néanmoins, les paragraphes 130 à 151 des motifs rédigés par notre Cour dans l’arrêt Weatherford sont pertinents en l’espèce. La Cour y examine la question de savoir si le contrefacteur présumé pouvait invoquer la version alors en vigueur de l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets pour faire invalider le brevet ʹ937.

[39]      Bien que de nombreux alinéas de cette version de l’article 73 portent sur le défaut de payer diverses taxes avant la délivrance d’un brevet, l’alinéa de l’article 73 en cause dans l’affaire Weatherford dispose que la demande est réputée abandonnée si le demandeur omet de répondre de bonne foi, dans le cadre d’un examen, à toute demande de l’examinateur dans le délai prescrit.

[40]      La juge Layden-Stevenson, qui a rédigé les motifs de notre Cour, a appliqué les principes modernes d’interprétation des lois (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837 (Rizzo)). Plus précisément, elle a examiné l’esprit et l’objet de la loi et a interprété l’article 73 à la lumière de son contexte, compte tenu des autres dispositions, en particulier l’article 53. L’article 53 porte sur les déclarations qui ne sont pas conformes à la vérité contenues dans une demande et sur les fausses déclarations contenues dans un mémoire descriptif et leur effet sur la validité des brevets délivrés. Elle a examiné la jurisprudence où notre Cour a établi une distinction entre la demande de brevet et le brevet délivré (Weatherford, paragraphe 145). Elle a jugé que la délivrance d’un brevet était un moment charnière, de sorte que l’alinéa 73(1)a) ne s’applique qu’au cours de la poursuite de la demande, et non après. À son avis, après la délivrance du brevet, l’alinéa 73(1)a) ne saurait avoir d’effet sur le brevet délivré (Weatherford, paragraphe 150). Elle a examiné le jugement rendu par notre Cour dans l’affaire Dutch et a établi une distinction, concluant qu’il ne portait pas sur la validité d’un brevet. Ainsi, à son avis, l’arrêt Dutch n’appuyait pas la thèse selon laquelle l’alinéa 73(1)a) pourrait être invoqué pour faire invalider le brevet (Weatherford, paragraphe 151).

[41]      Je souscris aux observations de la juge Layden-Stevenson sur l’arrêt Dutch et les autres précédents qu’elle mentionne au paragraphe 151 de ses motifs. Comme les autres affaires invoquées par Apotex ne lui sont d’aucun secours selon moi, je n’en traiterai pas.

C.        Apotex peut-elle invoquer la situation prévue au paragraphe 73(1) de la Loi de 1989 comme fait ou manquement qui rend le brevet nul en vertu de l’article 59 de la même loi?

[42]      Notre tâche consiste à interpréter les termes pertinents de la Loi de 1989 « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Rizzo, paragraphe 21).

[43]      Les mots employés au paragraphe 73(1), dans leur sens ordinaire, visent normalement les situations où les taxes réglementaires applicables à la demande de brevet n’ont pas été payées ou l’ont été partiellement, volontairement ou par inadvertance. La disposition n’aborde pas de manière expresse son effet sur un brevet délivré, particulièrement dans le cas d’erreurs non intentionnelles de part et d’autre (c.-à-d. en cas d’erreurs commises à la fois par le demandeur et par le Bureau des brevets).

[44]      Je constate que, suivant une telle interprétation littérale de la disposition, si le paiement exigible à l’égard de la demande relative au brevet ʹ132 avait été fait dans un délai d’un ou de deux mois après la réception de l’avis d’acceptation, par exemple, et que le brevet avait été délivré avant l’expiration du délai de six mois prévu au paragraphe 73(1), la demande n’aurait pas été frappée de déchéance avant la délivrance même si le paiement n’avait pas été fait intégralement. Ainsi, faire entrer dans le champ d’application de cette disposition les erreurs de part et d’autre ayant mené à la délivrance d’un brevet pourrait donner lieu à des conséquences contradictoires, selon que le brevet a été délivré avant la fin du délai de six mois ou non. Une telle interprétation semble injuste.

[45]      Compte tenu de l’historique législatif du paragraphe 73(1) de la Loi de 1989, on comprend maintenant que cette disposition se voulait un outil de perception des taxes pour le commissaire. Elle paraît pour la première fois sous la forme d’une note dans le Tarif des droits, puis le législateur l’inclut dans la loi en 1923 en vue d’alléger le fardeau financier imposé lors du dépôt d’une demande de brevet (voir l’annexe : La Loi des brevets, S.C. 1923, ch. 23 (la Loi de 1923), les parties pertinentes de l’article 43). Auparavant, le demandeur était tenu de payer d’avance les taxes pour la durée du brevet demandé (voir l’annexe : Loi des brevets, S.R.C. 1906, ch. 69, article 47) (la Loi de 1906). À l’instar des taxes de maintien en état applicables aux demandes de brevet et aux brevets, il s’agissait également d’un moyen de se débarrasser de « poids mort ».

[46]      Le Tarif des droits a par la suite été intégré aux Règles sur les brevets, et la note est devenue le paragraphe 73(1). Cet historique législatif explique également pourquoi cette disposition se trouve à la fin de la Loi de 1989, immédiatement avant les articles relatifs aux infractions et peines.

[47]      En interprétant le paragraphe 73(1) à la lumière du paragraphe 73(2), je constate en premier lieu que le passage « peut être rétablie, et un brevet peut être accordé » au paragraphe 73(2) laisse entendre que le législateur n’entendait pas que l’article 73 s’applique à un brevet déjà délivré. En second lieu, le législateur voulait manifestement donner aux demandeurs une véritable possibilité de corriger un défaut de paiement des taxes réglementaires dans un délai de six mois à compter de la déchéance. Dans le cas où un brevet serait délivré en raison d’une erreur non intentionnelle de part et d’autre avant la fin de la période prévue pour le rétablissement de la demande, il n’y a aucune véritable possibilité de découvrir que les mauvaises taxes ont été payées. Il est difficile de voir en quoi l’annulation du brevet délivré aidera à respecter l’intention du législateur qui consiste à prévoir un recours avant la délivrance du brevet. L’objet de cette disposition n’est pas particulièrement utile à l’argument avancé par Apotex.

[48]      Eu égard au contexte élargi, le législateur avait-il l’intention qu’un contrefacteur présumé puisse soulever un manquement comme celui qui nous occupe, qui est survenu avant la délivrance du brevet et ne tombe pas sous le coup de l’article 53? Est-ce un « fait ou manquement qui, d’après la présente loi ou en droit, entraîne la nullité du brevet » au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’article 59?

[49]      La réponse d’Apotex à ces questions est simple. Elle invoque le paragraphe 27(1) de la Loi de 1989. Ce paragraphe prévoit que « l’auteur de toute invention […] peut, sur présentation au commissaire d’une pétition exposant les faits […] et en se conformant à toutes les autres prescriptions de la présente loi, obtenir un brevet qui lui accorde l’exclusive propriété d’une invention » (je souligne). Aux termes de l’article 59 de la Loi de 1989, le défendeur dans une action en contrefaçon « peut invoquer comme moyen de défense tout fait ou manquement qui, d’après la présente loi ou en droit, entraîne la nullité du brevet ». Ainsi, selon Apotex, tout manquement à toute prescription de la Loi, ou des Règles sur les brevets, comme le prévoit le paragraphe 12(2) de la Loi de 1989 (voir l’annexe), entraîne la nullité d’un brevet.

[50]      À mon avis, le libellé de l’article 59 n’est pas aussi limpide qu’Apotex le prétend. Il faut aller au-delà du libellé d’une disposition législative et examiner le contexte de la disposition législative et l’objet de la loi (Rizzo). C’est ainsi même si le libellé de la disposition législative semble évident (ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140 (ATCO), paragraphe 48). À la lumière du contexte et de l’objet, force est de constater que le paragraphe 27(1) de la Loi de 1989 ne signifie pas que tout manquement à toute prescription de cette loi entraîne la nullité du brevet.

[51]      L’approche simple et littérale à l’interprétation des articles 27 et 59 préconisée par Apotex est séduisante, mais, à mon avis, mène à un résultat absurde et fait abstraction de l’esprit et de l’objet de la loi ainsi que du but véritable de ces dispositions. Notre Cour, dans les arrêts Weatherford (paragraphe 150) et Dutch (paragraphes 41 et 42), a précisé qu’il y a lieu d’éviter, dans la mesure du possible, d’adopter une interprétation qui mène à un résultat absurde, vu l’importance des brevets et les effets catastrophiques qu’une interprétation purement littérale entraînerait. Une telle orientation a mené notre Cour, dans l’arrêt Dutch, à limiter considérablement les affaires dans lesquelles la version de l’article 73 de la Loi sur les brevets dont il était question pourrait s’appliquer (à savoir aucun changement dans le statut d’une entité après le dépôt).

[52]      Comme il est mentionné dans l’arrêt Weatherford (paragraphe 142), notre Cour entend par fait ou manquement susceptible d’être invoqué par un contrefacteur présumé ceux qui se rapportent à la brevetabilité de l’invention par la personne qui demande le brevet et ceux énoncés à l’article 53 de la Loi de 1989, ou aux dispositions semblables des versions antérieures des lois relatives aux brevets qui visent expressément la nullité ou l’annulation des brevets.

[53]      Je dois mentionner à ce stade-ci que ce qui correspond à l’article 59 de la Loi de 1989 se trouve dans chaque version des lois sur les brevets depuis 1869, année où la première loi canadienne sur les brevets d’invention a été adoptée après la Confédération (voir l’annexe, Acte concernant les Brevets d’Invention, S.C. 1869, ch. 11, article 26 (la Loi de 1869); Loi de 1906, article 34).

[54]      L’article 59 existe donc pour l’essentiel depuis 1869. Le législateur a également inclus, depuis 1869, une disposition prévoyant qui peut demander un brevet et dont le libellé, semblable à celui de l’article 27 de la Loi de 1989, contient le passage invoqué par Apotex : « pourra, en présentant […] une demande au Commissaire et en remplissant les autres formalités voulues par le présent acte, obtenir un brevet » (je souligne) (voir l’annexe, Loi de 1869, article 6). Ainsi, dans tous les précédents mentionnés plus haut, il était loisible aux tribunaux de souscrire à la thèse qu’avance en l’espèce Apotex.

[55]      Il est donc révélateur que, dès 1927, en appel d’une décision de la Cour de l’Échiquier concernant une action en contrefaçon dans laquelle le défendeur avait invoqué comme cause d’invalidité l’absence d’affidavit à l’appui d’une demande de brevet redélivré (une condition de délivrance de ce brevet), la Cour suprême du Canada opine :

[traduction] […] nous sommes convaincus que tout manquement dans les documents sur lesquels le Commissaire se fonde pour agir, l’absence totale d’affidavit ou tout défaut de fond ou de forme dans ce qui est présenté comme affidavit à l’appui de la revendication, ne peut, en l’absence de fraude — qui n’a pas été suggérée en l’espèce — servir à un contrefacteur présumé de moyen pour contester un nouveau brevet délivré en vertu de l’article 24. Il ne s’agit pas d’un « fait ou défaut qui, d’après la présente loi ou d’après le droit, entraîne la nullité du brevet » (Loi sur les brevets, art. 34).

(Fada Radio Ltd. v. Canadian General Electric Co., [1927] R.C.S. 520 (Fada), pages 523 et 524.)

[56]      Quand elle a rédigé ces motifs, la Cour suprême du Canada était pleinement consciente que, comme la Cour de l’Échiquier l’avait affirmé, [traduction] « [l’]effet juridique du défaut de respecter à la lettre les formalités de lois et de règles concernant des demandes de brevets ne semble pas avoir été analysé dans les jugements publiés au Canada ou en Angleterre, mais l’a été dans de nombreuses affaires américaines » (The Canadian General Electric Co., Ltd. v. Fada Radio, Ltd., [1927] R.C. de l’É. 107 à la page 111).

[57]      Ainsi, j’estime que nous sommes liés par le principe essentiel dégagé de l’arrêt Fada : les défauts dans le processus administratif de demande d’un brevet, survenus avant la délivrance du brevet, ne peuvent être invoqués par un présumé contrefacteur pour faire déclarer nul un brevet.

[58]      La Loi sur les brevets et la pratique du Bureau des brevets ont évolué depuis l’arrêt Fada. Or, dans certaines affaires ultérieures à cette dernière, notre Cour a souscrit au principe essentiel tiré de cet arrêt. Elle a conclu que les défauts survenus dans le processus préalable à la délivrance d’un brevet qui ne tombent pas sous le coup des dispositions qui visent expressément l’annulation d’un brevet, comme l’article 53 de la Loi de 1989, ne peuvent être invoqués par un contrefacteur présumé pour faire déclarer nul un brevet.

[59]      Par exemple, dans l’affaire Procter & Gamble, également dans le contexte d’une action en contrefaçon et d’un moyen de défense fondé sur l’invalidité, la Cour devait décider si le défaut de remplir les conditions énoncées au paragraphe 63(2) de la version alors en vigueur de la Loi sur les brevets [S.R.C. 1970, ch. P-4] (voir l’annexe, Loi de 1989, par. 61(2)) était un fait ou manquement qui pouvait être invoqué par un contrefacteur présumé pour faire déclarer nul un brevet.

[60]      Le paragraphe 63(2) visait les cas dans lesquels une demande de brevet avait été présentée pour une invention à l’égard de laquelle un brevet avait déjà été consenti. Il prévoyait que la demande de brevet est « censée avoir été abandonnée, à moins que le demandeur » ait déjà commencé des démarches en vue de faire écarter un brevet qui existe déjà, ce que la demanderesse n’avait pas fait dans cette affaire. La Cour était d’accord avec le juge du procès pour dire « que ce paragraphe ‘ne concerne nullement les brevets délivrés’ [étant donné qu’il] ne s’agit pas d’une disposition à appliquer après la délivrance du second brevet pour en contester la validité » (Procter & Gamble, paragraphe 66).

[61]      Il n’est pas nécessaire de décider si l’expression « frappée de déchéance » (en anglais « forfeited ») employée au paragraphe 73(1) a le même sens que le mot « abandonnée » (en anglais « abandoned ») qui figure dans d’autres dispositions de la Loi de 1989 (autres exemples à l’annexe : Loi de 1989, article 30 et paragraphes 36(3) et 61(2)). Dans tous les cas, les faits mentionnés dans ces dispositions se produisent au cours de la période préalable à la délivrance d’un brevet, et le législateur a prévu la possibilité de rétablir la demande après un changement de son état (abandonnée ou frappée de déchéance) par l’effet de la loi, même si le délai pour le faire et les éléments à établir pour le faire peuvent différer.

[62]      Le législateur est présumé connaître le droit et la façon dont il a été appliqué, tout particulièrement lorsque, comme en l’espèce, la jurisprudence des cours d’appel est constante depuis si longtemps (2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, paragraphes 237 et 238; ATCO, paragraphe 59).

[63]      Le législateur connaissait bien la distinction entre une demande et un brevet. Depuis 1869, le législateur emploie des termes précis lorsqu’il veut traiter de situations susceptibles d’entraîner la nullité d’un brevet. L’article 53 de la Loi de 1989 démontre que le législateur avait réfléchi aux faits et manquements susceptibles d’entraîner la nullité d’un brevet.

[64]      Des versions antérieures de la Loi sur les brevets contenaient d’autres dispositions qui, à l’instar de l’article 53, abordaient expressément la nullité de brevets. Elles représentent des éléments fondamentaux, aux yeux du législateur, susceptibles de justifier cette conséquence sévère. Par exemple, pendant plusieurs décennies, un brevet devenait nul si l’invention n’était pas fabriquée au Canada dans un délai réglementaire. Cette conséquence était conforme à l’un des objets de la législation sur les brevets, à savoir promouvoir les inventions qui seraient réalisées au Canada, c.-à-d. à promouvoir les avancées économiques et technologiques au Canada.

[65]      La première partie de l’article 53 traite des déclarations non conformes à la vérité dans la demande (pétition). Ainsi, il importe de signaler que la formule de demande prescrite par les Règles de 1989 requiert du demandeur qu’il déclare être l’auteur de l’invention et croire véritablement avoir droit à un brevet en vertu des dispositions de la Loi sur les brevets. De toute évidence, ce libellé ne vise aucune situation qui survient pendant la poursuite de la demande; il vise les situations qui sont au cœur du marché entre un inventeur et le public, et non les questions de forme telles que le paiement ou le non-paiement des taxes réglementaires.

[66]      La seconde partie de l’article 53 porte sur les omissions ou les additions injustifiées dans le mémoire descriptif — c.-à-d. les déclarations trompeuses dans la documentation véritablement communiquée au public. On s’attendrait normalement à ce que ces défauts soient plus importants qu’une erreur non intentionnelle qui entraîne le paiement de quelques dollars en moins que la somme exigible. Pourtant, le législateur a indiqué clairement que le brevet n’est nul que dans les cas où de telles déclarations ont été faites dans l’intention de tromper. Une erreur non intentionnelle n’a pas d’incidence sur la validité du brevet qui concerne la partie de l’invention à laquelle le breveté est jugé avoir droit.

[67]      Lorsque l’on examine l’économie globale de la Loi de 1989, on constate qu’elle intéresse divers acteurs (les demandeurs, les inventeurs conjoints, les copropriétaires, le commissaire et des tiers tels qu’un contrefacteur présumé), divers stades du processus (avant et après la délivrance d’un brevet) et diverses voies de droit qui s’offrent à ces acteurs.

[68]      C’est la raison pour laquelle, par exemple, l’article 59 n’était pas en jeu dans l’affaire Dutch (un contrôle judiciaire) et ne serait pas en jeu dans les divers types d’appels prévus dans la Loi de 1989.

[69]      Il n’est pas inhabituel ni choquant que certains acteurs puissent soulever des questions qui ne peuvent l’être dans d’autres types d’instances. Les choix du législateur indiquent que la plupart des situations qui surviennent au cours de la poursuite administrative d’une demande de brevet devraient être traitées dans un délai relativement bref, au moyen d’appels et de contrôles judiciaires, par souci de finalité et de certitude. Dans le contexte de telles instances, on peut raisonnablement s’attendre à ce que les principes du droit administratif s’appliquent. C’est particulièrement important dans les cas où, comme en l’espèce, un examen en temps opportun de la décision du commissaire de délivrer le brevet ʹ132 aurait probablement permis à la demanderesse de rétablir la demande conformément au paragraphe 73(2) de la Loi de 1989.

[70]      Les moyens de défense opposables aux actions en contrefaçon ne sont toutefois pas fondés sur les principes de droit administratif; ils sont fondés sur le droit des brevets. C’est le droit auquel renvoie l’article 59, tout comme l’article 40 de la Loi de 1989 (voir l’annexe) lorsqu’il indique que le commissaire peut rejeter la demande lorsqu’il « s’est assuré que le demandeur n’est pas fondé en droit à obtenir la concession d’un brevet ». L’historique législatif de l’article 40 révèle que le législateur avait au départ énuméré les conditions de brevetabilité de fond auxquelles était subordonnée l’obtention d’un brevet (voir l’annexe : Loi de 1906, article 17). L’interprétation judiciaire de la Loi sur les brevets a toutefois fait évoluer le droit des brevets, par exemple, en matière de double brevet et d’évidence. Par conséquent, le législateur a plutôt choisi un libellé plus général, prévoyant que le demandeur doit être fondé en droit à obtenir le brevet (voir l’annexe : Loi de 1923, article 19; Loi de 1935 sur les brevets, S.C. 1935, ch. 32, article 41); cette exigence a plus tard été intégrée au libellé de l’article 40 de la Loi de 1989.

[71]      L’action en contrefaçon est un droit prévu par la loi. Elle a été prévue en 1869 dans la première loi canadienne sur les brevets d’invention (voir l’annexe : Loi de 1869, articles 23 et 24). Que le contrefacteur présumé puisse invoquer certains moyens de défense ne change pas la nature de l’instance. Il ne s’agit pas d’un contrôle judiciaire. L’affaire n’est pas tranchée sur le fondement des éléments dont le commissaire était saisi. Il n’en a jamais été ainsi, et ce depuis plus d’un siècle (voir Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., 2009 CF 991, paragraphes 353 et 354, 359 et 362, conf. par 2010 CAF 240, autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, 33946 (5 mai 2011) [[2011] 2 R.C.S. v]).

[72]      Il serait absurde, à la lumière du contexte général de la Loi de 1989, de donner à l’article 59 une interprétation qui permettrait à un contrefacteur présumé de faire annuler un brevet (en l’occurrence, un brevet pharmaceutique fructueux valant des millions, voire des milliards, de dollars), disons, dix ans plus tard ou même après son expiration, au motif que la demanderesse avait payé quelques cents en moins, d’autant plus que, comme on l’a vu, l’interprétation qu’il est proposé de donner à l’article 73 aurait des conséquences contradictoires et injustes (voir le paragraphe 44 plus haut).

[73]      Par souci de certitude, les cours appliquent le droit, même si cela mène à des résultats absurdes, mais seulement s’il est impossible de l’interpréter autrement (Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (6e éd.), [Markham, Ont. : LexisNexis] 2014, paragraphe 10.4). Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[74]      La Cour fédérale a conclu à bon droit qu’Apotex ne pouvait pas invoquer l’article 73 de la Loi de 1989 pour faire annuler le brevet. La situation qui y est prévue ne constitue pas un fait ou manquement qui tombe sous le coup de l’article 59 de la Loi de 1989.

[75]      Enfin, je dois mentionner qu’historiquement, les moyens pouvant être soulevés pour faire invalider un brevet étaient ceux qui justifiaient un bref de scire facias (voir l’annexe : Loi de 1869, article 29). C’était également le cas en Angleterre. Comme l’a mentionné lord Diplock dans le jugement Bristol-Myers Co. (Johnson’s) Application, [1975] R.P.C. 127 (H.L.), page 156, les motifs de révocation d’un brevet par scire facias avant 1884 ont essentiellement été prévus à l’article 32 de la Patents Act, 1949 (R.-U.), 12, 13 & 14 Geo. 6, ch. 87 (la Loi de 1949 du R.-U.) (voir l’annexe). Les motifs de contestation possible d’un brevet correspondaient à ceux qui pouvaient être opposés en défense à une action en contrefaçon (voir l’annexe : Loi de 1949 du R.-U., paragraphe 32(4)).

[76]      Les lois sur les brevets applicables depuis au sein de l’Union européenne et aux États-Unis reflètent une démarche semblable; les motifs pour lesquels un brevet peut être contesté ou l’invalidité peut être opposée en défense à une action en contrefaçon sont prévus expressément.

[77]      Compte tenu de l’importance des brevets de nos jours et de celle accordée au droit de la propriété intellectuelle dans les accords commerciaux, les cours devraient évidemment faire preuve de prudence avant d’adopter une interprétation qui opposerait le Canada à ses partenaires commerciaux. Par conséquent, je suis rassurée par le fait que mon interprétation téléologique de la Loi de 1989 ne nécessite pas l’ajout ou la reconnaissance des nouveaux moyens d’invalidité que la thèse d’Apotex sur les articles 27 et 59 entraînerait et qui seraient incompatibles avec ceux qui sont généralement reconnus en Angleterre, en Europe et aux États-Unis.

[78]      Pour conclure, je propose de rejeter l’appel avec dépens, dont le montant global est fixé à 5 000 $.

Le juge Stratas, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Boivin, J.C.A. : Je suis d’accord.

Annexe

Acte concernant les Brevets d’Invention, S.C. 1869, ch. 11

DES PERSONNES QUI PEUVENT SE FAIRE BREVETER.

Les résidents en Canada pourront prendre brevets pour leurs inventions.

6. Quiconque aura résidé depuis une année au moins en Canada quant (sic) il fera sa demande, et qui aura inventé ou découvert quelque art, machine, procédé ou composition de matière, nouveau et utile, ou quelque perfectionnement nouveau et utile à un art, machine, procédé ou composition de matière, lequel n’était pas en usage ni connu par d’autres avant qu’il en fit l’invention ou découverte, ou ne sera pas, lors de la demande du brevet, dans le domaine public ou en vente dans quelqu’une des provinces du Canada, du consentement ou par la tolérance de l’auteur de l’invention ou découverte, pourra, en présentant à cette fin une demande au Commissaire et en remplissant les autres formalités voulues par le présent acte, obtenir un brevet lui conférant le droit exclusif d’exploiter sa découverte ou son invention; et le brevet sera revêtu du sceau du bureau des brevets et de la signature du Commissaire, ou, de la signature d’un autre membre du conseil privé; et il vaudra et profitera au titulaire et à ses héritiers, cessionnaires ou autres représentants légaux pendant la durée exprimée au dit brevet; mais il ne sera pas concédé de brevets pour des inventions ou découvertes ayant pour objet des choses illicites, ni pour des découvertes purement scientifiques ou des théorèmes abstraits.

[…]

CESSION ET CONTREFAÇON DES BREVETS.

[…]

Amende pour violation du droit d’un breveté.

23. Quiconque, sans avoir eu le consentement par écrit du breveté, fera, construira ou mettra en pratique une chose quelconque pour laquelle un brevet d’invention ou de découverte aura été pris sous l’empire du présent acte, ou se procurera cette chose d’une personne non autorisée par le breveté à la confectionner ou à en faire usage, et en fera usage, sera, pour cet acte, passible à l’égard du breveté d’une action en dommages-intérêts, et le jugement sera exécuté, et les dommages et frais adjugés seront recouvrés, dans la forme suivie dans les autres cas au tribunal où l’action sera portée.

Action pour violation de brevets.

24. Il pourra être porté une action pour contrefaçon de brevet devant tout tribunal ayant juridiction jusqu’à concurrence des dommages-intérêts réclamés et siégeant dans la province où la contrefaçon sera représentée avoir été commise, et se trouvant, des tribunaux qui auront une telle juridiction dans cette province, celui dont le siége (sic) sera le plus près du lieu de résidence ou d’affaire du défendeur; et ce tribunal prononcera et adjugera les dépens; dans toute action pour contrefaçon de brevet, le tribunal, s’il siége (sic), ou un de ses juges en chambre, si le tribunal n’est pas en session, pourra, sur requête soit du demandeur, soit du défendeur, rendre tel ordre d’injonction, interdisant à la partie adverse l’usage, la manufacture ou la vente de la chose brevetée et portant une peine en cas de transgression du dit ordre, ou rendre tel ordre d’inspection, ou de production de compte, et tel ordre concernant ces choses et les procédures dans la cause, que le tribunal ou le juge croira justes; mais on pourra interjeter appel de cet ordre, dans les circonstances et au tribunal où se porteront les appels des jugements et ordres du tribunal qui aura décerné cet ordre.

[…]

Défense à l’action.

26. Le défendeur, dans toute telle action, pourra plaider spécialement en défense tout fait ou défaut qui, par le présent acte ou par la loi, entraîne la nullité du brevet; et le tribunal prendra connaissance de ce plaidoyer spécial et des faits qui s’y rapporteront, et prononcera en conséquence.

NULLITÉ, CONTESTATION ET DÉCHÉANCE DES BREVETS.

Annulation des brevets en certains cas.

27. Le brevet sera nul, si la requête ou la déclaration de l’impétrant contient quelque allégation importante qui soit fausse, ou si la spécification et les dessins contiennent plus ou moins qu’il ne sera nécessaire pour atteindre le but dans lequel on les fera, cette addition ou cette omission étant faite volontairement dans l’intention d’induire en erreur; mais s’il appert au tribunal que cette omission ou cette addition est simplement une erreur involontaire, et qu’il soit prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet pro tanto, le tribunal rendra jugement suivant les faits et prononcera sur les frais, et le brevet sera réputé valable pour cette partie de l’invention décrite; et le breveté fournira au bureau des brevets deux copies de ce jugement, dont l’une sera enregistrée et gardée en dépôt au bureau, et l’autre sera annexée et par une note de renvoi, incorporée au brevet.

[…]

Procédure pour contester un brevet.

29. Quiconque voudra contester un brevet émis sous l’autorité du présent acte, pourra obtenir une copie scellée et certifiée du brevet, de la requête, de la déclaration, des dessins et de la spécification y relatifs et pourra les faire déposer au bureau du protonotaire ou greffier de la Cour Supérieure en la province de Québec, ou de la Cour du Banc de la Reine ou des plaids communs en la province d’Ontario, ou de la Cour Suprême en la province de la Nouvelle-Ecosse, ou de la Cour du Banc de la Reine en la province du Nouveau-Brunswick, suivant l’élection de domicile du breveté; lesquelles cours prononceront sur l’affaire et sur les frais; le brevet et les documents en question seront alors réputés pièces de dépôt dans cette cour, en sorte qu’on puisse faire émettre, sous le sceau de la cour, un bref de scire facias, fondé sur ces pièces, aux fins de faire révoquer le brevet pour cause légale comme susdit, si après les procédures prises sur le bref en conformité de l’intention du présent acte, le brevet est déclaré nul.

Loi des brevets, S.R.C. 1906, ch. 69

REFUS DE CONCESSION DE BREVETS.

Le commissaire peut refuser le brevet dans certains cas.

17. Le commissaire peut objecter à la concession du brevet dans les cas suivants : —

a) Lorsqu’il est d’opinion que l’invention alléguée n’est pas brevetable aux termes de la loi;

b) Lorsqu’il a lieu de croire que le public est déjà en possession de l’invention, du consentement ou par la tolérance de l’inventeur;

c) Lorsqu’il ne lui paraît y avoir rien de nouveau dans l’invention;

d) Lorsqu’il lui paraît que l’invention a été décrite dans un livre ou autre publication imprimée avant la date de la demande de brevet, ou qu’elle est entrée de quelque autre manière dans le domaine public;

e) Lorsqu’il lui paraît que l’invention a déjà été brevetée en Canada, à moins que le commissaire n’ait des doutes sur la question de savoir lequel, du breveté ou des requérants, est le premier inventeur;

f) Si l’invention a déjà été brevetée en pays étranger, et que l’inventeur aît demandé un brevet en Canada dans l’année qui suit l’émissioin [sic] du premier brevet étranger pour cette invention, à moins que le commissaire n’aît des doutes sur la question de savoir lequel du breveté étranger ou du requérant est le premier inventeur.

[…]

ACTIONS EN NULLITÉ ET AUTRES PROCÉDURES JUDICIAIRES RELATIVEMENT AUX BREVETS.

[…]

Défense à l’action.

34. Le défendeur dans toute telle action peut alléguer spécialement comme moyen de défense tout fait ou défaut qui, d’après la présente loi ou d’après le droit, entraîne la nullité du brevet; et la cour prend connaissance de cette défense en conséquence.

[…]

TARIF DES DROITS.

Droits.

47. Les demandes aux fins diverses mentionnées en la présente loi ne sont accueillies par le commissaire qu’après versement des droits suivants, savoir : —

Droit entier, pour 18 ans……$60.00

Droit partiel, pour 12 ans………40.00

Droit partiel, pour 6 ans………..20.00

Droit pour une prolongation de 12 ans……………………………40.00

Droit pour une prolongation de 6 ans……………………………20.00

Loi des brevets, S.C. 1923, ch. 23

[…]

REFUS DE CONCESSION DE BREVETS.

Le commissaire peut refuser le brevet dans certains cas.

19. Le commissaire peut s’opposer à la concession d’un brevet, lorsqu’il juge qu’aux termes de la loi, le requérant n’y a pas droit, et lorsqu’il est d’avis que l’invention a déjà été brevetée, à moins que le commissaire ne doute que le breveté ou le requérant ne soit le premier inventeur et que la demande ait été produite dans les deux ans qui suivent la date du brevet.

[…]

TARIF DES DROITS.

Droits.

43. (1) Les demandes aux fins diverses mentionnées en la présente loi ne sont accueillies par le commissaire qu’après versement des droits suivants, savoir :

En déposant une demande de brevet………………………….$15.00

À la délivrance du brevet…………………………………………20.00

(À payer sous peine de déchéance dans un délai de six mois à compter de la date de l’avis de délivrance du brevet.)

Loi de 1935 sur les brevets, S.C. 1935, ch. 32

REJET DES DEMANDES DE BREVETS.

Le Commissaire peut refuser le brevet.

41. Chaque fois que le Commissaire s’est assuré que le demandeur n’est pas fondé en droit à obtenir la concession d’un brevet, il doit rejeter la demande et, par lettre recommandée, adressée au demandeur ou à son agent enregistré, notifier à ce demandeur le motif ou la raison du rejet de la demande.

[…]

Patents Act, 1949 (R.-U.), 12, 13 & 14 Geo. 6, ch. 87

[…]

Revocation and surrender of patents

Revocation of patent by court.

32. (1) Subject to the provisions of this Act, a patent may, on the petition of any person interested, be revoked by the court on any of the following grounds, that is to say,-

(a) that the invention, so far as claimed in any claim of the complete specification, was claimed in a valid claim of earlier priority date contained in the complete specification of another patent granted in the United Kingdom;

(b) that the patent was granted on the application of a person not entitled under the provisions of this Act to apply therefor;

(c) that the patent was obtained in contravention of the rights of the petitioner or any person under or through whom he claims;

(d) that the subject of any claim of the complete specification is not an invention within the meaning of this Act;

(e) that the invention, so far as claimed in any claim of the complete specification, is not new having regard to what was known or used, before the priority date of the claim, in the United Kingdom;

(f) that the invention, so far as claimed in any claim of the complete specification, is obvious and does not involve any inventive step having regard to what was known or used, before the priority date of the claim, in the United Kingdom;

(g) that the invention, so far as claimed in any claim of the complete specification, is not useful;

(h) that the complete specification does not sufficiently and fairly describe the invention and the method by which it is to be performed, or does not disclose the best method of performing it which was known to the applicant for the patent and for which he was entitled to claim protection;

(i) that the scope of any claim of the complete specification is not sufficiently and clearly defined or that any claim of the complete specification is not fairly based on the matter disclosed in the specification;

(j) that the patent was obtained on a false suggestion or representation;

(k) that the primary or intended use or exercise of the invention is contrary to law;

(l) that the invention, so far as claimed in any claim of the complete specification, was secretly used in the United Kingdom, otherwise than as mentioned in subsection (2) of this section, before the priority date of that claim.

[…]

(4) Every ground on which a patent may be revoked shall be available as a ground of defence in any proceeding for the infringement of the patent.

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 (dans sa version applicable le 30 septembre 1989)

RÈGLES ET RÈGLEMENTS

12. […]

Effet

(2) Toute règle ou tout règlement pris par le gouverneur en conseil a la même force et le même effet que s’il avait été édicté aux présentes.

[…]

DEMANDES DE BREVETS

[…]

Les demandes doivent être complétées dans les douze moins

30. (1) Chaque demande de brevet doit être complétée dans un délai de douze mois à compter du dépôt de la demande, à défaut de quoi, ou sur manquement du demandeur de poursuivre sa demande dans les six mois qui suivent toute action que l’examinateur, nommé conformément à l’article 6, a prise concernant la demande et dont avis a été donné au demandeur, une telle demande est tenue pour avoir été abandonnée.

Rétablissement d’une demande abandonnée

(2) Une demande peut être rétablie sur présentation d’une pétition au commissaire dans un délai de douze mois à compter de la date à laquelle cette demande a été tenue pour abandonnée, et contre paiement de la taxe réglementaire, si le pétitionnaire démontre à la satisfaction du commissaire que le défaut de compléter ou de poursuivre la demande dans le délai spécifié n’était pas raisonnablement évitable.

Idem

(3) Une demande ainsi rétablie garde la date de son dépôt original.

[…]

DEMANDES COMPLÉMENTAIRES

36. […]

Demandes complémentaires

(2) Si une demande décrit et revendique plus d’une invention, le demandeur peut et, selon les instructions du commissaire à cet égard, doit restreindre ses revendications à une seule invention. L’invention ou les inventions définies dans les autres revendications peuvent faire le sujet d’une ou de plusieurs demandes complémentaires, si ces demandes complémentaires sont déposées avant la délivrance d’un brevet sur la demande originale.

Idem

(3) Si la demande originale a été abandonnée ou si elle est déchue, le délai pour le dépôt des demandes complémentaires se termine à l’expiration du délai fixé pour le rétablissement et la remise en vigueur de la demande originale aux termes de la présente loi ou des règles établies sous son autorité.

[…]

REJET DES DEMANDES DE BREVETS

Le commissaire peut refuser le brevet

40. Chaque fois que le commissaire s’est assuré que le demandeur n’est pas fondé en droit à obtenir la concession d’un brevet, il rejette la demande et, par courrier recommandé adressé au demandeur ou à son agent enregistré, notifie à ce demandeur le rejet de la demande, ainsi que les motifs ou raisons du rejet.

[…]

PRIORITÉ DES INVENTIONS

Établissement de la priorité

61. (1) Aucun brevet ou aucune revendication dans un brevet ne peut être déclaré invalide ou nul pour la raison que l’invention qui y est décrite était déjà connue ou exploitée par une autre personne avant d’être faite par l’inventeur qui en a demandé le brevet, à moins qu’il ne soit établi que, selon le cas :

a) cette autre personne avait, avant la date de la demande du brevet, divulgué ou exploité l’invention de telle manière qu’elle était devenue accessible au public;

b) cette autre personne avait, avant la délivrance du brevet, fait une demande pour obtenir au Canada un brevet qui aurait dû donner lieu à des procédures en cas de conflit;

c) cette autre personne avait à quelque époque fait au Canada une demande ayant, en vertu de l’article 28, la même force et le même effet que si elle avait été enregistrée au Canada avant la délivrance du brevet et pour laquelle des procédures en cas de conflit auraient dû être régulièrement prises si elle avait été ainsi enregistrée.

Second brevet

(2) Nonobstant l’article 41, une demande de brevet pour une invention à l’égard de laquelle un brevet a été délivré en vertu de la présente loi est rejetée, à moins que le demandeur n’intente, dans un délai fixé par le commissaire, une action pour écarter le brevet antérieur en tant qu’il couvre l’invention en question. Si pareille action est ainsi commencée et diligemment poursuivie, la demande n’est pas réputée avoir été abandonnée, à moins que le demandeur ne néglige de poursuivre sa demande dans un délai raisonnable après que l’action a été finalement réglée.

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 (telle qu’elle figurait dans l’affaire Weatherford)

46. […]

Péremption

(2) En cas de non-paiement dans le délai réglementaire des taxes réglementaires, le brevet est périmé.

[…]

ABANDON ET RÉTABLISSEMENT DES DEMANDES

Abandon

73. (1) La demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet, selon le cas :

a) de répondre de bonne foi, dans le cadre d’un examen, à toute demande de l’examinateur, dans les six mois suivant cette demande ou dans le délai plus court déterminé par le commissaire;

b) de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 27(6);

c) de payer, dans le délai réglementaire, les taxes visées à l’article 27.1;

d) de présenter la requête visée au paragraphe 35(1) ou de payer la taxe réglementaire dans le délai réglementaire;

e) de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 35(2);

f) de payer les taxes réglementaires mentionnées dans l’avis d’acceptation de la demande de brevet dans les six mois suivant celui-ci.

[…]

Paiement de taxes réglementaires

78.6 (1) Si, avant l’entrée en vigueur du présent article, une personne a payé la taxe réglementaire relative à une petite entité, au sens des Règles sur les brevets dans leur version applicable à la date du paiement, alors qu’elle aurait dû payer celle relative à une entité autre qu’une petite entité, et qu’elle verse la différence au commissaire aux brevets en conformité avec le paragraphe (2), avant la date d’entrée en vigueur du présent article ou au plus tard douze mois après cette date, le versement est réputé avoir été fait à la date du paiement de la taxe réglementaire, indépendamment de toute instance ou autre procédure engagée à l’égard du brevet ou de la demande de brevet qui fait l’objet de la taxe ou de toute décision en découlant.

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