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2021 CF 506

T-1174-19

La fiducie familiale Brent Carlson représentée par le fiduciaire Brent Carlson et BIM Holdings ULC (demanderesse)

c.

Le ministre du Revenu national (défendeur)

T-1175-19

La fiducie familiale Ted Carlson représentée par le fiduciaire Melvin Carlson et Rockhead Holdings ULC (demanderesse)

c.

Le ministre du Revenu national (défendeur)

Répertorié : Fiducie familiale Brent Carlson c. Canada (Revenu national)

Cour fédérale, juge Walker—Par vidéoconférence, 19 octobre 2020; Ottawa, 28 mai 2021.

Impôt sur le revenu –– Pratique — Contrôle judiciaire à l’égard des décisions rendues par le défendeur de rejeter la demande des demanderesses visant à déposer des formulaires de choix modifiés en vertu de l’art. 85(7.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu — Les demanderesses, deux fiducies, sont des fiducies familiales établies par le père de Brent et de Melvin Carlson — Le père et les demanderesses détenaient indirectement toutes les actions en circulation dans l’entreprise prospère de fourniture de pierre concassée et de sable de la famille, Mainland Sand and Gravel Ltd. (Mainland) — Le père et les demanderesses ont convenu de vendre toutes les actions en circulation dans Mainland à un tiers acheteur sans lien de dépendance — Les demanderesses ont mis en œuvre des opérations préalables à la vente immédiatement avant la vente à un tiers afin de permettre à leurs bénéficiaires respectifs d’utiliser leurs exemptions pour gains en capital (EGC) — Malheureusement, les conseillers professionnels des demanderesses n’ont pas pris en considération le fait qu’un certain nombre de bénéficiaires étaient encore mineurs à la date de la vente — L’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a conclu que l’art. 120.4(5) de la Loi s’appliquait à deux opérations d’échange d’actions effectuées dans le cadre de la réorganisation avant la vente — L’art. 120.4(5) considérait que les gains en capital réalisés par les bénéficiaires mineurs à la fin des opérations d’échange étaient des dividendes imposables, ce qui empêchait ces bénéficiaires d’utiliser leurs EGC — Les demanderesses ont à deux reprises tenté de déposer auprès de l’ARC des formulaires T2057 modifiés de choix de roulement en s’appuyant sur l’art. 85(7.1) pour corriger l’erreur — Le délégué du défendeur n’a pas convenu que les opérations préalables à la clôture en cause constituaient un oubli à l’égard duquel le pouvoir discrétionnaire du défendeur devrait être exercé dans le cadre de la décision juste et équitable prévue à l’art. 85(7.1) de la Loi — Il a été décidé également que, bien que les demanderesses aient mis en œuvre les opérations préalables comme prévu, le défaut des conseillers professionnels de tenir compte de l’âge de certains bénéficiaires n’a pas permis aux demanderesses de se prévaloir de l’art. 85(7.1) pour modifier les opérations initiales — Les demanderesses ont soutenu plus particulièrement que les décisions n’étaient pas raisonnables parce que le délégué du défendeur n’a pas suivi la pratique administrative de longue date publiée par l’ARC quant au moment où une modification devrait être autorisée en vertu de l’art. 85(7.1) de la Loi, et a mal interprété la portée de la planification fiscale rétroactive inadmissible dans le contexte de l’article — Elles ont soutenu également que le délégué du défendeur a manqué à son devoir d’équité en n’assurant pas un second examen impartial et approfondi — Il s’agissait de savoir si les décisions du défendeur de refuser la demande des demanderesses de déposer les choix modifiés étaient raisonnables et si la procédure décisionnelle du défendeur était équitable sur le plan de la procédure — La question en litige dans les présentes demandes était l’art. 85(7.1) de la Loi et le recours en modification — L’article permet de modifier un choix fait en vertu des art. 85(1) ou (2) si, de l’avis du défendeur, les circonstances de l’affaire sont telles qu’il serait juste et équitable de le faire — Dans la présente affaire, les demanderesses ont proposé les choix modifiés à titre de modifications - elles n’ont pas demandé la rectification d’un document signé ou l’annulation d’une opération — La question dont le défendeur et son délégué étaient saisis était de savoir s’il était juste et équitable de permettre les modifications — Les décisions ne contenaient aucune évaluation de la portée de l’art. 85(7.1) et du redressement prévu par la loi, lorsque celui-ci est juste et équitable, pour modifier des choix déjà déposés en vertu de l’art. 85 — Le défendeur n’a pas établi de chaîne d’analyse rationnelle de l’article — Les décisions n’expliquaient pas l’application par le défendeur des principes de rectification à une disposition législative qui prévoit des modifications à un document particulier et aux faits qui sous tendaient les choix modifiés — Cette omission était une erreur susceptible de contrôle — Les décisions ont laissé entendre que le délégué du défendeur a appliqué les exigences de rectification à la demande de modification des demanderesses et que les recours en rectification et en modification sont équivalents, mais il n’en est rien — Sous le régime de l’art. 85(7.1), le défendeur est tenu d’examiner toutes les circonstances du contribuable et d’expliquer pourquoi la modification demandée n’est pas juste et équitable — Nulle part dans les décisions en cause le délégué du défendeur n’est arrivé à une telle conclusion — Les décisions n’avaient pas la chaîne d’analyse rationnelle et le raisonnement transparent qui caractérisent une décision administrative raisonnable — En ce qui concerne le caractère équitable de la procédure suivie par le défendeur pour l’examen de la seconde demande, la conclusion selon laquelle les décisions n’étaient pas raisonnables signifiait que l’équité de la procédure n’était pas déterminante pour le succès des demandes — Cette question était néanmoins pertinente par rapport au redressement demandé — Rien ne prouvait qu’il y avait eu un manque d’impartialité, et il n’y avait pas d’éléments de preuve qui appuieraient une crainte raisonnable de partialité de la part d’autres employés de l’ARC participant à la procédure — En conclusion, les décisions n’ont pas établi une chaîne logique et rationnelle de raisonnement ou d’explication suffisante pour justifier le refus de la seconde demande par le défendeur — Les décisions ont par conséquent été annulées et renvoyées au défendeur pour qu’il rende une nouvelle décision — Demandes accueillies.

Il s’agissait de demandes de contrôle judiciaire à l’égard des décisions rendues par le défendeur de rejeter la demande des demanderesses visant à déposer des formulaires de choix modifiés (les choix modifiés) auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) en s’appuyant sur le paragraphe 85(7.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu  pour corriger certaines erreurs liées à des opérations commerciales. Les demanderesses, la fiducie familiale Brent Carlson et la fiducie familiale Ted Carlson, sont des fiducies familiales établies par Laurie Carlson, le père de Brent et de Melvin (Ted) Carlson. Laurie Carlson et les demanderesses détenaient indirectement toutes les actions en circulation dans l’entreprise prospère de fourniture de pierre concassée et de sable de la famille, Mainland Sand and Gravel Ltd. (Mainland). En septembre 2014, M. Carlson et les demanderesses ont convenu de vendre toutes les actions en circulation dans Mainland à un tiers acheteur sans lien de dépendance. Les demanderesses ont mis en œuvre une série d’opérations préalables à la vente immédiatement avant la vente à un tiers afin de permettre à leurs bénéficiaires respectifs d’utiliser leurs exemptions pour gains en capital (EGC). Malheureusement, les conseillers professionnels des demanderesses n’ont pas pris en considération le fait qu’un certain nombre de bénéficiaires étaient encore mineurs en 2014. Lors de la vérification de l’année d’imposition 2014 des demanderesses, l’ARC a conclu que le paragraphe 120.4(5) de la Loi, aussi appelé « impôt des enfants », s’appliquait à deux opérations d’échange d’actions effectuées dans le cadre de la réorganisation avant la vente. Le paragraphe considérait que les gains en capital réalisés par les bénéficiaires mineurs à la fin des opérations d’échange étaient des dividendes imposables, ce qui empêchait ces bénéficiaires d’utiliser leurs EGC. Les demanderesses ont par conséquent tenté de déposer auprès de l’ARC des formulaires T2057 modifiés de choix de roulement.

Les demanderesses sont des fiducies discrétionnaires établies par Laurie Carlson. Brent et Ted Carlson sont les seuls fiduciaires de leur fiducie homonyme. Les bénéficiaires des fiducies sont les membres de la famille Carlson. Les demanderesses ont retenu les services d’Ernst & Young Cabinet d’avocats (EY) pour structurer une réorganisation interne du groupe Mainland avant la vente afin d’optimiser la richesse après impôt de la famille Carlson sur la vente de Mainland à un tiers acheteur. EY a préparé une note de service détaillée (la note sur les étapes de l’opération) décrivant chaque opération préalable. L’un des objectifs déclarés de la réorganisation était de permettre à Laurie, Brent et Ted Carlson ainsi qu’à chacun des bénéficiaires des fiducies d’utiliser à vie l’EGC permise au titre du paragraphe 110.6(2.1) de la Loi. Immédiatement avant la réorganisation, Brent et la fiducie familiale Brent Carlson détenaient toutes les actions en circulation de BIM Holdings ULC (BIM); Ted et la fiducie familiale Ted Carlson détenaient toutes les actions en circulation de Rock Head Holdings ULC (Rock Head). À son tour, Laurie Carlson, BIM et Rock Head, par l’entremise d’une autre société, détenaient toutes les actions en circulation de Mainland. La note sur les étapes de l’opération prévoyait l’échange par les demanderesses de toutes les actions ordinaires détenues dans leur filiale respective de Mainland pour de nouvelles actions de cette filiale. Chaque demanderesse et sa filiale ont convenu d’effectuer l’échange d’actions conformément au paragraphe 85(1) de la Loi à hauteur d’un montant choisi qui reconnaîtrait un gain en capital égal à l’EGC total dont disposaient les bénéficiaires de la demanderesse. Le montant choisi devait également correspondre à la juste valeur marchande et au prix de base rajusté (PBR) de certaines actions privilégiées reçues par les demanderesses. Les opérations d’échange ont été effectuées et les premiers formulaires de choix (les choix initiaux) ont été déposés en conséquence. La vente de Mainland a été conclue le jour suivant conformément à la note sur les étapes de l’opération. Le tiers a acquis toutes les actions émises et en circulation de BIM et de Rock Head. Étant donné que le gain à l’égard de certaines actions privilégiées détenues par les demanderesses avait déjà été réalisé à des étapes antérieures de l’opération, le PBR de ces actions était égal au produit reçu et les demanderesses n’ont pas réalisé de gains en capital supplémentaires à la vente de Mainland qui a suivi. EY n’a pas tenu compte de l’application possible du paragraphe 120.4(5) de la Loi lorsqu’il a conseillé aux demanderesses de réaliser des gains en capital à certaines étapes de la réorganisation préalable. L’erreur a été mise au jour durant la vérification par l’ARC de l’année d’imposition 2014 des demanderesses. La vérificatrice en question a conclu que les gains en capital réalisés par les demanderesses dans les opérations d’échange résultaient de la vente d’actions d’une société privée à une personne qui a un lien de dépendance avec les bénéficiaires mineurs. Par conséquent, le paragraphe 120.4(5) de la Loi devait s’appliquer pour considérer deux fois le montant des gains en capital imposables réalisés par les bénéficiaires mineurs comme des dividendes imposables et les bénéficiaires mineurs ne pouvaient pas utiliser leurs EGC. EY a ensuite demandé au défendeur d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 85(7.1) de la Loi pour permettre une modification des choix initiaux afin d’indiquer un montant choisi convenu qui serait dans chaque cas égal au PBR nominal des actions ordinaires en cause de BIM et de Rock Head pour lesquelles certaines actions privilégiées ont été échangées. S’ils étaient acceptés, les choix modifiés auraient fait en sorte que les demanderesses ne réaliseraient aucun gain dans les opérations d’échange avec lien de dépendance en cause. Elles réaliseraient plutôt les mêmes gains en capital à la conclusion de la vente de certaines actions privilégiées à l’acheteur sans lien de dépendance. L’impôt anti‑évitement prévu au paragraphe 120.4(5) ne serait pas déclenché et les bénéficiaires mineurs pourraient utiliser leurs EGC de la même façon qu’ils l’ont déclaré dans leurs déclarations de revenus des particuliers pour 2014. Le délégué du défendeur a refusé la première demande des demanderesses (les premiers refus) après avoir conclu que la demande consistait en une planification fiscale rétroactive et qu’il n’était pas juste et équitable dans les circonstances d’autoriser les choix modifiés. EY a présenté une seconde demande et des observations au défendeur pour qu’il autorise les choix modifiés (la seconde demande). Le délégué du défendeur a reconnu que l’application du paragraphe 120.4(5) de la Loi était une conséquence imprévue des opérations préalables à la clôture, mais il n’a pas convenu qu’il s’agissait d’un oubli à l’égard duquel le pouvoir discrétionnaire du défendeur devrait être exercé dans le cadre de la décision juste et équitable prévue au paragraphe 85(7.1) de la Loi. Il a été décidé également que, bien que les demanderesses aient mis en œuvre les opérations préalables comme prévu, le défaut d’EY de tenir compte de l’âge de certains bénéficiaires n’a pas permis aux demanderesses de se prévaloir du paragraphe 85(7.1) pour modifier les opérations initiales.

Les demanderesses ont soutenu plus particulièrement que les décisions n’étaient pas raisonnables parce que le délégué du défendeur n’a pas suivi la pratique administrative de longue date publiée par l’ARC quant au moment où une modification devrait être autorisée en vertu du paragraphe 85(7.1) de la Loi, et a mal interprété la portée de la planification fiscale rétroactive inadmissible dans le contexte du paragraphe. Les demanderesses ont soutenu également que le délégué du défendeur a manqué à son devoir d’équité en n’assurant pas un second examen impartial et approfondi.

Il s’agissait de savoir si les décisions du défendeur de refuser la demande des demanderesses de déposer les choix modifiés étaient raisonnables et si la procédure décisionnelle du défendeur était équitable sur le plan de la procédure.

Jugement : les demandes doivent être accueillies.

La question en litige dans les présentes demandes était le paragraphe 85(7.1) de la Loi et le recours en modification. Le paragraphe permet de modifier un choix fait en vertu des paragraphes 85(1) ou (2) si, de l’avis du défendeur, les circonstances de l’affaire sont telles qu’il serait juste et équitable de le faire. Les demanderesses ont proposé les choix modifiés à titre de modifications. Elles n’ont pas demandé la rectification d’un document signé ou l’annulation d’une opération. La question dont le défendeur et son délégué étaient saisis était de savoir s’il était juste et équitable de permettre les modifications. Le point de départ de l’examen de la seconde demande par le délégué était le paragraphe 85(7.1) de la Loi. Toutefois, les décisions ne contenaient aucune évaluation de la portée du paragraphe et du redressement prévu par la loi, lorsque celui‑ci est juste et équitable, pour modifier des choix déjà déposés en vertu de l’article 85. Le défendeur n’a pas établi de chaîne d’analyse rationnelle du paragraphe. Les décisions n’expliquaient pas l’application par le défendeur des principes de rectification à une disposition législative qui prévoit des modifications à un document particulier et aux faits qui sous‑tendaient les choix modifiés. Cette omission était une erreur susceptible de contrôle. Les décisions ont laissé entendre que le délégué du défendeur a appliqué les exigences de rectification à la demande de modification des demanderesses et que les recours en rectification et en modification sont équivalents. Il n’en est rien. Lu dans son sens grammatical et ordinaire, conformément à la nature et à l’objet de l’article 85, le renvoi au paragraphe 85(7.1) à la modification d’un choix est plus large que la rectification d’un document pour annuler ce qui, dans bien des cas, équivaut à une erreur d’écriture. Le paragraphe n’indique pas que le défendeur peut permettre la rectification d’un choix fait en vertu des paragraphes 85(1) ou (2). Si la position du défendeur était que l’inclusion des mots « juste et équitable » au paragraphe 85(7.1) limite le concept de modification à celui de rectification, les demanderesses avaient droit à une explication de cette position dans les décisions. Le pouvoir discrétionnaire accordé au défendeur au paragraphe 85(7.1) laisse penser qu’une portée acceptable est accordée à la planification fiscale rétroactive et à la correction des conséquences fiscales imprévues. Dans chaque cas, le défendeur est tenu d’examiner toutes les circonstances du contribuable et d’expliquer pourquoi la modification demandée, qui aura inévitablement été provoquée par une conséquence fiscale imprévue, n’est pas juste et équitable. Nulle part dans les décisions le délégué du défendeur n’est arrivé à une telle conclusion. Une demande de redressement en equity doit être évaluée en fonction du redressement particulier demandé. L’application par le délégué du défendeur de décisions comme Canada (Procureur général) c. Hôtels Fairmont Inc. et Canada Life Insurance Co. of Canada v. Canada (Attorney General) sans analyser le libellé utilisé dans le paragraphe et les raisons pour lesquelles les modifications demandées constituaient non seulement une planification fiscale rétroactive, mais aussi une planification fiscale inadmissible, était une erreur importante que n’a pas rectifié l’analyse dans la note de service de l’ARC qui a été préparée à l’appui des décisions.

Les demanderesses ont soutenu également que les décisions n’expliquaient pas pourquoi le défendeur s’est écarté des lignes directrices de l’ARC dans le Manuel des circulaires et des appels au sujet de l’erreur raisonnable compte tenu de l’intention des demanderesses de permettre à leurs bénéficiaires d’utiliser leurs EGC dans le cadre de la vente sans lien de dépendance de Mainland. Cette deuxième omission était une erreur susceptible de contrôle. Bref, il n’y a eu aucune explication ni dans les décisions ni dans la note de service de l’ARC pour expliquer pourquoi l’erreur d’EY de réaliser des gains prématurément dans la réorganisation a entraîné la conclusion du défendeur qu’il n’était pas juste et équitable d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’autoriser les choix modifiés. Il ne s’agissait pas d’un cas où il y a eu une opération entre‑temps qui a amené les demanderesses à examiner rétroactivement leur planification fiscale et à chercher à reformuler leurs actions antérieures. La deuxième demande a été faite dans le contexte d’une vente de Mainland à un tiers, où les EGC seraient normalement possibles avec une certaine planification préalable. Les demanderesses ne cherchaient pas à obtenir un avantage fiscal qu’elles n’avaient pas envisagé à l’époque. Si le défendeur estimait que ces circonstances étaient suffisantes pour satisfaire au critère de planification fiscale rétroactive inadmissible, malgré les directives de la circulaire, encore une fois, les demanderesses avaient droit à une explication claire. L’explication n’avait pas besoin d’être longue, mais elle devait permettre aux demanderesses de comprendre comment s’appliquaient la loi, la circulaire et les principes généraux de redressement en equity à leurs propres faits. Les décisions n’avaient pas la chaîne d’analyse rationnelle et le raisonnement transparent qui caractérisent une décision administrative raisonnable. Le délégué du défendeur n’a pas démontré une analyse logique des faits importants pertinents pour la seconde demande par rapport aux paramètres du paragraphe 85(7.1). Il a plutôt appliqué les exigences en equity qui sont propres à la rectification et à l’annulation sans reconnaître de différence dans les recours demandés. Les décisions et la note de service de l’ARC ont ignoré le fait que les demanderesses n’ont demandé que la modification des choix initiaux, comme le prévoit le paragraphe 85(7.1).

En ce qui concerne le caractère équitable de la procédure suivie par le défendeur pour l’examen de la seconde demande, la conclusion selon laquelle les décisions n’étaient pas raisonnables signifiait que l’équité de la procédure n’était pas déterminante pour le succès des demandes. Cette question était néanmoins pertinente par rapport au redressement demandé par les demanderesses. La participation, à l’évaluation par l’ARC de la deuxième demande, d’une vérificatrice à qui un formateur de l’ARC avait conseillé de se récuser, mais qui ne l’a pas fait, a été minime. La note d’information qu’elle a préparée était de nature factuelle et présentait les événements qui ont mené à la seconde demande. Elle ne contenait aucune recommandation et il n’y avait aucune preuve au dossier montrant que d’autres personnes ayant participé à l’affaire s’étaient appuyées sur elle. En outre, l’évaluation de la seconde demande faite par un autre vérificateur de l’ARC était exhaustive et impartiale. Rien ne prouvait qu’il y avait eu un manque d’impartialité. Il n’y avait pas non plus d’éléments de preuve qui appuieraient une crainte raisonnable de partialité de la part d’autres personnes participant à la procédure.

En conclusion, les décisions n’ont pas établi une chaîne logique et rationnelle de raisonnement ou d’explication suffisante pour justifier le refus de la seconde demande par le défendeur. Les décisions ont par conséquent été annulées et renvoyées au défendeur pour qu’il rende une nouvelle décision.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Code civil du Québec, RLRQ, ch. CCQ-1991.

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 75(2), 85, 110.6(2.1), 112(1), 120.4(5).

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Collins Family Trust v. Canada (Attorney General), 2020 BCCA 196, 450 D.L.R. (4th) 447.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Canada Life Insurance Co. of Canada v. Canada (Attorney General), 2018 ONCA 562, 141 O.R. (3d) 321; Masson c. Canada (Procureur général), 2019 CF 887; Canada (Procureur général) c. Hôtels Fairmont Inc., 2016 CSC 56, [2016] 2 R.C.S. 720; Groupe Jean Coutu (PJC) inc. c. Canada (Procureur général), 2016 CSC 55, [2016] 2 R.C.S. 670; Bugera c. Canada (Ministre du revenu national), 2003 CFPI 392.

DÉCISIONS CITÉES :

Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 R.C.S. 502; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 R.C.F. 121; Denso Manufacturing Canada, Inc. c. Canada (Revenu national), 2020 CF 360; Canada (Attorney General) v. Juliar (2000), 50 O.R. (3d) 728, 2000 CanLII 16883 (C.A.); Frederick E. Rose (London) Ld. v. William H. Pim Jnr. & Co., [1953] 2 Q.B. 450 (C.A.); Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Stemijon Investments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299.

DOCTRINE CITÉE

Canada. Agence du revenu. Circulaire d’information IC76-19R3 « Transfert de biens à une société en vertu de l’article 85 », 17 juin 1996.

Canada. Agence du revenu. Manuel de vérification de l’impôt sur le revenu, novembre 2019.

DEMANDES de contrôle judiciaire à l’égard des décisions rendues par le défendeur de rejeter la demande des demanderesses visant à déposer des formulaires de choix modifiés auprès de l’Agence du revenu du Canada en s’appuyant sur le paragraphe 85(7.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour corriger certaines erreurs liées à des opérations commerciales. Demandes accueillies.

ONT COMPARU :

Daniel Sandler et Osnat Nemetz pour les demanderesses.

Surksha Nayar pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

EY Law LLP, Toronto, pour les demanderesses.

La sous-procureure générale du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        La juge Walker : Les demanderesses, la fiducie familiale Brent Carlson et la fiducie familiale Ted Carlson, sont des fiducies familiales établies par Laurie Carlson, le père de Brent et de Melvin (Ted) Carlson. Par souci de commodité, je désignerai les demanderesses comme les « fiducies » dans le présent jugement.

[2]        Laurie Carlson et les fiducies détenaient indirectement toutes les actions en circulation dans l’entreprise prospère de fourniture de pierre concassée et de sable de la famille, Mainland Sand and Gravel Ltd. (Mainland). En septembre 2014, M. Carlson et les fiducies ont convenu de vendre toutes les actions en circulation dans Mainland à un tiers acheteur sans lien de dépendance. Les fiducies ont mis en œuvre une série d’opérations préalables à la vente (les opérations préalables) immédiatement avant la vente à un tiers afin de permettre à leurs bénéficiaires respectifs d’utiliser leurs exemptions pour gains en capital (EGC).

[3]        Malheureusement, les conseillers professionnels des fiducies n’ont pas tenu compte du fait qu’un certain nombre de bénéficiaires étaient encore mineurs en 2014. Lors de la vérification de l’année d’imposition 2014 des fiducies, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a conclu que le paragraphe 120.4(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (LIR), aussi appelé « impôt des enfants », s’appliquait à deux opérations d’échange d’actions effectuées dans le cadre de la réorganisation avant la vente. Le paragraphe considérait que les gains en capital réalisés par les bénéficiaires mineurs à la fin des opérations d’échange étaient des dividendes imposables, ce qui empêchait ces bénéficiaires d’utiliser leurs EGC. Les fiducies ont tenté de déposer auprès de l’ARC des formulaires T2057 modifiés de choix de roulement en s’appuyant sur le paragraphe 85(7.1) de la LIR pour corriger l’erreur.

[4]        Le présent jugement porte sur les demandes de contrôle judiciaire présentées par les fiducies à l’égard des décisions (les décisions) rendues par le ministre du Revenu national (le ministre) de rejeter leur demande visant à déposer les formulaires de choix modifiés (les choix modifiés). Les décisions sont énoncées dans deux lettres signées par le délégué autorisé du ministre en date du 20 juin 2019.

[5]        Le 21 juillet 2020, la protonotaire Furlanetto a ordonné que les demandes de contrôle judiciaire des fiducies (dossiers de la Cour T-1174-19 et T-1175-19) soient entendues ensemble parce qu’elles sont fondées sur des questions et faits communs et que chacune demande le même redressement. Une copie du présent jugement sera versée au dossier de la Cour pour chaque demande.

[6]        Brièvement, j’ai conclu que les décisions doivent être annulées, parce que le ministre n’a pas expliqué raisonnablement son refus de la demande des fiducies visant à déposer les choix modifiés. Par conséquent, les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers T-1174-19 et T-1175-19 de la Cour seront accueillies.

I.     Contexte

[7]        Les faits pertinents à l’égard des demandes ne sont pas contestés. Les fiducies sont des fiducies discrétionnaires établies le 20 septembre 2004 par Laurie Carlson. Brent et Ted Carlson sont les seuls fiduciaires de leur fiducie homonyme. Les bénéficiaires des fiducies sont les membres de la famille Carlson.

[8]        Les fiducies ont retenu les services d’Ernst & Young Cabinet d’avocats (EY) pour structurer une réorganisation interne du groupe Mainland avant la vente afin d’optimiser la richesse après impôt de la famille Carlson sur la vente de Mainland à un tiers acheteur. EY a préparé une note de service détaillée (la note sur les étapes de l’opération) décrivant chaque opération préalable. L’un des objectifs déclarés de la réorganisation était de permettre à Laurie, Brent et Ted Carlson ainsi qu’à chacun des bénéficiaires des fiducies d’utiliser à vie l’EGC permise au titre du paragraphe 110.6(2.1) de la LIR.

[9]        Immédiatement avant la réorganisation, Brent et la fiducie familiale Brent Carlson détenaient toutes les actions en circulation de BIM Holdings ULC (BIM) (Brent : 11 000 actions de catégorie C; la fiducie : 100 actions de catégorie A et 1 000 actions de catégorie B); Ted et la fiducie familiale Ted Carlson détenaient toutes les actions en circulation de Rock Head Holdings ULC (Rock Head) (Ted : 1 000 actions de catégorie C; la fiducie : 100 actions de catégorie A et 1 000 actions de catégorie B). À son tour, Laurie Carlson, BIM et Rock Head, par l’entremise d’une autre société, détenaient toutes les actions en circulation de Mainland.

[10]      Les étapes 11 et 12 de la note sur les étapes de l’opération prévoyaient l’échange par les fiducies de toutes les actions ordinaires de catégorie B détenues dans leur filiale respective pour trois catégories de nouvelles actions de cette filiale, y compris des actions privilégiées de catégorie F à valeur fixe. Chaque fiducie et sa filiale ont convenu d’effectuer l’échange d’actions conformément au paragraphe 85(1) de la LIR à hauteur d’un montant choisi qui reconnaîtrait un gain en capital égal à l’EGC total dont disposent les bénéficiaires de la fiducie. Le montant choisi devait également correspondre à la juste valeur marchande et au prix de base rajusté (PBR) des actions privilégiées de catégorie F reçues par les fiducies. Les opérations d’échange ont été effectuées le 3 septembre 2014 et les formulaires de choix T2057 (les choix initiaux) ont été déposés en conséquence.

[11]      La vente de Mainland a été conclue le jour suivant conformément à l’étape 39 de la note sur les étapes de l’opération. Le tiers a acquis toutes les actions émises et en circulation de BIM et de Rock Head, y compris les actions privilégiées de catégorie F détenues par les fiducies. Comme le gain à l’égard des actions privilégiées de catégorie F détenues par les fiducies avait déjà été réalisé aux étapes 11 et 12, le PBR de ces actions était égal au produit reçu et les fiducies n’ont pas réalisé de gains en capital supplémentaires à la vente de Mainland qui a suivi.

[12]      EY n’a pas tenu compte de l’application possible du paragraphe 120.4(5) de la LIR lorsqu’il a conseillé aux fiducies de réaliser des gains en capital aux étapes 11 et 12 de la réorganisation préalable. L’erreur a été mise au jour durant la vérification de l’ARC de l’année d’imposition 2014 des fiducies. La vérificatrice, Mme T. Wu, a conclu que les gains en capital réalisés par les fiducies dans les opérations d’échange résultaient de la vente d’actions d’une société privée à une personne qui a un lien de dépendance avec les bénéficiaires mineurs. Par conséquent, le paragraphe 120.4(5) devait s’appliquer pour considérer deux fois le montant des gains en capital imposables réalisés par les bénéficiaires mineurs comme des dividendes imposables et les bénéficiaires mineurs ne pouvaient pas utiliser leurs EGC.

[13]      Mme Wu a informé les fiducies de sa position dans des lettres en date du 23 janvier 2018 et a invité les fiducies à présenter des observations avant l’émission de nouvelles cotisations pour l’année 2014.

[14]      EY a répondu au nom des fiducies le 2 mars 2018 (la première demande). EY a demandé au ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 85(7.1) de la LIR pour permettre une modification des choix initiaux afin d’indiquer un montant choisi convenu qui serait dans chaque cas égal au PBR nominal des actions ordinaires de catégorie B de BIM et de Rock Head pour lesquelles les actions privilégiées de catégorie F ont été échangées. S’ils étaient acceptés, les choix modifiés auraient fait en sorte que les fiducies ne réaliseraient aucun gain dans les opérations d’échange avec lien de dépendance réalisées aux étapes 11 et 12. Les fiducies réaliseraient plutôt les mêmes gains en capital à la conclusion de la vente des actions privilégiées de catégorie F à l’acheteur sans lien de dépendance à l’étape 39. L’impôt anti-évitement prévu au paragraphe 120.4(5) ne serait pas déclenché et les bénéficiaires mineurs pourraient utiliser leurs EGC de la même façon qu’ils l’ont déclaré dans leurs déclarations de revenus des particuliers pour 2014.

[15]      EY a présenté une justification détaillée à l’appui de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre, en insistant sur le fait que les fiducies ne faisaient pas de planification fiscale rétroactive. Elles essayaient de corriger une erreur dans les montants choisis à l’origine. Toutes les ententes et toutes les transactions contenues dans la note sur les étapes de l’opération étaient achevées comme prévu; seuls les choix initiaux seraient touchés. EY a souligné les références cohérentes, contenues dans la note sur les étapes de l’opération, à l’objectif qui consistait à permettre aux membres de la famille Carlson d’utiliser leurs EGC.

[16]      Le 13 mars 2018, M. A. Dhaliwal de l’ARC, agissant à titre de délégué du ministre, a envoyé des lettres aux fiducies refusant leur première demande (les premiers refus). Il a conclu que la demande des fiducies consistait en une planification fiscale rétroactive et qu’il n’était pas juste et équitable dans les circonstances d’autoriser les choix modifiés. Mme Wu a participé à l’évaluation de la première demande par l’ARC et à la préparation des premiers refus. M. Dhaliwal était le superviseur de Mme Wu à la Division de la vérification du Bureau des services fiscaux (BSF) de la vallée du Fraser de l’ARC.

[17]      Le 26 avril 2018, EY a présenté une seconde demande et des observations au ministre pour qu’il autorise les choix modifiés (la seconde demande). EY a demandé que la demande soit examinée par un autre BSF et traitée comme une nouvelle demande d’examen impartial. EY était préoccupé par le fait que la première demande avait été examinée par Mme Wu, qui avait déjà conclu, dans le cadre de sa fonction de vérification, qu’une modification des choix initiaux constituerait une planification fiscale rétroactive.

II.    Les décisions faisant l’objet du présent contrôle

[18]      Les décisions sont datées du 20 juin 2019. Elles ont été signées par M. D. Wong, directeur adjoint, Division de la vérification, BSF de la vallée du Fraser, au nom du ministre. M. Wong a refusé la seconde demande des fiducies de déposer les choix modifiés parce qu’il considérait que la [traduction] « demande était une planification fiscale rétroactive ».

[19]      Le délégué du ministre a reconnu que l’application du paragraphe 120.4(5) de la LIR était une conséquence imprévue des opérations préalables à la clôture, mais n’a pas convenu qu’il s’agissait d’un oubli à l’égard duquel le pouvoir discrétionnaire du ministre devrait être exercé dans le cadre de la décision juste et équitable prévue au paragraphe 85(7.1). M. Wong a mentionné dans les décisions le manuel d’appel de l’ARC (article 6.3.2.4) et le Manuel de vérification de l’impôt sur le revenu. Il a cité le Manuel de vérification, qui décrivait la planification fiscale rétroactive comme une planification découlant d’un événement qui se produit après la planification initiale d’une ou de plusieurs opérations et à la réception de nouveaux renseignements.

[20]      Le ministre s’est appuyé sur la jurisprudence récente concernant la rectification, notamment la déclaration du juge président dans l’affaire Canada Life Insurance Co. of Canada v. Canada (Attorney General), 2018 ONCA 562, 141 O.R. (3d) 321  (Canada Life), selon laquelle [traduction] « toute compétence en equity qu’un tribunal peut avoir d’octroyer un redressement à l’égard d’une erreur ne peut pas être invoquée pour modifier rétroactivement une opération afin d’atteindre un objectif de planification fiscale » (Canada Life, au paragraphe 44). M. Wong a déclaré que, bien que les fiducies aient mis en œuvre les opérations préalables comme prévu, le défaut d’EY de tenir compte de l’âge de certains bénéficiaires n’a pas permis aux fiducies de se prévaloir du paragraphe 85(7.1) pour modifier les opérations initiales.

III.   Questions en litige

[21]      Les fiducies soulèvent deux questions dans leurs demandes :

A.    Les décisions du ministre de refuser la demande des fiducies de déposer les choix modifiés sont-elles raisonnables?

B.    La procédure décisionnelle du ministre était-elle équitable sur le plan de la procédure?

[22]      Plus précisément, les fiducies soutiennent que les décisions ne sont pas raisonnables parce que le délégué du ministre n’a pas suivi la pratique administrative de longue date publiée par l’ARC quant au moment où une modification devrait être autorisée en vertu du paragraphe 85(7.1), et a mal interprété la portée de la planification fiscale rétroactive inadmissible dans le contexte du paragraphe. Les fiducies soutiennent également que le délégué du ministre a manqué à son devoir d’équité en n’assurant pas un second examen impartial et approfondi. Enfin, les fiducies soutiennent que la participation de Mme Wu, la vérificatrice de l’ARC, à l’examen par le ministre de leurs première et seconde demandes a compromis l’impartialité du second examen du ministre et donne lieu à une crainte raisonnable de partialité.

IV.   Norme de contrôle

[23]      Le bien-fondé des décisions est assujetti à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653  (Vavilov), aux paragraphes 23 à 25 et 89). Il n’y a aucune raison en l’espèce de s’écarter de cette norme de contrôle présumée. De plus, un examen des décisions selon la norme de la décision raisonnable est conforme à la jurisprudence antérieure à l’arrêt Vavilov concernant les demandes présentées au titre du paragraphe 85(7.1) (Masson c. Canada (Procureur général), 2019 CF 887 (Masson), au paragraphe 18).

[24]      La Cour suprême du Canada (C.S.C.) décrit une décision raisonnable comme une décision qui est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au paragraphe 85). L’examen comporte deux aspects : le raisonnement du décideur doit être intelligible et logique, et le résultat doit être justifié. Dans ses observations, le ministre s’appuie sur la déclaration de la C.S.C. selon laquelle le contrôle selon la norme de la décision raisonnable trouve son point de départ dans la retenue judiciaire pour souligner le vaste pouvoir discrétionnaire conféré au ministre au paragraphe 85(7.1) et l’importance de la déférence dans le contrôle des décisions par la Cour (Vavilov, aux paragraphes 75 et 85).

[25]      Les allégations des fiducies au sujet d’un manquement à l’équité procédurale qui aurait conduit aux décisions doivent être examinées selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 R.C.S. 502, au paragraphe 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 R.C.F. 121 (Canadien Pacifique), aux paragraphes 34 à 56). La décision rendue dans l’affaire Vavilov ne change pas cette conclusion (Vavilov, au paragraphe 23). Un contrôle de la procédure suivie par un décideur selon la norme de la décision correcte est une question juridique que la Cour doit trancher et qui exige, dans le contexte des présentes demandes, que je me demande si la procédure du ministre était « équitable eu égard à l’ensemble des circonstances », y compris à l’égard des facteurs énoncés par la C.S.C. dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 22 à 27 (Canadien Pacifique, aux paragraphes 46 et 54; Denso Manufacturing Canada, Inc. c. Canada (Revenu national), 2020 CF 360, au paragraphe 27).

V.    Analyse

1.    Les décisions du ministre de refuser la demande des fiducies de déposer les choix modifiés sont-elles raisonnables?

[26]      Le principal argument des fiducies est que les décisions sont déraisonnables pour deux raisons connexes. Premièrement, elles soutiennent que l’application par le ministre et son délégué des principes de rectification à une demande de modification d’un choix en vertu du paragraphe 85(7.1) a indûment restreint la portée du paragraphe et était fondamentalement viciée. Deuxièmement, les fiducies affirment que le ministre a omis d’interpréter et d’appliquer raisonnablement les lignes directrices de l’ARC concernant les circonstances dans lesquelles le redressement envisagé au paragraphe 85(7.1) sera accordé.

[27]      Le paragraphe 85(7.1) permet au ministre d’accepter un choix fait en retard ou modifié en vertu de l’article 85 s’il est juste et équitable dans la situation du contribuable de le faire :

85 (1) […]

[…]

Cas spéciaux

(7.1) Lorsque le ministre est d’avis que les circonstances d’un cas sont telles qu’il serait juste et équitable :

a) soit de permettre qu’un choix visé au paragraphe (1) ou (2) soit fait après la fin du délai de 3 ans qui suit la date à laquelle il devait être fait au plus tard en vertu du paragraphe (6);

b) soit de permettre qu’un choix fait en vertu du paragraphe (1) ou (2) soit modifié,

le choix ou choix modifié est réputé avoir été fait au plus tard à la date à laquelle le choix devait être ainsi fait, si les conditions suivantes sont réunies :

c) le choix ou choix modifié est fait selon le formulaire prescrit;

d) le contribuable ou la société de personnes, selon le cas, paie le montant estimatif de la pénalité relative au choix ou choix modifié, au moment où celui-ci est fait.

Lorsque le présent paragraphe s’applique à la modification d’un choix, celui-ci est réputé n’avoir jamais été en vigueur.

[28]      Comme il a été mentionné précédemment, il n’y a pas de différend concernant les faits qui ont donné lieu aux première et seconde demandes. EY n’a pas tenu compte de la participation de bénéficiaires mineurs aux fiducies et de l’application possible du paragraphe 120.4(5) de la LIR au moment de concevoir les opérations préalables. L’erreur d’EY a fait en sorte que les bénéficiaires mineurs n’ont pas pu utiliser leurs EGC après avoir terminé les étapes 11 et 12 de la note sur les étapes de l’opération. De plus, les parties conviennent que les opérations préalables à la vente ont été effectuées comme le prévoyaient les ententes qui ont mis en œuvre la réorganisation avant la vente. Les documents qui nécessitaient des modifications étaient les choix initiaux.

[29]      Je passe d’abord à l’observation des fiducies selon laquelle le ministre a mal appliqué la jurisprudence récente qui définit la portée du recours de rectification pour évaluer leur seconde demande. Le ministre n’est pas de cet avis et affirme que les principes d’équité qui sont à la base de la rectification et de l’annulation s’appliquent également à l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 85(7.1). Le point central du désaccord des parties est la portée de l’expression « planification fiscale rétroactive » comme l’envisagent les tribunaux canadiens.

[30]      Le délégué du ministre s’est appuyé sur une jurisprudence qui peut être retracée au moyen de trois affaires : Canada (Procureur général) c. Hôtels Fairmont Inc., 2016 CSC 56, [2016] 2 R.C.S. 720 (Fairmont) et l’appel connexe interprétant le Code civil du Québec [RLRQ, ch. CCQ-1991]; Groupe Jean Coutu (PJC) inc. c. Canada (Procureur général), 2016 CSC 55, [2016] 2 R.C.S. 670 (Jean Coutu); Canada Life (citée dans les décisions). Les fiducies soutiennent que l’arrêt Collins Family Trust v. Canada (Attorney General), 2020 BCCA 196, 450 D.L.R. (4th) 447 (Collins) fournit un contexte pour les décisions antérieures et leur application aux affaires fiscales. La décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Collins a été rendue après que les parties ont déposé leurs mémoires des faits et du droit à l’égard des présentes demandes, mais elle a été transmise à la Cour avant l’audience.

[31]      Dans la décision Fairmont, le juge Brown a abordé la portée du recours en equity de la rectification, le qualifiant de « [traduction] “réparation puissante” » (paragraphe 13). En 20022003, Hôtels Fairmont a conclu une entente de financement complexe avec une fiducie canadienne de placement immobilier (Legacy Hotels REIT) dans laquelle Fairmont détenait une participation minoritaire. L’entente de financement a été conçue pour assurer la neutralité fiscale en matière de change. Lorsque Fairmont a été acquise en 2006, l’objectif de neutralité fiscale a été contrecarré, mais les diverses parties à l’acquisition ont conclu un plan modifié qui a reporté l’exposition au risque de change, mais sans plan précis sur la façon dont la neutralité fiscale serait finalement préservée.

[32]      En 2007, Legacy Hotels REIT a demandé à Hôtels Fairmont de résilier certaines ententes dans l’entente de financement initiale. Fairmont a accepté et racheté des actions de ses filiales par résolution des administrateurs des filiales. Le rachat a entraîné la découverte d’une obligation fiscale imprévue après la vérification de l’ARC pour l’année d’imposition 2007. Hôtels Fairmont a demandé à la Cour de rectifier les résolutions de 2007 visant à convertir le rachat d’actions de Fairmont en prêt. Le juge en cabinet et la Cour d’appel [de l’Ontario] ont accueilli la demande de rectification de Fairmont.

[33]      Dans le cadre de l’appel devant la C.S.C., le juge Brown a infirmé les décisions rendues par les instances précédentes et l’arrêt Canada (Attorney General) v. Juliar (2000), 50 O.R. (3d) 728, 2000 CanLII 16883 (C.A.) (Juliar). La décision du juge Brown met l’accent sur les principes qui sous-tendent la rectification et souligne que la rectification se limite à la correction d’une erreur dans la consignation d’une transaction dans un instrument juridique (Fairmont, aux paragraphes 38 et 39) :

En résumé, la rectification est une réparation en equity visant à corriger les erreurs dans la consignation de modalités dans des instruments juridiques écrits [...]

[...] La rectification n’est pas équivalente en equity à un deuxième essai. Les tribunaux rectifient des instruments qui ne consignent pas correctement une entente. Ils ne « rectifient » pas les ententes dont la consignation fidèle dans un instrument a mené à un résultat indésirable ou par ailleurs imprévu.

[34]      Le juge Brown a souligné qu’il n’y a pas de seuil distinct pour accorder la rectification dans le contexte fiscal. Les conséquences fiscales d’une transaction découlent des arrangements et des documents juridiques des parties, et non des conséquences fiscales prévues ou imprévues de ces arrangements juridiques. La rectification porte sur les contrats et les documents, et non sur les intentions (Fairmont, au paragraphe 29, citant un jugement de 1953 de lord Denning dans l’affaire Frederick E. Rose (London) Ld. v. William H. Pim Jnr. & Co., [1953] 2 Q.B. 450 (C.A.), à la page 461).

[35]      Dans l’affaire Canada Life, qui portait sur une demande d’annulation et non de rectification, la Cour d’appel de l’Ontario s’est appuyée sur l’arrêt Fairmont pour affirmer que la compétence en equity des tribunaux en matière de rectification des erreurs ne pouvait être invoquée aux fins de la planification fiscale rétroactive. En 2007, Canada-Vie et certaines de ses sociétés affiliées ont effectué une série d’opérations dont l’objet était de réaliser une perte fiscale pour compenser les gains de change non réalisés accumulés au cours de la même année d’imposition. En 2012, l’ARC a refusé la perte déclarée et Canada-Vie a demandé une rectification et une ordonnance annulant les opérations et les remplaçant par d’autres étapes, rétroactivement à la date d’entrée en vigueur initiale.

[36]      Dans le cadre de l’appel interjeté par le procureur général, Canada-Vie a abandonné sa demande de rectification et a demandé un redressement sous forme d’annulation en equity. La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que l’annulation n’était pas possible dans les circonstances de l’affaire et a déclaré que le redressement demandé sous le couvert de l’annulation était [traduction] « le type même de correction d’une erreur dans la structuration et la mise en œuvre d’une transaction pour obtenir un résultat fiscal particulier que la [C.S.C.] a rejeté dans l’arrêt Hôtels Fairmont » (Canada Life, au paragraphe 7).

[37]      La Cour d’appel de l’Ontario s’est penchée sur les éléments de l’annulation en equity d’un contrat (Canada Life, au paragraphe 89) et a conclu que la demande de Canada-Vie d’annuler en partie les opérations initiales et de les remplacer par une autre série d’opérations ne satisfaisait pas aux exigences de l’annulation en equity. Il n’y avait pas de malentendu commun sur les droits respectifs des parties, seulement sur les conséquences fiscales des opérations, et il n’y avait aucune considération équitable justifiant un redressement. Les passages les plus pertinents aux fins des présentes demandes sont les références de la Cour au traitement accordé par le juge Brown à la planification fiscale rétroactive inadmissible, qui a été cité par le ministre dans les décisions (Canada Life, au paragraphe 69) :

[traduction] […] La planification fiscale rétroactive ne se limite pas aux tentatives d’obtenir des conséquences fiscales plus favorables que ce que l’on espérait obtenir au départ. Cela comprend les tentatives de modifier ses affaires pour que les conséquences fiscales qui étaient prévues, mais qui ont été évitées en raison d’une erreur, puissent être réalisées. La référence du juge Brown à la planification fiscale rétroactive inadmissible, qui, selon lui, s’est produite dans l’affaire Juliar, faisait référence à la fois aux effets « voulus » et « imprévus » des opérations ou des arrangements des parties. En effet, l’affaire Juliar portait sur une opération visant à obtenir un résultat fiscal particulier, tout comme dans l’affaire Fairmont, dans laquelle la Cour a accepté que « la neutralité fiscale fût l’intention des parties » (para 3).

[38]      Enfin, dans l’affaire Collins, M. Collins a conclu une série d’opérations pour protéger les actifs de son entreprise contre les créanciers sans avoir d’impôt sur le revenu à payer. Le régime s’appuyait sur les règles d’attribution énoncées au paragraphe 75(2) de la LIR et sur la déduction pour dividendes intersociétés prévue au paragraphe 112(1). Les opérations étaient fondées sur une compréhension des règles d’attribution qui a par la suite été resserrée par la Cour canadienne de l’impôt. À la suite du changement d’interprétation, l’ARC a effectué une vérification de M. Collins et de sa fiducie familiale et a établi de nouvelles cotisations défavorables pour l’année d’imposition en question. M. Collins et la fiducie ont demandé au tribunal d’annuler les opérations sur la base d’une erreur.

[39]      La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé l’ordonnance du juge en cabinet qui a accordé la résiliation et a déclaré que ni l’arrêt Fairmont ni l’arrêt Jean Coutu n’avaient miné les principes exprimés dans une affaire antérieure en Colombie-Britannique fondée sur une série d’opérations essentiellement identiques (Collins, au paragraphe 45) :

[traduction] À mon avis, ni l’arrêt Fairmont ni l’arrêt Jean Coutu n’ont miné les principes exprimés et appliqués dans la décision Pallen Trust. Bien que la rectification (comme celle demandée dans l’affaire Fairmont) et l’annulation (comme celle demandée dans l’affaire Pallen Trust) soient des recours en equity, chacune a son propre critère juridique, et chacune s’applique dans un contexte non fiscal ainsi qu’un contexte fiscal. Si les demandeurs satisfont au critère juridique du redressement demandé, ils ont droit à ce redressement. L’arrêt Fairmont n’a pas établi le contraire.

[40]      La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a contesté un aspect du raisonnement du tribunal inférieur. Le juge en cabinet n’a pas vu pourquoi les différents recours en equity devraient donner des résultats radicalement différents et a déclaré que les arrêts Fairmont et Jean Coutu devaient être d’application plus générale et s’appliquer à toutes les affaires fiscales.

[41]      La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a conclu que le juge en cabinet avait interprété les décisions de la C.S.C. de façon trop large (Collins, au paragraphe 53) :

[traduction] À mon avis, ni l’arrêt Fairmont ni l’arrêt Jean Coutu n’appuient la proposition générale selon laquelle l’octroi d’un redressement en equity dans un contexte fiscal entraînera une « planification fiscale rétroactive inadmissible ». Ils confirment plutôt que la planification fiscale rétroactive ne peut être réalisée par la rectification (ou la modification) d’un instrument qui consigne correctement une entente antérieure, simplement parce que l’effet de cet instrument produit une conséquence fiscale inattendue. Comme le juge Brown l’a déclaré dans l’arrêt Fairmont, au paragraphe 24, l’arrêt Juliar a autorisé une« planification fiscale rétroactive inadmissible » parce qu’il s’écartait par erreur du principe selon lequel l’enquête porte sur ce que le contribuable a convenu de faire. De même, le juge Wagner a souligné, dans l’arrêt Jean Coutu (au para 42) que le fait de permettre la modification de documents écrits lorsqu’il n’y a pas de divergence avec le véritable accord des parties équivaudrait à une « planification fiscale rétroactive ».

[42]      La Cour a déclaré que le corollaire de son analyse est que le recours en rectification est disponible si toutes les conditions préalables pour accorder la rectification sont remplies même si un avantage fiscal est obtenu. Il en va de même pour le recours en annulation (Collins, aux paragraphes 54 et 55).

[43]      La question en litige dans les présentes demandes est le paragraphe 85(7.1) de la LIR et le recours en modification. Le paragraphe permet de modifier un choix fait en vertu des paragraphes 85(1) ou (2) si, de l’avis du ministre, les circonstances de l’affaire sont telles qu’il serait juste et équitable de le faire. Les fiducies ont proposé les choix modifiés à titre de modifications. Elles n’ont pas demandé et ne demandent pas la rectification d’un document signé ou l’annulation d’une opération. La question dont le ministre et son délégué étaient saisis était de savoir s’il était juste et équitable de permettre les modifications.

[44]      La C.S.C. souligne l’importance du régime législatif dans lequel un décideur administratif rend une décision (Vavilov, au paragraphe 108). Le point de départ de l’examen de la seconde demande par le délégué était le paragraphe 85(7.1). Toutefois, les décisions ne contiennent aucune évaluation de la portée du paragraphe et du redressement prévu par la loi, lorsque celui-ci est juste et équitable, pour modifier des choix déjà déposés en vertu de l’article 85. Le ministre n’a pas établi de chaîne d’analyse rationnelle du paragraphe. Les décisions n’expliquent pas l’application par le ministre des principes de rectification à une disposition législative qui prévoit des modifications à un document particulier et aux faits qui sous-tendent les choix modifiés (Vavilov, au paragraphe 85). J’estime que cette omission est une erreur susceptible de contrôle pour un certain nombre de raisons.

[45]      Les décisions laissent entendre que le délégué du ministre a appliqué les exigences de rectification à la demande de modification des fiducies et que les recours en rectification et en modification sont équivalents. Il n’en est rien. Lu dans son sens grammatical et ordinaire, conformément à la nature et à l’objet de l’article 85, le renvoi au paragraphe 85(7.1) à la modification d’un choix est plus large que la rectification d’un document pour annuler ce qui, dans bien des cas, équivaut à une erreur d’écriture (Vavilov, au paragraphe 117, citant Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27,  au paragraphe 21). Le paragraphe n’indique pas que le ministre peut permettre la rectification d’un choix fait en vertu des paragraphes 85(1) ou (2). Si la position du ministre est que l’inclusion des mots « juste et équitable » au paragraphe 85(7.1) limite le concept de modification à celui de rectification, les fiducies avaient droit à une explication de cette position dans les décisions.

[46]      Les décisions sont appuyées par le Formulaire de recommandation d’allègement pour les contribuables (le formulaire de recommandation) du 20 juin 2019 et la note au dossier de l’ARC du 11 juin 2019 (la note de service de M. Litt), tous deux préparés par M. N. Litt, un vérificateur de l’ARC dans le BSF de la vallée du Fraser.

[47]      Le formulaire de recommandation cite les directives de l’ARC pour les choix tardifs ou modifiés en vertu de l’article 85 qui sont contenues dans la circulaire d’information IC76-19R3 (« Transfert de biens à une société en vertu de l’article 85 ») (la circulaire) et s’appuie sur l’analyse de fond de M. Litt dans la note de service de ce dernier pour appuyer la conclusion selon laquelle la seconde demande des fiducies devrait être refusée, parce qu’elle constitue une planification fiscale rétroactive.

[48]      La note de service de M. Litt reconnaît que l’un des objectifs de la réorganisation avant la vente était que les bénéficiaires des fiducies [traduction] « utilisent leur exonération des gains en capital sur le gain tiré de la vente des actions du groupe Mainland ». La note de service indique que le paragraphe 85(7.1) permet aux parties de présenter des choix modifiés dans des circonstances extraordinaires et tient compte des points de vue de l’ARC dans le Guide d’appel. M. Litt conclut qu’il y a peu d’indications sur ce que l’ARC considérerait comme juste et équitable, mais que les situations où un impôt est devenu payable en raison d’une erreur raisonnable satisferaient à la norme. M. Litt fait également référence au paragraphe 16 de la circulaire, selon lequel une demande présentée en vertu du paragraphe 85(7.1) peut être fondée sur la correction de conséquences fiscales imprévues lorsque les parties ont l’intention de procéder à un transfert sans conséquences fiscales immédiates.

[49]      M. Litt cite les décisions Canada Life, Jean Coutu et Fairmont et la déclaration du juge Brown selon laquelle les parties ne peuvent pas avoir carte blanche pour exploiter la rectification aux fins de la planification fiscale rétroactive (Fairmont, au paragraphe 72). M. Litt affirme que, bien que l’intention de la note sur les étapes de l’opération était d’effectuer une réorganisation avec report d’impôt, l’intention des étapes 11 et 12 était de réaliser un gain en capital. Il conclut que la demande des fiducies de modifier les choix initiaux en raison de l’omission d’EY lors de la conception de la réorganisation avant la vente consistait en une planification fiscale rétroactive inadmissible et devrait être rejetée.

[50]      La seule mention du paragraphe 85(7.1) dans la note de service de M. Litt qualifie d’extraordinaires les situations dans lesquelles une dispense sera possible. Bien que M. Litt fasse référence aux concepts d’équité et de justice, il ne les rattache pas au paragraphe lui-même ni à son opinion selon laquelle il s’applique dans des circonstances extraordinaires. Il ne fait aucune distinction entre la modification, la rectification et l’annulation, même s’il se fonde sur la décision Canada Life, une affaire dans laquelle une annulation a été accordée pour annuler et remplacer une série d’opérations exécutées. Surtout, M. Litt n’explique pas pourquoi la demande des fiducies de déclencher des gains en capital à l’étape 39 de la note sur les étapes de l’opération, soit la vente de Mainland à l’acheteur tiers, est une planification fiscale rétroactive inadmissible fondée sur les principes généraux d’équité de la jurisprudence. L’analyse dans les décisions comporte la même lacune.

[51]      Je suis d’accord avec le ministre lorsqu’il fait observer que son délégué n’a pas commis d’erreur en déclarant que les principes généraux d’équité mentionnés dans les décisions Fairmont et Canada Life peuvent être utilisés pour éclairer son évaluation des mots « juste et équitable » utilisés au paragraphe 85(7.1). L’erreur, ou la lacune, dans les décisions est que le ministre n’a pas raisonnablement expliqué comment la jurisprudence a éclairé son examen du paragraphe et de la seconde demande.

[52]      Le pouvoir discrétionnaire accordé au ministre au paragraphe 85(7.1) laisse penser qu’une portée acceptable est accordée à la planification fiscale rétroactive et à la correction des conséquences fiscales imprévues. Autrement dit, ce ne sont pas tous les cas dans lesquels une partie cherche à modifier un choix en vertu des paragraphes 85(1) ou (2) qui impliquent une planification fiscale rétroactive inadmissible. Dans chaque cas, le ministre est tenu d’examiner toutes les circonstances du contribuable et d’expliquer pourquoi la modification demandée, qui aura inévitablement été provoquée par une conséquence fiscale imprévue, n’est pas juste et équitable. Nulle part dans les décisions le délégué du ministre n’arrive à une telle conclusion. Il y a une référence à la planification fiscale inadmissible, mais cela fait partie de la citation de la décision Canada Life. Le délégué du ministre explique sa propre justification pour refuser la seconde demande en utilisant les termes « planification fiscale rétroactive » et « conséquences fiscales imprévues ».

[53]      Je suis également d’accord avec les fiducies et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, dans la décision Collins, pour dire que l’analyse par la C.S.C. des principes de rectification dans l’arrêt Fairmont ne limite pas l’évaluation par le ministre de la question de savoir si un choix modifié proposé, en s’appuyant sur le paragraphe 85(7.1), est juste et équitable (Collins, au paragraphe 56). Une demande de redressement en equity doit être évaluée en fonction du redressement particulier demandé. L’application par le délégué du ministre de l’arrêt Fairmont et de la décision Canada Life sans analyser le libellé utilisé dans le paragraphe et les raisons pour lesquelles les modifications demandées constituent non seulement une planification fiscale rétroactive, mais aussi une planification fiscale inadmissible, comme il en est question dans l’arrêt Fairmont, est une erreur importante à laquelle ne rectifie pas l’analyse dans la note de service de M. Litt.

[54]      Le délégué du ministre déclare dans les décisions que la seconde demande était semblable à celle de l’affaire Canada Life, dans laquelle la Cour d’appel de l’Ontario a conclu qu’elle ne pouvait pas remplacer une série d’opérations par une autre pour éviter un résultat fiscal involontaire (Canada Life, au paragraphe 74). Le délégué du ministre affirme également que le défaut d’EY de tenir compte de l’âge des bénéficiaires des fiducies et l’application du paragraphe 120.4(5) ne permettait pas aux fiducies [traduction] « de modifier les opérations initiales parce qu’elles entraînent des conséquences fiscales imprévues ». J’estime que ces énoncés dans les décisions ne reflètent pas une analyse raisonnable de la seconde demande. Il existe d’importantes différences factuelles entre l’affaire Canada Life et les demandes de modification présentées par les fiducies. Les fiducies ont mis en œuvre les opérations décrites aux étapes 11 et 12 conformément aux ententes juridiques signées par les parties. Elles n’ont pas cherché à annuler ou à remplacer ces opérations.

[55]      Le ministre soutient qu’un contribuable ne peut pas demander une modification en vertu du paragraphe 85(7.1) en raison de l’erreur d’un conseiller professionnel. Toutefois, rien n’indique dans les décisions que le ministre a tenu compte d’un tel argument. Le principe peut s’appliquer à une demande présentée au titre du paragraphe 85(7.1) dans certaines circonstances, mais ce n’est pas la raison invoquée pour le rejet en l’espèce.

[56]      Les deux affaires citées par le ministre à l’appui de sa position, Bugera c. Canada (Ministre du revenu national), 2003 CFPI 392 (Bugera) et Masson (précédemment citée), sont des affaires de demandes de choix tardifs au titre de l’alinéa 85(7.1)a). Dans les deux affaires, les demandeurs ont présenté des observations fondées sur les erreurs de leurs conseillers, mais ces observations n’ont été déterminantes dans aucune de ces affaires. Par exemple, dans l’arrêt Masson, la Cour s’est référée à la jurisprudence selon laquelle l’erreur d’un tiers n’est pas un motif valable pour une demande de contrôle judiciaire, mais elle a conclu que le refus du ministre était raisonnable en raison de l’absence de preuve établissant l’intention des parties de procéder par roulement. En revanche, dans l’affaire Collins, dans laquelle les opérations qui ont donné lieu à des conséquences fiscales imprévues ont été conçues par des conseillers professionnels, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a accordé la demande d’annulation en fonction des faits dont elle disposait.

[57]      Les fiducies soutiennent également que les décisions n’expliquent pas pourquoi le ministre s’est écarté des lignes directrices de l’ARC dans le Manuel des circulaires et des appels au sujet de l’erreur raisonnable compte tenu de l’intention des fiducies de permettre à leurs bénéficiaires d’utiliser leurs EGC dans le cadre de la vente sans lien de dépendance de Mainland. Je conviens avec les fiducies que cette deuxième omission est une erreur susceptible de contrôle.

[58]      Les fiducies s’appuient principalement sur les paragraphes 16 et 18 de la circulaire pour démontrer que le ministre a l’habitude d’accepter un choix modifié lorsqu’il est clair que les parties voulaient que le transfert soit « sans aucun attribut fiscal immédiat ». Les parties pertinentes des paragraphes 16 et 18 de la circulaire précisent ce qui suit :

16.   En règle générale, nous accepterons un choix modifié visé au paragraphe 85(7.1) s’il a pour but de modifier la somme convenue et si, sans cette modification, il y aurait des attributs fiscaux non prévus pour les contribuables concernés. Nous permettrons de telles modifications si elles visent à corriger une erreur, une omission ou un oubli commis lors du choix initial. Toutefois, nous ne les permettrons pas si, de l’avis du Ministère, elles visent principalement à :

a.  tirer parti, de façon rétroactive, d’avantages fiscaux non envisagés lors de la production du choix initial, comme des crédits d’impôt ou des pertes. Lorsqu’une partie des modifications visera à tirer parti rétroactivement d’avantages fiscaux et une autre, à corriger des erreurs, nous vous informerons que nous n’accepterons un choix modifié que pour la correction des erreurs;

[...]

18.   En règle générale, Revenu Canada acceptera un choix modifié pour :

[...]

d.  corriger d’autres situations ayant entraîné des attributs fiscaux non prévus, par exemple, l’application de l’article 84.1, des paragraphes 15(1), 84(1) et 85(2.1) ou de l’alinéa 85(1)e.2), lorsqu’il est évident que les parties souhaitaient que le transfert s’effectue sans aucun attribut fiscal immédiat.

[59]      Les fiducies font valoir que la circulaire reflète la pratique administrative publiée de longue date du ministre qui consiste à permettre des choix modifiés pour éviter des conséquences fiscales imprévues. Elles font référence au libellé presque identique des paragraphes 16 et 17 de la circulaire précédente, IC76-19R2, et comparent le libellé actuel à celui de la première circulaire, IC76-19R, publiée le 13 novembre 1978, avant l’adoption du paragraphe 85(7.1). Le paragraphe 3 de la première circulaire limitait les circonstances dans lesquelles une modification pouvait être apportée à la correction des « erreurs d’écriture » et d’autres situations limitées, en utilisant en fait un libellé fondé sur la rectification.

[60]      L’adoption du paragraphe 85(7.1) a donné lieu à un libellé plus large dans les circulaires révisées afin d’inclure l’évitement de conséquences fiscales imprévues. La circulaire actuelle indique que le ministre acceptera généralement un choix modifié pour corriger une situation qui a entraîné des conséquences fiscales imprévues lorsqu’il est clair que les parties avaient l’intention d’effectuer un transfert sans conséquences fiscales immédiates. Cet énoncé général est nuancé par l’énoncé selon lequel la modification ne sera pas acceptée si son objectif principal est de procéder à une planification fiscale rétroactive que l’ARC juge inadmissible. Les fiducies voulaient corriger les conséquences fiscales imprévues en choisissant le traitement de transfert aux étapes 11 et 12 et en déclenchant un gain en capital à l’étape 39 pour permettre à tous les bénéficiaires d’utiliser leurs EGC. Le ministre reconnaît que les fiducies prévoyaient que le traitement de transfert découle de la réorganisation avant la vente M. Litt reconnaît dans sa note de service que l’une des situations mentionnées dans la circulaire s’applique à la seconde demande des fiducies.

[61]      Le ministre soutient à juste titre que la circulaire ne fournit que des conseils et n’est pas contraignante (Stemijon Investments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 60). Je conclus toutefois que le ministre était tenu d’expliquer pourquoi il s’est écarté de la position de l’ARC au paragraphe 16 de la circulaire et qu’il ne l’a pas fait. Le délégué du ministre fait référence au libellé des manuels des appels et de la vérification à l’appui de sa position. Il ne mentionne pas le paragraphe 16 de la circulaire ni des exemples qu’elle contient de planification fiscale rétroactive inadmissible. Pour ce qui est de la note de service de M. Litt, à la suite de son renvoi à la circulaire, M. Litt résume la jurisprudence susmentionnée. Il n’explique pas pourquoi, alors que l’intention des fiducies de permettre aux bénéficiaires d’utiliser leurs EGC au cours de la réorganisation avant la vente était claire, il s’est concentré sur les étapes 11 et 12 pour conclure que la seconde demande était une demande de planification fiscale rétroactive inadmissible.

[62]      En résumé, il n’y a aucune explication ni dans les décisions ni dans la note de service de M. Litt pour expliquer pourquoi l’erreur d’EY de réaliser des gains prématurément dans la réorganisation a entraîné la conclusion du ministre qu’il n’était pas juste et équitable d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’autoriser les choix modifiés. Il ne s’agit pas d’un cas où il y a eu une opération entre-temps qui a amené les fiducies à examiner rétroactivement leur planification fiscale et à chercher à reformuler leurs actions antérieures (voir, p. ex., Bugera). La deuxième demande a été faite dans le contexte d’une vente de Mainland à un tiers, où les EGC seraient normalement possibles avec une certaine planification préalable. Les fiducies ne cherchent pas à obtenir un avantage fiscal qu’elles n’avaient pas envisagé à l’époque. Si le ministre estime que ces circonstances sont suffisantes pour satisfaire au critère de planification fiscale rétroactive inadmissible, malgré les directives de la circulaire, encore une fois, les fiducies ont droit à une explication claire. L’explication n’a pas besoin d’être longue, mais elle doit permettre aux fiducies de comprendre comment s’appliquent la loi, la circulaire et les principes généraux de redressement en equity à leurs propres faits.

[63]      J’estime que les décisions n’ont pas la chaîne d’analyse rationnelle et le raisonnement transparent qui caractérisent une décision administrative raisonnable. Le délégué du ministre n’a pas inclus une analyse logique des faits importants pertinents pour la seconde demande par rapport aux paramètres du paragraphe 85(7.1). Il applique plutôt les exigences en equity qui sont propres à la rectification et à l’annulation sans reconnaître de différence dans les recours demandés. Les décisions et la note de service semblent ignorer le fait que les fiducies n’ont proposé aucune modification aux opérations aux étapes 11 et 12 ni aux documents signés conformément à la note sur les étapes de l’opération. Les fiducies n’ont demandé que la modification des choix initiaux, comme le prévoit le paragraphe 85(7.1). Le délégué du ministre a commis une erreur lorsqu’il a déclaré : [traduction] « [v]otre demande est semblable à celle présentée par Canada-Vie, dans laquelle [la] Cour d’appel de l’Ontario a déclaré ce qui suit : “le tribunal ne peut pas substituer une série d’opérations à une autre pour éviter un résultat fiscal imprévu” ».

2.    La procédure décisionnelle du ministre était-elle équitable sur le plan de la procédure?

[64]      Les fiducies remettent en question l’équité de la procédure suivie par le ministre pour l’examen de la seconde demande, en grande partie en raison de la participation de Mme Wu à la vérification initiale de l’année d’imposition 2014 des fiducies et à l’évaluation par l’ARC des première et seconde demandes au nom du ministre. Dans son rôle de vérificatrice de l’ARC, Mme Wu a conclu que les fiducies n’avaient pas tenu compte de l’application du paragraphe 120.4(5) de la LIR aux gains en capital réalisés par leurs bénéficiaires mineurs aux étapes 11 et 12. Elle a également été la vérificatrice de l’ARC qui a effectué l’examen de fond de la première demande et a recommandé son refus à son gestionnaire, M. Dhaliwal. Enfin, Mme Wu a préparé une note d’information au début de l’évaluation de l’ARC de la seconde demande qui a été remise à l’équipe d’examen.

[65]      Je suis d’accord avec les fiducies pour dire que Mme Wu n’aurait pas dû être l’analyste principale de l’ARC pour la première demande. Un formateur de l’ARC lui a conseillé de se récuser au début du processus, mais elle ne l’a pas fait. Le rôle de Mme Wu à titre de vérificatrice était très différent de celui qui était exigé dans le cadre de l’examen d’une demande de redressement au titre du paragraphe 85(7.1). La conclusion tirée dans le cadre de la vérification selon laquelle le paragraphe 120.4(5) s’appliquait pour caractériser les gains en capital réalisés par les bénéficiaires mineurs et son désir apparent de corroborer cette conclusion, comme il est indiqué dans le dossier de la Cour, minent l’impartialité du premier examen et du premier refus.

[66]      Le point en litige dans les présentes demandes est l’équité de la procédure suivie par le ministre pour l’examen de la seconde demande. Ma conclusion selon laquelle les décisions ne sont pas raisonnables signifie que l’équité de la procédure n’est pas déterminante pour le succès des demandes, mais cette question est néanmoins pertinente par rapport au redressement demandé par les fiducies.

[67]      J’estime que la participation de Mme Wu à l’évaluation de l’ARC de la deuxième demande au nom du ministre a été minime. La note d’information qu’elle a préparée était de nature factuelle et présentait les événements qui ont mené à la seconde demande. Elle ne contenait aucune recommandation et il n’y a aucune preuve au dossier montrant que M. Litt ou M. Wong se sont appuyés sur la note de service. La suggestion des fiducies selon laquelle il y a eu des appels téléphoniques inconnus avec Mme Wu au cours du deuxième examen est hypothétique et ne se reflète pas dans le dossier.

[68]      J’estime également que l’évaluation de la seconde demande faite par M. Litt était exhaustive et impartiale. Rien ne prouve qu’il y a eu un manque d’impartialité. Il n’y a pas non plus d’éléments de preuve qui appuieraient une crainte raisonnable de partialité de la part de M. Wong ou de M. Litt ou qui soulèveraient des préoccupations persistantes découlant de la participation de Mme Wu au premier examen qui seraient suffisantes pour entraîner une injustice dans la procédure du ministre ayant mené au refus de la seconde demande. Le fait que la recommandation de M. Litt a été examinée par les trois membres du deuxième comité d’examen au cours d’un après-midi avant les vacances d’été de M. Wong peut être troublant pour les fiducies, mais ne témoigne pas en soi d’un manque d’attention. Le formulaire d’information est bref et la note de service n’est pas indûment longue ou compliquée.

VI.   Décision et dépens

[69]      J’ai conclu que les décisions n’établissent pas une chaîne logique et rationnelle de raisonnement ou d’explication suffisante pour justifier le refus de la seconde demande par le ministre. Les décisions seront annulées et l’affaire sera renvoyée au ministre pour qu’il rende une nouvelle décision.

[70]      Les fiducies demandent que tout réexamen de la seconde demande soit effectué par le personnel de l’ARC qui se trouve dans un autre BSF, parce qu’il y a peu de gestionnaires des services de vérification dans le BSF de la vallée du Fraser qui ont le pouvoir délégué de prendre des décisions au nom du ministre au titre du paragraphe 85(7.1).

[71]      Comme je ne connais pas la composition du BSF de la vallée du Fraser, je n’ordonnerai pas que le réexamen de la seconde demande par le ministre soit effectué par un autre BSF. Toutefois, j’ordonne au ministre de veiller à ce que la nouvelle décision soit prise par des employés de l’ARC qui n’ont pas participé à la vérification des déclarations de revenus des fiducies ou de la famille Carlson ou d’autres questions fiscales et n’ont pas participé aux premier et deuxième examens. Si mes directives signifient qu’une nouvelle décision entièrement impartiale ne peut être rendue dans le BSF de la vallée du Fraser, le ministre doit renvoyer l’affaire ailleurs.

[72]      À l’audition des présentes demandes, les parties ont convenu de discuter du montant des dépens à adjuger. Depuis, j’ai reçu et examiné la correspondance des parties et j’adopterai leur proposition. Compte tenu de ma décision d’accueillir les demandes, les fiducies ont droit à des dépens payables par le ministre, fixés à 15 000 $, taxes et débours compris.

JUGEMENT dans les dossiers T-1174-19 et T-1175-19

LA COUR STATUE que :

1.    Les demandes de contrôle judiciaire des décisions du ministre du Revenu national du 20 juin 2019 dans les dossiers de la Cour T-1174-19 et T-1175-19 sont accueillies.

2.    Une copie du présent jugement et des présents motifs sera versée dans chacun des dossiers de la Cour (T-1174-19 et T-1175-19).

3.    Le défendeur, le ministre du Revenu national, paiera aux demanderesses, la fiducie familiale Brent Carlson et la fiducie familiale Ted Carlson, collectivement, les dépens de la présente demande au montant de 15 000 $, taxes et débours compris.

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