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A-414-18

2020 CAF 10

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (appelant)

c.

Zaghlol Kassab (intimé)

Répertorié : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Kassab

Cour d’appel fédérale, juges Dawson, Rennie et Rivoalen, J.C.A.—Toronto, 27 novembre 2019; Ottawa, 16 janvier 2020.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger — Appel d’une décision de la Cour fédérale, qui a accueilli une demande de contrôle judiciaire de la conclusion d’un agent des visas selon laquelle l’intimé était interdit de territoire pour avoir occupé « un poste de rang supérieur » au sein d’un régime désigné qui commettait de graves violations des droits de la personne — L’intimé est un citoyen de l’Irak et est ingénieur — Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugié parrainés au sens de la Convention outre‑frontières — Il a occupé au sein du gouvernement irakien des postes classés trois échelons sous celui de Saddam Hussein — Selon l’agent des visas, les fonctions de l’intimé ont permis de démontrer qu’il occupait un poste dont le rang se situait dans la moitié supérieure de la hiérarchie de la fonction publique du gouvernement irakien et qu’il était donc interdit de territoire — La Cour fédérale a statué qu’un examen plus exhaustif, d’un point de vue téléologique et contextuel, s’imposait pour déterminer si un fonctionnaire occupe un poste de rang supérieur dans la fonction publique — Elle a ajouté qu’il était déraisonnable d’appliquer le critère de la « moitié supérieure » — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant qu’il était nécessaire d’effectuer une analyse plus globale afin de déterminer si la personne était effectivement en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par son gouvernement ou en tirait certains avantages — La Cour fédérale a commis une erreur — Il était raisonnable pour l’agent des visas de conclure que l’intimé occupait un poste de rang supérieur dans la fonction publique irakienne et qu’il était donc interdit de territoire — L’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Adam n’appuie pas la conclusion selon laquelle certains postes énumérés à l’art. 16 nécessitent un examen des faits pour savoir si le titulaire du poste était en mesure d’exercer une influence importante ou de tirer avantage de son poste — En ce qui concerne l’art. 16d), la question est de savoir si l’intéressé est ou était un fonctionnaire ayant occupé un poste de rang supérieur — La Cour fédérale était liée par l’arrêt Adam — Elle a eu tort de ne pas adopter le critère de « moitié supérieure » à l’égard de l’art. 16d) — L’interprétation par l’agent des visas de la définition de l’expression « occuper un poste de rang supérieur » était conforme à la définition et à l’objectif de l’art. 35 de la Loi et celui de l’art. 16 du Règlement — L’interprétation de la Cour fédérale était contraire à la volonté du législateur — Les dispositions législatives n’exigent pas que l’intimé ait été en mesure d’influencer la politique du gouvernement — Il suffit qu’une personne ait occupé un poste de rang supérieur au sein de la hiérarchie de la fonction publique d’un régime désigné — Appel accueilli.

Il s’agissait d’un appel d’une décision de la Cour fédérale, qui a accueilli une demande de contrôle judiciaire de la conclusion d’un agent des visas selon laquelle l’intimé était interdit de territoire pour avoir occupé « un poste de rang supérieur » au sein d’un régime désigné qui commettait de graves violations des droits de la personne.

L’intimé est un citoyen de l’Irak et détient un doctorat en génie électrique. Lui et sa femme ont présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugiés parrainés au sens de la Convention outre‑frontières. Les parties se sont entendues sur les postes que l’intimé a occupés lorsqu’il travaillait pour le gouvernement irakien. Il a été responsable de la réhabilitation de tous les réseaux de télécommunications du secteur de l’électricité en Irak, après la première guerre du Golfe et, en sa qualité de directeur d’autres services, il a occupé un poste classé trois échelons sous celui de Saddam Hussein dans la hiérarchie. Bien que l’intimé ait reconnu avoir occupé des postes au sein du gouvernement irakien, il a affirmé que lui‑même et sa famille étaient de fervents catholiques pratiquants et qu’il n’a jamais été membre du parti Ba’ath. L’agent des visas a conclu que la foi religieuse ou l’absence de lien de l’intimé avec le parti Ba’ath n’étaient pas pertinentes. Selon l’agent des visas, il était raisonnable de conclure que les fonctions de l’intimé ont permis de démontrer qu’il occupait un poste dont le rang se situait dans la moitié supérieure de la hiérarchie de la fonction publique du gouvernement irakien et qu’il était donc interdit de territoire. La Cour fédérale a statué notamment que certains postes énumérés à l’article 16 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés ne sont pas clairement définis, notamment celui des « hauts fonctionnaires » à l’alinéa 16d). Elle a statué en outre que, puisqu’il est possible qu’une hiérarchie civile soit moins structurée qu’une hiérarchie militaire, un examen plus exhaustif, d’un point de vue téléologique et contextuel, s’impose pour déterminer si un fonctionnaire occupe un poste de rang supérieur dans la fonction publique. La Cour fédérale a ajouté qu’il était déraisonnable d’appliquer le critère de la « moitié supérieure », selon lequel si le poste est dans la moitié supérieure de l’organisation, on peut considérer qu’il est un poste de rang supérieur. Citant la décision de la Cour dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration) c. Adam, la Cour fédérale a indiqué que, s’il est déterminé qu’une personne a occupé l’un des postes énumérés à l’article 16 du Règlement, « il existe alors [...] une présomption irréfutable selon laquelle l’intéressé occupe ou occupait un poste de rang supérieur ». La Cour n’a ensuite invoqué aucune jurisprudence pour étayer l’affirmation selon laquelle la « présomption irréfutable » ne s’applique qu’à l’égard de certains postes énumérés à l’article 16 et non à tous les postes.

Il s’agissait principalement de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant qu’il était nécessaire d’effectuer une analyse plus globale afin de déterminer si la personne était effectivement en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par son gouvernement ou en tirait certains avantages.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

La Cour fédérale a commis une erreur. Il était raisonnable pour l’agent des visas de conclure que l’intimé occupait un poste de rang supérieur dans la fonction publique irakienne et qu’il était donc interdit de territoire au titre de l’alinéa 35(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Rien dans l’arrêt Adam n’appuie la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle certains postes énumérés à l’article 16 du Règlement, et non tous les postes, nécessitent un examen des faits pour savoir si le titulaire du poste était effectivement en mesure d’exercer une influence importante ou de tirer avantage de son poste. Quoi qu’il en soit, la question est de savoir si le poste de l’intéressé correspond à l’un des postes énumérés à l’article 16. En ce qui concerne l’alinéa 16d), la question est de savoir si l’intéressé est ou était un fonctionnaire ayant occupé un poste de rang supérieur. La conclusion de la Cour fédérale allait à l’encontre de la déclaration de la Cour dans l’arrêt Adam quant à la justification des dispositions législatives. Cette justification s’appuie sur le fait que les personnes qui occupent un poste de rang supérieur sont considérées comme étant en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par le gouvernement. Le jugement rendu dans l’arrêt Adam était un précédent faisant autorité pour la Cour fédérale. La Cour fédérale aurait dû suivre l’arrêt Adam tout en présentant des motifs écrits expliquant pourquoi l’arrêt a été considéré comme posant problème. La Cour fédérale a à tort déclaré qu’elle n’avait pas adopté le critère de « moitié supérieure » à l’égard de l’alinéa 16d) du Règlement. Le critère de « moitié supérieure » fait référence aux directives contenues dans le chapitre 18 du guide opérationnel Exécution de la loi (ENF), publié par Citoyenneté et Immigration Canada. Ce critère a été appliqué par la Cour fédérale sans aucune analyse contextuelle approfondie dans de nombreuses décisions. La Cour fédérale a commis une erreur de droit en omettant de faire référence à ces décisions antérieures et en ne fournissant pas de motifs convaincants qui appuient la conclusion selon laquelle elles étaient erronées.

L’interprétation par l’agent des visas de la définition de l’expression « occuper un poste de rang supérieur » était conforme à la définition et à l’objectif de l’article 35 de la Loi et celui de l’article 16 du Règlement. Compte tenu de la vaste catégorie de personnes rendues interdites de territoire aux termes de ces dispositions, le ministre dispose d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant d’accorder une dispense à l’encontre d’une interdiction de territoire en application de l’article 42.1 de la Loi. Les personnes qui n’étaient effectivement pas en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir peuvent être exemptées d’une interdiction de territoire. Leur admission ne serait pas contraire à l’objectif de la disposition législative. Il incombe au ministre d’examiner si l’admission d’un ancien fonctionnaire ayant occupé un poste de rang supérieur dans la fonction publique serait contraire à l’intérêt national. La religion, le fait que l’intimé n’était pas membre du parti Ba’ath, ainsi que sa sphère d’influence, pourraient bien être des facteurs pertinents que le ministre devra examiner lors de cette enquête. L’interprétation de la Cour fédérale, à savoir qu’un agent devrait également prendre en compte non seulement les éléments de preuve concernant les fonctions et les responsabilités de la personne concernée, mais aussi la nature du poste occupé, irait à l’encontre de l’objet d’une liste de postes de rang supérieur et serait contraire à la volonté du législateur. Tous les postes occupés par l’intimé étaient des postes de rang supérieur au sein de la fonction publique irakienne. Même si l’intimé n’était peut-être pas en mesure d’influencer la politique du gouvernement, les dispositions législatives ne l’exigent pas. S’il est convaincu qu’une personne a occupé un poste de rang supérieur au sein de la hiérarchie de la fonction publique d’un régime désigné, l’agent peut conclure raisonnablement que la personne était un « haut fonctionnaire » et une personne qui « occup[ait] un poste de rang supérieur », au sens de l’alinéa 35(1)b) de la Loi et de l’article 16 du Règlement.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19(1)l),(1.1).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 35, 42.1.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 16.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Adam, [2001] 2 C.F. 337 (C.A.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Tareen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1260, [2015] A.C.F. no 1308 (QL); Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559; McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895.

DÉCISIONS CITÉES :

Canada c. Craig, 2012 CSC 43, [2012] 2 R.C.S. 489; Ndibwami c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 924; Gebremedhin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 380; Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2012 CAF 308; dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 992; Stone c. Canada (Procureur général), 2012 CF 81; Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 R.C.S. 909; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zazai, 2004 CAF 89.

DOCTRINE CITÉE

Citoyenneté et Immigration Canada. Exécution de la loi (ENF), chapitre ENF 18 : « Crimes de guerre et crimes contre l’humanité ».

Sullivan, Ruth. Statutory Interpretation, 3e éd. Toronto : Irwin Law, 2016.

APPEL d’une décision de la Cour fédérale (2018 CF 1215), qui a accueilli une demande de contrôle judiciaire de la conclusion d’un agent des visas selon laquelle l’intimé était interdit de territoire pour avoir occupé « un poste de rang supérieur » au sein d’un régime désigné qui commettait de graves violations des droits de la personne. Appel accueilli.

ONT COMPARU :

Maria Burgos pour l’appelant.

Max Chaudhary, Loughlin Adams-Murphy et Arvin Afzali pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelant.

Chaudhary Law Office, North York (Ontario), pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        La juge Dawson, J.C.A. : Aux termes de l’alinéa 35(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C., 2001, ch. 27 [la Loi], un étranger devient interdit de territoire pour les faits suivants :

Atteinte aux droits humains et internationaux

35 (1) […]

b) occuper un poste de rang supérieur au sens du règlement — au sein d’un gouvernement qui, de l’avis du ministre, se livre ou s’est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou commet ou a commis un génocide, un crime contre l’humanité ou un crime de guerre au sens des paragraphes 6(3) à (5) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre; [Soulignements ajoutés.]

[2]        L’expression « occup[er] un poste de rang supérieur » est définie à l’article 16 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) :

Application de l’alinéa 35(1)b) de la Loi

16 Pour l’application de l’alinéa 35(1)b) de la Loi, occupent un poste de rang supérieur les personnes qui, du fait de leurs fonctions — actuelles ou anciennes —, sont ou étaient en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par leur gouvernement ou en tirent ou auraient pu en tirer certains avantages, notamment :

a) le chef d’État ou le chef du gouvernement;

b) les membres du cabinet ou du conseil exécutif;

c) les principaux conseillers des personnes visées aux alinéas a) et b);

d) les hauts fonctionnaires;

e) les responsables des forces armées et des services de renseignement ou de sécurité intérieure;

f) les ambassadeurs et les membres du service diplomatique de haut rang;

g) les juges. [Soulignements ajoutés.]

[3]        Comme je l’expliquerai plus en détail ci-dessous, la question principale soulevée dans le présent appel est de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que, même si une personne était un haut fonctionnaire d’un gouvernement désigné, pour que cette personne soit réputée interdite de territoire, il était nécessaire d’effectuer une analyse plus globale afin de déterminer si la personne était effectivement en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par son gouvernement ou en tirait ou aurait pu en tirer certains avantages.

[4]        Pour les motifs exposés ci-dessous, j’ai conclu que la Cour fédérale a commis une erreur.

Contexte factuel

[5]        Pour qu’une personne soit interdite de territoire au titre de l’alinéa 35(1)b), le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile doit désigner le gouvernement pour lequel elle travaille ou a travaillé comme un régime qui se livre ou s’est livré au « terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou commet ou a commis un génocide, un crime contre l’humanité ou un crime de guerre ». À ce jour, 11 régimes ont été désignés. Dans le présent appel, il est pertinent de noter que les gouvernements d’Ahmed Hassan Al-Bakr et de Saddam Hussein, au pouvoir en Irak entre 1968 et le 22 mai 2003, sont des gouvernements désignés.

[6]        L’intimé, Zaghlol Kassab, est un citoyen de la République d’Irak et un ingénieur qui détient un doctorat en génie électrique. Entre avril 1969 et juin 2000, il a travaillé pour les gouvernements d’Ahmed Hassan Al-Bakr et de Saddam Hussein au sein desquels il a occupé différents postes.

[7]        L’intimé et sa femme ont présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugiés parrainés au sens de la Convention outre-frontières. Bien qu’un agent des visas ait conclu que l’intimé et sa femme répondaient chacun à la définition de réfugié au sens de la Convention, il a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que l’intimé était interdit de territoire, car il « occup[ait] un poste de rang supérieur » au sein d’un régime désigné qui commettait de graves violations des droits de la personne.

[8]        L’intimé a contesté avec succès la conclusion d’interdiction de territoire devant la Cour fédérale. Pour les motifs cités dont la référence est 2018 CF 1215 [motifs], la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire, a renvoyé l’affaire à un autre agent des visas aux fins de réexamen et a certifié la question suivante :

Au moment de déterminer si, aux termes de l’alinéa 35(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, une personne occupe un poste de rang supérieur au sens du Règlement compte tenu du fait qu’elle pourrait être un haut fonctionnaire visé à l’alinéa 16d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, l’agent peut-il conclure que cette personne est un haut fonctionnaire en se fondant exclusivement sur le fait que son poste se situe dans la moitié supérieure de la hiérarchie gouvernementale, en dépit d’éléments de preuve valables établissant qu’elle n’était pas en mesure d’exercer une influence significative ni de tirer avantage de son poste, ou doitil effectuer une analyse globale et tenir compte de tels éléments de preuve?

[9]        La Cour est saisie d’un appel interjeté par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration du jugement de la Cour fédérale.

[10]      Qui plus est, les parties s’entendent sur les postes que l’intimé a occupés lorsqu’il travaillait pour le gouvernement irakien. À la demande de l’agent des visas, l’intimé a fourni des documents où sont précisés le titre de chaque poste qu’il a occupé au sein du gouvernement, la période à laquelle il a occupé chaque poste, les tâches pour le poste et, pour chaque poste, le nombre de personnes occupant un poste de rang supérieur au sien, dans la structure hiérarchique, ainsi que le nombre de personnes occupant un poste de rang inférieur au sien ou qu’il supervisait.

[11]      Ces postes ont fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’agent des visas et ils ont été énumérés dans la lettre d’équité procédurale transmise à l’intimé.

[12]      Premièrement, entre avril 1991 et septembre 1993, l’intimé a occupé le poste d’ingénieur en chef relevant du [traduction] « directeur général de la production énergétique ». L’intimé a été responsable de la réhabilitation de tous les réseaux de télécommunications du secteur de l’électricité en Irak, après la première guerre du Golfe. Il a supervisé 10 équipes composées au total de 90 ingénieurs et techniciens.

[13]      Deuxièmement, entre octobre 1993 et décembre 1994, l’intimé a été [traduction] « chef du service de télécommunications et directeur du centre des systèmes électroniques ». L’intimé était responsable des services de télécommunications offerts [traduction] « aux entités du ministère de l’Industrie ». Pendant cette période, le centre était supervisé par la Commission d’industrialisation militaire. L’intimé occupait un poste classé trois échelons sous celui de Saddam Hussein dans la hiérarchie.

[14]      Enfin, entre janvier 1995 et août 1995, l’intimé a été [traduction] « directeur du centre des systèmes électroniques ». L’intimé était responsable des services informatiques, de télécommunications et de contrôle pour les [traduction] « entités du ministère de l’Industrie ». Là encore, l’intimé occupait un poste classé trois échelons sous celui de Saddam Hussein dans la hiérarchie.

[15]      Bien que l’intimé ait reconnu avoir occupé ces postes et d’autres postes de rang supérieur au sein du gouvernement irakien et avoir exécuté les tâches relatives à chacun de ces postes, il a affirmé que lui-même et sa famille étaient et sont de fervents catholiques pratiquants et qu’il n’a jamais été membre du parti Ba’ath. L’intimé a allégué que ces faits ont donné lieu à des restrictions informelles importantes apportées à sa mobilité et à sa capacité à influencer l’exercice du pouvoir par son gouvernement au sein de la fonction publique irakienne. C’est la preuve de la capacité de l’intimé à influencer l’exercice du pouvoir ou à pouvoir en tirer certains avantages qui a été examinée par la Cour fédérale et qui a été mentionnée dans la question certifiée.

Décision de l’agent des visas

[16]      L’agent des visas a conclu que la foi religieuse ou l’absence de lien de l’intimé avec le parti Ba’ath n’étaient pas pertinentes. Par conséquent, l’agent des visas n’a pas estimé que la déclaration de l’intimé, selon laquelle il n’avait aucun pouvoir décisionnel dans l’exercice de ses fonctions, était crédible. Selon l’agent des visas, l’intimé a occupé plusieurs postes de direction, de sorte que, même s’il n’a pas atteint les plus hauts échelons de la fonction publique irakienne, il était raisonnable de conclure que ses fonctions ont permis de démontrer qu’il occupait un poste dont le rang se situait dans la moitié supérieure de la hiérarchie de la fonction publique du gouvernement irakien. Par conséquent, l’agent des visas a estimé que l’intimé était interdit de territoire.

La décision de la Cour fédérale

[17]      La Cour fédérale a affirmé à juste titre que la norme de contrôle à appliquer à la décision de l’agent des visas est celle de la décision raisonnable (motifs, au paragraphe 17).

[18]      Après avoir énoncé les dispositions législatives applicables, la Cour fédérale a fait l’analyse contenue dans les paragraphes [25 à 33] suivants :

Compte tenu de la jurisprudence dont je dispose, l’analyse qu’un agent doit entreprendre pour déterminer si un individu donné occupe un poste de rang supérieur – au sens du règlement – visé à l’alinéa 35(1)b) de la LIPR comporte deux étapes.

À la première étape de l’analyse, l’agent doit déterminer si l’intéressé a occupé l’un des postes énumérés à l’article 16 du Règlement. Si tel est le cas, il existe alors – comme l’a fait remarquer avec raison le défendeur – une présomption irréfutable selon laquelle l’intéressé occupe ou occupait un poste de rang supérieur (Hussein c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 759, au paragraphe 14 [Hussein], citant Canada (Ministre de Citoyenneté et Immigration) c. Adam, [2001] 2 CF 337 (CA), au paragraphe 7 [Adam]). L’alinéa 35(1)b) a pour cette raison souvent été décrite comme une disposition de responsabilité absolue (Younis c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1157, au paragraphe 28). S’il détermine que l’intéressé n’a pas occupé l’un des postes énumérés, l’agent peut alors se demander s’il était malgré tout en mesure d’influencer sensiblement les actions et politiques du régime en place ou s’il a pu en tirer certains avantages (Kojic c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 816, au paragraphe 18 [Kojic]).

Si l’agent détermine que l’intéressé occupe ou occupait un poste de rang supérieur au sens du règlement, il doit alors passer à la deuxième étape de l’analyse, qui consiste à appliquer l’alinéa 35(1)b) de la LIPR. À ce stade, la personne réputée occuper ou avoir occupé un poste de rang supérieur n’a pas la possibilité de démontrer qu’elle n’était pas en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par son gouvernement même si elle jouissait en principe de hautes responsabilités : Hussein, précité, au paragraphe 14.

Bien que la seconde étape de cette analyse soit simple, il n’en va pas nécessairement de même pour la première. Dans l’arrêt Adam, la personne en cause était un ministre de cabinet dans un régime désigné. Dans un tel cas, ou dans celui d’un juge ou d’un chef d’État, par exemple, la première étape de l’analyse à suivre est tout à fait claire : le poste en question est manifestement mentionné à l’article 16 du Règlement, de sorte que son titulaire occupe un poste de rang supérieur au sens du règlement. Il s’agit là, de fait, d’une responsabilité absolue.

Cependant, plusieurs des autres postes énumérés à l’article 16 sont moins clairement définis, notamment celui des « hauts fonctionnaires » à l’alinéa 16d). Dans le cas des alinéas concernés, il est possible que l’intitulé du poste ne permette pas à lui seul de déterminer si la personne occupe ou occupait un poste parmi ceux énumérés. Par conséquent, un examen plus approfondi est nécessaire pour pouvoir déterminer si cette personne est visée par l’alinéa relatif aux « hauts fonctionnaires ».

Comme le souligne le défendeur, des décisions antérieures de la Cour ont établi l’approche qu’il convient d’adopter aux fins de cet examen plus approfondi à l’égard de l’alinéa 16e), lequel concerne les responsables des forces armées. S’il peut être démontré que le poste de l’intéressé se situe dans la moitié supérieure de la hiérarchie militaire, ce dernier est alors considéré comme un responsable des forces armées au sens de l’alinéa 16e) (Sekularac c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 381, au paragraphe 15).

Cependant, ni la Cour ni la Cour d’appel fédérale ne semblent avoir adopté une telle approche à l’égard de l’alinéa 16d). Puisqu’il est possible qu’une hiérarchie civile soit moins structurée qu’une hiérarchie militaire, un examen plus exhaustif, d’un point de vue téléologique et contextuel, s’impose pour déterminer si un fonctionnaire occupe un poste de rang supérieur dans la fonction publique. L’agent peut se demander si l’intitulé du poste relève de la moitié supérieure de la hiérarchie gouvernementale (le critère de la moitié supérieure), mais il lui faut également prendre en compte non seulement les éléments de preuve concernant les fonctions et les responsabilités de la personne concernée, mais aussi la nature du poste occupé.

Je prends acte du Guide ENF 18 Crimes de guerre et crimes contre l’humanité (le guide), qui fournit aux agents des visas des directives concernant l’analyse à effectuer au titre de l’alinéa 35(1)b) de la LIPR. L’extrait suivant du guide est reproduit dans l’évaluation de la DESN :

Outre la preuve nécessaire, on doit établir que le poste est de rang supérieur. À cette fin, on doit situer le poste dans la hiérarchie où le fonctionnaire travaille. [...] Si l’on peut prouver que le poste est dans la moitié supérieure de l’organisation, on peut considérer qu’il est un poste de rang supérieur. Un autre moyen de l’établir est celui des preuves de responsabilités liées au poste et du type de travail effectué ou des types de décisions prises (à défaut d’être prises par le demandeur, par les titulaires de postes analogues).

Malgré ce que prévoit le guide, dans une affaire comme celle de l’espèce, où il est question d’un fonctionnaire ayant occupé un poste de rang supérieur et où il existe des éléments de preuve extrêmement pertinents tendant à démontrer qu’il n’était pas en mesure d’exercer [sic] une influence importante ni de tirer avantage de son poste, il est déraisonnable de s’appuyer exclusivement sur le critère de la moitié supérieure. [Non souligné dans l’original.]

[19]      Même si la question en litige était le caractère raisonnable de l’interprétation par l’agent de l’alinéa 35(1)b) de la Loi, puis de l’alinéa 16d) du Règlement, la Cour fédérale n’a pas, dans ses motifs, examiné la question de savoir si la décision de l’agent des visas était conforme aux principes d’interprétation législative, ainsi qu’au texte, au contexte et à l’objet des dispositions législatives applicables.

[20]      Comme le ministre l’affirme et comme il est expliqué ci-dessous, les motifs de la Cour fédérale sont problématiques à l’égard d’au moins deux éléments importants.

La Cour fédérale a commis une erreur de droit

[21]      Premièrement, la Cour fédérale a correctement indiqué, aux paragraphes 26 et 27, la nature de l’analyse à effectuer. Citant la décision de notre Cour dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration) c. Adam, [2001] 2 C.F. 337(C.A.), la Cour fédérale a indiqué que, s’il est déterminé qu’une personne a occupé l’un des postes énumérés à l’article 16 du Règlement, « il existe alors [...] une présomption irréfutable selon laquelle l’intéressé occupe ou occupait un poste de rang supérieur ». La Cour n’a ensuite invoqué aucune jurisprudence pour étayer l’affirmation avancée au paragraphe 29 des motifs selon laquelle la « présomption irréfutable » ne s’applique qu’à l’égard de certains postes énumérés à l’article 16 et non à tous les postes.

[22]      Dans l’arrêt Adam, l’une des questions traitées par notre Cour était de savoir si l’alinéa 19(1)l) et le paragraphe 19(1.1) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, alors en vigueur, « cont[enaient] une présomption réfutable ».

[23]      Les dispositions alors en cause étaient rédigées ainsi :

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

[…]

l) celles qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d’un gouvernement qui, de l’avis du ministre, se livre ou s’est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à des crimes de guerre ou contre l’humanité, au sens du paragraphe 7(3.76) du Code criminel, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

     (1.1) Les personnes visées par l’alinéa (1)l) sont celles qui, du fait de leurs présentes ou anciennes fonctions, sont ou étaient en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par leur gouvernement, notamment :

a) le chef d’État ou le chef du gouvernement;

b) les membres du cabinet ou du conseil exécutif;

c) les principaux conseillers des personnes visées aux alinéas a) et b);

d) les hauts fonctionnaires;

e) les responsables des forces armées, des services de renseignement ou de la sécurité intérieure;

f) les ambassadeurs et les membres du service diplomatique de haut rang;

g) les juges. [Soulignements ajoutés.]

[24]      Les dispositions, bien qu’elles ne soient pas identiques, sont essentiellement similaires à celles qui sont ici en cause.

[25]      Au paragraphe 8 des motifs de la Cour, dans l’arrêt Adam, la majorité, citant avec approbation une décision antérieure de la Cour fédérale, a précisé ce qui suit concernant le régime législatif :

[...] Le but des dispositions législatives est de considérer les membres supérieurs ou les fonctionnaires d’un gouvernement comme des personnes qui étaient en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par leur gouvernement, de sorte qu’ils doivent être tenus responsables des actes répréhensibles de celui-ci. Les personnes occupant certains postes au sein d’un gouvernement sont présumées être des membres supérieurs de celui-ci ou des fonctionnaires supérieurs à son service à cette fin. C’est pour cette raison que le requérant, en qualité d’ambassadeur, a été considéré comme une personne visée par l’alinéa 19(1))l. [Non souligné dans l’original.][26]   Au paragraphe 11 des motifs de la Cour, la majorité a conclu que la Cour fédérale « a correctement décidé que l’alinéa 19(1)l) ne contient pas de présomption réfutable et que la Commission a commis une erreur en jugeant qu’il en contenait une ».

[27]      Rien dans l’arrêt Adam n’appuie la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle, en l’espèce, certains postes énumérés à l’article 16 du Règlement, et non tous les postes, nécessitent un examen des faits pour savoir si le titulaire du poste était effectivement en mesure d’exercer une influence importante ou de tirer avantage de son poste. Quoi qu’il en soit, la question est de savoir si le poste de l’intéressé correspond à l’un des postes énumérés à l’article 16 du Règlement. En ce qui concerne l’alinéa 16d), la question est de savoir si l’intéressé est ou était un fonctionnaire ayant occupé un poste de rang supérieur.

[28]      La conclusion de la Cour fédérale va à l’encontre de la déclaration de notre Cour dans l’arrêt Adam quant à la justification des dispositions législatives. Cette justification s’appuie sur le fait que les personnes qui occupent un poste de rang supérieur sont considérées, du fait de leurs fonctions, comme étant en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par le gouvernement. Ainsi, les personnes occupant certains postes sont, du fait de leurs fonctions, réputées occuper un poste de rang supérieur.

[29]      De même, la déclaration de notre Cour, selon laquelle l’alinéa 19(1)l) ne contenait pas une présomption réfutable, s’appliquait à toutes les personnes correspondant à la définition de « [personnes] qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d’un gouvernement ». Contrairement à la Cour fédérale, notre Cour n’a pas établi une distinction entre les exemples représentatifs alors énumérés au paragraphe 19(1.1) de la Loi [Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2].

[30]      Le jugement rendu dans l’arrêt Adam était un précédent faisant autorité pour la Cour fédérale et celle-ci a commis une erreur en ne le suivant pas. Dans la mesure où la Cour fédérale estimait que l’arrêt Adam posait problème, au lieu d’affirmer qu’elle écartait le jugement, la Cour fédérale aurait dû le suivre tout en présentant des motifs écrits expliquant pourquoi l’arrêt a été considéré comme posant problème (Canada c. Craig, 2012 CSC 43, [2012] 2 R.C.S. 489, au paragraphe 21).

[31]      La préoccupation suivante, qui est liée à cette préoccupation, est la déclaration erronée de la Cour fédérale, au paragraphe 31, selon laquelle celle-ci n’a pas adopté le critère de « moitié supérieure » à l’égard de l’alinéa 16d) du Règlement.

[32]      Le critère de « moitié supérieure » fait référence aux directives contenues dans le chapitre 18 du guide opérationnel [Exécution de la loi (ENF)], publié par ce qui était autrefois Citoyenneté et Immigration Canada et traitant des « Crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Ce guide indique ce qui suit à l’égard des personnes décrites aux alinéas 16c), d), e) et des membres du service diplomatique de haut rang décrits à l’alinéa 16f) :

À cette fin, on doit situer le poste dans la hiérarchie où le fonctionnaire travaille. On peut trouver des exemplaires d’organigrammes dans des ouvrages comme Europa World Year Book et Encyclopedia of the Third World, Country Reports on Human Rights Practices (du Département d’État des É.-U.). Si l’on peut prouver que le poste est dans la moitié supérieure de l’organisation, on peut considérer qu’il est un poste de rang supérieur.

[33]      Contrairement à la conclusion de la Cour fédérale en l’espèce, le critère de la « moitié supérieure » a été appliqué par la Cour fédérale sans aucune analyse contextuelle approfondie des décisions suivantes relatives à l’interdiction de territoire pour exercice de la fonction de haut fonctionnaire :

Ndibwami c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 924

Gebremedhin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 380

[34]      Dans la décision Tareen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1260, [2015] A.C.F. no 1308 (QL), bien que la Cour fédérale n’ait pas fait référence au critère de la « moitié supérieure », elle a écrit ce qui suit, au paragraphe 40 :

Les hauts fonctionnaires comptent parmi les personnes qui sont en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par leur gouvernement ou d’en tirer certains avantages. La conclusion qu’une personne est ou a été un haut fonctionnaire d’un gouvernement visé à l’alinéa 35(1)b) de la LIPR suffit pour conclure à l’interdiction de territoire. Tout comme dans le cas de l’alinéa 34(1)f), les personnes déclarées interdites de territoire en vertu de cette disposition peuvent demander une dispense ministérielle. Par conséquent, l’arrêt Ezokola n’est d’aucun secours pour les demandeurs. L’agent n’avait pas l’obligation de se demander si M. Tareen s’était fait complice du régime des talibans. Il était uniquement tenu de se demander si M. Tareen occupait un poste de rang supérieur au sein de ce régime au sens de l’article 16 du Règlement. [Non souligné dans l’original.]

[35]      La doctrine de la courtoisie judiciaire a pour effet d’empêcher que la même question de droit soit tranchée différemment par les membres du même tribunal. Cette doctrine promeut la certitude et la prévisibilité du droit. La doctrine est une manifestation du principe du stare decisis. La Cour fédérale a appliqué la doctrine, en concluant que, bien que les décisions rendues par d’autres juges aient une force persuasive et qu’une grande importance doive leur être accordée, le juge peut écarter une décision antérieure lorsqu’il est convaincu que celle-ci est erronée et qu’il peut fournir des motifs convaincants à l’appui de cette opinion (Apotex Inc. c. Allergan Inc., 2012 CAF 308, au paragraphe 47, citant dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 992, au paragraphe 29 et Stone c. Canada (Procureur général), 2012 CF 81, au paragraphe 12).

[36]      À mon avis, la Cour fédérale a commis une erreur de droit en omettant de faire référence à ces décisions antérieures contradictoires et en ne fournissant pas de motifs convaincants qui appuient la conclusion selon laquelle la jurisprudence antérieure était erronée.

[37]      Compte tenu de l’importance de la doctrine du stare decisis, j’ai abordé de façon assez détaillée les motifs de la Cour fédérale. Cependant, il est bien établi que, lors d’un appel devant notre Cour d’une décision rendue par la Cour fédérale en matière de contrôle judiciaire d’une décision d’un décideur administratif, notre Cour doit se « met[tre] à la place » de la Cour fédérale et se concentrer sur la décision du décideur administratif (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 46 et 47). En l’espèce, notre Cour doit examiner si l’interprétation par l’agent des visas de l’expression « occuper un poste de rang supérieur » était une interprétation « que permet raisonnablement » le libellé de la Loi et du Règlement. (McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895, au paragraphe 40).

L’interprétation par l’agent des visas de l’expression « occuper un poste de rang supérieur » et l’application de cette expression aux faits qui lui ont été présentés étaient-elles raisonnables?

[38]      Comme je l’ai expliqué, l’agent des visas a appliqué le critère de la « moitié supérieure ». L’intimé ayant occupé, sans aucun doute, des postes situés dans la « moitié supérieure » de la fonction publique du gouvernement irakien, l’agent des visas a conclu que l’intimé avait été un haut fonctionnaire au sein d’un régime désigné. L’intimé était donc visé par la définition de l’expression « occuper un poste de rang supérieur » et était interdit de territoire en vertu de l’alinéa 35(1)b) de la Loi. Selon l’interprétation par l’agent de la définition de l’expression, la religion et l’affiliation politique de l’intimé n’étaient pas pertinentes.

[39]      Je m’arrête ici pour souligner que l’agent des visas n’a pas procédé à une interprétation législative avant de conclure que ni la foi religieuse ni l’absence de lien avec le parti Ba’ath de l’intimé n’étaient pertinentes. Il a plutôt appliqué les lignes directrices du guide opérationnel approprié. Ce guide, comme l’indique le paragraphe 32 ci-dessus, expliquait que, pour déterminer si un poste était de rang supérieur, un agent devait examiner si le poste était dans la moitié supérieure de la hiérarchie de l’organisation.

[40]      La Cour fédérale a conclu qu’il était déraisonnable d’appliquer le critère de la « moitié supérieure » à un haut fonctionnaire lorsque les éléments de preuve tendaient à démontrer qu’il n’était, en fait, pas en mesure d’exercer une influence importante ni de tirer avantage de son poste.

[41]      La décision de l’agent des visas était fondée sur son interprétation de l’expression « occuper un poste de rang supérieur ». Il s’ensuit que, pour évaluer le caractère raisonnable de la décision de l’agent, il est nécessaire de prendre en compte les considérations juridiques ou de fait auxquelles l’agent des visas a été assujetti. Cela comprend le guide opérationnel accessible au public, le régime législatif applicable et les principes d’interprétation législative.

[42]      J’examinerai d’abord le guide opérationnel. Ce guide éclaire plus en détail la décision de l’agent des visas. En outre, on considère que les lignes directrices, telles que celles contenues dans le guide, donnent une indication utile de ce qui constitue une interprétation raisonnable d’une disposition donnée de la Loi (Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 R.C.S. 909, au paragraphe 32). Cela dit, ces lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes.

[43]      J’examinerai ensuite les principes d’interprétation législative, non pas dans le but d’effectuer une analyse de novo, mais plutôt pour se demander si la décision de l’agent des visas est conforme au texte, au contexte et à l’objet des dispositions pertinentes.

[44]      Quant au libellé pertinent, l’alinéa 35(1)b) de la Loi rend un résident permanent ou étranger interdit de territoire en raison de son statut. La disposition exige la tenue d’une enquête pour savoir si une personne occupe ou a occupé un certain poste, à savoir un « poste de rang supérieur ». Ce doit être mis en contraste avec l’alinéa 35(1)a) de la Loi qui rend une personne interdite de territoire en raison de ses propres actions : commettre, hors du Canada, une certaine infraction. Aucune responsabilité directe de ce type n’est exigée en ce qui concerne l’alinéa 35(1)b).

[45]      L’article 16 du Règlement donne une définition non exhaustive de l’expression « occuper un poste de rang supérieur ». En grande partie aux fins du présent appel, « occupent un poste de rang supérieur » les personnes « qui, du fait de leurs fonctions — actuelles ou anciennes —, sont ou étaient en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par leur gouvernement ». Puis la suite de la définition inclut expressément les « hauts fonctionnaires ».

[46]      Dans la troisième édition de son ouvrage Statutory Interpretation (Toronto : Irwin Law, 2016), à la page 80, la professeure Ruth Sullivan explique que les définitions non exhaustives [traduction] « sont généralement introduites par l’expression ‘inclut’ ou ‘n’inclut pas’, suivie d’une consigne qui constitue un ajout ou un retranchement par rapport au sens ordinaire (ou technique) du terme défini ». Elle fournit l’exemple suivant :

[traduction] Dans la présente partie, le terme « filets » inclut les casiers à crabes et les casiers à homards. En revanche, il n’inclut pas les filets maillants.

[47]      La professeure Sullivan donne ensuite l’explication suivante [à la page 80] :

[traduction] Cette définition présuppose que la personne qui interprète sait ou sera en mesure d’établir le sens ordinaire du terme « filets » dans ce contexte. La définition ne vise pas à donner un sens figé du terme « filets », mais plutôt à veiller à ce que les dispositions régissant l’utilisation des filets s’appliquent aussi bien aux casiers à crabes qu’aux casiers à homards, qui sont des équivalents fonctionnels, et non aux filets maillants qui sont censés être régis par des règlements différents.

[48]      En appliquant ce principe à la définition de l’expression « occuper un poste de rang supérieur », la définition est formulée de manière à veiller à ce que les « hauts fonctionnaires » soient inclus dans la définition d’une personne « occup[ant] un poste de rang supérieur ». Quoi qu’il en soit, l’enquête doit porter sur la question de savoir si un membre de la fonction publique peut être considéré comme un « haut fonctionnaire ». « [D]u fait de leurs fonctions — actuelles ou anciennes — », les hauts fonctionnaires sont réputés être ou avoir été « en mesure d’influencer sensiblement » le régime.

[49]      La définition inclut également, à titre de personnes occupant un poste de rang supérieur, celles qui, bien qu’elles n’occupent ou n’aient pas occupé un poste parmi ceux énumérés, sont ou étaient effectivement en mesure d’exercer une influence importante ou de tirer avantage de leur poste.

[50]      L’interprétation par l’agent des visas de la définition de l’expression « occuper un poste de rang supérieur » était conforme à la définition.

[51]      J’examinerai maintenant l’objectif de l’article 35 de la Loi et celui de l’article 16 du Règlement. L’article 35 est une disposition d’interdiction de territoire qui vise à exclure les personnes ayant pris part à des violations des droits de la personne ou du droit international. L’article 16 a pour objet d’apporter plus de clarté concernant les personnes visées par cette exclusion en raison du poste qu’elles occupent dans un régime désigné. Les principaux conseillers des chefs de gouvernement et de cabinet, les hauts fonctionnaires et les membres des forces armées et du service diplomatique de haut rang, entre autres, sont interdits de territoire. On a élargi la définition pour éviter de se heurter aux difficultés de réunir des éléments de preuve posées par le fait de devoir établir qu’une personne en particulier influence ou a influencé l’exercice du pouvoir par le gouvernement.

[52]      Dans l’arrêt Adam, au paragraphe 8, la majorité de la Cour a souscrit à la déclaration selon laquelle l’objet ou l’objectif de la disposition législative antérieure était « d’éviter, dans la mesure du possible, que le Canada ne devienne un refuge pour les personnes qui se sont livrées à des actes de terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à des crimes de guerre ou contre l’humanité ». J’admets que cela demeure l’objectif des dispositions législatives actuelles. J’ajouterais à cela que l’objectif est aussi d’empêcher l’admission au Canada de personnes qui, du fait de leurs fonctions — actuelles ou anciennes — , dans un régime désigné, sont réputées être ou avoir été en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par leur gouvernement. L’objectif de la disposition est de rendre ces personnes responsables des mesures prises par leur gouvernement et de les interdire de territoire.

[53]      L’interprétation par l’agent de la définition concorde avec cet objectif.

[54]      Enfin, j’examinerai le contexte de la disposition législative. À mon avis, il existe deux facteurs contextuels importants.

[55]      Le premier facteur est mentionné à l’article 42.1 de la Loi. Il permet au ministre responsable, sur demande d’un étranger ou de sa propre initiative, entre autres, de « déclarer que les faits visés [...], aux alinéas [...] 35(1)b) […] n’emportent pas interdiction de territoire à l’égard de l’étranger ». Le ministre peut faire une telle déclaration s’il est convaincu qu’elle « ne serait pas contraire à l’intérêt national ».

[56]      Le paragraphe 42.1(3) précise ce qui suit :

42.1 […]

Considérations

(3) Pour décider s’il fait la déclaration, le ministre ne tient compte que de considérations relatives à la sécurité nationale et à la sécurité publique sans toutefois limiter son analyse au fait que l’étranger constitue ou non un danger pour le public ou la sécurité du Canada. [Soulignements ajoutés.]

[57]      La pertinence de l’article 42.1 est la suivante. L’effet combiné de l’alinéa 35(1)b) de la Loi et de l’article 16 du Règlement est que les hauts fonctionnaires sont réputés être en mesure d’exercer une influence importante sur leur gouvernement du fait du poste qu’ils occupent. Compte tenu de la vaste catégorie de personnes rendues interdites de territoire aux termes de ces dispositions, le ministre dispose d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant d’accorder une dispense à l’encontre d’une interdiction de territoire. L’article 42.1 permet cela et reconnaît que, dans un cas particulier, l’admission d’un fonctionnaire occupant un poste de rang supérieur dans la fonction publique peut ne pas être contraire à l’intérêt national du Canada. L’enquête sur l’intérêt national doit être à portée limitée : l’admission d’une personne en particulier donnerait-elle lieu à des préoccupations en matière de sécurité à l’échelle nationale ou internationale ou de sécurité publique? La portée étroite de l’enquête permet aux intéressés qui, bien qu’ils ne sont ou n’étaient pas en mesure de tirer avantage du poste qu’ils occupent ou occupaient ou d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir, de faire valoir que leur admission ne serait pas contraire à l’intérêt national du Canada. Autrement dit, les personnes qui n’étaient effectivement pas en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir peuvent être exemptées d’une interdiction de territoire. Leur admission ne serait pas contraire à l’objectif de la disposition législative.

[58]      Le facteur contextuel appuie le caractère raisonnable de l’interprétation faite par l’agent. Il incombe au ministre d’examiner plus tard si l’admission d’un ancien fonctionnaire ayant occupé un poste de rang supérieur dans la fonction publique serait contraire à l’intérêt national. La religion, le fait que l’intimé n’était pas membre du parti Ba’ath, ainsi que sa sphère d’influence, pourraient bien être des facteurs pertinents que le ministre devra examiner lors de cette enquête.

[59]      Le deuxième facteur contextuel concerne l’alinéa 16b) du Règlement, dans le contexte des autres postes énumérés à l’article 16.

[60]      La Cour fédérale a estimé que, pour plusieurs des postes mentionnés, comme celui de chef d’État ou de ministre de cabinet, « le poste en question est manifestement mentionné à l’article 16 du Règlement, de sorte que son titulaire occupe un poste de rang supérieur au sens du règlement. Il s’agit là, de fait, d’une responsabilité absolue » (motifs, au paragraphe 28). Cependant, pour d’autres postes mentionnés, « un examen plus exhaustif [...] s’impose [...]. L’agent [...] [doit] également prendre en compte non seulement les éléments de preuve concernant les fonctions et les responsabilités de la personne concernée, mais aussi la nature du poste occupé » (motifs, au paragraphe 31). En l’espèce, la décision de l’agent des visas a été jugée déraisonnable, car son enquête se limitait à la place qu’occupait l’intimé dans la hiérarchie de la fonction publique. De l’avis de la Cour fédérale, il était nécessaire d’examiner si l’intimé était effectivement en mesure d’exercer une influence importante ou de tirer avantage de son poste (motifs, au paragraphe 33).

[61]      Cependant, selon cette interprétation, il n’existe pas de motifs de principe expliquant pourquoi la personne occupant ou ayant occupé l’un des postes mentionnés ne pourrait pas éviter une conclusion d’interdiction de territoire en tenant compte du fait qu’elle n’en a pas, en réalité, tiré avantage ou qu’elle n’a pas exercé une influence importante sur son gouvernement. L’interprétation de la Cour fédérale permettrait, par exemple, à un chef d’État de faire valoir qu’à titre de monarque constitutionnel, il n’a pas en fait exercé une influence importante et, par conséquent, il n’est pas interdit de territoire. Cette approche irait à l’encontre de l’objet d’une liste de postes de rang supérieur et serait contraire à la volonté du législateur.

[62]      Ayant examiné le texte, le contexte et l’objectif des dispositions législatives, et étant parvenue à la conclusion que l’interprétation par l’agent des visas de la définition de l’expression « occuper un poste de rang supérieur — au sens du règlement » était conforme au texte, au contexte et à l’objet législatifs, je conclus que l’interprétation par l’agent des dispositions législatives était une interprétation que permettaient raisonnablement ces dispositions législatives. Elle était donc raisonnable.

[63]      Il reste à examiner si l’application par l’agent de cette définition des faits qui lui ont été présentés était raisonnable.

[64]      Comme cela a été mentionné précédemment, les parties s’entendent sur les postes que l’intimé a occupés lorsqu’il travaillait pour le gouvernement irakien.

[65]      En plus des trois postes décrits aux paragraphes 12, 13 et 14 ci-dessus, de novembre 1988 à janvier 1991, l’intimé était le chef de l’activité de recherche de la Commission de l’énergie atomique irakienne. L’intimé a décrit les fonctions qu’il assumait : les conceptions électroniques et mécaniques liées à l’ogive nucléaire, ainsi que l’utilisation et la maintenance d’ordinateurs industriels.

[66]      De janvier 1991 à avril 1991, pendant la première guerre du Golfe, l’intimé était le [traduction] « directeur de projet d’Al Rabat ». Il a expliqué qu’il était responsable de l’extension du réseau de télécommunications visant à relier divers ministères et refuges à Bagdad, afin d’assurer les communications par téléphone pendant la guerre.

[67]      Tous ces postes étaient des postes de rang supérieur au sein de la fonction publique irakienne. Même si l’intimé n’était peut-être pas en mesure d’influencer la politique du gouvernement, les dispositions législatives ne l’exigent pas. L’article 16 du Règlement exige seulement qu’une personne « [soit] ou [ait été] en mesure d’influencer sensiblement l’exercice du pouvoir par leur gouvernement ».

[68]      Une personne qui dirigeait l’activité de recherche de la Commission de l’énergie atomique irakienne, qui était chargée d’assurer les communications par téléphone pendant la première guerre du Golfe et, plus tard, la réhabilitation de tous les réseaux de télécommunications du secteur de l’électricité, influençait sensiblement l’exercice du pouvoir par le gouvernement irakien.

[69]      En dépit du fait qu’il était de confession catholique et qu’il n’était pas membre du parti Ba’ath, l’intimé a eu accès à des postes de rang supérieur au sein de la fonction publique. Il a occupé au moins deux postes classés trois échelons au-dessous de celui de Saddam Hussein au sein de la hiérarchie.

[70]      À mon avis, il était raisonnable pour l’agent des visas de conclure que l’intimé occupait un poste de rang supérieur dans la fonction publique irakienne et qu’il était donc interdit de territoire au titre de l’alinéa 35(1)b) de la Loi.

La question certifiée

[71]      En l’espèce, il a été démontré que l’intimé a occupé des postes de très haut rang au sein de la fonction publique irakienne, amplement situés dans la moitié supérieure de la fonction publique. Compte tenu de ce fait, aucun argument n’a été présenté en appel quant à savoir si le critère de la « moitié supérieure » (plutôt que celui, par exemple, du « tiers supérieur » ou du « quart supérieur ») délimite ou fixe correctement, dans tous les cas, les limites de l’expression « hauts fonctionnaires ». Malgré son renvoi au critère de la « moitié supérieure » dans la question certifiée, la Cour fédérale n’a pas non plus traité cette question.

[72]      La question certifiée est donc problématique, comme elle met en cause le bien-fondé d’un critère que la Cour fédérale n’a pas abordé. Il est bien établi qu’une question doit avoir été soulevée et examinée devant la Cour fédérale pour qu’une question certifiée soit appropriée. Si une question n’est pas traitée par la Cour fédérale, la certification d’une question constitue un renvoi à notre Cour (arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zazai, 2004 CAF 89, au paragraphe 12).

[73]      En l’espèce, la question débattue et examinée par la Cour fédérale était de savoir si une personne qui occupait un poste de rang supérieur au sein de la fonction publique d’un régime désigné pouvait affirmer que, malgré le poste qu’elle occupait, elle n’était pas interdite de territoire, étant donné qu’elle n’était pas en mesure d’exercer une influence importante ni de pouvoir tirer avantage de son poste. La question certifiée ne cadre pas avec les motifs de la Cour.

[74]      Par conséquent, je reformulerais la question certifiée de la façon suivante :

Si un agent est convaincu qu’une personne occupe ou avait occupé un poste de rang supérieur au sein de la hiérarchie de la fonction publique d’un régime désigné, l’agent peut-il conclure raisonnablement que la personne est ou était un « haut fonctionnaire » et une personne qui « occup[ait] un poste de rang supérieur », au sens de l’alinéa 35(1)b) de la Loi et de l’article 16 du Règlement, ou une analyse plus globale de la capacité de la personne à exercer une influence ou d’en tirer certains avantages est-elle nécessaire?

[75]      Même si le critère de la « moitié supérieure » peut être un critère approprié pour déterminer si une personne occupe un « poste de rang supérieur », il faut répondre à cette question lorsqu’elle est soulevée au regard des faits et examinée par la Cour fédérale.

Conclusion

[76]      Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel et j’annulerais le jugement de la Cour fédérale. En prononçant le jugement qui aurait dû être rendu, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par l’agent des visas.

[77]      Je répondrais à la question certifiée de la façon suivante :

Si un agent est convaincu qu’une personne occupe ou avait occupé un poste de rang supérieur au sein de la hiérarchie de la fonction publique d’un régime désigné, l’agent peut conclure raisonnablement que la personne est ou était un « haut fonctionnaire » et une personne qui « occup[ait] un poste de rang supérieur », au sens de l’alinéa 35(1)b) de la Loi et de l’article 16 du Règlement. Une analyse plus globale de la capacité de la personne à exercer une influence ou d’en tirer certains avantages n’est pas nécessaire dans les circonstances.

Le juge Rennie, J.C.A. : Je suis d’accord.

La juge Rivoalen, J.C.A. : Je suis d’accord.

 

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