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T-1981-18

2019 CF 1543

Sulaiman Almuhaidib (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Almuhaidib c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Noël—Montréal, 26 août; Ottawa, 2 décembre 2019.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Citoyens — Contrôle judiciaire de la décision d’une agente de la citoyenneté déclarant la demande de citoyenneté du demandeur comme étant « abandonnée » aux termes de l’art. 13.2(1)a)(i) de la Loi sur la citoyenneté (Loi) pour avoir omis de fournir des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires exigés par le ministre défendeur en vertu de l’art. 23.1 de la Loi — Le demandeur a soumis une demande de citoyenneté en août 2010 — Des divergences ont laissé sous-entendre qu’il y avait possibilité que le demandeur utilisait un passeport non déclaré — Un juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté du demandeur, qui a été convoqué pour prêter le serment de citoyenneté — Néanmoins, en arrivant au Canada pour la cérémonie d’assermentation, le demandeur a été interrogé par un agent d’immigration — Ce dernier a conclu dans un rapport visé à l’art. 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés que le demandeur ne respectait pas son obligation de résidence en tant que résident permanent — Une mesure de renvoi a été émise contre lui — Le demandeur n’a pas été autorisé à prêter le serment de citoyenneté — La Section d’appel de l’immigration a annulé la mesure de renvoi en 2015 et déclaré que le demandeur n’avait pas perdu son statut de résident permanent — Le demandeur a demandé une nouvelle date pour prêter le serment de citoyenneté — La Loi renforçant la citoyenneté canadienne (LRCC) a obtenu la sanction royale en 2014 — Elle a rendu les nouveaux pouvoirs conférés au défendeur rétroactifs et opposables aux demandes de citoyenneté faites avant 2014 — Les modifications incluaient l’art. 23.1 de la Loi, qui donne l’autorité légale de demander des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires afin de déterminer si un demandeur répond aux exigences de la LC en tout temps avant la prestation du serment — La nouvelle demande du demandeur a révélé à nouveau des contradictions — En outre, le demandeur n’a pas répondu aux questions ni n’a fourni le passeport non déclaré — Sur le fondement des nouvelles informations fournies, le défendeur a maintenu sa décision de refuser la demande de citoyenneté du demandeur — Le demandeur a encore une fois fait défaut de fournir des copies de ses passeports en 2018 en application de l’art. 23.1 de la Loi — L’agente de la citoyenneté a considéré la demande comme ayant été abandonnée — Elle a conclu que les nouvelles dispositions de la Loi s’appliquaient à la demande du demandeur — Le demandeur a fait valoir notamment que l’agente de la citoyenneté a erré dans son interprétation des dispositions transitoires de la LRCC — Il s’agissait de savoir si l’agente de la citoyenneté a erré (1) en décidant qu’une demande de citoyenneté devient « décidé[e] définitivement » selon la disposition transitoire 31(1) de la LRCC après que l’on prête le serment de citoyenneté, et (2) en déclarant la demande de citoyenneté du demandeur comme étant abandonnée — La question en jeu visait à savoir si la demande présentée en août 2010 et les décisions prises ultérieurement ont donné un caractère définitif et final et si la citoyenneté a été acquise — L’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté était raisonnable — Il fallait se questionner à savoir si la demande de citoyenneté du demandeur a été « décidé[e] définitivement » ou « finally disposed of » avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la Loi — À partir du mois de mai 2015, le défendeur avait le pouvoir d’exiger des renseignements ou des éléments de preuve supplémentaires en vertu de l’art. 23.1 de la Loi — En l’espèce, la demande de citoyenneté a été déposée avant le mois de juin 2014 — Les art. 13.2(1)a)(i) et 23.1 de la Loi sont devenus applicables à toute demande de citoyenneté non « décidé[e] définitivement » le 1er août 2014 et le 28 mai 2015 — Il y a un sens commun entre les expressions « décidé définitivement » et « finally disposed of » — L’objectif recherché par le législateur est une finalité, une fin ou encore l’aboutissement d’un cheminement, lequel est le serment de citoyenneté — La LRCC a conféré au défendeur plus de pouvoir pour régler les cas touchant la sécurité et la fraude et plus de pouvoir discrétionnaire dans le processus décisionnel — Une interprétation des dispositions transitoires donnant au défendeur plus de manœuvre et de discrétion pour enquêter sur de fausses déclarations potentielles s’harmonise mieux avec l’objet et l’esprit de la LRCC — Selon l’interprétation raisonnable de l’agente de la citoyenneté, une demande de citoyenneté présentée avant le mois de juin 2014 n’était définitive ou finale qu’après la prestation du serment — Le serment est une exigence fondamentale à l’obtention de la citoyenneté — Un demandeur doit démontrer sur demande la véracité de tous les faits à la base de sa demande — Un demandeur n’acquiert pas un droit absolu à la citoyenneté suivant l’octroi d’un certificat de citoyenneté — Le pouvoir du défendeur de refuser la citoyenneté a été constaté par les cours avant la mise en vigueur des art. 13.2, 23.1 et 22(1)e.1) de la Loi — Il était donc erroné de suggérer que la décision du juge de la citoyenneté et l’octroi du certificat de la citoyenneté conféraient une finalité au processus — Une question a été certifiée — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente de la citoyenneté déclarant la demande de citoyenneté du demandeur comme étant « abandonnée » aux termes du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la Loi sur la citoyenneté (Loi) pour avoir omis de fournir des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires exigés par le ministre défendeur en vertu de l’article 23.1 de la Loi.

Le demandeur, un citoyen du Royaume d’Arabie saoudite, a soumis une demande de citoyenneté en août 2010. Des divergences entre les différents documents ont laissé sous-entendre qu’il y avait possibilité que le demandeur utilisait un passeport non déclaré. Un juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté du demandeur, qui a été convoqué pour prêter le serment de citoyenneté. Néanmoins, en arrivant de l’Arabie saoudite à l’aéroport en 2012 pour la cérémonie d’assermentation, le demandeur a été interrogé par un agent d’immigration, qui a produit un rapport 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés dans lequel il a conclu que le demandeur ne respectait pas son obligation de résidence en tant que résident permanent. Une mesure de renvoi a été émise contre lui. Le demandeur s’est vu aviser qu’il ne lui serait pas permis de prêter le serment de citoyenneté canadienne en vertu de l’alinéa 5(1)f) de la Loi. En 2015, la Section d’appel de l’immigration a annulé la mesure de renvoi et déclaré que le demandeur n’avait pas perdu son statut de résident permanent. Le demandeur a ensuite demandé une nouvelle date pour prêter le serment de citoyenneté. Toutefois, en 2014, la Loi renforçant la citoyenneté canadienne (LRCC) a obtenu la sanction royale, modifiant la Loi en attribuant de nouveaux pouvoirs au défendeur, rendant ces pouvoirs rétroactifs et opposables aux demandes de citoyenneté faites avant 2014. Les modifications incluaient l’article 23.1 de la Loi, qui donne l’autorité légale au défendeur de demander des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires afin de déterminer si un demandeur répond aux exigences de la Loi, et ce, en tout temps avant la prestation du serment. Une étude de la nouvelle demande du demandeur a permis à nouveau de constater des contradictions dans sa demande. Au cours d’une entrevue, le demandeur n’a pas répondu aux questions de l’agent ni n’a fourni le passeport contenant les séjours visés par les contradictions qui ont été constatées. Après avoir étudié de nouvelles informations fournies par le demandeur, le défendeur a avisé ce dernier que la décision de refuser sa demande de citoyenneté demeurait en vigueur. En septembre 2018, un nouvel agent de la citoyenneté a demandé au demandeur de fournir les copies de ses passeports en sa possession entre 2006 et 2010, ainsi que les documents d’entrée et de sortie pour plusieurs pays, en application de l’article 23.1 de la Loi. En raison du fait que le demandeur avait fait défaut de fournir les documents demandés, l’agente de la citoyenneté a considéré la demande comme ayant été abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la Loi. L’agente de la citoyenneté a conclu que les nouvelles dispositions de la Loi s’appliquaient à la demande du demandeur, et que le demandeur n’avait pas fourni de motif raisonnable pour avoir fait défaut de fournir les documents requis.

Le demandeur a fait valoir notamment que l’agente de la citoyenneté a erré dans son interprétation des dispositions transitoires à l’article 31 de la LRCC et qu’en conséquence, elle n’avait pas le pouvoir d’exiger des renseignements supplémentaires en vertu de l’article 23.1 de la Loi. Le demandeur a soumis que le sens courant et ordinaire des mots utilisés par le législateur dans les dispositions transitoires, notamment les mots « décidé définitivement », sous-entendent la notion d’une décision et non d’une interdiction ou d’une exigence juridique.

Il s’agissait de savoir si l’agente de la citoyenneté a erré 1) en décidant qu’une demande de citoyenneté devient « décidé[e] définitivement » selon la disposition transitoire 31(1) de la LRCC après que l’on prête le serment de citoyenneté, et 2) en déclarant la demande de citoyenneté du demandeur comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la Loi.

Jugement : la demande doit être rejetée.

La question en jeu visait à savoir si la demande de citoyenneté présentée en août 2010 et les décisions prises ultérieurement au cours du processus ont donné un caractère définitif et final et, en conséquence, si la citoyenneté a été acquise. L’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté était raisonnable. Dans la présente affaire, il fallait se questionner à savoir si la demande de citoyenneté du demandeur a été « décidé[e] définitivement » ou « finally disposed of » avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la Loi. L’importance de cette question est de déterminer si l’interprétation statutaire de l’agente de la citoyenneté était raisonnable et si le défendeur avait le pouvoir d’exiger des renseignements supplémentaires en vertu de l’article 23.1 de la Loi et de déclarer la demande du demandeur comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la Loi. Ce n’est qu’à partir du 28 mai 2015 que le défendeur avait le pouvoir d’exiger des renseignements ou des éléments de preuve supplémentaires en vertu de l’article 23.1 dans le contexte d’une demande de citoyenneté visée au paragraphe 31(1) de la LRCC, et, par conséquent, le pouvoir de déclarer une demande comme étant abandonnée pour avoir omis de fournir ces renseignements ou éléments de preuve supplémentaires en vertu de l’alinéa 13.2(1)a) de la Loi. En l’espèce, la demande de citoyenneté a été déposée avant le 19 juin 2014 en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi. Le sous-alinéa 13.2(1)a)(i) (abandon de la demande) et l’article 23.1 (présentation erronée ou omission de révéler) deviennent applicables à toute demande de citoyenneté non « décidé[e] définitivement » aux termes du paragraphe 31(1), soit le 1er août 2014 et le 28 mai 2015 respectivement. L’interprétation proposée par le défendeur était la bonne. Il y a un sens commun entre les expressions « décidé définitivement » et « finally disposed of ». Dans les deux langues, l’objectif recherché par le législateur est une finalité, une fin ou encore l’aboutissement d’un cheminement. En d’autres mots, les dispositions transitoires visent le moment qui met fin au processus de demande de citoyenneté, lequel est le serment de citoyenneté. Ce sens commun est d’ailleurs l’interprétation la moins ambiguë et la plus restrictive au sens de l’arrêt R. c. Daoust. À l’opposé, l’implication d’une décision préalable au serment de citoyenneté pourrait viser l’une des multiples décisions prises au cours d’une demande de citoyenneté. L’analyse de l’intention législative de la LRCC, conformément à une approche téléologique, a confirmé également le caractère raisonnable de l’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté. La LRCC visait à conférer au défendeur plus de pouvoir dans le processus des demandes de citoyenneté afin de lui permettre de mieux régler les cas touchant la sécurité et la fraude. L’objet principal de la LRCC était aussi de prévoir plus de pouvoir discrétionnaire au défendeur dans le processus décisionnel, et ce, au détriment des pouvoirs du juge de la citoyenneté, et de permettre au défendeur de mieux identifier les fausses déclarations relativement à des faits essentiels reliés à une demande de citoyenneté. Une interprétation des dispositions transitoires donnant au défendeur plus de manœuvre et de discrétion pour enquêter sur de fausses déclarations potentielles jusqu’au moment de la prestation du serment de citoyenneté s’harmonise mieux avec l’objet et l’esprit de la LRCC qu’une interprétation voulant qu’une demande soit définitive à la suite de l’octroi d’un certificat de citoyenneté. Cette dernière interprétation donnerait un droit acquis au demandeur, transformant ainsi la prestation du serment de citoyenneté en une simple formalité. Il serait donc raisonnable d’interpréter les dispositions transitoires de façon qu’elles respectent l’intention du législateur d’accorder au défendeur le pouvoir de mettre fin à une demande de citoyenneté jusqu’à la prestation du serment de citoyenneté pour des raisons de fraude ou de sécurité. Une analyse contextuelle a confirmé le caractère raisonnable de l’interprétation de l’agente de la citoyenneté selon laquelle une demande de citoyenneté présentée avant le 19 juin 2014 n’était définitive ou finale qu’après la prestation du serment de citoyenneté. La jurisprudence énonce clairement qu’un serment de citoyenneté n’est pas une formalité, mais plutôt une exigence fondamentale à l’obtention de la citoyenneté. Il est l’expression de l’adhésion du demandeur à un contrat social, un engagement du demandeur de citoyenneté envers le pays qu’il a choisi. La participation à tout le processus menant finalement à la citoyenneté canadienne n’est pas un droit, mais plutôt un privilège de pouvoir prêter le serment à la fin d’un tel processus. Un demandeur doit démontrer sur demande la véracité de tous les faits à la base de sa demande et s’engager à se conformer à la Loi pendant tout le processus. Un demandeur n’acquiert pas un droit absolu à la citoyenneté suivant l’octroi d’un certificat de citoyenneté en raison du pouvoir réservé au défendeur d’interdire la prestation du serment dans certaines circonstances et d’un certain pouvoir de refus permettant de s’enquérir si des faits soumis lors de la demande de citoyenneté méritent des explications et des clarifications supplémentaires. Ici, ce pouvoir de refus du défendeur a été constaté par les cours bien avant la récente mise en vigueur des articles 13.2 et 23.1, et de l’alinéa 22(1)e.1) de la Loi. Il était donc erroné de suggérer que la décision du juge de la citoyenneté et l’octroi du certificat de la citoyenneté conféraient une finalité au processus de demande de citoyenneté.

Compte tenu de ces conclusions, la décision de l’agente de citoyenneté de déclarer la demande de citoyenneté du demandeur abandonnée était également raisonnable.

La question de savoir si une demande de citoyenneté présentée en vertu de l’alinéa 5(1) de la Loi, dans la version antérieure à l’entrée en vigueur de la LRCC, et pour laquelle elle a reçu une décision positive du juge de la citoyenneté et une attribution positive du délégué du défendeur, est une demande « ayant été décidée définitivement » au sens du paragraphe 31(1) de la LRCC, a été certifiée.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi renforçant la citoyenneté canadienne, L.C. 2014, ch. 22, art. 1, 8, 11, 13, 13.1, 13.2, 19, 22, 31.

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 3(2),(7), 5, 5.1(1),(3), 5.2(1),(2), 9(1), 11, 12, 13.1–14, 13.2, 19(2),(3), 20(1), 22, 23.1, 24, 29(2), ann.

Loi sur la protection du Canada contre les terroristes, L.C. 2015, ch. 9, art. 11(1),(2.1),(2).

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(3).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 28, 44(1).

Règlement sur la citoyenneté, DORS/93-246, art. 17c), 19(1).

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Zhao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 207; Valenzuela c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 879; Vavilov c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 132, [2018] 3 R.C.F. 75; Kamel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 946; Saab c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 653; R. c. Penunsi, 2019 CSC 39; R. c. Rafilovich, 2019 CSC 51; X (Re), 2014 CAF 249, [2015] 1 R.C.F. 684; R. c. Daoust, 2004 CSC 6, [2004] 1 R.C.S. 217; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. n° 1637 (QL) (C.A.); Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Nilam, 2017 CAF 44, [2018] 2 R.C.F. 511.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Almuhaidib c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 615; Stanizai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 74; McAteer v. Canada (Attorney General), 2014 ONCA 578, 121 O.R. (3d) 1; Khalil c. Canada (Secrétaire d’État), [1999] 4 C.F. 661 (C.A.); GPP c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 562, [2018] 4 R.C.F. 538, conf. par 2019 CAF 71; Benner c. Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 R.C.S. 358; In re Loi sur la Citoyenneté et in re Heib, [1980] 1 C.F. 254(1re inst.); Roach c. Canada (Ministre d’État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté), [1994] 2 C.F. 406 (C.A.); Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Pereira, 2014 CF 574; Dowhopoluk v. Martin et al., [1972] 1 O.R. 311, (1971), 23 D.L.R. (3d) 42 (H.C.J.).

DÉCISIONS CITÉES :

Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, [2017] 2 R.C.S. 289; Canada (Procureur général) c. Heffel Gallery Limited, 2019 CAF 82, [2019] 3 R.C.F. 81.

DOCTRINE CITÉE

Canadian Oxford Dictionary, 2e éd. Toronto: Oxford University Press, 2004, « final ».

Nouveau Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2009, « définitif ».

Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., Markham, Ont. : LexisNexis, 2014.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision d’une agente de la citoyenneté déclarant la demande de citoyenneté du demandeur comme étant « abandonnée » aux termes du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la Loi sur la citoyenneté (Loi) pour avoir omis de fournir des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires exigés par le ministre défendeur en vertu de l’article 23.1 de la Loi. Demande rejetée.

ONT COMPARU :

Jacques Beauchemin pour le demandeur.

Lynne Lazaroff et Renalda Ponari pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Beauchemin Avocat, Montréal, pour le demandeur.

La sous-procureure générale du Canada, pour le défendeur.

           

Voici les motifs du jugement et du jugement rendus en français par

            Le juge Noël :

Table des matières

                                                                                                                                    Paragraphe

I.          Survol                                                                                                                        1

II.         Les faits                    4

III.        La décision                                                                                                               24

IV.       Prétentions des parties                                                                                           27

A.        Prétentions du demandeur          28

B.        Les prétentions du défendeur                                                                               39

V.        Questions en litige                                                                                                   50

VI.       L’analyse                                                                                                                   51

A.        La norme de révision du contrôle judiciaire                                                        54

B.        Interprétation des dispositions transitoires                                                          61

1)         Survol de la législation pertinente et de la procédure de

demande de citoyenneté lors du dépôt et du traitement initial

de la demande de citoyenneté                                                                  63

2)         Survol des principes d’interprétation législative                                     76

3)         Analyse des dispositions transitoires                                                       85

a)         Analyse des termes utilisés                                                           85

(i)         Fonctionnement des dispositions transitoires          86

(ii)        La signification de « décidé définitivement » et

« finally disposed of »           97

b)         Analyse de l’intention législative                                                   102

c)         Analyse du contexte juridique                                                       111

4)         Application des dispositions transitoires au demandeur                      130

C.        Le caractère raisonnable de la déclaration d’abandon en vertu du

sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC                                                                          135

D.        Questions à certifier           147

VII.      Conclusion                                                                                                                156

I.          Survol

[1]        Le demandeur, Monsieur Sulaiman Almuhaidib, demande la révision judiciaire de la décision d’une agente de la citoyenneté, en date du 30 octobre 2018, déclarant sa demande de citoyenneté comme étant « abandonnée » aux termes du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (LC) pour avoir omis de fournir des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires exigés par le défendeur en vertu de l’article 23.1 de la LC. Pour les motifs qui suivent, je suis d’opinion que cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[2]        Devenir citoyen canadien est un privilège. C’est un privilège qui n’est conféré que lorsqu’on prête le serment de citoyenneté, ces 24 mots signifiant une adhésion à notre constitution, notre pays. Jusqu’au moment où l’on prête ledit serment devant un juge de la citoyenneté, un demandeur de citoyenneté a l’obligation de démontrer le bien-fondé de sa demande de citoyenneté, notamment lorsqu’un doute crédible surgit. C’est pourquoi, si en cours d’instance l’on découvre une contradiction ou une omission potentielle sur un fait essentiel qu’un demandeur n’est pas en mesure de justifier, le ministre retient le pouvoir de s’enquérir. En conséquence, une demande de citoyenneté n’aboutit qu’après la prestation du serment de citoyenneté.

[3]        Dans le cas qui nous occupe, à la suite de la décision du juge de la citoyenneté et de l’octroi d’un certificat de citoyenneté par un délégué du ministre au demandeur, d’importantes omissions et contradictions concernant la demande de citoyenneté ont été constatées. Étant donné que la demande de citoyenneté du demandeur n’avait pas été décidée « définitivement » selon le paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, L.C. 2014, ch. 22 (LRCC), puisqu’il n’avait pas encore prêté le serment de citoyenneté, le ministre lui a demandé des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires en vertu de l’article 23.1 de la LC afin de lui permettre de justifier ces omissions et contradictions importantes. Toutefois, malgré de multiples occasions de le faire, le demandeur n’a pas justifié ces omissions et ces contradictions de façon satisfaisante. Il a plutôt décidé d’expliquer pourquoi il ne pensait pas être obligé de le faire. En conséquence, il était raisonnable de déclarer sa demande de citoyenneté comme étant abandonnée, et ce, conformément au sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC. Cela dit, ces nouveaux pouvoirs alloués au ministre ne doivent pas être utilisés de façon à créer de l’incertitude continuelle pour les demandes de citoyenneté. À ce sujet, la conclusion du paragraphe 156 de la présente décision est importante à considérer.

II.         Les faits

[4]        Le demandeur est citoyen du Royaume d’Arabie saoudite et est un résident permanent du Canada depuis le 25 décembre 2006.

[5]        Le demandeur a entamé le processus pour devenir citoyen canadien le 12 août 2010 en soumettant une demande de citoyenneté. Dans sa demande, il a noté qu’il s’était seulement absenté du Canada pour un total de 162 jours entre le 25 décembre 2006 et le 12 août 2010. Le demandeur a également indiqué qu’il travaillait uniquement comme président de l’entreprise canadienne Almassa Group, située à Montréal. De plus, le demandeur a inclus avec sa demande un document énumérant six séjours hors du Canada entre janvier 2007 et juin 2010, tous en Arabie saoudite pour des fins personnelles.

[6]        Par la suite, en novembre 2011, le demandeur a soumis un Questionnaire de résidence dans lequel il énonçait à nouveau qu’il travaillait uniquement comme président de l’entreprise Almassa Group située à Montréal. De plus, il a énuméré huit séjours hors du Canada entre janvier 2007 et août 2011, tous encore en Arabie saoudite pour des fins personnelles.

[7]        Avec son Questionnaire de résidence, le demandeur a inclus une panoplie de documents, dont un affidavit signé le 18 septembre 2008, lequel avait été remis à l’Agence des services frontaliers du Canada pour expliquer les raisons pour lesquelles lui et sa famille détenaient plus de 10 000 $ dollars lors d’un retour au Canada. Toutefois, le contenu de cet affidavit contredisait non seulement sa demande de citoyenneté, mais aussi le Questionnaire de résidence. En effet, dans l’affidavit, le demandeur déclarait qu’il était hors du pays du 19 décembre 2007 au 13 février 2008 pour visiter l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, le Liban et l’île Maurice à des fins personnelles et commerciales. Par contre, cette information contredit directement ce qui est indiqué dans son Questionnaire de résidence et sa demande puisque ceux-ci notent plutôt : 1) qu’il n’a visité aucun pays autre que l’Arabie saoudite; 2) qu’il a seulement voyagé pour des fins personnelles; et 3) qu’il a quitté le Canada du 9 janvier 2008 au 13 février 2008, et non du 19 décembre 2007 au 13 février 2008. De plus, les copies des passeports soumises avec le Questionnaire de résidence n’incluent pas de tampon d’entrée pour aucun autre pays que l’Arabie saoudite pendant cette période. Ces divergences entre les différents documents laissaient donc sous-entendre qu’il y avait possibilité que le demandeur utilisait un autre passeport non déclaré.

[8]        À la suite de l’évaluation par un agent de la citoyenneté, la demande a été acheminée à un juge de la citoyenneté qui a décidé d’approuver la demande de citoyenneté du demandeur le 7 mars 2012. Par la suite, le 13 avril 2012, un délégué du ministre a octroyé un certificat de citoyenneté en vertu du paragraphe 5(1) de la LC et le demandeur a été convoqué pour prêter le serment de citoyenneté canadienne le 9 mai 2012.

[9]        Néanmoins, en arrivant de l’Arabie saoudite à l’aéroport de Montréal le 7 mai 2012 pour la cérémonie d’assermentation, le demandeur a été interrogé par un agent d’immigration selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Un rapport 44(1) a été produit, dans lequel on a conclu que le demandeur ne respectait pas son obligation de résidence en tant que résident permanent. Lors de cet échange, le demandeur a notamment déclaré qu’il voyage fréquemment et qu’il travaille pour l’entreprise canadienne Almassa Group. Cependant, il a ajouté qu’il était également membre du Conseil d’administration de quelques entreprises en Arabie saoudite et propriétaire d’une compagnie de construction en Arabie saoudite. Face à ces déclarations, une mesure de renvoi a été émise contre lui.

[10]      Sur la base de cette mesure de renvoi, le demandeur s’est vu aviser qu’il ne lui serait pas permis de prêter le serment de citoyenneté canadienne en vertu de l’alinéa 5(1)f) de la LC. Le demandeur a donc interjeté appel de la mesure de renvoi devant la Section d’appel de l’immigration (SAI). La SAI a accueilli l’appel de la mesure de renvoi le 4 juin 2015, après que le ministre ait donné son consentement. En conséquence, la mesure de renvoi a été annulée et la SAI a déclaré que le demandeur n’avait pas perdu son statut de résident permanent.

[11]      À la suite de cette décision de la SAI, le demandeur a écrit au défendeur afin d’obtenir une nouvelle date pour prêter le serment de citoyenneté. Toutefois, entre l’octroi du certificat de citoyenneté en 2012 et la décision de la SAI de juin 2015, la LRCC a obtenu la sanction royale le 19 juin 2014. Cette loi modifie la LC en attribuant plusieurs nouveaux pouvoirs au ministre et inclut notamment des dispositions transitoires assujettissant ces modifications législatives à toutes demandes de citoyenneté en cours d’instance, rendant ainsi ces nouveaux pouvoirs rétroactifs et opposables aux demandes de citoyenneté faites avant le 19 juin 2014, pourvu qu’elles n’aient pas été « décidé[es] définitivement avant cette date ».

[12]      Le 2 octobre 2015, à la suite des demandes faites par le demandeur en juin et en septembre 2015, le défendeur a informé le demandeur qu’il allait étudier la demande de réouverture. Cette étude a permis à nouveau de constater la contradiction entre les informations contenues dans l’affidavit du 18 septembre 2008, la demande de citoyenneté et le Questionnaire de résidence quant aux séjours hors Canada du demandeur. Cette étude a également permis de constater la récente découverte d’un communiqué de presse de l’entreprise saoudienne Savola Group en date du 21 mai 2008. Ce communiqué identifiait le demandeur comme étant président de l’entreprise et annonçait une entente commerciale avec le groupe Al Muhaidab, laquelle avait été conclue le jour précédent à Djeddah. Le communiqué de presse comprenait aussi une photographie identifiant le demandeur à la rencontre à Djeddah. Le Questionnaire de résidence et la demande de citoyenneté ne mentionnaient pas l’entreprise Savola Group, ni un séjour en Arabie saoudite le 20 mai 2008. Ces nouveaux faits n’étaient pas connus par le juge de la citoyenneté ni par le délégué du ministre en 2012.

[13]      Tenant compte de tout ceci, ces contradictions ont soulevé des appréhensions chez le défendeur. En effet, ce dernier soupçonne qu’il y a eu une présentation erronée des faits puisque les passeports soumis par le demandeur ne contiennent aucune information quant à un séjour hors Canada autre qu’en Arabie saoudite ni à un séjour hors Canada le 20 mai 2008.

[14]      De ce fait, le demandeur a donc été convoqué à une entrevue le 16 février 2016 afin qu’il lui soit permis d’expliquer ces contradictions. Dans l’avis de convocation, on lui a demandé d’apporter tous ses passeports et documents de voyage actuels ou expirés en sa possession. À l’entrevue, on lui a posé plusieurs questions concernant ces incohérences. Par contre, le demandeur n’a pas répondu aux questions de l’agent, indiquant qu’il préférait répondre aux questions par écrit. De plus, bien qu’il lui était requis d’apporter tous ses passeports en sa possession, le demandeur a déclaré qu’il ne les avait pas tous apportés. Il a notamment omis d’apporter celui contenant les séjours visés par les contradictions qui ont été constatées, expliquant que ce passeport était « misplaced » à ce moment, mais qu’il serait fourni ultérieurement.

[15]      Par la suite, le demandeur a reçu une lettre du défendeur datée du 29 mars 2016, l’avisant de l’existence d’un rapport préparé par un agent de la citoyenneté. Ce rapport alléguait que selon le paragraphe 22(1)(e.1) de la LC, le demandeur avait fait une présentation erronée d’un fait essentiel dans sa demande de citoyenneté. Dans ce rapport, on décrit également les préoccupations du défendeur et la lettre invite le demandeur à répondre aux allégations dans les 30 jours et à soumettre toutes preuves réfutant ces allégations. Par la suite, le demandeur s’est vu accorder un délai supplémentaire de 30 jours pour répondre afin de « communiquer avec les personnes concernées en Arabie [s]aoudite et pour obtenir la traduction de certains documents » requis. Le 2 juin 2016, le demandeur a, une fois de plus, demandé un délai de 30 jours, ce qu’on lui a refusé.

[16]      Le demandeur a finalement répondu à la lettre du défendeur le 29 juin 2016. Dans cette lettre, il expliquait en quoi les préoccupations à son égard étaient erronées et, à l’appui, le demandeur a fourni un affidavit pour expliquer les contradictions qu’on lui reprochait. Dans l’affidavit, il expliquait : 1) qu’il n’était pas présent à la rencontre de Savola Group à Djeddah le 20 mai 2008 et que l’image utilisée par l’entreprise provenait des archives de la compagnie; et 2) qu’il a noté la date du 9 janvier 2008 par erreur dans sa demande de citoyenneté et son Questionnaire de résidence au lieu du 19 décembre 2007. De plus, le demandeur a confirmé qu’il était bel et bien le président de l’entreprise saoudienne Savola Group, mais n’a offert aucune explication permettant de comprendre l’omission de le mentionner dans sa demande de citoyenneté ou dans son Questionnaire de résidence. Lors de l’audience devant la Cour, l’avocat du demandeur a expliqué que le demandeur n’a pas inclus son rôle au sein de Savola Group dans sa demande de citoyenneté ni dans son Questionnaire de résidence, puisqu’il considère que la présidence d’un conseil d’administration n’est pas un emploi. Toutefois, l’on constate que le demandeur a noté qu’il était président d’Almassa Group à Montréal.

[17]      D’ailleurs, dans l’affidavit, le demandeur a expliqué que ses voyages faits lors de cette période ne sont pas indiqués dans les passeports déposés avec sa demande puisqu’ils se trouvent dans un passeport que le demandeur n’a plus en sa possession. À cet effet, le demandeur a expliqué qu’en janvier 2007, il est entré en Arabie saoudite avec le passeport no E984440 et qu’il a décidé de le remplacer puisque celui-ci était usé et vieux. Il a reçu un nouveau passeport (nG793222) le 7 janvier 2007, qu’il a déclaré perdu quelques jours plus tard. Il a donc reçu un autre passeport (no G794209) le 13 janvier 2007. Cependant, quelques jours plus tard, il a retrouvé le deuxième passeport (G793222), qu’il a attaché au troisième passeport (G794209). Par contre, le demandeur a noté que ce troisième passeport a été endommagé et que, malheureusement, certains des séjours omis par erreur dans sa demande de citoyenneté se trouvaient dans ce troisième passeport (G794209). À la toute fin de sa lettre, il a donc demandé que la décision soit révisée à la lumière de la nouvelle information, laquelle permettait « d’accueillir sa demande de citoyenneté ».

[18]      Après avoir étudié cette nouvelle information, le défendeur a avisé le demandeur le 9 août 2016 que la décision de refuser sa demande de citoyenneté demeurait en vigueur. Le 24 août 2016, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à la Cour fédérale à l’égard de ce refus. Les parties ont toutefois convenu à un règlement hors cour par lequel le défendeur acceptait de renvoyer la demande de citoyenneté à un autre décideur pour être réexaminée. Toutefois, il était indiqué que ce réexamen n’était pas une garantie que la demande serait acceptée.

[19]      Le 2 août 2017, un nouvel agent de la citoyenneté responsable du dossier a donc envoyé une nouvelle demande au demandeur afin qu’il fournisse les copies de tous ses passeports en sa possession entre 2006 et 2010. Le nouvel agent a également demandé tous ses documents d’entrée et de sortie pour l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et le Liban durant cette même période, et ce, dans un délai de 30 jours. Le demandeur s’est vu accorder un délai supplémentaire de 60 jours afin de lui permettre de fournir ces documents, mais on lui a refusé un deuxième délai supplémentaire de 30 jours. Toutefois, on lui a tout de même donné jusqu’au 9 décembre 2017 pour répondre à la demande.

[20]      À nouveau, le 7 décembre 2017, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire afin d’obtenir un bref de prohibition déclarant illégale et abusive la demande de renseignements et de preuves supplémentaires présentée en vertu de l’article 23.1 de la LC. Par cette demande en contrôle judiciaire, le demandeur désirait également obtenir un bref de mandamus obligeant de le convoquer à prêter le serment de citoyenneté. En date du 13 juin 2018, le juge Shore a refusé cette demande de contrôle judiciaire, jugeant qu’il était prématuré d’évaluer le caractère raisonnable des demandes du ministre en vertu de l’article 23.1 de la LC puisqu’il n’y avait pas encore eu de décision par l’agente de la citoyenneté. Le juge Shore a ajouté qu’il existait un « doute sérieux à l’égard des informations erronées selon l’alinéa 22(1)e.1) de la LC, [et en conséquence] une justification existe pour qu’un agent demande des informations supplémentaires ». Le juge Shore a également indiqué [au paragraphe 11] que « le délai ne peut pas être attribué au ministre ni à l’agent », étant donné que le demandeur n’avait pas fourni l’information requise (Voir Almuhaidib c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 615 (Almuhaidib 2018), au paragraphe 7).

[21]      Par la suite, le 7 septembre 2018, l’agente de la citoyenneté a envoyé une lettre au demandeur pour lui demander à nouveau de lui fournir les copies de ses passeports entre 2006 et 2010, ainsi que les documents d’entrée et de sortie pour l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et le Liban durant cette période, le tout dans un délai de 30 jours.

[22]      En réponse, le 2 octobre 2018, le demandeur a expliqué qu’il considérait que sa demande de citoyenneté avait déjà fait l’objet d’une « déci[sion] [définitive] » aux termes des dispositions transitoires au paragraphe 31(1) de la LRCC et, qu’en conséquence, le défendeur n’avait pas l’autorité légale de lui demander des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires. Il a donc demandé d’être convoqué « à sa cérémonie de citoyenneté pour la remise de son certificat de citoyenneté ».

[23]      Le 30 octobre 2018, le défendeur a informé le demandeur que sa demande de citoyenneté était considérée comme ayant été abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC, car les documents demandés le 7 septembre 2018 n’avaient toujours pas été fournis et aucune raison pour ce manquement n’avait été mise de l’avant, sauf pour dire que le demandeur considérait la demande de documents comme ayant été faite sans autorisation légale. Le 16 novembre 2018, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire demandant la révision de cette décision. Il s’agit de la présente demande à l’étude.

III.        La décision

[24]      La décision contestée concluait que la demande avait été considérée comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC, en raison du fait que le demandeur avait fait défaut de fournir les documents demandés en vertu du paragraphe 23.1 de la LC dans les délais prescrits, et ce, sans motif raisonnable. L’agente a motivé sa décision en deux parties.

[25]      En premier lieu, l’agente de la citoyenneté a conclu que les nouvelles dispositions de la LC s’appliquent à la demande du demandeur, et ce, malgré le fait que cette loi n’était pas en vigueur lorsque le demandeur a déposé sa demande de citoyenneté en 2010. L’agente a noté que l’article 31 de la LRCC prévoit que les articles 13.1 à 14 de la LC s’appliquent aux demandes qui ont été déposées avant le 1er août 2014, pourvu qu’elles n’ont pas été décidées définitivement avant cette date. L’agente précise que les dispositions de la LC, introduites par l’entremise de la LRCC, dont le pouvoir d’exiger des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires sous l’article 23.1 ainsi que de déclarer une demande comme étant abandonnée sous l’article 13.2, s’appliquent à sa demande de citoyenneté du demandeur déposée le 12 août 2010.

[26]      En second lieu, l’agente a conclu que le demandeur n’avait pas fourni de motif raisonnable pour avoir fait défaut de fournir les documents requis par le ministre en vertu de l’article 23.1 de la LC. Elle a noté que : 1) le demandeur a reçu plusieurs demandes pour fournir les copies de tous les passeports en sa possession entre 2006 et 2010, ainsi que les documents d’entrée et de sortie pour ses voyages en Arabie saoudite, en Égypte, aux Émirats arabes unis et au Liban; 2) le demandeur s’est vu accorder, à sa demande, plusieurs délais supplémentaires afin de lui permettre de fournir les documents exigés; 3) le demandeur n’a fourni aucun de ces documents demandés; et 4) le demandeur n’a pas offert d’explication valide pour laquelle il n’était pas en mesure de fournir les documents. L’agente ajoute que ces documents étaient importants pour l’évaluation de la demande de citoyenneté et, ne les ayant pas reçus du demandeur, elle n’avait pas d’autre choix que de considérer la demande comme étant abandonnée.

IV.       Prétentions des parties

[27]      Résumons donc les principaux arguments soumis par les parties.

A.        Prétentions du demandeur

[28]      Le demandeur est d’avis que l’agente de la citoyenneté a erré dans son interprétation des dispositions transitoires à l’article 31 de la LRCC. En conséquence, elle n’avait pas le pouvoir d’exiger des renseignements supplémentaires en vertu de l’article 23.1 de la LC actuellement en vigueur. Elle n’avait pas non plus le pouvoir de déclarer la demande de citoyenneté du demandeur comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) pour avoir fait défaut de fournir les renseignements et les éléments de preuve supplémentaire exigés, et ce, sans motifs raisonnables. Pour ces raisons, le demandeur affirme que sa demande de contrôle judiciaire doit être accordée.

[29]      Le demandeur plaide que la décision du juge de la citoyenneté du 7 mars 2012, laquelle approuvait sa demande de citoyenneté ainsi que l’octroi du certificat de citoyenneté par un délégué du ministre le 13 avril 2012 en vertu du paragraphe 5(1) de la LC, constitue une décision définitive de sa demande de citoyenneté aux termes du paragraphe 31(1) de la LRCC. En conséquence, puisque cette décision dite définitive a été prise avant l’entrée en vigueur du sous-alinéa 22(1)e.1), de l’article 23.1 et des articles 13.1 et 13.2 de la LC, le demandeur plaide que l’agente n’avait pas l’autorité légale de lui demander des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires en vertu de l’article 23.1 afin de déterminer s’il était visé par l’interdiction au sous-alinéa 22(1)e.1). Selon le demandeur, l’agente n’avait pas non plus l’autorité légale de déclarer sa demande comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i).

[30]      De plus, le demandeur est d’avis que si le défendeur n’était pas d’accord avec la décision du juge de la citoyenneté, il aurait dû interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté dans les 60 jours tel que prévu à l’article 14 de la LC en vigueur en 2012. Puisque le défendeur n’a pas interjeté appel dans le délai requis, le demandeur plaide que son droit d’être convoqué à prêter le serment de citoyenneté s’est cristallisé au moment de l’octroi du certificat de citoyenneté par le délégué du ministre, ainsi que par l’effet de l’annulation de sa mesure de renvoi. Le demandeur soutient donc que le défendeur ne peut pas continuer de retarder sa demande en lui demandant des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires.

[31]      Le demandeur ajoute que puisque le défendeur ne s’est pas prévalu de son droit d’appel, le seul recours disponible au ministre afin de refuser la prestation de serment du demandeur est l’exercice d’un pouvoir résiduaire. Cependant, le demandeur plaide que la jurisprudence constate que ce pouvoir résiduaire ne s’applique que dans des situations limitées et que les faits du présent dossier ne le justifient pas. À l’appui, le demandeur cite l’arrêt Stanizai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 74 (Stanizai), aux paragraphes 30–42, où la juge Mactavish a noté que l’exception au caractère définitif de la décision d’un juge de la citoyenneté n’est applicable que lorsque le ministre est informé du fait que les conditions prévues par la loi ne sont pas réunies, notamment en raison de fausses déclarations concernant des faits essentiels.

[32]      Le demandeur précise que ceci n’est pas le cas dans le présent litige, car le juge de la citoyenneté avait l’affidavit du 18 septembre 2008 devant lui et que le défaut du demandeur d’inclure son rôle comme président de Savola Group dans sa demande de citoyenneté était raisonnable puisque la présidence d’un conseil d’administration n’est pas un emploi. D’ailleurs, le demandeur soutient qu’il est déraisonnable de conclure que les dispositions transitoires visent cette exception limitée plutôt que le principe général du caractère définitif de la décision du juge de la citoyenneté.

[33]      À ce sujet, le demandeur plaide qu’une interprétation des dispositions transitoires selon l’approche moderne et contextuelle exigée par la Cour suprême du Canada (C.S.C.) dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 (Rizzo) soutient sa position.

[34]      Sur ce point, le demandeur soumet que le sens courant et ordinaire des mots utilisés par le législateur dans les dispositions transitoires, notamment les mots « décidé définitivement », sous-entendent la notion d’une décision et non d’une interdiction ou d’une exigence juridique. Le demandeur plaide aussi que l’expression « décidé définitivement » est conforme au sens technique développé par la jurisprudence à l’égard du caractère définitif de la décision du juge de la citoyenneté.

[35]      De plus, le demandeur suggère que l’interprétation qui fait en sorte qu’une demande de citoyenneté est « décidé[e] définitivement » suivant la décision du juge de la citoyenneté qui est suivie par l’octroi du certificat de citoyenneté par le délégué du ministre favorise le principe de la cohérence des lois. Il précise que lorsqu’on lit les dispositions transitoires dans le contexte du paragraphe 14(6) de la LC, lesquelles notent que la décision interjetée en appel à la Cour fédérale est « définitive », il est clair que l’interprétation des dispositions transitoires proposée par le demandeur s’harmonise mieux avec l’ensemble de la loi.

[36]      Le demandeur ajoute que l’interprétation des dispositions transitoires qu’il propose s’harmonise mieux avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Au soutien, le demandeur cite notamment le sommaire de la LRCC où le législateur note sa volonté d’accélérer le traitement des demandes de citoyens et non d’aggraver celles déjà en instance.

[37]      Finalement, le demandeur note que les dispositions transitoires doivent être interprétées d’une façon restrictive en raison de la présomption du caractère non rétrospectif d’une loi. Citant l’arrêt Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, [2017] 2 R.C.S. 289, aux paragraphes 42 et 43, le demandeur stipule qu’il est présumé qu’une modification législative protège les droits acquis. En conséquence, le demandeur soumet que l’interprétation voulant que la décision du juge de la citoyenneté suivie par l’octroi du certificat de citoyenneté soit considérée comme une décision définitive protège le droit acquis par le demandeur de prêter le serment de citoyenneté.

[38]      Pour ces raisons, le demandeur conclut que l’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté n’est pas raisonnable. En conséquence, il demande que la Cour déclare que le demandeur a le droit d’être convoqué à la cérémonie de prestation de « son » serment de citoyenneté. Concernant la déclaration recherchée par le demandeur, très peu d’allégations sont soumises à ce sujet.

B.        Les prétentions du défendeur

[39]      Le défendeur soutient que l’agente de la citoyenneté n’a pas erré dans son interprétation des dispositions transitoires puisqu’une demande de citoyenneté est seulement considérée comme étant « décidé[e] définitivement » lorsque la dernière étape du traitement est finalisée, c’est-à-dire, lorsque le demandeur prête serment à la citoyenneté canadienne.

[40]      Le défendeur soumet que la version de la LC qui était en vigueur en 2012 stipule clairement que le serment de citoyenneté est la dernière étape ultime du traitement d’une demande de citoyenneté. En effet, le paragraphe 12(3) précise que « [l]e certificat délivré en application du présent article ne prend effet qu’en tant que l’intéressé s’est conformé aux dispositions de la présente loi et aux règlements régissant la prestation du serment de citoyenneté ».

[41]      De plus, le paragraphe 19(1) du Règlement sur la citoyenneté, DORS/1993-246 (Règlement) qui était en vigueur en 2012 stipulait que « la personne qui s’est vu attribuer la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi doit prêter le serment de citoyenneté par un serment ou une affirmation solennelle faite devant le juge de la citoyenneté ».

[42]      Le défendeur se réfère à plusieurs décisions qui confirment que le serment de citoyenneté est une condition obligatoire afin de devenir citoyen canadien. À ce sujet, la décision McAteer v. Canada (Attorney General), 2014 ONCA 578, 121 O.R. (3d) 1 (McAteer) de la Cour d’appel de l’Ontario mentionne au premier paragraphe que : « Subject to limited discretionary exceptions, s. 12(3) of the Act provides that a certificate of citizenship issued by the Minister of Citizenship and Immigration does not become effective until the oath is taken ».

[43]      D’ailleurs, le défendeur suggère que cette dernière étape n’est pas simplement une formalité qu’il doit accorder automatiquement lorsqu’il octroie un certificat de citoyenneté à un demandeur. Ainsi, même si un demandeur se voit octroyer le certificat en vertu du paragraphe 5(1) de la LC, il maintient le fardeau de démontrer qu’il rencontre toutes les exigences de la LC jusqu’au moment de l’assermentation (Zhao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 207 (Zhao)). À titre d’exemple, la raison pour laquelle le demandeur a dû porter en appel la mesure de renvoi est que sa demande n’était plus conforme aux exigences du paragraphe 5(1).

[44]      Le défendeur fait aussi valoir les décisions Khalil c. Canada (Secrétaire d’État), [1999] 4 C.F. 661 (C.A.) (Khalil) et Stanizai afin de démontrer que la décision du juge de la citoyenneté n’est pas le moment où une demande est « décidé[e] définitivement » sous la LC en vigueur en 2012, puisque le ministre conserve un pouvoir discrétionnaire de rejeter une demande de citoyenneté, notamment dans des cas où, comme le note l’arrêt Khalil [au paragraphe 14], « il y a eu fausse déclaration concernant des faits essentiels, ou qu’il y a raisonnablement lieu de croire à l’existence de pareille fausse déclaration ». Ce pouvoir est aussi confirmé dans l’arrêt Stanizai, au paragraphe 32.

[45]      Le défendeur justifie son interprétation des dispositions transitoires par une interprétation bilingue de celles-ci. Bien que le défendeur admet que le serment de citoyenneté n’est pas une « décision » comme telle, il fait valoir que la version anglaise des dispositions transitoires exclut les demandes qui ont été « finally disposed of » de l’application des nouvelles dispositions de la LC. La version anglaise n’implique donc pas une décision, mais plutôt le moment où la demande est finalement réglée, ce qui appuie l’interprétation de l’agente de la citoyenneté.

[46]      Finalement, le défendeur soumet qu’une interprétation des dispositions transitoires qui s’harmonise avec l’ensemble de la LRCC confirme que les dispositions s’appliquent seulement aux demandes où le serment de citoyenneté a déjà eu lieu. À ce sujet, l’article 19 de la LRCC modifie l’alinéa 22(1)f) de la LC pour prévoir [au sous-alinéa 22(1)(e.1)] qu’un demandeur ne peut pas recevoir le serment de citoyenneté si, « directement ou indirectement, il fait une présentation erronée sur un fait essentiel quant à un objet pertinent ou omet de révéler un tel fait, entraînant ou risquant d’entraîner ainsi une erreur dans l’application de la présente loi ». En conséquence, pour le défendeur, une interprétation des dispositions transitoires qui considère la décision du juge de la citoyenneté et l’octroi d’un certificat de citoyenneté par un délégué du ministre comme étant une décision définitive n’est pas compatible avec les autres dispositions de la LRCC.

[47]      En soumettant que les dispositions transitoires s’appliquent à la demande de citoyenneté du demandeur, le défendeur plaide qu’il était raisonnable dans les circonstances de déclarer sa demande comme étant abandonnée par le demandeur en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC pour avoir fait défaut de produire les renseignements et éléments de preuve supplémentaires exigés par le défendeur en vertu de l’article 23.1.

[48]      L’article 23.1 de la LC donne l’autorité légale au ministre de demander des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires afin de déterminer si un demandeur répond aux exigences de la LC, et ce, en tout temps avant la prestation du serment. De plus, le sous-alinéa 13.2(1)a)(i) permet au ministre d’imposer une conséquence, soit la déclaration d’une demande comme étant abandonnée, si un demandeur ne fournit pas l’information exigée pour assurer le respect des exigences de la LC sans motifs raisonnables.

[49]      Dans ce cas, le défendeur soumet qu’il exige ces renseignements et éléments de preuve supplémentaires en vertu de l’article 23.1 depuis au moins le mois d’août 2017. Par contre, le demandeur n’a fourni aucun des renseignements ou documents exigés ni de raison pour laquelle il n’était pas en mesure de le faire. Ces documents ont été demandés afin de vérifier les incohérences dans la demande de citoyenneté et le Questionnaire de résidence du demandeur, lesquels ont été soumis en 2010 et en 2011 respectivement et qui indiquent que le demandeur a potentiellement fait une fausse déclaration par rapport à ses séjours hors du Canada, un fait essentiel qui pourrait rendre le demandeur non éligible à devenir un citoyen canadien. Il était donc raisonnable pour l’agente de la citoyenneté de déclarer la demande de citoyenneté comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i).

V.        Questions en litige

[50]      Dans le cadre de la présente affaire, la Cour doit répondre à deux questions :

1.         Est-ce que l’agente de la citoyenneté a erré en décidant qu’une demande de citoyenneté devient « décidé[e] définitivement » selon la disposition transitoire 31(1) de la LRCC après que l’on prête le serment de citoyenneté?

2.         Est-ce que l’agente a erré en déclarant la demande de citoyenneté du demandeur comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC?

VI.       L’analyse

[51]      La clé pour résoudre le présent litige est l’interprétation à donner aux dispositions transitoires de l’article 31 de la LRCC, en particulier le sens à donner aux termes « décidé définitivement » et « finally disposed of ».

[52]      Cela s’explique par le fait que la question en jeu vise à savoir si la demande de citoyenneté présentée en août 2010 et les décisions prises ultérieurement au cours du processus (i.e. la décision du juge de la citoyenneté et celle du délégué du ministre d’octroyer un certificat de citoyenneté au demandeur) ont donné un caractère définitif et final et, en conséquence, si la citoyenneté a été acquise. Si tel est le cas, les nouvelles dispositions législatives (article 23.1 et sous-alinéa 13.2(1)a)(i)) applicables aux demandes de citoyenneté, et qui sont visées au paragraphe 31(1) de la LRCC, ne sont opposables au demandeur qu’en date du 28 mai 2015 et du 1er août 2014 respectivement. Par conséquent, l’agente de la citoyenneté n’aurait pas eu l’autorité de demander de l’information supplémentaire en vertu de l’article 23.1, ni de déclarer la demande de citoyenneté comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i).

[53]      Par contre, si la prestation du serment de citoyenneté était requise pour l’obtention de la citoyenneté, alors la demande de citoyenneté n’était pas décidée définitivement et, par conséquent, les nouvelles dispositions (article 23.1 et sous-alinéa 13.2(1)a)(i)) auraient eu force de loi et auraient été opposables au demandeur.

A.        La norme de révision du contrôle judiciaire

[54]      Il faut d’abord déterminer la norme de révision applicable à 1) l’analyse de l’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté ainsi qu’à 2) sa décision de déclarer la demande de citoyenneté du demandeur comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i). Je suis d’avis que la norme de la décision raisonnable s’applique aux deux questions en litige.

[55]      De ce fait, l’on doit chercher à savoir si la décision assujettie au contrôle judiciaire a la justification requise. L’on doit également rechercher l’apparence et l’intelligibilité du processus décisionnel. Enfin, il faut se demander si la décision appartient aux issues possibles acceptables (Canada (Procureur général) c. Heffel Gallery Limited, 2019 CAF 82, [2019] 3 R.C.F. 81, aux paragraphes 4557).

[56]      En ce qui concerne l’analyse de l’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté, il est essentiel de tenir compte du mandat d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). En de telles situations, il est reconnu que la norme applicable est celle de la décision raisonnable.

[57]      À ce sujet, et pour les fins de l’interprétation des dispositions transitoires (article 31 de la LRCC), le juge Gascon écrivait ceci dans la décision Valenzuela c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 879, aux paragraphes 16–18 :

  Il ne fait pas de doute que la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, tout comme la Loi sur la citoyenneté qu’elle a pour effet de modifier, fait partie des lois habilitantes que CIC a pour mandat d’administrer et d’appliquer. Or, depuis l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, la Cour suprême a maintes fois rappelé la présomption voulant que « la décision d’un tribunal administratif interprétant ou appliquant sa loi habilitante est assujettie au contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable » (Commission scolaire de Laval c Syndicat de l’enseignement de la région de Laval, 2016 CSC 8 au para 32; B010 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 58 au para 25; Wilson c Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 47 au para 17; ATCO Gas and Pipelines Ltd c Alberta (Utilities Commission), 2015 CSC 45 au para 28; Tervita Corp. c Canada (Commissaire de la concurrence), 2015 CSC 3 au para 35).

  Bien sûr, cette présomption n’est pas irréfragable. Elle peut être repoussée et voir alors la norme de contrôle de la décision correcte s’appliquer, lorsque nous sommes en présence d’un des facteurs que la Cour suprême a d’abord énoncés dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] aux paras 43-64 et réitérés récemment dans Mouvement laïque québécois c Saguenay (Ville), 2015 CSC 16 aux paras 46-48. C’est le cas lorsqu’une analyse contextuelle révèle une intention claire du législateur de ne pas protéger la compétence du tribunal à l’égard de certaines questions; lorsqu’une compétence concurrente et non exclusive de plusieurs cours existe sur un même point de droit; lorsque se soulève une question de droit générale d’importance pour le système juridique et étrangère au domaine d’expertise du tribunal administratif spécialisé; ou encore lorsqu’une question constitutionnelle est en jeu.

  Il est indéniable qu’aucun de ces cas de figure n’existe en l’espèce et que la présomption établie par l’arrêt Alberta Teachers n’est donc pas réfutée ici. La question d’interprétation que soulève la demande introduite par M. Valenzuela porte sur une loi étroitement liée au mandat de CIC et elle n’appartient pas à la catégorie restreinte de questions pour lesquelles l’arrêt Dunsmuir et sa progéniture prévoient l’application de la norme de la décision correcte. La norme de contrôle applicable est donc celle de la décision raisonnable. Suivant cette norme, la décision de CIC doit ainsi bénéficier de la déférence de la Cour.

[58]      Je suis d’accord avec ces motifs et je conclus que l’interprétation des dispositions transitoires doit être étudiée en tenant compte de la norme de la décision raisonnable. Ceci étant dit, je précise qu’en ce qui concerne l’analyse de l’interprétation statutaire des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté, la norme de la décision raisonnable mérite d’être appliquée plus rigoureusement en raison de la brièveté de l’analyse statutaire de l’agente de la citoyenneté et de la jurisprudence concernant l’application rigoureuse de la norme de la décision raisonnable dans le contexte de l’immigration. Je cite le résumé de la jurisprudence sur ce point dans la décision Vavilov c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 132, [2018] 3 R.C.F. 75, où la Cour d’appel fédérale a noté aux paragraphes 37–39 :

  En ce qui a trait aux questions liées à l’interprétation des lois dans le contexte de l’immigration, la Cour suprême a elle aussi fait récemment une application rigoureuse de la norme de la décision raisonnable. Comme on pouvait s’y attendre, en raison de la présomption de raisonnabilité, la Cour suprême choisit la norme de la décision raisonnable comme norme de contrôle, mais elle évalue l’interprétation que le décideur administratif fait de la disposition de la loi d’une manière rigoureuse qui, parfois, peut laisser croire qu’il s’agit de la norme de la décision correcte  : voir, par exemple, les arrêts Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 R.C.S. 909, B010 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 58, [2015] 3 R.C.S. 704, Febles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68, [2014] 3 R.C.S. 431 et Ezokola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, [2013] 2 R.C.S. 678. De fait, il y a longtemps que la Cour suprême a accordé à un décideur une grande marge d’appréciation pour des questions liées à l’interprétation de lois dans le contexte de l’immigration.

  Le fait que nous possédions peu d’information expliquant le raisonnement du greffier est un autre facteur qui, en l’espèce, a pour effet de réduire l’importance pratique de la norme de contrôle. Le greffier n’a formulé aucune observation concernant la question fondamentale de l’interprétation de la loi dont nous sommes saisis.

  Nous pouvons seulement présumer que le greffier s’est basé sur le rapport de l’analyste qui lui a été remis. Cependant, comme nous le verrons, ce rapport ne contient qu’un bref paragraphe, par ailleurs très restreint, sur la question de l’interprétation de la loi. En pareilles circonstances, il est difficile d’accorder une grande déférence à la décision, car nous ne pouvons avoir la certitude qu’un examen adéquat a été fait de la question de l’interprétation de la loi. Il est arrivé parfois que nous ayons annulé une décision administrative parce que nous ne pouvions procéder à une analyse de la raisonnabilité ou que nous craignions que le processus de décision administrative ait été à l’abri d’une révision  : voir, par exemple, les arrêts Leahy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227, [2014] 1 R.C.F. 766 et Canada c. Kabul Farms Inc., 2016 CAF 143; voir également la discussion plus exhaustive sur ce point dans l’arrêt Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 128.

[59]      En ce qui a trait à la norme de révision applicable à la déclaration d’abandon en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i), le juge Shore a écrit dans la décision Zhao que la norme de la décision raisonnable s’applique « à la décision du ministre de considérer que la demande de citoyenneté a été abandonnée et à la question de savoir si le ministre a fourni des motifs suffisants » (paragraphe 19). Cette position a d’ailleurs été confirmée par le juge Boswell dans l’arrêt Kamel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 946 (paragraphe 4) ainsi que par le juge Annis dans l’arrêt Saab c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 653 (paragraphe 20).

[60]      Je suis d’accord avec ces motifs et je conclus que la décision de l’agente de la citoyenneté de déclarer la demande de citoyenneté du demandeur comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) doit être analysée selon la norme de la décision raisonnable.

B.        Interprétation des dispositions transitoires

[61]      Pour déterminer si l’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté était raisonnable, compte tenu de la brièveté des motifs de l’agente de la citoyenneté, je vais procéder à une analyse en quatre volets. En premier lieu, il est important de comprendre la LC en place lorsque le demandeur a déposé sa demande de citoyenneté, et ce, afin de bien cerner le cadre législatif dans lequel le processus décisionnel a pris place. En second lieu, je présenterai un survol des principes d’interprétation législative tels qu’énoncés par la jurisprudence. En troisième lieu, j’entreprendrai une interprétation du libellé des dispositions transitoires. Pour ce faire, j’analyserai leur sens ordinaire et grammatical de façon bilingue, leur intention législative selon une analyse téléologique et le contexte juridique des demandes de citoyenneté qu’elles visent, le tout en expliquant la signification du serment de citoyenneté ainsi que le pouvoir conservé par le ministre avant la prestation du serment de citoyenneté. Finalement, je discuterai sommairement de la décision du juge de la citoyenneté et de l’octroi du certificat de citoyenneté.

[62]      Cette analyse me permettra de confirmer que l’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté était raisonnable et qu’elles n’excluent donc pas la demande du demandeur de l’application des nouvelles dispositions de la LC incluses dans la LRCC. En conséquence, le ministre pouvait demander de l’information et des documents supplémentaires selon l’article 23.1 de la LC. Il pouvait également conclure à l’abandon de la demande de citoyenneté selon le sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC, puisque les informations et les documents demandés ne lui ont pas été envoyés.

1)         Survol de la législation pertinente et de la procédure de demande de citoyenneté lors du dépôt et du traitement initial de la demande de citoyenneté

[63]      La LC en vigueur lorsque le demandeur a déposé sa demande de citoyenneté en août 2010, et lorsqu’il a initialement été convoqué pour prêter le serment de citoyenneté en 2012, prévoyait un processus de demande de citoyenneté comprenant de multiples étapes et décisions.

[64]      En premier lieu, un demandeur déposait une demande de citoyenneté en vertu du paragraphe 5(1) de la LC. Par ailleurs, suivant une révision préliminaire du formulaire de demande, un agent de la citoyenneté décidait si un demandeur devait aussi remplir un Questionnaire de résidence afin de clarifier certaines affirmations faites dans le formulaire initial de demande, ce qui a été le cas dans le présent dossier.

[65]      Après avoir reçu l’ensemble des documents exigés par la LC et ses règlements, l’agent de la citoyenneté entreprenait une étude de la demande de citoyenneté afin de déterminer si le demandeur satisfaisait aux exigences énoncées au paragraphe 5(1) de la LC et n’était visé par aucune interdiction énoncée dans la LC. À la suite de cet examen, l’agent de la citoyenneté décidait alors si la demande devait être acheminée à un juge de la citoyenneté, ce qui a aussi été le cas pour le demandeur.

[66]      Lorsque le juge de la citoyenneté était saisi de la demande de citoyenneté, il devait donc décider si le demandeur satisfaisait aux critères énoncés dans la LC, notamment ceux du paragraphe 5(1). Selon l’analyse de la demande de citoyenneté, le juge de la citoyenneté décidait soit de rejeter ou d’approuver cette demande. Suivant cette décision du juge de la citoyenneté, le ministre avait alors 60 jours pour l’interjeter en appel à la Cour fédérale. L’appel se faisait selon le dossier tel qu’il était constitué devant le juge de la citoyenneté. Pour les fins du présent dossier, il n’y a pas eu d’appel de la décision du juge de la citoyenneté.

[67]      Par la suite, si aucun appel n’était interjeté, ou si la Cour fédérale rejetait l’appel du ministre, la demande de citoyenneté était envoyée à un délégué du ministre qui octroyait un certificat de citoyenneté au demandeur s’il était d’avis que le demandeur répondait toujours aux critères énoncés au paragraphe 5(1) et qu’il n’était pas visé par des interdictions énoncées dans la LC.

[68]      Finalement, le paragraphe 12(3) de la LC et le paragraphe 19(1) du Règlement prévoyaient que la personne qui s’est vue octroyer un certificat de citoyenneté en vertu du paragraphe 5(1) devenait citoyenne, pourvu qu’elle prête le serment de citoyenneté, ce qui n’a pas été le cas dans le présent dossier.

[69]      De plus, entre l’octroi du certificat de la citoyenneté et la cérémonie de la prestation du serment, la LC en vigueur prévoyait quelques dispositions permettant l’interdiction de la prestation du serment dans certains cas. À titre d’exemple, un demandeur ne pouvait pas prêter serment si une mesure de renvoi en vertu de l’alinéa 5(1)f) était émise contre lui, ou encore, pour des raisons de sécurité nationale en vertu du paragraphe 20(1), pour des raisons de criminalités en vertu du paragraphe 22(1) et, selon l’alinéa 22(1)b), pour avoir été inculpé d’une infraction prévue au paragraphe 29(2), notamment pour avoir fait de fausses déclarations sur un fait essentiel de la demande de citoyenneté.

[70]      Dans le cas du demandeur, bien que le juge de la citoyenneté ait donné son aval à la demande de citoyenneté et que le ministre ait délivré un certificat de citoyenneté, il demeure qu’à ce jour, le demandeur n’a toujours pas prêté le serment de citoyenneté et encore moins assisté à une cérémonie de citoyenneté présidée par un juge de la citoyenneté. À cet effet, le demandeur lui-même ne conteste pas qu’il n’est pas encore citoyen canadien puisqu’il demande d’être convoqué pour prêter le serment de citoyenneté.

[71]      Lors d’un retour de voyage le 7 mai 2012, pour venir prêter le serment de citoyenneté canadienne le 9 mai 2012, un agent d’immigration à l’aéroport a émis une mesure de renvoi du demandeur au motif qu’il n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait respecté son obligation de résidence selon l’article 28 de la LIPR. En effet, selon l’alinéa 5(1)f) de la LC en vigueur à la date de la mesure de renvoi, il est précisé que le ministre ne peut attribuer la citoyenneté si une mesure de renvoi a été prise contre le demandeur. Donc, en date du 9 mai 2012, date de la cérémonie de citoyenneté, le demandeur ne rencontrait pas les exigences pour obtenir la citoyenneté et ne pouvait pas prêter le serment de citoyenneté. Il a interjeté appel de la décision auprès de la SAI. Ce n’est que le 4 juin 2015 que la SAI a conclu, après que les parties aient donné leur consentement, à l’annulation de la mesure de renvoi.

[72]      Par ailleurs, depuis le dépôt de la demande de citoyenneté du 12 août 2010 et de la décision de la SAI en date du 4 juin 2015, des modifications importantes à la LC sont entrées en vigueur en raison de la LRCC, qui a reçu la sanction royale le 19 juin 2014. D’autres modifications ont eu lieu par la suite.

[73]      Voyons maintenant ces différents changements, tout en se demandant en quoi ceux-ci, si tel est le cas, se répercutent sur le demandeur après la décision de la SAI en date du 4 juin 2015. L’on a déjà vu qu’en date de juin 2015, le demandeur n’avait toujours pas obtenu la citoyenneté canadienne.

[74]      Pour bien répondre à la question, nous devons porter une attention particulière aux dispositions transitoires de la LRCC. Surtout, il faut se questionner à savoir si la demande de citoyenneté du demandeur a été « décidé[e] définitivement » ou « finally disposed of » avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la LC. Plus précisément, il s’agit de déterminer si une demande de citoyenneté est « décidé[e] définitivement » ou « finally disposed of » au moment où le ministre octroie la citoyenneté suivant la décision d’un juge de la citoyenneté, ou bien, si elle ne l’est que lorsque le demandeur prête le serment de citoyenneté. L’importance de cette question est de déterminer si l’interprétation statutaire de l’agente de la citoyenneté était raisonnable et si, par le fait même, le ministre avait le pouvoir d’exiger des renseignements supplémentaires en vertu de l’article 23.1 de la LC et de déclarer la demande du demandeur comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC.

[75]      En d’autres mots, si l’agente de la citoyenneté a erré et que le serment de citoyenneté n’est qu’une simple formalité, puisque c’était la décision du juge de la citoyenneté et l’octroi du certificat de citoyenneté qui accordaient définitivement la citoyenneté, ceci veut donc dire que le défendeur ne pouvait plus demander d’information supplémentaire au demandeur ni déclarer sa demande comme étant abandonnée. À l’opposé, si la décision du juge de citoyenneté et l’octroi du certificat de citoyenneté n’accordaient pas un caractère définitif à une demande de citoyenneté, et donc, que le serment de citoyenneté était plutôt l’étape finale, l’interprétation des dispositions transitoires de l’agente de la citoyenneté était raisonnable. Par conséquent, le défendeur avait alors recours aux nouvelles dispositions pour les fins de la demande du demandeur.

2)         Survol des principes d’interprétation législative

[76]      Dans cette partie, j’énoncerai d’abord quelques principes d’interprétation législative. Une fois cette toile de fond dessinée, j’entreprendrai une analyse littérale des dispositions transitoires dans les deux langues officielles, suivie par une analyse téléologique et contextuelle de celles-ci afin de déterminer si l’interprétation de l’agente de la citoyenneté était raisonnable.

[77]      D’entrée de jeu, établissons quelques principes d’interprétation juridique qui guideront notre analyse des dispositions en cause. La C.S.C. a noté dans l’arrêt Rizzo, et a reconfirmé tout récemment dans les arrêts R. c. Penunsi, 2019 CSC 39, au paragraphe 36 et R. c. Rafilovich, 2019 CSC 51 (Rafilovich), au paragraphe 97, qu’elle privilégie une approche moderne à l’interprétation législative, laquelle va au-delà d’une simple analyse littérale de l’encre sur la page. En effet, elle enseigne dans l’arrêt Rizzo au paragraphe 21 qu’il faut « lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ».

[78]      La professeure Ruth Sullivan décompose cette méthode d’interprétation privilégiée par la C.S.C. dans l’arrêt Rizzo, en trois volets (Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., Markham, Ont. : LexisNexis, 2014).

[79]      Premièrement, il faut entreprendre une analyse fondée sur le sens ordinaire des mots utilisés dans les dispositions législatives en question. Comme l’a noté la C.S.C. dans la l’arrêt Rizzo, cette étape consiste à analyser les termes d’une loi selon leur « sens ordinaire et grammatical » (paragraphe 21).

[80]      Deuxièmement, il faut analyser les termes d’une loi selon l’intention législative. Comme le dit la C.S.C. dans l’arrêt Rizzo, ceci consiste à interpréter les dispositions législatives en question selon l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur (paragraphe 21). En d’autres mots, il faut analyser l’ensemble d’une loi pour en déterminer ses objectifs ainsi que les moyens conçus pour atteindre ces objectifs. Tout récemment, dans l’arrêt Rafilovich, la C.S.C. a confirmé cette approche en précisant que les objectifs d’une loi doivent être analysés ensemble et que l’on ne peut pas s’attarder à un seul objectif au détriment des autres (paragraphes 29–31).

[81]      Troisièmement, il faut analyser l’ensemble de la loi en question selon le contexte global (Rizzo, paragraphe 21). Ceci inclut notamment une analyse selon les normes juridiques établies.

[82]      Dans l’arrêt X (Re), 2014 CAF 249, [2015] 1 R.C.F. 684, au paragraphe 71, la Cour d’appel fédérale a repris tous ces principes de la façon suivante :

  L’approche contextuelle de l’interprétation des lois est fondée sur l’idée que le sens grammatical et ordinaire d’une disposition n’est pas déterminant quant à son sens. Il faut tenir compte du contexte global de la disposition à interpréter, « même si, à première vue, le sens de son libellé peut paraître évident » (ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), 2006 CSC 4, [2006] 1 R.C.S. 140, au paragraphe 48). C’est à partir du libellé et du contexte global que le juge appelé à interpréter le texte recherche l’intention du législateur, qui est « [l]’élément le plus important de cette analyse » (R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652, au paragraphe 26).

[83]      De plus, il faut examiner les principes applicables à l’interprétation législative bilingue dans le présent cas. La C.S.C., sous la plume du juge Bastarache, a énoncé clairement les principes d’interprétation bilingue dans l’arrêt R. c. Daoust, 2004 CSC 6, [2004] 1 R.C.S. 217 (Daoust), aux paragraphes 27–30 :

  Il y a donc une démarche précise à suivre pour l’interprétation des lois bilingues. La première étape consiste à déterminer s’il y a antinomie. Si les deux versions sont absolument et irréductiblement inconciliables, il faut alors s’en remettre aux autres principes d’interprétation : voir Côté, op. cit., p. 413. Rappelons qu’il faut alors favoriser une interprétation téléologique et contextuelle : voir, par exemple, Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, par. 26; Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, 2002 CSC 3, par. 27; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, par. 33.

  Il faut vérifier s’il y a ambiguïté, c’est-à-dire si une ou les deux versions de la loi sont « raisonnablement susceptible[s] de donner lieu à plus d’une interprétation » : Bell ExpressVu, précité, par. 29. S’il y a ambiguïté dans une version de la disposition et pas dans l’autre, il faut tenter de concilier les deux versions, c’est-à-dire chercher le sens qui est commun aux deux versions : Côté, op. cit., p. 413. Le sens commun favorisera la version qui n’est pas ambiguë, la version qui est claire : Côté, op. cit., p. 413-414; voir Goodyear Tire and Rubber Co. of Canada c. T. Eaton Co., [1956] R.C.S. 610, p. 614; Kwiatkowsky c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1982] 2 R.C.S. 856, p. 863.

  Si aucune des deux versions n’est ambiguë, ou si elles le sont toutes deux, le sens commun favorisera normalement la version la plus restrictive : Gravel c. Cité de St-Léonard, [1978] 1 R.C.S. 660, p. 669; Pfizer Co. c. Sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise, [1977] 1 R.C.S. 456, p. 464-465. Le professeur Côté illustre ce point comme suit, à la p. 414 :

Dans un troisième type de situation, l’une des deux versions a un sens plus large que l’autre, elle renvoie à un concept d’une plus grande extension. Le sens commun aux deux versions est alors celui du texte ayant le sens le plus restreint.

   La deuxième étape consiste à vérifier si le sens commun ou dominant est conforme à l’intention législative suivant les règles ordinaires d’interprétation : Côté, op. cit., p. 415-416. Sont pertinents à cette étape les propos du juge Lamer dans Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, p. 1071 :

          Il faut donc, dans un premier temps, tenter de concilier ces deux versions. Pour ce faire il faut tenter de dégager des textes le sens qui est commun aux deux versions et vérifier si celuici semble conciliable avec l’objet et l’économie générale du Code.

[84]      En tenant compte de tous ces principes directeurs, analysons maintenant le caractère raisonnable de l’interprétation des dispositions législatives par l’agente de la citoyenneté.

3)         Analyse des dispositions transitoires

a)         Analyse des termes utilisés

[85]      Pour les fins de cette analyse, afin de bien comprendre le fonctionnement des dispositions transitoires à l’article 31 de la LRCC, il faut disséquer leurs libellés. Ensuite, l’on doit s’interroger plus précisément sur le libellé des expressions « décidé définitivement » et « finally disposed of ».

(i)         Fonctionnement des dispositions transitoires

[86]      Les dispositions transitoires à l’article 31 de la LRCC assujettissent certaines demandes de citoyenneté en cours d’instance aux modifications apportées à la LC par la LRCC.

[87]      À la base, sous réserve des paragraphes 31(2) et 31(3), le paragraphe 31(1) établit un test à trois volets afin de déterminer si les dispositions transitoires s’appliquent à une demande de citoyenneté déposée avant la mise en vigueur des nouvelles dispositions. Premièrement, il faut que la demande soit présentée en vertu des paragraphes 5(1), 5(2), 5.1(1), 5.2(2), 5.1(3), 9(1) ou 11(1) de la LC. Deuxièmement, la demande doit avoir été déposée avant la date d’entrée en vigueur du paragraphe 3(7), soit le 19 juin 2014. Troisièmement, elle ne doit pas avoir été « décidé[e] définitivement » avant cette date.

[88]      Toutefois, cette date d’entrée en vigueur prévue au paragraphe 31(1) ne reste pas figée dans le temps. Par décret, les dispositions transitoires prévoient l’entrée en vigueur de certaines dispositions à d’autres dates par l’entremise des paragraphes 31(2) et 31(3) de la LRCC, ainsi que par les modifications apportées à la LRCC par la Loi sur la protection du Canada contre les terroristes, L.C. 2015, ch. 9 (LPCCT).

[89]      À ce sujet, la juge Roussel exprime clairement la relation entre les paragraphes 31(2) et 31(1) dans la décision GPP c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 562, [2018] 4 R.C.F. 538 (GPP 2018), laquelle a été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans GPP c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 71. La juge Roussel a noté ce qui suit au paragraphe 31 :

  Quant au paragraphe 31(2), cette disposition régit l’application des dispositions dont l’entrée en vigueur est survenue après le 19 juin 2014. Il est prévu qu’à la date d’entrée en vigueur de l’article 11 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, fixée par décret comme étant le 1er août 2014, le renvoi au paragraphe 3(7) qui se retrouve dans le paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne est remplacé par un renvoi à cet article 11. Donc, une fois les adaptations faites, le début du paragraphe 31(1) se lirait comme suit dès le 1er août 2014 :

31(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, la demande qui a été présentée en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté avant le 1er août 2014, date d’entrée en vigueur de l’article 11 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date est régie à la fois par […].

[90]      Il faut aussi noter que la LPCCT ajoute aux dispositions transitoires de la LRCC. En effet, le paragraphe 11(1) de la LPCCT ajoute le paragraphe 31(2.1) à la LRCC, lequel stipule qu’à la date d’entrée en vigueur de l’article 8 de la LRCC, le renvoi à l’article 11, prévu au paragraphe 31(1), est remplacé par un renvoi à l’article 8. Puisque l’article 8 de la LRCC est entré en vigueur le 28 mai 2015 par décret, le début du paragraphe 31(1) se lirait comme suit, dès cette date :

31(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, la demande qui a été présentée en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté avant le 28 mai 2015, date d’entrée en vigueur de l’article 8 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date est régie à la fois par […]

[91]      À la lumière de ce qui précède, il est important de retenir deux choses afin de comprendre l’applicabilité du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) et de l’article 23.1 aux demandes de citoyenneté visées au paragraphe 31(1) de la LRCC.

[92]      Premièrement, les articles 13.1 et 13.2 de la LC, introduits par l’article 11 de la LRCC, sont opposables aux demandes de citoyenneté qui n’ont pas été décidées définitivement avant le 1er août 2014, et ce, en raison du changement de la date d’entrée en vigueur prévue au paragraphe 31(1), provoqué par le paragraphe 31(2), suivant la mise en vigueur de l’article 11 de la LRCC. Ceci est dû au fait que l’alinéa 31(1)b) prévoit explicitement que les articles 13.1 à 14 de la LC sont opposables aux demandes de citoyenneté visées au paragraphe 31(1) à la date d’entrée en vigueur prévue à ce paragraphe.

[93]      Deuxièmement, l’article 23.1 de la LC, qui est en vigueur depuis le 1er août 2014, est applicable aux demandes de citoyenneté qui n’ont pas été décidées définitivement avant le 28 mai 2015. L’alinéa 31(1)a) prévoit qu’à la date d’entrée en vigueur stipulée au paragraphe 31(1), la version antérieure de la LC est applicable aux demandes de citoyenneté visées au paragraphe 31(1), sous réserve des exceptions prévues expressément dans les dispositions transitoires. Donc, puisque l’article 23.1 est entré en vigueur à la même date que l’article 11 de la LRCC, soit le 1er août 2014, et ne faisait pas l’objet d’une exception comme l’article 13.2, l’article 23.1 ne se trouvait pas dans la version antérieure de la LC à la date d’entrée en vigueur au paragraphe 31(1) le 1er août 2014. Ce n’est que lorsque l’article 8 de la LRCC est entré en vigueur le 28 mai 2015 qui, à son tour, modifie cette date d’entrée en vigueur au paragraphe 31(1), que l’article 23.1 a été considéré comme étant dans la version antérieure de la LC, le rendant donc applicable aux demandes visées au paragraphe 31(1).

[94]      Pour résumer, ce n’est qu’à partir du 28 mai 2015 que le ministre avait le pouvoir d’exiger des renseignements ou des éléments de preuve supplémentaires en vertu de l’article 23.1 dans le contexte d’une demande de citoyenneté visée au paragraphe 31(1), et, par conséquent, le pouvoir de déclarer une demande visée comme étant abandonnée pour avoir omis de fournir ces renseignements ou éléments de preuve supplémentaires en vertu de l’alinéa 13.2(1)a).

[95]      Pour les fins de notre dossier, l’on sait que la demande de citoyenneté a été déposée le 12 août 2010 sur la base du paragraphe 5(1) de la LC. Donc, elle a été déposée avant le 19 juin 2014 en vertu du paragraphe 5(1) de la LC, ce qui satisfait deux volets du test. On a aussi vu que le sous-alinéa 13.2(1)a)(i) (abandon de la demande) et l’article 23.1 (présentation erronée ou omission de révéler) deviennent applicables à toute demande de citoyenneté non « décidé[e] définitivement » aux termes du paragraphe 31(1), soit le 1er août 2014 et le 28 mai 2015 respectivement.

[96]      Ici, il est opportun que je me réfère à l’analyse de la juge Roussel concernant ces dispositions transitoires dans la décision GPP 2018. Je souhaite d’ailleurs faire écho à son commentaire au paragraphe 28 où elle a énoncé que cette « Cour reconnaît d’emblée que la disposition transitoire soulève des difficultés d’interprétation. Ceci est dû en grande partie au fait qu’elle ne reste pas figée dans le temps parce qu’elle vise plusieurs dates d’entrées en vigueur ». Je suis entièrement d’accord avec la juge Roussel. J’ajoute que la LC mérite une révision complète, car à la suite des nombreux amendements, elle est devenue complexe et difficile à lire. Il est impensable de s’attendre à ce qu’un demandeur de citoyenneté navigue ce labyrinthe législatif laborieux. Pour le commun des mortels et pour faciliter l’accès à la justice, elle se doit d’être plus compréhensible.

(ii)        La signification de « décidé définitivement » et « finally disposed of »

[97]      Enfin, ce qui demeure en jeu dans la présente affaire est le caractère raisonnable de la signification attribuée aux expressions « décidé définitivement » et « finally disposed of » au paragraphe 31(1) par l’agente de la citoyenneté. Pour notre dossier, l’interprétation de cette expression détermine si le demandeur est assujetti aux dispositions transitoires et, en conséquence, si l’agente de la citoyenneté avait le pouvoir de lui demander des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires conformément à l’article 23.1 de la LC, ainsi que le pouvoir de déclarer sa demande comme étant abandonnée à défaut de fournir ces renseignements et éléments de preuve selon le sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC.

[98]      Tel que vu auparavant, les parties proposent différentes interprétations du sens ordinaire et grammatical des expressions « décidé définitivement » et « finally disposed of ». Pour déterminer le sens de ces expressions, il faut se demander ce que le texte de la loi voulait dire par ces libellés tant en français qu’en anglais pour ensuite voir s’il y a contradiction.

[99]      Le texte en français exige que la décision doit être définitive pour bénéficier de l’exception. Si j’applique la définition du dictionnaire Robert [Nouveau Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française], éd 2009, l’adjectif « définitif » rend une décision : « [f]ixé[e] une fois pour toutes; qui ne change plus ». L’anglais exige que la décision doit être finale pour bénéficier de l’exception. Le mot « final » est défini comme suit par le dictionnaire canadien Oxford [Canadian Oxford Dictionary, 2e éd. Toronto : Oxford University Press, 2004]: « Reached or designed to be reached as the outcome of a process or a series of actions and events » et « [a]llowing no further doubt or dispute ».

[100]   Comme on le constate, il y a un sens commun entre les deux expressions. Dans les deux langues, l’objectif recherché par le législateur est une finalité, une fin ou encore l’aboutissement d’un cheminement. En d’autres mots, les dispositions transitoires visent le moment qui met fin au processus de demande de citoyenneté, lequel est le serment de citoyenneté.

[101]   Ce sens commun est d’ailleurs l’interprétation la moins ambiguë et la plus restrictive au sens de l’arrêt Daoust, puisqu’elle vise clairement la dernière étape d’une demande de citoyenneté, soit la prestation du serment de citoyenneté. À l’opposé, l’implication d’une décision préalable au serment de citoyenneté, comme le demandeur le suggère, pourrait viser l’une des multiples décisions prises au cours d’une demande de citoyenneté. En effet, le demandeur plaide que la décision du juge de la citoyenneté était définitive pour ensuite plaider que sa demande était définitive suite à la décision par le délégué du ministre d’attribuer le certificat de citoyenneté. Ayant interprété l’expression « décidé définitivement » et « finally disposed of » en y retraçant un sens commun et en tenant compte de l’approche littérale et bilingue, je vais maintenant analyser l’intention législative de la loi selon une approche téléologique.

b)         Analyse de l’intention législative

[102]   L’analyse de l’intention législative de la LRCC, conformément à une approche téléologique, confirme également le caractère raisonnable de l’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté, selon laquelle les dispositions transitoires visent le moment mettant fin au processus de demande de citoyenneté, soit la prestation du serment de citoyenneté.

[103]   Le sommaire de la LRCC ainsi que le titre abrégé de la législation (Loi renforçant la citoyenneté canadienne) démontrent que la LRCC vise à conférer au ministre plus de pouvoir dans le processus des demandes de citoyenneté afin de lui permettre de mieux adresser les cas touchant la sécurité et la fraude. En fait, la première phrase du sommaire stipule l’énoncé suivant :

  Le texte modifie la Loi sur la citoyenneté pour notamment y mettre à jour les conditions d’admissibilité en vue d’obtenir la citoyenneté canadienne, renforcer les dispositions touchant la sécurité et la fraude et modifier les dispositions régissant l’examen des demandes et la révision des décisions.

[104]   À ce sujet, on ajoute ceci :

  Les modifications apportées aux dispositions sur la sécurité et la fraude visent notamment :

[…]

d) à élargir la portée de l’interdiction de recevoir la citoyenneté aux personnes qui, pendant le traitement de leur demande, font de fausses déclarations relativement à des faits essentiels ainsi qu’à interdire la présentation de nouvelles demandes par ces personnes durant une période donnée;

[…]

  Les modifications apportées aux dispositions sur l’examen des demandes et la révision des décisions visent notamment  :

[…]

b) à élargir les cas où l’examen d’une demande peut être suspendu et à modifier la durée de la suspension, ainsi qu’à prévoir les cas où une demande peut être considérée comme abandonnée;

c) à restreindre le rôle des juges de la citoyenneté dans le processus décisionnel sous réserve de l’exercice périodique par le ministre de son pouvoir de prolonger la période d’application de la restriction;

[105]   Comme ces énoncés le démontrent, le sommaire illustre clairement que l’objet principal de la loi était de prévoir plus de pouvoir discrétionnaire au ministre dans le processus décisionnel, et ce, au détriment des pouvoirs du juge de la citoyenneté. L’objet de la loi visait aussi à permettre au ministre de mieux identifier les fausses déclarations relativement à des faits essentiels reliés à une demande de citoyenneté.

[106]   Je ne nie pas l’argument du demandeur selon lequel l’un des objets de la loi était d’accélérer le traitement des demandes de citoyenneté. Par contre, en analysant l’objet de la loi dans son ensemble et selon l’arrêt Rafilovich, il est clair que l’objet de la loi n’est pas de soustraire les demandes qui n’ont pas été finalisées de l’application des nouveaux pouvoirs dans la LC afin d’accélérer le traitement des demandes. L’on vise plutôt à permettre au défendeur de rejeter efficacement les demandes qui s’attardent pour des raisons de sécurité et de fraude.

[107]   Ceci n’est donc pas en ligne avec une interprétation des dispositions transitoires qui voudrait qu’une demande de citoyenneté soit décidée définitivement par l’octroi d’un certificat de citoyenneté à la suite d’une décision d’un juge de la citoyenneté, et ce, même s’il y a découverte de fausses déclarations potentielles par la suite.

[108]   Il me semble qu’une interprétation des dispositions transitoires donnant au ministre plus de manœuvre et de discrétion pour enquêter sur de fausses déclarations potentielles jusqu’au moment de la prestation du serment de citoyenneté s’harmonise mieux avec l’objet et l’esprit de cette loi qu’une l’interprétation voulant qu’une demande soit définitive à la suite de l’octroi d’un certificat de citoyenneté. Cette dernière interprétation donnerait un droit acquis au demandeur, transformant ainsi la prestation du serment de citoyenneté en une simple formalité.

[109]   Dans le même ordre d’idées, les modifications à la LC par la LRCC démontrent tangiblement l’intention du législateur telle que communiquée dans le sommaire, ainsi que l’idée du serment de citoyenneté comme étant l’étape où une demande de citoyenneté atteint la finalité. Prenons à titre d’exemple les dispositions législatives 3(2), 11, 19(2) et 19(3) énonçant ce qui suit :

Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d’autres lois en conséquence, L.C. 2014, ch. 22           

3. (1) […] 

[…]

  (2) Le paragraphe 5(1.1) de la même loi est remplacé par ce qui suit  :       

[…]

Intention      

  (1.1) Pour l’application des alinéas (1)c.1) et 11(1)d.1), l’intention de la personne doit être continue, de la date de la demande de citoyenneté jusqu’à ce que la personne prête le serment de citoyenneté.        

  […]

  11. L’article 13 de la même loi est remplacé par ce qui suit  :           

[…]

Abandon de la demande

  13.2 (1) Le ministre peut considérer une demande comme abandonnée dans les cas suivants :           

[…]

b) le demandeur omet, sans excuse légitime, de se présenter aux moment et lieu  —  ou au moment et par le moyen  —  fixés et de prêter le serment alors qu’il a été invité à le faire par le ministre et qu’il est tenu de le faire pour avoir la qualité de citoyen.  

[…]

  19. (1) […]

[…]

  (2) L’alinéa 22(1)f) de la même loi est remplacé par ce qui suit  :     

[22. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre des paragraphes 5(1), (2) ou (4) ou 11(1) ni prêter le serment de citoyenneté :]         

e.1) si, directement ou indirectement, il fait une présentation erronée sur un fait essentiel quant à un objet pertinent ou omet de révéler un tel fait, entraînant ou risquant d’entraîner ainsi une erreur dans l’application de la présente loi; 

[…]

(3) Le paragraphe 22(2) de la même loi est remplacé par ce qui suit  :

 

[…]

Interdiction — serment             

  (6) Malgré les autres dispositions de la présente loi, nul ne peut prêter le serment de citoyenneté s’il ne satisfait plus ou n’a jamais satisfait aux exigences de la présente loi pour l’attribution de la citoyenneté. 

[110]   À la lumière de ces modifications prévues dans la LRCC, il serait donc raisonnable d’interpréter les dispositions transitoires incluses dans cette même loi de façon à ce qu’elles respectent l’intention du législateur d’accorder au ministre le pouvoir de mettre fin à une demande de citoyenneté jusqu’à la prestation du serment de citoyenneté pour des raisons de fraude ou de sécurité. Autrement dit, ces nouveaux pouvoirs accordés au ministre dans la LRCC confirment l’interprétation de l’agente de la citoyenneté, laquelle fait en sorte qu’une demande de citoyenneté n’est considérée comme étant décidée définitivement qu’après la prestation du serment de citoyenneté. Par contre, avant de conclure à ce sujet, je voudrais discuter de la signification juridique du serment de citoyenneté, de la décision du juge de la citoyenneté ainsi que de l’octroi du certificat de citoyenneté par le ministre, afin de s’assurer que cette interprétation des dispositions transitoires s’enligne avec leur contexte juridique.

c)         Analyse du contexte juridique

[111]   Une analyse contextuelle des principales étapes décisionnelles pertinentes selon leur caractère juridique lors du dépôt de la demande de citoyenneté du demandeur, avant l’entrée en vigueur de la LRCC, confirme le caractère raisonnable de l’interprétation de l’agente de la citoyenneté selon laquelle une demande de citoyenneté introduite avant le 19 juin 2014 n’était définitive ou finale qu’après la prestation du serment de citoyenneté. Plus spécifiquement j’entreprendrai une analyse du caractère juridique du serment de citoyenneté, de la décision du juge de la citoyenneté et de l’octroi du certificat de citoyenneté par un délégué du ministre.

[112]   On a vu que la LC en vigueur au moment où le demandeur s’est vu octroyer un certificat de citoyenneté par un délégué du ministre stipulait clairement que le serment de citoyenneté était nécessaire pour devenir citoyen. Effectivement, le paragraphe 12(3) de cette loi énonçait ce qui suit :

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 

 

12(1) […]

[…]

Entrée en vigueur    

(3) Le certificat délivré en application du présent article ne prend effet qu’en tant que l’intéressé s’est conformé aux dispositions de la présente loi et aux règlements régissant la prestation du serment de citoyenneté.         

[113]   En plus, l’article 24 de la LC en vigueur à ce moment stipulait :

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 

Obligation de prêter le serment de citoyenneté              

24 Le serment de citoyenneté est prêté dans les termes prescrits par l’annexe et selon les modalités fixées par règlement.     

[114]   De plus, le paragraphe 19(1) du Règlement en vigueur à ce moment précisait que « la personne qui s’est vu attribuer la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi doit prêter le serment de citoyenneté par un serment ou une affirmation solennelle faite devant le juge de la citoyenneté ». Il est même spécifié au paragraphe 17c) du Règlement que lors de la cérémonie de prestation du serment de citoyenneté, le juge de la citoyenneté doit « remettre personnellement les certificats de citoyenneté, à moins de directives contraires du ministre ».

[115]   En surcroit aux exigences de la prestation du serment de citoyenneté incluses dans la LC et ses règlements en vigueur lorsque le demandeur s’est vu octroyer un certificat de citoyenneté par un délégué du ministre, la jurisprudence énonce clairement qu’un serment de citoyenneté n’est pas une formalité, mais plutôt une exigence fondamentale à l’obtention de la citoyenneté.

[116]   La Cour d’appel de l’Ontario a d’ailleurs confirmé ce principe dans l’arrêt McAteer [au paragraphe 1], en notant que :

  Permanent residents of Canada over 14 years old who wish to become Canadian citizens are required to swear an oath or make an affirmation : see Citizenship Act, R.S.C. 1985, c. C-29 (the “Act”) s. 3(1)(c). Subject to limited discretionary exceptions, s. 12(3) of the Act provides that a certificate of citizenship issued by the Minister of Citizenship and Immigration does not become effective until the oath is taken.

[117]   La nécessité du serment de citoyenneté semble être présumée par la C.S.C. dans l’arrêt Benner c. Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 R.C.S. 358 et explicitement confirmée par le juge Collier, anciennement juge de notre Cour, dans l’arrêt In re Loi sur la Citoyenneté et in re Heib, [1980] 1 C.F. 254 (1re inst.), à la page 260 :

  En un mot, je confirme la décision du juge de la citoyenneté en ce qui a trait à la question principale. Aux termes du paragraphe 3(1) de la Loi, l’appelant doit, pour devenir citoyen canadien, prêter le serment selon la formule prévue.

[118]   Le caractère essentiel du serment de citoyenneté a ses origines au Canada depuis longtemps. Ce serment est, à la base, le résultat d’un compromis historique uniquement canadien. À ce sujet, la Cour d’appel de l’Ontario nous dévoile un chapitre historique du serment de citoyenneté au Canada dans l’arrêt McAteer, au paragraphe 104 :

  The requirement of an oath to the Queen as a condition for those wishing to become citizens is a well-established tradition of this country. It dates back to the historical compromise of the Quebec Act, supra, in which the British Crown introduced a secular oath to the Queen to secure the loyalty of the French Canadians by recognizing their freedom to practise their religion. The intent behind the introduction of a secular oath was to create a religious-neutral way of permitting individuals to become citizens. In so doing, the new oath permitted French Canadians to vote and participate in public life in a way that was previously precluded because of the religious nature of the oath that had existed until that time.…

[119]   Pour résumer, un serment de citoyenneté n’est pas qu’une simple formalité, mais plutôt la cristallisation de ce qu’un demandeur de citoyenneté devient. C’est à ce moment précis qu’il est reconnu citoyen canadien avec tous les bénéfices qui s’y rattachent. Le serment de citoyenneté est l’expression de l’adhésion du demandeur à un contrat social, un engagement du demandeur de citoyenneté envers le pays qu’il a choisi. Il démontre par ce serment la loyauté et l’engagement qu’il voue au Canada. La Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Roach c. Canada (Ministre d’État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté), [1994] 2 C.F. 406 [aux pages 415 et 416], s’exprimait ainsi à ce sujet  :

  Il va de soi que toutes les conséquences de ce serment ou de cette affirmation solennelle de quelque 24 mots (par opposition au fardeau symbolique de leur formulation) ne sont en rien négligeables. Dans leur ensemble, elles ne sont pas contraires à la Constitution mais, qui plus est, il ne serait pas exagéré de dire qu’elles sont la Constitution. Elles expriment l’intention solennelle d’adhérer à la pierre d’angle symbolique de la Constitution canadienne telle qu’elle a existé et qu’elle existe maintenant, en s’engageant ainsi à accepter notre Constitution et notre vie nationale dans leur intégralité. On pourrait difficilement accepter d’entendre l’appelant se plaindre que, pour devenir citoyen canadien, il doit donner expressément son accord à la structure fondamentale actuelle de notre pays.

[120]   Bien que le demandeur reconnait que la prestation du serment de citoyenneté est la dernière étape essentielle pour devenir citoyen, et qu’il démontre clairement vouloir le prêter, il plaide que l’octroi du certificat de citoyenneté par un délégué du ministre suivant la décision du juge de la citoyenneté a fait en sorte qu’il a acquis un droit d’être convoqué pour prêter le serment de citoyenneté. En conséquence, il soumet que le moment où sa demande est devenue définitive est lorsque le délégué du ministre lui a octroyé le certificat de citoyenneté, le rendant non-assujetti aux dispositions transitoires.

[121]   En raison de l’analyse des termes pertinents, de l’intention du législateur et du contexte juridique global dans lequel la demande de citoyenneté a pris place, je ne souscris pas à cette interprétation où le serment de citoyenneté n’est qu’une formalité et où l’on obtient un droit absolu de prêter le serment suivant l’octroi d’un certificat de citoyenneté. Il me semble que la participation à tout le processus menant finalement à la citoyenneté canadienne n’est pas un droit, et qu’il est plutôt un privilège de pouvoir prêter le serment à la fin d’un tel processus. Un demandeur de citoyenneté canadienne doit, jusqu’à la finalité du processus, démontrer sur demande la véracité de tous les faits à la base de sa demande et s’engager à se conformer à la LC pendant tout le processus.

[122]   À ce sujet, la jurisprudence est claire. Le juge Leblanc a précisément énoncé cette position dans la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Pereira, 2014 CF 574, au paragraphe 21 :

  Comme la Cour l’a confirmé à maintes reprises, la citoyenneté canadienne est un privilège qu’il ne faut pas accorder à la légère, et il incombe au demandeur de citoyenneté, s’il souhaite se voir accorder ce privilège, d’établir selon la norme de la prépondérance de la preuve, au moyen d’éléments de preuve suffisants, cohérents et crédibles, qu’il respecte les diverses exigences prévues par la Loi (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Elzubair, 2010 CF 298, paragraphes 19 et 21; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c El Bousserghini, 2012 CF 88, paragraphe 19; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Dhaliwal, 2008 CF 797, paragraphe 26; Abbas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 145, paragraphe 8; F.H. c McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 RCS 41).

[123],  Cette approche est aussi confirmée par d’autres décisions dont Zhao, au paragraphe 20 et Dowhopoluk v. Martin et al, [1972] 1 O.R. 311 (H.C.J.), où l’on s’est ainsi exprimé :

There is one fundamental principle of law which is of paramount importance to the present case and on which both counsel agreed, undoubtedly because it is so universally recognized, not only by common law countries but by all nations and from time immemorial. That principle is that citizenship is not a right but a privilege.

[124]   J’arrive aussi à la conclusion qu’un demandeur n’acquiert pas un droit absolu à la citoyenneté suivant l’octroi d’un certificat de citoyenneté par le délégué du ministre en raison  : 1) du pouvoir réservé au ministre dans la LC (en vigueur en 2012) d’interdire la prestation du serment dans certaines circonstances; ainsi que 2) d’un certain pouvoir de refus permettant de s’enquérir si des faits soumis lors de la demande de citoyenneté méritent des explications et des clarifications supplémentaires. Comme nous le verrons, la jurisprudence a reconnu ce pouvoir de refus. L’alinéa 22(1)e.1) et l’article 23.1 cristallisent simplement ce pouvoir de refus.

[125]   En premier lieu, la LC (en vigueur en 2012) prévoyait plusieurs dispositions stipulant les circonstances où le ministre pouvait interdire la prestation du serment de citoyenneté suivant l’octroi du certificat de citoyenneté, démontrant ainsi que l’octroi de la citoyenneté n’est pas le moment où une demande de citoyenneté est définitive. Comme on le note plus haut, la LC (en vigueur en 2012) prévoyait, à titre d’exemple, l’interdiction de la prestation du serment de citoyenneté en raison d’une mesure de renvoi à l’alinéa 5(1)f), pour des raisons de sécurité nationale et de criminalités aux alinéas 19(2)a) et 19(2)b), et pour des raisons de criminalités et d’infractions en vertu de l’article 22.

[126]   En second lieu, tel que brièvement mentionné plus haut, la jurisprudence reconnait au ministre un pouvoir discrétionnaire de différer la citoyenneté à un demandeur suivant la décision du juge de la citoyenneté dans des cas où le ministre est informé de la possibilité que les conditions de la LC ne soient pas réunies. Ceci est traité en profondeur par la Cour d’appel fédérale dans la décision Khalil [au paragraphe 14], où il est noté que :

[…] Le ministre ne peut refuser arbitrairement la citoyenneté à quelqu’un qui remplit ces conditions. Dans le cas cependant où il est informé que les conditions prévues par la Loi ne sont pas réunies, il peut différer l’octroi de la citoyenneté jusqu’à ce qu’il soit jugé que toutes les conditions nécessaires sont remplies. Toute autre conclusion reviendrait à le forcer à conférer la citoyenneté à quelqu’un qui a pu se faire admettre au Canada au moyen de fausses déclarations, et à engager la procédure de dénaturalisation immédiatement après. S’il est vrai qu’il n’est pas investi du pouvoir discrétionnaire de refuser la citoyenneté à quelqu’un qui en remplit les conditions, il faut qu’il retienne un certain pouvoir de refus dans le cas où il est constaté, avant que la citoyenneté n’ait été accordée, qu’il y a eu fausse déclaration concernant des faits essentiels, ou qu’il y a raisonnablement lieu de croire à l’existence de pareille fausse déclaration.

[127]   L’existence de ce pouvoir a d’ailleurs été reconnue par la juge Mactavish dans Stanizai (paragraphes 30–37), lorsqu’elle a précisé que le pouvoir s’applique lorsqu’il y a découverte de fausses déclarations potentielles qui n’étaient pas devant le juge de la citoyenneté. Ici, il est important de mentionner que ce pouvoir de refus du ministre a été constaté par les cours bien avant la récente mise en vigueur de l’article 23.1, de l’alinéa 22(1)e.1) et de l’article 13.2, pourvu qu’il n’y ait pas de décision définitive de la demande.

[128]   Il est donc erroné de suggérer que, selon le contexte juridique global avant la mise en vigueur de la LRCC, la décision du juge de la citoyenneté et l’octroi du certificat de la citoyenneté conféraient une finalité au processus de demande de citoyenneté octroyant ainsi un droit acquis à la citoyenneté avant même la prestation du serment.

[129]   Tenant compte de tout ceci, une interprétation moderne des dispositions transitoires selon le sens ordinaire et grammatical des termes utilisés, l’intention du législateur et le contexte juridique global confirment le caractère raisonnable de l’interprétation statutaire par l’agente de la citoyenneté. Cette interprétation fait en sorte que les dispositions transitoires visent l’application des nouvelles dispositions de la LC à toute demande où il n’y a pas encore eu la prestation du serment de citoyenneté.

4)         Application des dispositions transitoires au demandeur

[130]   Les faits du présent dossier démontrent que la demande de citoyenneté était toujours en cours d’instance.

[131]   Le demandeur a omis de noter dans sa demande de citoyenneté ainsi que dans son Questionnaire de résidence qu’il était président de l’entreprise Savola Group basée en Arabie saoudite. Ces nouveaux faits ont été dévoilés lors de son entrevue avec un agent d’immigration à l’aéroport Pierre Eliott Trudeau à Montréal le 7 mai 2012, soit deux jours avant la cérémonie de la prestation du serment de citoyenneté. En plus, en 2015, on a retracé un communiqué de presse de Savola Group qui mentionnait une conférence de presse annonçant une entente d’affaires en date du 20 mai 2008 à Djeddah. Le communiqué incluait aussi une photographie dans laquelle on peut voir le demandeur avec d’autres personnes. Cette information n’était pas devant le juge de la citoyenneté ni devant le délégué du ministre lors de l’octroi du certificat de citoyenneté. Aucun voyage en date du 20 mai 2008 n’a été déclaré dans la demande ni dans le Questionnaire de résidence. Ainsi, à la suite de la réouverture du dossier en 2015, l’on voulait se satisfaire que les nouveaux faits ne contredisaient pas la demande de citoyenneté de mai 2010.

[132]   Ces nouveaux faits remettent en question les jours de résidence au Canada dévoilés dans la demande initiale. Donc, tenant compte de l’ensemble de ces faits, il était approprié de s’enquérir.

[133]   Tenant compte de l’ensemble de cette analyse, la décision du juge de la citoyenneté et l’octroi du certificat de citoyenneté sont des décisions essentielles dans le cadre de la procédure de demande de citoyenneté. Sans ces décisions, il ne peut y avoir prestation du serment de citoyenneté. Toutefois, elles ne prennent leur plein effet que lors la prestation du serment. En conséquence, l’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté était raisonnable selon les faits en cause.

[134]   Abordons maintenant le caractère raisonnable de la décision de l’agente de la citoyenneté quant à la déclaration d’abandon en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC.

C.        Le caractère raisonnable de la déclaration d’abandon en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC

[135]   Après de nombreuses demandes de documents qui auraient dû être divulgués de façon proactive par le demandeur, ainsi que plusieurs délais supplémentaires accordés, le demandeur n’a fourni aucun des documents requis et ne soumet aucune justification pour ce manquement, et ce, malgré le fait qu’il y a eu découverte d’omissions et de contradictions soulevées dans son dossier à la suite de l’octroi du certificat de citoyenneté. En conséquence, je suis d’avis que la décision de l’agente de la citoyenneté de déclarer la demande de citoyenneté du demandeur comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) est raisonnable dans les circonstances.

[136]   Pour les fins de l’étude du caractère raisonnable de la déclaration d’abandon, l’agente de la citoyenneté a établi sa juridiction d’abandon de la demande de citoyenneté sur la base du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC. Cet article est entré en vigueur le 1er août 2014 et à cette date, il est devenu applicable aux demandes de citoyenneté déposées antérieurement et qui n’avaient pas été décidées définitivement en vertu de l’article 31 de la LRCC.

[137]   L’agente de la citoyenneté se réfère aussi à l’article 23.1 de la LC pour justifier sa demande de renseignements et d’éléments de preuve supplémentaires. Cet article est entré en vigueur le 1er août 2014, mais n’était applicable aux demandes de citoyenneté visées au paragraphe 31(1) qu’à partir du 28 mai 2015. En 2017, lors du réexamen du dossier, le sous-alinéa 13.2(1)a)(i) (déclaration d’abandon) et l’article 23.1 de la LC (demande d’information et de documents) avaient force de loi selon l’analyse présentée plus haut.

[138]   Le demandeur est d’opinion que ces articles ne lui sont pas opposables et qu’il a un droit acquis à la prestation du serment de citoyenneté étant donné que le juge de la citoyenneté a accordé son aval à sa demande et que le certificat de citoyenneté a été octroyé en 2012. Tel que vu plus haut, l’interprétation des dispositions transitoires par l’agente de la citoyenneté était raisonnable et celle suggérée par le demandeur ne cadre pas avec ma compréhension des articles applicables en situation semblable.

[139]   On a demandé au demandeur de citoyenneté des renseignements et des informations supplémentaires à la suite de sa demande de citoyenneté d’août 2010. Il a fourni de l’information, mais des questionnements ont subsisté à la suite de la découverte du communiqué de presse de 2015. En octobre 2018, en réponse à ces questionnements et par l’entremise de son avocat, le demandeur a réclamé l’équivalent d’un droit acquis et a exigé l’accès à la prestation du serment de citoyenneté, tout en spécifiant qu’il n’avait pas l’obligation de « fournir des documents aux fins de prouver [sa] présence physique au Canada ». En conséquence, le demandeur a déposé la demande d’autorisation du contrôle judiciaire de la décision du 30 octobre 2018, laquelle concluait à l’abandon de la demande puisque le demandeur, sans excuse raisonnable, n’avait pas répondu à la demande de renseignements.

[140]   En de telles circonstances, notamment lorsque l’on considère l’historique du dossier, il était raisonnable pour l’agente de la citoyenneté de conclure que le demandeur avait abandonné sa demande, tel que le prévoit le sous-alinéa 13.2(1)a)(i) de la LC. En effet, aucun renseignement n’a été remis à la suite de la demande du 7 septembre 2018, et ce, sans excuse valable. Tel que mentionné ci-haut, le sous-alinéa 13.2(1)a)(i) et ses sous-paragraphes étaient en vigueur le 1er août 2014 et étaient opposables à la demande de citoyenneté du demandeur, laquelle a été déposée le 12 août 2010.

[141]   La présente cause est analogue à la décision Zhao où le demandeur a lui aussi refusé de remettre les renseignements et les éléments de preuve supplémentaires exigés puisqu’il jugeait que sa demande de citoyenneté était complète et ne nécessitait aucune autre preuve documentaire.

[142]   Dans la décision Zhao, le juge Shore a conclu que la citoyenneté canadienne est un privilège et qu’il revient au demandeur de démontrer qu’il satisfait aux exigences pour devenir citoyen canadien. Puisqu’il y avait un écart dans les dates des passeports de M. Zhao, il a été jugé raisonnable de lui demander des preuves supplémentaires. En raison de son omission de fournir une justification raisonnable pour ne pas avoir remis la preuve supplémentaire exigée, la décision de déclarer la demande comme étant abandonnée en vertu du sous-alinéa 13.2(1)a)(i) a été jugée raisonnable.

[143]   Dans la cause qui est devant moi, il était raisonnable pour l’agente de la citoyenneté d’exiger des renseignements et des éléments de preuve supplémentaires en raison de ce qui apparait être des contradictions et des omissions au cœur même de la demande du demandeur.

[144]   Malgré ce manquement à fournir la documentation supplémentaire exigée, le demandeur n’a donné aucune explication. Comme le juge Shore l’a énoncé dans la décision Zhao, au paragraphe 27, le demandeur a « plutôt fourni une excuse pour expliquer pourquoi il croit qu’il ne devrait pas être obligé de produire des documents supplémentaires et a demandé au ministre de lui accorder la citoyenneté canadienne ».

[145]   Dans la décision Almuhaidib 2018, au paragraphe 7, laquelle traitait de la demande de mandamus et de bref de prohibition du demandeur, le juge Shore, après étude du dossier, a affirmé qu’il y avait un « doute sérieux à l’égard des informations erronées selon l’alinéa 22(1)e.1) de la LC, [et en conséquence] une justification [existait] pour qu’un agent demande des informations supplémentaires autorisées par l’article 23.1 de la LC ». Dans le présent cas, lors de la prise de décision de l’abandon de la demande en 2018, les passeports requis par l’agente de la citoyenneté n’avaient toujours pas été fournis. Ces éléments de faits avaient pour but de s’assurer que la demande de citoyenneté et le Questionnaire de résidence étaient factuellement justifiés.

[146]   Pour ces mêmes raisons, je conclus que la décision de l’agente de la citoyenneté est raisonnable.

D.        Questions à certifier

[147]   Quant aux questions qu’on me demande de certifier, le demandeur en soumet trois  :

1.  La décision du juge de la citoyenneté approuvant la demande de citoyenneté, suivie de l’octroi de la citoyenneté par le délégué du ministre qui n’exerce pas ainsi son droit d’appel, constitue-t-elle une « décision définitive » au sens de l’article 31 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, 2014 LC c 22?

2.  Les articles 13.1 et 23.1 de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985 c C-29 (« LC ») permettent-ils au ministre de suspendre une demande de citoyenneté et d’exiger des renseignements supplémentaires se rapportant à de possibles fausses déclarations au titre de l’alinéa 22(1)e.1) de la LC pour lesquels il n’y a pas eu de détermination, et ce au regard d’une demande de citoyenneté présentée avant le 1er août 2014 dont il a été décidé définitivement avant cette date?

3.  La Cour fédérale a-t-elle l’autorité en vertu de l’article 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985 c F-7 de déclarer qu’un demandeur a le droit d’être convoqué à la cérémonie de prestation de serment de citoyenneté conformément à la LC et de se substituer au décideur administratif lorsqu’il n’existe qu’une seule interprétation ou issue possible et légalement admissible et que toute autres interprétation ou solution serait déraisonnable ou incorrecte?

[148]   Le demandeur explique que la première question est en fait l’une des questions qu’il avait soumises dans la présente demande de contrôle judiciaire. Quant à la deuxième, le demandeur reconnait qu’il s’agit d’une reformulation de la première question. Quant à la troisième question, il la considère être « une question grave de portée générale ». Il demande une mesure de réparation demandant à la Cour d’émettre une ordonnance convoquant le demandeur à une cérémonie de prestation de serment en vertu de l’alinéa 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7.

[149]   Le défendeur, en principe, est d’accord avec l’esprit de la première question, mais suggère qu’elle devrait être certifiée selon la formulation suivante :

Une demande de citoyenneté présentée en vertu de l’alinéa 5(1) de la Loi sur la citoyenneté, LRC (1985), ch. C-29, dans la version antérieure à l’entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d’autres lois en conséquence, LC 2014, ch 22, et pour laquelle elle a reçu une décision positive du juge de la citoyenneté et une attribution positive du délégué du Ministre, est-elle une demande « ayant été décidé définitivement » au sens de l’article 31(1) de la LRCC ?

[150]   Pour ce qui est de la deuxième question proposée par le demandeur, le défendeur précise qu’il n’a jamais été question de suspendre la demande de citoyenneté en vertu de l’article 13.1 de la LC et, qu’en conséquence, elle n’est ni pertinente ou encore déterminative. Donc, elle ne devrait pas être certifiée.

[151]   Au sujet de la troisième question proposée, le défendeur s’oppose à sa certification étant donné qu’accorder une telle conclusion pourrait ne pas tenir compte d’« interdiction[s] » que la LC prévoit aux paragraphes 22(1), 22(6). Donc, il n’y a pas qu’une seule issue raisonnable. Le remède recherché, soit d’ordonner la prestation du serment à une cérémonie de citoyenneté, n’est pas la solution évidente en de telles circonstances. On ajoute que, de toute façon, le demandeur, tant dans ses soumissions écrites qu’orales, n’a que brièvement mentionné l’argument et qu’en conséquence, le défendeur n’a pas fait de représentations à ce sujet.

[152]   À titre de bref rappel, il est de jurisprudence constante qu’un juge de la Cour fédérale certifie une question pourvu que :

1.         la question transcende les intérêts des parties au litige;

2.         la question aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale; et

3.         la question est déterminante quant à l’issue de l’appel (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. n° 1637 (QL) (C.A.) et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Nilam, 2017 CAF 44, [2018] 2 R.C.F. 511, au paragraphe 2).

[153]   Ayant ces principes à l’esprit, je constate que le contenu de la deuxième question est englobé par la première question. Quant à la troisième, elle a été si peu abordée et la conclusion à laquelle j’arrive la rend académique. De toute façon, elle n’est pas de portée générale et est en fait totalement personnalisée aux faits qui se rattachent au demandeur.

[154]   Maintenant, la première question telle que reformulée par le défendeur est matière à certification. Le sujet est de portée générale, transcende les intérêts des parties au litige, soulève des questions ayant des conséquences importantes sur l’ensemble de la procédure de demande de citoyenneté et est déterminant pour les fins de l’appel. Sur ce dernier point, la conclusion sur le fond du dossier à laquelle j’arrive justifie aussi que je certifie la question telle que reformulée.

[155]   Ainsi, je vais certifier la question telle que proposée par le défendeur.

VII.      Conclusion

[156]   Avant de terminer, je veux ajouter ceci : les nouveaux pouvoirs accordés au ministre doivent être utilisés de façon à ne pas créer de l’incertitude continuelle. Le ministre se doit d’étudier les demandes de citoyenneté avec célérité et transparence. Les nouveaux pouvoirs ne doivent pas servir à retarder indûment la bonne marche des demandes. Dans le présent cas, de nouveaux faits ont été découverts dans le cours du processus de la demande. Si ces nouveaux faits avaient été connus par le défendeur avant la décision du juge de citoyenneté ou avant l’octroi du certificat de citoyenneté, le ministre n’aurait pas pu les soulever par la suite. Ce sont les nouveaux faits découverts à partir de 2015 qui justifient les demandes d’informations supplémentaires, ainsi que le questionnement quant à la demande de citoyenneté en date du 12 août 2010.

[157]   Pour les motifs ci-haut élaborés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et je certifie la question telle que formulée par le défendeur. Aucuns frais sont réclamés, donc sans frais.


JUGEMENT

POUR CES MOTIFS, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         La Cour certifie la question suivante :

« Une demande de citoyenneté présentée en vertu de l’alinéa 5(1) de la Loi sur la citoyenneté, LRC (1985), ch C-29, dans la version antérieure à l’entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d’autres lois en conséquence, LC 2014, ch 22, et pour laquelle elle a reçu une décision positive du juge de la citoyenneté et une attribution positive du délégué du ministre, est-elle une demande « ayant été décidée définitivement » au sens du paragraphe 31(1) de la LRCC ? ».

3.         Sans frais.


ANNEXE A

[1]        Les dispositions législatives suivantes de la LC (en vigueur entre le 17 avril 2009 et le 5 février 2014) sont pertinentes pour répondre aux questions de droit ci-dessus :

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 

Attribution de la citoyenneté

5 (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :   

a) en fait la demande;           

b) est âgée d’au moins dix-huit ans;  

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :    

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,  

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;       

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;          

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;  

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.     

[…]

Certificat de citoyenneté  

Demandes émanant de citoyens         

12 (1) Sous réserve des règlements d’application de l’alinéa 27i), le ministre délivre un certificat de citoyenneté aux citoyens qui en font la demande.

Délivrance aux nouveaux citoyens     

(2) Le ministre délivre un certificat de citoyenneté aux personnes dont la demande présentée au titre des articles 5 ou 5.1 ou du paragraphe 11(1) a été approuvée.          

Entrée en vigueur    

(3) Le certificat délivré en application du présent article ne prend effet qu’en tant que l’intéressé s’est conformé aux dispositions de la présente loi et aux règlements régissant la prestation du serment de citoyenneté.         

[…]

Examen par un juge de la citoyenneté              

14 (1) Dans les soixante jours de sa saisine, le juge de la citoyenneté statue sur la conformité — avec les dispositions applicables en l’espèce de la présente loi et de ses règlements — des demandes déposées en vue de :           

a) l’attribution de la citoyenneté, au titre des paragraphes 5(1) ou (5);          

b) [Abrogé, 2008, ch. 14, art. 10]      

c) la répudiation de la citoyenneté, au titre du paragraphe 9(1);       

d) la réintégration dans la citoyenneté, au titre du paragraphe 11(1).

[…]

Appel           

(5) Le ministre et le demandeur peuvent interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté en déposant un avis d’appel au greffe de la Cour dans les soixante jours suivant la date, selon le cas :       

a) de l’approbation de la demande;   

b) de la communication, par courrier ou tout autre moyen, de la décision de rejet.   

Caractère définitif de la décision        

(6) La décision de la Cour rendue sur l’appel prévu au paragraphe (5) est, sous réserve de l’article 20, définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d’appel.    

[…]

19 (1) […]

Renvoi au comité de surveillance      

(2) Le ministre peut, en lui adressant un rapport à cet effet, saisir le comité de surveillance des cas où il est d’avis que l’intéressé devrait se voir refuser l’attribution de citoyenneté prévue à l’article 5 ou au paragraphe 11(1), ou la délivrance du certificat de répudiation prévu à l’article 9, ou encore la prestation du serment de citoyenneté, parce qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’il se livrera à des activités qui :        

a) soit constituent des menaces envers la sécurité du Canada;         

b) soit font partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction punissable par voie de mise en accusation aux termes d’une loi fédérale.           

         

[…]

Déclaration du gouverneur en conseil en matière de sécurité  

20 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le gouverneur en conseil peut empêcher l’attribution de la citoyenneté demandée au titre de l’article 5 ou du paragraphe 11(1), la délivrance du certificat de répudiation visé à l’article 9 ou la prestation du serment de citoyenneté en déclarant, après avoir étudié le rapport fait en vertu du paragraphe 19(6) par le comité de surveillance ou la personne nommée au titre du paragraphe 19.1(1), qu’il existe des motifs raisonnables de croire que la personne visée dans ce rapport se livrera à des activités mentionnées aux alinéas 19(2)a) ou b). 

[…]

Interdiction

22 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre des paragraphes 5(1), (2) ou (4) ou 11(1) ni prêter le serment de citoyenneté :          

a) pendant la période où, en application d’une disposition législative en vigueur au Canada :         

(i) il est sous le coup d’une ordonnance de probation,   

(ii) il bénéficie d’une libération conditionnelle,    

(iii) il est détenu dans un pénitencier, une prison ou une maison de correction;

b) tant qu’il est inculpé pour une infraction prévue aux paragraphes 29(2) ou (3) ou pour un acte criminel prévu par une loi fédérale, autre qu’une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions, et ce, jusqu’à la date d’épuisement des voies de recours;       

c) tant qu’il fait l’objet d’une enquête menée par le ministre de la Justice, la Gendarmerie royale du Canada ou le Service canadien du renseignement de sécurité, relativement à une infraction visée à l’un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, ou tant qu’il est inculpé pour une telle infraction et ce, jusqu’à la date d’épuisement des voies de recours;        

d) s’il a été déclaré coupable d’une infraction visée à l’un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre;    

e) s’il n’a pas obtenu l’autorisation requise préalablement à son retour au Canada par le paragraphe 52(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés;    

f) si, au cours des cinq années qui précèdent sa demande, il a cessé d’être citoyen en application du paragraphe 10(1).

[…]

Obligation de prêter le serment de citoyenneté              

24 Le serment de citoyenneté est prêté dans les termes prescrits par l’annexe et selon les modalités fixées par règlement.     

[…]

29 (1) […]

Infractions et peines               

(2) Commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de mille dollars et un emprisonnement maximal d’un an, ou l’une de ces peines, quiconque : 

a) dans le cadre de la présente loi, fait une fausse déclaration, commet une fraude ou dissimule intentionnellement des faits essentiels;         

b) obtient ou utilise le certificat d’une autre personne en vue de se faire passer pour elle;    

c) permet sciemment que son certificat soit utilisé par une autre personne pour se faire passer pour lui;        

d) fait le trafic de certificats ou en a en sa possession à cette intention.       

[…]

ANNEXE

(article 24)          

SERMENT DE CITOYENNETÉ        

  Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d’observer fidèlement les lois du Canada et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien.  

AFFIRMATION SOLENNELLE

  J’affirme solennellement que je serai fidèle et porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs, que j’observerai fidèlement les lois du Canada et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen canadien.

[2]        Les dispositions législatives suivantes de la LRCC (recevant la sanction royale le 19 juin 2014) sont pertinentes pour répondre aux questions de droit ci-dessus :

Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d’autres lois en conséquence, L.C. 2014, ch. 22

Sanctionnée 2014-06-19 

SOMMAIRE

  Le texte modifie la Loi sur la citoyenneté pour notamment y mettre à jour les conditions d’admissibilité en vue d’obtenir la citoyenneté canadienne, renforcer les dispositions touchant la sécurité et la fraude et modifier les dispositions régissant l’examen des demandes et la révision des décisions. 

Les modifications apportées aux conditions d’admissibilité visent notamment :    

a) à clarifier le sens de résidence au Canada;           

b) à modifier la période pendant laquelle un résident permanent doit habiter au Canada avant de pouvoir présenter une demande de citoyenneté;      

c) à offrir un accès accéléré à la citoyenneté aux personnes qui servent ou qui ont servi dans les Forces armées canadiennes;

d) à exiger de l’auteur d’une demande de citoyenneté qu’il démontre, dans l’une des langues officielles du Canada, une connaissance du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;    

e) à prévoir l’âge à compter duquel l’exigence mentionnée à l’alinéa d) et celle d’avoir une connaissance suffisante de l’une des langues officielles s’appliquent à l’auteur d’une demande de citoyenneté;         

f) à exiger qu’un demandeur remplisse les exigences applicables prévues par la Loi de l’impôt sur le revenu de présenter des déclarations de revenus;      

g) à conférer la citoyenneté à certaines personnes et à leurs descendants qui pourraient ne pas l’avoir obtenue en vertu de la législation antérieure; 

h) à prolonger l’exception à la limite de transmission de la citoyenneté à la première génération aux enfants nés ou adoptés à l’étranger par des parents qui sont eux-mêmes nés ou ont été adoptés à l’étranger par des fonctionnaires de la Couronne;

i) à exiger, lorsque l’attribution de la citoyenneté vise une personne adoptée, que l’adoption n’ait pas contourné le droit applicable aux adoptions internationales.       

  Les modifications apportées aux dispositions sur la sécurité et la fraude visent notamment :     

a) à élargir la portée de l’interdiction de recevoir la citoyenneté aux personnes inculpées à l’étranger pour une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, constituerait un acte criminel prévu sous le régime d’une loi fédérale ou aux personnes purgeant une peine à l’étranger pour une telle infraction;       

b) à élargir la portée de l’interdiction de recevoir la citoyenneté aux personnes qui, alors qu’elles étaient des résidents permanents, ont commis des gestes particuliers contraires à l’intérêt national du Canada, et à interdire définitivement à ces personnes d’obtenir la citoyenneté; 

c) à harmoniser les motifs relatifs à la sécurité et à la criminalité organisée pour lesquels une personne peut se voir refuser la citoyenneté avec ceux prévus dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés à cet égard et à prolonger la période durant laquelle la citoyenneté peut être refusée sur ces motifs;  

d) à élargir la portée de l’interdiction de recevoir la citoyenneté aux personnes qui, pendant le traitement de leur demande, font de fausses déclarations relativement à des faits essentiels ainsi qu’à interdire la présentation de nouvelles demandes par ces personnes durant une période donnée;        

e) à prolonger la période durant laquelle une personne ne peut présenter de nouveau la demande de citoyenneté après avoir été condamnée pour certaines infractions;         

f) à accroître le maximum des peines pour des infractions relatives à la citoyenneté, notamment pour la fraude et le trafic de documents de citoyenneté;       

g) à mettre en place un régime réglementaire visant les consultants en citoyenneté;

h) à établir un modèle hybride pour la révocation de la citoyenneté d’une personne en vertu duquel la majorité des cas relèveront du ministre, alors que les cas liés à une interdiction de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour criminalité organisée relèveront de la Cour fédérale;

i) à accroître la période durant laquelle une personne ne peut présenter de demande de citoyenneté après que sa citoyenneté a été révoquée;         

j) à prévoir la révocation de la citoyenneté des personnes ayant la double citoyenneté et qui, alors qu’elles étaient des citoyens canadiens, ont commis des gestes particuliers contraires à l’intérêt national du Canada, et à interdire définitivement à ces personnes d’être réintégrées dans la citoyenneté;  

k) à autoriser la prise de règlements en matière de communication de renseignements.      

  Les modifications apportées aux dispositions sur l’examen des demandes et la révision des décisions visent notamment :           

a) à prévoir que toute demande doit être complète afin d’être reçue aux fins d’examen;       

b) à élargir les cas où l’examen d’une demande peut être suspendu et à modifier la durée de la suspension, ainsi qu’à prévoir les cas où une demande peut être considérée comme abandonnée;

c) à restreindre le rôle des juges de la citoyenneté dans le processus décisionnel sous réserve de l’exercice périodique par le ministre de son pouvoir de prolonger la période d’application de la restriction;    

d) à accorder au ministre le pouvoir de prendre des règlements concernant la présentation et l’examen des demandes;      

e) à mettre en place un régime de contrôle judiciaire de toute question relevant de l’application de la loi, et à permettre, dans certaines circonstances, l’appel à la Cour d’appel fédérale;   

f) à transférer au ministre le pouvoir discrétionnaire d’attribuer la citoyenneté dans des cas particuliers.   

  Enfin, le texte apporte des modifications corrélatives à la Loi sur les Cours fédérales et à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[…]

TITRE ABRÉGÉ

1.    Loi renforçant la citoyenneté canadienne.   

[…]

  11. L’article 13 de la même loi est remplacé par ce qui suit :

Demandes 

  13. Les demandes ne sont reçues aux fins d’examen au titre de la présente loi que si les conditions ci-après sont réunies :         

a) elles sont présentées selon les modalités, en la forme et au lieu prévus sous le régime de la présente loi;  

b) elles contiennent les renseignements prévus sous le régime de la présente loi;   

c) elles sont accompagnées des éléments de preuve à fournir à leur appui et des droits à acquitter à leur égard prévus sous le régime de la présente loi.          

Suspension de la procédure d’examen

  13.1 Le ministre peut suspendre, pendant la période nécessaire, la procédure d’examen d’une demande : 

a) dans l’attente de renseignements ou d’éléments de preuve ou des résultats d’une enquête, afin d’établir si le demandeur remplit, à l’égard de la demande, les conditions prévues sous le régime de la présente loi, si celui-ci devrait faire l’objet d’une enquête dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou d’une mesure de renvoi au titre de cette loi, ou si les articles 20 ou 22 s’appliquent à l’égard de celui-ci;   

b) dans le cas d’un demandeur qui est un résident permanent qui a fait l’objet d’une enquête dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, dans l’attente de la décision sur la question de savoir si une mesure de renvoi devrait être prise contre celui-ci.        

Abandon de la demande         

  13.2 (1) Le ministre peut considérer une demande comme abandonnée dans les cas suivants :           

a) le demandeur omet, sans excuse légitime, alors que le ministre l’exige au titre de l’article 23.1 :        

(i) de fournir, au plus tard à la date précisée, les renseignements ou les éléments de preuve supplémentaires, lorsqu’il n’est pas tenu de comparaître pour les présenter,  

(ii) de comparaître aux moment et lieu  —  ou au moment et par le moyen  — fixés, ou de fournir les renseignements ou les éléments de preuve supplémentaires lors de sa comparution, lorsqu’il est tenu de comparaître pour les présenter;        

b) le demandeur omet, sans excuse légitime, de se présenter aux moment et lieu  —  ou au moment et par le moyen  —  fixés et de prêter le serment alors qu’il a été invité à le faire par le ministre et qu’il est tenu de le faire pour avoir la qualité de citoyen.  

Effet de l’abandon    

  (2) Il n’est donné suite à aucune demande considérée comme abandonnée par le ministre.     

[…]

  19. (1) […]

  (2) L’alinéa 22(1)f) de la même loi est remplacé par ce qui suit  :     

[22. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre des paragraphes 5(1), (2) ou (4) ou 11(1) ni prêter 1e serment de citoyenneté :]        

e.1) si, directement ou indirectement, il fait une présentation erronée sur un fait essentiel quant à un objet pertinent ou omet de révéler un tel fait, entraînant ou risquant d’entraîner ainsi une erreur dans l’application de la présente loi; 

e.2) si, au cours des cinq années qui précèdent sa demande, il n’a pu recevoir la citoyenneté ou prêter le serment de citoyenneté en vertu de l’alinéa e.1);    

f) si, au cours des dix années qui précèdent sa demande, il a cessé d’être citoyen en vertu d’un décret pris au titre de l’alinéa 10(1)a), dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 8 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, ou en application du paragraphe 10(1) ou de l’alinéa 10.1(3)a);     

g) si sa citoyenneté a été révoquée au titre du paragraphe 10(2) ou de l’alinéa 10.1(3)b).   

(3) Le paragraphe 22(2) de la même loi est remplacé par ce qui suit  :

[…]

Interdiction — serment             

  (6) Malgré les autres dispositions de la présente loi, nul ne peut prêter le serment de citoyenneté s’il ne satisfait plus ou n’a jamais satisfait aux exigences de la présente loi pour l’attribution de la citoyenneté.

[…]

  22. La même loi est modifiée par adjonction, après l’article 23, de ce qui suit :     

Autres renseignements, éléments de preuve et comparution           

  23.1 Le ministre peut exiger que le demandeur fournisse des renseignements ou des éléments de preuve supplémentaires se rapportant à la demande et préciser la date limite pour le faire. Il peut exiger à cette fin que le demandeur comparaisse  —  devant lui ou devant le juge de la citoyenneté pour être interrogé  — soit en personne et aux moment et lieu qu’il fixe, soit par le moyen de télécommunication et au moment qu’il fixe.  

[…]

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Demandes en instance — articles 5, 5.1, 9 ou 11

  31. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la demande qui a été présentée en vertu des paragraphes 5(1), (2) ou (5), 5.1(1), (2) ou (3), 9(1) ou 11(1) de la Loi sur la citoyenneté avant la date d’entrée en vigueur du paragraphe 3(7) et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date est régie à la fois par :   

a) cette loi, dans sa version antérieure à cette date, exception faite de l’article 3, du paragraphe 5(4), des articles 5.1 et 14 et de l’alinéa 22(1)f);        

b) les dispositions ci-après de cette loi, dans leur version à cette date  :          

(i) l’article 3,     

(ii) l’alinéa 5(2)b) et le paragraphe 5(4),         

(iii) l’article 5.1, exception faite de l’alinéa (1)c.1),    

(iv) les articles 13.1 à 14,         

(v) les alinéas 22(1)a.1), a.2), b.1), e.1), e.2) et f) et les paragraphes 22(1.1), (3) et (4).        

  (2) À la date d’entrée en vigueur de l’article 11, le renvoi au paragraphe 3(7) visé au paragraphe (1) est remplacé par un renvoi à cet article 11.

  (3) À la date d’entrée en vigueur du paragraphe 2(2)  :         

a) le renvoi à l’article 11 visé au paragraphe (1) est remplacé par un renvoi à ce paragraphe 2(2); 

b) l’exigence selon laquelle la personne est tenue de satisfaire à toute condition rattachée à son statut de résident permanent, mentionnée aux alinéas 5(1)c) et 11(1)d) de cette loi édictés par les paragraphes 3(1) et 9(2), respectivement, s’applique aux demandes visées au paragraphe (1).  

[3]        Les dispositions législatives suivantes de la LPCCT sont pertinentes pour répondre aux questions de droit ci-dessus  :

Loi protégeant Canada contre les terroristes, L.C. 2015, ch. 9          

  11. (1) L’article 31 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (2), de ce qui suit :        

Décret          

  (2.1) À la date d’entrée en vigueur de l’article 8, le renvoi à l’article 11 visé au paragraphe (1) est remplacé par un renvoi à cet article 8. 

  (2) L’alinéa 31(3)a) de la même loi est remplacé par ce qui suit :     

a) le renvoi à l’article 8 visé au paragraphe (1) est remplacé par un renvoi à ce paragraphe 2(2); 

[4]        Les dispositions législatives suivantes de la LC (version courante) sont pertinentes pour répondre aux questions de droit ci-dessus :

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 

Abandon de la demande       

13.2 (1) Le ministre peut considérer une demande comme abandonnée dans les cas suivants : 

a) le demandeur omet, sans excuse légitime, alors que le ministre l’exige au titre de l’article 23.1 :        

(i) de fournir, au plus tard à la date précisée, les renseignements ou les éléments de preuve supplémentaires, lorsqu’il n’est pas tenu de comparaître pour les présenter,  

(ii) de comparaître aux moment et lieu — ou au moment et par le moyen — fixés, ou de fournir les renseignements ou les éléments de preuve supplémentaires lors de sa comparution, lorsqu’il est tenu de comparaître pour les présenter;        

b) le demandeur omet, sans excuse légitime, de se présenter aux moment et lieu — ou au moment et par le moyen — fixés et de prêter le serment alors qu’il a été invité à le faire par le ministre et qu’il est tenu de le faire pour avoir la qualité de citoyen.  

Effet de l’abandon    

(2) Il n’est donné suite à aucune demande considérée comme abandonnée par le ministre.

[…]

Interdiction

22 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre des paragraphes 5(1), (2) ou (4) ou 11(1) ni prêter le serment de citoyenneté :          

[…]

e.1) si, directement ou indirectement, il fait une présentation erronée sur un fait essentiel quant à un objet pertinent ou omet de révéler un tel fait, entraînant ou risquant d’entraîner ainsi une erreur dans l’application de la présente loi; 

[…]

Autres renseignements, éléments de preuve et comparution    

23.1 Le ministre peut exiger que le demandeur fournisse des renseignements ou des éléments de preuve supplémentaires se rapportant à la demande et préciser la date limite pour le faire. Il peut exiger à cette fin que le demandeur comparaisse — devant lui ou devant le juge de la citoyenneté pour être interrogé — soit en personne et aux moment et lieu qu’il fixe, soit par le moyen de télécommunication et au moment qu’il fixe.  

 


 

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