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IMM-2155-19

2020 CF 213

Maria Camila Galindo Camayo (demanderesse)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Camayo c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Fuhrer—Toronto, 17 décembre 2019; Ottawa, 6 février 2020.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger — Procédure relative à la perte d’asile — Contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié conformément à l’art. 108(3) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), qui a fait droit à la demande de constat de perte de l’asile présentée par le défendeur et rendu une décision selon laquelle la demande d’asile initiale au titre de l’art. 95(1) de la LIPR était rejetée — La demanderesse était d’âge mineur lorsqu’elle est venue au Canada avec sa mère et ses frères — La mère de la demanderesse a présenté une demande d’asile au Canada en son nom et au nom de ses enfants — Leurs demandes ont été accueillies et la demanderesse a obtenu le statut de personne protégée au titre de l’art. 95 de la LIPR — La demanderesse a ensuite obtenu le statut de résidente permanente, en tant que personne à charge figurant sur la demande principale présentée par sa mère — Depuis qu’elle a obtenu le statut de personne protégée au Canada, la demanderesse a obtenu ou renouvelé son passeport colombien à deux reprises — Elle est retournée cinq fois en Colombie depuis qu’elle a obtenu le statut de personne protégée — Le défendeur a présenté une demande visant à mettre fin au statut de personne protégée de la demanderesse — Cette dernière a affirmé que, à ce moment-là, elle ne savait rien des lois canadiennes dans ce domaine et de leurs conséquences; celles-ci n’étaient entrées en vigueur qu’après son premier séjour en Colombie — La SPR a tenu une audience relative à la perte de l’asile, a confirmé la procédure de perte de l’asile, a pris en considération les facteurs tels la volonté, l’intention et le succès de l’action, et les a appréciés — La SPR a estimé plus particulièrement qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve donnant à penser que la demanderesse avait été obligée d’utiliser son passeport colombien pour effectuer les voyages en question; que l’asile ne demeure en vigueur que tant que les raisons de craindre la persécution dans le pays d’origine persistent; que le fait pour la demanderesse de voyager à plusieurs reprises avec son passeport colombien, y compris en Colombie même, témoignait de son intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie — Il s’agissait de savoir si la SPR avait compétence pour mettre fin au statut de personne protégée d’une personne à charge, ce qui soulevait la question connexe ou subsidiaire de savoir si la SPR avait interprété l’art. 108(1)a) de la LIPR de façon trop large; si la décision de la SPR était raisonnable, ce qui soulevait également la question connexe ou subsidiaire de savoir si la SPR avait appliqué le bon critère juridique relativement au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité — Étant donné que la SPR a rendu la décision concernant la perte de l’asile, elle a implicitement décidé qu’elle avait compétence — Le processus des demandes d’asile présentées à l’étranger et celles présentées dans un bureau intérieur, ainsi que la situation des membres de la famille qui sont des personnes à charge, ont été analysés — Dans la présente affaire, les quatre demandeurs d’asile, y compris la demanderesse, étaient énumérés individuellement, sans aucune distinction entre la demanderesse « principale », la mère, et les membres de sa famille — Il est ressorti de la lecture globale et contextuelle de la décision de la SPR sur l’asile que cette dernière a estimé que la demanderesse, dont le risque était fondé sur l’exposé circonstancié de sa mère, remplissait individuellement les critères de l’asile établis par la loi, sans tenir d’audience distincte — Même si la demanderesse n’a pas présenté de demande distincte, la SPR avait néanmoins l’obligation prévue par la loi d’évaluer la demande d’asile individuellement, quel que soit son titre dans la demande — La demanderesse tombait sous le coup de l’art. 95(1)b) de la LIPR et, par conséquent, la SPR avait compétence pour mettre fin à son statut de personne protégée au titre de l’art. 108(3) de la LIPR — En ce qui concerne le fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité, dans une procédure relative à la perte de l’asile, il incombe d’abord au défendeur de démontrer que la personne protégée au Canada (en l’espèce, la demanderesse) a agi volontairement et intentionnellement et s’est effectivement réclamée de la protection de son pays de nationalité — Compte tenu des graves conséquences liées à la perte de l’asile, une interprétation étroite était la seule approche raisonnable — Dans les circonstances en l’espèce, la décision de la SPR concernant la question de savoir si la demanderesse avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité était déraisonnable; la SPR n’a pas examiné la question de savoir si la demanderesse avait effectivement eu cette intention — En outre, la SPR a conclu de manière déraisonnable que l’ignorance de la loi n’est pas un argument valide en ce qui concerne la question de savoir si une personne visée par une procédure relative à la perte de l’asile pourrait manifester l’intention requise sans en connaître les conséquences — L’intention, dans le contexte d’une procédure relative à la perte de l’asile, ne peut être fondée uniquement sur l’intention de la personne d’accomplir l’acte en question; il faut également qu’elle comprenne les conséquences de son acte — La SPR a mis l’accent sur la question de savoir si la demanderesse aurait dû connaître le danger en Colombie plutôt que sur celle de savoir si elle connaissait la possibilité et les conséquences de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité — La SPR a donc agi de manière déraisonnable — Des questions ont été certifiées — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié conformément au paragraphe 108(3) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), qui a fait droit à la demande de constat de perte de l’asile présentée par le défendeur en mars 2019 et qui a rendu une décision selon laquelle la demande d’asile initiale au titre du paragraphe 95(1) de la LIPR était rejetée. La demanderesse est venue au Canada à l’âge de 12 ans avec sa mère et ses frères. Son père, qui était malade, est resté en Colombie. La mère de la demanderesse a présenté une demande d’asile au Canada en son nom et au nom de ses enfants. Leurs demandes ont été accueillies et la demanderesse a obtenu le statut de personne protégée au titre de l’article 95 de la LIPR. Elle a ensuite obtenu le statut de résidente permanente, en tant que personne à charge figurant sur la demande principale présentée par sa mère. Depuis qu’elle a obtenu le statut de personne protégée au Canada, la demanderesse a obtenu ou renouvelé son passeport colombien à deux reprises. En plus de renouveler son passeport, la demanderesse est retournée cinq fois en Colombie depuis qu’elle a obtenu le statut de personne protégée et a voyagé dans d’autres pays avec son passeport colombien. En janvier 2017, le défendeur a présenté une demande visant à mettre fin au statut de personne protégée de la demanderesse, au motif qu’elle avait renouvelé son passeport colombien et qu’elle l’avait utilisé pour voyager, notamment en Colombie. La demanderesse a affirmé que, à ce moment-là, elle ne savait rien des lois canadiennes relatives à la perte de l’asile et de leurs conséquences; celles-ci n’étaient entrées en vigueur qu’après son premier séjour en Colombie. Après avoir été mise au courant des lois, la demanderesse a demandé un titre de voyage pour réfugié et l’a utilisé chaque fois qu’elle a voyagé et elle n’est pas retournée en Colombie depuis. La SPR a tenu une audience relative à la perte de l’asile en réponse à la demande de constat de perte de l’asile présentée par le défendeur et a publié les motifs de sa décision. La SPR a confirmé la procédure de perte de l’asile en s’appuyant sur l’article 108 de la LIPR, sur l’article 64 des Règles de la Section de la protection des réfugiés et sur le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, a pris en considération des facteurs tels la volonté, l’intention et le succès de l’action, et les a appréciés tour à tour.

La SPR a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve donnant à penser que la demanderesse avait été obligée d’utiliser son passeport colombien pour effectuer les voyages en question. Elle a conclu que, même si certains des voyages de la demanderesse avaient des motifs familiaux ou humanitaires, d’autres étaient des voyages d’agrément. Dans l’ensemble, la SPR a conclu que l’asile ne demeure en vigueur que tant que les raisons de craindre la persécution dans le pays d’origine persistent; qu’un passeport permet à son titulaire de voyager à destination et en provenance de pays étrangers sous la protection du gouvernement qui l’a délivré, et que le fait pour la demanderesse de voyager à plusieurs reprises avec son passeport colombien, y compris en Colombie même, témoignait de son intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie.

Il s’agissait de savoir si la SPR avait compétence pour mettre fin au statut de personne protégée d’une personne à charge, ce qui soulevait la question connexe ou subsidiaire de savoir si la SPR avait interprété l’alinéa 108(1)a) de la LIPR de façon trop large; et si la décision de la SPR était raisonnable, ce qui soulevait également la question connexe ou subsidiaire de savoir si la SPR avait appliqué le bon critère juridique relativement au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité.

Jugement : la demande doit être accueillie.

Étant donné que la SPR a rendu la décision concernant la perte de l’asile, elle a implicitement décidé qu’elle avait compétence. Il a fallu évaluer si cette interprétation était raisonnable. La demanderesse a fait valoir qu’elle a obtenu le statut de personne protégée uniquement en raison de liens familiaux (c.-à-d. à titre de personne à charge de sa mère), qu’elle ne tombait donc pas sous le coup de l’article 108 de la LIPR, et que la SPR n’avait pas compétence pour mettre fin à son statut de personne protégée. Le processus des demandes d’asile présentées à l’étranger et celles présentées dans un bureau intérieur, ainsi que les mécanismes relatifs à l’octroi de l’asile aux membres de la famille qui sont des personnes à charge, ont été analysés. Dans la présente affaire, les quatre demandeurs d’asile, y compris la demanderesse, étaient énumérés individuellement, sans aucune distinction entre la demanderesse « principale », la mère, et les membres de sa famille. L’allégation de la demanderesse selon laquelle les personnes mineures incluses dans une demande d’asile présentée dans un bureau intérieur se voient accorder l’asile au titre de l’alinéa 95(1)b) de la LIPR, comme conséquence de la demande d’asile présentée par le demandeur principal, était incorrecte. Il est ressorti de la lecture globale et contextuelle de la décision de la SPR sur l’asile que cette dernière a estimé que la demanderesse, dont le risque était fondé sur l’exposé circonstancié de sa mère, remplissait individuellement les critères de l’asile établis par la loi, sans tenir d’audience distincte. Autrement, la SPR n’aurait pas été habilitée à conclure que la demanderesse avait qualité de personne à protéger aux termes du paragraphe 107(1) de la LIPR. Même si cette dernière n’a pas présenté de demande distincte, la SPR avait néanmoins l’obligation prévue par la loi d’évaluer la demande d’asile individuellement, quel que soit son titre dans la demande. Bien que le régime de la LIPR et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés puisse être plus clair en ce qui concerne les demandes d’asile présentées dans un bureau intérieur par des membres de la famille, la demanderesse tombait sous le coup de l’alinéa 95(1)b) de la LIPR et, par conséquent, la SPR avait compétence pour mettre fin à son statut de personne protégée au titre du paragraphe 108(3) de la LIPR.

  En ce qui concerne le fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité, dans une procédure relative à la perte de l’asile, il incombe d’abord au défendeur de démontrer que la personne protégée au Canada (en l’espèce, la demanderesse) a agi volontairement et intentionnellement et s’est effectivement réclamée de la protection de son pays de nationalité. Chaque élément du critère doit être satisfait. Compte tenu des graves conséquences liées à la perte de l’asile, une interprétation étroite était la seule approche raisonnable. La SPR a raisonnablement admis que, même si l’acquisition par la demanderesse de ses passeports colombiens était involontaire, l’utilisation ultérieure de ceux-ci pour retourner en Colombie et voyager dans d’autres pays était volontaire. La SPR s’est raisonnablement appuyée sur la présomption relative à la protection de l’État, tant en ce qui concerne l’intention de la demanderesse de se réclamer de la protection de son pays de nationalité qu’en ce qui concerne la question de savoir si elle s’est effectivement réclamée de cette protection, étant donné que la présomption survient au moment où une personne protégée acquiert, renouvelle ou utilise un passeport délivré par son pays d’origine. Toutefois, la présomption étant réfutable, il incombait à la SPR de mener un examen raisonnable pour établir si la demanderesse l’a réfutée. Il a fallu déterminer si la SPR a effectué une analyse pour établir si la demanderesse a raisonnablement réfuté la présomption. Il est évident que l’issue de chaque affaire qui concerne l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité dépend essentiellement des faits. Dans les circonstances en l’espèce, la décision de la SPR concernant la question de savoir si la demanderesse avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité était déraisonnable. Compte tenu de l’interprétation étroite applicable à l’article 108 de la LIPR et du fait que l’acte d’acquérir un passeport et/ou de s’en servir est examiné en fonction des facteurs relatifs au critère du caractère volontaire de l’acte et le succès à se réclamer de la protection, il était déraisonnable que la SPR s’appuie sur ce même ensemble de faits pour conclure que la demanderesse avait l’intention de se réclamer de la protection de son pays de nationalité sans examiner la question de savoir si elle avait effectivement eu cette intention. Le fait d’interpréter l’utilisation du passeport en soi comme remplissant les trois facteurs essentiels et conjonctifs relatifs au fait de se réclamer de la protection de son pays de nationalité (la volonté, l’intention et le succès de l’action) ne laissait aucune marge de manœuvre à la demanderesse pour démontrer que, bien qu’elle ait acquis et utilisé son passeport, elle n’avait pas l’intention de se réclamer de la protection de l’État. En outre, étant donné les circonstances se rapportant spécifiquement à la demanderesse, qui ont été examinées, la SPR a conclu de manière déraisonnable que « l’ignorance de la loi n’est pas un argument valide » en ce qui concerne la question de savoir si une personne visée par une procédure relative à la perte de l’asile pourrait manifester l’intention requise sans en connaître les conséquences. L’intention, dans le contexte d’une procédure relative à la perte de l’asile, ne peut être fondée uniquement sur l’intention de la personne d’accomplir l’acte en question; il faut également qu’elle comprenne les conséquences de son acte. En outre, rien ne justifiait la conclusion de la SPR, dans le cas de la demanderesse, selon laquelle une adulte instruite et avertie aurait pu demander des renseignements sur les conditions à remplir pour maintenir son statut au Canada. Par ailleurs, la SPR ne s’est pas penchée sur la question de savoir si le fait que la demanderesse a demandé à des agents d’une entreprise de sécurité privée de l’accompagner lorsqu’elle est retournée en Colombie voulait dire qu’elle pensait que l’État ne pouvait toujours pas la protéger — une question liée directement à l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité. La SPR avait la possibilité de rejeter ces mesures au motif qu’elles étaient insuffisantes. Toutefois, en ne les examinant pas dans leur contexte, et en mettant plutôt l’accent sur la question de savoir si la demanderesse aurait dû connaître le danger plutôt que sur celles de savoir si elle connaissait la possibilité et les conséquences de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité et si elle l’a tout de même fait, la SPR est passée à côté de l’essentiel, ce qui était déraisonnable.

  Des questions interdépendantes concernant l’intention d’une personne de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ont été certifiées.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44 [L.R.C. (1985), appendice III], art. 2a).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(1)e), 12(3), 25(1.2)c)(i), 40.1, 46(1)c.1), 63(3), 72(1), 95, 96, 97, 101(1)b), 107(1), 108, 110(2), 112(2)b.1).

Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 140, 144, 145, 146(2).

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, règle 64.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Comité des droits de l’homme des Nations Unies. PIDCP, Observation générale no 20, article 7 (Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), 10 mars 1992.

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, art. 33.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Bashir, 2015 CF 51, [2015] 4 R.C.F. 336.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Heidari Gezik, 2015 CF 1268; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Esfand, 2015 CF 1190, [2016] 2 R.C.F. 282; Abadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 29; Nsende c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 531, [2009] 1 R.C.F. 49; Siddiqui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 134, [2017] 1 R.C.F. 56; Tobar Toledo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 226, [2015] 1 R.C.F. 215; Puerto Rodriguez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1360; Cerna c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1074; Mayell c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 139; Okojie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1287.

DÉCISIONS CITÉES :

Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2018 CSC 31, [2018] 2 R.C.S. 230; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Paramo de Gutierrez, 2016 CAF 211, [2017] 2 R.C.F. 353; Bermudez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 131, [2017] 1 R.C.F. 128; Godinez Ovalle c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 935, [2016] 2 R.C.F. 3; Németh c. Canada (Justice), 2010 CSC 56, [2010] 3 R.C.S. 281; Chandrakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1997 CanLII 16770; Din c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 425; Islam c. Canada (Sécurité publique et protection civile), 2019 CF 912; Yuan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 923; Peiqrishvili c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 1205; Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 459; Romero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 671, [2015] 3 R.C.F. 265; Kuoch c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 979; Norouzi c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 368; Balouch c. Canada (Sécurité publique et protection civile), 2015 CF 765; Seid c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167; Tung c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1224; Jing c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 104; Abechkhrishvili c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 313; Ruiz Triana c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1431; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Nilam, 2015 CF 1154.

DOCTRINE CITÉE

Canada. Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Directives données par le président en application du paragraphe 65(3) de la Loi sur l’immigration, Directives no 3: Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié: Questions relatives à la procédure et à la preuve, Ottawa : Commission de l’immigration et du statut de réfugié, 1996.

Hathaway James C. The Law of Refugee Status, Toronto : Butterworths, 1991.

Nations Unies. Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, UN Doc HCR/1P/4/ENG/REV.4 (réédition février 2019).

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision (X (Re), 2019 CanLII 132749) de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, conformément au paragraphe 108(3) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), qui a fait droit à la demande de constat de perte de l’asile présentée par le défendeur et a rendu une décision selon laquelle la demande d’asile initiale au titre du paragraphe 95(1) de la LIPR était rejetée. Demande accueillie.

ONT COMPARU :

Justin Jian-Yi Toh pour la demanderesse.

Michael Butterfield pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Bellissimo Law Group, Toronto, pour la demanderesse.

La sous-procureure générale du Canada pour le défendeur.

 

            Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

            La juge Fuhrer :

I.          Introduction

[1]        La demanderesse, Maria Camila Galindo Camayo, est une citoyenne de la Colombie. Depuis qu’elle a obtenu le statut de personne protégée au Canada en tant que personne mineure, elle a renouvelé son passeport colombien et effectué de nombreux voyages avec celui-ci, notamment pour se rendre cinq fois en Colombie. Le 27 janvier 2017, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le MCI) a présenté une demande visant à mettre fin à son statut de réfugié au titre du paragraphe 108(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Le 15 mars 2019, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la C.I.S.R.), conformément au paragraphe 108(3) de la LIPR, a fait droit à la demande de constat de perte de l’asile présentée par le MCI et a rendu une décision selon laquelle la demande d’asile initiale au titre du paragraphe 95(1) de la LIPR était rejetée. La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR [X (Re), 2019 CanLII 132749] au titre du paragraphe 72(1) de la LIPR.

[2]        Pour les motifs qui suivent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire.

II.         Contexte

[3]        Mme Galindo Camayo est venue au Canada à l’âge de 12 ans avec sa mère et ses frères. Son père, qui souffre de maladie mentale et d’un cancer récurrent, est resté en Colombie. La mère de Mme Galindo Camayo a présenté une demande d’asile au Canada en son nom et au nom de ses enfants, alléguant qu’elle était victime d’extorsion de la part des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (Forces armées révolutionnaires de Colombie) et que l’État colombien était incapable de les protéger, ses enfants et elle. Leurs demandes ont été accueillies le 11 août 2010, et Mme Galindo Camayo a obtenu le statut de personne protégée au titre de l’article 95 de la LIPR. Elle a ensuite obtenu le statut de résidente permanente le 1er février 2012, en tant que personne à charge figurant sur la demande principale présentée par sa mère.

[4]        Depuis qu’elle a obtenu le statut de personne protégée au Canada, Mme Galindo Camayo a présenté deux demandes relativement à son passeport colombien : l’une pour l’obtenir et l’autre pour le renouveler. Le premier passeport, dont la demande a été présentée par sa mère en son nom, a été délivré le 12 décembre 2011. Mme Galindo Camayo a elle-même présenté la demande de renouvellement de son passeport le 28 août 2013, à l’âge de 18 ans, lors d’un séjour en Colombie, après avoir appris qu’elle ne serait pas autorisée à quitter le pays avec le passeport qui lui avait été délivré lorsqu’elle était mineure.

[5]        Outre qu’elle a renouvelé son passeport, Mme Galindo Camayo est retournée cinq fois en Colombie depuis qu’elle a obtenu le statut de personne protégée. Elle allègue que son objectif lors des quatre premières visites était de rendre visite à son père et de s’occuper de lui. Selon Mme Galindo Camayo, son père refuse de quitter la Colombie et de rejoindre sa famille au Canada de façon permanente, bien qu’il bénéficie d’un statut valide pour le faire, car il estime que sa présence alourdirait le fardeau de la famille, qui s’occupe déjà du frère gravement malade de Mme Galindo Camayo. Elle explique également que son père rend parfois visite à la famille, et qu’il leur donne alors un court préavis, voire aucun préavis. La dernière fois que Mme Galindo Camayo s’est rendue en Colombie, c’était pour participer à une mission humanitaire d’aide aux enfants vivant dans la pauvreté.

[6]        Mme Galindo Camayo affirme que, lors de chacune de ses visites à sa famille en Colombie, elle a pris, par ses propres moyens, des mesures pour se protéger et se cacher. Elle a notamment été protégée par des gardes armés professionnels, s’est déplacée dans un certain nombre de voitures dont les plaques d’immatriculation étaient toutes différentes et qui ont emprunté des itinéraires différents et est demeurée autant que possible à l’intérieur, chez des membres de sa famille. Elle soutient que personne, hormis les membres de sa famille et le personnel de sécurité qu’ils employaient, ne savait qu’elle était en Colombie. Dans le cadre de sa mission humanitaire, elle a engagé son propre personnel de sécurité.

[7]        Mme Galindo Camayo a également voyagé dans plusieurs autres pays avec son passeport colombien, notamment à Cuba (2012), aux États-Unis (2014) et au Mexique (2015–2016, à trois occasions).

[8]        Le 27 janvier 2017, le ministre a présenté une demande visant à mettre fin au statut de personne protégée de Mme Galindo Camayo, au motif qu’elle avait renouvelé son passeport colombien et qu’elle l’avait utilisé pour voyager, notamment en Colombie. Mme Galindo Camayo affirme que, à ce moment-là, elle ne savait rien des lois canadiennes relatives à la perte de l’asile et de leurs conséquences; celles-ci n’étaient entrées en vigueur qu’après son premier séjour en Colombie. Après avoir été mise au courant des lois, elle a demandé un titre de voyage pour réfugié et l’utilise chaque fois qu’elle voyage. Elle n’est pas retournée en Colombie depuis. La SPR a tenu une audience relative à la perte de l’asile le 11 mars 2019 en réponse à la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre et a publié les motifs de sa décision le 15 mars 2019.

III.        Décision contestée

[9]        La SPR a d’abord résumé les motifs de la demande du ministre. Mme Galindo Camayo : (i) s’est réclamée de nouveau et volontairement de la protection du pays dont elle a la nationalité, la Colombie, en obtenant à deux occasions un passeport colombien; (ii) a utilisé son passeport colombien pour se rendre en Colombie et dans d’autres pays, et (iii) avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité en utilisant le passeport pour des déplacements de vacances et pour une mission humanitaire.

[10]      Ensuite, la SPR a résumé la position de Mme Camayo : (i) elle ne s’est pas volontairement réclamée de nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité; d’une part, parce que ses parents ont demandé le premier passeport en son nom alors qu’elle était mineure et, d’autre part, parce que les autorités colombiennes ne lui auraient pas permis de quitter le pays sans être munie d’un « passeport pour adulte », étant donné qu’elle a eu 18 ans en 2013, pendant son séjour en Colombie; (ii) elle s’est uniquement rendue en Colombie pour aider son père malade et souffrant (les quatre premières fois) et pour être bénévole dans le cadre d’une mission humanitaire (la cinquième et dernière fois); (iii) même si sa mère ne lui a jamais expliqué les problèmes de la famille en Colombie ni les raisons du départ au Canada, elle a embauché du personnel de sécurité privé pour l’accompagner en tout temps pendant ses cinq voyages, parce que ses parents l’avaient avertie que c’était très dangereux; et (iv) elle ne comprenait pas les conséquences potentielles à l’égard de son statut au Canada quand elle a utilisé ses passeports colombiens pour voyager en Colombie et dans d’autres pays. La SPR a souligné que, une fois consciente des conséquences, Mme Galindo Camayo a obtenu un titre de voyage pour réfugié et que, depuis, elle l’utilise pour voyager à l’extérieur du Canada.

[11]      La SPR a confirmé la procédure de perte de l’asile en s’appuyant sur l’article 108 de la LIPR, sur la règle 64 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, et sur le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), UN Doc HCR/1P/4/ENG/REV. 4 (février 2019, réédition), accessible en ligne à l’adresse suivante : <https ://www.unhcr.org/publications/legal/5ddfcdc47/handbook-procedures-criteria-determining-refugee-status-under-1951-convention.html> (en anglais seulement) (Guide du HCR) — paragraphe 1 de la section C de l’article premier de la Convention de 1951 [Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6] et de son Protocole de 1967 (la Convention). Dans le cadre de la procédure, la SPR a pris en considération les trois facteurs suivants, précisés au paragraphe 119 du Guide du HCR, et les a appréciés tour à tour :

a)         la volonté : le réfugié doit avoir agi volontairement;

b)         l’intention : le réfugié doit avoir accompli intentionnellement l’acte par lequel il s’est réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité;

c)         le succès de l’action : le réfugié doit avoir effectivement obtenu cette protection.

La volonté

[12]      La SPR a admis que Mme Galindo Camayo n’avait pas acquis volontairement ses passeports, étant donné qu’elle était mineure au moment où la décision d’obtenir le premier passeport a été prise par ses parents, et que les autorités colombiennes l’ont obligée à obtenir le deuxième passeport pour pouvoir quitter le pays. La SPR a estimé que ces circonstances étaient hors du contrôle de Mme Galindo Camayo; elle a souligné toutefois que [au paragraphe 22] : « [l]’obtention d’un passeport n’est […] pas le seul facteur à examiner au moment d’évaluer le caractère volontaire des actes [de la demanderesse] » et a conclu que cette dernière avait agi de manière volontaire lorsqu’elle a utilisé les passeports pour se rendre en Colombie et dans d’autres pays. La SPR a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve donnant à penser que Mme Galindo Camayo avait été obligée d’utiliser son passeport colombien pour effectuer les voyages en question.

L’intention

[13]      La SPR a conclu que, même si certains des voyages de Mme Galindo Camayo avaient des motifs familiaux ou humanitaires, d’autres étaient des voyages d’agrément. Elle a souligné les voyages de Mme Galindo Camayo en Colombie en 2013 et 2014 et les visites de son père au Canada au cours de la même période et a insisté sur le fait que [au paragraphe 27] « les dispositions sur la protection des réfugiés ne prévoient pas qu’une personne puisse retourner dans un pays à l’égard duquel elle a demandé une protection simplement parce qu’elle doit rendre visite à un parent malade et aider ce dernier ». D’autant plus que le père de Mme Galindo Camayo avait le statut de résident permanent au Canada et pouvait y chercher de l’aide, comme il l’avait fait dans le passé. Compte tenu de ce fait, la SPR a estimé que la demanderesse n’était pas obligée de retourner dans son pays. De plus, la SPR a fait remarquer que, même si Mme Galindo Camayo connaissait de façon générale les dangers de son retour en Colombie, comme le montre son embauche de personnel de sécurité, elle a tout de même choisi d’y retourner. La SPR a également soulevé le voyage humanitaire de la demanderesse, jugeant [au paragraphe 29] que, « bien qu’il soit tout à fait honorable [qu’elle] ait voulu se rendre en Colombie pour aider des enfants dans le besoin, elle n’avait pas besoin de se rendre en Colombie pour ces raisons, mais elle a choisi de le faire de son plein gré ».

[14]      Dans l’ensemble, la SPR a conclu que l’asile ne demeure en vigueur que tant que les raisons de craindre la persécution dans le pays d’origine persistent; qu’un passeport permet à son titulaire de voyager à destination et en provenance de pays étrangers sous la protection du gouvernement qui l’a délivré, et que le fait de voyager à plusieurs reprises avec son passeport colombien, y compris en Colombie même, témoigne de son intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie. La SPR a souligné que Mme Galindo Camayo est une adulte instruite et avertie et qu’elle aurait pu demander de l’information sur ce qui était attendu d’elle pour qu’elle conserve son statut au Canada. Par conséquent, la SPR a rejeté l’observation de Mme Galindo Camayo portant qu’elle ne connaissait pas les conséquences de l’utilisation de son passeport et a conclu [au paragraphe 32] que « l’ignorance de la loi n’est pas un argument valide ».

Le succès de l’action

[15]      La SPR a conclu que Mme Galindo Camayo a voyagé pendant des années en Colombie et dans d’autres pays, munie de passeports colombiens pour des raisons qui n’ont pas été jugées comme étant suffisamment indispensables ou impérieuses, ce qui témoigne de son intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie et suppose que ce pays était responsable de sa protection dans le cadre de ses voyages à l’étranger. La SPR a conclu, en faisant observer que l’article 108 de la LIPR ne prévoit rien au sujet des motifs d’ordre humanitaire, qu’elle n’avait pas compétence pour examiner des motifs d’ordre humanitaires dans le cas de Mme Galindo Camayo.

IV.       Questions en litige

A.        La SPR a-t-elle compétence pour mettre fin au statut de personne protégée d’une personne à charge? Cela soulève une question connexe ou subsidiaire : la SPR a-t-elle interprété l’alinéa 108(1)a) de la LIPR de façon trop large?

B.        La décision était-elle raisonnable? Cela soulève également une question connexe ou subsidiaire : la SPR a-t-elle appliqué le bon critère juridique relativement au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité?

V.        Dispositions pertinentes

[16]      Les dispositions pertinentes sont reproduites à l’annexe A.

VI.       Analyse

A.        La SPR a-t-elle compétence pour mettre fin au statut de personne protégée d’une personne à charge? Cela soulève une question connexe ou subsidiaire : la SPR a-t-elle interprété l’alinéa 108(1)a) de la LIPR de façon trop large?

[17]      Mme Galindo Camayo affirme qu’il s’agit d’une question touchant véritablement la compétence : Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2018 CSC 31, [2018] 2 R.C.S. 230 (CCDP). Je ne suis pas de cet avis. Jusqu’à décembre 2019, date à laquelle j’ai entendu l’affaire en l’espèce, il était généralement admis que, lorsqu’un décideur administratif interprète sa propre loi constitutive, la norme de contrôle de la décision raisonnable est présumée s’appliquer : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654 (Alberta Teachers), au paragraphe 30; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Paramo de Gutierrez, 2016 CAF 211, [2017] 2 R.C.F. 353, aux paragraphes 28–29; CCDP, précité, au paragraphe 38. Étant donné que la SPR a rendu la décision concernant la perte de l’asile, elle a implicitement décidé qu’elle avait compétence. En outre, la Cour suprême du Canada (C.S.C.) a récemment rejeté l’argument selon lequel il fallait voir les « questions de compétence comme une catégorie distincte devant faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte » : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov), aux paragraphes 65–68. Par conséquent, la Cour doit évaluer si cette interprétation était raisonnable.

[18]      Dans la décision rendue dans l’arrêt Vavilov, le 19 décembre 2019, les juges ont adopté une approche révisée pour décider de la norme de contrôle applicable lorsqu’une cour de justice se penche sur le fond des décisions administratives. L’approche repose sur la présomption réfutable voulant que la norme de la décision raisonnable soit la norme applicable dans tous les cas : Vavilov, précité, aux paragraphes 10–11. Je conclus que l’espèce ne constitue pas une des situations (résumées dans l’arrêt Vavilov, précité, aux paragraphes 17 et 69) dans lesquelles la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable est réfutée. En outre, « [l]orsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sousjacent à celleci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » : Vavilov, précité, au paragraphe 15. La C.S.C. a défini ainsi une décision raisonnable envers laquelle il faut faire preuve de déférence : une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, précité, au paragraphe 85. La C.S.C. a estimé qu’il « ne suffit pas que la décision soit justifiable […] [,] le décideur doit également […] justifier sa décision » : Vavilov, précité, au paragraphe 86 (caractères italiques dans l’original). En résumé, la décision doit posséder les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et elle doit être justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques applicables dans les circonstances : Vavilov, précité, au paragraphe 99. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, précité, au paragraphe 100.

[19]      Mme Galindo Camayo soutient qu’elle a obtenu le statut de personne protégée uniquement en raison de liens familiaux (c.-à-d. à titre de personne à charge de sa mère), et qu’elle ne tombe donc pas sous le coup de l’article 108 de la LIPR. Si une personne protégée n’a pas fait l’objet d’un examen personnel et indépendant des risques de persécution auxquels elle s’expose, elle ne peut pas perdre son statut : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Heidari Gezik, 2015 CF 1268 (Gezik), aux paragraphes 4–8, 20, 32 et 60–62; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Esfand, 2015 CF 1190, [2016] 2 R.C.F. 282 (Esfand), aux paragraphes 18, 21, 25 et 27. Elle affirme que les décisions Gezik et Esfand s’appliquent tant aux demandes d’asile présentées dans un bureau intérieur qu’à celles présentées à l’étranger, puisque les deux procédures accordent le statut de personne protégée en fonction soit d’un examen individuel des risques, soit de liens familiaux avec une personne ayant fait l’objet d’un examen des risques. Mme Galindo Camayo fait valoir que le risque auquel elle est elle-même exposée n’a jamais été évalué : elle n’était âgée que de 12 ans lorsqu’elle a accompagné sa mère au Canada; elle n’a subi aucun incident de persécution; elle ne savait pas pourquoi elle avait fui la Colombie pour se rapprocher des membres de sa famille au Canada, et elle n’était consciente que des risques généralisés. En outre, elle affirme que le ministre n’a pas produit d’éléments de preuve au dossier pour montrer qu’un examen personnalisé de ses risques avait été effectué au moment de la demande d’asile initiale présentée à la SPR. Par conséquent, elle soutient que son statut est fondé sur l’objectif de la LIPR de veiller à la réunification des familles.

[20]      Enfin, Mme Galindo Camayo soutient que la jurisprudence sur laquelle s’appuie le ministre ne s’applique pas en l’espèce, car seule la décision Abadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 29 (Abadi) concerne un demandeur dont le statut de personne protégée découle du fait qu’il est une personne à charge qui accompagne un demandeur. Elle affirme que, dans l’affaire Abadi, le juge n’a pas tenu compte des décisions Gezik ou Esfand ni ne les a consultées, mais qu’il s’est exclusivement appuyé sur les conditions pour qu’une personne puisse se réclamer de nouveau de la protection du pays, énoncées dans la décision Nsende c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 531, [2009] 1 R.C.F. 49 (Nsende), au paragraphe 13.

[21]      En résumé, Mme Galindo Camayo soutient que l’article 108 de la LIPR ne s’applique pas à sa situation et que, par conséquent, la SPR n’avait pas compétence pour mettre fin à son statut de personne protégée.

[22]      En réplique, le ministre souligne qu’il existe des distinctions importantes entre les demandes d’asile présentées à l’étranger et celles présentées dans un bureau intérieur. Dans la demande à l’étranger, il y a deux groupes appartenant à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières : les demandeurs principaux qui ont qualité de réfugié au sens de la Convention en raison d’une crainte fondée de persécution, et les membres de la famille du demandeur principal qui sont considérés comme ayant qualité de réfugié au sens de la Convention, et ce, sans avoir fait l’objet d’un examen pour savoir s’ils satisfont au critère : Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR), articles 140 et 145. Toutefois, le ministre affirme que le risque personnel auquel Mme Galindo Camayo était exposée a été évalué par la SPR, au Canada, conformément à l’article 95 de la LIPR, et qu’elle a obtenu le statut de personne protégée en sa qualité personnelle. La SPR a conclu dans d’autres affaires qu’elle avait compétence pour mettre fin au statut de personne protégée de personnes ayant obtenu l’asile au titre de l’article 95 de la LIPR, y compris dans la décision et les arrêts suivants : Abadi, précitée, aux paragraphes 18–19; Siddiqui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 134, [2017] 1 R.C.F. 56 (Siddiqui), aux paragraphes 17–19; Bermudez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 131, [2017] 1 R.C.F. 128, aux paragraphes 22–24. En particulier, la Cour d’appel fédérale a conclu que « le moyen ou l’instrument par lequel la protection (c.-à-d. le statut de personne protégée) a été conférée (compte tenu du paragraphe 12(3) et de l’article 95 de la LIPR) devient non pertinent » : Siddiqui, précité, au paragraphe 19.

[23]      Essentiellement, le Canada confère actuellement l’asile et, par conséquent, le statut de personne protégée, de l’une des deux façons prévues à l’article 95 de la LIPR :

1.         en établissant qu’une personne appartient à l’une des catégories prévues à la section 1 de la partie 8 du RIPR (à savoir, la catégorie de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières ou la catégorie de personnes de pays d’accueil : article 144 et paragraphe 146(2) du RIPR), et en lui accordant la résidence permanente ou temporaire;

2.         en établissant qu’une personne a qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger et en faisant droit à sa demande d’asile présentée dans un bureau intérieur (c.-à-d. la demande présentée à la C.I.S.R.) ou à sa demande de protection (c.-à-d. une demande d’examen des risques avant renvoi présentée au MCI).

[24]      Les mécanismes relatifs à l’octroi de l’asile aux membres de la famille qui sont des personnes à charge ne sont pas les mêmes dans les deux processus. Par souci de simplicité, je ne traiterai que de la catégorie de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières, bien que le processus général s’applique aussi à la catégorie de personnes de pays d’accueil.

[25]      Les demandeurs d’asile à l’étranger qui sont des personnes à charge d’un demandeur d’asile principal obtiennent l’asile en demandant la résidence permanente au motif qu’ils appartiennent à la catégorie de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières. Une fois qu’un demandeur est reconnu comme ayant qualité de réfugié au sens de la Convention (c.-à-d. au titre de l’article 96 de la LIPR), tous les membres de la famille appartiennent à la catégorie de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières : articles 140, 144 et 145 du RIPR. Toutefois, la Cour a conclu que les demandeurs qui appartiennent à la catégorie de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières uniquement en raison de leur qualité de membres de la famille ne peuvent se voir conférer l’asile suivant une décision prise aux termes de l’alinéa 95(1)a) de la LIPR, car les risques qu’ils courent n’ont jamais été évalués de façon indépendante au regard de l’article 96 de la LIPR : Gezik, précitée, aux paragraphes 39, 50–53, 56 et 61–63; Esfand, précitée, aux paragraphes 20, 25 et 27. Ils ont plutôt la qualité de réfugié au sens de la Convention et, par conséquent, le statut de personne protégée, parce que l’article 140 du RIPR prévoit qu’ils sont réputés appartenir à la catégorie de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières.

[26]      À l’inverse, le ministre affirme que les demandes d’asile présentées dans un bureau intérieur sont évaluées individuellement par la SPR et que chaque demandeur figurant sur une demande — qu’il soit inscrit comme demandeur principal ou comme demandeur à charge — fait l’objet séparément d’un examen des risques. Pour accorder l’asile, la SPR doit évaluer le risque pour chaque demandeur au titre des articles 96 ou 97 de la LIPR avant de pouvoir accepter sa demande d’asile : paragraphe 107(1) de la LIPR. Contrairement au processus applicable aux demandeurs d’asile à l’étranger et à ceux appartenant à la catégorie de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières, il n’y a pas de disposition déterminative correspondante ou similaire dans le RIPR faisant en sorte que, dans les cas de demandes d’asile présentées dans un bureau intérieur, les membres de la famille appartiennent à la même « catégorie » et ont ainsi qualité de réfugié au sens de la Convention sans faire l’objet d’un examen des risques. Cela est confirmé, dans une certaine mesure, par l’avis de décision de la SPR du 11 août 2010 (la décision de la SPR sur l’asile) qui établit que chacun des demandeurs d’asile a qualité de « personne à protéger » et que la SPR [traduction] « accepte les demandes d’asile » (au pluriel). Les quatre demandeurs d’asile, y compris « Galindo Camayo, Maria Camila », sont énumérés individuellement, sans aucune distinction entre la demanderesse [traduction] « principale », Gloria Patricia Camayo, et les membres de sa famille. En outre, à titre indicatif seulement, car elles ne sont pas déterminantes, je souligne les  Directives numéro 3 du président : Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié : Questions relatives à la procédure et à la preuve de la CISR, qui prévoient ce qui suit :

Il y a trois grandes catégories d’enfants qui revendiquent le statut de réfugié à la et sur lesquels les questions de procédure et de preuve peuvent avoir une incidence.

1. La première catégorie comprend les enfants qui arrivent au Canada en même temps ou après leurs père et mère. Habituellement, ces derniers revendiquent également le statut de réfugié. Dans ces cas, l’enfant devrait être considéré comme un enfant « accompagné ». Si l’enfant arrive en même temps que ses parents, sa revendication sera généralement entendue avec celle de ces derniers, mais une décision distincte sera rendue quant au statut de réfugié. [Caractères gras dans l’original; note en bas de page omise.]

2. […]

3. […]

[27]      Par conséquent, l’allégation de Mme Galindo Camayo selon laquelle les personnes mineures incluses dans une demande d’asile présentée dans un bureau intérieur se voient accorder l’asile au titre de l’alinéa 95(1)b) de la LIPR, comme conséquence de la demande d’asile présentée par le demandeur principal est, à mon avis, incorrecte. Étant donné que la norme applicable n’est pas celle de la perfection, il ressort de la lecture globale et contextuelle de la décision de la SPR sur l’asile que cette dernière a estimé que Mme Galindo Camayo, dont le risque était fondé sur l’exposé circonstancié de sa mère, remplissait individuellement les critères de l’asile établis par la loi, sans tenir d’audience distincte : Vavilov, précité, aux paragraphes 91 et 97. Autrement, la SPR n’aurait pas été habilitée à conclure que Mme Galindo Camayo avait qualité de personne à protéger : paragraphe 107(1) de la LIPR. La Cour d’appel fédérale a approuvé la pratique de la SPR de regrouper, dans le cadre d’une seule audience, les demandes d’asile qui reposent sur le même fondement factuel : Tobar Toledo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 226, [2015] 1 R.C.F. 215 (Toledo), aux paragraphes 49–56. Je constate que la décision dans l’arrêt Toledo a été rendue au motif que le demandeur mineur avait initialement présenté sa propre demande distincte et que les deux demandes avaient par la suite été regroupées; ce n’est pas ce qui s’est passé dans le cas de Mme Galindo Camayo. Même si cette dernière n’a pas présenté de demande distincte, la SPR a néanmoins l’obligation prévue par la loi d’évaluer la demande d’asile individuellement, quel que soit son titre dans la demande. Cela semble être plus évident dans les cas où la SPR décide, avec motifs à l’appui, que les demandeurs n’ont pas qualité de personne à protéger. Par exemple, le juge Southcott, de la Cour fédérale, a mis l’accent sur cette obligation, en concluant que, bien que le demandeur d’âge mineur soit une personne à charge dans la demande présentée dans un bureau intérieur, la SPR avait le devoir d’apprécier ses facteurs de risque séparément de ceux de son père : Puerto Rodriguez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1360, au paragraphe 12.

[28]      Par conséquent, bien que le régime de la LIPR et du RIPR puisse être plus clair en ce qui concerne les demandes d’asile présentées dans un bureau intérieur par des membres de la famille, je souscris à l’avis du ministre selon lequel Mme Galindo Camayo tombe sous le coup de l’alinéa 95(1)b) de la LIPR et que, par conséquent, la SPR a compétence pour mettre fin à son statut de personne protégée au titre du paragraphe 108(3) de la LIPR.

B.        La décision était-elle raisonnable? Cela soulève également une question connexe ou subsidiaire : la SPR a-t-elle appliqué le bon critère juridique relativement au fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité?

[29]      Mme Galindo Camayo soutient que l’un des objectifs centraux du système d’immigration canadien dans la LIPR est « l’intégration des résidents permanents au Canada » : alinéa 3(1)e) de la LIPR; Godinez Ovalle c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 935, [2016] 2 R.C.F. 3, au paragraphe 73. De plus, elle affirme que l’article 108 de la LIPR ne doit pas être interprété [largement] d’une manière qui autoriserait ou provoquerait l’exil arbitraire d’une personne ou qui entraînerait le refoulement de réfugiés vers leurs persécuteurs, ce qui serait contraire à l’article 33 de la Convention et aux normes impératives du droit international : Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44, alinéa 2a); PIDCP, Observation générale no 20, article 7 (Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), Comité des droits de l’homme des Nations Unies, 10 mars 1992, paragraphe 9, et Németh c. Canada (Justice), 2010 CSC 56, [2010] 3 R.C.S. 281, aux paragraphes 9 et 24. Elle souligne que la décision de la SPR relative à la perte de l’asile revêt une lourde finalité au sens administratif : elle ne pourra pas interjeter appel de la décision devant la Section d’appel de l’immigration (la SAI) ni devant la Section d’appel des réfugiés (la SAR); elle sera interdite de territoire, perdra son statut de résident permanent et redeviendra une étrangère, et il lui sera interdit de présenter une demande d’examen des risques avant renvoi ou une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire pendant au moins un an : sous-alinéa 25(1.2)c)(i), alinéas 46(1)c.1), 101(1)b) et 112(2)b.1), paragraphes 63(3), 108(3) et 110(2) et article 40.1 de la LIPR.

[30]      Mme Galindo Camayo affirme en outre que la SPR n’a pas examiné la question de savoir si elle avait réellement l’intention subjective de se réclamer à nouveau de la protection de son pays de nationalité : Chandrakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1997 CanLII 16770, au paragraphe 5; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Bashir, 2015 CF 51, [2015] 4 R.C.F. 336 (Bashir), au paragraphe 70; Din c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 425 (Din), aux paragraphes 37–39. La demanderesse souligne qu’elle a obtenu le statut de personne protégée avant les modifications législatives qui sont entrées en vigueur le 15 décembre 2012 avec l’adoption de la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17 (la LPSIC), laquelle assujettissait les résidents permanents à la procédure visant la perte de l’asile, et que, par conséquent, elle n’avait pas connaissance des modifications. Avant les modifications législatives, les dispositions législatives sur la perte de l’asile ne s’appliquaient pas aux personnes qui avaient obtenu le statut de résident permanent. En conséquence, elle soutient qu’il incombait à la SPR de faire preuve, selon les circonstances de chaque analyse, d’un degré de compréhension particulièrement élevé à l’égard des personnes protégées qui ont obtenu le statut de résident permanent avant l’adoption de la LPSIC : Cerna c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1074 (Cerna), aux paragraphes 19–20; Mayell c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 139 (Mayell), aux paragraphes 18–19. Mme Galindo Camayo souligne l’absence complète d’analyse dans la décision de la SPR quant à la façon dont la LPSIC aurait pu avoir une incidence sur sa compréhension des conséquences de voyager munie d’un passeport colombien, étant donné qu’elle n’avait que 17 ans lorsque cette loi est entrée en vigueur et qu’elle avait obtenu le statut de résident permanent un an plus tôt.

[31]      Selon Mme Galindo Camayo, le critère juridique correct est de savoir si, subjectivement, elle avait l’intention de se prévaloir de la protection de la Colombie en renouvelant son passeport colombien et en voyageant munie de celui-ci, et non pas de savoir si elle aurait dû être au courant du fait que l’acte de renouveler son passeport colombien, de l’utiliser ou de voyager munie de celui-ci créait une présomption selon laquelle elle se réclamait de nouveau de la protection de la Colombie : Nsende, précitée, au paragraphe 13; Din, précitée, au paragraphe 46. En d’autres termes, elle soutient que le ministre doit prouver qu’elle a eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie du fait de ses actions, ce qui exige à la fois une connaissance subjective réelle qu’une issue est possible et la poursuite délibérée de cette issue : Islam c. Canada (Sécurité publique et protection civile), 2019 CF 912, aux paragraphes 23–28. En outre, Mme Galindo Camayo affirme que la SPR a confondu le caractère volontaire du voyage avec l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie; le fait qu’une personne ait eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité n’a rien à voir avec la question de savoir si le motif du voyage était nécessaire ou justifié.

[32]      Mme Galindo Camayo soutient que la SPR a également commis une erreur en ne tenant pas compte de son état d’esprit, qui se reflète dans les efforts qu’elle a déployés pour se cacher de ses agents de persécution, lorsqu’elle a analysé la question de savoir si elle avait l’intention de se réclamer de la protection de la Colombie pendant son séjour dans ce pays. Elle affirme que les précautions prises prouvent qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie, et non le contraire : Yuan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 923 (Yuan), aux paragraphes 36–39; Peiqrishvili c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 1205 (Peiqrishvili), aux paragraphes 17, 20 et 24. De plus, Mme Galindo Camayo fait valoir que sa demande de citoyenneté, initialement présentée en 2015, témoigne d’autant plus du fait qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité : Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 459 (Li), au paragraphe 48. À cela s’ajoute le fait que, depuis qu’elle a pris connaissance des lois canadiennes sur la perte de l’asile à la suite de la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre, elle a obtenu un titre de voyage pour réfugié, a voyagé à l’extérieur du Canada uniquement munie de celui-ci et n’est pas retournée en Colombie.

[33]      Le ministre, en se référant aux directives non contraignantes des paragraphes 120 à 123 du Guide du HCR, soutient à l’inverse que, lorsqu’une personne protégée retourne dans son pays d’origine en utilisant un passeport délivré par son pays de nationalité, elle est présumée avoir eu l’intention de se réclamer de la protection de ce pays, en l’absence d’une preuve réfutant cette présomption : Abadi, précitée, aux paragraphes 16–17; Romero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 671, [2015] 3 R.C.F. 265, au paragraphe 41; Kuoch c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 979 (Kuoch), aux paragraphes 28–29. Le ministre souligne que Mme Galindo Camayo aurait pu demander et utiliser un titre de voyage pour réfugié pour ses voyages internationaux.

[34]      Le ministre affirme que la SPR a raisonnablement compris que les présomptions susmentionnées étaient réfutables, mais qu’elle n’a pas été convaincue par le témoignage et les éléments de preuve complémentaires de Mme Galindo Camayo, selon lesquels sa situation était exceptionnelle. En outre, le ministre soutient que, sauf en ce qui concerne le nombre de fois où Mme Galindo Camayo s’est rendue dans son pays de citoyenneté et dans plusieurs autres pays, les faits de l’espèce ne sont pas sensiblement différents de ceux des autres cas où la Cour a confirmé des décisions de perte de l’asile, notamment : Norouzi c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 368 (Norouzi); Abadi, précitée; Siddiqui, précitée; Balouch c. Canada (Sécurité publique et protection civile), 2015 CF 765; Kuoch, précitée; Seid c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1167 (Seid); Tung c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1224; Jing c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 104; et Abechkhrishvili c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 313.

[35]      Le ministre, faisant observer que la présomption selon laquelle une personne se réclame de nouveau de la protection de son pays de nationalité doit être réfutée selon la prépondérance des probabilités, et non pas simplement en soulevant un doute, a souligné que, contrairement à la situation dans l’affaire Cerna, dans le cas de Mme Galindo Camayo, la SPR a examiné les raisons pour lesquelles cette dernière est retournée en Colombie, mais a conclu que les explications fournies ne réfutaient pas la présomption selon laquelle la demanderesse s’était réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité : Li, précitée, au paragraphe 43. Le ministre soutient aussi qu’une distinction peut être établie entre la Mayell et la présente affaire, parce qu’il n’y a aucun élément de preuve selon lequel Mme Galindo Camayo a été informée qu’elle pouvait se rendre en Colombie à de nombreuses reprises sans compromettre son statut de personne protégée. Enfin, le ministre établit une distinction avec l’affaire Yuan, en se fondant sur le fait que, contrairement à la situation du demandeur dans cette affaire, Mme Galindo Camayo ne s’est pas cachée pendant son séjour en Colombie, et que la SPR n’a pas non plus tiré de conclusions contradictoires quant à la question de savoir si Mme Galindo Camayo avait effectivement obtenu la protection des autorités colombiennes : Yuan, précitée, aux paragraphes 2, 28–31 et 35–36.

[36]      Dans une procédure relative à la perte de l’asile, il incombe d’abord au ministre de démontrer que la personne protégée au Canada (en l’espèce, Mme Galindo Camayo) a agi volontairement et intentionnellement et s’est effectivement réclamée de la protection de son pays de nationalité : Nsende, précitée, au paragraphe 13; Seid, précitée, au paragraphe 14. Comme il s’agit d’un critère conjonctif, chaque élément doit être satisfait. Compte tenu des graves conséquences liées à la perte de l’asile, je conviens que, comme l’a fait valoir Mme  Galindo Camayo, une interprétation étroite est la seule approche raisonnable : Bashir, précitée, au paragraphe 44; Yuan, précitée, aux paragraphes 6–11.

La volonté de se réclamer de la protection de son pays de nationalité

[37]      La SPR a raisonnablement admis que, même si l’acquisition par Mme Galindo Camayo de ses passeports colombiens était involontaire, l’utilisation ultérieure de ceux-ci pour retourner en Colombie et voyager dans d’autres pays était volontaire. La demanderesse a expliqué qu’elle avait fait cela pour prendre soin de son père et pour participer à une mission humanitaire. Cependant, La SPR a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure qu’elle était obligée d’utiliser ses passeports colombiens pour effectuer ces voyages. En outre, la SPR a conclu que la capacité de son père de venir au Canada pour y chercher de l’aide médicale et un soutien familial, combinée à ses nombreux voyages au Canada, suppose que Mme Galindo Camayo n’était pas obligée de se rendre en Colombie pour s’occuper de son père et que ses voyages ne visaient pas exclusivement à s’occuper de lui. La SPR a également conclu que sa mission humanitaire, bien qu’à son honneur, avait été entreprise de son propre chef et de son plein gré. Je conclus que le raisonnement de la SPR concernant le caractère volontaire du fait de se réclamer de la protection du pays de nationalité est rationnel et cohérent en soi.

L’intention de se réclamer de la protection de son pays de nationalité et le fait de se réclamer effectivement de nouveau de la protection de ce pays

[38]      Le Guide du HCR prévoit que, pour un réfugié, l’acte de demander un passeport de son pays d’origine, ou de le renouveler et de l’utiliser, crée une présomption, en l’absence de preuve à l’effet contraire, selon laquelle le réfugié avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité et qu’il s’est effectivement réclamé de cette protection. Il en est ainsi parce qu’un passeport permet à son titulaire de voyager, à destination et en provenance de pays étrangers, sous la protection du gouvernement qui l’a délivré. La présomption est encore plus forte lorsque le réfugié retourne dans son pays d’origine, puisque, non seulement il se place sous protection diplomatique pendant son voyage, mais il confie également sa sécurité aux autorités à son arrivée : Norouzi, précitée, au paragraphe 21, Abadi, précitée, au paragraphe 16. Les juges Bédard et Boswell ont conclu que la SPR est raisonnablement en droit de s’appuyer sur cette présomption : Bashir, précitée au paragraphe 42; Yuan, précitée, aux paragraphes 30–31.

[39]      À mon avis, la SPR s’est raisonnablement appuyée sur la présomption relative à la protection de l’État, tant en ce qui concerne l’intention de Mme Camayo de se réclamer de la protection de son pays de nationalité qu’en ce qui concerne la question de savoir si elle s’est effectivement réclamée de cette protection, étant donné que la présomption survient au moment où une personne protégée acquiert, renouvelle ou utilise un passeport délivré par son pays d’origine. Toutefois, la présomption étant réfutable, il incombait à la SPR de mener un examen raisonnable pour établir si Mme Galindo Camayo l’a réfutée.

[40]      La question réelle qui se pose dans le cadre du présent contrôle judiciaire est donc la suivante : la SPR a-t-elle effectué une analyse pour établir si Mme Galindo Camayo a raisonnablement réfuté la présomption? Étant donné que l’examen est fondé sur une conclusion mixte de fait et de droit, la norme applicable est celle de la décision raisonnable : Ruiz Triana c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1431, au paragraphe 8. Les deux parties ont défendu l’applicabilité de la norme de la décision raisonnable telle qu’elle est énoncée dans l’arrêt Alberta Teachers. La norme, telle que reformulée dans l’arrêt Vavilov, continue de s’appliquer en l’espèce, la reformulation n’ayant aucune incidence sur l’issue de l’affaire devant la Cour.

[41]      Les extraits pertinents du Guide du HCR, cités par la SPR [aux paragraphes 23 et 33], concernant l’intention de se réclamer de la protection du pays de nationalité et le fait de se réclamer effectivement de nouveau de la protection de ce pays sont rédigés comme suit (soulignement ajouté) :

121. Lorsqu’on cherche à déterminer si le statut de réfugié a été perdu dans des circonstances de cet ordre, il convient d’établir une distinction entre le fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays considéré et des rapports occasionnels et fortuits avec les autorités de ce pays. Si un réfugié demande et obtient un passeport national ou le renouvellement de ce passeport, il sera présumé, en l’absence de preuves contraires, avoir voulu se réclamer à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. En revanche, l’obtention de certaines pièces auprès des autorités d’un pays, auxquelles en des circonstances analogues des non-ressortissants seraient également tenus de s’adresser, par exemple l’obtention d’un certificat de naissance ou de mariage, ou autres services de ce genre, ne peut être assimilée au fait de se réclamer à nouveau de la protection du pays en question.

122. Un réfugié qui demande la protection des autorités du pays dont il a la nationalité ne peut être considéré comme s’étant « réclamé » de cette protection que lorsque sa demande a effectivement abouti. Le cas le plus fréquent de réclamation de la protection du pays sera celui où le réfugié veut retourner dans le pays dont il a la nationalité. Il ne cessera pas d’être un réfugié du simple fait qu’il demande le rapatriement. En revanche, l’obtention d’une autorisation de rentrer dans le pays ou d’un passeport national aux fins de retourner dans le pays sera considérée, sauf preuve contraire, comme entraînant la perte du statut de réfugié. Cependant, cela n’exclut pas qu’une assistance puisse être accordée — y compris par le Haut Commissariat — à celui qui a choisi le rapatriement afin de lui faciliter le retour dans son pays

123. Un réfugié peut avoir volontairement obtenu un passeport national, avec l’intention soit de se réclamer de la protection de son pays d’origine, tout en demeurant hors de ce pays, soit de retourner dans ce pays. Comme on l’a indiqué précédemment, dès réception de ce document, l’intéressé cesse normalement d’être un réfugié. S’il renonce ultérieurement à l’une ou l’autre intention, il y aura lieu de procéder à une nouvelle détermination de sa qualité de réfugié. Il devra expliquer les raisons pour lesquelles il a changé d’avis et montrer qu’il n’y a eu aucun changement fondamental en ce qui concerne les circonstances qui, à l’origine, ont fait de lui un réfugié.

[42]      Après avoir examiné ce qui précède, la SPR a conclu que les années pendant lesquelles Mme Galindo Camayo a voyagé en Colombie et dans d’autres pays montraient son intention de se réclamer de nouveau de la protection du gouvernement colombien et le fait qu’elle s’était effectivement réclamée de nouveau de la protection de ce pays [aux paragraphes 31, 32 et 34] :

      L’intimée a admis avoir utilisé ses passeports colombiens pour se rendre en Colombie et dans d’autres pays. Le fait qu’elle ait voyagé munie de ses passeports colombiens, pas seulement en Colombie, mais ailleurs, témoigne de son intention de voyager tout en profitant de la protection du gouvernement colombien. Bien que l’obtention d’un passeport colombien ne prouve pas son intention de s’en servir, son voyage et l’utilisation du passeport à de nombreuses occasions démontrent son intention de se réclamer de nouveau de la protection du gouvernement colombien.

      Le tribunal a tenu compte des observations de l’intimée concernant son manque de connaissance des conséquences potentielles de l’utilisation de son passeport colombien pour se rendre en Colombie et dans d’autres pays. Toutefois, le tribunal estime que l’ignorance de la loi n’est pas un argument valide. L’intimée est une femme instruite et avertie qui aurait pu chercher de l’information concernant les exigences qu’elle doit respecter pour conserver son statut au Canada.

[…]

      Le tribunal estime que les années que l’intimée a passées à voyager en Colombie, à Cuba, au Mexique et aux États Unis, en se servant de ses passeports colombiens, montrent que l’intimée s’est bel et bien réclamée de nouveau de la protection de la Colombie. Le tribunal est d’avis que le fait que l’intimée soit retournée en Colombie à de nombreuses occasions à des fins qui ne sont ni suffisamment nécessaires, ni convaincantes, prouve son intention de se réclamer de nouveau de cette protection. Le tribunal estime également que l’intention de l’intimée de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie s’applique aussi aux voyages qu’elle a faits dans d’autres pays, puisque l’utilisation d’un passeport colombien pour voyager à l’étranger lui accorde la protection du gouvernement colombien dans ces pays étrangers, si les choses devaient mal tourner. Il s’agit d’une protection dont bénéficient les personnes qui voyagent à l’étranger, sachant qu’elles pourront communiquer avec le gouvernement en cas de besoin et que le pays les aidera au besoin. [Soulignement ajouté.]

[43]      Dans la décision Cerna, précitée, aux paragraphes 18–19, le juge O’Reilly a jugé qu’il était déraisonnable pour la SPR de conclure que la personne protégée avait l’intention de se réclamer de la protection de son pays de nationalité alors que cette personne, qui avait obtenu la résidence permanente avant la mise en œuvre de la LPSIC et des modifications connexes aux dispositions de la LIPR concernant la perte de l’asile, a attesté qu’elle ne connaissait pas les conséquences liées au renouvellement du passeport de son pays d’origine ni celles liées au fait de retourner dans ce pays en utilisant ce passeport et qu’elle croyait jouir de la sécurité découlant du statut de résident permanent et de la protection correspondante dont ce statut était assorti pendant qu’elle était là-bas. Soulignant le fait que « la Commission doit tenir compte des intentions subjectives des réfugiés avant de conclure qu’ils se sont réclamés de la protection de leur pays d’origine », le juge O’Reilly a conclu que « la Commission aurait dû se demander si l’élément de preuve relatif à la compréhension subjective de [la personne protégée] quant aux avantages découlant de son statut de résident permanent réfutait la présomption selon laquelle [elle] avait eu l’intention d’obtenir la protection [de son pays d’origine] en se procurant un passeport […] Sans cette analyse, la conclusion de la Commission quant à savoir [si la personne] s’était réclamé de nouveau de la protection du pays dont [elle] a la nationalité ne [constituait] pas une issue défendable au regard des faits et du droit » : Cerna, précitée, aux paragraphes 19–20. De même, dans l’affaire Mayell, précitée, aux paragraphes 17–19, le juge Zinn a conclu que la SPR avait commis une erreur en omettant d’examiner la question de savoir si le manque de compréhension subjective de la personne protégée quant au fait que ses activités pouvaient compromettre son statut au Canada permettrait de réfuter la présomption. La personne protégée, dans la décision Mayell, a reçu un avis juridique inexact; son avocat lui a indiqué que l’obtention d’un passeport afghan ne compromettrait pas son statut au Canada et qu’il était [traduction] « acceptable » de se rendre en Afghanistan.

[44]      À l’inverse, le juge Fothergill a jugé qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure que la croyance subjective de la personne protégée selon laquelle sa résidence permanente lui offrirait une protection dans son pays d’origine était insuffisante pour réfuter la présomption : Abadi, précitée, au paragraphe 19. De même, comme l’a conclu la juge Strickland, il était raisonnable pour la SPR de rejeter l’allégation selon laquelle la croyance erronée de la personne protégée, qui estimait qu’elle pouvait retourner dans son pays d’origine, était suffisante pour réfuter la présomption, étant donné qu’aucun autre élément de preuve ne montrait que la personne avait pris des mesures contre son ancien avocat : Okojie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1287 (Okojie), au paragraphe 28.

[45]      Toutefois, je note que, dans l’affaire Bashir, précitée, aux paragraphes 68–70, la juge Bédard a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle la personne protégée ayant acquis un passeport pour se rendre dans un pays tiers avait réussi à réfuter la présomption, étant donné que rien n’indiquait qu’elle avait l’intention de se réclamer de la protection de son pays de nationalité. Cela dit, la Cour a conclu, à d’autres occasions, que l’intention de bénéficier de la protection diplomatique lors d’un voyage à l’étranger, attestée par l’utilisation d’un passeport, est suffisante pour justifier la perte de l’asile : Okojie, précitée, au paragraphe 31; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Nilam, 2015 CF 1154 (Nilam), au paragraphe 33.

[46]      Même si, à première vue, plusieurs décisions de la Cour dans le domaine de la perte de l’asile semblent se contredire, il est évident que l’issue de chaque affaire dépend essentiellement des faits. Dans les circonstances en l’espèce, je conclus que la décision de la SPR concernant la question de savoir si Mme Galindo Camayo avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité était déraisonnable.

[47]      À mon avis, le Guide du HCR fournit des directives raisonnables, en matière d’interprétation, selon lesquelles des actions telles que l’acquisition et l’utilisation d’un passeport suffisent à déclencher l’application de la présomption. Toutefois, compte tenu de l’interprétation étroite applicable à l’article 108 de la LIPR et du fait que l’acte d’acquérir un passeport et/ou de s’en servir est examiné en fonction des facteurs relatifs au critère permettant d’établir si une personne s’est réclamée de la protection de son pays de nationalité, soit le caractère volontaire de l’acte et le succès à se réclamer de la protection, il était, selon moi, déraisonnable que la SPR s’appuie sur ce même ensemble de faits pour conclure que Mme Galindo Camayo avait l’intention de se réclamer de la protection de son pays de nationalité sans examiner la question de savoir si elle avait effectivement eu cette intention. Cela est évident à la lecture de la conclusion suivante figurant dans la décision de la SPR [au paragraphe 31] : « Bien que l’obtention d’un passeport colombien ne prouve pas son intention de s’en servir, son voyage et l’utilisation du passeport à de nombreuses occasions démontrent son intention de se réclamer de nouveau de la protection du gouvernement colombien. »

[48]      Le fait d’interpréter l’utilisation du passeport en soi comme remplissant les trois facteurs essentiels et conjonctifs relatifs au fait de se réclamer de la protection de son pays de nationalité (la volonté, l’intention et le succès de l’action) ne laisse aucune marge de manœuvre à Mme  Galindo Camayo pour démontrer que, bien qu’elle ait acquis et utilisé son passeport, elle n’avait pas l’intention de se réclamer de la protection de l’État. Cette approche a été rejetée dans l’affaire Bashir, précitée, aux paragraphes 67–69, et, comme il est souligné au paragraphe 67 : « une présomption supplémentaire et irréfragable d’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dès qu’un réfugié a l’intention de voyager à l’étranger avec un passeport national, sans égard aux circonstances particulières de chaque cas […] n’est pas prévue dans le Guide du HCNUR ».

[49]      En ce qui concerne la question de l’intention, les décisions Bashir (précitée, au paragraphe 70) et Nsende (précitée, au paragraphe 18) renvoient à l’extrait suivant du livre de James C. Hathaway, The Law of Refugee Status (Toronto : Butterworths, 1991), aux pages 193 à 195, qui, selon moi, contient des conseils utiles :

[traduction] Étant donné qu’il n’y a pas de lien automatique entre la délivrance ou le renouvellement d’un passeport et l’octroi de la protection, il est essentiel que la raison véritable pour laquelle le passeport est demandé fasse partie des considérations de l’autorité décisionnelle. Sauf si le motif du réfugié est véritablement la protection de ses intérêts par le pays dont il a la nationalité, l’intention requise est inexistante. [Soulignement ajouté.]

[50]      Je juge que le passage suivant de l’audience de la SPR montre que Mme Galindo Camayo n’avait pas l’intention requise de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité :

[traduction] 

Avocat du ministre : Vous avez beaucoup voyagé au moyen de vos passeports colombiens. N’avez-vous jamais pensé à obtenir un titre de voyage, étant donné que vous avez obtenu le statut de réfugié en même temps que votre famille?

Intimée : Oui, j’en ai un maintenant.

Avocat du ministre : Alors, pourquoi avez-vous fait tous ces voyages avec votre passeport colombien?

Intimée : Parce que les passeports avaient été obtenus par ma mère et que, jusqu’à récemment, je ne savais pas que je ne devais pas utiliser mon passeport colombien, et c’est pourquoi j’ai décidé d’obtenir le titre de voyage.

[51]      Mme Galindo Camayo était mineure lorsque sa mère a renouvelé son passeport pour la première fois; le passeport a ensuite été renouvelé involontairement lorsqu’elle a eu 18 ans, car les autorités colombiennes l’exigeaient, sans quoi elle n’aurait pas pu quitter le pays. Aucun élément de preuve ne montre que Mme Galindo Camayo avait une quelconque intention en tant qu’adulte lorsqu’elle a continué de faire des voyages, comme elle le faisait alors qu’elle était mineure. Rien ne prouve non plus qu’elle était consciente des modifications législatives qui ont fait en sorte que ses habitudes de voyage compromettaient son statut de personne protégée au Canada; il s’agit d’un facteur qui pourrait refléter sa crainte subjective et objective et qui doit être examiné dans ce contexte. Par conséquent, je conviens que la SPR a conclu de manière déraisonnable que « l’ignorance de la loi n’est pas un argument valide » en ce qui concerne la question de savoir si une personne visée par une procédure relative à la perte de l’asile pourrait manifester l’intention requise sans en connaître les conséquences.

[52]      Comme il a été mentionné plus haut, l’intention, dans le contexte d’une procédure relative à la perte de l’asile, ne peut être fondée uniquement sur l’intention de la personne d’accomplir l’acte en question; il faut également qu’elle comprenne les conséquences de son acte : Cerna, précitée, aux paragraphes 19–20. De plus, je juge que rien ne justifie la conclusion de la SPR, dans le cas de Mme Galindo Camayo, selon laquelle une adulte instruite et avertie aurait pu demander des renseignements sur les conditions à remplir pour maintenir son statut au Canada. Ce n’est qu’au moment où le ministre a présenté la demande de constat de perte de l’asile, après la mise en œuvre de la LPSIC, que Mme Galindo Camayo a pris conscience des graves conséquences de ses actes, qu’elle a demandé un avis juridique, qu’elle a obtenu un titre de voyage pour réfugié et qu’elle a cessé ses voyages en Colombie, ce qui témoigne de son intention à l’égard de la possibilité de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie. Je souligne également que sa crédibilité n’était pas en cause.

[53]      En outre, je note que la SPR a déclaré [au paragraphe 27] que Mme Galindo Camayo « en savait assez [sur son exposition potentielle à des préjudices ou à des menaces] pour demander à des agents d’une entreprise de sécurité privée de l’accompagner lorsqu’elle est retournée en Colombie, ce qui signifie qu’elle connaissait les dangers associés au fait de se rendre en Colombie ». Cependant, je conviens que la SPR ne s’est pas penchée sur la question de savoir si cela voulait dire que Mme Galindo Camayo pensait que l’État ne pouvait toujours pas la protéger — une question liée directement à l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité : Peiqrishvili, précitée, aux paragraphes 17–24; Yuan, précitée, au paragraphe 35. La SPR avait la possibilité de rejeter ces mesures au motif qu’elles étaient insuffisantes. Toutefois, en ne les examinant pas dans leur contexte, et en mettant plutôt l’accent sur la question de savoir si Mme Galindo Camayo aurait dû connaître le danger plutôt que sur celles de savoir si elle connaissait la possibilité et les conséquences de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité et si elle l’a tout de même fait, la SPR passe à côté de l’essentiel (de la preuve de la demanderesse, qui, prise en considération dans son ensemble, visait à démontrer qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité), ce qui est, à mon avis, déraisonnable : Din, précitée, au paragraphe 39.

VII.      Conclusion

 [54]     Il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire; la décision de la SPR du 15 mars 2019 est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR.

VIII.     Question à certifier

 [55]     Le ministre a proposé la certification de la question suivante :

[traduction] Le manque de connaissance subjective d’une personne du fait que son retour dans le pays dont elle a la nationalité, après avoir obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada, pourrait avoir des conséquences négatives sur son statut d’immigrant au Canada devrait-il être un motif suffisant pour conclure que cette personne ne s’est pas volontairement réclamée de nouveau de la protection de ce pays aux termes de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR?

[56]      À mon avis, la connaissance subjective d’une éventuelle conséquence négative n’est qu’un des facteurs à prendre en considération pour juger si une personne protégée ou un réfugié a l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. Après avoir réfléchi à cette question, je suis disposée à certifier les questions graves et interdépendantes d’importance générale suivantes :

1)         Lorsqu’une personne est reconnue comme ayant qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger du fait qu’elle est inscrite comme personne à charge dans une demande d’asile présentée dans un bureau intérieur et instruite par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), mais que la décision de la SPR ne confirme pas que la personne à charge a fait l’objet d’un examen des risques individuel ou personnalisé, cette personne a-t-elle qualité de réfugié au sens de la Convention au titre du paragraphe 95(1) de la LIPR et, par conséquent, peut-elle perdre l’asile au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR?

2)         Dans l’affirmative à la question 1, la preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci pour se rendre dans un pays tiers a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?

3)         Dans l’affirmative à la question 1, la preuve qu’un réfugié a pris des mesures pour se protéger de son agent de persécution (ou de celui du membre de sa famille qui est le demandeur d’asile principal) peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert (ou renouvelle) un passeport délivré par son pays d’origine et l’utilise pour retourner dans ce pays a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?


JUGEMENT au dossier IMM-2155-19

LA COUR DÉCLARE que

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.         La décision de la SPR du 15 mars 2019 est annulée.

3.         L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

4.         Les questions sérieuses d’importance générale suivantes sont certifiées :

1)         Lorsqu’une personne est reconnue comme ayant qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger du fait qu’elle est inscrite comme personne à charge dans une demande d’asile présentée dans un bureau intérieur et instruite par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), mais que la décision de la SPR ne confirme pas que la personne à charge a fait l’objet d’un examen des risques individuel ou personnalisé, cette personne a-t-elle qualité de réfugié au sens de la Convention au titre du paragraphe 95(1) de la LIPR et, par conséquent, peut-elle perdre l’asile au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR?

2)         Dans l’affirmative à la question 1, la preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci pour se rendre dans un pays tiers a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?

3)         Dans l’affirmative à la question 1, la preuve qu’un réfugié a pris des mesures pour se protéger de son agent de persécution (ou de celui du membre de sa famille qui est le demandeur d’asile principal) peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert (ou renouvelle) un passeport délivré par son pays d’origine et l’utilise pour retourner dans ce pays a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?


Annexe A : Dispositions pertinentes

1)         La partie 2 de la LIPR encadre le régime canadien de protection des réfugiés. Le Canada confère l’asile aux personnes qui ont qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger : LIPR, articles 95 à 97.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Asile

95 (1) L’asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :      

a) sur constat qu’elle est, à la suite d’une demande de visa, un réfugié au sens de la Convention ou une personne en situation semblable, elle devient soit un résident permanent au titre du visa, soit un résident temporaire au titre d’un permis de séjour délivré en vue de sa protection;   

b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger;   

c) le ministre accorde la demande de protection, sauf si la personne est visée au paragraphe 112(3).         

Personne protégée

(2) Est appelée personne protégée la personne à qui l’asile est conféré et dont la demande n’est pas ensuite réputée rejetée au titre des paragraphes 108(3), 109(3) ou 114(4).

    

Définition de réfugié

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :       

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.   

 

Personne à protéger

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :   

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;   

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant : 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,  

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,      

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,      

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Personne à protéger

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.  

 

2)         En première instance, la SPR est le décideur habilité à rendre une décision quant à une demande d’asile présentée au Canada : LIPR, paragraphe 107(1).

Décision

107 (1) La Section de la protection des réfugiés accepte ou rejette la demande d’asile selon que le demandeur a ou non la qualité de réfugié ou de personne à protéger.

    

3)         La SPR peut refuser d’accorder l’asile ou mettre fin à l’asile qui a déjà été accordé : LIPR, article 108.

Rejet

108 (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :         

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;         

b) il recouvre volontairement sa nationalité;  

c) il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité;         

d) il retourne volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada;      

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus.

Perte de l’asile

(2) L’asile visé au paragraphe 95(1) est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés au paragraphe (1). 

Effet de la décision

(3) Le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile.           

Exception

(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.    

 

4)         Une personne qui a été visée par la perte de l’asile n’est pas admissible aux divers autres mécanismes prévus par la LIPR : LIPR, sous-alinéa 25(1.2)c)(i), alinéas 46(1)c.1), 101(1)b) et 112(2)b.1), paragraphes 63(3) et 110(2) et article 40.1.

Exceptions

25 (1.2) Le ministre ne peut étudier la demande de l’étranger faite au titre du paragraphe (1) dans les cas suivants : 

[…]

c) sous réserve du paragraphe (1.21), moins de douze mois se sont écoulés depuis, selon le cas :        

(i) le rejet de la demande d’asile ou le prononcé de son désistement — après que des éléments de preuve testimoniale de fond aient été entendus — ou de son retrait par la Section de la protection des réfugiés, en l’absence d’appel et de demande d’autorisation de contrôle judiciaire,     

[…]

Perte de l’asile — étranger

40.1 (1) La décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant la perte de l’asile d’un étranger emporte son interdiction de territoire.         

[…]

Résident permanent

46 (1) Emportent perte du statut de résident permanent les faits suivants :          

[…]

c.1) la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant, sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d), la perte de l’asile;       

[…]

63 […]

Droit d’appel : mesure de renvoi

(3) Le résident permanent ou la personne protégée peut interjeter appel de la mesure de renvoi prise en vertu du paragraphe 44(2) ou prise à l’enquête.   

[…]

Irrecevabilité

101 (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :         

[…]

b) rejet antérieur de la demande d’asile par la Commission; 

[…]

110 […]

Restriction

(2) Ne sont pas susceptibles d’appel :      

[…]

e) la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande du ministre visant la perte de l’asile;       

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER  :

IMM-2155-19

 

INTITULÉ  :

MARIA CAMILA GALINDO CAMAYO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE  :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE  :

LE 17 DÉCEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS  :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS  :

LE 6 FÉVRIER 2020

 

COMPARUTIONS  :

Justin Jian-Yi Toh

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Michael Butterfield

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bellissimo Law Group

AVOCATS

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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