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T-1262-14

2021 CF 806

Ville de Montréal (demanderesse)

c.

Société du Vieux-Port de Montréal (défenderesse)

et

Procureur général du Canada (intervenant)

Répertorié : Montréal (Ville) c. Société du Vieux-Port de Montréal Inc.

Cour fédérale, juge Pamel—Montréal, 23 au 25 novembre 2020; 30 juillet 2021.

Couronne — Biens immeubles — Contrôle judiciaire de décisions annuelles rendues par la défenderesse prises entre 2014 et 2020 déterminant le montant payable de paiements discrétionnaires et volontaires en remplacement de l’impôt foncier (PERI), jugé inadéquat et déraisonnable par la demanderesse — Le régime PERI concilie l’équité fiscale envers les municipalités et la préservation de l’immunité fiscale constitutionnelle de la Couronne — Des « en-lieu de taxes » sur les « propriétés fédérales » au sens de la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts (LPRI) sont versés par la Couronne aux municipalités — La défenderesse fait parvenir à la demanderesse chaque année une décision dans laquelle elle explique le montant de son PERI et les exclusions de la notion de « propriété fédérale » qu’elle invoque — Il y avait mésentente en l’espèce quant à la valeur effective et à la composition de la « propriété fédérale » au sens de la LPRI du site du Vieux-Port de Montréal — La défenderesse a invoqué, entre autres, de nouvelles exceptions à la notion de propriété fédérale et a soutenu que certains de ses lots étaient situés en eau profonde et devaient donc faire l’objet d’une évaluation nominale — La défenderesse a aussi invoqué une exemption en vertu de la notion d’abri contre la neige en vertu de l’art. 2(3)b) et du paragraphe 12 de l’annexe II de la LPRI , en plus de soutenir que le Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement (Règlement sur les stationnements) était inapplicable aux stationnements situés sur ses quais, car ces derniers seraient situés au-delà de la limite territoriale d’application de ce règlement — La demanderesse a soutenu que plusieurs des exemptions de la notion de propriété fédérale ont été déraisonnablement invoquées par la défenderesse — Les principaux éléments controversés du site incluent des quais, le Centre des sciences de Montréal, et des stationnements intérieurs et extérieurs — Il s’agissait de déterminer si les biens visés par le présent litige constituent des propriétés fédérales au sens de la LPRI; si les stationnements de la défenderesse sont assujettis au Règlement sur les stationnements; si les terrains de la défenderesse sont situés « en eau profonde »; et si la défenderesse pouvait opérer compensation d’un montant qu’elle a prétendument trop payé en 2013 pour les années subséquentes — En utilisant le mot « parc » à l’art. 2(3)c) de la LPRI, le législateur ne souhaitait pas y inclure tous les lieux d’utilisation ou d’activité communes — Le législateur désigne plutôt un parc urbain naturel, aménagé comme tel au bénéfice de la communauté — Il n’y a pas incompatibilité avec une utilisation « à des fins éducatives, récréatives et scientifiques » — Cette qualité ne s’oppose pas à ce que certains bâtiments accessoires à un parc puissent eux-mêmes être compris dans le sens du mot « parc » — Il faut regarder l’ensemble du parc et la relation entre le parc et le bâtiment — Le site du Vieux-Port a franchi le seuil d’une destination de divertissement, et ne constitue donc pas un parc au sens de la LPRI — Ni les bâtiments ni les stationnements ne tombent sous la qualification de parc telle qu’elle figure à l’art. 2(3)c) — La LPRI ne fait aucune distinction, à l’art. 2(3)a), entre la surface et le terrain sous-jacent — La LPRI ne concerne pas l’utilisation commerciale qui est faite de la propriété fédérale — Les stationnements intérieurs et à étages sont visés par l’art. 2(3)a)(i) et inclus dans la notion de propriété fédérale — Ce ne sont pas tous les bâtiments sur le site du Vieux-Port dotés d’un toit qui seraient des abris contre la neige au sens de la LPRI — Ce n’est pas ce que le législateur a voulu dire en incluant l’expression « abri contre la neige » au paragraphe 12 de l’annexe II de la LPRI — Lorsqu’un paragraphe de l’annexe II énonce plusieurs choses, celles-ci comportent des caractéristiques communes — La défenderesse s’est livrée à une périlleuse gymnastique intellectuelle pour essayer de rattacher d’une façon déraisonnable les stationnements intérieurs ou étagés à l’une des exceptions de la notion de propriété fédérale, et a fait abstraction de l’objet de la LPRI — L’exclusion automatique d’une voie fédérale de l’assiette des PERI du simple fait qu’elle donne aussi accès à des propriétés privées est contraire à l’esprit de la LPRI et au texte de l’art. 2(3)g) — La défenderesse n’a pas respecté les principes d’interprétation du texte de la LPRI et l’intention du législateur — L’exercice qu’elle a fait de son pouvoir discrétionnaire de verser des PERI était déraisonnable — Il n’était pas raisonnable de la part de la défenderesse de conclure que si les stationnements appartenaient à un propriétaire privé et étaient taxables, le taux de taxation applicable à ces lieux exclurait la taxe imposée par le Règlement sur les stationnements — L’article 3 de la LPRI permet les PERI pour toutes taxes applicables sur les lieux où se situent les propriétés fédérales en question — Le Règlement sur les stationnements doit être pris en considération lorsque la défenderesse exerce son pouvoir discrétionnaire en matière de calcul du PERI annuel — Aux fins des PERI, il n’y a aucune raison de traiter différemment le site du Vieux-Port simplement parce qu’il a été construit avec du remblai jusqu’à un certain point dans le fleuve Saint-Laurent — Les quais sont attachés de façon permanente à la terre ferme, sont inamovibles et abritent des bâtiments importants — Il serait déraisonnable et contraire à l’équité de la LPRI d’évaluer les terrains en cause comme des lots en eau profonde avec une évaluation minime — L’article 4 du Règlement sur les versements provisoires et les recouvrements ne permet pas à la défenderesse de se prévaloir d’un quelconque droit à un recouvrement du prétendu trop payé de 2013 — Il était déraisonnable pour la défenderesse de ne payer aucun montant à titre de PERI à l’égard des « terrains » formant l’emprise de la voie ferrée et de la cour de triage ferroviaire — Les décisions annuelles rendues par la défenderesse déterminant le montant payable de PERI ont été annulées et la présente affaire a été renvoyée à la défenderesse pour nouvelle détermination — Demande accueillie.

Interprétation des lois — La demanderesse contestait des décisions annuelles rendues par la défenderesse prises entre 2014 et 2020 déterminant le montant payable de paiements discrétionnaires et volontaires en remplacement de l’impôt foncier (PERI) — Le régime PERI concilie l’équité fiscale envers les municipalités et la préservation de l’immunité fiscale constitutionnelle de la Couronne — Des « en-lieu de taxes » sur les « propriétés fédérales » au sens de la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts (LPRI) sont versés par la Couronne aux municipalités — Il y avait mésentente en l’espèce quant à la valeur effective et à la composition de la « propriété fédérale » au sens de la LPRI du site du Vieux-Port de Montréal — Les parties ont défendu des méthodes d’interprétation différentes — Il convenait donc d’exposer la méthode applicable — Les principes d’interprétation favorables au « contribuable » propres aux lois de nature fiscale ne s’appliquaient pas en l’espèce — La manière d’atteindre l’objectif de la LPRI n’est pas du tout de nature fiscale — Les parties sont, dans le cadre de l’application de la LPRI, dans une relation fondée sur l’équité — Les décisions découlant de la détermination des PERI ne doivent pas dénaturer les termes utilisés par le législateur — Il convenait de se rapporter à la méthode moderne d’interprétation pour examiner les exemptions revendiquées par la défenderesse.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de décisions annuelles rendues par la défenderesse prises entre 2014 et 2020 déterminant le montant payable de paiements discrétionnaires et volontaires en remplacement de l’impôt foncier (PERI), jugé inadéquat et déraisonnable par la demanderesse.

Afin de concilier l’équité fiscale envers les municipalités et la préservation de l’immunité fiscale constitutionnelle de la Couronne prévue par l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867 et ainsi compenser les impôts autrement perçus par les municipalités, le gouvernement fédéral a créé le régime de PERI au sens de la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts (LPRI). Par les PERI, la Couronne fédérale accepte de verser, sous certaines conditions, des « en-lieu de taxes » aux municipalités sur ses « propriétés fédérales » au sens de la LPRI. Lorsque les propriétés visées par le régime des PERI appartiennent à une société d’État fédérale, la gestion du régime prévu par la LPRI revient à celle-ci. La défenderesse, qui est une telle société, reçoit chaque année une demande de PERI de la part de la demanderesse. En réponse à cette demande, elle fait parvenir à la demanderesse chaque année une décision dans laquelle elle explique de façon sommaire le montant de son PERI et, le cas échéant, les exclusions de la notion de « propriété fédérale » qu’elle invoque pour établir le montant de son paiement. Depuis 2014, une mésentente subsiste entre les parties quant à la valeur effective et à la composition de la « propriété fédérale » au sens de la LPRI du site du Vieux-Port de Montréal. La défenderesse a soutenu notamment que le Vieux-Port est un parc, donc exclu de la désignation de « propriété fédérale ». En jeu était la détermination de l’assiette fiscale du site du Vieux-Port par la défenderesse. Les difficultés relatives aux PERI ont culminé à compter de l’exercice financier 2014, lorsque la défenderesse s’est mise à invoquer de nouvelles exceptions à la notion de propriété fédérale et à soutenir que certains de ses lots étaient situés en eau profonde et devaient donc faire l’objet d’une évaluation nominale. De plus, la défenderesse a soutenu que le Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement (Règlement sur les stationnements) était inapplicable aux stationnements situés sur ses quais, car ces derniers seraient situés dans le fleuve Saint-Laurent, soit au-delà de la limite territoriale d’application de ce règlement.

Essentiellement, la demanderesse a soutenu que plusieurs des exemptions de la notion de propriété fédérale ont été déraisonnablement invoquées par la défenderesse puisqu’elles ne résultent pas d’une interprétation raisonnable de la LPRI. La demanderesse a ajouté que la défenderesse a déraisonnablement conclu que ses terrains étaient situés en eau profonde et donc qu’ils devaient recevoir une valeur nominale, puisque cette notion n’aurait aucun fondement juridique, et que le Règlement sur les stationnements est pleinement applicable au site du Vieux-Port, puisque ce site ne se trouve pas dans le fleuve Saint-Laurent, qui est la limite territoriale d’application de ce règlement. Les principaux éléments controversés du site incluent des pavillons, des quais, le Centre des sciences de Montréal, le cinéma IMAX, des stationnements intérieurs et extérieurs, et une foire alimentaire. Selon la défenderesse, s’appuyant sur la Loi sur les parcs nationaux du Canada et la Loi sur le parc marin du Saguenay — Saint-Laurent, l’ensemble du site du Vieux-Port serait un parc au sens de la LPRI, et cette qualité de parc s’étendrait aux bâtiments plus imposants constituant le site du Vieux-Port. La défenderesse a ajouté que les stationnements, la foire alimentaire, les toilettes ainsi que les terrains, promenades, chemins et voies publiques relèveraient aussi de l’exemption puisqu’ils sont accessoires et nécessaires à l’exploitation du parc. La défenderesse a invoqué une exemption en vertu de la notion d’abri contre la neige en vertu de l’art. 2(3)b) et du paragraphe 12 de l’annexe II de la LPRI. Elle a soutenu que ses stationnements extérieurs non couverts ainsi que ses stationnements intérieurs et étagés, en tant qu’améliorations d’emplacement, constituent des « constructions ou ouvrages » au sens de l’art. 2(3)a) de la LPRI et qu’ils sont donc exclus de la notion de propriété fédérale. Elle a soutenu de plus que comme le Règlement sur les stationnements est une taxe foncière qui vise la superficie du terrain de stationnement et non pas la valeur du terrain sous-jacent, si on enlève l’aménagement de stationnement — l’asphalte et le gravier qu’il y a en dessous — comme exclu de la notion de propriété fédérale, la Ville ne peut plus imposer cette taxe sur les stationnements.

Les principales questions en litige étaient de déterminer si les biens visés par le présent litige constituent des propriétés fédérales au sens de la LPRI; si les stationnements de la défenderesse sont assujettis au Règlement sur les stationnements; si les terrains de la défenderesse sont situés « en eau profonde »; et si la défenderesse pouvait opérer compensation d’un montant qu’elle a prétendument trop payé en 2013 pour les années subséquentes.

Jugement : la demande doit être accueillie.

Les parties dans la présente instance ont défendu des méthodes d’interprétation différentes. Il convenait donc d’exposer la méthode applicable avant de discuter des exclusions en cause. Les principes d’interprétation favorables au « contribuable » propres aux lois de nature fiscale ne s’appliquaient pas en l’espèce. Certains éléments de la LPRI s’apparentent à des éléments qui peuvent se trouver dans une loi de nature fiscale. Cependant, la manière d’atteindre l’objectif de la LPRI (c.-à-d. faire des paiements aux municipalités en remplacement de l’impôt normalement perçu, tout en préservant l’immunité fiscale constitutionnelle de la Couronne) n’est pas du tout de nature fiscale; c’est précisément ce qu’a voulu éviter le législateur. Contrairement à ce qui se produit normalement dans le cas de lois de nature fiscale, c’est la défenderesse comme « contribuable » qui décide le montant « d’impôt » à payer. La dynamique de pouvoir entre l’autorité taxatrice (ici, la demanderesse) et le « contribuable » demeure radicalement différente que dans le contexte d’une loi de nature fiscale. Ainsi, les parties sont, dans le cadre de l’application de la LPRI, dans une relation fondée sur l’équité. Même si le processus de détermination des PERI implique un certain pouvoir discrétionnaire de la part de la défenderesse, il n’en reste pas moins que les décisions qui en découlent ne doivent pas dénaturer les termes utilisés par le législateur. En fin de compte, il convenait donc de se rapporter à la méthode moderne d’interprétation pour examiner les exemptions revendiquées par la défenderesse.

Lorsque le législateur a utilisé le mot « parc » à l’alinéa 2(3)c) de la LPRI, il ne souhaitait pas y inclure tous les lieux d’utilisation ou d’activité communes, comme par exemple un parc scientifique, un parc industriel, un parc de stationnement, un parc automobile, un parc d’amusement, d’attractions ou de divertissement, un parc immobilier ou même un parc à conteneurs, comme le soutenait la défenderesse. Si le législateur avait voulu exclure ces types de parcs de la notion de propriété fédérale, il l’aurait fait explicitement. Par le seul mot « parc », le législateur désigne plutôt un parc urbain naturel, aménagé comme tel au bénéfice de la communauté. Il n’y a pas incompatibilité avec une utilisation « à des fins éducatives, récréatives et scientifiques ». Cette qualité ne s’oppose pas non plus à ce que certains bâtiments accessoires à un parc puissent eux-mêmes être compris dans le sens du mot « parc » de la LPRI. Il faut faire attention à ne pas seulement regarder les bâtiments en cause, mais aussi l’ensemble du parc et la relation entre le parc et le bâtiment. La démarche de la défenderesse consistant à comparer les supposés parcs municipaux de la demanderesse avec le site du Vieux-Port n’était pas très utile, puisque les parcs municipaux font l’objet d’un régime fiscal différent de celui touchant le site du Vieux-Port. Vu la manière dont le site du Vieux-Port a été aménagé avec sa gamme infinie d’attractions qui occupent un espace démesuré sur le site par rapport à ce que l’on pourrait s'attendre d’un parc traditionnel, le site du Vieux-Port a franchi le seuil d’une destination de divertissement, et ne constitue donc pas un parc au sens de la LPRI. À aucun moment dans ses décisions la défenderesse n’a tenté de définir ce qu’est un parc tel que visé par l’alinéa 2(3)c) de la LPRI. Elle aurait dû justifier sa position si elle voulait s’affranchir de sa pratique de longue date selon laquelle le site du Vieux-Port, dans son ensemble, n’était pas exclu de la notion de propriété fédérale. Il s’ensuit que ni les bâtiments ni les stationnements ne tombent sous la qualification de parc telle qu’elle figure à l’alinéa 2(3)c). L’ensemble du site du Vieux-Port ne constitue pas un parc; par conséquent, toute aire de stationnement dont l’objectif est de desservir le site ne peut être considérée comme un parc. La défenderesse est réputée être une propriétaire privée pour les PERI, mais ceci vaut pour le taux effectif et la valeur effective applicable à ses biens, pas pour la question de savoir quels biens sont compensables ou ce qui compose son assiette fiscale. La LPRI est un code complet qui détermine quels biens sont inclus et lesquels sont exclus de la notion de propriété fédérale et donc des PERI. La distinction effectuée par la défenderesse entre la superficie du terrain de stationnement et la valeur du terrain sous-jacent est artificielle et une mécompréhension des termes clairs de la LPRI. Il n’est pas question de superficie ou de surface. Il est seulement question d’ouvrage et de fond de terre; la LPRI ne fait aucune distinction, à l’alinéa 2(3)a), entre la surface et le terrain sous-jacent. Ce texte ne vise qu’à exclure les constructions et les ouvrages au-dessus de la surface du terrain. La LPRI ne concerne pas non plus l’utilisation commerciale qui est faite de la propriété fédérale. Vu le sens commun des mots « biens meubles », « bâtiment » et « abris », les stationnements intérieurs et à étages sont bel et bien visés par le sous-alinéa 2(3)a)(i) et inclus dans la notion de propriété fédérale. Les stationnements intérieurs et à étages de la défenderesse abritent contre la neige. Toutefois, ce n’est pas parce qu’un bien abrite contre la neige que ce bien devient un « abri contre la neige » au sens de la LPRI. Si tel était le cas, tous les bâtiments sur le site du Vieux-Port dotés d’un toit seraient des abris contre la neige au sens de cette loi. Ce n’est certainement pas ce que le législateur a voulu dire en incluant l’expression « abri contre la neige » au paragraphe 12 de l’annexe II de la LPRI. Lorsqu’un paragraphe de l’annexe II énonce plusieurs choses, celles-ci comportent des caractéristiques communes. La défenderesse s’est livrée à une périlleuse gymnastique intellectuelle pour essayer de rattacher d’une façon déraisonnable les stationnements intérieurs ou étagés à l’une des exceptions de la notion de propriété fédérale, et semble avoir fait abstraction de l’objet de la LPRI. L’exclusion automatique d’une voie fédérale de l’assiette des PERI du simple fait qu’elle donne aussi accès à des propriétés privées semble contraire à l’esprit de la LPRI et au texte de l’alinéa 2(3)g) lui-même. Cet alinéa dispose que les voies publiques doivent être qualifiées de propriété fédérale dans les cas où elles ont comme fonction première de permettre l’accès direct à des propriétés de la Couronne. Sauf quelques exceptions, la défenderesse n’a pas respecté les principes d’interprétation du texte de la LPRI et l’intention du législateur. Il en résulte que l’exercice qu’elle a fait de son pouvoir discrétionnaire de verser des PERI était déraisonnable.

En ce qui concerne l’applicabilité du Règlement sur les stationnements, la question à poser en l’espèce était celle de savoir s’il était raisonnable de la part de la défenderesse de conclure que si les stationnements appartenaient à un propriétaire privé et étaient taxables, le taux de taxation applicable à ces lieux exclurait la taxe imposée par le Règlement sur les stationnements. La réponse à cette question doit être négative. L’article 3 de la LPRI permet les PERI pour toutes taxes applicables sur les lieux où se situent les propriétés fédérales en question. Il s’agit d’une condition territoriale et non matérielle ou formelle. L’article 151.9 de la Charte de la Ville de Montréal interdit l’imposition d’une taxe à certaines personnes déterminées. C’est seulement si la demanderesse impose une taxe à la SVPM que l’article 151.9, ainsi que l’article 125 de la Constitution, sont applicables. Le Règlement sur les stationnements doit être pris en considération lorsque la défenderesse exerce son pouvoir discrétionnaire en matière de calcul du PERI annuel, sinon le résultat final sera un taux fictif pour le PERI, car toutes les taxes qui composent le taux effectif ne seront pas prises en compte.

Aux fins des PERI, il n’y a aucune raison de traiter différemment le site du Vieux-Port simplement parce qu’il a été construit avec du remblai au sud de la rue de la Commune jusqu’à un certain point dans le fleuve Saint-Laurent, et ensuite à l’aide de caissons afin de renforcer la structure plutôt que d’occuper la surface du lit de la rivière avec seulement du remblai. La valeur effective des « terrains » de la SVPM doit être calculée comme si les terrains étaient situés sur les quais — la surface exploitable — tout comme s’ils étaient situés sur n’importe quel remblai dans le territoire de la Ville. Ces quais sont attachés de façon permanente à la terre ferme, sont inamovibles et abritent des bâtiments importants qui permettent l’exercice d’activités commerciales lucratives, comme des stationnements intérieurs et à étages, le Centre des sciences et le Cinéma IMAX. Dans ce contexte, il serait déraisonnable et contraire à l’équité de la LPRI d’évaluer les terrains en cause comme des lots en eau profonde avec une évaluation minime. Il importe peu que les actes de cession du site du Vieux-Port de Sa Majesté la Reine à la défenderesse aient qualifié les terrains comme étant le fond du fleuve ou la surface des quais. Cette désignation a été faite dans le but d’identifier les biens qui étaient cédés, non pas pour déterminer la valeur attribuable aux terrains.

L’article 4 du Règlement sur les versements provisoires et les recouvrements ne permet pas à la défenderesse de se prévaloir d’un quelconque droit à un recouvrement du prétendu trop payé de 2013. Le Règlement sur les paiements versés par les sociétés d’état permet de recouvrer certains paiements effectués par les sociétés d’État. Toutefois, cette possibilité est clairement limitée aux paiements provisoires où une certaine contestation est annoncée, contrairement à la présente affaire. Ayant effectué son paiement final pour l’année 2013, il était déraisonnable pour la défenderesse de remettre en cause cette décision au cours de l’année suivante et ensuite appliquer le montant du prétendu trop-perçu sur les PERI qui étaient dus pour les années 2014 jusqu’à épuisement du solde du trop-perçu en 2020.

La décision de la défenderesse de ne payer aucun montant à titre de PERI à l’égard des « terrains » formant l’emprise de la voie ferrée et de la cour de triage ferroviaire était ni intelligible, ni transparente; elle était donc déraisonnable.

Les décisions annuelles rendues par la défenderesse prises entre 2014 et 2020 déterminant le montant payable de PERI ont été annulées et la présente affaire a été renvoyée à la défenderesse pour nouvelle détermination.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec, RLRQ, ch. C-11.4, art. 149–151.6, 151.8, 151.9.

Code civil du Québec, RLRQ, ch. CCQ-1991, art. 900.

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 125.

Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148.

Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 8.1, 8.2, 12.

Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10, art. 6(1), 7(1), ann., partie 1, no 4.

Loi sur la fiscalité municipale, RLRQ, ch. F-2.1, art. 46, 204, 208.

Loi sur le parc marin du Saguenay — Saint-Laurent, L.C. 1997, ch. 37, art. 4.

Loi sur les cités et villes, RLRQ, ch. C-19, art. 500.1.

Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux, L.C. 1991, ch. 50, art. 2 « biens réels », « immeuble ».

Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts, L.R.C. (1985), ch. M-13, art. 2(1) « propriété fédérale », « taux effectif », « valeur effective »,(3), 2.1, 3, 4, 11(1), 11.1, 15, ann. II, III, IV.

Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, ch. 32, art. 4(1), 8(2).

Recueil des tarifs du transport privé par taxi, R.R.Q., ch. S-6.01, r. 4, art. 8.

Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement, (exercice financier 2013) (12-057), Conseil de la Ville de Montréal, adopté le 17 décembre 2012, art. 11.

Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement, (exercice financier 2014) (14-008), Conseil de la Ville de Montréal, adopté le 24 février 2014, art. 11.

Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement, (exercice financier 2015) (14-046), Conseil de la Ville de Montréal, adopté le 10 décembre 2014, art. 11.

Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement, (exercice financier 2016) (15-093), Conseil de la Ville de Montréal, adopté le 9 décembre 2015, art. 11.

Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement, (exercice financier 2017) (16-067), Conseil de la Ville de Montréal, adopté le 14 décembre 2016, art. 11.

Règlement sur les paiements versés par les sociétés d’état, DORS/81-1030, art. 5, 6, 7, 12.

Règlement sur les versements provisoires et les recouvrements, DORS/81-226, art. 3, 4.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES:

Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14, [2010] 1 R.C.S. 427; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653.

DÉCISIONS DIFFÉRENCIÉES:

Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14, [2010] 1 R.C.S. 427 (en ce qui concerne l’utilisation du régime fiscal existant pour interpréter, qualifier ou modifier les exceptions de la notion de « propriété fédérale »); Trois-Rivières (Ville) c. Administration portuaire de Trois-Rivières, 2015 CF 106.

DÉCISIONS CITÉES:

Halifax (Regional Municipality) c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2012 CSC 29, [2012] 2 R.S.C. 108; Johns-Manville Canada c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46; Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3; S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; Pharmascience inc. c. Binet, 2006 CSC 48, [2006] 2 R.C.S. 513; Corporation d’Urgences-santé c. Syndicat des employées et employés d’Urgences-santé (CSN), 2015 QCCA 315, 2015 CarswellQue 1018 (WL Can); Québec (Procureur général) c. Paulin, 2007 QCCA 1716, [2008] R.J.Q. 16; Ville de Montréal c. Administration portuaire de Montréal, 2007 CF 701; Pfizer Co. Ltd. c. Sous-ministre du Revenu National, [1977] 1 R.C.S. 456; Gravel c. Cité de St-Léonard, [1978] 1 R.C.S. 660; Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5; Administration portuaire de Montréal c. Montréal (Ville), 2008 CAF 278, inf. pour d’autres motifs par 2010 CSC 14, [2010] 1 R.C.S. 427; Cold Lake (Ville) c. Canada (Services publics et Approvisionnement), 2021 CF 405.

DOCTRINE CITÉE

Larousse. Dictionnaire de français, « parc », en ligne : <http://www.Larousse.fr>.

Office québécois de la langue française. Grand Dictionnaire terminologique, « parc », en ligne : <https://gdt.oqlf.gouv.qc.ca>.

DEMANDE de contrôle judiciaire de décisions annuelles rendues par la défenderesse prises entre 2014 et 2020 déterminant le montant payable de paiements discrétionnaires et volontaires en remplacement de l’impôt foncier (PERI), jugé inadéquat et déraisonnable par la demanderesse. Demande accueillie.

ONT COMPARU :

Louis Béland pour la demanderesse.

François Barette pour la défenderesse.

Isabelle Mathieu-Millaire et Lindy Rouillard-Labbé pour l’intervenant.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Dufresne Hébert Comeau Inc., Montréal, pour la demanderesse.

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l., Montréal, pour la défenderesse.

La sous-procureure générale du Canada pour l’intervenant.

Voici les motifs du jugement et le jugement rendus en français par

Le Juge Pamel :

TABLE DES MATIÈRES

I.     Introduction

II.    Un peu d’histoire

III.   Questions en litige

IV.   La législation pertinente

V.    Discussion

A.    Questions préliminaires

B.    La norme de contrôle applicable

C.   Interprétation de la LPRI

D.   Le fond de la controverse

1.    Les biens controversés entre les parties constituent-ils des propriétés fédérales au sens de la LPRI?

a)    Les exclusions en cause

i.     La notion de parc urbain — alinéa 2(3)c) de la LPRI

a.    L’ensemble du site du Vieux-Port

b.    Les quais, promenades et bâtiments

i.     Promenade du Vieux-Port et Promenade des Artistes

ii.    Le terrain du Quai de l’Horloge

iii.   Le pavillon Bonsecours, incluant les bâtiments 4 et 5, soit la Terrasse Bonsecours et le pavillon (Chalet Bonsecours)

iv.   Le terrain du Quai Jacques-Cartier

a.    Promenade du Quai Jacques-Cartier

v.    Le terrain du Quai King-Edward

a.    La promenade du Quai King-Edward

vi.   Le terrain du Quai Alexandra

c.    Les stationnements

ii.    Les constructions ou ouvrages — alinéa 2(3)a) de la LPRI

a.    La passerelle surélevée du Quai Jacques-Cartier

b.    Les stationnements

iii.   Abris contre la neige — alinéa 2(3)b) — Annexe II — point 12

iv.   Les voies publiques

b)    Conclusion sur les exclusions

2.    Les stationnements de la SVPM sont-ils assujettis au Règlement sur les stationnements?

a)    La Ville est-elle autorisée à imposer cette taxe?

b)    Les stationnements sont-ils situés à l’extérieur des secteurs auxquels cette taxe s’applique?

3.    Les terrains de la SVPM sont-ils situés en eau profonde?

4.    La SVPM pouvait-elle opérer compensation du montant qu’elle a prétendument trop payé en 2013 pour les années subséquentes?

5.    Les terrains sous l’emprise de la voie ferrée et de la cour de triage

6.    Conclusion et le pouvoir discrétionnaire en matière de mesure

7.    Dépens

VI.   Annexe

I.     Introduction  [Table des matières]

[1]        Le restaurant Tavern on the Green à New York est un lieu de plaisance, un véritable emblème, mais on peut difficilement soutenir que sa nature commerciale fait perdre à Central Park son essence de parc. Ajouter un zoo lui ferait-il perdre cette essence? Sinon, qu’adviendrait-il de ce parc si on y ajoutait un cinéma IMAX, un centre scientifique, une grande roue, une boîte de nuit, un spa et une maison pour le Cirque du Soleil? Aurons-nous alors franchi le Rubicon en passant du parc au site de divertissement? Dans l’affirmative, à quel moment aurons-nous effectué ce passage? À quel moment avons-nous cessé de voir le jardin Tivoli, avec ses jolies fleurs, ses kiosques à musique dansante, ses manèges et ses tours du lac, comme un jardin avec une distraction occasionnelle, pour y voir l’un des plus grands centres d’attractions de Copenhague? Je dois avouer que le moment exact de cette mutation n’est pas tranché au couteau, mais, pour paraphraser les immortelles paroles du juge Potter Stewart, je ne parviendrai peut-être pas à définir de manière intelligible ce passage, mais je le sais quand je le vois.

[2]        Les propriétés de la Couronne jouissent d’une immunité fiscale. Afin de concilier l’équité fiscale envers les municipalités et la préservation de cette immunité fiscale constitutionnelle et ainsi compenser les impôts autrement perçus par les municipalités, le gouvernement fédéral a créé le régime de paiements discrétionnaires et volontaires en remplacement de l’impôt foncier (PERI) au sens de la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts, L.R.C. (1985), ch. M-13 (LPRI). Lorsque les propriétés visées par le régime des PERI appartiennent à une société d’État fédérale, la gestion du régime prévu par la LPRI revient à celle-ci.

[3]        La Société du Vieux-Port de Montréal (SVPM), une société exclusivement contrôlée par la Société immobilière du Canada ltée mentionnée à l’annexe III de la LPRI, est une telle société. L’ensemble du site du Vieux-Port de Montréal (site du Vieux-Port) lui appartient, à l’exception du Quai Alexandra que la SVPM a loué du port de Montréal jusqu’au 31 décembre 2015. La SVPM reçoit chaque année une demande de PERI de la part de la Ville de Montréal (Ville), une personne morale de droit public constituée en vertu de la Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec, RLRQ, ch. C-11.4 (Charte de la Ville), et une autorité taxatrice au sens de la LPRI ayant le pouvoir de percevoir des taxes et autres redevances des propriétaires d’immeubles situés sur son territoire. En réponse à cette demande, la SVPM fait parvenir à la Ville chaque année une décision dans laquelle elle explique de façon sommaire le montant de son PERI et, le cas échéant, les exclusions de la notion de « propriété fédérale » qu’elle invoque pour établir le montant de son paiement.

[4]        Depuis 2014, une mésentente subsiste entre la Ville et la SVPM quant à la valeur effective et à la composition de la « propriété fédérale » au sens de la LPRI [paragraphe 2(1)] des lots 1 180 167, 4 132 346, 4 132 347, 4 132 348, 4 132 350, 4 132 354, 4 132 355, 4 132 356, 4 171 037 et 4 171 038 du cadastre du Québec, soit le site du Vieux-Port. La SVPM soutient notamment que le site du Vieux-Port dans son ensemble, incluant le Quai Alexandra, est un parc (donc exclu de la désignation de « propriété fédérale » au sens de la LPRI) et qu’elle serait ainsi dispensée de l’obligation de faire des PERI pour ce territoire suivant une exclusion prévue dans la LPRI. Subsidiairement, la SVPM soutient que plusieurs autres éléments du site de Vieux-Port ne répondent pas à la définition de « propriété fédérale » prévue à la LPRI conformément à d’autres exemptions prévues dans cette loi et que ces éléments ne seraient donc pas soumis au régime des PERI.

[5]        En conséquence de cette prise de position, entre 2014 et 2020, la Ville demande le contrôle judiciaire des décisions annuelles rendues par la SVPM déterminant le montant payable de PERI (les décisions de la SVPM), jugé inadéquat et déraisonnable par la Ville. À la demande des parties, la Cour a ordonné la réunion d’instances dans les dossiers T-1262-14, T-2147-14, T-635-15, T-613-16, T-592-17, T-714-18, T-650-19 et T-836-20 afin que ceux-ci fassent l’objet d’une seule et même audition commune.

[6]        Pour être clair, les parties ne demandent pas à la Cour de se prononcer sur le taux effectif à appliquer aux propriétés, ni sur la valeur effective de ces propriétés étant donné que ces questions doivent être déterminées à un stade ultérieur. En l’espèce, est plutôt en jeu la détermination de l’assiette fiscale du site du Vieux-Port par la SVPM; les questions en litige concernent (i) l’interprétation de la notion de « propriété fédérale » au sens de la LPRI afin que soient déterminés les éléments qui constituent les propriétés assujetties aux PERI, (ii) l’applicabilité du Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement, adopté chaque année pour l’exercice financier 2013 à 2017 (Règlement sur les stationnements) adopté chaque année par la Ville, et (iii) la thèse de la SVPM portant que certaines parties du Vieux-Port sont situées « en eau profonde ».

[7]        Enfin, je dois me prononcer sur le droit de la SVPM d’opérer compensation entre ce qu’elle considère comme un trop payé pour l’année 2013 et les années subséquentes.

[8]        Je dois préciser que je me suis personnellement rendu au site du Vieux-Port pendant de nombreuses années, visites que j’ai appréciées; j’ai participé à des excursions en bateau le long du fleuve, assisté à des films et à des concerts, et pris un verre ou deux au Belvédère lors de soirées privées. Les parties ont même organisé une visite du site du Vieux-Port pour moi avant le début de l’audience dans cette affaire afin que je puisse comprendre les éléments du site du Vieux-Port qui font l’objet du présent litige.

[9]        Il n’est pas controversé entre les parties que certains éléments du site du Vieux-Port — par exemple le parc linéaire et la plupart du bassin Bonsecours — ont effectivement un caractère de parc et sont aménagés comme tels. Ces éléments ne relèvent donc pas de la définition de « propriété fédérale » au sens de la LPRI. Cela dit, je suis d’avis que dans son ensemble, le site du Vieux-Port n’est pas un « parc » au sens de la LPRI. De plus, et à part quelques exceptions, je suis convaincu qu’il était déraisonnable pour la SVPM de décider que les éléments controversés du site du Vieux-Port ne répondent pas à la définition de « propriété fédérale » consacrée par la LPRI.

[10]      Pour les raisons qui suivent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

II.    Un peu d’histoire  [Table des matières]

[11]      À la fin du XVIIIe siècle, les passants qui fréquentaient ce que nous connaissons aujourd’hui comme la rue de la Commune dans le Vieux-Montréal ne pouvaient bénéficier des attraits actuels du site du Vieux-Port, comme le Centre des sciences, le cinéma IMAX ou encore les stationnements à étage. En fait, si ces passants avaient même tenté de marcher là où nous marchons pour profiter de ces attraits, cela leur aurait été impossible, car à l’époque, il n’y avait rien de plus que le fleuve Saint-Laurent au-delà de cette rue.

[12]      Tout cela a changé au début du XIXe siècle lorsque les marchands montréalais, principalement dans le commerce du bois, ont commencé à élargir la terre ferme avec du remblai afin de construire des quais devant leurs entrepôts sur la rue de la Commune.

[13]      Vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, avec le développement et l’expansion du port de Montréal dont l’entrée était marquée par l’historique tour de l’Horloge, et afin de desservir de plus grands navires océaniques avec des tirants d’eau plus importants ainsi que pour assurer une meilleure protection contre les glaces et les inondations, les anciens quais ont été remblayés et de nouveaux caissons ont été installés lors du rehaussement des quais. Ces caissons, qui se trouvent aussi sous le trottoir et la chaussée de la promenade du Vieux-Port en direction de la rue de la Commune, sont encore à ce jour un des composants des quais formant l’assise du site du Vieux-Port. Ces quais sont ainsi composés de caissons de bois, de béton coulé et de matériaux divers et prolongent la terre ferme de plus de 300 mètres dans ce qui était auparavant le fleuve Saint-Laurent.

[14]      La SVPM a été fondée en 1981, quelques années après le déplacement vers l’est de la plupart des activités portuaires du port de Montréal et suite à l’annonce par le gouvernement fédéral de son intention de réaménager la vieille section du port située dans le quartier du Vieux-Montréal. Alors que Sa Majesté la Reine était propriétaire des terrains aujourd’hui connus comme le site du Vieux-Port, la gestion des PERI était effectuée par le ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) — aujourd’hui connu sous le nom de ministre des Services publics et Approvisionnement Canada et partie intervenante dans la présente instance. À cette époque, la Ville et TPSGC s’entendaient sur les portions du site du Vieux-Port qui devaient faire l’objet de PERI et lesquelles bénéficiaient d’exclusions.

[15]      Or, le 2 novembre 2009, la propriété du site du Vieux-Port a été transférée de Sa Majesté la Reine du Chef du Canada à la SVPM, date à laquelle TPSGC a cessé de gérer ses PERI. Cependant, le procureur général du Canada intervient tout de même en l’espèce à titre de représentant de TPSGC puisque, selon lui, les questions en litige appellent une décision concernant des concepts clés pour le programme des PERI que TPSGC doit administrer sur une base régulière dans tout le pays.

[16]      Les sociétés d’État fédérales qui relèvent des annexes III et IV de la LPRI (ce qui est le cas de la SVPM) gèrent directement leurs propres programmes de PERI et ont l’entière responsabilité de déterminer l’assiette fiscale, la valeur effective des biens constituant celle-ci et le taux effectif applicable. TPSGC n’a aucun pouvoir de supervision ou de direction en ce qui concerne la gestion des programmes de PERI par ces sociétés d’État.

[17]      C’est suite au transfert de la propriété en question à la SVPM que les difficultés relatives aux PERI ont commencé. Ces difficultés ont culminé à compter de l’exercice financier 2014, lorsque la SVPM s’est mise à invoquer de nouvelles exceptions à la notion de propriété fédérale et à soutenir que certains de ses lots étaient situés en eau profonde et devaient donc faire l’objet d’une évaluation nominale.

[18]      Pour la Ville, cette position diminua fortement l’assiette fiscale et la valeur des immeubles qui faisaient auparavant l’objet de PERI, résultant en une réduction de PERI de plus de 3,7 millions de dollars en 2013 à environ 500 000 $ par année pour les années 2014 à 2019. Du même coup, la SVPM réévalua le montant des PERI qui aurait dû être payé en 2013 en tenant compte de ses nouveaux motifs et effectua une compensation entre le supposé trop-payé de 2013, résultant en une réduction supplémentaire des montants annuels versés par la SVPM à la Ville en PERI de 2014 à 2020.

[19]      De plus, à partir de 2015, la SVPM a soutenu la position portant que le Règlement sur les stationnements était inapplicable aux stationnements situés sur ses quais, car ces derniers seraient situés, d’après celle-ci, dans le fleuve Saint-Laurent, soit au-delà de la limite territoriale d’application de ce règlement.

[20]      La SVPM maintient ces positions jusqu’à ce jour et chacune des décisions annuelles de la SVPM relatives aux PERI a fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire de la part de la Ville. En l’espèce, il faut donc déterminer si les positions adoptées par la SVPM sont raisonnables.

III.   Questions en litige  [Table des matières]

[21]      Les cinq questions en litige sont les suivantes :

1.    Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.    Les biens visés par le présent litige constituent-ils des propriétés fédérales au sens de la LPRI?

3.    Les stationnements de la SVPM sont-ils assujettis au Règlement sur les stationnements?

4.    Les terrains de la SVPM sont-ils situés « en eau profonde »?

5.    La SVPM pouvait-elle opérer compensation du montant qu’elle a prétendument trop payé en 2013 pour les années subséquentes?

IV.   La législation pertinente  [Table des matières]

[22]      Les dispositions applicables en l’espèce se trouvent dans l’annexe de ma décision.

[23]      Par le programme fédéral des PERI, qui est encadré par la LPRI et ses règlements d’application, la Couronne fédérale accepte de verser, sous certaines conditions, des « en-lieu de taxes » aux municipalités sur ses « propriétés fédérales » au sens de la LPRI. Ce régime législatif a pour objet l’administration juste et équitable des paiements en remplacement d’impôt tout en conservant l’immunité fiscale prévue par l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict. ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5] (la Constitution). Ce double objectif a été exposé de façon éloquente par le juge LeBel au nom d’une Cour suprême unanime dans l’arrêt Montréal (Ville) c. Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14, [2010] 1 R.C.S. 427 (APM 2010) [au paragraphe 20] :

La LPRI exprime clairement la volonté du Parlement de sauvegarder l’intégrité de l’immunité fiscale des biens de l’État fédéral. En effet, l’art. 15 de cette loi dispose : « La présente loi ne confère aucun droit à un paiement. » Le Parlement n’entend donc pas conférer aux municipalités la qualité de créancières de l’État à l’égard des paiements versés en remplacement des impôts. La LPRI établit plutôt un système en vertu duquel les municipalités s’attendent à recevoir des paiements, mais à l’intérieur du cadre législatif et réglementaire qu’a institué le Parlement, sans écarter le principe de l’immunité fiscale. La LPRI veut ainsi concilier des objectifs différents — l’équité fiscale envers les municipalités et la préservation de l’immunité fiscale constitutionnelle — dont la réalisation exige le maintien d’un pouvoir discrétionnaire administratif encadré en ce qui concerne la fixation des paiements de remplacement. Pour déterminer ceux-ci, la LPRI doit articuler les rapports entre le système de fixation des paiements de remplacement et les régimes fiscaux des provinces et des municipalités, lesquels sont susceptibles de varier d’un endroit à l’autre au Canada. [Je souligne.]

[24]      Suivant l’article 15 de la LPRI, ce régime ne confère aucun droit à un paiement. De plus, cette loi n’a pas pour effet d’assujettir la Couronne à la législation provinciale ou à la règlementation municipale en matière de taxes ou d’impôt foncier (APM 2010, aux paragraphes 12–24).

[25]      Le Règlement sur les paiements versés par les sociétés d’état, DORS/81-1030 (RSE), adapte le régime des PERI pour les sociétés d’États et autres organismes fédéraux énumérés à l’annexe III de la LPRI (sociétés d’État), dont fait partie la SVPM par son rattachement à la Société immobilière du Canada.

[26]      Les articles 5 et 6 du RSE prévoient que les sociétés d’État versent des PERI à l’égard des propriétés qui seraient des propriétés fédérales si un ministre fédéral en avait la gestion, la charge et la direction. Ainsi comme le ministre, la société d’État (la SVPM) doit aussi déterminer si l’immeuble qui fait l’objet de la demande de l’autorité taxatrice correspond à la définition de propriété fédérale au sens de la LPRI.

V.    Discussion  [Table des matières]

A.    Questions préliminaires  [Table des matières]

[27]      Dans son mémoire, la Ville soutient que la doctrine de la préclusion promissoire (promissory estoppel) s’appliquerait à la SVPM de sorte que cette dernière serait forclos de changer de position en 2014 et ne pourrait plus décider de ne pas payer des PERI sur certains biens qui étaient auparavant inclus dans la notion de propriété fédérale. Semble-t-il qu’avant 2014, la Ville et la SVPM appliquaient l’entente qui avait été convenue entre les parties quant à la désignation des superficies qui devaient être considérées, ou non, comme « parc urbain » non assujetti au PERI. Cependant, il n’est pas nécessaire de discuter de cette question car la Ville a renoncé à cet argument lors de l’audience.

[28]      De plus, considérant que le litige porte sur plusieurs années et qu’au courant de cette période les immeubles et biens réels composant le site du Vieux-Port ont changé d’affectation ou même d’opérateur dans le cas du Quai Alexandra, avec l’assentiment des parties, je rendrai ma décision en considérant le site du Vieux-Port en fonction de l’état de immeuble et biens réels sous le contrôle de la SVPM au moment de sa décision de 2014.

[29]      Au fil des années, et même encore lors de l’audience devant moi, les parties ont trouvé des terrains d’entente et plusieurs exemptions qui étaient revendiquées par la SVPM, ou que la Ville pensait que la SVPM revendiquait, sont tombées, comme le lieu historique du Canal-de-Lachine et le bassin Bonsecours, par exemple. Il n’est donc pas nécessaire de discuter de ces exclusions dans le présent jugement. Je ne discuterai donc que des questions qui demeurent controversées.

[30]      Finalement, et bien qu’au cours de l’audience, les parties et la Cour se soient livrées à des débats quant à des questions de droit intéressantes sur ce qui constitue le sous-sol du site du Vieux-Port et sur la provenance historique du lit de la rivière sur lequel les quais ont été construits, pour la Ville, ce qui constitue l’assise du site du Vieux-Port n’a aucune importance. Aux fins fiscales, la Ville s’intéresse à la surface du terrain, et non aux éléments qui peuvent composer ce terrain et qui se trouvent sous la surface. Selon la Ville, lorsqu’on crée un terrain — dans ce cas-ci le site du Vieux-Port — que ce soit par un remblai simple, un remblai hétéroclite, des caissons, ou quoi que ce soit d’autre — ce terrain-là devient, en ce qui concerne la fiscalité municipale et les PERI, une propriété fédérale imposable ou pour laquelle des PERI peuvent être payés. Je retiens la position de la Ville sur ce point en ce qui concerne l’application de la LPRI.

B.    La norme de contrôle applicable  [Table des matières]

[31]      Il n’est pas controversé entre les parties que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. J’abonde dans leur sens. Le caractère raisonnable est la norme de contrôle présumée, et je ne vois pas en l’espèce l’une ou l’autre des exceptions à cette présomption qui s’appliquerait de manière à exiger l’application de la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653 (Vavilov), aux paragraphes 23, 31 et 53); APM 2010, aux paragraphes 36–38; Halifax (Regional Municipality) c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2012 CSC 29, [2012] 2 R.S.C. 108, aux paragraphes 43–44).

[32]      Le procureur général souligne le fait que les questions à déterminer dans la présente affaire revêt une importance appréciable pour le programme des PERI, alors que la jurisprudence est infime ou même inexistante à l’égard de plusieurs des questions qui sont soulevées en l’espèce. Au cours de l’audience, a été posée la question de savoir si, de la pénurie de jurisprudence sur l’interprétation des exceptions à la notion de propriété fédérale selon la LPRI et du besoin de normes généralisées dans l’administration du programme de PERI à l’échelle nationale, l’on peut penser que les questions soulevées dans cette affaire pourraient constituer des questions de droit générales d’importance pour le système juridique dans son ensemble, et donc faire jouer la norme de la décision correcte (Vavilov, aux paragraphes 58–62). Cependant, je suis d’avis que tel n’est pas le cas.

[33]      Au fond, la présente affaire porte sur l’interprétation des concepts consacrés par la LPRI, et sur la question de savoir si l’interprétation qui leur a été donnée par la SVPM était raisonnable. En effet, il y a peu de jurisprudence sur la façon dont les exceptions à la notion de propriété fédérale selon la LPRI doivent être interprétées; cela dit, la présente affaire relève, somme toute, de l’interprétation des lois. Comme l’a observé la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, « le simple fait qu’un conflit puisse être ʺd’intérêt public généralʺ ne suffit pas pour qu’une question entre dans cette catégorie » (Vavilov, au paragraphe 61). En fait, dans l’arrêt APM 2010, la Cour suprême a conclu que le critère de la norme de la décision raisonnable s’appliquait pour déterminer si les silos portuaires relevaient de l’exception de « réservoir » prévue à l’annexe II de la LPRI (APM 2010, au paragraphe 48).

[34]      La Cour suprême dans l’arrêt Vavilov a d’ailleurs bien exposé les principes applicables en matière de contrôle judiciaire lorsque le décideur administratif interprète une disposition législative dans le cadre de sa prise de décision [aux paragraphes 121, 124 et 131] :

La tâche du décideur administratif est d’interpréter la disposition contestée d’une manière qui cadre avec le texte, le contexte et l’objet, compte tenu de sa compréhension particulière du régime législatif en cause. Toutefois, le décideur administratif ne peut adopter une interprétation qu’il sait de moindre qualité — mais plausible — simplement parce que cette interprétation paraît possible et opportune. Il incombe au décideur de véritablement s’efforcer de discerner le sens de la disposition et l’intention du législateur, et non d’échafauder une interprétation à partir du résultat souhaité.

[…]

Enfin, même si la cour qui effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne doit pas procéder à une analyse de novo ni déterminer l’interprétation « correcte » d’une disposition contestée, il devient parfois évident, lors du contrôle de la décision, que l’interaction du texte, du contexte et de l’objet ouvrent la porte à une seule interprétation raisonnable de la disposition législative en cause ou de l’aspect contesté de celle-ci : Dunsmuir, par. 72-76. Cette conclusion a été tirée notamment dans l’arrêt Nova Tube Inc./Nova Steel Inc. c. Conares Metal Supply Ltd., 2019 CAF 52, où, après avoir analysé le raisonnement du décideur administratif (par. 26-61 (CanLII)), le juge Laskin a statué que l’interprétation de ce décideur était déraisonnable et, en outre, que les facteurs dont il a tenu compte militaient si fortement en faveur de l’interprétation contraire qu’elle constituait la seule interprétation raisonnable de la disposition en cause : par. 61. Comme nous l’expliquerons plus loin, il ne servirait à rien de renvoyer la question de l’interprétation au décideur initial en pareil cas. Par contre, les cours de justice devraient généralement hésiter à se prononcer de manière définitive sur l’interprétation d’une disposition qui relève de la compétence d’un décideur administratif.

[…]

La question de savoir si une décision en particulier est conforme à la jurisprudence de l’organisme administratif est elle aussi une contrainte dont devrait tenir compte la cour de révision au moment de décider si cette décision est raisonnable. Lorsqu’un décideur s’écarte d’une pratique de longue date ou d’une jurisprudence interne constante, c’est sur ses épaules que repose le fardeau d’expliquer cet écart dans ses motifs. Si le décideur ne s’acquitte pas de ce fardeau, la décision est déraisonnable. En ce sens, les attentes légitimes des parties servent à déterminer à la fois la nécessité de motiver la décision et le contenu des motifs : Baker, par. 26. Nous le répétons, il ne s’ensuit pas pour autant que les décideurs administratifs sont liés par les décisions antérieures au même titre que les cours de justice. Cela veut plutôt dire qu’une décision dérogeant à une pratique de longue date ou à une jurisprudence interne établie sera raisonnable si cette dérogation est justifiée, ce qui réduit le risque d’arbitraire, lequel a un effet préjudiciable sur la confiance du public envers les décideurs administratifs et le système de justice dans son ensemble. [Je souligne; caractères italiques dans l’original.]

[35]      Cela dit, il y a toutefois une controverse entre les parties quant au mode d’application de la norme de la décision raisonnable, notamment quant au degré de déférence à accorder à la SVPM en l’espèce ainsi qu’à l’étendue des conclusions qui pouvaient raisonnablement être atteintes par la SVPM lorsqu’elle a rendu les décisions contestées. Je dois toutefois signaler que, dans le monde post-Vavilov, lorsqu’il est recherché si la décision en cause est raisonnable, il ne s’agit plus de savoir si elle se situe dans un « éventail des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur », mais plutôt « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, aux paragraphes 83 et 99). Ainsi que l’observe le juge LeBel dans l’arrêt APM 2010, « [l]e concept de raisonnabilité de la décision […] exprime aussi une exigence de qualité de ces motifs et des résultats du processus décisionnel » (APM 2010, au paragraphe 38).

[36]      La Ville soutient que le degré de déférence accordé aux décisions de la SVPM doit tenir compte du fait que celle-ci ne dispose d’aucune expertise ou compétence spécialisée pour l’application de la LPRI et l’interprétation de l’expression « propriété fédérale ». De plus, la Ville fait valoir que la SVPM n’intervient pas, selon les observations de M. le juge LeBel dans l’arrêt APM 2010, au paragraphe 14, « comme [le font] de bons résidents de la municipalité » dans la mesure où elle a fait preuve dans les décisions de la SVPM d’un certain « zèle pour profiter de toutes les possibilités d’économies » en invoquant les motifs d’exclusion de la notion de « propriété fédérale » les plus improbables.

[37]      Je dois avouer que je trouve plutôt étrange la situation en l’espèce où le décideur a sans doute un intérêt direct dans le résultat de la décision. Compte tenu de la réalité des budgets annuels ainsi que des performances et des attentes financières, il peut facilement y avoir une impression de conflit d’intérêt dans le processus de prise de décision et ce, peu importe à quel point le décideur essaie d’être juste et équitable. Cette impression peut notamment être alimentée, comme c’est le cas ici, lorsque la nouvelle détermination du décideur s’écarte drastiquement et soudainement et ce qui était jusqu’alors un protocole bien établi entre le décideur et la personne affectée par la décision, soit en l’espèce la SVPM et la Ville, sur ce qui constitue une propriété fédérale aux termes de la LPRI.

[38]      En fait, sur cette même question, et bien que la Ville ait renoncé à invoquer la préclusion promissoire, il n’en demeure pas moins que « [l]orsqu’un décideur s’écarte d’une pratique de longue date ou d’une jurisprudence interne constante, c’est sur ses épaules que repose le fardeau d’expliquer cet écart dans ses motifs. Si le décideur ne s’acquitte pas de ce fardeau, la décision est déraisonnable » (Vavilov, au paragraphe 131).

[39]      La Cour suprême a clairement dit que la LPRI « a pour objet l’administration juste et équitable des paiements versés en remplacement d’impôts » et que si cette loi « confirme le principe de l’immunité fiscale des biens fédéraux et le caractère volontaire des paiements de remplacement, elle entend que ceux-ci soient calculés dans le respect de l’objectif d’équité et de justice envers les municipalités canadiennes » (APM 2010, au paragraphe 43). Cependant, et quoique l’équité et la bonne foi des sociétés d’État fédérales soient les pierres angulaires de l’application du programme des PERI, rien ne permet d’affirmer que la SVPM avait des intentions cachées lorsqu’elle a rendu ses décisions.

[40]      Il semblerait que l’attention accrue portée par la SVPM à la question de savoir si elle appliquait correctement les exceptions à la propriété fédérale aux termes de la LPRI a pour origine l’entrée en vigueur du Règlement sur les stationnements, imposé par la Ville à partir de 2011. Ce règlement vise à imposer une charge fiscale plus lourde aux exploitants d’installations de stationnements en plein air sur le territoire de la Ville, afin de décourager les stationnements extérieurs. Vu que la SVPM a de grands stationnements extérieurs, l’imposition de cette taxe a fait augmenter le montant de PERI annuellement demandé par la Ville de plus de 50 p. 100. C’est à partir de ce moment que des analyses ont été menées par la SVPM afin de vérifier si certaines exclusions qui n’avaient pas été invoquées dans le passé pouvaient l’être en ce qui concerne les PERI.

[41]      Quoique je doive admettre que certaines des exceptions invoquées par la SVPM sont difficilement imaginables, je ne suis pas disposé à conclure que la SVPM a fait preuve d’un zèle excessif dans l’application des exceptions à la notion de propriété fédérale aux termes de la LPRI.

[42]      Cependant, ayant dérogé à une pratique de longue date (suivie par la SVPM et précédemment par TPSGC), sur la manière dont le site du Vieux-Port devait être traité aux fins des PERI, je pense qu’il incombait néanmoins à la SVPM de justifier la dérogation, ce qui aurait « réduit le risque d’arbitraire » (Vavilov, au paragraphe 131).

[43]      En ce qui concerne la question de la déférence que je dois accorder aux décisions de la SVPM, la Cour suprême enseigne clairement que, bien que l’expertise d’un décideur administratif ne soit plus pertinente dans l’examen de la norme de contrôle applicable, « l’expertise demeure pertinente lors de l’exercice du contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable » (Vavilov, aux paragraphes 31 et 58).

[44]      C’est le ministre de TPSGC qui est chargé de l’administration de la LPRI. TPSGC intervient en la présente instance, car à son avis, la décision que je suis appelé à rendre fera jurisprudence sur plusieurs notions qui sont en cause comme la notion de « parc », de « route », de « voie publique » et « d’abri contre la neige » ainsi que sur le traitement de stationnements. C’est donc pour faire valoir sa position sur ces notions et les aspects du programme de PERI qui sont récurrents dans ses décisions que TPSGC intervient dans le présent dossier.

[45]      Selon le témoignage de M. Colin Boutin, Gestionnaire national, Politiques et initiatives stratégiques, programme de PERI au sein de TPSGC, déposé à l’appui de la position de l’intervenante, le programme de PERI est administré par TPSGC au nom de tous les départements fédéraux. Selon M. Boutin, l’objectif est de verser des PERI justes, équitables et prévisibles, d’une manière similaire aux paiements fiscaux effectués par d’autres propriétaires de biens imposables possédant des propriétés comparables, aux autorités taxatrices locales dont la compétence fiscale comprend des propriétés fédérales. TPSGC instruit annuellement des centaines de demandes de PERI, ayant une valeur totale de près de 600 millions de dollars impliquant, en 2016–2017, environ 1 250 autorités taxatrices dans tout le pays, à l’exclusion, comme c’est le cas en l’espèce avec la SVPM, des montants payés par les sociétés d’État qui possèdent des biens et gèrent leurs propres programmes de PERI; dans ce cas, TPSGC n’a aucune autorité quant aux décisions rendues par ces sociétés.

[46]      Il ressort de la preuve que, s’il existe une expertise dans le domaine de l’application de la LPRI en l’espèce, cette expertise est plutôt du ressort de TPSGC que de la SVPM. En fait, les décisions annuelles de PERI de la SVPM sont préparées sur la base des rapports d’évaluations préparés par des évaluateurs externes missionnés par la SVPM pour évaluer et identifier les immeubles de la SVPM constituant des « propriétés fédérales » au sens de la LPRI, compte tenu des exclusions prévues par le paragraphe 2(3) de la LPRI, permettant ainsi à la SVPM de déterminer le PERI à être versé à chaque année.

[47]      Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de faire preuve d’un haut degré de déférence à l’égard des décisions de la SVPM, surtout lorsque les questions soumises à la Cour portent sur l’interprétation de concepts consacrés par la LPRI.

C.   Interprétation de la LPRI  [Table des matières]

[48]      Avant de discuter des exclusions en cause, il convient d’exposer la méthode d’interprétation des lois qui guidera mon examen de la LPRI, vu que les parties défendent des méthodes d’interprétation différentes.

[49]      La SVPM cite les arrêts Johns-Manville Canada c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46, ainsi que Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, à l’appui de sa thèse portant que la présomption résiduelle en faveur du contribuable s’applique en l’espèce, et que la LPRI doit être interprétée de manière favorable au « contribuable » puisqu’elle comporte certains éléments qui sont de nature fiscale, à l’instar de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148. La SVPM dresse un parallèle entre la notion d’assiette fiscale d’un contribuable et celle de propriété fédérale, ainsi qu’entre la notion de taxe et de PERI. La SVPM fait aussi valoir que, dans les deux cas, de nombreuses exceptions s’appliquent à ce qui peut être imposé (ou à l’égard de quoi il est possible d’effectuer un PERI).

[50]      Je ne peux retenir l’argument de la SVPM. Il ne fait aucun doute que certains éléments de la LPRI s’apparentent à des éléments qui peuvent se trouver dans une loi de nature fiscale, puisque l’objectif même de cette loi, pour dire les choses simplement, est de faire des paiements aux municipalités en remplacement de l’impôt normalement perçu, tout en préservant l’immunité fiscale constitutionnelle de la Couronne. Pour remplir cet objectif, la LPRI doit nécessairement s’apparenter, dans une certaine mesure, à une loi fiscale.

[51]      Cependant, bien qu’elle s’y apparente, la manière d’atteindre cet objectif n’est pas du tout de nature fiscale; c’est précisément ce qu’a voulu éviter le législateur. Il est clair qu’une loi de nature fiscale comprend nécessairement une quelconque perception obligatoire du montant qui est dû. Toutefois, comme il est signalé plus haut, le moyen retenu par le législateur en l’espèce a été celui de créer un régime de paiements discrétionnaires et volontaires en remplacement de l’impôt foncier afin de ne pas créer d’obligation envers l’autorité taxatrice.

[52]      Ainsi, le caractère obligatoire des paiements dus aux termes d’une loi de nature fiscale est en porte-à-faux avec l’indemnité fiscale prévue par la Constitution et la nature discrétionnaire des PERI (article 125 de la Constitution; article 3 de la LPRI). Autrement dit, l’État (ici la Ville) ne vient pas se servir dans la poche d’un contribuable (ici la SVPM comme société d’État fédérale), contrairement à ce qui se produit normalement dans le cas de lois de nature fiscale. Au contraire, c’est la SVPM comme « contribuable » qui décide le montant « d’impôt » à payer — une situation sans doute enviable pour la plupart des contribuables.

[53]      Même si les articles 2.1 et 3 de la LPRI disposent que le ministre (ou la société d’État) « peut » verser un PERI dans un esprit d’équité envers les municipalités et que le droit administratif canadien fait en sorte que ce pouvoir doit être exercé de façon raisonnable, la dynamique de pouvoir entre l’autorité taxatrice et le « contribuable » demeure radicalement différente que dans le contexte d’une loi de nature fiscale. Je rappelle d’ailleurs que l’article 15 de la LPRI dispose que cette loi ne confère aucun droit à un paiement. Ainsi, les parties sont, dans le cadre de l’application de la LPRI, dans une relation fondée sur l’équité. Avec tout le respect que je dois aux autorités fiscales, je ne crois pas qu’on puisse honnêtement qualifier la relation entre ces autorités et les contribuables de la même manière.

[54]      En conséquence, je ne peux retenir la thèse de la SVPM portant que des principes d’interprétation favorables au « contribuable » propres aux lois de nature fiscale s’appliquent en l’espèce.

[55]      La Ville défend, pour sa part, une interprétation téléologique et restrictive (en tant qu’exceptions) des exclusions de la notion de propriété fédérale. J’abonde dans son sens. À mon avis, il convient de se rapporter aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov [au paragraphe 118] :

Notre Cour a adopté ce « principe moderne » en tant que méthode appropriée d’interprétation des lois parce que c’est uniquement à partir du texte de loi, de l’objet de la disposition législative et du contexte dans son ensemble qu’il est possible de saisir l’intention du législateur : Sullivan, p. 7-8. Les personnes qui rédigent et adoptent des textes de loi s’attendent à ce que les questions concernant leur sens soient tranchées à la suite d’une analyse qui tienne compte du libellé, du contexte et de l’objet de la disposition concernée, que l’entité chargée d’interpréter la loi soit une cour de justice ou un décideur administratif. Une méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable qui respecte l’intention du législateur doit donc tenir pour acquis que les instances chargées d’interpréter la loi — qu’il s’agisse des cours de justice ou des décideurs administratifs — effectueront cet exercice conformément au principe d’interprétation susmentionné. [Je souligne.]

[56]      Il me semble que même si le processus de détermination des PERI implique un certain pouvoir discrétionnaire de la part de la SVPM, il n’en reste pas moins que les décisions qui en découlent ne doivent pas dénaturer les termes utilisés par le législateur; une décision administrative doit dans tous les cas être notamment « justifiée au regard des contraintes juridiques » (Vavilov, au paragraphe 85). Un pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu et sans entraves car il est limité par l’économie et l’objet de la loi qui le confère (S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 107).

[57]      De plus, « [l]’exercice de ce pouvoir doit être raisonnable eu égard aux circonstances de chaque cas et à la nécessité de préserver la stabilité fiscale des municipalités » (Trois-Rivières (Ville) c. Administration portuaire de Trois-Rivières, 2015 CF 106 (Ville de Trois-Rivières), au paragraphe 64).

[58]      N’oublions pas que la Cour suprême enseigne également que la LPRI et ses règlements d’application « délimitent l’étendue du pouvoir discrétionnaire ainsi que les principes qui gouverneront son exercice et [la LPRI et ses règlements d’application] permettront d’apprécier le caractère raisonnable de celui-ci » (APM 2010, au paragraphe 33). De plus, comme l’observe la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, aux paragraphes 108–110 :

[…] Le fait que les décideurs administratifs participent, avec les cours de justice, à l’élaboration du contenu précis des régimes administratifs qu’ils administrent, ne devrait pas être interprété comme une licence accordée aux décideurs administratifs pour ignorer ou réécrire les lois adoptées par le Parlement et les législatures provinciales. Ainsi, bien qu’un organisme administratif puisse disposer d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de prendre une décision en particulier, cette décision doit en fin de compte être conforme « à la raison d’être et à la portée du régime législatif sous lequel elle a été adoptée » […].

[…] Si, en règle générale, il y a lieu de faire preuve de déférence envers l’interprétation que donne le décideur du pouvoir que lui confère la loi, ce dernier doit néanmoins justifier convenablement son interprétation. Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne permet pas au décideur administratif de s’arroger des pouvoirs que le législateur n’a jamais voulu lui conférer. De la même manière, un organisme administratif ne saurait exercer un pouvoir qui ne lui a pas été délégué […].

[…] Ce qui importe, c’est de déterminer si, aux yeux de la cour de révision, le décideur a justifié convenablement son interprétation de la loi à la lumière du contexte. Évidemment, il sera impossible au décideur administratif de justifier une décision qui excède les limites fixées par les dispositions législatives qu’il interprète. [Je souligne.]

[59]      L’article 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, prévoit que :

Principe et interprétation

12 Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

[60]      Il faut lire le texte de la loi, incluant en l’espèce les exclusions à la notion de propriété fédérale, au regard du contexte global de la loi en suivant le sens ordinaire et grammatical des mots qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la loi, ainsi que l’intention du législateur, même en présence d’un texte de prime abord clair et concluant (Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; Pharmascience inc. c. Binet, 2006 CSC 48, [2006] 2 R.C.S. 513). Les exceptions, à savoir les exceptions à la notion de propriété fédérale en l’espèce, doivent être interprétées de manière restrictive (Corporation d’Urgences-santé c. Syndicat des employées et employés d’Urgences-santé (CSN), 2015 QCCA 315 (CanLII), 2015 CarswellQue 1018 (WL Can.), au paragraphe 47; Québec (Procureur général) c. Paulin, 2007 QCCA 1716 (CanLII), [2008] R.J.Q. 16, aux paragraphes 30 et seq).

[61]      En fin de compte, il convient donc de se rapporter à la méthode moderne d’interprétation pour examiner les exemptions revendiquées par la SVPM. La LPRI doit être interprétée comme n’importe quelle autre loi, soit en fonction de son objet visant l’administration juste et équitable des PERI dans le contexte plus large de la nécessité de concilier « des objectifs différents — l’équité fiscale envers les municipalités et la préservation de l’immunité fiscale constitutionnelle » (article 2.1 de la LPRI; APM 2010, aux paragraphes 20 et 43).

D.   Le fond de la controverse  [Table des matières]

[62]      Essentiellement, la Ville soutient que plusieurs des exemptions de la notion de propriété fédérale, qui forme l’assiette sur laquelle des PERI peuvent être payés, sont déraisonnablement invoquées par la SVPM puisqu’elles ne résultent pas d’une interprétation raisonnable de la LPRI. De plus, la Ville soutient que la SVPM ne pouvait opérer compensation entre le versement de 2013 et celui des années subséquentes, puisque le paiement de 2013 était final.

[63]      La Ville ajoute que la SVPM a déraisonnablement conclu que ses terrains étaient situés en eau profonde et donc qu’ils devaient recevoir une valeur nominale, puisque cette notion n’aurait aucun fondement juridique.

[64]      Enfin, selon la Ville, le Règlement sur les stationnements est pleinement applicable au site du Vieux-Port, puisque ce site ne se trouve pas dans le fleuve Saint-Laurent, qui est la limite territoriale d’application de ce règlement.

[65]      Devant moi, la Ville signale qu’il y a également un élément additionnel dans le débat, soit au niveau des terrains de la cour ferroviaire. La Ville explique que la question de la cour ferroviaire n’a jamais été véritablement étoffée dans les décisions de la SVPM; on se bornait à expliquer dans ces décisions que la cour ferroviaire et la servitude — le passage de la voie ferrée — nuisait à l’opération du parc. Par contre, la SVPM ne s’exprimait pas sur la question de savoir s’il devait y avoir compensation, ou pas. Donc, d’après la Ville, il n’y avait pas d’exclusion à proprement parler de la notion de propriété fédérale qui était invoquée par la SVPM sur ce point, et ce point n’a jamais été véritablement développé dans les décisions, cependant il semble être mentionné comme une considération aux fins de la décision finale de la SVPM concernant le paiement des PERI.

1.    Les biens controversés entre les parties constituent-ils des propriétés fédérales au sens de la LPRI?  [Table des matières]

[66]      Aux fins de la présente décision, les éléments du site qui sont controversés sont les suivants :

-    Le pavillon Bonsecours, incluant les bâtiments 4 et 5, soit la Terrasse Bonsecours et le pavillon (Chalet Bonsecours);

-    Le Quai Jacques-Cartier, incluant le bâtiment commercial du Pavillon Jacques-Cartier, l’entrepôt et les toilettes, bâtiments 2, 2A et 3;

-    La passerelle surélevée du Quai Jacques-Cartier;

-    Le Quai King-Edward, incluant les bâtiments 13 à 18, soit :

        Promenade du Quai King-Edward;

        Chemin central ou la rue du Quai King-Edward;

        Centre des sciences de Montréal, bâtiment 13;

        Cinéma IMAX, bâtiment 14;

        Stationnements extérieurs étagés du Quai King-Edward, bâtiment 15;

        Foire alimentaire, bâtiment 16;

        Stationnement et Belvédère, bâtiment 17;

        Passerelle entre le Centre des sciences et la foire alimentaire, bâtiment 18;

-      Les stationnements extérieurs du bassin de l’Horloge;

-      Les stationnements extérieurs du Quai de l’Horloge;

-      Les stationnements extérieurs de la route du Port;

-      Les stationnements extérieurs étagés du Quai Alexandra;

-      Les stationnements intérieurs du hangar 16 du Quai de l’Horloge, bâtiment numéro 20;

-      Les stationnements intérieurs du Quai Alexandra (soit l’intérieur des hangars 4 et 6);

-      Les terrains des Quai de l’Horloge, Jacques-Cartier, King-Edward et Alexandra;

-      Les voies publiques du Vieux-Port, soit la portion sud de la rue de la Commune, l’entrée du Quai de l’Horloge, l’entrée du Bassin Bonsecours, l’entrée du Quai Jacques-Cartier, l’entrée du Quai King-Edward, la rue du Bassin de l’Horloge et du Quai de l’Horloge, la route du Port, l’entrée du Quai Alexandra, l’entrée Saint-Pierre, la promenade du Vieux-Port et la promenade des Artistes.

-      Les terrains sous l’emprise de la voie ferrée et de la cour de triage ferroviaire dans le site du Vieux-Port dont la SVPM estime la superficie à environ 41 560,5 mètres carrés ou 447 353 pieds carrés.

a)    Les exclusions en cause  [Table des matières]

i.     La notion de parc urbain — alinéa 2(3)c) de la LPRI  [Table des matières]

[67]      Tel qu’indiqué précédemment, l’article 3 de la LPRI prévoit le versement éventuel de PERI à l’autorité taxatrice concernée pour les propriétés fédérales situées dans son territoire d’imposition. L’alinéa 2(3)c) de la LPRI prévoit que sont exclus de la définition de propriété fédérale :

Définitions

2 […]

Exclusions : propriété fédérale

(3) […]

[…]

c) […] les immeubles et les biens réels aménagés en parc et utilisés comme tels dans une zone classée comme « urbaine » par Statistique Canada lors de son dernier recensement de la population canadienne, sauf les parcs nationaux du Canada, les parcs marins nationaux du Canada, les réserves à vocation de parc national du Canada ou de parc marin national du Canada, les lieux historiques nationaux, les champs de bataille nationaux et les canaux historiques. [Je souligne.]

[68]      Malgré que les notions d’immeuble et de bien réels ne soient pas définies dans la LPRI, elles le sont à l’article 2 de la Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux, L.C. 1991, ch. 50. Essentiellement, le mot « immeuble » renvoie aux notions de droit civil québécois alors que l’expression « biens réels » renvoie à celles de common law des autres provinces (voir les articles 8.1 et 8.2 de la Loi d’interprétation). Comme le site du Vieux-Port se situe dans la province de Québec, il convient de se rapporter au Code civil du Québec, RLRQ, ch. CCQ-1991, qui prévoit, à son article 900, que le fond de terre, ainsi que les constructions et ouvrages à caractère permanent qui s’y trouvent, sont des « immeubles ». Par conséquent, et contrairement à la plupart des autres exclusions de la notion de propriété fédérale énoncées dans la LPRI, l’exclusion de « parc » vise le terrain sous-jacent ainsi que les immeubles qui s’y greffent.

[69]      La LPRI ne contient pas de définition du « parc ». Toutefois, un lieu doit satisfaire à trois critères pour être considéré comme un parc au sens de l’alinéa 2(3)c); il :

•      doit être situé dans une zone urbaine telle que définie par Statistiques Canada;

•      doit avoir été aménagé en parc; et

•      doit être utilisé comme parc par la population;

[70]      S’appuyant sur le paragraphe 4(1) de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, ch. 32 (Loi sur les parcs nationaux) et l’article 4 de la Loi sur le parc marin du Saguenay — Saint-Laurent, L.C. 1997, ch. 37 (Loi sur le parc marin), la SVPM avance la définition suivante du mot « parc » :

Un espace aménagé à l’intention du public pour son bienfait, son agrément et l’enrichissement de ses connaissances, destiné notamment à être utilisé à des fins éducatives, récréatives et scientifiques.

[71]      Ainsi, selon la SVPM, l’ensemble du site du Vieux-Port aurait cette vocation, ce qui le qualifierait de parc au sens de la LPRI. Cette qualité de parc s’étendrait non seulement aux espaces verts aménagés avec des arbres, des bancs de parc et des étangs — espaces déjà reconnus par la Ville comme étant des parcs — mais aussi aux bâtiments plus imposants constituant le site du Vieux-Port, comme le Centre des sciences et le cinéma IMAX, puisque ces bâtiments seraient utilisés à des fins éducatives, récréatives et scientifiques. La SVPM fait valoir que la plupart des grands parcs de Montréal incluent de tels bâtiments, comme les différents bâtiments du Jardin botanique, par exemple.

[72]      De plus, les stationnements, la foire alimentaire, les toilettes ainsi que les terrains, promenades, chemins et voies publiques relèveraient aussi de l’exemption puisqu’ils sont accessoires et nécessaires à l’exploitation du parc, donc essentiels pour permettre aux six millions de visiteurs annuels, soit en moyenne environs 16 000 personnes par jour, d’accéder au site du Vieux-Port. La SVPM fait valoir que tous les parcs nécessitent un stationnement pour y accéder et que, par exemple, tous les grands parcs de Montréal sont dotés de stationnements.

[73]      Je ne peux retenir le raisonnement de la SVPM. Dans un premier temps, ni la Loi sur les parcs nationaux ni la Loi sur le parc marin ne donnent de définition du mot « parc ». Toutefois, je reconnais que les parcs nationaux du Canada et les parcs marins nationaux du Canada sont des exemples d’immeubles aménagés en parc et utilisés comme tels car ils sont spécifiquement visés par l’alinéa 2(3)c) de la LPRI.

[74]      Si nous prenons l’exemple de nos parcs nationaux, il s’agit de vastes étendues de terre et d’eau consacrées à la préservation et à la valorisation de la vie sauvage et de l’écosystème environnant, où les visiteurs peuvent respirer l’air pur en toute tranquillité et où le développement commercial, s’il a lieu, est limité. À tout le moins, l’objectif principal n’est jamais d’exercer une activité commerciale. Les bâtiments utilisés à des fins éducatives ou scientifiques comme des centres d’interprétation et d’observation, le cas échéant, sont construits et aménagés de sorte à ne pas nuire à la connexion avec la nature. Ils sont même généralement conçus pour valoriser la nature et permettre aux visiteurs de mieux comprendre le milieu naturel où ils se trouvent et la faune qui y vit.

[75]      Le dictionnaire Larousse en ligne définit le mot « parc » comme un « terrain clos, en partie boisé, ménagé pour la promenade, l’agrément ». L’Office québécois de la langue française, dans le Grand Dictionnaire terminologique (2015), définit le mot « parc » comme un « vaste espace délimité, en plein air, généralement boisé, consacré à la conservation d’un écosystème ou aménagé à des fins récréotouristiques ».

[76]      Comme je le montrerai, on peut certainement former plein de locutions avec le mot « parc ». Cependant le contexte de la LPRI est important et je ne pense pas que lorsque le législateur a utilisé le mot « parc » à l’alinéa 2(3)c) de la LPRI, il souhaitait y inclure tous les lieux d’utilisation ou d’activité communes, comme par exemple un parc scientifique, un parc industriel, un parc de stationnement, un parc automobile, un parc d’amusement, d’attractions ou de divertissement, un parc immobilier ou même un parc à conteneurs, comme semble le soutenir la SVPM. Si tel était le cas, une grande partie du centre-ville de n’importe quelle ville serait, dans la mesure où elle serait exploitée par une société d’État fédérale, exclue de l’application de la LPRI à titre de parc commercial, immobilier ou industriel. Si le législateur avait voulu exclure ces types de parcs de la notion de propriété fédérale, il l’aurait fait explicitement.

[77]      Par le seul mot « parc », le législateur désigne plutôt un parc urbain naturel, aménagé comme tel au bénéfice de la communauté. On peut comprendre que la volonté du législateur était d’exclure ce type de parc (non seulement les bâtisses qui s’y trouvent, mais aussi le fond de terre) des PERI puisque ces parcs correspondent à un service que le ministre ou la société d’État rend à la municipalité, soit un accès à un espace vert et apaisant pour ses citoyens urbains, plutôt que d’utiliser ce terrain pour y faire un développement commercial, par exemple. Cette interprétation de l’objet de la disposition est par ailleurs confirmée par le fait que l’alinéa 2(3)c) n’exclut de la notion de propriété fédérale que les parcs situés en zone urbaine, donc que les parcs situés dans une zone densément peuplée. Ce texte n’exclut pas les parcs ruraux.

[78]      Pour ce qui est du sens ordinaire et courant des mots, je ne peux pas concevoir qu’une personne raisonnable puisse s’imaginer que je me dirige vers un cinéma IMAX, une foire alimentaire ou un centre scientifique, par exemple, si je lui dis que je vais dans un parc.

[79]      Le mot « parc » figurant à l’alinéa 2(3)c) désigne donc fondamentalement un terrain extérieur qui évoque le plein air et la nature. Il n’y a pas incompatibilité avec une utilisation « à des fins éducatives, récréatives et scientifiques » comme le soutient la SVPM. Cette qualité ne s’oppose pas non plus à ce que certains bâtiments accessoires à un parc puissent eux-mêmes être compris dans le sens du mot « parc » de la LPRI. En effet, comme je l’ai signalé, un parc peut comprendre certaines dépendances nécessaires à son exploitation, comme des bancs, des terrains et des modules de jeux, des balançoires, des sentiers, des tables de pique-nique, des panneaux d’interprétation de la nature, une pergola et même des toilettes et des stationnements, par exemple. À mon avis, cette conclusion n’exclut pas la possibilité que soit reconnu un espace commercial compris dans un parc comme faisant partie intégrante dudit parc, de sorte que cet espace soit complémentaire. Par exemple, un musée dédié à un parc pourrait, selon les faits en cause, être suffisamment accessoire au parc pour lui-même avoir cette qualification. Toutefois, comme je l’ai signalé dans l’introduction des présents motifs, ces activités commerciales ne doivent pas détourner l’attention de l’essence même de ce qu’est un parc.

[80]      Il me semble que, au fond, un parc au sens de l’alinéa 2(3)c) de la LPRI est censé être « aménagé en parc et utilisé comme tel » afin qu’il puisse être recherché par la population comme un refuge de l’agitation de la vie urbaine quotidienne pour être une sorte de bulle de tranquillité. Si un bâtiment ou un développement commercial fait partie de cet environnement, ceux-ci doivent avoir une certaine dépendance avec le parc, et aussi être aménagés et utilisés d’une façon proportionnée et complémentaire à cette utilisation principale — un tel développement peut faciliter ou ajouter à l’utilisation, la compréhension ou l’appréciation du parc.

[81]      À part certains terrains de la cour ferroviaire sur lesquels je m’exprimerai séparément, la SVPM inclut tous les éléments controversés du site du Vieux-Port dans la notion de « parc » de l’alinéa 2(3)c) de la LPRI. Ces éléments toujours en cause peuvent se regrouper sous trois grandes catégories :

1)    l’ensemble du site du Vieux-Port, sauf la portion ouest du Vieux-Port faisant partie du lieu historique national du canal de Lachine, incluant les terrains, promenades, chemins, voies publiques, ainsi que le fond de terre;

2)    les quais et les bâtiments, tels, le Centre des sciences, le Cinéma IMAX, le pavillon Bonsecours, la foire alimentaire, les toilettes, et incluant le bâtiment commercial et entrepôt du Pavillon Jacques-Cartier ainsi que la portion Belvédère du stationnement, soit bâtiment 17, sur le Quai King-Edward; et

3)    les stationnements extérieurs, intérieurs et étagés.

a.    L’ensemble du site du Vieux-Port  [Table des matières]

[82]      Le site du Vieux-Port est situé dans une zone urbaine et est accessible en tout temps, sauf pour certains bâtiments. De plus, la SVPM soutient que même si certains bâtiments n’étaient pas considérés comme des parcs (puisqu’ils seraient inclus dans la notion de propriété fédérale selon un autre article de la LPRI, par exemple), il demeure que leur fond pourrait être exempt de PERI en raison de la qualification du site du Vieux-Port comme parc.

[83]      Comme il est signalé, le mot « parc » peut évoquer différentes notions lorsqu’il est accompagné d’un adjectif, par exemple un parc immobilier, un parc commercial ou un parc d’attractions. En effet, le site du Vieux-Port, avec ses nombreuses attractions, dont une grande roue (ouverte au public depuis septembre 2017), un Centre de science, un cinéma IMAX, un espace pour organiser des concerts et une foire alimentaire, s’apparente davantage à un parc thématique destiné au divertissement ou à un parc d’attractions, qu’à un parc naturel et traditionnel au sens de la LPRI. D’après la preuve dont je dispose, il ne semble pas que la première priorité de la SVPM soit « la préservation ou le rétablissement de l’intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques » (paragraphe 8(2) de la Loi sur les parcs nationaux).

[84]      Le site Web de la SVPM définit ainsi sa mission : « développer, gérer et animer un vaste site récréotouristique et culturel urbain ». Comme je l’ai déjà signalé, il me semble que si le législateur avait voulu exclure ces types de « parcs » de la notion de propriété fédérale, il l’aurait fait explicitement. Or, en s’en tenant simplement au mot « parc », le législateur désigne, comme nous l’avons vu, un parc naturel. Le site du Vieux-Port, dans sa totalité, n’est pas aménagé en parc traditionnel ni utilisé comme tel.

[85]      Le niveau d’activité commerciale joue également dans l’administration juste et équitable de la relation entre l’autorité taxatrice et la société d’État fédérale. On ne s’attend pas à ce qu’un parc traditionnel appelle le même niveau de services municipaux qu’exigerait une grande opération commerciale avec des millions de visiteurs par année. Je comprends toutefois que la SVPM assure elle-même l’entretien du site du Vieux-Port, soit l’entretien des arbres, du gazon, le déneigement et la collecte des ordures. Cet entretien sera possiblement pris en considération en ce qui concerne le calcul des PERI, mais cela n’a aucune pertinence quant au caractère raisonnable des exceptions à la notion de propriété fédérale que la SVPM a invoquées.

[86]      Bien que certaines personnes utilisent possiblement quelques parties du site du Vieux-Port comme un havre de tranquillité afin de renouer avec la nature, l’ensemble du site, aujourd’hui connu selon la Ville comme la destination touristique numéro 1 non seulement à Montréal, mais au Québec, est loin d’être un lieu de sérénité comme défini plus haut. Il peut y avoir des poches de tranquillité à l’intérieur du site, comme des espaces verts, des patinoires et des bateaux à aubes, mais ces poches ne font pas de l’ensemble du site du Vieux-Port un parc; le site du Vieux-Port dans son ensemble ne communique pas un tel sentiment aux personnes qui le visitent. Il me semble plutôt que le site du Vieux-Port a été développé comme destination urbaine aux fins d’amusement et de divertissement, avec des vendeurs et des kiosques à travers le site pour répondre aux besoins du public payant. Ces dernières années, le site du Vieux-Port a été développé comme parc d’attractions avec la Grande Roue, le théâtre IMAX, où l’on peut assister à un concert, le spa Bota Bota ainsi que le Cirque du Soleil tous les deux ans. L’objectif premier du site est donc de nature commerciale.

[87]      Comme je l’ai expliqué, un véritable parc est plutôt l’inverse : la nature est l’attraction principale et l’objectif est de valoriser cette attraction tout en constituant une bulle de tranquillité. Bien que des bâtiments accessoires peuvent s’y trouver, ceux-ci ne doivent pas le dénaturer.

[88]      Cela dit, le développement est souvent progressif et la détermination du moment où le Rubicon a été franchi peut ne pas être évidente, mais à mon avis, le site du Vieux-Port a bel et bien fait cette transition. Bien que certaines parties du site puissent certainement être assimilées à un parc, on ne saurait dire que le site, dans son ensemble, constitue aujourd’hui un parc au sens de la LPRI.

[89]      La SVPM cite l’affidavit de Daniel Pinard, évaluateur au service de AEC Symmaf (aujourd’hui appelée Ryan) pour souligner les différents bâtiments à l’intérieur de grands parcs urbains de la Ville qui ont des fins de divertissement, d’éducation du public, récréatives ou scientifiques, et que, dans plusieurs de ces parcs on trouve des stationnements pour permettre au public d’accéder au parc.

[90]      Il ne fait aucun doute qu’un certain nombre de grands parcs inclut des bâtiments, comme le Chalet et le Belvédère du parc du Mont-Royal, le Chalet du parc Maisonneuve, et les bâtiments du Jardin botanique. Cependant, il faut faire attention à ne pas seulement regarder les bâtiments en cause, mais aussi l’ensemble du parc et la relation entre le parc et le bâtiment. Il ne faut pas que l’arbre cache la forêt. Dans les parcs mentionnés par la SVPM les bâtiments mentionnés ont une empreinte minimale par rapport à l’ensemble du parc et sont conçus pour améliorer l’expérience globale du parc. Ce n’est certainement pas le cas du théâtre IMAX ou du Centre des sciences.

[91]      La SVPM fait valoir, par exemple, que la Ville traite l’Espace pour la Vie, un complexe muséal qui regroupe les installations du Jardin botanique, du Planétarium, du Biodôme et de l’Insectarium de Montréal, qui ont toutes une vocation éducative et scientifique, comme un parc.

[92]      Cependant, et en faisant abstraction du fait que ce complexe a un thème commun, à savoir la valorisation des sciences naturelles et du fait que le complexe n’est peut-être même pas défini comme un parc par la Ville, il me semble que la démarche de la SVPM consistant à comparer les supposés parcs municipaux de la Ville avec le site du Vieux-Port n’est pas très utile, puisque les parcs municipaux font l’objet d’un régime fiscal différent de celui touchant le site du Vieux-Port. De plus, la LPRI est un texte législatif autonome qui comporte sa propre terminologie. La Ville fait correctement valoir que, en ce qui concerne le régime des PERI, le rôle de la Ville et de la SVPM n’est pas d’harmoniser les lois fiscales fédérales et provinciales en matière de parc. L’argument de la SVPM repose sur la nature prétendument fiscale de la LPRI. J’ai déjà constaté que tel n’est pas le cas.

[93]      Pour clore cette question, le procureur général fait état de la position du ministre en ce qui concerne la détermination de l’étendue de la propriété fédérale sur un grand site comme celui du site du Vieux-Port : ce n’est pas l’ensemble de la propriété qui compte, il faut plutôt évaluer chaque élément du terrain pour déterminer si une exclusion de la notion de propriété fédérale peut s’appliquer à cet élément précis. Ainsi, la démarche consistant à déterminer si un élément particulier doit être exclu de la notion de propriété fédérale consiste à rattacher cet élément à une des exceptions prévues par la LPRI et non à examiner le site dans son ensemble pour déterminer si l’une des exceptions s’applique. Bref, d’après le ministre, on ne peut pas conclure qu’un terrain est un parc et donc exclu de la notion de propriété fédérale aux termes de l’alinéa 2(3)c) de la LPRI pour ensuite procéder à la construction, par exemple, d’hôtels, de bars et de cinémas IMAX, et soutenir que puisque les parcs contiennent parfois de tels bâtiments, l’ensemble du terrain continue de bénéficier de l’exclusion de parc. En somme, il faut plutôt se pencher sur chaque élément de la propriété fédérale en cause, et non pas sur la propriété dans son ensemble.

[94]      Il est clair que les parties approchent cette question de manière différente. La SVPM soutient que l’ensemble du site du Vieux-Port est un parc, sous réserve de certains éléments qui ne répondent à aucune exemption de la notion de propriété fédérale. D’autre part, le procureur général soutient que l’ensemble du site ne peut pas être un parc, puisqu’il faut regarder chacun des éléments de manière autonome.

[95]      Devant moi, la Ville est quant à elle allée jusqu’à concéder qu’elle pourrait possiblement se soumettre à la conclusion selon laquelle l’ensemble du site du Vieux-Port constitue un parc, mais les éléments individuels qu’elle conteste (sauf le fond de ces éléments qui serait un parc) devraient dans tous les cas être soustraits d’une telle exemption de la notion de propriété fédérale en raison d’autres inclusions prévues dans la LPRI.

[96]      Dans ce contexte, la relativité et la proportionnalité des structures par rapport au terrain environnant doivent également être prises en compte pour déterminer si une zone particulière, quelle que soit sa taille, a été aménagée comme parc. Chaque élément pris individuellement n’a peut-être pas fait perdre au site du Vieux-Port son essence de parc. Un restaurant, un musée, un centre de science, ou quelques stationnements à eux seuls ne constituent peut-être pas l’élément critique. Cependant, vu la manière dont le site du Vieux-Port a été aménagé avec sa gamme infinie d’attractions qui occupent un espace démesuré sur le site par rapport à ce que l’on pourrait s’attendre d’un parc traditionnel, le site du Vieux-Port a franchi le seuil d’une destination de divertissement, et ne constitue donc pas un parc au sens de la LPRI.

[97]      Même si l’on peut affirmer que le site du Vieux-Port était, à un moment donné, un parc dans son ensemble au sens traditionnel du mot, il me semble qu’il a cessé de ressembler à un parc depuis un certain temps. Les opérations commerciales du théâtre IMAX, du Centre scientifique, du spa Bota Bota, de la grande roue et les développements sur le Quai Jacques-Cartier lui ont fait perdre l’essence de ce qu’il a pu être par le passé. Le théâtre IMAX et le Centre scientifique ont certes une vocation éducative et scientifique générale, axée, comme l’a expliqué la SVPM à l’audience, sur le développement de l’intérêt des jeunes pour les sciences en général. Ils ont toutefois un objectif commercial distinct et ne sont pas conçus pour permettre aux visiteurs de mieux comprendre le milieu naturel environnant, comme les baleines et autres animaux qui constituent la faune du fleuve Saint-Laurent, par exemple.

[98]      Je retiens l’idée que ce qui constitue un parc urbain est plus subjectif que, par exemple, un abri contre la neige, et que la Couronne ou une société d’État fédérale doit bénéficier d’une certaine marge de manœuvre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire pour parvenir à une telle détermination. Or, comme je l’ai déjà signalé, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas illimité.

[99]      Il faut rappeler les observations suivantes de la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov [au paragraphe 121] : « le décideur administratif ne peut adopter une interprétation qu’il sait de moindre qualité — mais plausible — simplement parce que cette interprétation paraît possible et opportune. » Ainsi, et à l’exception de certaines sections que la Ville reconnaît comme étant des parcs au sens de la LPRI comme, par exemple, le bassin Bonsecours à l’exclusion du Chalet et du Pavillon, le parc du Quai de l’Horloge et le parc linéaire tout le long de la rue de la Commune, tel n’est pas le cas du site du Vieux-Port dans son ensemble.

[100]   Finalement, et bien que la SVPM cherche à justifier sa décision selon laquelle le site du Vieux-Port est un parc en attirant l’attention de la Cour sur des éléments d’autres parcs, tels que des bâtiments et des stationnements, pour établir des similitudes avec le site du Vieux-Port, à aucun moment dans ses décisions la SVPM ne tente réellement de définir ce qu’est un parc tel que visé par l’alinéa 2(3)c) de la LPRI. Il me semble que la SVPM aurait dû justifier sa position si elle voulait s’affranchir de sa pratique de longue date selon laquelle le site du Vieux-Port, dans son ensemble, n’était pas exclu de la notion de propriété fédérale (Vavilov, au paragraphe 131).

[101]   Par conséquent, la décision de la SVPM sur cette question n’est ni transparente, ni intelligible et ni justifiée.

b.    Les quais, promenades et bâtiments  [Table des matières]

[102]   Indépendamment de l’examen du site du Vieux-Port dans son ensemble, il m’a été demandé de déterminer si certaines parties du site peuvent, elles-mêmes, être considérées comme ayant été aménagées en parc, ou du moins comme accessoires et complémentaires à d’autres parties déjà considérées comme parcs, et donc comme relevant elles-mêmes de l’exception de l’alinéa 2(3)c) de la LPRI.

[103]   Ainsi, la SVPM soutient que les bâtiments du Quai King-Edward, soit le Centre des sciences, le cinéma IMAX et ses stationnements, ainsi que plus généralement tous les autres bâtiments et constructions sur le site du Vieux-Port qui servent à accueillir les visiteurs font partie intégrante des parcs se trouvant sur le site. Cependant, devant moi, elle a concédé que sa thèse ne pouvait être retenue que si, au préalable, je constatais que l’ensemble du site du Vieux-Port est lui-même un parc au sens de l’alinéa 2(3)c) de la LPRI dans son intégralité. Ayant constaté que l’ensemble du site du Vieux-Port n’est pas un parc dans son intégralité, il s’ensuit que ni les bâtiments ni les stationnements ne tombent sous la qualification de parc telle qu’elle figure à l’alinéa 2(3)c) de la LPRI.

i.     Promenade du Vieux-Port et Promenade des Artistes  [Table des matières]

[104]   La Promenade du Vieux-Port (incluant la Promenade des Artistes) est une zone piétonnière dont l’accès est interdit aux automobiles. Les visiteurs du site du Vieux-Port peuvent y marcher, courir, faire du patin à roues alignées ou du vélo (on peut notamment louer des quadricycles et des trottinettes Segway) ou simplement s’asseoir sur les bancs et regarder de l’autre côté du fleuve la merveille architecturale qu’est Habitat 67. Il s’agit effectivement d’une promenade extérieure allant de l’entrée Saint-Pierre à l’ouest du site du Vieux-Port, jusqu’au début du Quai de l’Horloge à l’est. La Promenade est adjacente aux espaces déjà reconnus par la Ville comme espaces aménagés et utilisés comme parcs à l’intérieur du site du Vieux-Port, soit l’espace du côté nord de la Promenade, sauf pour le stationnement Saint-Pierre et la voie ferrée, la cour ferroviaire et les entrées. Cependant, ce secteur est le lien principal entre les différentes zones et les attractions du site du Vieux-Port, parsemé de petites offres commerciales de nourriture et de souvenirs.

[105]   Dans ces circonstances, bien que je n’aurais pas personnellement conclu que la promenade était un accessoire de la zone adjacente, je ne peux pas non plus dire qu’il soit déraisonnable de considérer cette promenade comme étant complémentaire aux parcs adjacents, et donc de l’exclure de la notion de propriété fédérale au sens de l’alinéa 2(3)c) de la LPRI.

ii.    Le terrain du Quai de l’Horloge  [Table des matières]

[106]   Ainsi que je l’ai déjà signalé, la Ville reconnaît que la SVPM a aménagé et qu’elle utilise comme parc une partie du Quai de l’Horloge. Cependant, la plus grande partie du quai n’a pas été aménagée en parc. Elle a plutôt été transformée en un grand stationnement desservant l’ensemble du site du Vieux-Port ainsi que la zone commerciale du Vieux-Montréal. Je ne vois pas comment on pourrait raisonnablement soutenir que cette zone a été aménagée comme parc.

iii.   Le pavillon Bonsecours, incluant les bâtiments 4 et 5, soit la Terrasse Bonsecours et le pavillon (Chalet Bonsecours)  [Table des matières]

[107]   La Ville concède que le secteur du Bassin Bonsecours est en général un parc ayant un aspect plutôt récréatif offrant, en fonction des saisons, une patinoire, la location de pédalos, une grande roue, une tyrolienne et le Voile en Voile. La Ville affirme toutefois que le pavillon Bonsecours, incluant les bâtiments numéro 4 (la Terrasse Bonsecours) et numéro 5 (le Chalet Bonsecours), doit être considéré comme une propriété fédérale vu sa fonction plutôt commerciale et indépendante, à savoir la restauration. J’abonde dans son sens. Quoiqu’une petite partie du Chalet sert d’abri aux patineurs durant l’hiver et d’atelier pour la location de patins, le pavillon Bonsecours, en particulier la Terrasse Bonsecours, a été aménagé en un grand bistro-terrasse à deux niveaux, favorisant les repas en plein air. Ce pavillon est le lieu idéal pour déguster un Aperol Spritz; en outre, il sert de boîte de nuit avec des évènements chaque semaine.

[108]   Il est déraisonnable de soutenir que le pavillon Bonsecours peut contribuer de manière complémentaire et proportionnelle à l’utilisation, la compréhension ou l’appréciation de l’espace adjacent déjà reconnu comme étant aménagé en parc. Il ne s’agit pas d’un comptoir, kiosque ou petit casse-croûte où papa et maman peuvent offrir à leurs enfants un hot-dog, une crème glacée et une pause toilette leur permettant d’affronter les eaux tumultueuses du bassin après un exaltant vol sur le zipline.

iv.   Le terrain du Quai Jacques-Cartier  [Table des matières]

[109]   Vu la manière dont il est actuellement aménagé, il n’est pas non plus raisonnable de soutenir que le Quai Jacques-Cartier, incluant le bâtiment commercial du Pavillon Jacques-Cartier, l’entrepôt et les toilettes, bâtiments 2, 2A et 3, répond à l’exclusion de parc.

[110]   Les Terrasses de la Marina est un restaurant plutôt haut de gamme, avec deux niveaux de terrasses et la possibilité de réserver en ligne. Il s’agit d’un endroit idéal pour les jeunes professionnels du centre-ville désirant savourer un verre et de bons petits plats tout en se prélassant dans un bain de soleil. Il ne s’agit pas d’un parc.

[111]   Le quai est aménagé et utilisé pour des événements de divertissement comme des concerts et, ces dernières années, le Cirque du Soleil. Bien que ce type d’événement n’ait pas lieu en permanence sur le quai, les pilotis servant à accueillir ce genre d’événement y sont installés en permanence avec des grillages tout le tour; il n’est donc pas accessible au public, sauf pour les personnes qui assistent aux spectacles du Cirque du Soleil. Ce terrain n’est donc pas aménagé ou utilisé à titre de parc. Les toilettes publiques se trouvant sur le quai semblent aussi servir davantage aux spectateurs assistant à ces événements plutôt qu’aux utilisateurs des espaces aménagés en parc du site du Vieux-Port.

[112]   Enfin, les autres bâtiments du quai servant notamment d’entrepôt ne sont bien évidemment pas des parcs.

a.    Promenade du Quai Jacques-Cartier  [Table des matières]

[113]   La promenade du Quai Jacques-Cartier est le passage piéton qui entoure le quai d’une largeur de 20 à 35 pieds selon l’endroit exact. Cette promenade contient des petites dépendances, comme les bancs de parc. Quoique la promenade permette aux joggeurs, aux cyclistes et aux personnes qui veulent simplement se promener ou s’asseoir sur les nombreux bancs et profiter de la vue sur le fleuve à l’ouest, au sud et à l’est, elle est, pour la plupart, l’anneau autour de la zone construite pour recevoir des concerts et le Cirque du Soleil. On n’éprouve pas un sentiment de plaisir tranquille dans cette promenade, et ne je pense pas, donc, qu’il soit raisonnable pour la SVPM d’avoir conclu qu’elle a été aménagée comme un parc.

v.    Le terrain du Quai King-Edward  [Table des matières]

[114]   Le Centre des sciences (bâtiment 13) et le cinéma IMAX (bâtiment 14) sur le Quai King-Edward ne sont clairement pas suffisamment accessoires ou nécessaires à l’exploitation des parcs adjacents pour être exemptés de PERI à ce titre. En effet, ce sont des exploitations commerciales sans rapport avec la nature adjacente, soit les espaces boisés et le fleuve. Ils ne sont pas exploités en plein air, il faut payer pour y accéder et les thèmes de ces commerces n’ont aucun lien avec les parcs adjacents. Ces commerces pourraient se trouver dans le milieu d’un centre-ville ou d’un centre commercial et avoir la même vocation.

[115]   Pour des raisons similaires, il est à mon avis déraisonnable de voir dans la foire alimentaire (bâtiment 16) un parc. En effet, ce bâtiment fait aussi l’objet d’une exploitation commerciale indépendante des parcs adjacents. Il s’ensuit de mes deux conclusions précédentes qu’il est déraisonnable de soutenir que la passerelle fermée (donc avec un toit) entre le Centre des sciences et la foire alimentaire (bâtiment 18) est accessoire à un parc et donc exclue de la notion de propriété fédérale.

[116]   La rue centrale du Quai King-Edward (chemin central) n’est évidemment pas un parc non plus, car elle a pour fonction première de donner accès aux bâtiments et stationnements se trouvant sur le quai. L’exclusion de cette rue à titre de parc est donc déraisonnable.

[117]   Le Belvédère (bâtiment 17), qui est une salle de réception branchée du centre-ville, ne peut pas raisonnablement être qualifiée de parc. En effet cet espace est aménagé à titre de salle de réception sans qu’elle soit accessoire aux espaces adjacents déjà reconnus comme parc.

a.    La promenade du Quai King-Edward  [Table des matières]

[118]   La promenade du Quai King-Edward n’est nullement aménagée comme un parc. Il s’agit plutôt d’une route pavée qui est probablement mieux décrite comme un accès d’entretien des bâtiments pour les voitures et les camions qui livrent des fournitures et ramassent les ordures. Cette promenade n’est absolument pas aménagée comme parc ni pour servir de complément à un parc.

vi.   Le terrain du Quai Alexandra  [Table des matières]

[119]   Aujourd’hui, le Quai Alexandra sert de principal terminal de croisière pour le port de Montréal; cependant, jusqu’en 2016, la SVPM louait des stationnements extérieurs et intérieurs et des espaces d’entreposage et de bureaux.

[120]   Ayant déjà constaté que le site du Vieux-Port n’était pas un parc dans son ensemble, aucun élément de preuve ne tend à établir que le Quai Alexandra constitue un parc. D’ailleurs, la SVPM ne le soutient pas.

c.    Les stationnements  [Table des matières]

[121]   Le site du Vieux-Port est desservi par un certain nombre d’aires de stationnement extérieures et intérieures exploitées par la SVPM. En commençant par l’est, nous avons les stationnements extérieurs du bassin de l’Horloge ainsi que du Quai de l’Horloge qui font l’objet d’un affichage commercial — des panneaux se trouvent à travers le centre-ville de Montréal — avec une tarification établie. On trouve aussi les stationnements extérieurs de la route du Port situés à l’extérieur de la guérite du site, avec horodateurs. Dans ce secteur, il y a aussi les stationnements intérieurs du hangar 16 du Quai de l’Horloge (le bâtiment numéro 20).

[122]   Sur le Quai King-Edward, on trouve les stationnements extérieurs étagés (le bâtiment numéro 15) ainsi que le stationnement rattaché au Belvédère (le bâtiment numéro 17). Enfin, sur le Quai Alexandra, on trouve les stationnements extérieurs étagés ainsi que les stationnements à l’intérieur des hangars 4 et 6. À l’exception des stationnements extérieurs de la route du Port, toutes les aires de stationnement font l’objet du même affichage commercial et fonctionnent selon la même tarification fixe.

[123]   J’ai déjà conclu que l’ensemble du site du Vieux-Port ne constitue pas un parc; par conséquent, toute aire de stationnement dont l’objectif est de desservir le site ne peut être considérée comme un parc.

[124]   De plus, les stationnements du site du Vieux-Port font l’objet d’un affichage commercial. Le problème n’est pas que les stationnements sont payants : en fait, de nombreux parcs à Montréal, par exemple le parc du Mont-Royal, ont des stationnements payants. Le problème est plutôt que les stationnements de la SVPM font l’objet d’un affichage commercial incitatif dans plusieurs endroits du centre-ville de Montréal et visent une clientèle qui dépasse largement les seuls visiteurs de ce site et, à plus forte raison, les visiteurs des espaces verts du site.

[125]   La SVPM fait valoir que la Ville assimile les stationnements se trouvant dans ses parcs municipaux à des parcs, mais cela n’a aucune pertinence dans le présent contentieux. Il est vrai que la SVPM est réputée être une propriétaire privée pour les PERI, mais ceci vaut pour le taux effectif et la valeur effective applicable à ses biens, pas pour la question de savoir quels biens sont compensables ou ce qui compose son assiette fiscale (APM 2010, au paragraphe 40). La LPRI est un code complet qui détermine quels biens sont inclus et lesquels sont exclus de la notion de propriété fédérale et donc des PERI. En tout état de cause, le site du Vieux-Port ne constitue pas un parc.

[126]   Ainsi ces stationnements ont un usage commercial indépendant de l’opération du site du Vieux-Port : ils permettent aux visiteurs du Vieux-Montréal d’accéder aux autres attraits de ce secteur de la Ville et aux visiteurs du site du Vieux-Port d’accéder aux activités commerciales du site.

[127]   Par conséquent, les stationnements sont compensables comme propriétés fédérales, au moins en ce qui concerne la taxe foncière. En ce qui concerne l’application du Règlement sur les stationnements pour la taxe sur les parcs de stationnement, d’autres arguments sont soulevés, portant notamment que ces stationnements se trouvent, selon la SVPM, à l’extérieur du territoire d’application de ce règlement.

ii.    Les constructions ou ouvrages –— alinéa 2(3)a) de la LPRI  [Table des matières]

[128]   L’alinéa 2(3)a) de la LPRI prévoit qu’ils sont exclus de la définition de propriété fédérale :

Définitions

2 […]

Exclusions : propriété fédérale

(3) […]

a) les constructions ou ouvrages, sauf :

(i) les bâtiments dont la destination première est d’abriter des êtres humains, des animaux, des plantes, des installations, des biens meubles ou des biens personnels,

[…]

(v) l’asphaltage des stationnements pour employés et les autres améliorations s’y rattachant. [Je souligne.]

[129]   Il n’est pas controversé entre les parties que les notions de « constructions ou ouvrages » consacrées par l’alinéa 2(3)a) ainsi que par l’alinéa 2(3)b) et par l’annexe II de la LPRI visent les aménagements de surface et non pas les terrains sous-jacents.

a.    La passerelle surélevée du Quai Jacques-Cartier  [Table des matières]

[130]   Il n’est pas déraisonnable d’exclure la passerelle surélevée du Quai Jacques-Cartier qui va de l’étage supérieur de la Marina des Terrasses jusqu’à environ la moitié de la longueur du quai, du côté ouest, à titre de construction ou ouvrage au sens de l’alinéa 2(3)a) de la LPRI. Cette passerelle est ouverte et ne sert donc pas à abriter les visiteurs du site de sorte qu’elle ne tombe pas sous l’inclusion du sous-alinéa 2(3)a)(i) de la LPRI.

b.    Les stationnements  [Table des matières]

[131]   La SVPM soulève deux motifs d’exclusion pour les stationnements extérieurs non couverts, soit celui relatif aux parcs (alinéa 2(3)c) de la LPRI) et celui relatif aux constructions et ouvrages (alinéa 2(3)a) de la LPRI) et, dans le cas des stationnements étagés et intérieurs, la SVPM invoque, en plus de ces deux exclusions, une exemption en vertu de la notion d’abri contre la neige en vertu de l’alinéa 2(3)b) et du point 12 de l’annexe II de la LPRI.

[132]   Je dois d’abord signaler que les stationnements, par leur nature même, ne constituent pas une exclusion de la notion de propriété fédérale. De plus, j’ai déjà conclu qu’il était déraisonnable pour la SVPM de considérer les stationnements (et donc le terrain sous-jacent) comme accessoires à un parc.

[133]   La SVPM soutient que ses stationnements extérieurs non couverts ainsi que ses stationnements intérieurs et étagés, en tant qu’améliorations d’emplacement, constituent des « constructions ou ouvrages » au sens de l’alinéa 2(3)a) de la LPRI et qu’ils sont donc exclus de la notion de propriété fédérale. Elle a donc exclu dans ses calculs de PERI les aménagements de surface des stationnements extérieurs, et la structure et les aménagements de surface du stationnement étagé ouvert et du stationnement intérieur, mais non les terrains sous-jacents.

[134]   La Ville rejette ces motifs en ce qui concerne les stationnements étagés et intérieurs et fait valoir que bien qu’il soit possible d’exclure des PERI l’asphaltage des stationnements (l’ensemble des améliorations d’emplacement pour les stationnements extérieurs non couverts), les stationnements étagés et intérieurs sont soustraits à la notion de « constructions ou ouvrages » aux termes du sous-alinéa 2(3)a)(i) de la LPRI et donnent droit à des PERI. En fait, la Ville confirme que sa demande de PERI à l’égard des stationnements extérieurs non couverts ne visait que le terrain sous-jacent, et non les améliorations de surface car celles-ci ne comprennent que la valeur du pavage au sens du point 11 de l’annexe II de la LPRI.

[135]   Cette question demeure toutefois pertinente pour la SVPM, même en ce qui concerne ces stationnements extérieurs non couverts, car si les aménagements de surface sont exemptés et ne constituent pas une propriété fédérale, la SVPM fait valoir qu’il faut en tirer la conclusion qu’il ne peut y avoir d’autres taxes foncières, comme la taxe sur les stationnements. La SVPM soutient que comme le Règlement sur les stationnements est une taxe foncière qui vise la superficie du terrain de stationnement et non pas la valeur du terrain sous-jacent, si on enlève l’aménagement de stationnement — l’asphalte et le gravier qu’il y a en dessous — comme exclu de la notion de propriété fédérale, la Ville ne peut plus imposer cette taxe sur les stationnements parce qu’il n’y a plus de stationnement; on ne peut pas imposer une taxe sur les stationnements en faisant abstraction du fait que ce stationnement est une construction ou ouvrage et que, par conséquent, il est exclu du concept de « propriété fédérale ». Par conséquent, cependant, le Règlement sur les stationnements ne peut être imposé qu’à une propriété fédérale, et une fois que la surface n’est plus une propriété fédérale, la SVPM prétend que la Ville ne peut pas imposer la taxe sur cette surface.

[136]   Il me semble que c’est une distinction bien trop artificielle et une mécompréhension des termes clairs de la LPRI. Il n’est pas question de superficie ou de surface. Il est seulement question d’ouvrage et de fond de terre; la LPRI ne fait aucune distinction, à l’alinéa 2(3)a), entre la surface et le terrain sous-jacent. Ce texte ne vise qu’à exclure les constructions et les ouvrages au-dessus de la surface du terrain. La LPRI ne concerne pas non plus l’utilisation commerciale qui est faite de la propriété fédérale.

[137]   En ce qui concerne les stationnements extérieurs non couverts, les aménagements de surface sont des « constructions ou ouvrages ». En fait, la Ville a déjà reconnu que les pavages des stationnements extérieurs non couverts sont exclus de la notion de propriété fédérale au sens de l’alinéa 2(3)b) et le point 11 de l’annexe de la LPRI. Il est déraisonnable, toutefois, d’exclure le fond de terre de ces stationnements qui ne sont pas des parcs et puisque l’alinéa 2(3)a) ne prévoit pas d’exemption pour le fond de terre sous-jacent.

[138]   D’autre part, il est déraisonnable de décider que les stationnements intérieurs et étagés doivent être exclus de la notion de propriété fédérale, puisqu’ils seraient visés par l’alinéa 2(3)a) de la LPRI. En effet, ces bâtiments sont visés par l’inclusion prévue par le sous-alinéa 2(3)a)(i) de la LPRI.

[139]   Le mot « bâtiment » a un sens assez large pour englober toute construction solide et permanente qui permet d’abriter ou d’héberger des personnes, animaux ou biens. Quoique les stationnements étagés sont des structures en acier ouvertes avec un toit, sans murs, il s’agit quand même, selon moi, de bâtiments dont la destination première est d’abriter des biens meubles, en l’occurrence des voitures. Les véhicules garés sur le périmètre extérieur sont peut-être moins bien protégés, mais il n’en reste pas moins que, pour la plupart, la protection des voitures et leurs passagers contre le vent, la neige et la pluie est le principal attribut de ces structures.

[140]   Bien que le verbe « abriter » puisse avoir plusieurs aspects — on dit, par exemple que l’on veut s’abriter de l’environnement, soit la pluie, la neige, le vent ou le soleil, ou s’abriter d’autres dangers comme les animaux sauvages — en fin de compte, il me semble qu’« abriter » signifie protéger la personne ou l’objet que l’on abrite d’éléments qui peuvent blesser ou endommager cette personne ou cet objet.

[141]   Finalement, et encore une fois, je dois souligner que, dans ses décisions, la SVPM n’a guère expliqué la logique de cette nouvelle attitude vis-à-vis de ses stationnements.

iii.   Abris contre la neige — alinéa 2(3)b) — Annexe II — point 12  [Table des matières]

[142]   Ce n’est pas l’un des meilleurs arguments de la SVPM. L’alinéa 2(3)b) de la LPRI ainsi que l’annexe II prévoient que sont exclus de la définition de propriété fédérale :

Définitions

2 […]

[…]

Exclusions : propriété fédérale

(3) […]

[…]

b) les constructions, les ouvrages, les machines ou le matériel mentionnés à l’annexe II;

[…]

ANNEXE II

(article 2)

[…]

2 […] tours […]

[…]

7 Monuments

[…]

12 Abris contre la neige […]

[143]   Au fil des années, la question de savoir si la Tour de l’Horloge devait être exclue de la notion de propriété fédérale en tant que « monument » au sens des points 2 (dans la version française de l’annexe II) et 7 de l’annexe II est demeurée controversée. Cependant, au cours de l’audience, les parties m’ont informé qu’elles s’étaient entendues sur cette question. De plus, comme la Ville a renoncé à débattre la question de savoir si le bassin de l’Horloge est exclu à titre de « bassin » au sens du point 3 de cette même annexe, il ne reste qu’à examiner la question de savoir si les stationnements intérieurs et étagés constituent des « abris contre la neige » au sens du point 12 de l’annexe II de la LPRI.

[144]   À partir de 2016 pour le Quai King-Edward et à partir de 2017 pour le Quai de l’Horloge, la SVPM s’est mise à invoquer la notion d’abri contre la neige suivant l’alinéa 2(3)b) et le point 12 de l’annexe II de la LPRI pour ses stationnements intérieurs et à étages, puisque ceux-ci protègent les automobiles de la neige. Il n’est pas controversé entre les parties que cette exclusion ne vise pas le fond de terre, mais seulement la bâtisse elle-même.

[145]   La question s’est posée de savoir si le Belvédère, soit une section du bâtiment 17 avec le stationnement étagé sur le Quai King-Edward, pouvait bénéficier de cette exemption car il sert à abriter les personnes souhaitant se réunir pour souligner une occasion spéciale. Or, pour les mêmes raisons que pour les stationnements intérieurs et à étages, une telle interprétation de l’expression « abris contre la neige » est déraisonnable; le Belvédère doit donc être inclus aux termes du sous-alinéa 2(3)a)(i) de la LPRI.

[146]   La SVPM invoque l’exemption « d’abris contre la neige », puisque les stationnements intérieurs et à étages protègent en tout ou en partie contre la neige en hiver, mais leur destination première ne serait toutefois pas d’abriter des automobiles, mais bien de servir de stationnements, de sorte que l’exception prévue par le sous-alinéa 2(3)a)(i) de la LPRI ne leur serait pas applicable.

[147]   Comme nous l’avons vu précédemment, la Ville est d’avis que ces ouvrages doivent être inclus dans la notion de propriété fédérale en tant que bâtiments dont la destination première est d’abriter des biens meubles (les voitures) au sens du sous-alinéa 2(3)a)(i) de la LPRI. De plus, la Ville fait valoir que l’utilisation tardive et irrégulière de l’exemption du point 12 de l’annexe II de la LPRI pour les stationnements intérieurs et à étages sur le site du Vieux-Port qui s’est ajoutée au fil du temps est un autre indice du caractère déraisonnable des décisions de la SVPM.

[148]   En effet, la SVPM soutient que les stationnements intérieurs et étagés ne servent pas à abriter les voitures au sens du sous-alinéa 2(3)a)(i), tout en soutenant que ces mêmes stationnements sont techniquement des « abris contre la neige » au sens du point 12 de l’annexe II de la LPRI, puisqu’ils abriteraient les voitures contre la neige.

[149]   Je trouve cette position de la part de la SVPM contradictoire et difficile à suivre; soit les stationnements abritent les voitures, soit ils ne les abritent pas.

[150]   Reste que, comme déjà indiqué, vu le sens commun des mots « biens meubles », « bâtiment » et « abris », on comprend que les stationnements intérieurs et à étages sont bel et bien visés par le sous-alinéa 2(3)a)(i) et inclus dans la notion de propriété fédérale.

[151]   En ce qui concerne l’application du point 12 de l’annexe II, je dois admettre à la SVPM que ses stationnements intérieurs et à étages abritent contre la neige. Toutefois, ce n’est pas parce qu’un bien abrite contre la neige que ce bien devient un « abri contre la neige » au sens de la LPRI. Si tel était le cas, tous les bâtiments sur le site du Vieux-Port dotés d’un toit seraient des abris contre la neige au sens de cette loi. Ce n’est certainement pas ce que le législateur a voulu dire en incluant l’expression « abri contre la neige » au point 12 de l’annexe II.

[152]   Je suis plutôt d’avis qu’un stationnement intérieur ou étagé est un espace aménagé pour placer en lieu sûr des véhicules qui ne sont pas en utilisation. Ce type de stationnement n’a pas comme fonction d’abriter seulement contre la neige, bien que cela soit un avantage. Il est par ailleurs intéressant de noter qu’on trouve ce type de construction dans des lieux qui ne connaissent pas la neige.

[153]   Ce n’est pas le seul argument qui milite en faveur du caractère déraisonnable de la détermination de la SVPM sur cette question. En effet, la signification de l’expression « abri contre la neige » est facilement cernée si on étudie la façon dont sont disposés les mots au point 12 de l’annexe II et si on se rapporte à la version anglaise de cette exemption, soit l’expression « snow shed », qui signifie un abri contre les avalanches pour couvrir des routes ou des chemins de fer en région montagneuse.

[154]   Je suis de l’opinion du juge Martineau sur un point que la Cour suprême n’a pas remis en question : lorsqu’un point de l’annexe II de la LPRI énonce plusieurs choses, celles-ci comportent des caractéristiques communes (Ville de Montréal c. Administration portuaire de Montréal, 2007 CF 701,au paragraphe 132).

[155]   Comme pour le restant des biens énumérés dans l’annexe II, un « abri contre la neige » est un type de structure très spécifique. Dans le cas de la catégorie des biens énumérés au point 12 de l’annexe II — abri contre la neige, de tunnels, de ponts et de barrages — il s’agit de structures en lien avec la protection, la gestion ou le contrôle d’un élément naturel pour le passage, la circulation ou un flux sécuritaire. Ce sont aussi des structures dans lesquelles on ne fait que passer et qui ne servent pas à héberger de façon temporaire ou permanente des personnes ou des biens.

[156]   Un principe d’interprétation des lois bilingues veut que lorsqu’une version de la loi a un sens plus large et ambigu, il faut préférer le sens qui ne présente pas d’ambiguïté (voir, par exemple, Pfizer Co. Ltd. c. Sous-ministre du Revenu National, [1977] 1 R.C.S. 456 et Gravel c. Cité de St-Léonard, [1978] 1 R.C.S. 660).

[157]   Pour ces raisons, il faut donc conclure qu’est déraisonnable l’interprétation par la SVPM de l’exclusion prévue par le point 12 de l’annexe II de la LPRI. Bien qu’ils « abritent » des voitures, les stationnements extérieurs et à étages de la SVPM ne sauraient être considérés comme abris contre la neige qui sont exclus de la base du calcul des PERI en vertu de l’annexe II de la LPRI. Donc, l’interprétation défendue par la SVPM ne respecte ni le texte de la LPRI, ni la volonté du législateur.

[158]   Il convient de rappeler ici que la LPRI doit être interprétée selon son objet, soit « l’administration juste et équitable des paiements versés en remplacement d’impôts » (article 2.1 de la LPRI). L’interprète ne doit pas être en quête d’exclusions à tout prix dans le but de minimiser les versements des PERI. Il ne doit pas être à la recherche d’« ambiguïtés », de « failles » ou de « doubles sens » afin de maximiser les exclusions (ou, au contraire, de les minimiser). La mission de l’interprète est de rechercher une interprétation juste et équitable des textes selon leur sens usuel et commun, sans acrobatie ou exagération.

[159]   En l’occurrence, je constate que la SVPM s’est livrée à une périlleuse gymnastique intellectuelle pour essayer de rattacher d’une façon déraisonnable ces stationnements intérieurs ou étagés à une des exceptions de la notion de propriété fédérale, et semble avoir fait abstraction de l’objet de la LPRI.

iv.   Les voies publiques  [Table des matières]

[160]   L’alinéa 2(3)g) de la LPRI prévoit qu’elles sont exclues de la définition de propriété fédérale :

Définitions

2 […]

[…]

Exclusions : propriété fédérale

(3) […]

g) les immeubles et les biens réels aménagés ou utilisés comme voies publiques et n’ayant pas, selon le ministre, pour fonction première de permettre l’accès direct à un immeuble ou à un bien réel appartenant à Sa Majesté du chef du Canada; [Je souligne.]

[161]   La SVPM invoque cette exclusion pour les nombreuses routes se trouvant sur son site en les qualifiant de voies publiques au sens de l’alinéa 2(3)g) de la LPRI. On doit noter que comme pour les parcs, cette exclusion, puisqu’elle vise les « immeubles et les biens réels », inclut le fond du terrain et les biens qui s’y greffent.

[162]   Initialement, la SVPM revendiquait cette exemption pour la portion sud de la rue de la Commune; cependant, elle n’a jamais explicité son argument. Lorsqu’elle fut questionnée à ce sujet lors de l’audience, la SVPM a plutôt décidé de renoncer à l’exclusion de cette route.

[163]   En conséquence, les voies publiques en question à ce stade sont l’entrée du Quai de l’Horloge, l’entrée du Bassin Bonsecours, l’entrée du Quai Jacques-Cartier, l’entrée du Quai King-Edward, la promenade du Vieux-Port et la promenade des Artistes, la rue du Bassin de l’Horloge et du Quai de l’Horloge, la route du Port, l’entrée du Quai Alexandra, le chemin central du Quai King-Edward et l’entrée Saint-Pierre.

[164]   Selon la Ville, à part la route du Port, aucune de ces autres voies ne donne accès à quelque propriété privée que ce soit située à l’extérieur de la propriété fédérale; elles ne répondent donc pas aux exigences de l’alinéa 2(3)g) de la LPRI. Cependant, elle concède que quoique les voies publiques en cause étaient visées par la notion de propriété fédérale, le pavement de ces voies devrait quand même être exclu suivant le point 11 de l’annexe II; l’alinéa 2(3)b) de la LPRI qui fait référence à l’annexe II n’inclut pas les « immeubles et les biens réels », et donc cette exception à la propriété fédérale de pavement n’inclut pas le terrain sous-jacent.

[165]   Pour défendre sa décision, la SVPM fait valoir que ces voies permettent l’accès à plusieurs commerces louant un espace sur le site du Vieux-Port comme concessionnaires, soit des boutiques de cadeaux et de vêtements, des kiosques de nourriture, et des bateaux de croisières ou d’expéditions. La SVPM souligne que ces locataires sont réputés être « propriétaires » des parties du site du Vieux-Port qui leur sont louées au sens des articles 204 et 208 de la Loi sur la fiscalité municipale, RLRQ, ch. F-2.1 (LFM), et que c’est donc à eux qu’il revient de payer les taxes foncières qui s’y rapportent. Les voies publiques en cause seraient nécessaires pour permettre l’accès à ces « propriétaires », ce qui ferait tomber ces voies sous l’exclusion de l’alinéa 2(3)g) de la LPRI.

[166]   La SVPM s’appuie notamment sur la jurisprudence APM 2010, qui enseigne qu’on doit tenir compte du régime fiscal particulier au lieu où se trouve la propriété fédérale lors du calcul des PERI. En l’espèce, la SVPM soutient que, selon l’article 208 de la LFM, ces locataires ou ces occupants sont réputés être propriétaires et donc s’il n’y avait pas ces voies publiques, le public ne pourrait pas avoir accès à ces espaces que la SVPM qualifie de « propriété privée ».

[167]   Les articles 204 et 208 de la LFM disposent :

204. Sont exempts de toute taxe foncière, municipale ou scolaire :

1° un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom de l’État ou de la Société québécoise des infrastructures;

1.1° un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom de la Couronne du chef du Canada ou d’un mandataire de celle-ci;

[…]

208. Lorsqu’un immeuble non imposable en vertu du paragraphe 1 ou 1.1 de l’article 204 est occupé par un autre qu’une personne mentionnée à cet article ou qu’une société qui est mandataire de l’État, sauf si son propriétaire est la Société québécoise des infrastructures, les taxes foncières auxquelles cet immeuble serait assujetti sans cette exemption sont imposées au locataire ou, à défaut, à l’occupant, et sont payables par lui. Toutefois, cette règle ne s’applique pas dans le cas d’un immeuble visé au paragraphe 1.1 de l’article 204 lorsque, suivant la législation du Parlement du Canada relative aux subventions aux municipalités pour tenir lieu des taxes foncières et selon les actes pris en vertu de cette législation, une telle subvention est versée à l’égard de l’immeuble malgré l’occupation visée au présent alinéa dont il fait l’objet. [Je souligne.]

[168]   Tout d’abord, il ressort clairement de la disposition elle-même que la règle ne joue pas en matière de PERI.

[169]   De plus, il est évident que les dispositions de la LFM citées par la SVPM n’attribuent pas la propriété d’un immeuble aux commerçants : elles créent plutôt une fiction juridique aux fins fiscales propres à cette loi. Juridiquement, la propriété des sites loués demeure celle de la SVPM. Le fait que les routes en cause donnent accès à des locataires se trouvant sur le site du Vieux-Port ne fait que confirmer que ces routes donnent en réalité accès à la propriété « appartenant » à la SVPM.

[170]   De toute manière, je ne peux retenir les arguments de la SVPM quant à l’application de la jurisprudence APM 2010. Cet arrêt de la Cour suprême portait sur une situation où la société d’État calculait le PERI sur la base d’un taux d’imposition qui avait été en vigueur à l’époque mais qui avait été aboli par l’autorité taxatrice. La Cour suprême a observé que, bien que la définition du « taux effectif » reconnaît que les sociétés d’État doivent prendre une décision quant au taux d’imposition approprié, elles ne peuvent fonder leurs calculs de PERI sur un régime fiscal fictif, qu’elles créeraient arbitrairement.

[171]   Comme je l’ai déjà signalé, je retiens l’idée que la SVPM est réputée être une propriétaire privée pour les PERI, mais ceci vaut pour le taux effectif et la valeur effective applicable à ses biens, pas quant à la question de savoir quels biens sont compensables ou ce qui compose son assiette fiscale (APM 2010, au paragraphe 40). La LPRI est un code complet qui détermine quels biens sont inclus et lesquels sont exclus de la notion de propriété fédérale et donc des PERI, et il n’est dit nulle part dans l’arrêt APM 2010 que le régime fiscal existant peut être utilisé pour interpréter, qualifier ou modifier les exceptions de la notion de propriété fédérale prévue par la LPRI.

[172]   La seule voie publique pour laquelle je suis disposé à donner raison à la SVPM est la route du Port. Il est vrai que cette route donne accès au Quai de l’Horloge ainsi qu’à des stationnements extérieurs de la route du Port appartenant à la SVPM, mais il s’agit de la seule route donnant accès à un complexe de condominiums résidentiels privés à l’ouest du site du Vieux-Port — les condominiums ne sont pas sur le site du Vieux-Port et leur construction a été complétée avant 2014. De plus, et si l’on continue vers l’ouest le long de la route du Port passé le complexe de condominiums, on arrive directement à la barrière d’accès du port de Montréal. J’ai moi-même souvent utilisé cette entrée et cette route pour accéder au port de Montréal dans le passé.

[173]   Toutefois, l’exclusion automatique d’une voie fédérale de l’assiette des PERI du simple fait qu’elle donne aussi accès à des propriétés privées me semble contraire à l’esprit de la LPRI et au texte de l’alinéa 2(3)g) lui-même. La détermination imposée par ce texte appelle une recherche de l’objet premier de la voie en cause et ne se limite pas à la simple équation : accès à des propriétés privées, donc exclusion. En effet, l’alinéa 2(3)g) de la LPRI dispose que les voies publiques doivent être qualifiées de propriété fédérale dans les cas où elles ont comme fonction première de permettre l’accès direct à des propriétés de la Couronne. Par exemple, un réseau de routes au sein d’une propriété fédérale donnant accès aux différents attraits et bâtiments de ce site ne tomberait pas sous le coup de l’exclusion de l’alinéa 2(3)g). D’un autre côté, l’autoroute transcanadienne, par exemple, qui ne fait que traverser des propriétés fédérales et qui n’a pas comme fonction première de permettre l’accès direct à des propriétés de la Couronne, tomberait sous le coup de cette exclusion.

[174]   En l’espèce, il ne ressort pas de la preuve que la fonction première de la route du Port est de permettre l’accès direct au site de Vieux-Port, et ainsi la Ville ne m’a pas convaincu que l’exercice du pouvoir discrétionnaire et la détermination de la SVPM sur cette question étaient déraisonnables.

[175]   En conséquence, hormis la route du Port, je ne crois pas que les exclusions revendiquées en l’espèce par la Ville soient raisonnables. Je confirme, cependant, qu’il n’était pas déraisonnable de la part de la SVPM d’avoir exclu le pavement des voies publiques en question suivant le point 11 de l’annexe II.

b)    Conclusion sur les exclusions  [Table des matières]

[176]   Il ne fait aucun doute que la décision de verser des PERI demeure celle de la SVPM; c’est son pouvoir discrétionnaire qui est exercé dans la détermination finale de ces paiements. Cependant, ce pouvoir n’est pas absolu et, bien qu’il ne s’agisse pas d’un cas où la SVPM est allée au-delà de la portée de la LPRI, l’interprétation qu’elle a donnée à la plupart des exceptions à la définition de la propriété fédérale équivaut à un exercice déraisonnable de ce pouvoir.

[177]   La Ville indique qu’il y a de nombreuses divergences entre l’interprétation donnée aux exceptions à la notion de propriété fédérale par le TPSGC qui est chargé de l’administration du programme des PERI d’un océan à l’autre, et la SVPM qui l’administre localement dans le Vieux-Port de Montréal. Ceci témoignerait du fait que la SVPM ne possède pas d’expertise particulière, et en fait, qu’elle ne cherche pas une interprétation raisonnable ou juste et équitable envers la Ville, mais plutôt à tirer un maximum d’exclusions dans son interprétation de l’expression « propriété fédérale ».

[178]   Pour ma part, et bien que certaines des exceptions invoquées par la SVPM m’aient rendu fort perplexe, je ne suis pas disposé à lui imputer des arrière-pensées quant à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Comme l’ont clairement signalé toutes les parties, il existe peu de jurisprudence concernant l’interprétation de nombreuses exceptions à la propriété fédérale dans la LPRI. Il y a également eu un certain changement de garde du côté de la SVPM, avec des plans de développement du site peut-être plus ambitieux que ceux du TPSGC et donc plus de raisons de se demander si l’interprétation plus traditionnelle de la LPRI devait continuer à être suivie.

[179]   Cependant, lorsque la SVPM a pris sa décision, et à part la route du Port, la passerelle surélevée du Quai Jacques-Cartier et la Promenade du Vieux-Port et Promenade des Artistes, elle n’a pas respecté les principes d’interprétation du texte de la LPRI et l’intention du législateur. Il en résulte que son exercice de son pouvoir discrétionnaire a été déraisonnable. Si je peux reprendre les observations du juge LeBel, à part les quelques exceptions mentionnées ci-dessus, l’interprétation défendue par la SVPM « ne respecte ni le texte de la loi en cause, ni la volonté du législateur, ni aucun des sens ordinaires des mots utilisés à l'annexe II de la LPRI. Il faut donc conclure au caractère déraisonnable de cette interprétation » (APM 2010, au paragraphe 48).

2.    Les stationnements de la SVPM sont-ils assujettis au Règlement sur les stationnements?  [Table des matières]

[180]   Le Règlement sur les stationnements est un règlement qui a été adopté en vertu d’un pouvoir qui figurait à l’article 151.8 de la Charte de la Ville à l’époque, et qui a été transposé plus récemment à l’article 500.1 de la Loi sur cités et villes, RLRQ, ch. C-19. Ce règlement concerne une taxe foncière particulière aux parcs de stationnements en plus de la taxe foncière ordinaire, qui est calculée selon la superficie avec un taux différent s’il s’agit de stationnements intérieurs ou extérieurs. Chaque propriétaire privé de stationnements à Montréal doit payer sa taxe foncière, et la taxe foncière pour les parcs de stationnements.

[181]   La SVPM soulève deux motifs distincts d’inapplicabilité de ce règlement à ses stationnements : la Ville n’est pas autorisée à lui imposer cette taxe et ses stationnements sont situés à l’extérieur des secteurs auxquels cette taxe s’applique. Je discuterai de chacun de ces arguments en détail.

a)    La Ville est-elle autorisée à imposer cette taxe?  [Table des matières]

[182]   La SVPM conteste l’applicabilité du Règlement sur les stationnements puisque, contrairement à la taxe foncière imposée en vertu des articles 149 à 151.6 de la Charte de la Ville, une taxe imposée en vertu de l’article 151.8, telle que la taxe foncière sur les parcs de stationnement, ne serait pas applicable aux personnes visées par l’article 151.9 de la Charte de la Ville (applicable à l’époque), dont la Couronne du chef du Canada et ses mandataires. La SVPM soutient donc qu’elle n’avait pas à prendre en compte cette taxe qui ne lui était pas applicable.

[183]   En revanche, la Ville fait valoir qu’elle n’impose pas le Règlement sur les stationnements aux propriétés fédérales, mais plutôt qu’elle l’impose à tous parcs de stationnement à titre de taxe générale. Ainsi, et comme la LPRI crée la fiction juridique selon laquelle la société d’État fédérale doit payer comme si elle était un contribuable taxable, au regard de cette loi, il faut faire comme si la SVPM était un propriétaire particulier, propriétaire de ce terrain. Donc, dans ce contexte, l’exclusion de l’article 151.9 de la Charte de la Ville n’est pas applicable, et, de toute façon, cette exclusion n’apporte rien au débat puisqu’elle ne fait que reprendre l’immunité fiscale de base qui est prévue par l’article 125 de la Constitution.

[184]   Il convient ici de rappeler la méthode de calcul des PERI aux termes de la LPRI. L’article 4 de cette loi dispose que le montant du PERI est égal au produit des deux facteurs suivants, soit d’une part le taux effectif, et d’autre part, la valeur effective. Le taux effectif est défini comme suit au paragraphe 2(1) de la LPRI : « Le taux de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie qui, selon le ministre, serait applicable à une propriété fédérale si celle-ci était une propriété imposable. »

[185]   Dans le cas des stationnements, ce taux inclut le taux de la taxe foncière suivant le Règlement sur les stationnements. La SVPM devait se référer d’abord aux dispositions de la LPRI et de ses règlements d’application pour connaître les paiements qui étaient exigibles. Il ne s’agit pas d’un cas où la Ville impose une taxe à la SVPM. La disposition de la loi habilitante provinciale n’est pas pertinente quant à la détermination des PERI puisque le taux effectif doit être déterminé à partir des taux de taxation qui seraient applicables si les stationnements de la SVPM appartenaient à un propriétaire privé et étaient ainsi imposables. L’article 151.9 de la Charte de la Ville ne vise qu’à affirmer l’indemnité fiscale de la Couronne.

[186]   En ce qui concerne l’affaire APM 2010, les sociétés d’État en cause avaient refusé de prendre en compte la réforme fiscale de l’autorité taxatrice qui leur imposait un taux effectif plus élevé suite à l’abolition d’une taxe d’occupation commerciale pour laquelle aucune taxe n’était payable. Dans leur calcul de PERI, les sociétés d’État ont décidé de déduire des sommes équivalant à la part de l’augmentation des taxes foncières qui aurait résulté de la suppression de la taxe d’affaires. La doctrine de la Cour suprême sur cette question ne pourrait être plus claire [aux paragraphes 40–42] :

Cette interprétation et cette application de la LPRI et du Règlement sont toutefois entachées d’un vice fondamental. Je le répète, les deux sociétés possèdent certes un pouvoir discrétionnaire. En effet, la définition du « taux effectif » d’imposition reconnaît que les sociétés de la Couronne doivent prendre une décision quant au taux d’imposition approprié. Cependant, elles ne peuvent baser leurs calculs sur un système fiscal fictif, qu’elles créeraient arbitrairement. Au contraire, ces calculs doivent être effectués au regard du régime fiscal qui existe réellement à l’endroit où sont situés les biens en cause. La LPRI et le Règlement prévoient que le calcul du taux d’imposition se fait comme si la propriété fédérale était une propriété imposable entre les mains d’un propriétaire privé. L’article 2 du Règlement ainsi que la disposition correspondante de la LPRI supposent que les sociétés recherchent d’abord le régime fiscal applicable aux propriétés imposables dans la municipalité pour déterminer les valeurs et les taux effectifs d’imposition. Leur travail ne saurait s’effectuer à partir d’un régime qui n’existerait plus.

Dans les présents pourvois, le régime fiscal pertinent est bien établi. La taxe d’occupation commerciale avait été abolie en 2003. La législation municipale du Québec accordait aux municipalités le pouvoir d’imposer des taxes foncières à taux variables. La Ville avait utilisé ce pouvoir. Les intimées devaient en conséquence calculer leurs taux effectifs d’imposition en tenant compte du fait que la taxe d’occupation commerciale n’existait plus. Elles ne pouvaient pas la réintroduire dans leurs calculs pendant une période indéterminée ni imposer indirectement à la municipalité le maintien d’un régime fiscal que celle-ci avait modifié, comme le lui permettait le droit provincial. D’ailleurs, la position des intimées signifierait en pratique que, pour établir le montant de leurs PRI, elles auraient le droit — non seulement aujourd’hui, mais également dans 10 ou 20 ans — de faire des calculs théoriques de plus en plus difficiles et illusoires, fondés sur des taxes disparues depuis longtemps.

La position des intimées va en outre à l’encontre de l’objectif de la LPRI et du Règlement. Le Parlement entendait que les sociétés de la Couronne et les gestionnaires des biens fédéraux versent des paiements de remplacement eu égard au système fiscal en place dans chaque municipalité, autant que possible comme s’ils étaient des propriétaires ou des occupants imposables. [Je souligne.]

[187]   Comme dans cette affaire, ne pas inclure le taux prévu par le Règlement sur les stationnements dans le calcul des PERI reviendrait à créer un régime fiscal fictif, ce qui résulterait en une iniquité envers les autres contribuables. Je ne peux retenir cette solution. La question à poser en l’espèce est celle de savoir s’il était raisonnable de la part de la SVPM de conclure que si les stationnements appartenaient à un propriétaire privé et étaient taxables, le taux de taxation applicable à ces lieux exclurait la taxe imposée par le Règlement sur les stationnements. À mon avis, la réponse à cette question doit être négative.

[188]   L’article 3 de la LPRI est clair quant aux conditions des paiements des PERI. Il permet les PERI pour toutes taxes applicables sur les lieux où se situent les propriétés fédérales en question. Ceci a été confirmé par la Cour suprême dans l’arrêt APM 2010, au paragraphe 40, que nous venons de citer : « ces calculs doivent être effectués au regard du régime fiscal qui existe réellement à l’endroit où sont situés les biens en cause ». Il s’agit d’une condition territoriale et non matérielle ou formelle. La SVPM ne cite aucun texte de la LPRI qui restreindrait les PERI en fonction de ce qui est prévu dans une loi habilitante provinciale. La question de l’applicabilité territoriale du règlement en cause est, précisément, le deuxième motif de contestation de la SVPM, motif dont je discuterai sous peu.

[189]   Dans son essence, l’article 151.9 de la Charte de la Ville interdit l’imposition d’une taxe à certaines personnes déterminées. À mon avis, c’est seulement si la Ville impose une taxe à la SVPM que l’article 151.9, ainsi que l’article 125 de la Constitution, sont applicables. Il ne s’agit pas d’une situation où la Ville impose le Règlement sur les stationnements à la SVPM; seulement, ce règlement, doit être pris en considération lorsque la SVPM exerce son pouvoir discrétionnaire en matière de calcul du PERI annuel. En fait, si on ne tient pas compte de ce règlement, le résultat final sera un taux fictif pour le PERI, car toutes les taxes qui composent le taux effectif ne seront pas prises en compte — une situation qui a été jugée inacceptable dans l’arrêt APM 2010. Il est déraisonnable de penser que la Ville a imposé une taxe à la SVPM par ses demandes de PERI, puisque c’est la LPRI qui régit ce type de demande (paragraphe 3(1) de la LPRI).

[190]   D’ailleurs, comme on a déjà vu, le paragraphe 1.1 de l’article 204 de la LFM prévoit que sont « exempts de toute taxe foncière, municipale ou scolaire […] un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom de la Couronne du chef du Canada ou d’un mandataire de celle-ci ». Pourtant, la SVPM ne conteste pas l’applicabilité de toutes les taxes foncières à l’égard de ses propriétés. Ceci est d’autant plus révélateur du caractère déraisonnable de sa position.

b)    Les stationnements sont-ils situés à l’extérieur des secteurs auxquels cette taxe s’applique?  [Table des matières]

[191]   L’article 11 du Règlement sur les stationnements prévoit :

11. Il est imposé et sera prélevé sur et à l’égard de tout immeuble imposable faisant partie d’une unité d’évaluation appartenant à la catégorie des immeubles non résidentiels, inscrit au rôle d’évaluation foncière, qui comporte un parc de stationnement ou une partie d’un tel parc, et qui est situé dans l’un des secteurs A, B ou C, une taxe foncière sur les parcs de stationnements au taux fixé ci-après.

[192]   Il n’est pas controversé entre les parties que le site du Vieux-Port fait partie du territoire de la Ville, et que, conformément à l’article 1 du Règlement sur les stationnements et à l’article 8 du Recueil des tarifs du transport privé par taxi, R.R.Q., ch. S-6.01, r. 4, la limite territoriale pertinente du secteur en question, soit le secteur B, relative à l’application du Règlement sur les stationnements est « le fleuve Saint-Laurent ». Il n’y a pas non plus de controverse quant à la définition du mot « fleuve », soit un « cours d’eau important se déversant dans l’océan ».

[193]   Cependant, selon la SVPM, il est incontestable que les quais et jetées du Vieux-Port sont situés dans le fleuve Saint-Laurent. Ainsi, le Quai King-Edward avance de 380 mètres dans le lit du fleuve et le Quai Jacques-Cartier avance de 344 mètres. Elle réfère à une carte historique de 1815 pour faire valoir que les quais se situent dans ce qui constituait à l’époque le lit du fleuve. La SVPM attache une grande importance au fait que des bateaux peuvent s’amarrer sur ses quais, ce qui prouverait d’autant plus qu’ils sont situés « dans le fleuve Saint-Laurent ». En conséquence, puisque ses stationnements sont situés sur des quais faits en caissons et situés dans le fleuve, la SVPM défend la position portant que ses stationnements sont hors du champ d’application du Règlement sur les stationnements.

[194]   Retenir la position de la SVPM reviendrait à dire que l’ensemble des terrains remblayés se situant dans ce qui était auparavant le fleuve Saint-Laurent se situerait aussi « dans le fleuve ». Je peux imaginer les inévitables querelles entre les chauffeurs de taxi et les passagers pour savoir si le tarif aéroportuaire s’applique toujours au trajet entre l’entrée du Vieux Port sur la rue de la Commune et la porte d’entrée du théâtre IMAX ou sa voiture garée dans l’un des stationnements sur le site du Vieux-Port. Cette conception ne peut tenir la route.

[195]   On peut présumer que la décision de limiter l’application du Règlement sur les stationnements au fleuve Saint-Laurent a été prise en fonction de la géographie de l’île de Montréal au moment où cette décision a été rendue. Autrement dit, on ne peut pas sérieusement soutenir qu’en énonçant cette limite, les rédacteurs avaient en tête la cartographie de l’île de Montréal d’il y a 200 ans lorsque le fleuve arrivait jusqu’à la rue de la Commune.

[196]   Quoique la SVPM concède également que le site du Vieux-Port fait partie du territoire de la Ville et que les limites de la Ville vont au milieu du fleuve, il me semble que le simple fait que la Ville définisse le territoire applicable du Règlement sur les stationnements comme étant le fleuve n’exclut pas ce qui est construit dans le fleuve en l’espèce. À toutes fins utiles, le territoire de la Ville s’est, avec le développement de ce qui est connu aujourd’hui comme le site du Vieux-Port, étendu dans le fleuve. Le fait que ce prolongement soit composé de remblai avec des caissons de bois et de ciment plutôt que du remblai de terre ou autre matériel est sans conséquence.

[197]   J’ajouterais tout simplement pour conclure sur ce point que ce n’est pas parce que la SVPM est mécontente de l’imposition d’une taxe qu’elle doit en être exempte (Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, aux paragraphes 4 et 19).

[198]   La décision de la SVPM sur cette question était donc déraisonnable.

3.    Les terrains de la SVPM sont-ils situés en eau profonde?  [Table des matières]

[199]   Il ne fait aucun doute qu’au début du XIXe siècle, la majeure partie, sinon la totalité, de la superficie de ce qui constitue aujourd’hui le site du Vieux-Port était constituée d’eau, car le fleuve Saint-Laurent arrivait jusqu’à la rue de la Commune. Il est vrai que l’espace qu’on connait aujourd’hui comme étant le site du Vieux-Port a été érigé au fil des années par l’utilisation du remblai pour élargir le sud de la rue de la Commune dans le fleuve Saint-Laurent et par la construction des quais avec des caissons et des piliers de ciment qui s’étendent plus loin encore dans le fleuve permettant le chargement et le déchargement des navires. Or, la Ville soutient que cela n’est pas différent d’une grande partie de l’expansion de la Ville au moyen de remblais et de matériaux secs sur le bord du fleuve, comme des parties de Griffintown, ainsi que l’île Notre-Dame et l’expansion de l’île Sainte-Hélène en 1967.

[200]   Personne ne doute aujourd’hui que cette accession et émergence de terrain, soit des régions de la Ville qui ont admirablement surgi du fleuve Saint-Laurent, sont aujourd’hui des terrains de terre ferme assujettis à la taxe foncière. La Ville soutient que le site du Vieux-Port n’est pas différent et, qu’alors, aux fins de la LPRI, il faut reconnaître la superficie du site du Vieux-Port comme une propriété fédérale constituée de terre ferme et visée par le règlement de zonage de la Ville.

[201]   J’ai déjà constaté qu’aux fins du calcul du PERI applicable, la nature du remblai ayant permis le prolongement du territoire de la Ville est sans conséquence en ce qui concerne l’application des taxes municipales.

[202]   Pour sa part, la SVPM soutient que ses terrains doivent être évalués comme des terrains situés en eau profonde et non pas comme des terrains de terre ferme. En fait, les évaluations au rôle foncier de la Ville ne visent que la valeur des bâtiments et la valeur des terrains. Selon la SVPM, c’est la valeur du fond du fleuve sur lequel les caissons sont encastrés, et non la surface des quais, qui doit faire l’objet de l’évaluation aux fins de la taxe foncière.

[203]   Les origines de la théorie des eaux profondes de la SVPM sont quelque peu mystérieuses. L’acte d’acquisition du site du Vieux-Port par la SVPM des mains de Sa Majesté la Reine du Chef du Canada fait d’ailleurs référence dans les désignations à des « Terrains » qui sont vendus avec « toutes les améliorations, bâtiments, circonstances et dépendances ». La seule mention de « lot en eau profonde » se trouve dans la définition de l’origine du droit de propriété qui date de 1870 pour un des dix lots qui constituent aujourd’hui le site du Vieux-Port, « décrit comme un lot en eau profonde aux plan et livre de renvoi ». D’après le plan cadastral numéro PC-13516, ce fameux « lot en eau profonde » en 1870 est aujourd’hui une terre ferme faisant partie de la propriété de la SVPM et non dans le lit du fleuve. Je suppose que la partie du fleuve qui faisait le long du rivage a été consommée au fil du temps par le remblai.

[204]   D’après la Ville, le fait qu’une carte très ancienne puisse démontrer que certaines portions de terrains se trouvaient jadis dans un cours d’eau, qui a depuis fait l’objet de remblai, ne change rien au fait que dans son état actuel ce terrain est constitué de terre ferme. J’abonde dans le même sens.

[205]   Aux fins d’évaluation foncière, il faut tenir compte de l’état de l’unité d’évaluation tel qu’il se trouve à la date de référence (article 46 de la LFM). En l’espèce, vu la manière dont l’unité est constituée, aux fins de l’évaluation de la taxe foncière, chacun des quais composant le site du Vieux-Port est utilisé à des fins commerciales ou de stationnements. La Ville ne fait d’ailleurs aucune distinction entre les surfaces composées uniquement de remblai d’une part, et d’autre part les surfaces reposant sur des caissons — des poteaux soit en bois, ou soit en béton, ou soit en acier, qui servent de murs d’enceinte extérieurs s’élevant du lit de la rivière qui émerge de l’eau — rempli de remblai et recouvert d’une couche d’asphalte, mais excluant l’asphaltage.

[206]   La SVPM me réfère à un bail d’un « lot en eau profonde », soit un lot du cadastre du Québec décrit comme « lit du fleuve Saint-Laurent ». Cependant, le plan de ce lot aquatique montre les eaux du fleuve qui forme le contour de l’empreinte de la propriété du Vieux-Port — la délimitation entre la terre ferme et l’eau — sans empiéter sur l’empreinte elle-même, mais qui ne fait pas partie du débat en l’espèce. Les bassins Alexandra, King-Edward et Jacques-Cartier sont les propriétés du port de Montréal et, quoique le bassin Jacques-Cartier est loué à la SVPM par le port de Montréal pour l’exploitation d’une marina pendant toutes les années visées par les demandes de PERI en l’espèce, les bassins ne sont pas reportés au rôle d’évaluation foncière de la Ville en ce qui concerne la SVPM et n’ont jamais fait l’objet de demande de PERI.

[207]   Les quais en tant qu’ouvrages n’ont jamais fait l’objet d’une demande de PERI de la part de la Ville non plus, et leur valeur effective ne tient pas compte des matériaux de construction qui les composent. Il s’agit donc de déterminer si la propriété fédérale sur laquelle est calculée la taxe foncière — et donc la détermination discrétionnaire de PERI par la SVPM — est le fond du fleuve situé sous les quais ou plutôt la surface exploitable surélevée des quais.

[208]   Selon la SVPM, ses lots prétendument en eau profonde doivent être évalués en fonction de la superficie du lit du fleuve qui supporte les quais avec une valeur nominale ou, de façon subsidiaire, une valeur bien moindre que celle déterminée par la Ville. À l’appui de sa thèse, la SVPM signale que les caissons de bois sur lesquels reposent les quais ne sont pas un remblai et ne constituent donc pas de la terre ferme. La SVPM compare par ailleurs son terrain à d’autres qui seraient aussi situés en eau profonde, soit le bassin Jacques-Cartier, qui est adjacent au site du Vieux-Port, et un quai situé à Sorel-Tracy. La valeur attribuée à ces deux lots est bien moindre que celle attribuée au site du Vieux-Port.

[209]   La SVPM soutient que la question de l’évaluation de la zone qui occupe les quais de la SVPM a été traitée par ses évaluateurs comme étant la valeur du terrain sous le quai, soit le fond du fleuve, parce qu’un quai construit avec des caissons est une structure qui a besoin d’entretien, et si on ne l’entretient pas, éventuellement le quai va se défaire. En conséquence, les évaluateurs ont déterminé la valeur des quais sur une base des revenus, et ainsi la valeur que le terrain sous-jacent permet de tirer du quai qui est construit au-dessus.

[210]   D’emblée, il s’agit là d’une question qui concerne de près la valeur effective des immeubles de la SVPM. L’objectif en l’espèce n’est pas de statuer sur la valeur à attribuer aux terrains sous-jacents de la SVPM, mais simplement de déterminer si ces terrains sont situés sur les quais ou sous les quais aux fins d’évaluation, puisque la Ville prévoit s’adresser au Comité consultatif en matière de PERI constitué conformément à l’article 11.1 de la LPRI pour tout différend résiduel quant à l’évaluation de la propriété de la SVPM.

[211]   Conformément à la définition de « valeur effective » au paragraphe 2(1) de la LPRI, la SVPM doit attribuer une valeur effective à ses immeubles conforme à celle qui serait payable si les immeubles étaient détenus par un propriétaire privé. Dans le même ordre d’idée, l’article 46 de la LFM prévoit qu’« on tient compte de l’état de l’unité d’évaluation et des conditions du marché immobilier tels qu’ils existent » pour l’évaluation d’un immeuble.

[212]   En l’espèce, je suis d’avis que, aux fins des PERI, la valeur effective des « terrains » de la SVPM doit être calculée comme si les terrains étaient situés sur les quais — la surface exploitable — tout comme s’ils étaient situés sur n’importe quel remblai dans le territoire de la Ville. Ces quais sont attachés de façon permanente à la terre ferme, sont inamovibles et abritent des bâtiments importants qui permettent l’exercice d’activités commerciales lucratives, comme des stationnements intérieurs et à étages, le Centre des sciences et le Cinéma IMAX. Dans ce contexte, je crois qu’il serait déraisonnable et contraire à l’équité de la LPRI d’évaluer les terrains en cause comme des lots en eau profonde avec une évaluation minime. Le fait que les quais soient soutenus en partie par des caissons remplis de remblai et d’autres matériaux plutôt qu’uniquement par du remblai n’affecte aucunement cette détermination étant donné que la surface utilisable pour le développement commercial se trouve sur les quais, au-dessus de l’eau, dans une zone qui est essentiellement une extension du Vieux-Montréal.

[213]   Par conséquent, s’il doit y avoir une comparaison de la valeur des emplacements, il me semble plus conforme à l’objectif de l’administration juste et équitable du PERI de la LPRI que la SVPM considère la valeur des emplacements adjacents dans le quartier du Vieux-Montréal, soit juste au nord de la rue de la Commune, avec des ajustements appropriés compte tenu de la réalité que les quais sous-jacents peuvent devoir être entretenus. En fait, la manière dont le fond de terre de la SVPM a été comparé au bassin adjacent non développé, ou à un quai maritime dans une plus petite ville en aval pour les fins de PERI ne me semble ni intelligible, ni transparent.

[214]   Les actes de cession du site du Vieux-Port de Sa Majesté la Reine à la SVPM ne sont d’aucune utilité pour déterminer la méthode d’évaluation applicable au site du Vieux-Port. En effet, il importe peu que ces actes aient qualifié les terrains comme étant le fond du fleuve ou la surface des quais. Cette désignation a été faite dans le but d’identifier les biens qui étaient cédés, non pas pour déterminer la valeur attribuable aux terrains.

[215]   D’après la SVPM, la Ville a reçu ses décisions avec les rapports d’évaluation où la SVPM mentionne en toutes lettres que ce que les évaluateurs de la SVPM évaluent, ce sont les terrains sous les quais, et que telle a toujours été la position de la SVPM pour les années en cause en l’espèce. Alors, la SVPM soutient que si à un moment donné pendant toutes ces périodes la Ville avait voulu prendre la position que c’était plutôt la surface des quais qu’elle évalue, la Ville aurait dû le confirmer dans la demande de PERI. Il n’en demeure pas moins qu’il ne semblait pas y avoir de désaccord quant à la valeur des emplacements pris en compte pour le calcul des PERI avant 2014, et soutenir aujourd’hui qu’il y a eu malentendu quant à la base sur laquelle la Ville faisait sa demande de PERI ressemble à un baroud d’honneur.

[216]   Devant moi, la SVPM concède que si les terrains constituant le site du Vieux-Port ne sont que du remblai, ils deviennent un lot de terre ferme aux fins de taxation. Cependant, bien que cela n’ait pas été plaidé dans leurs écritures, la SVPM a soutenu lors de l’audience que les quais sont plutôt des « constructions ou ouvrages » qui doivent être exclus de la notion de propriété fédérale aux termes de l’alinéa 2(3)a) de la LPRI.

[217]   Voilà un argument nouveau qui n’a jamais fait partie des décisions de la SVPM, cependant, je ne vois pas en quoi il lui est utile. Comme signalé précédemment, la Ville fait valoir que les quais ne sont pas évalués en tant que tels, et que la valeur effective ne tient pas compte des matériaux de construction qui composent les quais, tels que le remblai, le ciment et le bois. Elle n’a d’ailleurs pas à le faire. Lors de l’évaluation des terrains dans les différents arrondissements de la Ville, la composition du terrain ferme n’est pas prise en considération. Le fait qu’un secteur soit fait plutôt de roche et de gravier, alors qu’un autre est situé sur du remblai n’a aucune pertinence.

[218]   De plus, la Ville soutient que le fond du fleuve sur lequel reposent les quais est la propriété de la province de Québec, et non du gouvernement fédéral. En fait, comme il a déjà été signalé, la compétence de la Ville s’étend jusqu’à ce qui est de compétence fédérale, au-dessus du lit de la rivière; donc, si la SVPM souhaite défendre la position, comme elle semble le faire maintenant pour la première fois, portant que le terrain qui doit faire l’objet de taxation est le lit de la rivière et non la zone au-dessus, alors la SVPM devra trouver un autre mécanisme pour le paiement de la contribution à la Ville car le système de PERI ne s’appliquerait plus.

[219]   Il n’est pas nécessaire de trancher cette question dans le cadre de la présente procédure de contrôle judiciaire. Il suffit de dire que ce qui est évalué par la Ville, c’est la valeur marchande de l’emplacement, soit l’aire du quai. Compte tenu du fait que les quais ne sont plus utilisés conformément à leur intention et à leur construction initiales et qu’ils constituent aujourd’hui une surélévation du sol au-dessous du niveau de l’eau, la manière dont la SVPM a évalué ses emplacements pour déterminer le montant du PERI ou les raisons pour lesquelles elle a décidé de s’écarter de ses décisions antérieures pour accepter la valeur effective de l’emplacement n’a pas été clairement justifiée dans ses décisions. Ses décisions sur cette question sont donc déraisonnables.

[220]   De toute manière, aux fins des PERI, je ne vois aucune raison de traiter différemment le site du Vieux-Port simplement parce qu’il a été construit avec du remblai au sud de la rue de la Commune jusqu’à un certain point, et ensuite à l’aide des caissons afin de renforcer la structure plutôt que d’occuper la surface du lit de la rivière avec seulement du remblai. La décision de la SVPM sur ce point n’était pas intelligible et transparente vu les objectifs de la LPRI, et est donc déraisonnable dans les circonstances. Cependant, la question de savoir quelle est la véritable valeur des terrains devra faire l’objet d’une détermination ultérieure par le Comité consultatif, conformément à la volonté des parties et à l’économie de la LPRI.

4.    La SVPM pouvait-elle opérer compensation du montant qu’elle a prétendument trop payé en 2013 pour les années subséquentes?  [Table des matières]

[221]   La SVPM admet que le paiement effectué en 2013 était final. Selon la SVPM, le recouvrement du trop-payé pour ce type de paiement est néanmoins permis par l’article 4 du Règlement sur les versements provisoires et les recouvrements, DORS/81-226 (RVPR), qui vise le paiement versé par le ministre en vertu de l’article 3 de la LPRI ou le versement provisoire fait par lui en vertu de l’article 3 du RVPR. Selon la SVPM, rien dans ce règlement ne prévoit que celui-ci ne vise que le ministre, à l’exclusion des sociétés d’État. Au contraire, selon la SVPM, l’article 4 prévoit qu’il vise tous les paiements versés en vertu de la LPRI, pas seulement ceux effectués par le ministre. Ce mécanisme de recouvrement permettrait donc à la SVPM de déduire le trop-perçu 2013 des années subséquentes. En fait, selon la SVPM, ce mécanisme aurait été par ailleurs confirmé à l’occasion de l’affaire Ville de Trois-Rivières, aux paragraphes 80–83.

[222]   Je rejette cet argument. Tout d’abord, l’affaire Ville de Trois-Rivières concernait un paiement provisoire effectué par la société d’État en vertu de l’article 3 du RVPR dans le contexte où les parties étaient incapables de déterminer de façon définitive le montant de PERI pour l’année en question. Une fois qu’une décision finale a été rendue concernant cette année-là et que le montant final du PERI s’est avéré être inférieur au paiement préliminaire, le droit de la société d’État à déduire le trop payé du paiement du PERI de l’année suivante a été confirmé.

[223]   En l’espèce, contrairement aux faits de l’affaire Ville de Trois-Rivières, le paiement en 2013 a été effectué par la SVPM suite à une décision finale de sa part en ce qui concerne le PERI, en l’absence de différend; il ne s’agissait pas d’un paiement partiel, provisoire, sous protêt ou autre. De plus, la Cour d’appel fédérale a déjà clairement décidé que le RVPR ne s’applique pas aux sociétés d’État (Administration portuaire de Montréal c. Montréal (Ville de Montréal), 2008 CAF 278 (APM 2008), aux paragraphes 110–111, infirmé pour d’autres motifs par la Cour suprême dans l’arrêt APM 2010). La SVPM ne m’a pas convaincu qu’il fallait répudier cette jurisprudence de la Cour d’appel fédérale. Le RVPR ne permet donc pas à la SVPM de se prévaloir d’un quelconque droit à un recouvrement du prétendu trop payé de 2013.

[224]   La SVPM soutient enfin que même si l’article 4 du RVPR ne lui était pas applicable, la même solution doit être retenue aux termes des articles 6, 7 et 12 du RSE (APM 2008, aux paragraphes 118–119, infirmé pour d’autres motifs dans l’arrêt APM 2010).

[225]   Il est vrai que le RSE permet de recouvrer certains paiements effectués par les sociétés d’État. Toutefois, cette possibilité est clairement limitée aux paiements provisoires où une certaine contestation est annoncée, contrairement à la présente affaire (APM 2008, aux paragraphes 113–119, infirmé pour d’autres motifs dans l’arrêt APM 2010; Ville de Trois-Rivières). En effet, la possibilité de recouvrer les trop-perçus des paiements provisoires a été reconnue spécifiquement pour donner plein effet à la nature provisoire des paiements effectués en vertu de l’article 12 du RSE (Ville de Trois-Rivières, au paragraphe 83).

[226]   La Ville soutient correctement que, ayant effectué son paiement final pour l’année 2013, il était déraisonnable pour la SVPM de remettre en cause cette décision au cours de l’année suivante et ensuite appliquer le montant du prétendu trop-perçu sur les PERI qui étaient dus pour les années 2014 jusqu’à épuisement du solde du trop-perçu en 2020. Si j’avalisais cette façon de faire, les sociétés d’État pourraient revenir sur les montants qu’ils ont décidés de payer a posteriori, une idée qui, à mon avis, doit être rejetée. Je peux certainement concevoir comment cela pourrait avoir un effet déstabilisant sur les finances des autorités taxatrices, ce qui serait d’ailleurs contraire aux objectifs de justice et d’équité consacrés par la LPRI.

[227]   En l’espèce, comme le paiement de 2013 était final, il était déraisonnable pour la SVPM d’opérer compensation entre le supposé trop payé de cette année et les années subséquentes.

5.    Les terrains sous l’emprise de la voie ferrée et de la cour de triage  [Table des matières]

[228]   À l’époque où une grande partie du secteur était exploitée par le port de Montréal, une ligne ferroviaire a été installée pour desservir le port. La ligne ferroviaire est restée en place après le transfert du site du Vieux-Port à la SVPM en 2009. Aujourd’hui, le site du Vieux-Port est traversé de sa limite ouest jusqu’à l’entrée du Bassin Bonsecours par cette voie ferrée opérée par l’Administration portuaire de Montréal (APM) et le Canadien National [CN] afin d’y faire circuler des trains de marchandises chargées et déchargées au port de Montréal, des trains intermodaux et des véhicules ferroviaires. À partir de l’entrée du Bassin Bonsecours jusqu’à la limite est du site du Vieux-Port, cette voie ferrée se subdivise en plusieurs voies ferrées constituant une cour de triage ferroviaire.

[229]   La voie ferrée, sur toute sa longueur, est clôturée, sauf aux endroits où passent les supposées voies publiques qui ont été mentionnées plus haut, afin de permettre au public d’avoir accès à tout le site du Vieux-Port qui est au sud de la voie ferrée. Le terrain constituant l’emprise de cette voie ferrée ainsi que la cour de triage ferroviaire appartiennent à la SVPM mais font l’objet d’une servitude de passage ferroviaire en faveur de l’APM permettant l’utilisation par les trains de cette infrastructure. Ces trains bénéficient aussi d’une servitude de tolérance pour le bruit, la qualité de l’air, les odeurs, les vibrations et l’aspect visuel permettant le transport ferroviaire.

[230]   Depuis 2015, les décisions de la SVPM font référence à la ligne ferroviaire; la SVPM soutient ne pas avoir la jouissance du terrain constituant l’emprise de cette voie ferrée, qu’elle n’en est pas l’occupante, et qu’en raison de la présence de ces voies ferrées, l’accès au site du Vieux-Port au sud de ces voies ferrées est interrompu plusieurs fois par jour pour des périodes d’une durée imprévisible et par le passage de l’arrêt de trains de marchandises, ce qui résulte en des contraintes opérationnelles pour la SVPM et les usagers du site du Vieux-Port.

[231]   Dans ses décisions pour les années 2015 à 2019, la SVPM soutient qu’en appliquant l’exclusion prévue pour les voies ferrées par le point 11 de l’annexe II de la LPRI, la voie ferrée ainsi que la cour de triage ferroviaire dans le site du Vieux-Port ne constituent pas une « propriété fédérale » au sens de la LPRI. Comme nous l’avons vu, les exceptions prévues par l’annexe II (alinéa 2(3)b) de la LPRI) ne s’appliquent qu’aux améliorations apportées à la surface du terrain, et donc le texte est muet quant au terrain sous-jacent.

[232]   Cependant, depuis sa décision pour l’année 2016, la SVPM ajoute qu’elle ne paiera aucun montant à titre de PERI à l’égard des « terrains » formant l’emprise de la voie ferrée et de la cour de triage ferroviaire « puisque les taxes foncières auxquelles ils pourraient être assujettis sans l’exemption dont bénéficie la SVPM doivent être imposées à leurs occupants et payées par eux en vertu du premier alinéa de l’article 208 de la LFM ».

[233]   Au début des débats, la SVPM a concédé que le terrain constituant l’emprise de cette voie ferrée ainsi que la cour de triage ferroviaire sont compensables en vertu de la LPRI car ils ne sont pas exclus de la notion de propriété fédérale au sens de la LPRI. Cependant, et comme nous l’avons déjà vu précédemment, selon l’article 208 de la LFM les locataires ou les occupants sont réputés propriétaires aux fins de taxation municipale, incluant pour ce qui est des taxes foncières sur les terrains. La SVPM soutient que la cour de triage et la voie ferrée sont « occupées » par le port de Montréal et les sociétés ferroviaires qui les exploitent et qui font passer des trains, que la SVPM « n’occupe pas » ce territoire même si elle en est propriétaire, et donc, s’il y a des taxes foncières à payer à la Ville, même si on reconnaît que le terrain est compensable en vertu de la LPRI, cela doit être assumé par les sociétés ferroviaires aux termes de la LFM.

[234]   Donc, la SVPM fait valoir qu’elle devait être traitée de la même manière que la Ville traite les autres propriétaires de terrain : les locataires et les occupants du site (dans ce cas l’APM ou le CN) devraient payer leurs taxes municipales directement à la Ville dans un compte de taxes séparé et qu’alors, aucun PERI ne serait dû de la SVPM pour cette partie de son territoire. Cependant, ce système développé par la Ville au titre de l’article 208 de la LFM n’opère pas pour la cour de triage et la voie ferrée, car la Ville n’a pas créé de compte de taxes séparé pour l’APM, soit « l’occupant » de ce terrain.

[235]   En premier lieu, la Ville n’a pas vraiment défendu avec insistance devant moi l’argument portant que l’exclusion prévue par le point 11 de l’annexe II de la LPRI ne vise pas les rails ferroviaires ainsi que les traverses de chemin de fer qui maintiennent les rails et l’aménagement au sol avec le remblai en dessous des rails. Pour ma part, je constate que l’exclusion est très claire et qu’elle vise les « voies ferrées », ce qui, il me semble, doit logiquement inclure l’infrastructure de soutien qui sécurise les voies au sol.

[236]   Comme le terrain en question appartient à la SVPM, la propriété est incluse dans le cadre des demandes annuelles de PERI par la Ville, et il est aussi clair qu’il n’y a pas d’exclusion en soi de la notion de propriété fédérale aux termes de la LPRI pour les terrains sous-jacents supportant une voie ferrée et une cour de triage ferroviaire.

[237]   En ce qui concerne l’application de l’article 208 de la LFM, je rejette l’argument de la SVPM.

[238]   Tout d’abord, l’entente entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et l’APM enregistrée le 3 novembre 2009 crée, en effet, parmi d’autres servitudes, une servitude réelle et perpétuelle de passage de voies ferrées sur l’emprise de la voie ferrée ainsi que la cour de triage ferroviaire sur le site du Vieux-Port. Aux termes de cette entente, le port de Montréal doit, notamment, entretenir les voies ferrées en tout temps. Suivant cette entente, la SVPM doit notamment assurer la sécurité des visiteurs du site du Vieux-Port, maintenir les clôtures, barrières et dispositifs de sécurité situés sur le terrain de la voie ferrée ainsi que la cour de triage ferroviaire, fournir un système de drainage adéquat et indemniser la société de qui utilise la voie ferrée de toutes les pertes et de tous les dommages relatifs aux blessures ou au décès de toute personne se trouvant sur l’assiette de la servitude.

[239]   Quoi qu’il en soit, même si les conditions de la servitude faisaient de l’APM ou de l’une des sociétés de chemin de fer qui utilise la voie ferrée et la cour de triage ferroviaire un « occupant » du terrain, l’article 208 de la LFM ne s’applique pas lorsque « l’occupant » est une personne visée par le paragraphe 1.1 de l’article 204 de la LFM. La Couronne du chef du Canada et ses mandataires sont spécifiquement visés par ce texte; en l’espèce, l’APM est un mandataire de Sa Majesté du chef du Canada (voir les paragraphes 6(1) et 7(1), ainsi que le paragraphe 4 de la Partie 1 de l’annexe de la Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10). Par conséquent, la règle de l’article 208 de la LFM ne s’applique pas à la SVPM.

[240]   Mais l’histoire du terrain de la voie ferrée et de la cour de triage ferroviaire ne s’arrête pas là.

[241]   Bien qu’elle ne l’ait soulevé ni dans son argumentaire écrit ni dans ses observations initiales devant moi, la SVPM a soulevé en réplique un nouvel argument concernant ce terrain, à savoir celui de l’exception à la notion de propriété fédérale aux termes de l’alinéa 2(3)g) de la LPRI, et reprend le même thème de l’« occupant » pour soutenir que le terrain de la voie ferrée et de la cour de triage ferroviaire, étant occupé par l’APM, est exclu de la notion de propriété fédérale.

[242]   Faisant abstraction pour le moment du fait qu’un argument avancé pour la première fois en réplique ne doit normalement même pas être étudié par la Cour et vu qu’une telle exception n’a jamais été demandée par la SVPM dans aucune de ses décisions au sujet de PERI, la SVPM ne m’a produit aucun élément appuyant l’idée qu’une servitude a pour conséquence que le propriétaire du fonds dominant en faveur duquel la servitude a été accordée est l’« occupant » du fonds servant. En fait, compte tenu de l’obligation de la SVPM aux termes de la servitude, y compris la responsabilité de la sécurité du périmètre du terrain et l’obligation d’indemniser, je crois qu’il est déraisonnable de penser que le droit de passage créé par la servitude fait de l’APM ou les sociétés de chemin de fer qui l’utilisent un « occupant » du terrain de la voie ferrée et de la cour de triage ferroviaire aux fins de l’alinéa 2(3)g) de la LPRI.

[243]   Par conséquent, la décision de la SVPM de ne payer aucun montant à titre de PERI à l’égard des « terrains » formant l’emprise de la voie ferrée et de la cour de triage ferroviaire est ni intelligible, ni transparente; elle est donc déraisonnable.

6.    Conclusion et le pouvoir discrétionnaire en matière de mesure  [Table des matières]

[244]   Parmi les mesures sollicitées par la Ville, elle me demande de déclarer que les éléments du site du Vieux-Port en question sont visés par la définition de la « propriété fédérale » et doivent faire l’objet d’un PERI. Cependant, je ne suis pas disposé à aller aussi loin en l’espèce.

[245]   Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême a discuté la question du pouvoir discrétionnaire en matière de mesure (ou de réparation) et a observé [au paragraphe 140] :

Lorsque la cour de révision applique la norme de la décision raisonnable au moment d’effectuer un contrôle judiciaire, le choix de la réparation doit être guidé par la raison d’être de l’application de cette norme, y compris le fait pour la cour de révision de reconnaître que le législateur a confié le règlement de l’affaire à un décideur administratif, et non à une cour.

[246]   Après avoir énoncé certains autres éléments qui doivent guider l’examen de la question de la mesure à accorder, telles que les préoccupations liées à la bonne administration du système de justice et à la nécessité d’assurer l’accès à la justice, la Cour a poursuivi [au paragraphe 141] :

Donner effet à ces principes dans le contexte de la réparation signifie que, lorsque la décision contrôlée selon la norme de la décision raisonnable ne peut être confirmée, il conviendra le plus souvent de renvoyer l’affaire au décideur pour qu’il revoie la décision, mais à la lumière cette fois des motifs donnés par la cour.

[247]   Je ne peux conclure que les faits de la présente affaire sont exceptionnels ou relèvent des cas de figure limités évoqués dans l’arrêt Vavilov dans lesquels une question confiée à un décideur administratif devrait autrement être tranchée par notre Cour (Vavilov, au paragraphe 142). Je comprends des parties qu’en plus des éléments controversés portés devant la Cour dans cette affaire, les parties ont trouvé un terrain d’entente en ce qui concerne un certain nombre d’autres questions auxquelles les décisions de la SVPM se rapportaient. Par conséquent, les décisions de la SVPM comportent déjà des éléments que les parties ont accepté de modifier, de sorte qu’un réexamen et une nouvelle émission de décisions de la SVPM pourraient être la meilleure façon de procéder dans cette affaire, au regard de ces motifs (Cold Lake (Ville) c. Canada (Services publics et Approvisionnement), 2021 CF 405, aux paragraphes 64–65).

[248]   Dès lors, à la lumière de ma décision, il était déraisonnable pour la SVPM d’avoir retiré dans ses décisions les éléments suivants de la notion de propriété fédérale :

-      Le pavillon Bonsecours, incluant les bâtiments 4 et 5, soit la Terrasse Bonsecours et le pavillon (Chalet Bonsecours);

-      Le Quai Jacques-Cartier, incluant le bâtiment commercial du Pavillon Jacques-Cartier, l’entrepôt et les toilettes, bâtiments 2, 2A et 3;

-      Le Quai King-Edward, incluant les bâtiments 13 à 18, soit :

  Promenade du Quai King-Edward;

  Chemin central ou la rue du Quai King-Edward;

  Centre des sciences de Montréal, bâtiment 13;

  Cinéma IMAX, bâtiment 14;

  Stationnements extérieurs étagés du Quai King-Edward, bâtiment 15;

  Foire alimentaire, bâtiment 16;

  Stationnement et Belvédère, bâtiment 17;

  Passerelle entre le Centre des sciences et la foire alimentaire, bâtiment 18;

-      Les stationnements extérieurs du bassin de l’Horloge;

-      Les stationnements extérieurs du Quai de l’Horloge;

-      Les stationnements extérieurs de la route du Port;

-      Les stationnements extérieurs étagés du Quai Alexandra;

-      Les stationnements intérieurs du hangar 16 du Quai de l’Horloge, bâtiment numéro 20;

-      Les stationnements intérieurs du Quai Alexandra (soit l’intérieur des hangars 4 et 6);

-      Les terrains des Quai de l’Horloge, Jacques-Cartier, King-Edward et Alexandra;

-      Les voies publiques du Vieux-Port, soit :

  la portion sud de la rue de la Commune;

  l’entrée du Quai de l’Horloge;

  l’entrée du Bassin Bonsecours;

  l’entrée du Quai Jacques-Cartier;

  l’entrée du Quai King-Edward;

  la rue du Bassin de l’Horloge et du Quai de l’Horloge;

  l’entrée du Quai Alexandra; et

  l’entrée Saint-Pierre.

-      Les terrains sous l’emprise de la voie ferrée et de la cour de triage ferroviaire dans le site du Vieux-Port.

[249]   Cependant, il n’était pas déraisonnable pour la SVPM d’avoir retiré dans ses décisions les éléments suivants de la notion de propriété fédérale :

-      La passerelle surélevée du Quai Jacques-Cartier;

-      Promenade du Vieux-Port et Promenade des Artistes; et

-      La route du Port.

[250]   La SVPM n’avait pas le droit de revenir sur sa décision de 2013 et d’opérer une compensation des montants considérés comme un trop-perçu de sa part. Il serait donc raisonnable et conforme à mes motifs que la SVPM exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confèrent les paragraphes (1.1) et (1.2) de l’article 3 de la LPRI de payer un supplément de retard à la Ville, en sus du capital échu de tout montant dû à la Ville, y compris tout montant compensé et déduit en relation avec les montants payés à la Ville en 2013.

[251]   Je conclus que les terrains de stationnement de la SVPM sont assujettis au Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement adopté chaque année par la Ville de Montréal.

7.    Dépens  [Table des matières]

[252]   Les dépens seront bien sûr payés par la SVPM à la Ville. Les parties devront discuter du montant des dépens et aviser la Cour de tout accord dans les 30 prochains jours. Si aucun accord ne peut être conclu dans ce délai, les parties devront chacune soumettre des observations écrites de cinq pages maximum dans les deux semaines suivantes, exposant leur position sur les dépens, y compris un projet de mémoire de frais qui ne doivent pas être inclus dans le calcul du nombre de pages fixé pour les observations.

JUGEMENT aux dossiers T-1262-14;T-2147-14; T-635-15;

T-613-16; T-592-17; T-714-18; T-650-19 et T-836-20

LA COUR STATUE que :

1.    La demande est accueillie et la décision de la Société du Vieux-Port de Montréal du 22 avril 2014 ainsi que ces décisions dans les dossiers T-1262-14, T-2147-14, T-635-15, T-613-16, T-592-17, T-714-18, T-650-19 et T-836-20 sont annulées;

2.    La présente affaire est renvoyée à la Société du Vieux-Port de Montréal pour nouvelle détermination dans les 30 jours du présent jugement pour chacune des années 2013 à 2020, conformément aux raisons et conclusions de notre Cour dans le présent jugement;

3.    Le tout, avec dépens payés par la Société du Vieux-Port à la Ville de Montréal conformément à mes conclusions exposées ci-dessus. Je resterai saisi de l’affaire jusqu’à ce que je rende une nouvelle ordonnance sur les frais.

4.    Une copie de la présente décision doit être placée dans chacun des autres dossiers.

VI.   ANNEXE  [Table des matières]

A.    Lois et règlements fédérales :

Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôt, L.R.C. (1985), ch. M-13

Définitions

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

propriété fédérale Sous réserve du paragraphe (3) :

a) immeuble ou bien réel appartenant à Sa Majesté du chef du Canada dont la gestion est confiée à un ministre fédéral;

[…]

taux effectif Le taux de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie qui, selon le ministre, serait applicable à une propriété fédérale si celle-ci était une propriété imposable. (effective rate)

[…]

valeur effective Valeur que, selon le ministre, une autorité évaluatrice déterminerait, compte non tenu des droits miniers et des éléments décoratifs ou non fonctionnels, comme base du calcul de l’impôt foncier qui serait applicable à une propriété fédérale si celle-ci était une propriété imposable. (property value)

[…]

Exclusions : propriété fédérale

(3) Sont exclus de la définition de propriété fédérale au paragraphe (1) :

a) les constructions ou ouvrages, sauf :

(i) les bâtiments dont la destination première est d’abriter des êtres humains, des animaux, des plantes, des installations, des biens meubles ou des biens personnels,

[…]

(v) l’asphaltage des stationnements pour employés et les autres améliorations s’y rattachant,

[…]

b) les constructions, les ouvrages, les machines ou le matériel mentionnés à l’annexe II;

c) les immeubles et les biens réels aménagés en parc et utilisés comme tels dans une zone classée comme « urbaine » par Statistique Canada lors de son dernier recensement de la population canadienne, sauf les parcs nationaux du Canada, les parcs marins nationaux du Canada, les réserves à vocation de parc national du Canada ou de parc marin national du Canada, les lieux historiques nationaux, les champs de bataille nationaux et les canaux historiques;

[…]

g) les immeubles et les biens réels aménagés ou utilisés comme voies publiques et n’ayant pas, selon le ministre, pour fonction première de permettre l’accès direct à un immeuble ou à un bien réel appartenant à Sa Majesté du chef du Canada;

[…]

Objet

2.1 La présente loi a pour objet l’administration juste et équitable des paiements versés en remplacement d’impôts.

[…]

Paiements

3 (1) Le ministre peut, pour toute propriété fédérale située sur le territoire où une autorité taxatrice est habilitée à lever et à percevoir l’un ou l’autre des impôts mentionnés aux alinéas a) et b), et sur réception d’une demande à cet effet établie en la forme qu’il a fixée ou approuvée, verser sur le Trésor un paiement à l’autorité taxatrice :

a) en remplacement de l’impôt foncier pour une année d’imposition donnée;

b) en remplacement de l’impôt sur la façade ou sur la superficie.

Paiement en retard

(1.1) S’il est d’avis que le versement de tout ou partie du paiement visé au paragraphe (1) a été indûment retardé, le ministre peut augmenter le montant de celui-ci.

Augmentation maximale

(1.2) L’augmentation ne peut dépasser le produit de la somme non versée par le taux d’intérêt fixé en vertu de l’article 155.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Elle couvre la période pour laquelle, selon le ministre, il y a eu retard.

Pouvoir

(2) La prise, au cours d’une année d’imposition, de règlements classant en vertu des alinéas 9(1)d) ou e) un immeuble ou un bien réel comme propriété fédérale permet, malgré toute autre disposition de la présente loi, le versement d’un paiement à son égard pour la totalité de l’année d’imposition.

Application aux personnes morales de l’annexe I

(3) Dans le cas d’une personne morale mentionnée à l’annexe I, le versement d’un paiement au titre du présent article n’est possible qu’à l’égard des immeubles ou des biens réels de la personne morale précisés à cette annexe ou désignés par règlement du gouverneur en conseil.

Autorité taxatrice

(4) Pour l’application du paragraphe (1), l’autorité taxatrice est, à l’égard d’une propriété fédérale visée à l’alinéa 2(3)d), le conseil, la bande ou la première nation visés à l’un des alinéas b) à e) de la définition de autorité taxatrice au paragraphe 2(1).

[…]

Comité consultatif

11.1 (1) Le gouverneur en conseil constitue un comité consultatif composé d’au moins deux membres de chaque province et territoire — dont un président — possédant une formation ou une expérience pertinentes. Les membres sont nommés à titre inamovible pour un mandat renouvelable d’au plus trois ans.

Révocation

(1.1) Les membres du comité nommés en vertu du paragraphe (1) le sont sous réserve de révocation motivée par le gouverneur en conseil.

Mandat

(2) Le comité a pour mandat de donner des avis au ministre relativement à une propriété fédérale en cas de désaccord avec une autorité taxatrice sur la valeur effective, la dimension effective ou le taux effectif ou sur l’augmentation ou non d’un paiement au titre du paragraphe 3(1.1).

Fonctions du président

(3) Le président assure la direction du comité.

Formations

(4) Le président peut constituer au sein du comité des formations pouvant exercer tout ou partie des attributions du comité.

Rémunération et frais

(5) Sauf s’ils font partie de l’administration publique fédérale, les membres du comité reçoivent la rémunération fixée par le gouverneur en conseil pour les jours ou fractions de jour pendant lesquels ils accomplissent leurs fonctions et sont indemnisés des frais de déplacement et de séjour entraînés par l’accomplissement, hors de leur lieu ordinaire de résidence, de leurs fonctions.

[…]

Absence de droit

15 La présente loi ne confère aucun droit à un paiement.

[…]

Annexe II

(article 2)

[…]

2   Tapis roulants et transporteurs autres qu’ascenseurs et escaliers mécaniques, matériel de tri du courrier, ordinateurs, grues fixes, tours, foreuses, presses à imprimer et appareils de pesage

3   Bassins, appontements, jetées, pilotis, poteaux d’amarrage, quais flottants, brise-lames, murs de soutènement, digues

[…]

7   Monuments

[…]

11             Chemins, trottoirs, pistes d’envol ou d’atterrissage, pavements, voies ferrées

12             Abris contre la neige, tunnels, ponts, barrages

[…]

ANNEXE III

(article 2)

[…]

Société immobilière du Canada limitée

     Canada Lands Company Limited

[…]

Toute personne morale qui, selon le cas, est propriété exclusive :

a) d’une des personnes morales mentionnées à la présente annexe;

[…]

ANNEXE IV

(article 2)

[…]

Société immobilière du Canada limitée

     Canada Lands Company Limited

Toute personne morale qui, selon le cas, est propriété exclusive :

a) d’une des personnes morales mentionnées à la présente annexe;

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]

Terres publiques, etc., exemptées des taxes

125 Nulle terre ou propriété appartenant au Canada ou à aucune province en particulier ne sera sujette à la taxation.

Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21

Tradition bijuridique et application du droit provincial

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

Terminologie

8.2 Sauf règle de droit s’y opposant, est entendu dans un sens compatible avec le système juridique de la province d’application le texte qui emploie à la fois des termes propres au droit civil de la province de Québec et des termes propres à la common law des autres provinces, ou qui emploie des termes qui ont un sens différent dans l’un et l’autre de ces systèmes.

[…]

Principe et interprétation

12 Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux, L.C. 1991, ch. 50

Définitions

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

biens réels Dans une province autre que le Québec et à l’étranger, les biens-fonds et les intérêts afférents, y compris les mines et minéraux, bâtiments et autres ouvrages, accessoires fixes ou améliorations de surface, de sous-sol ou en surplomb. (real property)

[…]

immeuble

a) Dans la province de Québec, immeuble au sens du droit civil de la province de Québec et, par assimilation, tout droit du locataire relativement à l’immeuble;

b) à l’étranger, tout bien qui est un immeuble au sens du droit civil de la province de Québec et, par assimilation, tout droit du locataire relativement au bien. (immovable)

Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, ch. 32

Usage public des parcs

4 (1) Les parcs sont créés à l’intention du peuple canadien pour son bienfait, son agrément et l’enrichissement de ses connaissances, sous réserve de la présente loi et des règlements; ils doivent être entretenus et utilisés de façon à rester intacts pour les générations futures.

[…]

8 […]

Intégrité écologique

(2) La préservation ou le rétablissement de l’intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques sont la première priorité du ministre pour tous les aspects de la gestion des parcs.

Loi sur le parc marin du Saguenay — Saint-Laurent, L.C. 1997, ch. 37

Objet de la loi

4 La présente loi a pour objet de rehausser, au profit des générations actuelles et futures, le niveau de protection des écosystèmes d’une partie représentative du fjord du Saguenay et de l’estuaire du Saint-Laurent aux fins de conservation, tout en favorisant son utilisation à des fins éducatives, récréatives et scientifiques.

Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10

Application de la présente partie

6 (1) La présente partie s’applique aux administrations portuaires inscrites à l’annexe et à celles pour lesquelles des lettres patentes ont été délivrées ou qui ont été prorogées sous le régime de la présente partie et n’ont pas été dissoutes.

[…]

Mandataire de Sa Majesté : administration portuaire

7 (1) Sous réserve du paragraphe (3), les administrations portuaires ne sont mandataires de Sa Majesté du chef du Canada que dans le cadre des activités portuaires visées à l’alinéa 28(2)a).

[…]

ANNEXE

(article 6 et paragraphe 12(1))

[…]

4 Administration portuaire de Montréal

Règlement sur les paiements versés par les sociétés d’état, DORS/81-1030

Dispositions générales

5 Dans la présente partie, société s’entend, à l’égard de tout paiement qu’elle peut verser, de toute société mentionnée aux annexes III ou IV de la Loi.

6 Le paiement effectué par une société en remplacement de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie à l’égard d’une propriété qui serait une propriété fédérale si un ministre fédéral en avait la gestion, la charge et la direction n’est assorti d’aucune condition et ne doit pas être inférieur aux sommes visées aux articles 7 et 11.

Règlement sur les versements provisoires et les recouvrements, DORS/81-226

Versements provisoires

3 S’il est impossible de déterminer de façon définitive le montant du paiement dans les cinquante jours suivant la réception de la demande présentée en vertu de l’article 3 de la Loi par l’autorité taxatrice ou, dans le cas de la demande présentée pour la première fois, dans les quatre-vingt-dix jours suivant sa réception, le ministre peut :

a) estimer, en se fondant sur les renseignements dont il dispose, la somme pouvant être versée à l’autorité taxatrice en vertu de cet article;

b) faire, à l’égard du paiement, un versement provisoire ne dépassant pas la somme visée à l’alinéa a).

Recouvrement de trop-perçu

4 Si le montant d’un paiement versé à une autorité taxatrice au titre de la Loi ou du présent règlement est plus élevé que ce qui aurait dû être versé en vertu l’article 3 de la Loi, le trop-perçu et les intérêts fixés en vertu de l’article 155.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques peuvent être, selon le cas :

a) portés en diminution de tout autre paiement pouvant être versé à l’autorité taxatrice en vertu de cet article ou du présent règlement;

b) recouvrés à titre de créance de Sa Majesté du chef du Canada.

B.    Lois et règlements provinciales

Loi sur la fiscalité municipale, RLRQ, ch. F-2.1

46. Aux fins d’établir la valeur réelle qui sert de base à la valeur inscrite au rôle, on tient compte de l’état de l’unité d’évaluation et des conditions du marché immobilier tels qu’ils existent le 1er juillet du deuxième exercice financier qui précède le premier de ceux pour lesquels le rôle est fait, ainsi que de l’utilisation qui, à cette date, est la plus probable quant à l’unité.

Toutefois, lorsque survient, après la date déterminée en application du premier alinéa, un événement visé à l’un des paragraphes 6° à 8°, 12°, 12.1°, 18° et 19° de l’article 174, l’état de l’unité d’évaluation dont on tient compte est celui qui existe immédiatement après l’événement, abstraction faite de tout changement dans l’état de l’unité, produit depuis la date déterminée en application du premier alinéa, par une autre cause qu’un événement visé à un tel paragraphe. L’utilisation la plus probable qui est prise en considération est alors celle qui découle de l’état de l’unité dont on tient compte.

L’état de l’unité comprend, outre son état physique, sa situation au point de vue économique et juridique, sous réserve de l’article 45.1, et l’environnement dans lequel elle se trouve.

Lorsque l’unité dont on établit la valeur réelle ne correspond à aucune unité du rôle qui était en vigueur à la date applicable en vertu du premier ou du deuxième alinéa, les immeubles qui existaient à cette date et qui font partie de l’unité dont on établit la valeur réelle sont réputés avoir constitué l’unité correspondante à cette date.

Aux fins de déterminer les conditions du marché à la date visée au premier alinéa, on peut notamment tenir compte des renseignements relatifs aux transferts de propriété survenus avant et après cette date.

[…]

204. Sont exempts de toute taxe foncière, municipale ou scolaire :

1° un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom de l’État ou de la Société québécoise des infrastructures;

1.1° un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom de la Couronne du chef du Canada ou d’un mandataire de celle-ci;

[…]

208. Lorsqu’un immeuble non imposable en vertu du paragraphe 1° ou 1.1° de l’article 204 est occupé par un autre qu’une personne mentionnée à cet article ou qu’une société qui est mandataire de l’État, sauf si son propriétaire est la Société québécoise des infrastructures, les taxes foncières auxquelles cet immeuble serait assujetti sans cette exemption sont imposées au locataire ou, à défaut, à l’occupant, et sont payables par lui. Toutefois, cette règle ne s’applique pas dans le cas d’un immeuble visé au paragraphe 1.1° de l’article 204 lorsque, suivant la législation du Parlement du Canada relative aux subventions aux municipalités pour tenir lieu des taxes foncières et selon les actes pris en vertu de cette législation, une telle subvention est versée à l’égard de l’immeuble malgré l’occupation visée au présent alinéa dont il fait l’objet.

Lorsqu’un immeuble visé par un autre paragraphe de l’article 204, hormis le paragraphe 10°, est occupé par un autre qu’une personne mentionnée à cet article, il devient imposable et les taxes foncières auxquelles il est assujetti sont imposées au locataire ou, à défaut, à l’occupant, et sont payables par lui. Cette règle s’applique également dans le cas d’un immeuble visé au paragraphe 1º du deuxième alinéa de l’article 255 ou au cinquième alinéa de cet article.

Les exemptions prévues aux premier et deuxième alinéas qui sont applicables au locataire ou à l’occupant d’un immeuble mentionné à l’article 204 s’appliquent à la Caisse de dépôt et placement du Québec ou à une de ses filiales visées à l’article 88.15 de la Loi sur les transports (chapitre T-12) lorsque celle-ci est locataire ou occupante d’un immeuble visé à ces alinéas uniquement si elle exerce une activité liée à la réalisation ou à la gestion de l’infrastructure de transport collectif ayant fait l’objet d’une entente conclue en vertu de l’article 88.10 de cette loi.

Les règles d’imposition prévues aux premier et deuxième alinéas ne s’appliquent pas lorsque le locataire ou l’occupant d’un immeuble ayant fait l’objet d’une entente conclue en vertu de l’article 88.10 de la Loi sur les transports est l’un des suivants :

1° une société en commandite, lorsque, à la fois, le gouvernement ou un mandataire de l’État détient 10% ou plus des titres de son fonds commun et le commandité est une société par actions à l’égard de laquelle le gouvernement ou un tel mandataire a la faculté d’exercer 10% ou plus des droits de vote que confèrent les actions émises par cette société, qui loue ou occupe l’immeuble aux fins d’exercer une activité liée à la réalisation ou à la gestion de l’infrastructure de transport collectif ayant fait l’objet d’une entente conclue en vertu de l’article 88.10 de cette loi;

2° le cocontractant de la Caisse, de l’une de ses filiales visées à l’article 88.15 de cette loi ou d’une personne mentionnée au paragraphe 1°, qui loue ou occupe l’immeuble aux fins d’exercer, pour cette dernière, une activité liée à la réalisation ou à la gestion de l’infrastructure de transport collectif ayant fait l’objet d’une entente conclue en vertu de l’article 88.10 de cette loi.

L’immeuble est inscrit au nom de celui qui doit payer les taxes foncières.

Lorsque la valeur de la partie d’un immeuble visé à l’un des paragraphes 13° à 17° de l’article 204 qui est occupée par quelqu’un d’autre qu’une personne mentionnée à cet article ou, selon le cas, la valeur totale de l’ensemble de telles parties est inférieure au moins élevé entre 50 000 $ et le montant correspondant à 10% de la valeur de l’immeuble, les deuxième et cinquième alinéas du présent article ne s’appliquent pas, malgré l’article 2, à une telle partie. Cette règle s’applique également dans le cas d’un immeuble visé à la deuxième phrase du deuxième alinéa.

Lorsque la valeur d’un immeuble visé au paragraphe 3° de l’article 204 et occupé par quelqu’un d’autre qu’une personne mentionnée à cet article est inférieure à 50 000 $, les deuxième et cinquième alinéas du présent article ne s’appliquent pas à cet immeuble. Il en est de même, malgré l’article 2, lorsque la valeur de la partie ainsi occupée d’un immeuble visé à ce paragraphe est inférieure à ce montant.

Pour l’application des cinq premiers alinéas, la personne qui réside dans un logement n’est pas réputée en être le locataire ni l’occuper et celle qui l’administre sans y résider est réputée l’occuper.

Malgré les quatre premiers alinéas, lorsque l’immeuble est visé par une reconnaissance en vigueur et prévue au deuxième alinéa de l’article 243.3, le locataire ou l’occupant reconnu est exempté du paiement des taxes foncières.

Règlement concernant la taxe foncière sur les parcs de stationnement, Conseil de la Ville de Montréal, Exercice financier 2013, 12-057, adopté le 17 décembre 2012; Exercice financier 2014, 14008, adopté le 24 février 2014; Exercice financier 2015, 14046, adopté le 10 décembre 2014; Exercice financier 2016, 15-093, adopté le 9 décembre 2015; Exercice financier 2017, 16-067, adopté le 14 décembre 2016 (note : Le libellé de l’article 11 est le même de 2012 à 2017, si ce n’est du secteur C qui a été ajouté à compter de l’exercice financier 2013)

11. Il est imposé et il sera prélevé sur et à l’égard de tout immeuble imposable faisant partie d’une unité d’évaluation appartenant à la catégorie des immeubles non résidentiels, inscrit au rôle d’évaluation foncière, qui comporte un parc de stationnement ou une partie d’un tel parc et qui est situé dans l’un des secteurs A, B ou C, une taxe foncière sur les parcs de stationnement aux taux fixés ciaprès :

Code civil du Québec, RLRQ, ch. CCQ-1991

900. Sont immeubles les fonds de terre, les constructions et ouvrages à caractère permanent qui s’y trouvent et tout ce qui en fait partie intégrante.

Le sont aussi les végétaux et les minéraux, tant qu’ils ne sont pas séparés ou extraits du fonds. Toutefois, les fruits et les autres produits du sol peuvent être considérés comme des meubles dans les actes de disposition dont ils sont l’objet.

Loi sur les cités et villes, RLRQ, ch. C-19

500.1 Toute municipalité peut, par règlement, imposer sur son territoire toute taxe municipale, pourvu qu’il s’agisse d’une taxe directe et que ce règlement satisfasse aux critères énoncés au quatrième alinéa.

La municipalité n’est pas autorisée à imposer les taxes suivantes :

1° une taxe à l’égard de la fourniture d’un bien ou d’un service;

2° une taxe sur le revenu, les recettes, les bénéfices, les encaissements ou à l’égard de montants semblables;

3° une taxe sur le capital versé, les réserves, les bénéfices non répartis, les surplus d’apport, les éléments de passif ou à l’égard de montants semblables;

4° une taxe à l’égard des machines et du matériel utilisés dans le cadre d’activités de recherche scientifique et de développement expérimental ou de fabrication et de transformation et à l’égard de tout élément d’actif servant à accroître la productivité, notamment le matériel et les logiciels informatiques;

5° une taxe à l’égard d’une rémunération qu’un employeur verse ou doit verser pour des services, y compris une rémunération non monétaire que l’employeur confère ou doit conférer;

6° une taxe sur la fortune, y compris des droits de succession;

7° une taxe relative à la présence ou à la résidence d’un particulier sur le territoire de la municipalité;

8° une taxe à l’égard des boissons alcooliques au sens de l’article 2 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (chapitre I-8.1);

9° une taxe à l’égard du tabac ou du tabac brut au sens de l’article 2 de la Loi concernant l’impôt sur le tabac (chapitre I-2);

10° une taxe à l’égard d’un carburant au sens de l’article 1 de la Loi concernant la taxe sur les carburants (chapitre T-1);

10.1° une taxe à l’égard du cannabis au sens de l’article 2 de la Loi sur le cannabis (L.C. 2018, c. 16);

11° une taxe à l’égard d’une ressource naturelle;

12° une taxe à l’égard de l’énergie, notamment l’électricité;

13° une taxe prélevée auprès d’une personne qui utilise un chemin public, au sens de l’article 4 du Code de la sécurité routière (chapitre C-24.2), à l’égard de matériel placé sous ou sur le chemin public, ou au-dessus de celui-ci, pour fournir un service public.

Pour l’application du paragraphe 1° du deuxième alinéa, les expressions « bien », «fourniture» et «service» ont le sens que leur donne la Loi sur la taxe de vente du Québec (chapitre T-0.1).

Le règlement visé au premier alinéa doit remplir les conditions suivantes :

1° il doit indiquer l’objet de la taxe qui doit être imposée;

2° il doit indiquer soit le taux de la taxe, soit le montant de la taxe à payer;

3° il doit indiquer le mode de perception de la taxe, y compris la désignation des personnes qui sont autorisées à la percevoir à titre de mandataires de la municipalité.

Le règlement visé au premier alinéa peut prévoir ce qui suit :

1° des exonérations de la taxe;

2° des pénalités en cas de contravention au règlement;

3° des frais de recouvrement et des frais pour provision insuffisante;

4° des intérêts, y compris le taux, sur la taxe, les pénalités et les frais impayés;

5° des pouvoirs de cotisation, de vérification, d’inspection et d’enquête;

6° des remboursements et des remises;

7° la tenue de registres;

8° la mise en œuvre et l’utilisation de mécanismes de règlement de différends;

9° la mise en œuvre et l’utilisation de mesures d’exécution si un montant de la taxe, des intérêts, des pénalités ou des frais demeure impayé après sa date d’échéance, notamment la saisie-arrêt, la saisie et la vente des biens;

10° l’assimilation de la créance pour taxe impayée, y compris les intérêts, les pénalités et les frais, à une créance prioritaire sur les immeubles ou meubles en raison de laquelle elle est due, au même titre et selon le même rang que les créances visées au paragraphe 5° de l’article 2651 du Code civil, de même que la création et l’inscription d’une sûreté par une hypothèque légale sur ces immeubles ou sur ces meubles, selon le cas;

11° tout critère en fonction duquel le taux de la taxe ou le montant de la taxe à payer peut varier.

Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec, RLRQ, ch. C-11.4

151.9. La ville n’est pas autorisée à imposer une taxe en vertu de l’article 151.8 à l’égard des personnes suivantes :

1° l’État, la Couronne du chef du Canada ou l’un de leurs mandataires;

[…]

Recueil des tarifs du transport privé par taxi, R.R.Q., ch. S-6.01, r. 4

8. Le prix d’une course entre l’aéroport et le centre-ville de Montréal, peu importe le nombre de passagers, est le suivant :

[…]

Pour l’application du présent article, le centre-ville de Montréal est délimité comme suit :

—      à l’ouest : l’avenue Atwater jusqu’au canal Lachine; le canal Lachine jusqu’au pied de la rue de Condé; la rue de Condé jusqu’à la rue Saint-Patrick; la rue Saint-Patrick, vers l’est, jusqu’à la rue Bridge; la rue Bridge jusqu’au pont Victoria;

—      à l’est : l’avenue Papineau;

—      au sud : le fleuve Saint-Laurent;

—      au nord : l’avenue des Pins; la rue Saint-Denis, de l’avenue des Pins à la rue Cherrier; la rue Cherrier, de la rue Saint-Denis à la rue Sherbrooke; la rue Sherbrooke, de la rue Cherrier à l’avenue Papineau.

Les maisons et édifices de chaque côté des rues limitrophes font partie du centre-ville de Montréal.

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