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A-338-91
Société Radio-Canada (requérante) c.
Conseil canadien des relations du travail, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists et Dale Goldhawk (intimés)
RÉPERTORIA' SOCIÉTÉ RADIO-CANADA C. CANADA (CONSEIL DES RELATIONS DU TRA VA/L) (CA.)
Cour d'appel, juges Pratte, Desjardins et Décary, J.C.A.—Montréal, ler avril; Ottawa, 7 mai 1992.
Relations du travail Demande de révision et d'annulation d'une décision par laquelle le CCRT a conclu que la Société avait violé l'art. 94(1)a) du Code canadien du travail en for- çant l'animateur d'une émission radiophonique nationale d'af- faires publiques à démissionner soit comme animateur soit comme président d'un syndicat après avoir écrit pour une publication du syndicat un article dans lequel il critiquait l'Ac- cord de libre-échange qui était en train d'être négocié La politique journalistique de la Société prévoit que le personnel de celle-ci doit éviter de s'identifier publiquement à des décla- rations partisanes sur des sujets controversés Le CCRT a conclu que la Société s'était livrée à une pratique déloyale de travail en violation de l'art. 94(1)a) du Code canadien du tra vail Le Conseil a respecté les limites de sa compétence en examinant la question de savoir si la Société s'était livrée à une pratique- déloyale de travail Comme la Société est, à première vue, intervenue dans l'administration du syndicat, il lui incombait de démontrer l'existence de motifs impérieux liés au service qui justifiaient ses actes Le CRTC n'assujettit pas l'octroi d'une licence à l'observation de la politique journalis- tique La décision par laquelle le Conseil a jugé que la vio lation de la politique journalistique ne justifiait pas les actes de la Société relevait de sa compétence et n'était pas manifes- tement déraisonnable.
Il' s'agit d'une demande de révision et d'annulation d'une décision par laquelle le Conseil canadien des relations du tra vail a conclu que la Société avait violé l'alinéa 94(1)a) du Code canadien du travail en forçant illégalement Dale Goldhawk, qui était journaliste à la radio de la Société, à démissionner comme président du syndicat intimé. L'ACTRA (le syndicat) s'opposait fortement à l'Accord de libre-échange canado-americain. En 1988, en sa qualité de président de l'AC- TRA, Goldhawk a écrit un article pour la publication officielle du syndicat, qui est distribuée à ses membres. Dans cet article, il attaquait l'Accord de libre-échange qui était en train d'être négocié. Le Canada était au beau milieu d'une campagne élec- torale'qui devait se conclure par des élections générales, et la question du libre-échange était au coeur du débat. Au cours de la même période, Goldhawk était l'animateur d'une émission radiophonique d'affaires publiques qui était diffusée à travers tout le pays. La question du libre-échange y était régulièrement
débattue. La Société craignait que M. Goldhawk ne viole sa politique journalistique à cause de son article et de ses inter ventions publiques en tant que président de l'ACTRA. La poli- tique journalistique prévoit que le personnel de la Société doit éviter de s'identifier publiquement à des déclarations parti- sanes sur des sujets controversés. La Société l'a obligé à démissionner comme président de l'ACTRA ou comme anima- teur de l'émission radiophonique. L'ACTRA a déposé une plainte dans laquelle elle reprochait à la Société d'avoir violé l'alinéa 94(1)a) du Code canadien du travail en intervenant illégalement dans l'administration d'un syndicat. La Société a fait valoir qu'à cause de la mission dont elle est chargée aux termes de la Loi sur la radiodiffusion-celle de fournir un ser vice national de radiodiffusion qui permette, manière rai- sonnable et équilibrée, l'expression d'opinions divergentes sur des sujets d'intérêt public —, certaines conditions devaient être respectées de manière à refléter la politique d'impartialité de la Société.
Le Conseil a conclu que la Société avait violé l'alinéa 94(1)a) en précisant que cet alinéa exige l'application d'un cri- tère objectif axé sur l'effet des mesures prises par l'employeur sur les droits légitimes des employés ou de leur syndicat. Il a conclu que Goldhawk s'était livré à une activité syndicale licite, et a statué que la Société n'avait pas de motifs impérieux liés au service de le forcer à démissionner de son poste au sein du syndicat. La Société n'a pas tenté de concilier ses préoccu- pations légitimes avec les droits syndicaux que la loi reconnaît à ses employés et elle n'a pas prouvé de façon le moindrement convaincante en quoi le fait pour M. Goldhawk de conserver son mandat syndicat au sein de l'ACTRA portait atteinte à l'image d'impartialité de la Société. La requérante a prétendu que le Conseil avait outrepassé sa compétence 1) en appliquant les dispositions du Code relatives aux pratiques déloyales de travail pour protéger des activités politiques partisanes de l'ACTRA qui étaient entièrement étrangères au processus de négociation collective; 2) en donnant une interprétation erro- née de la Loi sur la radiodiffusion sous le régime de laquelle la politique journalistique avait été établie; 3) en donnant une interprétation erronée de sa politique journalistique; 4) en don- nant une interprétation déraisonnable du paragraphe 94(1) en concluant qu'en obligeant ses journalistes à faire preuve de neutralité politique en public, la Société avait participé à l'ad- ministration d'un syndicat.
Arrêt: la demande devrait être rejetée.
Le juge Desjardins, J.C.A. (avec l'appui des juges Pratte et Décary, J.C.A.): Le Conseil a respecté les limites de sa compé- tence en examinant la question de savoir si la requérante s'était livrée à des activités syndicales illicites. Les actes de la Société constitutaient à première vue une intervention dans l'adminis- tration d'un syndicat au sens de l'alinéa 94(1)a). Il incombait donc à la Société de démontrer l'existence de motifs impérieux liés au service qui justifiaient la mesure qu'elle avait prise.
On ne sait pas avec certitude si la politique journalistique respecte le cadre de la Loi sur la radiodiffusion. Le CRTC n'a jamais assujetti l'octroi du renouvellement d'une licence de la Société à l'observation de la politique journalistique. La poli-
tique journalistique reflète une directive que la direction de la requérante donne à son personnel dans le but de respecter sa mission spéciale.
Le critère appliqué par le Conseil exigeait que l'on établisse l'existence d'un lien de causalité étroit entre le mobile de l'em- ployeur et la mesure qu'il avait prise. Le Conseil a conclu que la violation de la politique journalistique ne justifiait pas la mesure prise par la Société. La Cour ne devrait pas modifier cette décision, qui relevait de la compétence du Conseil et qui n'était pas manifestement déraisonnable.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d'Amérique qui constitue la partie A de l'annexe de la Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis, L.C. 1988, ch. 65.
Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 94(1 )a),(3)a)(i),b),e), 96.
Loi sur la radiodiffusion, L.R.C. (1985), ch. B-9, art. 3d), 30(1).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
United Steelworkers of America v. The Adams Mine, Cliffs of Canada Ltd., Manager (1982), 83 CLLC 16,001; 1 C.L.R.B.R. (N.S.) 384; [1982] O.L.R.B. Rep. 1767; Almeida c. Canada (Conseil du Trésor), [1991] 1 C.F. 266; (1990), 74 D.L.R. (4th) 674; 90 CLLC 14,045; 116 N.R. 161 (C.A.); Quan c. Canada (Conseil du Trésor), [1990] 2 C.F. 191; (1990), 90 CLLC 14,006; 107 N.R. 147 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Décision CRTC 79-320: Renouvellement des licences de réseaux de télévision et de radio de la Société Radio- Canada, 30 avril 1979 (CRTC).
DEMANDE d'annulation de la décision par laquelle le Conseil canadien des relations du travail a statué que la Société Radio-Canada a violé l'alinéa 94(1)a) du Code canadien du travail. Demande rejetée.
AVOCATS:
Roy L. Heenan et Thomas Brady pour la requé- rante.
H. Scott Fairley et Johanne Tremblay pour l'in- timé le Conseil canadien des relations du travail. Paul J. Falzone pour les intimés l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists et Dale Goldhawk.
PROCUREURS:
Heenan, Blaikie, Montréal, pour la requérante. Lang, Michener, Lawrence & Shaw, Toronto, pour l'intimé le Conseil canadien des relations du travail.
Pollit, Arnold, MacLean, Toronto, pour les intimés l'Alliance of Canadian Cinema, Televi
sion and Radio Artists et Dale Goldhawk.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: La requérante, la Société Radio-Canada («la Société»), demande la révision et l'annulation d'une décision par laquelle le Conseil canadien des relations du travail a, le 20 décembre 1990, conclu que la Société avait violé l'alinéa 94(1)a) du Code canadien du travail' (le «Code») en forçant illégalement M. Dale Goldhawk, qui était journaliste à la radio de la Société depuis de longues années, à démissionner de son poste de prési- dent du syndicat intimé.
L'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists («l'ACTRA») est un important syndicat qui oeuvre dans le domaine des arts de la scène au Canada anglais. C'est un ardent défenseur de la règle du contenu canadien applicable aux radiodiffuseurs et elle s'est fortement opposée à l'Accord de libre- échange canado-américain [Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d'Amérique qui constitue la partie A de l'annexe de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada—États- Unis, L.C. 1988, ch. 65.] («l'Accord»). Le règlement intérieur de l'ACTRA prévoit que son président est le porte-parole officiel des politiques du syndicat.
À la fin de l'été 1988, en sa qualité de président de I'ACTRA, M. Dale Goldhawk a écrit un article qui a été publié dans le numéro d'automne du journal offi- ciel du syndicat, ACTRASCOPE, qui est distribué à ses membres. Sous la rubrique «The President Reports», M. Goldhawk a pris énergiquement posi tion contre l'Accord de libre-échange que le Canada était en train de négocier avec les États-Unis. Dans
L.R.C. (1985), ch. L-2.
son article intitulé «Election brings the trade debate to a boil» (Les élections amènent le débat sur le libre- échange au point critique), il attaquait l'accord de libre-échange et invitait les membres du syndicat à faire campagne pour s'y opposer. Le pays était alors au beau milieu d'une campagne électorale qui devait se conclure par des élections générales, et la question du libre-échange était au cœur du débat. Au cours de la même période, M. Goldhawk était l'animateur de «Cross Country Checkup», une émission hebdoma- daire d'affaires publiques diffusée à travers tout le pays sur le réseau anglais de la radio de la Société Radio-Canada. La question du libre-échange y avait été régulièrement débattue.
Le public a été informé de l'existence de l'article de M. Goldhawk au début de novembre 1988 dans la chronique de Charles Lynch publiée dans l'Ottawa Citizen et le Vancouver Province. Dans sa chronique, M. Lynch, qui était membre de l'ACTRA depuis 30 ans et qui se qualifiait de [TRADUCTION] «membre mécontent», écrivait que l'ACTRA menait depuis le début de 1988 une campagne visant à faire échec à l'Accord de libre-échange. Selon lui, 1'ACTRA avait [TRADUCTION] «inondé ses membres de documents les exhortant à prendre la tête de la lutte (contre le libre- échange)». Voici en quels termes M. Lynch a parlé des postes que M. Goldhawk occupait à la Société et à l'ACTRA:
[TRADUCTION] À titre de président de l'ACTRA, il est engagé dans le débat et j'estime que les auditeurs ont le droit d'être mis au courant de ce fait au cours de la diffusion de son émis- sion et de toute autre émission la participation des membres de l'ACTRA est importante.
Il a conclu qu'il s'opposait à ce que son syndicat utilise ses fonds:
[TRADUCTION] ... pour appuyer la campagne menée contre le libre-échange en nous exhortant à déployer tous nos efforts et à nous servir de toutes nos entrées dans les média [ ... ] notam- ment en se servant abondamment des installations et des équi- pements de la Société ainsi qu'à ceux des autres réseaux.
L'existence de l'article de M. Lynch a d'abord été signalée à l'attention de M. Frame, le directeur régio- nal des actualités à la radio de la Société, par un pro- ducteur d'une station affiliée de la Société qui voulait
diffuser un reportage sur l'incident mettant en cause M. Goldhawk. La divulgation de cette information a, à son tour, mené à une série de rencontres entre M. Goldhawk et des représentants de la Société pour décider de la conduite à suivre dans les circonstances. La Société craignait que M. Goldhawk ne viole la politique journalistique de la Société par son article publié dans ACTRASCOPE, voire plus généralement par ses interventions publiques en tant que président de l'ACTRA. Plutôt que de trancher la question sur- le-champ, il a été convenu, à la suggestion de M. Goldhawk, que celui-ci se retirerait de «Cross Coun try Checkup» jusqu'après les élections. M. Goldhawk a en même temps mis fin à toutes ses interventions publiques à titre de président de l'ACTRA pour le reste de la campagne électorale.
La Société savait que M. Goldhawk était le prési- dent de l'ACTRA lorsqu'elle l'a embauché. Elle n'envisageait pas alors que cela pourrait causer un problème. M. Goldhawk n'était pas le premier prési- dent d'un syndicat à être embauché comme animateur et le problème ne s'est posé que lorsqu'il s'est publi- quement prononcé sur la question controversée. La Société ne s'est pas inquiétée de voir le syndicat prendre position sur le libre-échange, mais elle a commencé à s'inquiéter lorsqu'un membre de son équipe de journalistes est devenu le porte-parole du syndicat sur cette question 2 . Le 22 novembre 1988, sans avoir obtenu l'approbation officielle de son syn- dicat, M. Goldhawk a fait savoir à la Société qu'il était disposé à renoncer à agir comme porte-parole de l'ACTRA tout en demeurant le président pour satis- faire la Société. La Société a rejeté cette offre. Elle a jugé que M. Goldhawk était associé personnellement à une question très controversée qui serait reliée au fait qu'il occupait un poste au sein de l'ACTRA. Pour satisfaire aux exigences de sa politique journa- listique, la Société s'est dite d'avis que M. Goldhawk devait couper tous les ponts avec la direction du syn- dicat s'il voulait reprendre son poste d'animateur de «Cross Country Checkup». On l'a mis devant l'alter- native suivante: ou bien il gardait son poste à l'AC- TRA ou bien il conservait son emploi comme anima- teur de son émission, mais pas les deux. M. Goldhawk a décidé de consulter d'abord les diri- geants de son syndicat et des collègues journalistes
2 Dossier d'appel, à la p. 1329.
et, le 23 novembre 1988, il a remis sa démission comme président de l'ACTRA. Il a été peu de temps après rappelé par la Société pour animer «Cross Country Checkup».
L'ACTRA a par la suite déposé une plainte dans laquelle elle reprochait à la Société d'avoir violé les alinéas 94(1)a), 94(3)b), 94(3)e), le sous-alinéa 94(3)a)(i) et l'article 96 du Code.
Les éléments de preuve présentés au Conseil
La Société a excipé du fait qu'à cause de la mis sion unique dont elle est chargée aux termes de la Loi sur la radiodiffusion 3 , l'exercice du journalisme à la Société devrait être assujetti à certaines conditions de manière à refléter la politique d'impartialité établie depuis longtemps par la Société ainsi que les mesures prises par la Société pour éviter tout risque de parti pris ou de perception de parti pris de la part du public. Elle s'est référée à sa politique journalistique, qui se présente actuellement sous la forme d'un manuel de 129 pages dans lequel il est notamment déclaré que la politique suivie par la Société au sujet de ses émissions repose sur certains principes qui caractérisent la philosophie de la Société 4 , à savoir: a) les ondes appartiennent à tous, et chaque citoyen a le droit de connaître les principaux points de vue sur toute question d'importance; b) les ondes doivent échapper à la domination de tout individu ou groupe
3 L.R.C. (1985), ch. B-9. Voici un extrait du paragraphe 30(1):
30. (1) La Société a pour mission de fournir le service natio nal de radiodiffusion prévu à l'article 3, en se conformant aux conditions des licences qui lui sont attribuées par le Conseil et sous réserve des règlements de celui-ci. À cette fin, elle peut: [C'est moi qui souligne.]
L'alinéa 3d) est ainsi libellé:
3....
d) la programmation su système canadien de radiodiffu- sion devrait être aussi variée et diversifiée que possible et permettre, de manière raisonnable et équilibrée, l'expres- sion d'opinions divergentes sur des sujets d'intérêt public, et la programmation de chaque radiodiffuseur devrait être de haute qualité et utiliser principalement les ressources canadiennes créatrices et autres; [C'est moi qui souligne.]
Bien que cette loi ait été abrogée par L.C. 1991, ch. 11, art. 89, c'est la version de 1985 qui était en vigueur à l'époque de la décision à l'examen.
4 Dossier d'appel, à la p. 1335.
dont l'influence dépend de sa situation particulière; c) la libre circulation des idées et des opinions est l'une des principales garanties de la liberté des institutions; d) la Société garde son autorité éditoriale et l'exerce sur le contenu de toutes les émissions qu'elle diffuse; elle en a le contrôle et s'en tient responsable; e) la Société ne prend pas de position éditoriale dans sa programmation.
Pour atteindre un équilibre en matière d'équité dans le traitement des émissions d'information, la politique journalistique déclares:
Un journaliste a ses propres opinions ou partis pris. Cependant, l'application appropriée des critères professionnels empêchera le journaliste de céder à ses partis pris ou préjugés. Il est capi tal qu'il fasse son reportage de façon judicieuse et équitable. [Soulignement du Conseil.]
La politique journalistique prévoit que, pour demeurer crédibles, le personnel à l'antenne et ceux à qui la Société confie le montage, la production ou la gestion de ses émissions doivent éviter de s'identifier publiquement, de quelque façon que ce soit, à des déclarations partisanes ou à des initiatives sur des sujets controversés.
Le document précise également 6 :
Dans une société ouverte, il est essentiel que le public perçoive comme crédible une entreprise de presse et ses journalistes. La crédibilité dépend non seulement de qualités comme l'exacti- tude et l'impartialité du reportage et de la présentation, mais encore de l'abstention par l'entreprise et les journalistes de tout contact ou association qui pourrait avec raison laisser croire à leur partialité. Il faut éviter toute situation qui ferait craindre que l'entreprise ou le journaliste sont biaisés ou influencés par des groupes de pression, qu'ils soient idéologiques, politiques, économiques, sociaux ou culturels.
Dans le recrutement et l'affectation de son personnel en infor mation, l'entreprise doit tenir compte des activités ou associa tions personnelles, des opinions exprimées publiquement et des antécédents de chacun afin d'éviter qu'on perçoive, dans son champ d'activité professionnelle, du parti pris ou le risque d'influences indues. [Soulignement du Conseil.]
Le Conseil a autorisé la Société à déposer en preuve le témoignage présenté en 1977 devant le CRTC par M. Marc Thibault, qui était alors chef du
5 Dossier d'appel, à la p. 1336.
6 Dossier d'appel, à la p. 1337.
service des nouvelles à Radio-Canada. M. Thibault avait témoigné dans le contexte du référendum qui était alors à la veille de se tenir au Québec. La Société faisait l'objet de vives critiques devant le CRTC. On lui reprochait son manque de partialité et la faiblesse de ses normes journalistiques. M. Thi- bault s'était dit d'avis qu'en tant que service national de radiodiffusion, la Société se distinguait à bien des égards des entreprises privées de radiodiffusion. Ce caractère unique de la Société s'expliquait, selon M. Thibault, par la loi qui la régissait. Ainsi que M. Thi-
bault l'a expliqué:
Il est interdit, il va de soi, au journaliste de la Société de se servir des ondes pour y promouvoir ses idées ou ses options personnelles, directement ou indirectement. [Soulignement du Conseil.]
M. Thibault a témoigné au sujet de la politique éta- blie depuis longtemps par Radio-Canada et des mesures que Radio-Canada avait prises pour éviter tout risque de parti pris ou de perception de parti pris de la part du public. Il a fait état devant le CRTC de cas mettant en jeu la politique destinée à éviter toute apparence de partialité et a conclu en disant 8 :
... notre règle d'or: la perception par le public de l'impartia- lité de nos collaborateurs nous était tout aussi précieuse que cette impartialité même dans l'exercice de leurs fonctions à l'intérieur de nos émissions.
Le Conseil a également entendu des témoins que I'ACTRA a convoqués pour qu'ils commentent les politiques et les règles de déontologie journalistiques.
La décision du Conseil
À la majorité, le Conseil a conclu que la requérante avait violé les dispositions relatives aux pratiques déloyales de travail qui sont énoncées à l'alinéa 94(1)a) du Code 9 . La majorité a déclaré que, pour l'application de l'alinéa 94(1)a), il n'est pas néces- saire d'établir l'existence d'un sentiment antisyndi- cal ou l'intention de la part l'employeur de faire des distinctions injustes. Cette disposition exige l'appli-
7 Dossier d'appel, à la p. 1340.
R Dossier d'appel, à la p. 1342.
94. (I) Il est interdit à tout employeur et à quiconque agit
pour son compte:
a) de participer à la formation ou à l'administration d'un syndicat ou d'intervenir dans l'une ou l'autre ou dans la représentation des employés par celui-ci;
cation d'un critère objectif axé principalement sur l'effet des mesures prises par l'employeur sur les droits légitimes des employés ou de leur syndicat. En revanche, elle ne fait pas reposer la charge de la preuve sur l'employeur.
La majorité a conclu que M. Goldhawk se livrait à une activité syndicale licite au sens de l'article 8 du Code en signant, en sa qualité de président de son syndicat, l'article qu'il a publié dans ACTRASCOPE.
Le Conseil a exposé deux motifs pour justifier cette conclusion.
En premier lieu, il ressort de la jurisprudence du Conseil que les déclarations faites aux médias par les dirigeants syndicaux s'inscrivent dans l'administra- tion des syndicats et dans la représentation de leurs membres. Toutefois, ce droit n'est pas absolu et com- porte certaines limites, qui sont fonction des circons- tances de chaque espèce. L'article de M. Goldhawk a été publié dans le bulletin d'information du syndicat et était destiné à un nombre de lecteurs limité au sein du syndicat. Il semble raisonnable de supposer que le Code autorise à tout le moins le président d'un syndi- cat à dire oralement ou par écrit à ses troupes ce qu'il peut dire au grand publiclo. De plus, l'article de M. Goldhawk a été publié dans un bulletin syndical des- tiné aux membres du syndicat dans le contexte d'une campagne visant à recueillir leur appui à l'égard d'une position prise officiellement par le syndicat. Juger autrement reviendrait à remettre en question le droit même du syndicat d'avoir adopté cette position, argument qui n'avait même jamais été soulevé devant le Conseil".
En second lieu, se fondant sur l'article 3 de la «Convention 87 de l'Organisation internationale du travail concernant la liberté syndicale et la protec tion du droit syndical» mentionnée dans le préambule du Code, la majorité a conclu que lorsqu'un syndicat juge qu'une politique économique du gouvernement, comme le libre-échange, est dangereuse ou avanta- geuse pour ses membres, la parution dans une publi cation syndicale d'un article sur ce sujet est une acti- vité syndicale licite au sens du Code. Elle a déclaré 12 :
1 ° Dossier d'appel, à la p. 1363. Dossier d'appel, à la p. 1373. 12 Dossier d'appel, à la p. 1384.
Pour la majorité, l'article de M. Goldhawk était lié aux intérêts des membres du syndicat dans leur ensemble: rien dans ses dires n'était téméraire, ni malveillant au point de le priver de la protection du Code. Pour reprendre les termes mêmes de l'Or- ganisation internationale du travail, il n'a pas «dépassé les limites admissibles de la polémique», ce qui signifie de toute évidence que les publications syndicales peuvent porter à polé- mique.
La majorité a rejeté l'argument de la Société sui- vant lequel sa politique journalistique constituait une justification valable de la décision qu'elle avait prise au sujet de M. Goldhawk. La majorité a reconnu que la Société avait l'intention légitime de protéger son intégrité et son impartialité en se dotant d'une poli- tique journalistique qu'elle a qualifiée de code de conduite interne 13 . Son application particulière devrait pourtant être compatible avec les obligations légales auxquelles le Code assujettit la Société 14 . La majorité a déclaré 15 :
Supposons, pour les fins du raisonnement, que la Société pour- rait—fût-ce indirectement—décider du contenu d'un bulletin syndical. D'après la jurisprudence du Conseil, la Société devrait quand même justifier ses actes en invoquant des motifs commerciaux impérieux pour échapper à l'alinéa 94(1)a). En outre, il faudrait qu'elle convainque le Conseil que, dans le contexte de la présente affaire, la décision de laisser M. Goldhawk conserver son poste à ACTRA après le 22 novembre tout en continuant à travailler sur les ondes de la Société aurait eu de si terribles répercussions sur l'image de la Société comme service national de radio-diffusion et sur son obligation de fournir une information équilibrée pour justifier l'exigence de la démission de M. Goldhawk d'ACTRA. Enfin, la Société devrait démontrer que les faits ayant entouré sa déci- sion de demander à M. Goldhawk de démissionner de son poste de président d'ACTRA justifiaient pleinement sa déci- sion, compte tenu de ses conséquences.
ACTRA a de toute évidence le droit de désigner librement les personnes chargées d'agir en son nom. La décision de la Société a virtuellement forcé ACTRA à adapter ses règles internes de fonctionnement à la politique journalistique et à se réorganiser. Si l'unité de négociation représentée par ACTRA n'avait été composée que de journalistes de la radio et de la télévision, ACTRA aurait tout simplement été paralysée. En l'espèce, et même si ACTRA pouvait fonctionner autrement, son droit très clair de choisir son dirigeant a été sérieusement miné par le geste de la Société. Dans le passé, la Société a uti- lisé d'autres moyens, tels qu'une divulgation en ondes, pour garantir le droit du public à l'impartialité des journalistes. Sur- tout, nous ne voyons pas en quoi la démission forcée de M.
13 Dossier d'appel, à la p. 1387.
14 Dossier d'appel, à la p. 1381.
t 5 Dossier d'appel, aux p. 1382 et 1383.
Goldhawk a pu moindrement le dissocier plus qu'auparavant d'une question controversée. Certains pourraient même soute- nir que M. Goldhawk a été sacrifié sur l'autel du libre-échange, et qu'en ce sens il demeure associé de très près à cette ques tion, sans égard à sa démission comme président du syndicat.
En ce qui concerne l'effet de la décision de la requérante, la majorité a également fait observer 16 :
La décision que la Société a prise à l'égard de M. Goldhawk a eu pour effet d'empêcher un de ses journalistes d'être président d'ACTRA, dans la mesure la présidence implique le devoir d'agir comme porte-parole du syndicat. Par définition, le devoir de porte-parole expose quiconque l'exerce à s'engager dans des polémiques de toutes sortes, ou à y être mêlé. Si le respect de la politique journalistique exige de ne jamais être mêlé publiquement à une affaire controversée, même à titre de dirigeant syndical, alors il devient quasi impossible, devant une application aussi large, de concilier cette politique et la liberté fondamentale des syndicats de choisir leurs dirigeants et d'adopter leurs propres statuts et règlements. Avec respect, c'est même une violation du Code (Association des employeurs maritimes, supra). Le droit que la loi reconnaît à l'employeur de diriger son entreprise ne peut être interprété si largement qu'il lui permette de porter directement atteinte aux droits tout aussi reconnus par la loi qu'ont les employés d'ad- ministrer leur syndicat sans ingérence.
Elle a ajouté 17 :
En l'absence de dispositions législatives indiquant clairement le contraire, nous concluons que le Code donne aux employés de la Société et à leurs syndicats les mêmes droits que ceux qu'il donne aux employés des autres employeurs assujettis aux mêmes dispositions.
Au sujet de l'équilibre à faire entre les intérêts divergents légitimes en présence et de l'application du critère de la mise en équilibre, la majorité a déclaré 18 :
Enfin, après avoir étudié toute la preuve, nous concluons que la Société n'avait pas de motif impérieux de demander à M. Goldhawk de démissionner d'ACTRA s'il voulait conser- ver son emploi d'animateur de «Cross Country Checkup». Les cas passés invoqués par la Société ne démontrent pas que la Société ait jamais tenu compte des droits conférés par le Code. En exigeant que M. Goldhawk démissionne carrément d'AC- TRA, la Société n'a pas tenté de concilier ses préoccupations légitimes avec les droits syndicaux de ses employés, pourtant reconnus par le Code et tout aussi légitimes. Enfin, la Société n'a pas prouvé de manière le moindrement convaincante en quoi le fait pour M. Goldhawk de conserver son mandat syndi- cal au sein d'ACTRA après le 22 novembre 1988 portait atteinte à l'image d'impartialité de Radio-Canada, surtout quand on sait qu'ACTRA n'a pas changé d'opinion sur le
16 Dossier d'appel, à la p. 1385.
17 Dossier d'appel, à la p. 1386.
18 Dossier d'appel, aux p. 1387 et 1388.
libre-échange et qu'elle demeure l'agent négociateur d'un grand nombre de journalistes de la Société, dont M. Goldhawk.
La membre dissidente en est venue à une conclu sion différente. Elle s'est notamment dissociée de la majorité sur la question de savoir ce qui constitue une intervention dans les activités d'un syndicat. Elle a estimé qu'il n'y avait pas eu d'intervention de ce genre. Selon elle, la protection accordée par les dis positions du Code relatives aux pratiques déloyales de travail ne s'étend pas à toutes les activités licites des syndicats. À son avis, le mandat du Conseil vient exclusivement du Code et se limite aux questions liées au régime de négociation collective prévu par le Code et à la relation globale entre le syndicat, en tant qu'agent négociateur exclusif des employés, et l'em- ployeur. La question du libre-échange intéressait le gouvernement du Canada, les partis politiques et l'électorat canadien. Le débat sur le libre-échange n'était pas à l'ordre du jour des discussions entre l'ACTRA et la Société dans le contexte de leur rela tion de négociation collective ou dans le contexte global des relations de travail. Les activités liées à cette question de nature politique auxquelles l'AC- TRA ou ses dirigeants se sont livrés ne peuvent donc pas bénéficier de la protection des dispositions du Code relatives aux pratiques déloyales de travail.
Thèse de la requérante
La requérante prétend que le Conseil a outrepassé sa compétence 1) en appliquant les dispositions du Code relatives aux pratiques déloyales de travail pour protéger des activités politiques partisanes de l'AC- TRA qui étaient entièrement étrangères au processus de négociation collective; 2) en donnant une interpré- tation erronée des dispositions de la Loi sur la radio- diffusion sous le régime desquelles la politique jour- nalistique avait été établie, en ne tenant pas compte des dispositions en question ou en ne les appliquant pas; 3) en donnant une interprétation erronée de sa politique journalistique, laquelle constituait un des fondements essentiels de sa défense; 4) en donnant une interprétation déraisonnable des dispositions du paragraphe 94(1) du Code en concluant qu'en obli- geant ses journalistes à faire preuve de neutralité politique en public, la Société avait participé à la for mation ou à l'administration d'un syndicat ou était intervenue dans sa formation ou son administration.
La requérante soutient essentiellement qu'elle a élaboré sa politique journalistique pour s'acquitter de la mission spéciale dont elle est chargée aux termes du paragraphe 30(1) de la Loi sur la radiodiffusion et qu'à chaque renouvellement de la licence de la Société, le CRTC examine comment la Société s'est acquittée de sa mission en tenant compte des recom- mandations déjà formulées. Le Conseil n'a pas donné effet aux obligations légales de la requérante étant donné qu'il n'a tenu compte que des «droits de la direction» comme fondement possible des limites apportées aux activités syndicales. Il a qualifié à tort la politique journalistique de simple code de conduite interne de la Société visant à aider celle-ci à être per- çue comme un service impartial de radiodiffusion. La requérante prétend en outre que le Code ne s'ap- plique pas à toutes les activités qu'un syndicat peut légalement entreprendre, mais uniquement aux acti- vités qui se rapportent à l'organisation des employés en vue de la négociation collective avec leur employeur et aux négociations et à l'application des conventions collectives conclues entre les employeurs et les syndicats. L'intimé Goldhawk a violé la politique journalistique de la requérante en adoptant publiquement une position partisane sur une question politique controversée qui n'avait absolu- ment rien à voir avec un aspect quelconque de la négociation collective entre la requérante et le syndi- cat dont il était le président et le porte-parole officiel. Sa prise de position partisane était une question qui débordait manifestement le cadre du Code. La déci- sion United Steelworkers of America v. The Adams Mine, Cliffs of Canada Ltd., Manager 19 et l'arrêt Almeida c. Canada (Conseil du Trésor) 20 ont tous les deux été cités à l'appui de cette thèse.
Analyse
Le Conseil a respecté les limites de sa compétence en examinant la question de savoir si la requérante s'était livrée à des activités syndicales déloyales. Le fait de forcer le président d'un syndicat à démission- ner à cause de déclarations faites en sa qualité de pré- sident et de porte-parole de ce syndicat peut raisonna- blement être considéré à première vue comme une intervention dans l'administration d'un syndicat au sens de l'alinéa 94(1)a) du Code canadien du travail.
19 (1982), 83 CLLC 16,011 (C.R.T. Ont.).
20 [1991] 1 C.F. 266 (C.A.).
Dans ces conditions, et conformément au critère déjà posé par le Conseil dans ses décisions, c'est à la Société qu'il incombait, pour pouvoir échapper à l'alinéa 94(1)a), de démontrer l'existence de motifs impérieux et légitimes qui étaient liés au service et qui justifiaient la mesure qu'elle avait prise.
La requérante prétend qu'elle n'avait d'autre choix que d'adopter la ligne de conduite qu'elle a suivie en raison de la mission spéciale dont elle est chargée aux termes de la Loi sur la radiodiffusion. Même s'il est vrai que le CRTC a formulé des commentaires au fil des ans—et à nouveau en 1979, au moment du renou- vellement de la licence de radiodiffusion de la Société 21 —au sujet des efforts déployés par la Société pour s'acquitter de sa mission, on ne sait pas avec certitude si, telle qu'elle est formulée, la poli- tique journalistique de Radio-Canada respecte le cadre de la Loi sur la radiodiffusion. De plus, le CRTC n'a jamais assujetti l'octroi du renouvellement d'une licence de la Société à l'observation de la poli- tique journalistique. Le plus qu'on puisse dire au sujet de la politique journalistique est qu'elle reflète une directive que la direction de la requérante donne à son personnel dans le but de respecter sa mission spéciale.
Le critère appliqué par le Conseil exige ensuite que l'on établisse l'existence d'un lien de causalité étroit entre le mobile de l'employeur et la mesure qu'il a prise. En l'espèce, les motifs avancés par la Société, à savoir la violation de sa politique journalistique, ont été analysés par le Conseil qui a conclu, à la majorité,
21 Voir la décision CRTC 79-320 rendue le 30 avril 1979 par le CRTC au sujet du «Renouvellement des licences de réseaux de télévision et de radio de la Société Radio-Canada», aux p. 71 et 72:
RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS
Objectivité dans les émissions d'information et d'affaires publiques
Le public doit pouvoir compter sur son service national de radiodiffusion pour une présentation complète et impartiale des événements nationaux et internationaux, grâce à un ser vice d'émissions d'affaires publiques et d'informations diversifié et objectif, aussi bien à la radio qu'à la télévision. Il doit également avoir l'impression qu'il a accès et est entendu par ceux qui produisent et gèrent des émissions de la Société. Nous recommandons à la Société de poursuivre ses efforts dans ce sens et à cette fin, de faire un effort sup- plémentaire pour améliorer ses rapports avec le public cana- dien.
qu'elle ne justifiait pas la mesure prise par la Société. Que je sois ou non d'accord avec l'opinion de la majorité, j'estime qu'il lui était loisible d'en venir à cette conclusion, qui n'a pas été tirée de façon mani- festement déraisonnable.
Les deux décisions citées par la requérante n'ont aucun rapport avec la question qui nous est soumise et qui concerne le président d'un syndicat et son employeur. La première, l'arrêt Almeida c. Canada (Conseil du Trésor) 22 , portait sur la nature des mes sages reproduits sur des macarons que le personnel portait dans l'établissement de l'employeur. Cet arrêt et l'arrêt Quan c. Canada (Conseil du Trésor) 23 , qui a fait l'objet de commentaires dans l'arrêt Almeida, appuient le principe que la nature du message diffusé a rapport avec la question de savoir si le fait de porter de tels macarons constitue une activité licite protégée par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [L.R.C. (1985), ch. P-35]. La seconde déci- sion, la décision United Steelworkers of America v. The Adams Mine, portait sur des activités politiques exercées par des syndiqués dans les locaux de l'em- ployeur. La Commission des relations de travail de l'Ontario s'est déclarée incompétente pour entendre l'action intentée par le syndicat contre l'employeur, qui avait interdit la sollicitation sur la propriété de la compagnie, étant donné que la Commission s'est dite d'avis que, eu égard, aux circonstances de cette affaire, le lien entre les activités et le processus de négociation était trop indirect, voire inexistant. Les deux décisions concernaient des questions de compé- tence sous le régime de lois du travail. Elles ne por- taient pas sur la mise en équilibre d'intérêts légitimes divergents.
Pour tous ces motifs, je rejetterais la présente requête.
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: Je suis du même avis.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: J'ai eu le privilège de lire les motifs de jugement rédigés par ma collègue, le juge Desjardins, J.C.A. Je souscris à sa conclusion.
22 [1991] 1 C.F. 266 (C.A.).
23 [1990] 2 C.F. 191 (C.A.).
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