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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

2022 CF 1130

IMM-4055-21

Samat Serimbetov (demandeur)

c.

Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (défendeur)

IMM-4058-21

Andrey Chshelokovskiy (demandeur)

c.

Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (défendeur)

IMM-4064-21

Mikhail Kadymov (demandeur)

c.

Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (défendeur)

Répertorié: Serimbetov c. Canada (Immigration, Réfugiés et citoyenneté

Cour fédérale, juge Diner—Toronto, 8 juin et 28 juillet 2022.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Demandeurs de la catégorie des gens d’affaires — Demandes de contrôle judiciaire de trois décisions par lesquelles un agent des visas à l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne (l’agent) a rejeté les demandes de permis de travail des demandeurs (les décisions) — Les demandes de permis de travail ont été présentées au titre de la catégorie du démarrage d’entreprise (le programme) — Les demandeurs sont tous des citoyens du Kazakhstan et des partenaires commerciaux ayant présenté une demande de permis de travail pour démarrage d’entreprise dans le cadre du programme — Les demandeurs souhaitaient créer une entreprise de conception, de fabrication et de vente de serres autonomes — Les demandeurs ont présenté un dossier de demande de permis de travail dans le cadre du programme — Les motifs de rejet, énoncés dans les lettres de refus et les notes du Système mondial de gestion des cas (le SMGC), étaient identiques dans les trois dossiers, à une exception près — L’agent a conclu que les demandeurs n’étaient pas admissibles à un permis de travail dispensé d’une EIMT au titre du code C10, notamment parce que la preuve qu’ils avaient présentée ne permettait pas d’établir leur renommée ou leur expertise et qu’ils n’avaient pas fait d’efforts pour obtenir d’abord une EIMT — N’étant donc pas convaincu que le travail pour lequel les permis de travail avaient été demandés permettrait de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages pour les citoyens canadiens, l’agent a conclu que les demandeurs n’étaient pas admissibles à un permis de travail dispensé d’une EIMT au titre du code C10 suivant l’alinéa 205a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés — L’agent a également jugé que les demandeurs n’étaient pas admissibles à un permis de travail délivré au titre du code de dispense A75 — Les demandeurs ont par la suite présenté une demande de réexamen au motif que l’agent n’avait pas tenu adéquatement compte, dans ses lettres de refus, des exigences du programme — Cependant, ces demandes de réexamen ont également été rejetées — Les lettres de refus remises à la suite du réexamen indiquaient simplement qu’aucune erreur de fait ou de droit n’avait été commise et qu’il n’y avait eu aucun manquement à l’équité procédurale — Le contrôle judiciaire était lié au refus de procéder au réexamen des décisions, renvoyant aux motifs de refus initiaux — Il était question de savoir en l’espèce si les décisions étaient raisonnables — Les décisions de l’agent étaient déraisonnables — Malgré l’argument des demandeurs à propos des notes versées au SMGC, celles-ci font partie des décisions contestées, comme cela a toujours été le cas avant l’affaire Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov et depuis — Cependant, selon les notes versées dans le SMGC, le fait que le programme n’exige pas d’EIMT n’a pas été reconnu et le mauvais critère à l’évaluation des demandes de permis de travail en cause a été appliqué — Il était déraisonnable pour l’agent de se fonder sur les liens familiaux et l’objet de la visite des demandeurs pour conclure qu’il était peu probable que les demandeurs quittent le Canada à la fin de la période de séjour autorisée — En outre, l’agent n’a pas tenu compte de la preuve au dossier; il a commis une erreur en tenant compte du fait que les demandeurs n’avaient pas encore constitué leur entreprise en société — Les trois décisions de l’agent devaient donc faire l’objet d’un réexamen par un autre agent — Demandes accueillies.

Il s’agissait de demandes de contrôle judiciaire, entendues simultanément, de trois décisions par lesquelles un agent des visas à l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne (l’agent), a rejeté les demandes de permis de travail des demandeurs (les décisions). Les demandes de permis de travail avaient été présentées au titre de la catégorie du démarrage d’entreprise (le programme).

Les trois demandeurs sont des citoyens du Kazakhstan et des partenaires commerciaux ayant présenté une demande de permis de travail pour démarrage d’entreprise dans le cadre du programme. Les demandeurs souhaitaient créer une entreprise de conception, de fabrication et de vente de serres autonomes appelée Modular Green Canada. Les serres combineraient la culture aquaponique et l’énergie solaire pour permettre la culture des plantes et l’élevage de poisson, ce qui contribuerait selon les demandeurs à combattre l’insécurité alimentaire dans le Nord du Canada en assurant une production à l’année. M. Serimbetov devait détenir 80 p. cent des actions de la société et occuper le poste de chef de la direction; M. Chshelokovskiy devait détenir 10 p. cent des actions de la société et occuper le poste de vice-président du développement des affaires; et M. Kadymov devait détenir 10 p. cent des actions de la société et occuper le poste de vice-président des finances. Les trois demandeurs détiennent un diplôme universitaire et ont de l’expérience dans l’industrie et en gestion. Conformément aux exigences relatives à la délivrance d’un permis de travail dans le cadre du programme, chaque demandeur a présenté un dossier de demande comprenant : a) un engagement de vivre au Manitoba; b) une preuve du paiement des frais relatifs à la conformité de l’employeur; c) un certificat d’engagement et une lettre d’appui de la part de Manitoba Technology Accelerator, leur entité désignée dans le cadre du programme (l’entité désignée); d) un formulaire IMM-5802 (Offre d’emploi à un ressortissant étranger dispensé d’une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT)); et e) la preuve de fonds suffisants. Leurs avocats ont également présenté des observations détaillées expliquant pourquoi chacun des demandeurs était admissible à un permis de travail. Dans une lettre présentée à l’appui des demandes de permis de travail, l’entité désignée a expliqué pourquoi les demandeurs étaient « essentiels » et pourquoi ils demandaient une entrée rapide au Canada pour commencer à travailler à leur entreprise.

Les motifs de rejet, énoncés dans les lettres de refus (les lettres de refus), et les notes versées dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC) étaient identiques dans les trois dossiers, à une exception près. L’agent a tout d’abord conclu que les demandeurs n’étaient pas admissibles à un permis de travail au titre du code de dispense C10. Le code de dispense C10 vise les permis de travail qui sont dispensés d’une EIMT. L’agent a ajouté que tous les efforts possibles pour obtenir une évaluation d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) devaient être déployés avant de demander une dispense au titre du code C10. Après avoir évalué ces critères, l’agent a jugé que les demandeurs n’étaient pas admissibles à un permis de travail dispensé d’une EIMT au titre du code C10, parce que la preuve qu’ils avaient présentée ne permettait pas d’établir leur renommée ou leur expertise et qu’ils n’avaient pas fait d’efforts pour obtenir d’abord une EIMT. L’agent n’était donc pas convaincu que le travail pour lequel les permis de travail avaient été demandés permettrait de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages pour les citoyens canadiens, et il a conclu que les demandeurs n’étaient pas admissibles à un permis de travail dispensé d’une EIMT au titre du code C10 suivant l’alinéa 205a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. L’agent n’était pas convaincu que les demandeurs seraient capables d’exercer l’emploi pour lequel les permis étaient demandés ou qu’ils fourniraient un avantage important, comme l’exigent les alinéas 205a) et 200(3)a) du Règlement. L’agent a ensuite évalué l’admissibilité des demandeurs à un permis de travail délivré au titre du code de dispense A75, mais n’était pas convaincu que les demandeurs quitteraient le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, comme l’exige l’alinéa 200(1)b) du Règlement, en raison de l’objet de la visite, de la situation d’emploi au Kazakhstan (dans le cas de M. Serimbetov) et des liens familiaux des demandeurs.

Les demandeurs ont par la suite chacun présenté une demande de réexamen au motif que l’agent n’avait pas tenu adéquatement compte, dans ses lettres de refus, des exigences du programme. Ces demandes de réexamen ont également été rejetées. Les lettres de refus remises à la suite du réexamen indiquaient simplement qu’aucune erreur de fait ou de droit n’avait été commise et qu’il n’y avait eu aucun manquement à l’équité procédurale. Les demandeurs ont soutenu que des erreurs avaient été commises au sujet 1) de la question de savoir si les notes du SMGC font partie de la décision depuis l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov; 2) des liens familiaux et de l’objet de la visite; 3) de l’emploi dans le pays d’origine; 4) de l’incapacité à exercer l’emploi pour lequel les permis de travail ont été demandés; 5) de la catégorie au titre de laquelle les permis de travail ont été demandés; 6) de l’absence d’une entreprise constituée en société; et 7) du défaut de demander un examen par les pairs. Le contrôle judiciaire était lié au refus de procéder au réexamen des décisions (les motifs de refus initiaux) sur la base qu’aucune erreur n’avait été commise. En outre, il s’agissait de la première demande de contrôle judiciaire portant sur le refus d’accorder un permis de travail dans le cadre du programme. Un examen de la catégorie du démarrage d’entreprise a été effectué.

La question principale en l’espèce était celle de savoir si les décisions étaient raisonnables.

Jugement : les demandes doivent être accueillies.

Les demandeurs ont notamment fait valoir que les notes versées dans le SMGC, qui ne sont pas communiquées au demandeur, ne font pas partie des motifs et que, conformément à l’arrêt Vavilov, elles ne peuvent pas servir à justifier le refus d’accorder un permis de travail. Ils ont fait remarquer qu’il est établi dans l’arrêt Vavilov que les motifs écrits qui ne justifient pas la décision ne peuvent être confirmés sur la base de dossiers internes qui n’étaient pas à la disposition de la partie concernée. Cependant, cet argument a été rejeté. Les notes versées dans le SMGC font partie des décisions contestées, comme cela a toujours été le cas avant l’affaire Vavilov et depuis. Néanmoins, les demandeurs ont affirmé à juste titre que l’agent avait tiré des conclusions déraisonnables.

Quant aux liens familiaux et à l’objet de la visite, il était déraisonnable pour l’agent de se fonder sur a) les liens familiaux et b) l’objet de la visite des demandeurs au Canada pour conclure qu’il était peu probable qu’ils quittent le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Le programme a pour objectif principal l’obtention de la résidence permanente au Canada sur la base du démarrage d’une entreprise. Par conséquent, les refus fondés sur les liens familiaux, en l’absence d’une justification raisonnable, alors que les demandes de permis de travail étaient expressément destinées à mener à une demande de résidence permanente, étaient non seulement incompatibles avec l’objet du programme, mais aussi illogiques. Pour les mêmes raisons, l’examen par l’agent de l’objet de la visite au Canada des demandeurs était déraisonnable, car les lignes directrices d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) indiquent que les permis de travail permettent aux demandeurs d’entrer au Canada et de commencer à travailler pendant le traitement de leur demande de résidence permanente (guide de présentation d’une demande, section 6.5). C’est exactement ce que les demandeurs cherchaient à faire lorsqu’ils ont présenté leurs demandes, et l’entité désignée avait déjà fait preuve de diligence raisonnable à cet égard. De plus, les décisions ne contenaient aucune justification raisonnable des motifs de refus. Puisque l’agent n’a pas expliqué pourquoi il n’était pas convaincu que les demandeurs quitteraient le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, les décisions de l’agent n’étaient ni logiques ni justifiées, compte tenu des paramètres du programme et des demandes de permis de travail déposées dans le cadre de celui-ci. Quant à l’emploi au Kazakhstan, il était déraisonnable de conclure que M. Serimbetov ne quitterait probablement pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée en raison de sa situation d’emploi antérieure. Encore une fois, cette conclusion allait à l’encontre de l’objet même de la demande de permis de travail.

Quant à la conclusion de l’agent selon laquelle les demandeurs étaient incapables « d’exercer l’emploi pour lequel le[s] permis de travail [avaient été] demandé[s] », l’agent n’a pas tenu compte de la preuve au dossier et, plus particulièrement, de la documentation provenant de l’entité désignée à l’appui de la présence immédiate des demandeurs au Canada dans le contexte de leurs permis de travail (au moyen des lettres de soutien) et de l’entreprise en démarrage (au moyen des certificats d’engagement). De plus, l’agent n’a pas expliqué pourquoi les demandeurs ne seraient pas en mesure de remplir les descriptions d’emploi énoncées à l’article 5.3 des certificats d’engagement, compte tenu de leur expérience et de leurs études. L’agent a également conclu, pour chacun des trois demandeurs, qu’ils n’avaient pas présenté de preuve relative à leurs compétences linguistiques. Bien que les compétences linguistiques soient exigées pour obtenir la résidence permanente dans le cadre du programme, elles ne sont pas exigées dans le cadre d’une demande de permis de travail.

Quant au permis de travail dispensé d’une EIMT, les demandeurs ont soutenu qu’il était également déraisonnable de la part de l’agent de leur reprocher de ne pas avoir tenté d’obtenir une EIMT avant de demander un permis de travail dispensé d’une EIMT. Ils ont soutenu qu’il s’agissait d’une autre preuve que l’agent n’avait pas bien évalué l’objet du programme et des permis de travail délivrés dans le cadre de celui-ci. Les lignes directrices (les lignes directrices générales et le guide de présentation d’une demande) indiquent clairement que le permis de travail doit être dispensé d’une EIMT. Les notes versées dans le SMGC, cependant, permettaient de constater que l’agent n’a pas reconnu qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir une EIMT dans le cadre du programme et qu’il a appliqué le mauvais critère à l’évaluation des demandes de permis de travail en affirmant que [traduction] « tous les efforts possibles pour obtenir une évaluation d’EDSC doivent être déployés avant de demander une dispense au titre du code C10 ».

L’agent a aussi commis une erreur en tenant compte du fait que les demandeurs n’avaient pas encore constitué leur entreprise en société. Premièrement, les trois demandes de permis de travail indiquaient que les demandeurs avaient l’intention de constituer leur entreprise en société à leur arrivée au Canada. Deuxièmement, même à l’étape de la demande de résidence permanente, il est permis aux demandeurs de constituer une entreprise après leur arrivée au Canada, pourvu qu’ils démontrent leur intention de la constituer en société après l’obtention de la résidence permanente (paragraphe 98.06(2) du Règlement). Enfin, en ce qui concerne le mécanisme d’examen par les pairs, les demandeurs ont soutenu à juste titre qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure qu’ils ne satisfaisaient pas aux exigences du programme et qu’ils étaient incapables d’exercer le travail pour lequel les permis de travail avaient été demandés sans demander un examen par les pairs, puisque cette conclusion outrepassait la compétence que conférait à l’agent le cadre réglementaire du programme. L’examen par les pairs n’est pas obligatoire selon l’article 98.09 du Règlement, qui prévoit que l’agent « peut demander » qu’une évaluation indépendante soit menée par un comité d’examen par les pairs. De plus, l’agent n’est pas lié par l’évaluation de ce comité (paragraphe 98.09(4) du Règlement). Bref, bien que le défaut de demander un examen par les pairs ne suffisait pas à rendre les décisions déraisonnables en l’espèce, celles-ci étaient déraisonnables pour d’autres motifs.

Les trois décisions de l’agent étaient déraisonnables et les dossiers devaient faire l’objet d’un réexamen par un autre agent.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 22(2).

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 89, 98, 98.01(1),(2), 98.03, 98.04, 98.02(1)(d), 98.06, 98.09, 98.10, 200(1)b),(3)a), 205a).

Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, règle 22.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653 Shekhtman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 964.

DÉCISIONS MENTIONNÉES :

Nguyen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 439; Crudu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 834; Emuze c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 894; Ezou c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 251; Rabbani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 257; Gulati c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1358; Rosenberry c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 521; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rafuse, 2002 CAF 31, [2002] 2 C.F. F-9.

DOCTRINE CITÉE

Chambre des communes. Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration. Témoignages, 41e lég., 2e sess., n° 7 (28 novembre 2013), en ligne : https ://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/41-2/CIMM/reunion-7/temoignages

Gazette du Canada, partie II, vol. 152, no 9, 2 mai 2018

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Instructions et lignes directrices opérationnelles. « Travailleurs étrangers : Permis de travail pour les demandeurs de visa de résident permanent pour démarrage d’entreprise » (17 mai 2019), en ligne : https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/travailleurs-etrangers/candidats-provinces-demandeurs-residence-permanente/demandeurs-visa-resident-permanent-demarrage-entreprise.html.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Permis de travail aux demandeurs de visa pour démarrage d’entreprise » (13 juin 2019), en ligne : https://www.canada.ca/fr/immigration-refugees-citoyennete/services/immigrate-canada/start-visa/work-permits.html#1.0.

DEMANDES de contrôle judiciaire de trois décisions par lesquelles un agent des visas à l’ambassade du Canada en Pologne a rejeté trois demandes de permis de travail présentées au titre de la catégorie du démarrage d’entreprise. Demandes accueillies.

ONT COMPARU :

Zohra Jaffer et Justin Kutyan pour les demandeurs.

Laoura Christodoulides pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

KPMG Law LLP, Toronto, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

Le juge Diner :

I.     Introduction

[1]        La Cour est saisie de trois demandes de contrôle judiciaire, entendues simultanément, de trois décisions par lesquelles un agent des visas à l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne [l’agent], a rejeté les demandes de permis de travail des demandeurs (les décisions contestées). Les demandes de permis de travail avaient été présentées au titre de la catégorie du démarrage d’entreprise (le programme). Pour les motifs qui suivent, les trois demandes de contrôle judiciaire seront accueillies.

II.    Le contexte factuel

[2]        Samat Serimbetov, Andrey Chshelokovskiy et Mikhail Kadymov (les demandeurs) sont des citoyens du Kazakhstan et des partenaires commerciaux. Ils ont chacun présenté une demande de permis de travail dans le cadre du programme dans le but de lancer une entreprise de conception, de fabrication et de vente de serres autonomes appelée Modular Green Canada. Les serres combineraient la culture aquaponique et l’énergie solaire pour permettre la culture des plantes et l’élevage de poisson, ce qui contribuerait selon les demandeurs à combattre l’insécurité alimentaire dans le Nord du Canada en assurant une production à l’année. M. Serimbetov devait détenir 80 p. cent des actions de la société et occuper le poste de chef de la direction; M. Chshelokovskiy devait détenir 10 p. cent des actions de la société et occuper le poste de vice-président du développement des affaires, et M. Kadymov devait détenir 10 p. cent des actions de la société et occuper le poste de vice-président des finances.

[3]        Les trois demandeurs détiennent un diplôme universitaire et ont de l’expérience dans l’industrie et en gestion. Conformément aux exigences relatives à la délivrance d’un permis de travail dans le cadre du programme, chaque demandeur a présenté un dossier de demande comprenant: a) un engagement de vivre au Manitoba; b) une preuve du paiement des frais relatifs à la conformité de l’employeur; c) un certificat d’engagement et une lettre d’appui de la part de leur entité désignée, Manitoba Technology Accelerator (l’entité désignée); d) un formulaire IMM-5802 (Offre d’emploi à un ressortissant étranger dispensé d’une étude d’impact sur le marché du travail); et e) la preuve de fonds suffisants. Leurs avocats ont également présenté des observations détaillées expliquant pourquoi chacun des demandeurs était admissible à un permis de travail.

[4]        Dans une lettre présentée à l’appui des demandes de permis de travail, l’entité désignée a expliqué pourquoi les demandeurs étaient « essentiels » et pourquoi ils demandaient une entrée rapide au Canada pour commencer à travailler à leur entreprise. L’entité désignée a également confirmé que les demandeurs avaient fait preuve de diligence raisonnable, soulignant qu’ils disposaient de fonds suffisants pour subvenir à leurs besoins pendant la période de 52 semaines pour laquelle ils demandaient un permis de travail.

A.    Les décisions faisant l’objet du contrôle

[5]        Les trois demandes de permis de travail ont été rejetées. Les motifs de rejet, énoncés dans les lettres de refus (les lettres de refus) et les notes du Système mondial de gestion des cas (le SMGC), étaient identiques dans les trois dossiers, sauf exceptions indiquées ci-dessous. Une des lettres de refus est jointe à l’annexe A des présents motifs.

[6]        L’agent a tout d’abord conclu que les demandeurs n’étaient pas admissibles à un permis de travail au titre du code de dispense C10. Le code de dispense C10 vise les permis de travail qui sont dispensés d’une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT).

[7]        L’agent a noté que les permis de travail dispensés d’une EIMT au titre du code C10 visent à autoriser l’entrée au Canada de personnes de renommée internationale, lorsque leur présence au Canada est cruciale pour un événement très médiatisé et lorsque les circonstances ont fait en sorte que leur entrée au pays est urgente.

[8]        L’agent a ajouté que tous les efforts possibles pour obtenir une évaluation d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) doivent être déployés avant de demander une dispense au titre du code C10 et que les étrangers qui présentent une telle demande de dispense doivent fournir la preuve qu’ils apporteront une contribution importante ou appréciable à l’économie canadienne. L’agent a également fait remarquer que cette contribution doit être étayée par le témoignage d’experts crédibles, dignes de foi et distingués qui œuvrent dans le même domaine que l’étranger, par des éléments de preuve objectifs et par les réalisations exceptionnelles antérieures du demandeur.

[9]        Après avoir évalué ces critères, l’agent a jugé que les demandeurs n’étaient pas admissibles à un permis de travail dispensé d’une EIMT au titre du code C10, parce que la preuve qu’ils avaient présentée ne permettait pas d’établir leur renommée ou leur expertise et qu’ils n’avaient pas fait d’efforts pour obtenir d’abord une EIMT. L’agent n’était donc pas convaincu que le travail pour lequel les demandeurs demandaient un permis de travail permettrait de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages pour les citoyens canadiens, et il a conclu que les demandeurs n’étaient pas admissibles à un permis de travail dispensé d’une EIMT au titre du code C10 suivant l’alinéa 205a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) (voir les dispositions pertinentes à l’annexe B).

[10]      L’agent a ensuite évalué l’admissibilité des demandeurs à un permis de travail délivré au titre du code de dispense A75 et a conclu:

•      que les demandeurs n’avaient pas les études ou l’expérience requises dans les domaines de l’horticulture, des serres ou de l’industrie alimentaire, ni, dans le cas de M. Kadymov, en conception de produits ou en entrepreneuriat;

•      que, bien que les demandeurs aient indiqué que des serres avaient été construites, il n’y avait aucune preuve au dossier à l’appui de leur existence;

•      que Modular Green Canada, l’entreprise en démarrage prévue, n’était pas opérationnelle et que les demandeurs avaient indiqué qu’elle ne serait pas constituée en société avant que leurs demandes de résidence permanente ne soient approuvées;

•      que le marché ciblé du projet visant l’insécurité alimentaire n’était pas clair;

•      qu’il n’y avait pas de plan d’affaires au dossier et que les prévisions de ventes étaient de source inconnue;

•      qu’il n’était pas clair, compte tenu de ce qui précède, pourquoi les demandeurs devaient entrer au Canada pour exploiter leur entreprise.

[11]      À la lumière de ces réserves, l’agent n’était pas convaincu que les demandeurs seraient capables d’exercer l’emploi pour lequel les permis étaient demandés ou qu’ils fourniraient un avantage important, comme l’exigent les alinéas 205a) et 200(3)a) du Règlement. L’agent n’était également pas convaincu que les demandeurs quitteraient le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, comme l’exige l’alinéa 200(1)b) du Règlement, en raison de l’objet de la visite, de la situation d’emploi au Kazakhstan (dans le cas de M. Serimbetov) et des liens familiaux des demandeurs.

[12]      Les demandeurs ont par la suite chacun présenté une demande de réexamen au motif que l’agent n’avait pas tenu adéquatement compte, dans ses lettres de refus, des exigences du programme. Ces demandes de réexamen ont été rejetées le 20 avril 2021 au moyen de lettres qui indiquent simplement qu’aucune erreur de fait ou de droit n’a été commise et qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale.

[13]      Avant de passer aux questions soulevées par les demandeurs à l’égard des décisions contestées, je résumerai brièvement le programme.

B.    Le programme

[14]      Les parties indiquent qu’il s’agit de la première demande de contrôle judiciaire portant sur le refus d’accorder un permis de travail dans le cadre du programme, ce que mes recherches ont confirmé. Je passerai brièvement en revue le contexte du programme, qui est important pour comprendre la façon dont les permis de travail sont délivrés au titre de celui-ci. À moins d’indication contraire, le résumé qui suit est fondé sur les articles 89 et 98 du Règlement ainsi que sur le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) (Gazette du Canada, partie II, vol. 152, no 9, 2 may 2018, à la page 830).

[15]      Le programme a été lancé à titre de projet pilote en 2013, dans des instructions ministérielles. Il cible les entrepreneurs étrangers qui veulent lancer une entreprise au Canada, tout en ayant une voie d’accès directe à la résidence permanente. Dans le cadre du programme, des entités désignées, c’est-à-dire des incubateurs d’entreprises approuvés par le ministre, des groupes d’investisseurs providentiels ou des fonds de capital-risque, évaluent les propositions d’affaires des entrepreneurs étrangers afin de repérer les entreprises novatrices (voir aussi Nguyen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 439, au paragraphe 3). Lorsqu’une de ces entités désignées identifie un demandeur prometteur dont elle souhaite appuyer la candidature dans le cadre du programme, elle présente un certificat d’engagement à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), qui confirme entre autres qu’elle a effectué une évaluation du demandeur et de l’entreprise en démarrage avec toute la diligence voulue.

[16]      Plus précisément, le paragraphe 98.01(1) du Règlement définit la catégorie du démarrage d’entreprise comme « une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui satisfont aux exigences visées au paragraphe (2) et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec ». Le paragraphe 98.01(2) du Règlement prévoit quatre exigences: (i) obtenir un engagement d’une entité désignée; (ii) obtenir un certain niveau de compétence linguistique; (iii) disposer d’un certain montant de fonds transférables, non grevés de dettes ou d’autres obligations financières; et (iv) avoir une entreprise admissible au sens de l’article 98.06 et du paragraphe 98.01(2) du Règlement.

[17]      De plus, l’alinéa 89b) du Règlement dispose que le demandeur doit convaincre l’agent que l’engagement qu’il a pris avec une entité désignée vise principalement l’exploitation de l’entreprise envers laquelle l’engagement a été pris, plutôt que l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Si l’agent est d’avis qu’une évaluation indépendante serait utile, il peut demander l’établissement d’un comité d’examen par les pairs (alinéa 98.02(1)d) et article 98.09 du Règlement). Il peut également substituer sa propre appréciation de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada, auquel cas sa décision doit être confirmée par un autre agent (article 98.10 du Règlement).

[18]      Il ressort du régime établi par le Règlement, ainsi que du REIR et de la politique d’orientation publiée d’IRCC, que le programme est d’abord et avant tout un programme visant l’obtention de la résidence permanente. Lors d’une réunion du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration tenue le 28 novembre 2013, le ministre d’IRCC a souligné que le programme « permettra aux entrepreneurs […] d’obtenir le statut de résident permanent aussitôt qu’ils ont signé une entente avec un partenaire disposé à leur avancer du capital-risque, un investisseur providentiel ou un incubateur d’entreprises. Le programme mettra particulièrement l’accent sur l’innovation et l’entreprenariat » (réunion du 28 novembre 2013 du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, à la page 2 — https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/41-2/CIMM/reunion-7/temoignages).

[19]      Subsidiairement, le programme prévoit aussi la possibilité de délivrer un permis de travail temporaire aux demandeurs avant l’octroi de la résidence permanente. Ni le Règlement ni les instructions ministérielles initiales ne fournissent de directives sur les permis de travail délivrés dans le cadre du programme. Des lignes directrices sont plutôt fournies sur le site Web d’IRCC, qui indique que « [l]es étrangers […] qui auront reçu un certificat d’engagement ou une lettre d’appui de la part d’une entité désignée » peuvent présenter une demande de permis de travail avant même de présenter une demande de résidence permanente « afin de leur permettre d’entrer rapidement au Canada » (IRCC, « Travailleurs étrangers: Permis de travail pour les demandeurs de visa de résident permanent pour démarrage d’entreprise » (17 mai 2019) (les lignes directrices générales), https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/travailleurs-etrangers/candidats-provinces-demandeurs-residence-permanente/demandeurs-visa-resident-permanent-demarrage-entreprise.html).

[20]      Des lignes directrices connexes prévoient que les demandeurs peuvent commencer à travailler à titre d’entrepreneurs au développement de leur entreprise telle qu’elle est décrite dans le certificat d’engagement, et ce, avant d’obtenir le statut de résident permanent (IRCC, « Permis de travail aux demandeurs de visa pour démarrage d’entreprise » (13 juin 2019), à la section 6.5 (le guide de présentation d’une demande), https://www.canada.ca/fr/immigration-refugees-citoyennete/services/immigrate-canada/start-visa/work-permits.html#1.0).

[21]      Selon les lignes directrices générales, les critères d’admissibilité pour obtenir un permis de travail dans le cadre du programme sont les suivants:

•      le demandeur doit avoir l’intention de résider dans une province ou un territoire autre que le Québec;

•      le demandeur doit avoir rempli le formulaire IMM-5802 (Offre d’emploi à un ressortissant étranger dispensé d’une étude d’impact sur le marché du travail) en tant que travailleur autonome et avoir soumis à IRCC les frais relatifs au formulaire et à la conformité de l’employeur;

•      une entité désignée doit avoir délivré un certificat d’engagement précisant que le demandeur est « essentiel » et que des raisons d’affaires urgentes justifient l’entrée rapide du demandeur au Canada (la section 8.0 du certificat d’engagement doit avoir été remplie);

•      le demandeur doit avoir une lettre d’appui associée à un certificat d’engagement et délivrée par une entité désignée;

•      le demandeur doit disposer de fonds suffisants pour atteindre le seuil de faible revenu applicable à sa famille pendant 52 semaines.

[22]      Ayant examiné le contexte des trois demandes de permis de travail en cause et donné un aperçu du programme, je passe aux questions en litige.

III.   Les questions en litige et analyse

[23]      Les demandeurs soutiennent que des erreurs ont été commises au sujet 1) de la question de savoir si les notes du SMGC font partie de la décision depuis l’arrêt Vavilov; 2) des liens familiaux et de l’objet de la visite; 3) de l’emploi dans le pays d’origine; 4) de l’incapacité à exercer l’emploi pour lequel les permis de travail ont été demandés; 5) de la catégorie au titre de laquelle les permis de travail ont été demandés; 6) de l’absence d’une entreprise constituée en société, et 7) du défaut de demander un examen par les pairs. Les parties conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique. Par conséquent, pour résister au contrôle judiciaire, la Cour doit conclure que la décision était fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qu’elle est justifiée au regard des faits et du droit, d’une manière intelligible et transparente (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 S.C.R. 653 (Vavilov), aux paragraphes 85 et 99).

A)   Les deux questions préliminaires

[24]      Avant d’examiner la question de savoir si les décisions contestées étaient raisonnables compte tenu des questions soulevées par les demandeurs, j’aborderai deux questions préliminaires soulevées par le défendeur, à savoir que le présent contrôle judiciaire est vicié en raison (i) du défaut des demandeurs de déposer un affidavit personnel à l’appui de leur position et (ii) du fait que les demandeurs ont combiné deux décisions administratives (le refus du permis de travail et le rejet de la demande de réexamen) dans un même contrôle judiciaire, ce qui n’est pas permis.

[25]      En ce qui concerne la première question préliminaire, le défaut du demandeur de déposer un affidavit personnel dans le contexte d’une demande d’immigration n’est pas fatal (Crudu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 834, au paragraphe 26), surtout lorsque, comme en l’espèce, la demande repose sur une question de droit et que les faits essentiels dont le décideur a besoin pour la trancher figurent au dossier (Emuze c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 894, au paragraphe 13).

[26]      En ce qui concerne les décisions faisant l’objet du contrôle, je considérerai que le présent contrôle judiciaire est lié au refus de procéder au réexamen des décisions contestées (les motifs de refus initiaux) sur la base qu’aucune erreur n’avait été commise. En l’absence de motifs écrits relatifs au réexamen et étant donné que les deux parties ont reconnu à l’audience que les motifs de refus initiaux sont ceux qui constituent le fondement du présent contrôle judiciaire, j’expliquerai pourquoi les décisions contestées sont déraisonnables.

B)   Les décisions de l’agent étaient déraisonnables

1)    La question de savoir si les notes du SMGC devraient ou non faire partie de la décision depuis l’arrêt Vavilov

[27]      Les demandeurs soutiennent que les notes versées dans le SMGC qui ne sont pas communiquées au demandeur ne font pas partie des motifs et ne peuvent pas servir à justifier le refus d’accorder un permis de travail. Ils font remarquer que, conformément aux paragraphes 84, 86 et 95 de l’arrêt Vavilov, les motifs écrits qui ne justifient pas la décision ne peuvent être confirmés sur la base de dossiers internes qui n’étaient pas à la disposition de la partie concernée. Les demandeurs soutiennent que les motifs contenus dans les lettres de refus délivrées en l’espèce, qui comprennent quatre points sous forme de puces, ne font pas état d’une analyse rationnelle parce qu’ils ne renvoient pas au programme ou à ses exigences particulières et qu’ils reposent plutôt sur des considérations non pertinentes, en contravention des lignes directrices fournies par IRCC.

[28]      Je ne suis pas d’accord avec les demandeurs, et je conclus que les notes versées dans le SMGC font partie des décisions contestées, comme cela a toujours été le cas avant l’affaire Vavilov et depuis (voir par exemple Ezou c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 251, au paragraphe 17, et Rabbani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 257, au paragraphe 35). Cela dit, je suis néanmoins d’accord avec les demandeurs pour dire que l’agent a tiré d’autres conclusions déraisonnables, qui sont examinées ci-dessous.

2)    Les liens familiaux et l’objet de la visite

[29]      Il était déraisonnable pour l’agent de se fonder sur a) les liens familiaux et b) l’objet de la visite des demandeurs au Canada pour conclure qu’il était peu probable qu’ils quittent le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Le programme, tel qu’il a été décrit ci-dessus, a pour objectif principal l’obtention de la résidence permanente au Canada sur la base du démarrage d’une entreprise. Par conséquent, les refus fondés sur les liens familiaux, en l’absence d’une justification raisonnable, alors que les demandes de permis de travail étaient expressément destinées à mener à une demande de résidence permanente, étaient non seulement incompatibles avec l’objet du programme, mais aussi illogiques. En effet, il s’agit d’un cas classique de double intention, ce qui est permis par le paragraphe 22(2) de la Loi. Après tout, le programme permet aux demandeurs de venir au Canada munis d’un permis de travail avant de présenter leur demande de résidence permanente, pourvu qu’ils aient un certificat d’engagement et une lettre d’appui de leur entité désignée.

[30]      Pour les mêmes raisons, l’examen par l’agent de l’objet de la visite au Canada des demandeurs était déraisonnable, car les lignes directrices d’IRCC indiquent que les permis de travail permettent aux demandeurs d’entrer au Canada et de commencer à travailler pendant le traitement de leur demande de résidence permanente (guide de présentation d’une demande, section 6.5). C’est exactement ce que les demandeurs cherchaient à faire lorsqu’ils ont présenté leurs demandes, et l’entité désignée avait déjà fait preuve de diligence raisonnable à cet égard. Si l’agent n’était pas convaincu que l’objet de leur visite au Canada était la création et le lancement d’une entreprise ou s’il estimait que les demandeurs avaient fait preuve d’un manque de diligence raisonnable, il aurait dû l’expliquer. Or, les décisions contestées ne contiennent aucune justification raisonnable des motifs de refus. Pour justifier la conclusion selon laquelle les demandeurs ne quitteraient probablement pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, le défendeur aurait pu, par exemple, présenter une preuve d’antécédents de non-conformité aux lois sur l’immigration (Gulati c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1358, au paragraphe 11; Rosenberry c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 521, au paragraphe 115). Toutefois, rien n’indique que l’un ou l’autre des demandeurs ait déjà enfreint une loi sur l’immigration et aucune justification n’a été fournie pour expliquer cette réserve.

[31]      Puisque l’agent n’a pas expliqué pourquoi il n’était pas convaincu que les demandeurs quitteraient le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, je conclus que les décisions contestées n’étaient ni logiques ni justifiées, compte tenu des paramètres du programme et des demandes de permis de travail déposées dans le cadre de celui-ci.

3)    L’emploi au Kazakhstan de M. Serimbetov (considération propre à sa demande)

[32]      Il était déraisonnable que l’agent conclue que M. Serimbetov ne quitterait probablement pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée en raison de sa situation d’emploi antérieure. Encore une fois, cette conclusion va à l’encontre de l’objet même de la demande de permis de travail, qui vise à permettre aux demandeurs de commencer à établir leur entreprise en démarrage et à rester au Canada à cette fin de façon permanente.

4)    L’incapacité à exercer l’emploi pour lequel les permis de travail ont été demandés

[33]      Je suis également d’accord avec les demandeurs pour dire que l’agent, en concluant qu’ils étaient incapables « d’exercer l’emploi pour lequel le[s] permis de travail [ont été] demandé[s] », n’a pas tenu compte de la preuve au dossier et, plus particulièrement, de la documentation provenant de l’entité désignée à l’appui de la présence immédiate des demandeurs au Canada dans le contexte de leurs permis de travail (au moyen des lettres de soutien) et de l’entreprise en démarrage (au moyen des certificats d’engagement). De plus, l’agent n’a pas expliqué pourquoi les demandeurs ne seraient pas en mesure de remplir les descriptions d’emploi énoncées à l’article 5.3 des certificats d’engagement, compte tenu de leur expérience et de leurs études.

[34]      L’agent a également conclu, pour chacun des trois demandeurs, qu’ils n’avaient pas présenté de preuve relative à leurs compétences linguistiques. Je fais remarquer que, bien que les compétences linguistiques soient exigées pour obtenir la résidence permanente dans le cadre du programme, elles ne sont pas exigées dans le cadre d’une demande de permis de travail. Certes, un agent peut considérer les compétences linguistiques dans le contexte de la capacité d’exercer le travail pour lequel le permis de travail est demandé, mais en l’espèce l’agent a simplement indiqué que les résultats des tests de l’IELTS (le système international de tests de la langue anglaise) [traduction] « ne figurent pas au dossier pour établir les compétences linguistiques requises ». L’agent parlait peut-être des résultats aux tests linguistiques exigés pour la demande de résidence permanente. En effet, les critères d’admissibilité au programme comprennent l’obtention d’une note moyenne de 5,0 aux tests de l’IELTS, ce qui n’est pas une note très élevée comparativement aux exigences d’autres programmes de résidence permanente.

[35]      J’ai deux remarques à faire au sujet des commentaires de l’agent. Premièrement, si les concepteurs du programme avaient voulu assortir la demande de permis de travail connexe à des exigences linguistiques, ils auraient facilement pu le faire, tout comme ils ont exigé que les résultats des tests de l’IELTS soient présentés avec la demande de résidence permanente. Toutefois, il n’y a aucune exigence de ce genre dans le Règlement ou dans les documents de politique sur les permis de travail (les lignes directrices générales ou le guide de présentation d’une demande).

[36]      Deuxièmement, même s’il y avait une raison précise pour laquelle un minimum de compétences linguistiques était requis dans les circonstances, par exemple pour s’acquitter des tâches requises pour commencer à travailler à l’entreprise, et pour laquelle les demandeurs n’ont pas atteint ce minimum, l’agent devait fournir une justification ou une explication dans ses décisions, à des fins de transparence. L’agent n’a fourni aucune justification ou explication et n’a pas non plus expliqué son raisonnement. Encore une fois, en fournissant le certificat d’engagement et la lettre d’appui, l’entité désignée devait déjà avoir fait preuve de diligence raisonnable à l’égard de l’entreprise en démarrage et des demandeurs.

5)    Le permis de travail dispensé d’une EIMT

[37]      Les demandeurs soutiennent qu’il était également déraisonnable de la part de l’agent de leur reprocher de ne pas avoir tenté d’obtenir une EIMT avant de demander un permis de travail dispensé d’une EIMT. Ils soutiennent qu’il s’agit là, compte tenu des conclusions globales de l’agent, d’une autre preuve que celui-ci n’a pas bien évalué l’objet du programme et des permis de travail délivrés dans le cadre de celui-ci. Les demandeurs soutiennent également que l’agent n’a pas expliqué pourquoi le code de dispense C10 n’était pas approprié, étant donné qu’IRCC a déterminé que c’est le code qui devait être utilisé dans le cadre de demandes de ce genre. Dans les notes versées au SMGC (le libellé est le même pour les trois demandeurs), l’agent a déclaré:

[traduction] Cependant, les PT dispensés d’une EIMT au titre du code C10 visent à autoriser l’entrée au Canada de personnes de renommée internationale, lorsque leur présence au Canada est cruciale pour un événement très médiatisé et lorsque les circonstances ont fait en sorte que leur entrée au pays est urgente. De plus, tous les efforts possibles pour obtenir une évaluation d’EDSC doivent être déployés avant de demander une dispense au titre du code C10. Les étrangers qui présentent une telle demande doivent fournir la preuve qu’ils apporteront une contribution importante ou appréciable à l’économie canadienne. L’avantage apporté par l’étranger doit être important, c’est-à-dire qu’il doit être considérable ou appréciable, et il doit être étayé par le témoignage d’experts crédibles, dignes de confiance et distingués qui œuvrent dans le même domaine que l’étranger, par des éléments de preuve objectifs et par les réalisations exceptionnelles antérieures du demandeur. Toutefois, la preuve et les témoignages d’experts présentés par [le demandeur en l’espèce] ne permettent pas d’établir qu’il a une renommée internationale ou une expertise dans le domaine en cause, qu’il apporterait un avantage important au Canada ou qu’il a fait des efforts pour obtenir d’abord une EIMT. Par conséquent, [le demandeur] n’est pas admissible à un PT dispensé d’une EIMT au titre du code C10.

[38]      Je fais remarquer que le guide de présentation d’une demande indique que le code de dispense C10 est le code applicable aux demandes présentées dans le cadre du programme. Par conséquent, la catégorie de permis de travail n’a pas été choisie par les demandeurs, mais plutôt par IRCC. Comme je l’ai déjà mentionné, le code C10 permet d’accorder une dispense dans la situation visée par l’alinéa 205a) du Règlement, c’est-à-dire lorsque le travail pour lequel l’étranger demande un permis de travail « permet de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents ».

[39]      Le libellé de l’alinéa 205a) du Règlement est clair: il vise les étrangers qui ont l’intention d’exercer un travail qui permet de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages économiques pour les citoyens canadiens. L’agent n’a pas expliqué pourquoi ni comment cette disposition limiterait l’entrée au Canada, comme il l’a déclaré dans les décisions contestées, aux [traduction] « personnes de renommée internationale, lorsque leur présence au Canada est cruciale pour un événement très médiatisé et lorsque les circonstances ont fait en sorte que leur entrée au pays est urgente ». De même, l’agent n’a fourni aucune justification pour limiter la définition d’un avantage [traduction] « important, c’est-à-dire qu’il doit être considérable ou appréciable, et il doit être étayé par le témoignage d’experts crédibles, dignes de confiance et distingués qui œuvrent dans le même domaine que l’étranger, par des éléments de preuve objectifs et par les réalisations exceptionnelles antérieures du demandeur ».

[40]      Les permis de travail délivrés dans le cadre du programme sont axés sur l’entreprise en démarrage. Le programme n’exige pas, comme critère d’admissibilité, que des experts de renommée internationale viennent prêter leur nom à des établissements, à des entreprises, à des productions de divertissement ou à des universités. Les demandeurs sont plutôt invités à venir au Canada pour mettre à profit leurs compétences en vue de lancer et d’exploiter une entreprise novatrice ayant reçu l’appui d’une entité désignée.

[41]      Je note en outre que, au-delà du raisonnement déraisonnable mentionné ci-dessus, même les lignes directrices du Ministère, que les agents des visas utilisent comme documents de référence, sont incohérentes. Plus précisément, le guide de présentation d’une demande indique à la section 4.1.3 que l’agent doit utiliser le code de dispense C10 (avantage important), alors que les lignes directrices générales indiquent que l’agent doit utiliser le code de dispense A75 (mesures de facilitation pour les demandeurs de certaines catégories de l’immigration économique, par exemple pour les permis de travail ouverts transitoires). Je fais remarquer qu’il serait utile qu’IRCC clarifie les incohérences quant aux codes que ses agents devraient appliquer.

[42]      D’une façon ou d’une autre, les lignes directrices (les lignes directrices générales et le guide de présentation d’une demande) indiquent clairement que le permis de travail doit être dispensé d’une EIMT. Les notes versées au SMGC, cependant, permettent de constater que l’agent n’a pas reconnu qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir une EIMT dans le cadre du programme et qu’il a appliqué le mauvais critère à l’évaluation des demandes de permis de travail. De fait, il a affirmé que [traduction] « tous les efforts possibles pour obtenir une évaluation d’EDSC doivent être déployés avant de demander une dispense au titre du code C10 ». Après tout, une demande d’EIMT serait refusée pour une entreprise qui n’a pas satisfait aux exigences minimales de recrutement et qui n’existe même pas encore. Ainsi, la déclaration de l’agent selon laquelle les demandeurs n’avaient pas fait d’efforts pour obtenir une EIMT est déraisonnable, et elle est directement liée à une autre déclaration injustifiée de l’agent concernant l’absence de constitution en société.

6)    L’absence de constitution en société

[43]      L’agent a commis une erreur en tenant compte du fait que les demandeurs n’avaient pas encore constitué leur entreprise en société. Premièrement, les trois demandes de permis de travail indiquaient que les demandeurs avaient l’intention de constituer leur entreprise en société à leur arrivée au Canada. Deuxièmement, même à l’étape de la demande de résidence permanente, il est permis aux demandeurs de constituer une entreprise après leur arrivée au Canada, pourvu qu’ils démontrent leur intention de la constituer en société après l’obtention de la résidence permanente (paragraphe 98.06(2) du Règlement).

[44]      Je fais remarquer que, contrairement aux dispositions [de l’article 98] du Règlement qui portent sur les demandes de résidence permanente présentées sous le régime du programme, ni la Loi ni le Règlement ne traitent des permis de travail délivrés dans le cadre du programme. Les énoncés de politique des lignes directrices (les lignes directrices générales et le guide de présentation d’une demande) sont les seuls qui en parlent. Le guide de présentation d’une demande autorise expressément qu’un permis de travail soit demandé même si l’entreprise n’est pas constituée en société au Canada. Voilà un autre élément qui indique que l’agent a, au mieux, mal appliqué, et, au pire, mal compris, la nature particulière des demandes et les paramètres plus généraux du programme.

7)    Le mécanisme d’examen par les pairs

[45]      Enfin, les demandeurs soutiennent qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure qu’ils ne satisfaisaient pas aux exigences du programme et qu’ils étaient incapables d’exercer le travail pour lequel les permis de travail ont été demandés sans demander un examen par les pairs, puisque cette conclusion outrepassait la compétence que lui conférait le cadre réglementaire du programme. Ils affirment que, dans le cadre du programme, les décisions sur l’admissibilité des demandeurs en tant qu’experts de l’industrie sont déléguées aux entités désignées et que les agents doivent faire preuve de retenue à l’égard de l’évaluation menée par celles-ci. Ils font valoir que, si l’agent avait des doutes quant à la diligence raisonnable ou à la validité de l’appui consenti par l’entité désignée en l’espèce, il aurait dû demander qu’un examen par les pairs soit mené en vertu de l’article 98.09 du Règlement.

[46]      Je fais remarquer que l’examen par les pairs n’est pas obligatoire. L’article 98.09 du Règlement prévoit en effet que l’agent « peut demander » qu’une évaluation indépendante soit menée par un comité d’examen par les pairs. De plus, l’agent n’est pas lié par l’évaluation de ce comité (paragraphe 98.09(4) du Règlement).

[47]      Bref, bien que le défaut de demander un examen par les pairs ne suffit pas à rendre les décisions déraisonnables en l’espèce, celles-ci sont déraisonnables pour d’autres motifs, examinés ci-dessus.

IV.   La réparation demandée (délivrance des permis de travail et dépens)

[48]      Les demandeurs ont demandé à la Cour:

i.     d’ordonner au bureau des visas de délivrer les trois permis de travail;

ii.    subsidiairement, d’ordonner au bureau des visas de procéder au réexamen des trois dossiers et de rendre une nouvelle décision à l’égard des permis de travail dans les 30 jours suivant la réception de la présente ordonnance;

iii.   de condamner le ministre aux dépens.

[49]      En ce qui concerne la première demande, comme l’a souligné le juge Gascon au paragraphe 35 de la décision Shekhtman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 964, la possibilité de rendre un verdict ordonné est « “un pouvoir exceptionnel ne devant être exercé que dans les cas les plus clairs” et lorsque l’affaire est simple et que la décision de la Cour permettrait de régler l’affaire dont la Cour est saisie » (citant Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rafuse, 2002 CAF 31, [2002] 2 C.F. F-9, au paragraphe 14). Comme il ne s’agit pas en l’espèce de l’un de ces cas, je suis d’avis de rejeter la demande de verdict ordonné des demandeurs et de renvoyer l’affaire à un autre agent.

[50]      Je suis toutefois disposé à accéder à la demande subsidiaire des demandeurs pour que les demandes de permis de travail soient traitées rapidement, compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis leur dépôt initial. Les demandeurs ont demandé qu’une nouvelle décision soit rendue dans les 30 jours à l’égard des trois demandes de permis de travail, tandis que l’avocate du défenseur a demandé un minimum de 90 jours. J’accorderai au ministre défendeur 60 jours à compter de la date du présent jugement et des présents motifs pour procéder au réexamen des dossiers en cause.

[51]      En ce qui concerne les dépens, même si les demandeurs ont gain de cause, je ne suis pas convaincu qu’il existe des raisons spéciales d’adjuger les dépens au titre de la règle 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22.

V.    Conclusion

[52]      Pour les motifs qui précèdent, je conclus que les décisions de l’agent étaient déraisonnables, et les trois demandes de contrôle judiciaire seront accueillies.

[53]      Étant donné que les décisions contestées étaient les mêmes dans les trois dossiers, qui ont été entendus simultanément, mon jugement et mes motifs s’appliquent également aux trois dossiers et, par conséquent, seront placés dans les dossiers de la Cour IMM-4055-21, IMM-4058-21 et IMM-4064-21.

JUGEMENT dans les dossiers IMM-4055-21, IMM-4058-21 et IMM-4064-21

LA COUR REND LE JUGEMENT QUI SUIT:

1.    Les demandes de contrôle judiciaire sont accueillies.

2.    Le défendeur dispose de 60 jours à compter de la date du présent jugement pour procéder au réexamen des dossiers en cause, par l’entremise d’un autre agent.

3.    Aucuns dépens ne sont adjugés.

4.    Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.

ANNEXE A

                                                                                          6

PROTÉGÉ B

Date: le 26 février 2021

IUC: 1116013151                                                             No de la demande: W305615220

                               

 

SAMAT SERIMBETOV

23-MCRG. 11 BLDG. 60

AKTAU 130000

Kazakhstan

Monsieur,

Merci d’avoir exprimé le désir de venir travailler au Canada. Après avoir examiné attentivement votre demande de permis de travail et les documents à l’appui présentés en vertu du Programme de mobilité internationale, j’ai conclu que votre demande ne satisfait pas aux exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le RIPR). Je rejette votre demande pour les motifs suivants:

·      Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada à la fin de votre séjour, comme l’exige le paragraphe 200(1) du RIPR, compte tenu de l’objet de votre visite.

·      Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada à la fin de votre séjour, comme l’exige le paragraphe 200(1) du RIPR, compte tenu de votre situation d’emploi actuelle.

·      Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada à la fin de votre séjour, comme l’exige le paragraphe 200(1) du RIPR, compte tenu de vos liens familiaux au Canada et dans votre pays de résidence.

·      Vous n’avez pas démontré que vous serez capable d’exercer adéquatement l’emploi pour lequel le permis de travail a été demandé.

·      Autres motifs: Je ne suis pas convaincu que le travail pour lequel le permis a été demandé permettrait de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages pour les citoyens canadiens et, par conséquent, vous n’êtes pas admissible à un permis de travail sans EIMT au titre du code de dispense C10 aux termes de l’alinéa 205a) du RIPR.

                IMM5621GEN (10-2017) E

7

                                                                            PROTÉGÉ B

Vous pouvez présenter une nouvelle demande si vous croyez pouvoir répondre à ces préoccupations et démontrer que votre situation répond aux exigences. Toutes les nouvelles demandes doivent être accompagnées des frais de traitement.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Ambassade du Canada

Section des visas

ul. Piekna 2/8

00-481 Varsovie

Pologne

Demande de renseignements sur la demande: https://secure.cic.gc.ca/enquiries-renseignements/case-cas-fra.aspx?mission=warsaw

www.pologne.gc.ca

www.cic.gc.ca

 

       IMM5621GEN (10-2017) E

ANNEXE B

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Disposition générale

Opérations factices

89 Pour l’application de la présente section, ne satisfait aux exigences applicables de la présente section le demandeur au titre de la catégorie de travailleur autonome ou de la catégorie « démarrage d’entreprise » qui, pour s’y conformer, s’est livré à des opérations visant principalement à acquérir un statut ou un privilège sous le régime de la Loi plutôt que :

[…]

b) s’agissant d’un demandeur au titre de la catégorie « démarrage d’entreprise », dans le but d’exploiter l’entreprise envers laquelle a été pris un engagement visé à l’alinéa 98.01(2)a).

[…]

Catégorie « démarrage d’entreprise »

Catégorie

98.01 (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie « démarrage d’entreprise » est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui satisfont aux exigences visées au paragraphe (2) et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.

Qualité

(2) Appartient à la catégorie « démarrage d’entreprise » l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

a) il a obtenu d’une ou de plusieurs entités désignées en vertu du paragraphe 98.03(1) un engagement qui date de moins de six mois au moment où la demande de visa de résident permanent est faite et qui satisfait aux exigences de l’article 98.04;

b) il a fourni les résultats — datant de moins de deux ans au moment où la demande est faite — d’un test d’évaluation linguistique approuvé en vertu du paragraphe 102.3(4) provenant d’une institution ou d’une organisation désignée en vertu de ce paragraphe qui indiquent qu’il a obtenu, en français ou en anglais et pour chacune des quatre habiletés langagières, au moins le niveau 5 selon les Niveaux de compétence linguistique canadiens ou le Canadian Language Benchmarks, selon le cas;

c) il dispose de fonds transférables, non grevés de dettes ou d’autres obligations financières, à l’exception de tout investissement fait par une entité désignée dans son entreprise, d’un montant égal à la moitié du revenu minimal nécessaire, dans les régions urbaines de 500 000 habitants et plus, selon la version la plus récente de la grille des seuils de faible revenu avant impôt publiée annuellement par Statistique Canada au titre de la Loi sur la statistique, pour subvenir pendant un an aux besoins d’un groupe de personnes dont le nombre correspond à celui de l’ensemble du demandeur et des membres de sa famille;

d) il a démarré une entreprise admissible au sens de l’article 98.06.

Limite

(3) Le nombre de demandeurs qui peuvent être considérés comme appartenant à la catégorie « démarrage d’entreprise » relativement à la même entreprise ne peut excéder cinq.

Accords avec des organisations

98.02 (1) Le ministre peut conclure avec une organisation un accord portant sur toute question liée à la catégorie « démarrage d’entreprise », notamment :

a) la formulation de recommandations et de conseils à l’intention du ministre quant à la désignation d’une entité et à la révocation d’une telle désignation;

b) l’établissement de critères, de normes de conduite et de pratiques exemplaires quant à la prise d’engagements ou à l’exercice d’autres activités, dans le cadre de la catégorie « démarrage d’entreprise », par une entité;

c) la formulation de recommandations et de conseils à l’intention du ministre quant à l’application du présent règlement en ce qui a trait à cette catégorie;

d) l’établissement de comités d’examen par les pairs visés à l’article 98.09;

e) la présentation de rapports au ministre sur les activités exercées par les entités désignées dans le cadre de cette catégorie.

Exigence

(2) Afin d’exercer les fonctions prévues aux alinéas (1)a), b), d) et e) à l’égard d’un type d’entité, l’organisation doit posséder l’expertise pertinente à ce type d’entité, selon le cas :

a) les incubateurs d’entreprises;

b) les groupes d’investisseurs providentiels;

c) les fonds de capital-risque.

Conditions

(3) L’organisation ne peut exercer les fonctions prévues au paragraphe (1) que lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a) elle se conforme aux modalités de l’accord et celui-ci reste en vigueur;

b) sous réserve des paragraphes 98.12(2) et 98.13(4), elle se conforme aux exigences prévues au paragraphe 98.12(1) et aux alinéas 98.13(2)b), c) et f) et à toute demande faite en vertu du paragraphe 98.13(3);

c) elle se conforme au présent règlement;

d) elle possède l’expertise pertinente à au moins un des types d’entités mentionnées aux alinéas (2)a) à c).

Désignation

98.03 (1) Le ministre désigne les entités visées au paragraphe 98.01(2) selon les catégories suivantes :

a) les incubateurs d’entreprises;

b) les groupes d’investisseurs providentiels;

c) les fonds de capital-risque.

Exigences

(2) Pour être désignée, l’entité doit satisfaire aux exigences suivantes :

a) elle est dotée d’une expertise reconnue pour évaluer le potentiel des entreprises et pour faciliter leur réussite au Canada dans le cadre de la catégorie « démarrage d’entreprise »;

b) elle est dotée d’une capacité reconnue pour évaluer le potentiel des entreprises et pour faciliter leur réussite au Canada dans le cadre de cette catégorie.

Conditions

(3) L’entité désignée doit respecter les conditions suivantes :

a) elle doit continuer de satisfaire aux exigences prévues au paragraphe (2);

b) elle ne prend que des engagements qui sont conformes au présent règlement;

c) sur demande du ministre, elle fournit les renseignements concernant ses activités liées à la catégorie « démarrage d’entreprise », y compris les renseignements à l’égard des étrangers envers lesquels elle a pris des engagements et des entreprises visées par ces engagements;

d) sous réserve des paragraphes 98.12(2) et 98.13(4), elle se conforme aux exigences prévues au paragraphe 98.12(1) et aux alinéas 98.13(2)b), c) et f) et à toute demande faite en vertu du paragraphe 98.13(3);

e) elle se conforme aux modalités de ses engagements et au présent règlement;

f) elle se conforme à toute loi ou tout règlement fédéral ou provincial qui s’applique au service qu’elle fournit.

[…]

Forme de l’engagement

98.04 (1) L’engagement est présenté sous une forme écrite ou électronique que le ministre juge acceptable et est fourni par une personne autorisée à lier l’entité désignée.

Frais non exigibles pour l’engagement

(2) L’engagement n’est pas conforme au présent règlement si l’entité qui l’a pris exige des frais pour examiner et évaluer la proposition commerciale ou pour évaluer l’entreprise.

Demandeurs multiples

(3) Dans les cas où il y a plus d’un demandeur relativement à un même engagement, celui-ci doit :

a) comprendre des renseignements sur chaque demandeur;

b) préciser quels sont, parmi les demandeurs, ceux que l’entité qui prend l’engagement juge indispensables à l’entreprise.

Engagement conditionnel

(4) Si plusieurs demandeurs présentent une demande fondée sur le même engagement, celui-ci peut être subordonné à la délivrance d’un visa de résident permanent à un ou plusieurs de ces demandeurs.

[…]

Entreprise admissible

98.06 (1) Pour l’application de l’alinéa 98.01(2)d), est une entreprise admissible à l’égard d’un demandeur l’entreprise :

a) dont le demandeur assure la gestion de façon active et suivie à partir du Canada;

b) dont une part essentielle des activités est effectuée au Canada;

c) qui est constituée en personne morale au Canada;

d) qui affiche une structure de partage de la propriété conforme aux pourcentages établis en vertu du paragraphe (3).

Exception — intention

(2) L’entreprise qui ne satisfait pas aux exigences prévues aux alinéas (1)a) à c) est néanmoins une entreprise admissible si le demandeur a l’intention, après s’être vu délivrer un visa de résident permanent, de faire en sorte que l’entreprise satisfasse à ces exigences.

[…]

Évaluation par les pairs

98.09 (1) L’agent peut demander qu’un engagement, que les demandeurs et entités désignés qui y sont parties et que l’entreprise admissible qui y est relative soient évalués de façon indépendante par un comité d’examen par les pairs établi en vertu d’un accord visé à l’article 98.02 par une organisation qui a une expertise à l’égard du type d’entité qui prend l’engagement.

Motifs de la demande de l’agent

(2) La demande de l’agent peut être présentée si celui-ci est d’avis qu’une évaluation indépendante serait utile au processus de demande; elle peut également être présentée de façon aléatoire.

Évaluation indépendante

(3) Le comité d’examen par les pairs se doit d’être indépendant et tient compte des normes de l’industrie.

Évaluation ne lie pas

(4) L’agent qui demande une évaluation indépendante n’est pas lié par celle-ci.

[…]

Délivrance du permis de travail

Permis de travail — demande préalable à l’entrée au Canada

200 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), et de l’article 87.3 de la Loi dans le cas de l’étranger qui fait la demande préalablement à son entrée au Canada, l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments ci-après sont établis :

[…]

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

[…]

Exceptions

(3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :

a) l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé;

[…]

Intérêts canadiens

205 Un permis de travail peut être délivré à l’étranger en vertu de l’article 200 si le travail pour lequel le permis est demandé satisfait à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

a) il permet de créer ou de conserver des débouchés ou des avantages sociaux, culturels ou économiques pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents;

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Résident temporaire

22 (1) […]

Double intention

(2) L’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

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